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LOUIS DE FUNÈS Son personnage Ses films de 1946 à 1982

CLAUDE RAYBAUD

Gilletta•nice-matin SOMMAIRE

6 TOUTE UNE VIE

Première partie

18 ...... LA DIFFICILE ASCENSION VERS LA CÉLÉBRITÉ

22 ...... UN LANGAGE COMIQUE

30 ...... SON PERSONNAGE FÉTICHE

42 ...... INTERVIEW DE LOUIS DE FUNÈS

Seconde partie

46 ...... FILMOGRAPHIE 1946-1982

Repères

232 ...... COURTS MÉTRAGES

233 ...... FIGURATION

235 ...... SCÈNES COUPÉES AU MONTAGE

235 ...... TÉLÉFILMS ET VIDÉOS

236 ...... THÉÂTRE

238 ...... ZOOM SUR LES « GENDARME »

242 ...... DES VOITURES DE PRESTIGE AU CŒUR DE L’ACTION

244 ...... INDEX DES FILMS

245 ...... QUELQUES RÉFÉRENCES COMPLÉMENTAIRES Les bourrades UN LANGAGE COMIQUE plus ou moins amicales En général, Louis de Funès frappe quel- qu’un qui n’est pas compétent à un instant donné, souvent un subordonné. Le geste LA GESTUELLE cœur, toujours prompt à réagir aux événe- viner des situations par leur représentation – la plupart du temps des tapes nerveuses ments, comme dans Oscar, face au chan- gestuelle à l’exclusion de toute parole, la sur l’épaule – n’est pas vraiment violent, La gestuelle est un élément indissociable tage de Christian Martin. Ce demi-tour de pratique de Louis de Funès sert à complé- mais illustre son mécontentement de voir du personnage cinématographique de Louis tête va souvent de pair avec l’étonnement ter, appuyer et illustrer une démonstration échouer une action à laquelle il tenait, et lui de Funès. Lorsqu’il a vu qu’elle produisait du personnage, ainsi lorsque Cruchot, verbale. Ainsi dans Le Corniaud, lorsque permet d’affirmer également son autorité. Il des effets comiques, il l’a développée et dans Le Gendarme à New York, croit voir Saroyan met un silencieux sur le pistolet, lui arrive aussi de taper sur quelqu’un qui travaillée, pour la rendre systématique dans sa fille sur le pont du France. face au Bègue, il suggère le silence par n’y est pour rien, du moment qu’il l’a sous ses films-vedettes. Elle se décline de dif- un tournoiement de main autour de son la main. Plus rarement et à l’inverse, le fait férentes façons. oreille. Certains gestes reviennent réguliè- de donner une tape peut exprimer une joie, Le mime et la parole rement, comme celui du violon qui illustre comme dans La Grande Vadrouille lorsqu’il divers sentiments, allant de l’acte sexuel voit arriver la voiture salvatrice, ou dans Les clins d’œil Le mime illustratif est un trait absolument supposé de Maréchal avec la jolie Gina Fantômas contre Scotland Yard quand la à Charlie Chaplin fondamental du jeu de Louis de Funès. Il (Le Corniaud) au mépris (Les Aventures de fusée a été abattue. est apparu assez tôt dans sa filmographie. Rabbi Jacob), lorsque Pivert provoque des Passionné par le jeu d’acteur de Charlie Mais à la différence d’un artiste classique, automobilistes contrariés d’être bloqués Chaplin, Louis de Funès cherchera à l’imi- le mime Marceau par exemple, qui fait de- par son véhicule. Le Gendarme à New York, 1965. Les gags ter ponctuellement jusqu’au début des années 60. On le voit ainsi gesticuler des Les multiples gags qui émaillent les films jambes, animé de gestes rapides et sac- Les mimiques fines prime son agacement à ses voisins – même de Louis de Funès ne sont pas propres à cadés – comme dans Légère et court et multiples si l’on n’entend pas ce qu’il dit, on peut le l’acteur. D’autres du même genre ont agré- vêtue, lorsqu’il regarde les tableaux, ou deviner – avec force arguments. Il mani- menté de nombreuses farces ou comédies. dans la dernière scène des Râleurs font Au-delà des grimaces parfois grotesques feste ensuite son étonnement et sa décep- Ici, ils renforcent le côté comique du rôle. leur beurre, lorsqu’il vient de toucher son dont il abusait à ses débuts, et qu’il conti- tion en voyant le voleur chanter à sa place Ils sont principalement de trois ordres. héritage. Ce sont autant d’hommages dis- nue d’utiliser, cette fois-ci, dans ses films- dans la chorale. Dans Fantômas se déchaîne, En premier lieu, les gags de maladresse, crets au grand artiste comique, dont il vedettes, les mimiques inventées par Louis le commissaire Juve reçoit la Légion d’hon- tout à fait possibles en cas de précipitation n’aura plus besoin d’utiliser les traits au de Funès permettent de représenter des neur. Il est très fier de lui. Mais lorsque ou de gestes désordonnés d’un person- fil de la construction de son propre per- sentiments très forts – la fierté, l’agace- le ministre alterne remarques acerbes et nage. C’est le cas par exemple lorsque sonnage comique. ment, la déception, la jalousie… – simple- compliments, Louis de Funès arrive, sim- Cruchot lance sa canne à pêche et em- ment en jouant finement avec les traits plement en remuant légèrement les lèvres, porte le képi de Gerber (Le Gendarme à du visage, voire en pratiquant un léger à traduire l’amertume de Juve, qui va crois- New York). Un rythme de dessin animé mouvement des lèvres ou des sourcils. sant jusqu’à sa soudaine fierté retrouvée. Ensuite, les gags de coïncidence extraordi- Ces mimes discrètes se suffisent presque Dans Hibernatus, l’étonnement se mêle à la naire, encore plausibles, qui associent une Lorsqu’il est au cœur de l’action ou face à à elles-mêmes pour refléter son état passion et à l’intérêt lorsque de Tartas dé- réplique à un événement extérieur conco- une personne qu’il veut convaincre ou à qui d’âme. Elles s’inscrivent dans des petites couvre à la télévision le retour de l’hiberné mitant : une bombe explose dans les locaux il s’oppose, Louis de Funès prend part à scènes que l’on retrouve souvent au début – dont il ne sait pas encore qu’il est de sa au moment même où le commissaire Juve la conversation en tournant très vite la des films et qui sont de purs chefs-d’œu- famille. Dans L’Homme-orchestre, alors promet du bruit en cas de découverte du tête sur lui-même, à presque 180°. Cette vre. Certaines d’entre elles sont incontour- qu’Evans est stoppé au feu rouge à côté scandale. rapidité de mouvement – que normalement nables et méritent qu’on s’y attarde. d’une Lamborghini sur la promenade des Et pour finir, les gags absurdes qui puisent seuls des personnages fictifs de dessins Dans Le Gendarme de Saint-Tropez, répon- Anglais à Nice, on le voit s’agiter à l’intérieur leur force comique dans l’imaginaire et animés réalisent – illustre la nervosité et la dant au curé qui lui demande d’enlever du véhicule et l’on reconnaît ses émotions : l’invraisemblable, comme l’allongement mobilité de son personnage, qui ne veut les menottes du voleur qu’il vient d’arrêter, la surprise, l’impatience, la contestation, physique de la Jaguar de Castagnier dans rien manquer d’une intrigue qui lui tient à Le Tatoué, 1968. Cruchot s’exécute à contrecœur mais ex- l’agacement, la jalousie… Le Petit Baigneur.

