L'historien Et Les Mémoires De La Deuxième Guerre Mondiale
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Histoire Thème 1 : L’historien et les mémoires de la Deuxième Guerre mondiale Introduction : analyse du sujet « Historien » ? Savant qui analyse les sources, les confronte et explique une période historique de la manière la plus objective possible. « Les mémoires » ? Souvenirs individuels ou collectifs. La mémoire est subjective puisqu’elle est de l’ordre de l’affectif et de l’émotionnel. Elle repose sur le souvenir vécu, présuppose la sélection et donc l’oubli… … et elle est très variable en fonction de ce que l’on a fait (ou pas fait) pendant cette période : On comprend aisément que la mémoire des combattants de 1940, battus, démobilisés ou prisonniers dans un stalag pendant toute la guerre… … n’est pas la même que celle, auréolée de gloire, des combattants des FFL débarquant en Normandie ou en Provence et participant à la libération. « et » ? Relation entre l’historien et les mémoires De quelles mémoires parle-t-on si on évoque les mémoires de la 2e Guerre mondiale ? Eventail très large : résistants, maquisards, FFL, battus de 40, collaborateurs, miliciens, pétainistes, déportés politiques, déportés juifs, enfants cachés, malgré-nous, républicains espagnols, victimes des bombardements alliés, requis du STO, femmes tondues à la libération, combattants nord-africains dont la reconnaissance officielle comme soldats à égalité des français de métropole ne date que de 2006… Quelles ruptures cet historien voient-il dans l’évolution des mémoires de la Deuxième Guerre mondiale ? Problématique du thème : Comment sont nées les mémoires de la Deuxième Guerre mondiale et quel rôle les historiens ont-ils joué dans l’évolution de ces mémoires ? NB. Le syncrétisme est un système de pensée qui tend à faire fusionner plusieurs doctrines différentes voire contradictoire aboutissant à une perception globale et confuse des différents éléments. Plan du cours Introduction Séance 1 : Le temps du refoulement et de la mémoire sélective qui suit la guerre Séance 2 : Les mémoires face aux historiens depuis le début des années 70 Séance 1 : Le temps de la mémoire sélective et du refoulement qui suit la guerre 1°) Après la guerre, un objectif : retrouver au plus vite la légalité républicaine Après la libération de Paris le 25 août 1944, De Gaulle s’impose comme chef du Gouvernement Provisoire de la République Française. (GPRF) Son soucis, comme celui de l’ensemble des forces issues de la résistance est de restaurer la République et l’unité nationale. Pour De gaulle, Vichy est « nul et non avenu ». Il s’agit donc de faire oublier la défaite de 1940 et le régime de Vichy, une fois que ses principaux responsables ont été condamnés. Condamné à mort, par la Haute Cour de Justice de la république le 15 aout 1945, Pétain voit sa peine commuée à l’emprisonnement à perpétuité par De Gaulle. Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, que l’on voit ici témoigner au procès de Pétain est lui fusillé le 15 octobre 1945. De quelle façon cette affiche illustre-t-elle la politique mémorielle de l’immédiat après-guerre ? 2°) Le mythe du résistancialisme Le terme est né sous la plume de l’historien Henry Rousso dans son ouvrage « Le syndrome de Vichy » paru en 1987. Il désigne le mythe développé surtout par les gaullistes et communistes, selon lequel les Français auraient unanimement et naturellement résistés à l ’occupant. En réalité on estime que 200 à 300 000 personnes ont résisté activement, alors que les estimations des historiens font état de 50 000 personnes engagées activement et/ou idéologiquement dans la collaboration. Ne sont pas compris dans ces estimations sur les « collaborateurs » les fonctionnaires, employés d’administrations, policiers, qui appliquaient les directives données. Ce résistancialisme se manifeste surtout par l’inauguration de nombreux « lieux de mémoire », selon l’expression de l’historien Pierre Nora et par la mise en avant de figures et de martyrs de la résistance. Le 18 juin 1960 (date ô combien symbolique), De gaulle inaugure le mémorial de la France combattante sur le mont Valérien, à l’ouest de Paris. Le fort du mont Valérien fut le principal lieu d’exécution de résistants par les Allemands en France. C’est là en particulier que les membres du groupe Manouchian, ceux de l’Affiche rouge furent exécutés. Mémorial du mont Valérien, prés de Paris. Quelques membres du groupe Manouchian quelques instants avant leur exécution, au fort du mont Valérien le 21 février 1944. Sur ce sujet, vous pouvez voir utilement le très beau film de Robert Guédiguian : l’Armée du crime. Bande annonce La aussi il s’agit d’une mémoire particulière, celle de groupes, les FTP MOI (Main d’Œuvre