Les Amphibiens Et Les Reptiles Des Collines Montérégiennes : Enjeux Et Conservation
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Tiré-à-part Les amphibiens et les reptiles des collines montérégiennes : enjeux et conservation Martin Ouellet, Patrick Galois, Roxane Pétel et Christian Fortin Volume 129, numéro 1 – Hiver 2005 Pages 42-49 HERPÉTOLOGIE Les amphibiens et les reptiles des collines montérégiennes : enjeux et conservation Martin Ouellet, Patrick Galois, Roxane Pétel et Christian Fortin Ces montagnes étrangères à leur environnement, chants (Richard et Bédard, 1999). Lors de la visite de Jacques étrangères aux montagnes elles-mêmes. Cartier sur le mont Royal en 1535, plus de 1 500 Iroquoiens Jean O’Neil, 1999 habitaient le village d’Hochelaga situé à sa base. De nos jours, cet îlot dans l’île est fréquenté annuellement par plus de trois Introduction millions de personnes (Centre de la Montagne, 1999), ce qui En raison de leur situation géographique, de leur n’est pas sans conséquence. superfi cie et de la diversité des habitats qu’elles présentent, les La plaine montérégienne au sud de Montréal est collines montérégiennes constituent des havres uniques de quant à elle dominée par cinq autres collines : les monts biodiversité dans le sud-ouest du Québec. Ces collines pos- Saint-Bruno, Saint-Hilaire, Saint-Grégoire, Rougemont sèdent d’ailleurs une faune herpétologique très diversifi ée et Yamaska. Ces « refuges verts » évoluent dans un paysage et servent de « refuges » à de nombreuses espèces d’intérêt. dominé par l’agriculture intensive et l’urbanisation crois- Ce sont cinq des six espèces d’amphibiens désignées ou sus- sante. Les monts Brome et Shefford suivent ensuite, dans les ceptibles d’être désignées « menacées » ou « vulnérables » au Cantons-de-l’Est, dans un décor beaucoup plus naturel. La Québec qui se trouvent sur ces collines. Or, comment se fait-il plus orientale et la plus haute des collines, le mont Mégantic, que certaines populations de grenouilles et de salamandres complète enfi n le tableau avec ses 1 105 m d’altitude et son soient disparues de ces oasis dans les dernières décennies ? Il célèbre observatoire astronomique de recherche. Malgré semble bien que l’isolement croissant et l’assèchement des leurs différences, toutes les Montérégiennes possèdent milieux humides constituent des menaces sérieuses à l’inté- encore un très riche patrimoine faunique et fl oristique en ce grité écologique de ces écosystèmes. La protection de zones début de XXIe siècle. Mais pour combien de temps encore ? tampons et de corridors de conservation pourrait peut- être aider à renverser la vapeur. OUELLET OUELLET Les collines montérégiennes Les collines monté régiennes regroupent dix MARTIN MARTIN massifs formés de roches ignées intrusives qui se sont mis en place il y a environ 125 millions d’années, au cours du Crétacé. Elles se répartissent sur plus de 200 km, des collines d’Oka dans les Basses-Laurenti- des au mont Mégantic dans les Appalaches (fi gure 1). Géologiquement, ce sont des reliefs d’érosion et non des reliefs construits comme dans le cas des volcans. Ces roches ignées intrusives sont issues de magmas qui n’ont jamais atteint la surface et qui se sont refroidis lentement dans des fractures ouvertes au sein de roches beaucoup plus vieilles, principalement sédimentaires (Landry, 1999). Par la suite, une longue période d’éro- sion a fait son œuvre en enlevant la couverture de roches sédimentaires, mettant au jour les roches intrusives plus résistantes et donnant ainsi naissance au chapelet Le mont Mégantic, une colline Une colline mal apprivoisée : des collines montérégiennes que nous connaissons encore sauvage ! le mont Royal aujourd’hui. Nul doute que la colline la plus connue et la plus Martin Ouellet est médecin vétérinaire, herpétologiste et longtemps courtisée fut le mont Royal qui s’élève à 233 m chercheur consultant en environnement. Patrick Galois est biologiste et chercheur consultant spécialisé en herpétologie. d’altitude en plein cœur du centre-ville de Montréal. Il y a Roxane Pétel est technicienne en écologie et étudiante en 6 000 ans, certaines pierres du mont Royal étaient déjà uti- biologie. Christian Fortin est biologiste spécialisé en écologie lisées par les Amérindiens pour la fabrication d’outils tran- animale chez FORAMEC. 