22 ★ Un langage comique Un langage comique ★ 23 camoufle en ouvrier soudeur pour ne pas LES PHRASES CULTES être repéré par Maréchal qui vient chercher sa voiture (Le Corniaud ), le gendarme s’ha- Si on trouve çà et là quelques phrases type bille en marin avec un ciré jaune pour éviter dans des films antérieurs, ce n’est qu’à par- d’être identifié par les nouveaux gendarmes tir de 1963 qu’elles seront utilisées de façon (Le Gendarme en balade). systématique dans presque tous les films D’autres fois, le déguisement sert plutôt de Louis de Funès. Voire même à plusieurs à manigancer discrètement quelque chose reprises dans un seul film. Lâchées régu- à des fins personnelles. Et pour cela, le lièrement au cours de l’action, elles contri- personnage, pourtant très imbu de lui- buent à asseoir son personnage. Les films même, est prêt à revêtir tous les costumes, postérieurs à 1963 qui ne comportent pas des plus ridicules aux plus incongrus : le une ou plusieurs de ces répliques sont commissaire de police s’habille en homme logiquement : Des pissenlits par la racine, d’église pour surveiller incognito le pro- film dans lequel Louis de Funès n’avait pas fesseur Lefèvre (Fantômas se déchaîne), tout à fait le rôle vedette, L’Avare, dont le le ministre fourbe prend l’apparence d’un texte de Molière ne comportait évidemment pénitent pieux pour espionner les complo- pas ces termes-là, et La Soupe aux choux, teurs (La Folie des grandeurs), le directeur un rôle à contre-emploi. du restaurant devient un client efféminé pour surprendre les erreurs de ses em- AH ! (la stupeur exclamative) ployés (Le Grand Restaurant ). Lorsque Louis de Funès découvre une Il arrive aussi que les vêtements saugrenus chose ou une personne qu’il ne s’attendait Taxi, Roulotte et Corrida, 1958. dont s’affuble Louis de Funès soient im- pas à voir, qui le surprend ou qui contre- posés par les circonstances, car ce sont carre ses plans, sa stupéfaction s’exprime L’Aile ou la Cuisse, 1976 : Louis de Funès et Jean Martin. les seuls qu’il a trouvés pour ne pas être de façon simultanée par un grand cri, LES DANSES lorsque Pivert doit exécuter un ballet avec nu : Cruchot sortant de la plage naturiste « Ah ! », assorti d’une brusque descente les fidèles israélites, ou dans Le Grand s’habille en hippie pour récupérer les uni- de la tête. rappelant à l’ordre les gendarmes qui dan- d’orchestre Lefort félicite ainsi ses mu- Naturellement bon danseur, Louis de Funès Restaurant, quand Septime est emporté formes dérobés (Le Gendarme en balade); Ainsi dans Pouic Pouic, lorsque Monestier sent sur le pont du France (Le Gendarme siciens avant de les réprimander, dans a, tout au long de sa carrière, été très à avec les serveurs dans un tourbillon, au Bosquier, trempé, reçoit des habits de ma- apprend que sa femme a acheté une fausse à New York). La Grande Vadrouille. Parfois, l’exclamation son aise avec la danse. Il s’agit parfois son accéléré du piano ! rinier de l’équipage qui l’a recueilli (Les concession à Caselli et, une seconde fois est hypocrite, lorsqu’il s’agit de faire le dos de chorégraphies véritables, comme dans Grandes Vacances). juste après, quand il se rend compte qu’elle « C’EST PAS POSSIBLE ? ! » rond en attendant un bénéfice ultérieur : Ni vu ni connu, où Blaireau enlace une l’a bel et bien payée ; dans Le Corniaud, Cette formule célèbre marque en général quand Mézeray, qui insiste pour acheter le femme lors de la fête du village, ou dans LES DÉGUISEMENTS chaque fois que Saroyan voit ou entend le l’expression d’une stupeur teintée d’in- tatouage du légionnaire, reçoit un seau d’eau Taxi, Roulotte et Corrida, quand Maurice Bègue, son rival, à la recherche du butin crédulité et de mauvaise humeur : quand (Le Tatoué). Quelquefois encore, cette re- se laisse entraîner dans une java endiablée Dans l’ensemble de ses films-vedettes, dissimulé dans la Cadillac ; dans Les Gran- Lefort apprend qu’il devra coucher dans marque – ou une phrase similaire – traduit qui était destinée à lui donner chaud. D’au- Louis de Funès adopte près d’une trentaine des Vacances, quand Bosquier trouve le même lit que Bouvet (La Grande Va- simplement une volonté d’en finir rapide- tres fois, la danse exprime une joie spon- de déguisements différents, en les changeant Michonnet à la place de son fils. drouille), lorsque Barnier découvre que ment, quand par exemple Duchemin re- tanée : Monestier esquisse quelques pas parfois à plusieurs reprises dans certains Martin lui a dérobé 600 000 F (Oscar ), ou fuse de se laisser ausculter par le dentiste improvisés avec son épouse lorsqu’il croit films. Le comique du déguisement vient du « C’EST FINI, OUI ? ! » encore quand Mézeray comprend que la (L’Aile ou la Cuisse). être en possession d’une vraie concession fait que Louis de Funès endosse un habit, Cette courte réplique manifeste bien l’aga- résidence secondaire à rénover est en pétrolière (Pouic Pouic). La danse peut être et donc une fonction, souvent contraire à cement immédiat de Louis de Funès dès fait un château plus ou moins en ruine « ÇA, JE NE LE TOLÉRERAI PAS ! » aussi un subterfuge pour se dissimuler : dans celle du personnage qu’il incarne. Les mo- qu’un élément extérieur ou une personne (Le Tatoué). Louis de Funès acteur marque là encore Le Gendarme de Saint-Tropez, Cruchot part tivations sont diverses. Il s’agit souvent de l’indispose. Il l’emploie fréquemment dans son intransigeance vis-à-vis de subordon- à reculons tout en dansant et en cachant se dissimuler pour ne pas être reconnu ou Le Corniaud : sous la douche, à côté d’un « C’ÉTAIT TRÈS BIEN ! » nés ou de pratiques qu’il juge contraires son visage à Gerber derrière un disque. pour semer des poursuivants : le gendarme homme jeune et grand qui le drague ; au Pas forcément sincère dans la bouche de à son standing. Charolais invective ainsi Plus rarement, il s’agit d’une véritable cho- se transforme en bonne sœur pour échap- passage à niveau, à l’adresse des automo- l’acteur, cette réplique peut aussi refléter ses cadres dans Carambolages ; Septime, régraphie, qui survient au fil de l’action, per à sa hiérarchie qui le poursuit (Le Gen- bilistes qui klaxonnent derrière lui… Il une approbation fugace, susceptible de dans Le Grand Restaurant, s’indigne d’être comme dans Les Aventures de Rabbi Jacob, darme et les Extraterrestres), le truand se Le Gendarme en balade, 1970. assied aussi son autorité de cette façon en virer très vite à son contraire : le chef embarqué dans le panier à salade.

24 ★ Un langage comique Un langage comique ★ 25 « DITES, VOUS VOUS FOUTEZ qui l’agace et dont elle marque le point aussi le dédain du personnage toujours destination du valet de chambre et de l’em- DE MOI ? » d’orgue. Un magnifique exemple nous pressé : dans Les Grandes Vacances, ployée de maison, ou dans La Zizanie, à Le personnage de Louis de Funès récri- en est donné dans Le Tatoué, au cours Bosquier a tellement hâte de retrouver l’adresse d’un contremaître ou du musicien mine de cette façon quand on lui demande duquel Mézeray se fait couper à chaque son fils à Londres qu’il répond ainsi à un qui a terminé son morceau. À cette réplique quelque chose d’inacceptable ou lorsqu’on instant la parole par sa femme et finit par professeur qui veut lui délivrer une infor- apparemment sans appel peut très bien remet en cause son autorité, sa supériorité. exploser, en appuyant la réplique d’un ton mation importante. succéder la demande inverse de revenir, Il réagit ainsi dans Oscar, après que son grandiloquent. Dans La Folie des gran- dès lors que le personnage de Funès a de employé lui a demandé une augmentation, deurs, Salluste s’adresse même ainsi au « FOUTEZ-MOI LE CAMP ! » nouveau besoin du subalterne congédié dans Hibernatus, quand le professeur ap- perroquet qui s’agite et l’irrite, avant de Cette invective est fréquemment utilisée, pour asseoir sa machination, tel Salluste, prend à de Tartas qu’il ne doit plus rentrer l’envoyer dans la chambre de la reine. mot pour mot, lorsque de Funès demande qui renvoie Blaze pour le rappeler ensuite, chez lui, ou encore dans Faites sauter la à quelqu’un de disparaître de sa vue : soit dans La Folie des grandeurs. L’expression du banque, lorsque l’employé de banque dit « FICHEZ/FOUTEZ-MOI LA PAIX ! » à un subordonné qui l’agace, ou dont il congé immédiat peut être formulée par des à Garnier qu’il aimerait bien avoir des Évidemment, le personnage de Louis de n’a plus besoin en l’instant, ou bien en- répliques équivalentes, comme « disparais- lingots en échange de son silence. Funès n’accepte pas les remarques et le core à un gêneur qui contrarie ses plans. sez » ou « allez-vous-en », qui sont tout aussi fait savoir, notamment par cette réplique On l’entend parfois plusieurs fois dans un sèches et définitives dans son esprit. Ainsi « EN VOILÀ ASSEZ ! » à l’adresse de Bouvet, dans La Grande même film, comme dans Le Gendarme dans Le Gendarme et les Gendarmettes, Cette expression souligne la rapide exas- Vadrouille, qui lui demande s’il n’a pas froid de Saint-Tropez, lancée au paysan ou à Cruchot demande aux gendarmes de partir pération de l’acteur face à une situation sans sa perruque. Parfois, elle exprime l’automobiliste mécontent, dans Oscar à pour pouvoir rester en compagnie des jeunes femmes gendarmes.