Immigrée) composés d’arméniens, italiens, espagnols… qui ont immigré en France avant la guerre et qui sont pour la plupart communistes. Leur mise en avant est souvent le fait de militants ou sympathisants communistes ou socialistes. Robert Guédiguian en est un, tout comme Léo Ferré qui met en musique le poéme d’Aragon « L’affiche rouge » inspiré de cette affiche mais aussi de la dernière lettre de Missak manouchian à sa femme Mélinée, écrite peu avant d’être fusillé. Le 19 décembre 1964, les Cendres de Jean Moulin sont transférées au Panthéon. Dans un discours fameux André Malraux, ministre de la culture de De gaulle, fait entrer Jean Moulin en grande pompe dans le temple des Grands Hommes de la République, et avec lui tous ceux qui ont résisté, de près ou de loin. Unissant la nation dans cette commémoration, le temps est à l’oubli des autres mémoires de guerre. Le PCF, très puissant dans la France d’après- guerre met lui aussi en scène ses héros, comme ceux de l’Affiche rouge. Se déclarant « parti des fusillés » il prétend compter 75 000 résistants fusillés pendant l’occupation. Au lendemain de la guerre le PCF avec 27% des voix est le parti qui a le plus de députés à l’AN après les premières élections législatives du 21 octobre 1945 Mais selon le ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, 77 615 résistants ont été tués, fusillés, sont morts sous la torture ou en déportation… et tous n’étaient pas communistes. Les estimations des historiens tournent plutôt autour de 10 000 à 20 000 ce qui est déjà énorme en soi et traduit de toute façon un engagement très forts des membres du PCF dans la résistance… … au moins après le 22 juin 1941 En effet, si cette mise en avant de la mémoire résistante communiste a des fins politiques, il s’agit aussi peut-être de faire oublier que le PCF a mis du temps à entrer en résistance : depuis le 23 aout1939 et la signature du pacte de non agression Germano-soviétique, le PCF a ordre de ne rien faire contre l’Allemagne. Ce n’est que le 22 juin 1941, quand Hitler lance l’invasion en URSS que le PCF rentre, massivement il est vrai, en résistance. Ce tract du PCF appelle les gouvernements occidentaux à suivre l’exemple russe et à signer un pacte avec Hitler. 3°) Des mémoires concurrentes et oubliées En 1953, le procès de Bordeaux jugeant les crimes commis à Oradour- sur-Glane met en lumière une mémoire oubliée, celle des « Malgré- Nous » qui s’oppose de façon dramatique à celle des victimes du massacre et de leurs familles. En effet, sur les 20 personnes qui sont jugés, seulement 7 sont des allemands, les 13 autres sont français. Ce sont des alsaciens incorporés de force dans la Wehrmacht. Ces treize « Malgré-Nous » sont dans un premier temps condamnés avant d’être graciés par une loi d’amnistie votée par le Parlement… … provoquant la colère des familles de victimes et du limousin tout entier ! C’est ce qu’on peut appeler une confrontation mémorielle. Pour en savoir plus : ICI Par ailleurs, une grande partie de l’opinion n’adhère pas à l’image exaltante de la France héroïque et résistante. Certains cherchent à réhabiliter Pétain en affirmant qu’il a mené un double jeu vis à vis de l’occupant pour protéger les français. C’est ce que défend Robert Aron dans « Histoire de Vichy » paru en 1954 et qui fait autorité jusqu’aux années 70. C’est dans les milieux d’extrême droite que ces thèses sont le plus ardemment défendues, certains allant même jusqu’à parler « du glaive et du bouclier » : Le glaive porté par De gaulle a pu être efficace car Pétain protégeait la population, ce qui ferait de lui un résistant… Ces thèses ont été réfutées par les historiens ! En 1955, Alain Resnais sort son film « Nuit et brouillard » sur le système concentrationnaire. On peut y voir cette image, fugace mais censurée, montrant une vue du camp de Pithiviers en 1941. Ce camp servait de camp de concentration et de transit avant la déportation vers l’Est, en particulier vers Auschwitz. Voici la véritable image non censurée. Comprenez-vous la raison de cette censure ? Le film est l’objet de nombreuses polémiques, en particulier de ne pas faire référence explicite au génocide des juifs. Le mot n’est d’ailleurs prononcé qu’une seule fois au cours des 32 minutes du film. Pour quelles raisons le retour de déportation est-il terrible pour les rescapés de la Shoah comme Simone Veil qui témoigne ici ? En 1961 a lieu à Jérusalem le procès Eichmann, jugeant un des plus hauts responsables de la Solution Finale, Adolf Eichmann, capturé en Argentine par le Mossad (Services secrets israéliens) l’année pécédente. Ce procès marque un tournant dans l’expression de la mémoire des juifs déportés : il fait en effet appel à de très nombreux témoignages et il est diffusé en grande partie à la télévision.