42 LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA 43 HERPÉTOLOGIE 74°W 73°W 72°W 71°W Agglomération urbaine d'importance ¯ Québec Frontière Canada - États-Unis 46°N 46°N Drummondville Mont Saint-Bruno Collines d'Oka # # # Montréal Mont Saint-Hilaire Mont Royal # Mont Mégantic # Mont Rougemont # # Mont Yamaska Sherbrooke Mont Saint-Grégoire # # Mont Shefford # Mont Brome 45°N 45°N 74°W 73°W 72°W 15 0 15 30 km 71°W Figure 1. Localisation des dix collines montérégiennes Projet d’herpétologie comparée terrain. Avec toutes les autorisations et les permis requis, ces Ce projet a commencé modestement en 1997, au inventaires sont effectués durant la journée et parfois jus- mont Saint-Hilaire, et s’est étendu depuis à l’ensemble des qu’à très tard dans la nuit, entre les mois de mars et octobre. collines montérégiennes. L’objectif initial était d’établir L’écoute des chants de reproduction des anoures, la mise en la liste des amphibiens et des reptiles se trouvant sur cette place d’abris artifi ciels (bardeaux d’asphalte), l’utilisation colline et d’acquérir de l’information de base sur la santé de seines modifi ées et l’installation de clôtures de déviation de ses populations (abondance, prévalences de maladies et avec des pièges-fosses sont autant de techniques qui viennent taux de malformations). Par la suite, nous avons commencé compléter notre arsenal d’échantillonnage. Chaque animal à comparer la richesse spécifi que de l’herpétofaune entre les capturé est examiné, mesuré et quelquefois photographié différentes Montérégiennes et avec les mentions historiques avant d’être relâché sur place. Toutes nos observations sont par le biais de spécimens de musée, d’articles scientifi ques géoréférencées et compilées sur des fi ches standardisées. Des et de banques de données fi ables. Nous voulons maintenant précautions sont prises afi n d’éviter le transport d’agents comprendre et tenter d’expliquer les causes du déclin de infectieux entre chaque colline (Carey et al., 2003) et tous les certaines populations et identifi er les menaces qui pèsent objets déplacés lors de nos fouilles sont systématiquement actuellement sur l’ensemble des espèces présentes. Nous replacés afi n de ne pas modifi er les microhabitats (Goode sommes à produire, avec différents intervenants et groupes et al., 2004). locaux de conservation, des cartes de la répartition actuelle Résultats généraux des amphibiens et des reptiles afi n de mieux planifi er des activités concertées de conservation et d’éducation (Bastien Du point de vue de l’herpétologie, nos travaux révèlent et al., 2002 ; Ouellet et Galois, 2003a, 2003b, 2004 ; Fortin et al., jusqu’à maintenant que sept des dix collines montérégiennes 2005). Des inventaires herpétologiques ont été effectués jus- abritent dix des onze espèces de grenouilles du Québec, huit qu’à maintenant dans sept des dix collines montérégiennes. des dix espèces de salamandres, quatre des huit espèces de En 2005, nous allons poursuivre nos différents travaux en couleuvres et trois des huit espèces de tortues d’eau douce plus d’entreprendre de nouvelles recherches dans les collines (tableau 1). Cela représente donc 25/37 (68 %) des espèces d’Oka et dans les monts Brome et Shefford. herpétofauniques qui sont présentes en territoire québécois, en excluant la tortue luth (Dermochelys coriacea) qui fré- Méthodologie quente les eaux salées du golfe du Saint-Laurent. Parmi ces Les amphibiens et les reptiles sont principalement espèces, trois sont désignées « préoccupantes » par le Comité inventoriés par des recherches actives et standardisées sur le sur la situation des espèces en péril au Canada. Au Québec, 42 LE NATURALISTE CANADIEN, VOL. 129 No 1 HIVER 2005 43 HERPÉTOLOGIE Tableau 1. Liste préliminaire des espèces d’amphibiens et de reptiles trouvées sur sept des dix collines montérégiennes avec statut au niveau fédéral et provincial. Les sept collines inventoriées sont les monts Royal, Saint-Bruno, Saint- Hilaire, Saint-Grégoire, Rougemont, Yamaska et Mégantic. Espècesa Gouvernement du Québec COSEPAC 2004 Nom scientifi que Nom français 2004 ANOURES Bufo americanus Crapaud d’Amérique – – Hyla versicolor Rainette versicolore – – Pseudacris crucifer Rainette crucifère – – Pseudacris triseriata Rainette faux-grillon de l’Ouest – Vulnérable Rana catesbeiana Ouaouaron – – Rana clamitans Grenouille verte – – Rana palustris Grenouille des marais – Susceptible d’être désignée Rana pipiens Grenouille léopard – – Rana septentrionalis Grenouille du Nord – – Rana sylvatica Grenouille des bois – – URODÈLES Ambystoma lateraleb Salamandre à points bleus – – Ambystoma maculatum Salamandre maculée – – Desmognathus fuscus Salamandre sombre du Nord – Susceptible d’être désignée Eurycea bislineata Salamandre à deux lignes – – Gyrinophilus porphyriticus Salamandre pourpre Préoccupante Susceptible d’être désignée Hemidactylium scutatum Salamandre à quatre orteils – Susceptible d’être désignée Notophthalmus viridescens Triton vert – – Plethodon cinereus Salamandre cendrée – – SQUAMATES Diadophis punctatusc Couleuvre à collier – – Lampropeltis triangulum Couleuvre tachetée Préoccupante Susceptible d’être désignée Storeria occipitomaculata Couleuvre à ventre rouge – – Thamnophis sirtalis Couleuvre rayée – – TESTUDINES Chelydra serpentina Tortue serpentine – – Chrysemys picta Tortue peinte – – Graptemys geographica Tortue géographique