« JE M’EN FOUS ! » Généralement Louis de Funès détache les syllabes de cette repartie, qui traduit plu- sieurs sentiments de son personnage. Ce peut être le mépris affiché de l’avis d’un subordonné ou d’une personne placée sous Pouic Pouic, 1963 : Louis de Funès et Roger Dumas. son autorité : dans Les Grandes Vacances, Bosquier réagit ainsi face à son fils qui refuse de partir en Angleterre. Ce peut être « LÀ !/VOILÀ ! » politesse ou d’un manque de respect. Ci- aussi la marque d’une impatience à propos Cette interjection permet d’affirmer une tons notamment Carambolages,où Cha- de détails dont il n’a que faire : dans Pouic conviction, en contradiction avec ce qu’on rolais rabroue son subordonné Martin qui Pouic, Monestier veut avoir des précisions voudrait lui faire dire ou penser, tout en l’appelle Tonton Norbert ; Le gendarme se sur le gisement de pétrole et se moque pas fermant toute discussion. Même si ultérieu- marie, où Cruchot invective l’automobi- mal des villes qu’aurait visitées son fils. rement, la décision n’est pas aussi irrévo- liste qui lui est rentré dedans ; ou encore L’expression reflète le peu de cas qu’il fait cable qu’on pourrait le croire. Il en va ainsi Fantômas contre Scotland Yard, lorsqu’un des contraintes extérieures, dès lors que par exemple dans Le Gendarme de Saint- maître d’hôtel veut rajuster le kilt du com- son intérêt est en jeu, par exemple quand Tropez, lorsque Cruchot refuse d’aller à missaire Juve. Saroyan décide de prévenir Maréchal du une réception mondaine avec sa fille, ou complot qui se trame (Le Corniaud ). dans La Grande Vadrouille, quand Lefort « OH LÀ LÀ ! » justifie sa différence de statut social avec Cette réplique manifeste en général le peu « JE N’PEUX PLUS, Bouvet : « Entre nous, il y aura toujours un d’intérêt que porte de Funès aux propos JE N’PEUX PLUS… » fossé. Voilà ! » de son interlocuteur, comme Léon écou- Lorsque le personnage de Funès est subi- tant Héloïse lui raconter sa vie difficile (Un tement fatigué après une explosion de co- « NON MAIS DITES-DONC ! » grand seigneur). Mais parfois elle peut lère ou des affirmations répétées, il craque Louis de Funès met très souvent cette également refléter son admiration sincère, et se récrie ainsi, comme dans Fantômas exclamation dans la bouche de son per- lorsque de Tartas apprend à la télévision après avoir vainement tenté de faire parler sonnage pour signifier son indignation, que le cœur de l’hiberné s’est remis à Louis de Funès dans La Folie des grandeurs, 1971. le journaliste Fandor. surtout quand il se sent victime d’une im- battre doucement (Hibernatus).

26 ★ Un langage comique Un langage comique ★ 27 dère essentiel. Généralement, il répète le même segment de phrase – souvent avec des trémolos – pour mieux ironiser sur le partenaire à qui il fait la leçon, comme dans La Grande Vadrouille où Lefort tance Augustin Bouvet, amoureux de la fille du Guignol : « Vous m’avez entraîné ici pour voir la fille du Guignol, la fille du Guignol… » Dans Fantômas contre Scotland Yard, la répétition est plus emphatique, lorsque le commissaire Juve découvre que l’on a scié la base d’un arbre en travers de la route : « C’est un attentat ! C’est un atten- tat ! C’est un attentat !… » Plus rarement, elle exprime une satisfaction, celle par exemple de Cruchot, dans Le Gendarme à New York, quand il a obtenu l’adresse des Italiens qui hébergent sa fille Nicole et qu’il se répète à lui-même : « 204 Mott street, 204 Mott street », tout en frappant des poings, pour extérioriser sa joie.

Le Petit Baigneur, 1968 : Andréa Parisy et Louis de Funès. LES LANGUES Fantômas contre Scotland Yard, 1967 : Jacques Dynam et Louis de Funès. ÉTRANGÈRES les graves et les aigus. Ici, le chant ne se phrase de différentes façons en fonction Pour contribuer au comique d’ensemble, conçoit pas comme la pratique d’un art, du message qu’il veut faire passer. « PAF ! » Aventures de Rabbi Jacob, Pivert utilise s’insurge et menace celui qui contrecarre Louis de Funès acteur parle de temps en mais plutôt pour accompagner une straté- Si le propos est de l’ordre de l’incantation, C’est le point d’orgue d’une démonstration cette expression pour fustiger les compor- ses plans. Mais ces ultimatums, surtout temps une langue étrangère. Forcément gie ou pour amadouer quelqu’un dont il il aura tendance à bien détacher les mots : de rupture qui se traduit par le cri « Paf ! », tements racistes, comme on l’a déjà vu s’ils sont proférés pour des motifs déri- assez mal, on s’en doute, et avec un fort a besoin. Ainsi, dans Le gendarme se « Ma fille va épouser – un Président – de la l’onomatopée explosive accompagnée d’un dans Le Tatoué. soires, ne vont jamais bien loin en général. accent français, parfois en mélangeant marie, lors d’une opération en civil, Cru- République » (Les Aventures de Rabbi brusque écartement des bras. On pourrait Citons par exemple Cruchot, qui s’en plusieurs langues. On trouve quelques chot chantonne à mi-voix, tout au plaisir de Jacob). Pour expliquer un point crucial d’un presque parler de mime sonore qui illustre « SALIGAUD ! » prend à Fougasse et à Merlot qui l’ont em- beaux numéros du genre dans Le Corniaud, verbaliser ; dans Le Gendarme et les Extra- exposé technique, il préférera au contraire une réflexion définitive. Dans certains films, Une petite insulte souvent proférée lorsque pêché de tricher aux boules (Le Gendarme lorsque Saroyan essaye de prévenir en terrestres, il est au couvent, déguisé en apaiser son ton quand il prononce les comme La Vendetta, il le répète à cinq ou le personnage de Funès s’est fait doubler de Saint-Tropez), ou bien Bosquier, qui allemand, Ursula par téléphone de la pré- sœur, et doit chanter dans la chorale pour quelques mots importants : «…nous pren- six reprises, l’enchaînant même parfois en par un rival, prendre à un piège, ou quand il menace le professeur de maths surpris sence du malfaiteur à ses côtés, ou dans dissimuler sa présence à Gerber, qui le drons les nudistes… DANS UN MOUVE- cascade comme dans Hibernatus, lorsque voit que ses plans ont été contrariés. Ainsi, en train d’essuyer la jambe de la jeune La Grande Vadrouille, quand Lefort doit poursuit. MENT DE TENAILLE… » (Le Gendarme de de Tartas précise à l’hiberné la véritable dans , Cruchot s’in- fille tombée en panne devant sa classe parler aux aviateurs anglais. N’oublions pas Saint-Tropez ) ou «… Simon répondra aux époque à laquelle il est parvenu, ou bien, digne du fait que Josépha se soit fait dra- (Les Grandes Vacances). Fantômas contre Scotland Yard, lorsque le questions de Paul… SANS PRENDRE DE dans Le Gendarme à New York, lorsque guer par Gerber. Dans Le Corniaud, Saroyan commissaire Juve explique sa venue à LA MUSICALITÉ RISQUES INUTILES… » (Pouic Pouic). Cruchot explique à sa fille qu’il « sautera » peste contre le Bègue qui a saboté sa voi- Lord Mac Rashley. DU PARLER FUNÉSIEN Pour mieux clore une démonstration, il si on découvre sa présence. ture, dans Les Aventures de Rabbi Jacob, LES RÉPÉTITIONS accélère l’énoncé des dernières syllabes son personnage crie rageusement contre Le rythme des mots et leur musicalité ont «…afin de le trouver un jour » (L’Avare). « QUELLE HORREUR ! » Farès qui ne l’a pas pris en stop… Louis de Funès use abondamment du LE CHANT beaucoup d’importance chez de Funès. Ils Pour aborder un raisonnement important Le personnage de Funès exprime son comique de répétition dans ses films- complètent le rythme de ses actions et de à ses yeux, la phrase démarre haut sur la dégoût par rapport à une action qui l’in- « VOUS ME PAIEREZ ÇA TRÈS CHER » vedettes. Mais au-delà du comique, la Bien qu’excellent musicien dans la vie, ses sentiments, au même titre que les portée musicale, descend, puis remonte : dispose, ou fait mine d’exprimer ce dégoût Avec cette formule, utilisée mot à mot ou répétition est pour son personnage un Louis de Funès, au cinéma, fait exprès de mimes illustratifs. Afin de donner plus de « Et pour commencer par un bout… » pour faire bonne figure. Ainsi, dans Les parfois avec des termes analogues, de Funès moyen de marteler un propos qu’il consi- chanter faux et très mal, tout en alternant force à son propos, il peut prononcer une (L’Avare).

