La Princesse, 1886-1973
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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR HISTOIRE Les Secrets du Gotha (Julliard, 1962). George III (Berger-Levrault, 1966). Service de France (Émile-Paul, 1972). Histoire de l'Émigration (Grasset, 1975 et réédition Perrin, 1984). Couronné par l'Académie française - Prix du Nouveau Cercle. Necker ou la faillite de la vertu (Perrin, 1978) - Prix du Cercle de l'Union. Madame de Staël (Perrin, 1983) - Bourse Goncourt de la biographie — Grand Prix des Lectrices d'Elle. EN COLLABORATION AVEC ROBERT GROUVEL Échec à Bonaparte (Perrin, 1980) - Couronné par l'Académie fran- çaise. ESSAIS Le tour de Jules Verne en quatre-vingts livres (Julliard, 1969) - Prix de l'Académie de Bretagne. Le Gentilhomme de notre temps (Hachette-Littérature, 1972). ROMANS Iphigénie en Thuringe, nouvelles (Julliard, 1960). Un joli train de vie (Julliard, 1962) - Prix Cazes. Le Grand Mourzouk (Julliard, 1969). MONOGRAPHIES D'ARTISTES Favre de Thierrens (Émile-Paul, 1964). Ferdinand Bac (Librairie Clavreuil, 1979). Philippe Jullian (Librairie Touzot, 1980). GHISLAIN DE DIESBACH LA PRINCESSE BIBESCO 1886-1973 Librairie Académique Perrin 8, rue Garancière P La loi du 11 mars 1957 n'autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou par- tielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa I de l'article 40).. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. © Librairie Académique Perrin, 1986 ISBN 2-262-00394-7 A Claudia Verhesen REMERCIEMENTS Dans un de ses Carnets, Marthe Bibesco notait, à propos de son œuvre : « Les gens disent fièrement : " Moi, je ne dois rien à personne ! " Eh bien, moi, je dois tout à tout le monde ! » Il en est un peu de même pour ce livre qui doit beaucoup et à beaucoup de personnes dont l'aide m'a été précieuse. Aussi ma gratitude va-t-elle tout d'abord à Mlle Verhesen qui, avec une patience jamais lassée, a entrepris et mené à son terme la tâche de déchiffrer le Journal de Marthe Bibesco, soit environ deux cents agendas, cahiers ou carnets. Le premier de ces agendas lui avait été offert en 1908 par son cousin Emmanuel Bibesco qui, jusqu'à sa propre mort, en 1917, avait renouvelé chaque année ce cadeau symbolique au- quel Marthe attachait une grande importance. Dans la suite, des amis lui avaient offert des agendas similaires, mais lorsque l'année se révélait particulièrement riche en événements, Marthe utilisait d'autres agendas, voire de simples carnets ou des livres de comptes, certains d'un millésime autre que celui de l'année en cours, ce qui n'était guère propre à faciliter le travail de transcription. La plupart de ces agendas ont été conservés, et constituent, malgré leur forme souvent elliptique, leurs redites, leurs obscurités, une base biographique infini- ment plus sûre que la correspondance de Marthe Bibesco avec l'abbé Mugnier dans laquelle omissions et embellissements déforment parfois la vérité. Dans cette longue entreprise, Mlle Verhesen a été elle-même aidée par Mlle Yvonne Wetten dont la parfaite connaissance de l'anglais lui a permis d'établir le texte des passages écrits ' dans cette langue, qui fut pour Marthe Bibesco celle du cœur. Je dois remercier aussi Mlle Hélène Bourgeois, alors direc- trice de la Librairie Académique Perrin, qui s'est vivement intéressée à ce projet, et la famille de Marthe Bibesco : son petit-fils, le Brigadier Prince John Ghika, ses nièces, la prin- cesse Philippe Bibesco, Mme Wibaux et la princesse Kretzu- lesco, ses neveux, MM. Paul Lahovary et Vlad Lahovary. Je suis particulièrement reconnaissant à M. Michel Robida d'avoir mis ses papiers personnels à ma disposition, à Sir Pe- ter G. Masefield qui a bien voulu me laisser lire sa biographie, encore inédite, de Lord Thomson of Cardington, To catch the sunlight, à laquelle j'ai fait pour certains chapitres de larges emprunts, et aussi à M. Marc Landstrofer pour la communi- cation d'un cahier journal de Sherban Sidery. Enfin je remercie pour leur aimable accueil ou leur témoi- gnage écrit, la conservation du Département des manuscrits à la Bibliothèque nationale de Paris, le comte Louis de Beau- champ, feu le prince de Beauvau-Craon, Mme la générale Bé- thouart, S. Exc. le comte Robert de Billy, S. Exc. M. Muharrem Nuri Birgi, le docteur A. Camelin, S. Exc. M. Caranfil, M. Jean Chalon, la comtesse René de Chambrun, Mme L. de Charnacé, M. Jean-Claude Farjas, le prince Alexandre Ghika, le regretté Alfred Fabre-Luce, Mme Paul Ghali, M. le professeur Gouyard, Mlle Jacqueline Joubert, M. Jean-Jacques