Les Mutations De La Scène Politique Au Cameroun Depuis La Réunification

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Les Mutations De La Scène Politique Au Cameroun Depuis La Réunification LES MUTATIONS DE LA SCÈNE POLITIQUE AU CAMEROUN DEPUIS LA RÉUNIFICATION OWONA NDOUNDA Nicolas et MBILONGO ELEME Laure (Attachés de recherche au MINRESI/Centre National de l’Éducation) Résumé Après plusieurs années de protectorat, de mandat et de tutelle d’abord sous administration allemande et ensuite la double administration franco-britannique, le Cameroun devient une République Fédérale en la faveur de la constitution adoptée par les deux assemblées législatives du Cameroun Oriental et Occidental, le 1er octobre 1961. Depuis cette date, la scène politique camerounaise révèle plusieurs étapes. Elle passe du multipartisme après l’indépendance, au monopartisme avec la réunification des deux Cameroun. Elle étale, de nouveau, un visage multipartiste en 1990, grâce au vent de démocratie qui souffle sur l’Afrique en général. Cet aspect de l’évolution politique du Cameroun, connait des mutations contradictoires qui interpellent notre analyse. Ce papier fait un examen critique du fonctionnement des partis politiques de la réunification à nos jours, cela à travers une étude approfondie de l’efficacité interne et externe de ce fonctionnement. Plus spécifiquement, il s’agit de déterminer la dynamique du fonctionnement de ces partis politiques au cours de ces cinquante dernières années ; de définir les rapports qui existent entre eux; d’analyser l’effectivité du multipartisme par rapport à ce qui est observé sur la scène politique nationale et enfin de mettre un accent sur la question de l’idéologie de ces partis. Cette étude s’appuie sur un socle théorique à la fois marxiste, quant à la création des partis politiques et l’adhésion des membres ; et au fonctionnalisme d’Almond et Powell (1966), quant au fonctionnement de ces partis. Nos analyses se fondent sur des données primaires et les ouvrages spécialisés, qui nous ont permis de collecter des informations qui renseignent sur l’évolution des institutions politiques au Cameroun depuis la réunification. Aussi, sommes- nous parvenus à vérifier d’une part, que depuis la Réunification au Cameroun, la scène politique nationale est animée par un seul parti politique en dépit du passage à un système multipartite en 1990 et, d’autre part, que le champ politique au Cameroun est dominé plus par une filiation ethnique qu’idéologique. Mots clés. Réunification, Constitution, Partis Politiques, Multipartisme. Abstract After several years of protectorate, mandate and trusteeship, first under German administration and then double Franco-British administration, Cameroon became a Federal Republic thanks to the constitution adopted by both legislative assemblies of Oriental and Western Cameroon, on October 1st, 1961. Since that date, the Cameroonian political scene reveals several stages. It first of all known multiparty system at the independence, and then 1 experienced unique party system after the reunification of Cameroon. At last, it spreads again multiparty face in 1990, thanks to the new democracy era in Africa. This aspect of the political evolution of Cameroon hails our analysis. This paper is a critical review of the political parties functioning till the reunification to our days, through a detailed study of the internal and external efficiency of this functioning. More specifically, it is to determine the dynamics of these political parties during the last fifty years, to define the relationship between them, and finally to analyze the effectiveness of democracy to what is observed on the national political scene and, finally, to emphasize the question of the ideology of these parties. This study leans on a theoretical base at the same time Marxist, as for the creation of the political parties and the support of the members; and in Almond and Powell’s functionalism, as for the functioning of these parties. Our analyses are based on primary data and specialized works, which allowed us to collect information relatives to the evolution of the political institutions in Cameroon since the reunification. So, we verified on one hand, that since the Reunification in Cameroon, the national political scene is led by a single political party in spite of the passage to a multiparty system in 1990 and, on the other hand, that the political arena in Cameroon is more dominated by a filiation ethnic than ideological. Keywords: Reunification, Constitution, political institutions, political parties, multiparty system. 