28 ★ Un langage comique Un langage comique ★ 29 1964

FANTÔMAS antômas arrive place Vendôme avec sa instant, Hélène est enlevée par des hommes compagne pour y acheter des bijoux de Fantômas. Comme prévu, le bandit arrive André Hunebelle F sous les traits de Lord Shelton, récemment sur les lieux, déjoue les protections en en-

assassiné par lui. Le chèque qu’il remet est voyant du gaz soporifique et peut ainsi s’em- D’après l’œuvre de Pierre Souvestre un faux. À la télévision, le commissaire Juve parer des diamants. Juve a juste le temps de et Marcel Allain Production : éructe contre Fantômas, tandis qu’au journal l’apercevoir et de le poursuivre sur les toits Paul Cadéac, “ Le Point du jour le journaliste Fandor prépare de l’immeuble. Fantômas s’échappe par une PCM/PAC/SNEG Scénario et dialogues : Jean Halain Musique : Michel Magne Juve : Dis donc, ton article il était faux ? Fandor : C’est exact Voix de Fantômas : Raymond Pellegrin qu’il était faux. Juve : Tu prétends qu’il était faux maintenant que tout le monde croit qu’il était vrai ? Disponible en DVD (couleur) Distribution : “ Louis de Funès : le commissaire Juve une fausse interview avec le criminel. Le len- grue, puis par hélicoptère. Le soir même, à Jean Marais : le journaliste demain, tout le monde commente cet article la télévision, Juve montre le visage de Fandor

Fandor/Fantômas un peu délirant. Juve vient le voir, furieux. Peu comme étant celui de l’auteur du hold-up. Mylène Demongeot : Hélène après, une bombe explose au journal, bles- Pendant ce temps, toujours retenu prisonnier,

Jacques Dynam : Michel Bertrand sant son directeur, Juve et Fandor. Une fois le journaliste prépare un plan pour s’évader. Robert Dalban : le directeur du journal sorti de l’hôpital, Juve réunit ses subordon- Voyant sa fiancée droguée par Fantômas, et Marie-Hélène Arnaud : Lady Beltham nés et conclut à une collusion entre Fandor profitant d’un instant d’inattention de celui- et Fantômas. Mais alors qu’il surveillait l’im- “ ci, il branche le téléphone direct de Lady meuble de Fandor, Juve déguisé en clochard Beltham. Celle-ci peut entendre les éloges de Fantômas à l’égard d’Hélène, devenue sa rivale. Avec toujours plus d’audace, Fantômas Fantômas : Oui, c’est bien moi, Fantômas ! prend désormais les apparences physiques du commissaire Juve, avant de jeter une est emmené au poste pour la nuit. Et pendant bombe devant un cinéma. Après ce forfait,

“ ce temps, Fandor est enlevé par les hommes des témoins sont interrogés et participent de Fantômas, qui le conduisent à son repaire à la réalisation du portrait-robot : c’est le Jacques Dynam, Louis de Funès, Michel Dupleix, Jean Marais et Mylène Demongeot.

souterrain. Le criminel vient alors le voir et lui commissaire Juve qui apparaît ! Colère de demande d’écrire un article à sa convenance ce dernier qui renvoie les témoins. Il rentre considéré comme complice. Fantômas, dé- de Fantômas à bord d’un hélicoptère. Dans et Fantômas dans divers modes de locomo- sous 48 heures, puis il le fait raccompagner ensuite chez lui se reposer et met des boules guisé en gardien, fait alors libérer les deux la voiture, Fandor assomme Fantômas, qui tion, jusqu’à ce que le criminel arrive à re- chez lui. Une fois libéré, Juve se rend chez Quies pour dormir. Il n’entend donc pas hommes pour les emmener dans sa voi- perd le contrôle du véhicule. Il s’en extirpe joindre un sous-marin, échappant ainsi à “ Fandor et le traîne au poste de police. Ce sont le coup de fil de son second, Bertrand, qui ture : son intention est d’utiliser leurs cer- seul ; la poursuite reprend entre Fandor, Juve ses poursuivants ! donc ses collègues journalistes qui écrivent voulait le prévenir d’une nouvelle attaque. veaux pour son expérience. Bertrand et ses l’article à sa place. Croyant bien faire, ils Celui-ci commence à le soupçonner. Juve est hommes arrivent peu après, découvrent la Juve : La police veille, gardez votre sang-froid, les jours ridiculisent encore plus Fantômas. En sor- reconnu par tous les témoins, puis interrogé cellule vide et comprennent leur méprise. de Fantômas sont comptés. tant du poste, Fandor est de nouveau en- par ses propres collègues. De son côté, Hélène se lance à la poursuite levé par les sbires du criminel : furieux, ce Entre-temps Lady Beltham, jalouse, a mis dernier lui annonce qu’il se servira de son à la disposition des deux prisonniers une “ Un film où les actions parallèles s’enchaînent bien. De Funès y est excellent. On regrettera seulement quelques incohérences de cerveau pour une expérience hors norme. voiture leur permettant de s’évader. Mais tournage : des allers-retours trop fréquents et rapides entre et le repaire de Fantômas, situé dans le Sud de la France. Quelques Lady Beltham lui est présentée. Mais cette celle-ci a été sabotée : Fandor a toutes les gesticulations grossières également : lorsque Fantômas, en train de conduire, tourne la tête vers l’arrière pour surveiller la fois-ci, Fandor restera prisonnier, le temps peines du monde à garder le contrôle du poursuite ! En revanche, on peut apprécier que de nombreuses de scènes de voiture se déroulent dans de vrais véhicules que Fantômas commette sous ses traits un véhicule dans une longue descente. À la en mouvement. Les affreux effets spéciaux de bascule dans un studio semblent limités à la descente sans freins de Fandor. La voix hold-up audacieux. suite de quoi, Fandor et Hélène vont racon- de Fantômas – déguisé ou portant son masque bleu – est celle de Raymond Pellegrin, grand acteur français. On le découvrira Juve cherche à provoquer le bandit en orga- ter leur mésaventure à Bertrand, remplaçant avec bonheur dans trois autres films : Les Compagnes de la nuit – il y tient le rôle du souteneur –, Les Intrigantes – il est Andrieux nisant une exposition de diamants dans un le commissaire Juve qui vient d’être placé – et La Loi des rues – c’est encore le chef des gangsters. Raymond Pellegrin : la voix de Fantômas. immeuble des Champs-Élysées. Au même en détention. Fandor le rejoint, car il est