Journet, feu Renaud de Jouvenel, MM. Jean- Claude Lachnitt, Paul Lorenz, Mac Avoy, Bernard Minoret, S. Exc. M. Léon Noël, M. John Phillips, M. le professeur Raybaud, Mme René Mayer, la baronne Élie de Rothschild, M. Robert de Saint Jean, M. Georges Sion, secrétaire perpé- tuel de l'Académie royale de Belgique, S. Exc. M. Pierre Si- raud, le prince Mihail-Dimitri Sturdza, M. Henning von Wistinghausen, Mme Manuel de Yturbe, S. Exc. M. François de Ziegler. G. D. CHAPITRE PREMIER L'usage du pouvoir absolu pèse sur l'âme jusqu'à la dixième génération et au-delà. Marthe BIBESCO Le Voïvode témoignait du regret de n'avoir pas des Français à gouverner. Jean-Claude FLACHAT Un royaume paysan Une capitale, sans doute, mais en fait un amalgame de vil- lages qui semblent venus se réfugier auprès d'églises miracu- leusement protégées des invasions, des incendies et des tremblements de terre dont, depuis des siècles, l'histoire de Bucarest ne cesse de se faire et de se défaire. De cet enche- vêtrement de ruelles, de parcs à l'abandon et de places in- formes émergent des bâtiments publics, rigides et froids, plus conformes au goût du souverain, Carol I qu'aux besoins du pays où l'administration, en dépit de ce Hohenzollern austère, reste à l'image de la rue : un désordre dont chacun s'efforce de tirer profit. Pour l'Européen débarqué de l'Orient-Express, la capitale de la Roumanie offre, du printemps à l'automne, l'aspect d'une foire permanente où les couleurs les plus criardes, les sons les plus discordants, les odeurs les plus rebutantes et enfin la pro- miscuité la plus vulgaire lui font aussitôt souhaiter l'abri d'un bon hôtel, le silence et la pénombre d'un salon pour y retrou- ver, avec le Times et le Gaulois, la civilisation laissée derrière soi. Au-dehors, c'est la vie dans ce qu'elle a de plus misérable et de plus pittoresque, une existence primitive grouillant dans ces rues fangeuses, au tracé capricieux, bordées de masures devant lesquelles des enfants au crâne rasé disputent leur nourriture aux chiens. Ces rues sont égayées d'échoppes dont les enseignes peinturlurées s'entrechoquent sous les rafales de vent tandis que de bouges obscurs, au fond desquels des ombres boivent de l'eau-de-vie en jouant aux cartes, s'élèvent de curieuses mélopées, des airs modulés sur des flûtes taillées, depuis deux ou trois mille ans, dans des tibias de vautour. Les marchands disposent leur éventaire à même le sol où ils se tiennent accroupis, surveillant, le chasse-mouches à la main, les denrées qu'ils proposent à grands cris aux passants, tout en jetant des regards furibonds aux vendeurs ambulants qui leur font concurrence. Ceux-ci transportent leur charge à la chinoise, dans deux paniers accrochés à un long bâton, posé en équilibre sur leurs épaules. Lorsqu'un amateur se laisse tenter, ils s'agenouillent, posent leurs paniers par terre et dé- tachent de leur dos la balance romaine qui va permettre un laborieux marchandage. Beaucoup de ces pauvres diables sont des Bulgares, vêtus d'un manteau de laine blanche, coiffés d'un fez rouge, et poussant, pour attirer le chaland, une longue plainte mélancolique. Outre du lait, des oranges et une boisson populaire faite de millet fermenté, certains promènent au bout d'une perche des agneaux fraîchement écorchés, autour des- quels bruit un essaim de mouches. Dans la plupart des rues où les marchands sont groupés par spécialité, à la mode orientale, les plus pauvres, observera Marthe Bibesco, « sont justement ceux qui choisissent les métiers où l'on gagne le moins d'argent, où l'on perd le plus de temps, mais qui plai- sent aux misérables par une espèce de gentillesse et de poésie cachée en accord avec leur âme ». Sauf dans le centre de la ville, d'où les agents de police tentent de les chasser, les paysans représentent une bonne par- tie de la population de Bucarest. Dédaignant les usages cita- dins, ils portent leurs chemises flottant sur leurs pantalons, des chemises blanches, bordées de rouge, de noir et d'or. Leurs femmes, elles, arborent des jupes rouge pivoine, lie-de-vin ou jaune safran et font ainsi penser à de grosses fleurs prématu- rément fanées car le soleil dessèche et cuit ces visages dont l'éclat s'efface sitôt l'adolescence enfuie. La race est belle, parce que sobre et demeurée assez pure, malgré tant d'invasions. Le sang des colons romains n'est plus qu'un souvenir historique, contesté par certains savants, mais celui des Daces reste vi- goureux et prolifique. Comme l'a remarqué Carmen Sylva, 1. Princesse Bibesco, Isvor, le pays des saules, tome II.