2 La République du Cameroun, constituée sur la base de l’État autonome camerounais mis en place le 10 mai 1957, s’est fondée sur le territoire placé sous tutelle de la France (Cameroun er Oriental) et a accédé à l’indépendance le 1 janvier 1960 ; alors que, le territoire sous tutelle britannique (Cameroun Occidental) restait administré, de manière associée, avec les régions du Northern Nigeria (pour le Northern Cameroon) et l’Eastern Nigeria (pour le Southern Cameroon)1. Après le référendum du 11 février 19612, le Cameroun Occidental est rattaché au Cameroun Oriental. Mais la réunification officielle ne pourra intervenir qu’après la conférence constitutionnelle de Foumban (du 17 au 21 juillet 1961) et l’adoption, par les Assemblées des deux États, de la constitution fédérale élaborée le 1er septembre 1961. Ainsi, la date officielle de la réunification sera arrêtée au 1er octobre 1961 et le Cameroun devient une République Fédérale. Il se pose alors la question de l’unification effective de ce nouveau pays et l’épineux problème des partis politiques. Cette accession à l’indépendance, s’est déroulée dans un contexte politico-militaire de tension correspondant à une véritable guerre intérieure entre un bloc conservateur pro-colonial et pro-français devenu bloc gouvernemental autour de Ahmadou Ahidjo et de son parti l’Union Camerounaise (UC), et un bloc progressiste et nationaliste anticolonial formé autour des leaders de l’Union des Populations du Cameroun (UPC)3, principale formation politique arrimant le mouvement nationaliste camerounais, créé en 1948, interdit en 1955. L’émergence du nouvel État, dirigé par Ahmadou Ahidjo, le leader de l’UC, d’abord premier ministre (février 1958) puis, président de la République élu par l’Assemblée4 (mai 1960), s’est opérée dans un contexte de guerre civile, qui a favorisé le raidissement autoritaire rapide du jeune État indépendant. Le Cameroun passe alors par trois moments fondamentaux dans la vie de ses partis politiques. Tout d’abord, le processus de multipartisme entamé au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la Conférence de Brazzaville (30 janvier-08 février 1944), se poursuit dans le jeune État. Jusqu’en 1966, année de création du parti unique UNC (Union Nationale du Cameroun), on ne retrouve pas moins de 90 partis politiques. Ensuite, entre 1966 et 1990, le Cameroun fonctionne sous le régime du parti unique. L’UNC a ainsi la main mise sur le pouvoir jusqu’au congrès de Bamenda en 1985, durant lequel elle devient le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Le "vent de l’est" qui souffle en Afrique dans les années 1990 détermine de manière considérable la vie politique au Cameroun. C’est ainsi qu’une fois de plus, ce pays reverse dans le multipartisme. On assiste donc à un foisonnement d’entités politiques. Le multipartisme dans le Cameroun réunifié a-t-il jamais dépassé le seul cadre formel pour exister en tant que moyen de vitalisation de la vie politique nationale ? En effet, on se retrouve très souvent en face d’une illusion de pluralisme, nourrie par le constat objectif de l’éparpillement partisan de l’opposition et de l’âpreté des luttes entre les entreprises politiques. Ainsi, on passe de l’opposition au singulier à l’opposition au pluriel (Sindjoun 1994a: 21-69). Dès lors, l’action et l’activité des partis politiques dans le Cameroun réunifié ont-elles concouru à valider le statut de démocratie pluraliste de ce dernier, lorsqu’on sait que les partis politiques sont un élément incontournable du pluralisme, un moyen de favoriser la libre expression de l’opinion du peuple (Olinga 2003 : 102)? Quelles influences le multipartisme a-t-il eues sur le fonctionnement des institutions juridico-politiques du 3 Cameroun réunifié, lorsque l’on se rappelle ces mots du président Paul Biya le 03 décembre 1990, dans un discours qui se voulait un préliminaire à l’adoption de la loi du 19 décembre 1990 sur les partis politiques, que « la démocratie que nous mettons en place doit faire du Cameroun un État des partis et non un État partisan »? Notre objectif est de faire un examen critique du fonctionnement des partis politiques, de la réunification à nos jours. Cela à travers une étude approfondie de l’efficacité interne et externe de ce fonctionnement. Plus spécifiquement, nous nous proposons de déterminer la dynamique du fonctionnement de ces partis politiques au cours de ces cinquante dernières années ; de définir les rapports qui existent entre eux; d’analyser l’effectivité du multipartisme par rapport à ce qui est observé sur la scène politique nationale et enfin de mettre un accent sur la question de l’idéologie de ces partis. Afin de mener notre réflexion de façon rigoureuse, nous nous sommes appuyés sur deux hypothèses fondamentales : le multipartisme au Cameroun est un multipartisme de façade d’une part, la personnification et la régionalisation des partis politiques est la conséquence de l’absence de socle idéologique d’autre part. Aussi, nous nous sommes inspirés des analyses marxistes et fonctionnalistes. En effet, dans l’analyse marxiste, les besoins, primaires (manger, dormir, se reproduire, se protéger, besoins dits vitaux), et secondaires (loisirs, luxe, confort, savoir, prestige, reconnaissance, etc.), sont considérés comme le mobile fondamental de l’action individuelle. L’existence de ces besoins chez l’individu inclut la tendance naturelle de les satisfaire. Il en résulte l’engagement de celui-ci dans des rapports de production qui contiennent la possibilité de leur satisfaction. Les intérêts des uns et des autres au sein de ces rapports sont déterminés selon leur apport spécifique (capital ou force de travail)5.
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