180 ★ Filmographie 1946-1982 Filmographie 1946-1982 ★ 181 1965 LE CORNIAUD Maréchal reprend la route et fait connais- Gérard Oury sance avec Ursula. Tous deux s’arrêtent le soir dans un camping, où arrivent également leurs suiveurs, les bandes de Saroyan et du Production : Bègue. Pour pouvoir s’emparer de la voiture, Scénario : Gérard Oury le Bègue commence par courtiser Ursula Dialogues : Georges-André Tabet et réussit à se faire inviter à bord le lende- Musique : Georges Delerue main. À la première occasion, il supprimera Disponible en DVD (couleur) Maréchal et partira avec la voiture. Craignant le pire, Saroyan téléphone directement au Distribution : poste relié à la Cadillac : c’est Ursula qui Louis de Funès : Léopold Saroyan répond. Saroyan la met au courant des inten- : Antoine Maréchal tions criminelles du Bègue. Ainsi, lors d’une Venantino Venantini : Mickey, le Bègue Alida Chelli : Gina halte sur la route, le bandit fait semblant de Lando Buzzanca : le fiancé de Gina photographier Maréchal pour le précipiter à Beba Loncar : Ursula la mer. Pendant ce temps, Ursula sabote la Henri Genès : Martial batterie et va porter secours à Maréchal : la Jacques Ary : le commissaire de police voiture est inutilisable ! Saroyan arrive peu Jean Droze : un complice de Saroyan après et menace le Bègue. Mais ce dernier Jacques Ferrière : le chauffeur profite d’une arrivée inopinée de la police de Saroyan pour se faire embarquer. Après avoir fait venir Saro Urzi : le garagiste napolitain une dépanneuse, Maréchal se débarrasse de Beba Loncar, Alida Chelli et Bourvil, quand Maréchal dépose Gina et prend Ursula en stop. Henri Virlojeux : un associé de Saroyan la batterie remplie de diamants en la jetant à Jacques Eyser : un associé de Saroyan Pendant le tournage, Louis de Funès et Bourvil au poste frontière de Menton. la mer ! Il repart sans Ursula, qui préfère pour- Jean Meyer : un associé de Saroyan suivre sa route plus tranquillement. des amis gendarmes. Les deux bandes au Cadillac fait une embardée et finit sa course Guy Grosso : un douanier Saroyan est arrêté au poste frontière de complet sont arrêtées, mais en ordre dispersé. dans une laverie en déclenchant le klaxon. : un douanier Débarquant à Naples, Maréchal endommage Cadillac partir en trombe, conduite par le Menton. La police fouille sa voiture, mais ne Maréchal et son ami gendarme conduisent à Ce qui donne à penser à Maréchal que le

Robert Duranton : l’homme la belle voiture à la suite d’une fausse ma- Bègue. Avec ses hommes, il se lance à sa trouve rien. Les douaniers arrêtent ensuite Bordeaux, toujours avec la Cadillac, les com- Yu Kun Kun s’y trouve peut-être dissimulé ! de la douche nœuvre. Il doit faire réparer les pare-chocs poursuite et tire sur la voiture, libérant ainsi Maréchal, qui arrive peu après, et inspectent plices de Saroyan, ainsi que deux policiers Cette découverte suffit à le rendre suspect

défoncés. Il avise un garagiste de quartier, qui la drogue contenue dans les ailes arrière. Le la Cadillac. Ils ne trouvent rien non plus. C’est arrêtés par erreur, tandis que le commissaire aux yeux de la police. Le naturel revenant au découvre l’or dissimulé et remplace les Bègue abandonne la voiture, dont un pneu là que Maréchal comprend quel rôle Saroyan arrive de son côté en 404, avec à son bord galop, Saroyan lui propose de faire fructifier aris. Antoine Maréchal, représentant de précieux pare-chocs par d’autres, d’un mo- est crevé, et les deux bandes entament un lui a fait jouer. Il prépare alors un traquenard le Bègue et Saroyan. Les deux voitures la prime de 100 millions de F qu’il touchera P commerce célibataire, part en vacances dèle identique. Après la réparation, Maréchal combat nocturne dans les jardins de la Villa “ pour le faire arrêter à Carcassonne, où résident manquent de se heurter à un carrefour, la pour avoir retrouvé le diamant ! avec sa 2 CV. À peine a-t-il fait 100 mètres quitte Naples avec sa Cadillac blanche en d’Este. Le Bègue parvient à s’enfuir. Au petit qu’il se fait percuter par la voiture de Léopold Ce film réunit Bourvil et Louis de Funès au sein d’un scénario bien conçu et mené tambour battant par tous les acteurs. Bourvil Saroyan, homme d’affaires véreux. Ce dernier est capable d’incarner tout autant le touriste naïf que le dur, lorsqu’il comprend la machination dont il est l’objet. On appréciera Saroyan : Et maintenant, garde bien la distance. Trop près, il l’invite à son bureau le lendemain pour lui la qualité des lieux de tournage, qui correspondent à peu près à la logique du scénario. Le film démarre par de splendides nous verrait ; trop loin, on ne le verrait plus ! proposer un dédommagement. Il s’agira de vues aériennes de Paris et se poursuit par l’arrivée à Naples. Ensuite, le voyage passe par Rome, Sienne, Pise, Menton, convoyer une Cadillac de Naples à Bordeaux, Carcassonne, puis Bordeaux : un véritable documentaire, parfois pris sur le vif sans l’assistance de figurants. À noter l’excellente dans laquelle – mais Maréchal l’ignore – se “direction de Rome, suivi par Saroyan en matin, Saroyan ramène la Cadillac à l’hôtel prestation de Jacques Ary, souvent relégué dans des petits rôles de policier ou de pompier. Ici, il participe à l’action et s’offre trouvera le contenu du hold-up de Balbek : Jaguar verte, lui-même suivi par une bande après l’avoir fait réparer d’urgence en pleine un bon duo avec de Funès : « Ta gueule, écrase et barre-toi ! » dit-il à Saroyan, après avoir fait fouiller sa voiture sans succès de l’or camouflé dans les pare-chocs, des rivale dirigée par le Bègue, en Austin rouge. nuit. Ne se doutant de rien, Maréchal arrive à la douane de Menton. À voir absolument sur Internet : une vidéo de 3 minutes – un spot publicitaire ou une scène coupée au montage ? – montre diamants logés dans la batterie, de la drogue Tout ce beau monde débarque au même peu après au garage, guilleret, pour quitter Saroyan et ses complices dans la Jaguar verte arrêtée à un contrôle de police. Il s’agit en fait d’une interview de la télévision dans les ailes arrière et le plus gros diamant hôtel, à Rome. C’est là que Maréchal tombe Rome avec Gina. Mais ils sont suivis par italienne, qui demande aux touristes ce qu’ils sont venus visiter en Italie ! Saroyan est évidemment gêné, puis répond de façon du monde, le Yu Kun Kun, dissimulé dans le amoureux d’une manucure, provisoirement Lino, le fiancé. Profitant de l’arrêt pour pren- brouillonne qu’il est archéologue… Il s’emporte ensuite contre la femme qui bloque sa voiture, devant lui : il va la voir et découvre klaxon. Saroyan et ses hommes suivront disponible à cause d’une brouille avec son dre une jeune auto-stoppeuse allemande, l’actrice Michèle Morgan, jouant son propre rôle. Saroyan devient tout de suite empressé avec elle, tout en invectivant ses Maréchal à distance et discrètement pour ne fiancé, Lino. Il l’invite au restaurant le soir Gina consent finalement à rejoindre son complices qui s’impatientent ! jamais le perdre de vue. même. De retour à l’hôtel, Saroyan voit la fiancé et retourne à Rome.

182 ★ Filmographie 1946-1982 Filmographie 1946-1982 ★ 183 1968 LE TATOUÉ ézeray est un riche négociant en œuvres Ils partent sur-le-champ voir la maison, qui M d’art. Au cours d’une visite chez l’un se trouve dans le Périgord ! Denys de la Patellière de ses fournisseurs, il découvre par hasard Après deux jours de voyage, Mézeray dé-

un Modigliani tatoué sur le dos du légionnaire couvre, stupéfait, la demeure de Legrain : Production : Les Films Copernic/ Legrain. Il propose immédiatement à celui-ci un château moyenâgeux en ruine ! Après un

Les Films Corona de lui acheter cette œuvre unique… sans instant d’abattement, Mézeray confirme son Scénario : Alphonse Boudard succès. À son domicile, Mézeray reçoit deux intention de commencer les travaux ; mais Dialogues : Pascal Jardin hommes d’affaires américains intéressés et Legrain exige qu’ils soient faits selon les Musique : Georges Garvarentz “ leur vend le Modigliani, avant même de l’avoir règles anciennes des bâtisseurs... Au village, Disponible en DVD (couleur) Distribution : Mme Mézeray : Mon p’tit coco ! M. Mézeray : D’abord, je ne suis pas Louis de Funès : Félicien Mézeray ton p’tit coco ! Je ne suis le p’tit coco de personne. Est-ce : Legrain que j’ai une tête de p’tit coco ? Dominique Davray : Mme Mézeray “ Joe Warfield : un homme d’affaires acheté. Ils vont voir ensemble Legrain, qui Mézeray téléphone à sa femme en lui de- Donald J. von Kurtz : un homme leur montre son tatouage, ils arrivent à s’en- mandant de faire patienter les Américains, d’affaires Paul Mercey : Maurice Pello tendre, mais exigent d’avoir son accord signé et en profite pour solliciter les services d’un Ibrahim Seck : le valet de chambre pour le lendemain soir, 18 heures. Mézeray entrepreneur de bâtiments. Le postier lui Yves Barsacq : l’employé des postes retourne donc voir Legrain pour le convaincre conseille M. Pello. Ce dernier lui promet de Pierre Tornade : le chef gendarme de lui vendre rapidement son tatouage. En commencer les travaux dès le lendemain. Hubert Deschamp : le dermatologue parlant, il apprend que celui-ci possède une Mézeray doit donc dormir sur place avec Henri Virlojeux : le peintre maison de campagne en mauvais état. Il lui Legrain. La nuit, des pilleurs de châteaux sont Pierre Repp : le paysan propose de la restaurer en échange de la surpris et envoyés aux oubliettes par Legrain vente du tatouage. Marché conclu : Legrain si- et Mézeray : c’est le début d’une compli- gnera dès que les travaux auront commencé. cité entre les deux hommes. Le lendemain, Louis de Funès, Jean Gabin et Pierre Tornade trinquant à la capture des malfrats. commencement des travaux : Legrain signe le contrat, mais ne pense pas donner son arriver au château, Legrain croit avoir affaire que Mézeray n’y est pour rien. Il doit mainte- de venir au château pour trois semaines, et tatouage de son vivant ! Peu après, Legrain à des tueurs : il les envoie aux oubliettes ! nant consulter un dermatologue pour voir s’il ce dernier n’est pas mécontent de fuir la vie surprend Mézeray en train de soudoyer l’en- Furieux, il retourne à Paris et va menacer peut se faire opérer. Bien que réticent, il y stressante de Paris. Devant ses absences ré- trepreneur. Des pierres tombent sur Legrain, Mézeray chez lui, sabre en main. Celui-ci lui consent. Comme les conclusions du médecin pétées, sa femme le soupçonne d’entretenir manquant de le blesser gravement ; il pense explique qu’il n’est pas dans son intérêt de le lui imposent de faire du sport pour raffermir une liaison ! Prétextant un déplacement d’af- alors qu’on veut le supprimer maintenant que tuer, puisqu’il peut avoir son tatouage après sa peau, Legrain lance un défi à Mézeray : faires à New York, il part pour le Périgord avec l’accord est signé. Il poursuit Mézeray, parti une simple opération en clinique. C’est alors ils feront du sport ensemble ! Et c’est là Legrain, où ils reçoivent la visite d’une délé- au village, le ramène au château et apprend que les Américains demandent où sont pas- que va naître une réelle amitié entre les gation ministérielle venue visiter le château, de l’entrepreneur qu’il lui a demandé de bâcler sés leurs détectives… Legrain comprend donc deux hommes : Legrain propose à Mézeray laquelle finit elle aussi aux oubliettes ! les travaux. Colère de Legrain, qui lance une grenade sur un pan de mur ! Profitant de la Le film tout entier est une suite presque ininterrompue des situations classiques du « personnage de Funès ». Un modèle du genre, confusion, Mézeray repart au village avec la qui démarre fort dès la première scène ! Louis de Funès y joue à parts égales avec Jean Gabin et les deux acteurs sont extraor- camionnette de Pello, avise un hélicoptère dans dinaires dans leurs personnages respectifs : Gabin, dans celui d’un ancien légionnaire sûr de lui, calme et loin des affaires courantes un champ et, contre de l’argent, commande du monde, de Funès dans celui d’un homme d’affaires sans scrupule, avide de profits rapides. La Rolls-Royce indique tout de au pilote de le conduire à Paris. suite son train de vie. À l’instar du duo Bourvil/de Funès du Corniaud, l’antinomie apparente des caractères contribue à l’intérêt Une fois rentré, Mézeray montre l’accord du film. Pourtant, sous une apparente rigidité, Legrain finit par céder aux pressions de Mézeray, plus rusé que lui. À la fin du film, signé aux Américains qui sont sceptiques car et contrairement aux habitudes, de Funès ne courtise pas le ministre venu visiter le château restauré, mais le précipite dans le ils ne voient nulle part que Legrain a accepté cul de basse-fosse. La fin est burlesque et étonnante, comparable à celle d’Hibernatus lorsque de Funès va se faire congeler. de léguer son tatouage de son vivant… Ils Les scènes d’extérieur du château ont été tournées au château de Paluel, près de Sarlat, dans le Périgord. Longtemps laissé à engagent alors deux détectives chargés de l’abandon, le site est aujourd’hui en voie de restauration par un propriétaire privé, mais – pour l’instant – fermé à toute visite. Pierre Guéant, Dominique Davray, Lyne Chardonnet, Donald J. von Kurtz et Louis de Funès. vérifier l’authenticité de l’accord. En les voyant

202 ★ Filmographie 1946-1982 Filmographie 1946-1982 ★ 203 1971 JO ntoine Brisebard (Louis de Funès) est un de répéter une pièce dramatique avec l’un de la villa. Brisebard le menace de son revolver, A auteur à succès qui souhaite vendre sa ses amis avocat, Adrien Colas, en simulant mais au dernier moment, sa conscience re- villa. Il est marié à Sylvie, qui est aussi une l’exécution et la dissimulation de cadavre. prenant le dessus, il n’ose pas tirer et, de dépit, actrice renommée. Mais il est victime de Parallèlement, un agent immobilier vient faire jette l’arme à terre. En tombant, le coup part D’après la pièce de Alec Coppel tout seul et tue le triste sire. Brisebard est ca- The Gazebo tastrophé et dissimule d’urgence le corps sous Production : Trianon Films Se demandant qui il a bien pu tuer par mégarde la veille au soir, le canapé. Il entreprend ensuite d’enterrer le Scénario : Claude Magnier Brisebard s’inquiète des amis qu’il n’a pas vus récemment. Lorsqu’il apprend cadavre sous le kiosque en construction. Or,

Dialogues : Claude Magnier que c’est parce qu’ils ont eu un accident, il s’en réjouit, à la grande stupéfaction le lendemain, lors de la fête costumée donnée et Jacques Vilfrid de ses interlocuteurs : Ah, tu as eu un accident de voiture ? Musique : Raymond Lefebvre “ dans le jardin, le kiosque, construit sommai- Tant mieux ! Ta voiture est complètement démolie ?

rement par le maçon, menace de s’effondrer Disponible en DVD (couleur) C’est très bien ! Au revoir ! Brisebard : Ah, il a été pris en flagrant sous l’ardeur des danseurs ! Distribution : délit d’adultère la nuit dernière ? Ah, c’est très bien ! Sur ce, l’inspecteur de police Ducros arrive Bigeard est mort il y a deux ans ? Ah, c’est très bien, “ Louis de Funès : Antoine Brisebard Brisebard : pour enquêter. Il sait que Brisebard se trouve Claude Gensac : Sylvie Brisebard ça, ça va très bien ! Brisebard : Tonton est couché avec sur la liste des victimes de Jo. Très embarrassé, : l’inspecteur Ducros 40° de fièvre ? Ah bien, tant mieux ! Brisebard : Théophile Brisebard lui avoue qu’il est bien victime du Guy Tréjan : Adrien Colas est mort il y a trois mois ? Ah, tant mieux ! C’est pas grave, maître chanteur, mais Ducros le rassure en Ferdy Mayne : M. Grunder à 93 ans, il ne pouvait pas espérer faire de vieux os ! lui apprenant que Jo a été retrouvé mort la Yvonne Clech : Mme Grunder nuit dernière, chez lui, à Bagnolet. Brisebard : M. Conelotti n’est pas rassuré pour autant : qui a-t-il bien Christiane Muller et Louis de Funès. Christiane Muller : la bonne M. Jo, un maître chanteur qui menace de dé- visiter la maison à un couple d’acheteurs pu tuer par mégarde la nuit dernière ? Il s’in- Paul Préboist : le gendarme voiler des secrets de famille. N’en pouvant intéressés – les Grunder. Sa femme Sylvie lui quiète au point de téléphoner à toutes les plus, il décide de supprimer Jo lors d’une a fait livrer entre-temps un kiosque pour sa relations dont il n’aurait pas eu de nouvelles plâtre pour en faire une statue, qu’il place malle, qu’ils ont l’intention de précipiter d’un remise d’argent. Pour cela, il fait semblant fête. Le soir venu, le maître chanteur arrive à récemment. Un peu plus tard, l’agent immo- provisoirement dans son salon. bateau de croisière. Ils la chargent dans la bilier apprend à Brisebard que les acheteurs Le lendemain, l’inspecteur Ducros revient et camionnette du maçon, qui s’en va avec, voudraient faire démolir le kiosque et creuser annonce que Jo a sans doute été assassiné complètement ivre. Entre-temps, l’inspecteur une piscine à la place ! Il va donc lui falloir par Riri, un associé, qui à son tour a dû être Ducros est revenu et leur dit qu’on a retrouvé sortir le corps et le mettre ailleurs. Mais les tué par une de ses victimes. À ce moment- le corps de Leduc avec le cartable de Riri. Il événements se précipitent : durant la nuit, là, Sylvie lui raconte naïvement l’attitude pense dès lors qu’il s’agissait d’un règle- un violent orage éclate et renverse l’édifice. étrange de son mari la veille : elle a gaffé, ment de compte, il présente ses excuses Brisebard doit d’urgence conforter sa base. mais il est trop tard, l’inspecteur a compris ! à Brisebard et s’en va. Mais, pendant ce Il va donc au garage préparer du ciment, Pendant qu’il fouille la maison avec ses ad- temps, la malle tombe de la camionnette ; mais tombe sur deux malfrats, le Duc et joints, Brisebard avoue toute la vérité à sa elle est récupérée par les gendarmes, qui la Grand Louis, qui veulent reprendre la mallette femme, qui n’était au courant de rien. Elle va ramènent chez Brisebard ! Plus tard, ne sa- d’un certain Riri, contenant 42 millions de F. désormais l’aider à faire disparaître le cada- chant plus que faire, les époux chargent la Ils retrouvent le corps sous le kiosque, s’em- vre. Heureusement que les policiers sont ap- malle dans une voiture qu’ils précipitent dans parent de la mallette et s’enfuient. Brisebard pelés à d’autres affaires : les époux Brisebard un ravin. Mais Ducros, qui déjeunait en face sort alors le cadavre et le coule dans du en profitent pour mettre le corps dans une en famille, à tout vu…

Jo est une pièce de théâtre filmée, dans laquelle Louis de Funès est conforme à son personnage fétiche, mais qui évolue au cœur d’une intrigue un peu moins légère que d’habitude. Pour autant, les gags restent nombreux : l’inspecteur Ducros aspergé de mousse, Brisebard qui dit du mal de lui alors qu’il arrive derrière, Brisebard encore, qui donne un chapeau trop petit à M. Grunder !… De même, les quiproquos et malentendus abondent : la bonne qui croit toujours que Brisebard répète avec un faux cadavre, l’ami avocat qui n’a pas compris le vrai sens de sa mise en scène, le maçon gaffeur et insistant… Le duo Louis de Funès/Bernard Blier est à l’image de celui du Grand Restaurant, marqué par l’appréhension de Louis de Funès face à un représentant de l’ordre. Et finalement, bien que n’ayant commis aucune tentative de meurtre – on pourrait qualifier son acte d’homicide par impru- dence – Brisebard se compromet de plus en plus en voulant dissimuler son geste. Louis de Funès et Claude Gensac autour d’un cadavre encombrant.

214 ★ Filmographie 1946-1982 Filmographie 1946-1982 ★ 215 1971 LA FOLIE premier venu. Blaze s’en saisit et le jette au- DES GRANDEURS dehors. Admirative devant ce geste héroïque, la reine veut connaître son sauveur. Salluste Gérard Oury le présente comme son neveu César, mais n’échappe pas à la relégation. Le roi félicite Production : Gaumont/Coral/Mars/ Blaze et le nomme ministre des Finances. Orion – Alain Poiré Peu après, le chef des comploteurs est envoyé Scénario, adaptation et dialogues : au bagne et y retrouve le vrai César. Profitant Gérard Oury, Marcel Jullian de la prière de leurs geôliers, les bagnards et Danièle Thompson s’échappent. Pendant ce temps, à Madrid, Musique : Michel Polnareff Blaze procède à des réformes : il fait contribuer Disponible en DVD (NB) les grandes fortunes à l’impôt royal, ce qui Distribution : mécontente vraiment les Grands d’Espagne, qui en viennent à regretter « cette vieille fri- Louis de Funès : Don Salluste : Blaze pouille de Salluste ! » Profitant de l’absence Alice Sapritch : Juanita temporaire du roi, Blaze va retrouver la reine Karin Schubert : la reine dans un jardin : ils sont simplement séparés Alberto de Mendoza : le roi par une haie d’arbustes. Elle tombe sous son Gabriele Tinti : César charme, mais va se cacher précipitamment Venantino Venantini : un seigneur quand Juanita arrive. Ignorant ce chassé- Paul Préboist : le muet croisé impromptu, Blaze déclare son amour à Louis de Funès et Yves Montand.

Robert Le Béal : un porte-parole du roi la reine, mais c’est Juanita qui entend et qui se pâme de plaisir. Plus tard, lors d’une pro-

cession de pénitents, Salluste cherche Blaze (Blaze). Mais l’oiseau se trompe de chambre Mais celui-ci fait semblant de dormir, puis il n Espagne, au XVe siècle. Don Salluste pour mettre au point son plan ; il surprend des et va d’abord voir Juanita. Tant bien que mal, se lève et va se coucher avec Juanita. Sal- E est ministre de l’Intérieur. Assisté de conversations entre des pénitents, qui veulent Salluste arrive à le rediriger chez la reine. luste va faire constater l’adultère au roi, mais son fidèle, mais impertinent valet, Blaze, il éliminer Blaze avec un gâteau empoisonné. Il Les deux femmes savent donc que Blaze à sa grande stupéfaction il voit Juanita dans “ vient régulièrement ponctionner les habitants met le feu à leurs coiffes et découvre leurs leur a donné un rendez-vous galant à l’au- les bras de Blaze. Cette situation grotesque des villages de l’impôt royal. Au passage, il visages. Salluste veut à tout prix éviter que conserve une certaine part du produit de la Blaze soit victime de ce complot, car il souhaite Salluste à Blaze : Ne vous excusez pas, ce sont les pauvres somme pour lui-même. Un soir, Salluste, qui se servir de lui pour son propre projet. qui s’excusent ! Quand on est riche, on est désagréable ! habite le même palais que le roi, voit Blaze Salluste prévient Blaze in extremis, puis

jeter un bouquet de fleurs à la reine. Le len- échappe avec lui à la fureur des complo- demain, celle-ci vient voir Salluste, pour lui Yves Montand et Louis de Funès : « Ce sont les villageois, ils vous acclament ! » teurs. Mais, aussitôt hors de danger, il le fait “berge de la Cabeza Negra. Peu après, le roi amuse le roi, qui envoit Salluste au bagne,

signifier qu’il est déchu de tous ses titres à capturer. Au même instant, le vrai César, qui reçoit une lettre anonyme de Salluste le pré- pendant que le vrai César fait évacuer dis- cause d’un enfant qu’il aurait eu avec une est de retour, a vu la scène et veut se venger venant qu’il sera cocu. Le roi se rend à l’au- crètement la reine. Blaze arrive à son tour au dame d’honneur de la Cour : il est exilé de de son côté, Salluste enverra une lettre ano- à Blaze, son ancien valet qu’il avait renvoyé, de Salluste. Le soir venu, Salluste envoie berge. Le vrai César est là et informe Blaze bagne : il avait dû choisir entre la relégation Madrid et ses biens confisqués. Salluste nyme informant le roi qu’il est cocu ; le roi “ de jouer ce rôle. Ça tombe bien, car celui-ci un perroquet dressé chez la reine, pour lui du complot. Auparavant, Salluste endort la ou épouser Juanita ! Mais celle-ci surgit dans prépare un plan machiavélique pour assouvir surprendra les deux amants, répudiera la est amoureux de la reine. Le jour où il devra donner rendez-vous au nom du faux César reine et la place dans le même lit que Blaze. le désert pour le retrouver… rendre sa Toison d’or, Salluste présentera Blaze au couple royal. Mais, le jour dit, Blaze Blaze : C’est l’or ! Il est l’or ! L’or de se réveiller ! Louis de Funès au mieux de sa forme aux côtés d’Yves Montand. Le duo est électrique, car tour à tour chacun se sert de l’autre. s’en va au dernier moment, lassé de jouer Mon seignor ! Il est huit or ! Blaze est souvent rudoyé par son maître, mais il se montre également impertinent à son égard. Une double intrigue, conjuguée à cette comédie. À peine vient-il de quitter la une action toujours renouvelée, le tout filmé en Espagne dans de somptueux paysages, sur fond de musique de western ! De bout salle d’honneur qu’il surprend un complot en bout, Salluste ne sert que son intérêt personnel, basé sur le pouvoir et l’avidité, quitte à utiliser les moyens les plus vicieux pour “sa vengeance ! Il prend contact avec César, reine et rappellera Salluste au pouvoir ! ourdi contre le roi : une bombe est dissimulée cela. Il va même jusqu’à sauver son valet d’un attentat, non par grandeur d’âme mais uniquement parce qu’il a besoin de lui ! Et son neveu qui a disparu depuis dix ans, et Mais comme César refuse cette proposition dans le coussin qui portera la Toison d’or. Blaze l’on ne trouve pas la moindre trace d’humanisme dans le personnage, ce qui est assez rare chez de Funès. Le plus fort dans lui fait une proposition : il dira qu’il revient loufoque, Salluste le fait immédiatement ar- revient alerter la reine. Or, c’est Salluste qui l’histoire, c’est que son plan – prouver que le roi est cocu – finit par échouer, bien que cela soit vrai ! des Amériques et il devra séduire la reine ; rêter et envoyer au bagne. Il demande alors porte le coussin : il s’en débarrasse sur le

216 ★ Filmographie 1946-1982 Filmographie 1946-1982 ★ 217 Dans Le Gendarme à New York : la sœur a ZOOM SUR LES troqué sa 2 CV pour une voiture américaine. Elle est à New York pour un congrès eucha- ristique et manque de renverser Cruchot « GENDARME » au détour d’un carrefour. Elle propose de le conduire quelque part. Cruchot décline poliment l’invitation en disant « Dieu nous Inspirés des personnages de Richard Balducci, tous les épisodes des Gendarme garde ! » La séquence de la sœur s’arrête là, ont été réalisés par Jean Girault, sauf le dernier dans lequel Tony Aboyantz a dû prendre assez brève. le relais en cours de tournage à la suite du décès du metteur en scène habituel. Dans Le gendarme se marie : sorti de la Le scénario a souvent été complété et adapté par Jean Girault lui-même et Jacques route en poursuivant un voleur, Cruchot at- Vilfrid. Les dialogues étaient de Jacques Vilfrid. La Société Nouvelle de Cinématographie territ directement dans le bac du side-car de (actuellement SNC groupe M6) a assuré la production – en intégralité, ou en partage Le gendarme se marie : Louis de Funès et Michel Galabru. la sœur, qui continue la poursuite. avec Gérard Beytout pour les deux derniers épisodes. Les six gendarmes de service Dans Le Gendarme en balade : sœur Clotilde est devenue mère supérieure du couvent. seront remplacés à deux reprises lors d’une courte cérémonie de passation de pouvoir Funès. Dans chaque épisode de la série il a (serveur perturbateur), La Grande Vadrouille Entre les fausses manœuvres et les portes dans Le Gendarme à New York (le temps du voyage) et dans Le Gendarme en balade su se rendre indispensable, en imprimant son (musicien dissipé), et dans quelques autres qui s’ouvrent parfois inopinément, c’est l’épi- (durant tout le film à cause de leur mise à la retraite provisoire). propre registre comique à un personnage apparitions ponctuelles. sode où les allers-retours en 2 CV sont les qui ne ressemblait pas à celui de Cruchot plus fréquents. Les gendarmes y montent mais qui, par ses outrances et sa caricature, Michel Modo : le gendarme Berlicot parfois à six, sans compter la jeune sœur concourait au jeu détonant de l’ensemble. (le petit brun) qui conduit avec sœur Clotilde à ses côtés ! Les gendarmes Tricart et Berlicot, unis à la Dans Le Gendarme et les Extraterrestres : Ils ont été de tous Louis de Funès : le maréchal scène sous le pseudonyme de Grosso et on voit la sœur à deux reprises. D’abord, les « Gendarme » des logis-chef Cruchot Modo, peuvent parfois être confondus dans c’est Cruchot lui-même qui demande à Il a autorité sur ses quatre gendarmes leur nom. Et c’est vrai que l’on a rarement monter à bord afin d’éviter les foudres de Michel Galabru : l’adjudant Gerber subalternes et ne se prive pas de l’exercer, l’occasion de les voir nommer séparément. Gerber. La sœur sème ses poursuivants Gerber commande la brigade de Saint- souvent avec outrance. Il se montre en Dans Le Gendarme à New York, on les aper- (Gerber et ses hommes) et conduit Cruchot Tropez. C’est donc le supérieur hiérarchique revanche extrêmement prévenant avec çoit derrière leurs malles respectives ; un peu au couvent. On la reverra un peu plus tard de Cruchot, et il lui arrive de le réprimander ; l’adjudant Gerber, dont il lorgne tout de plus tard, lors de la leçon d’anglais, Cruchot sur la plage en maillot de bain. parfois même il est de mauvaise foi, rejetant même la place de temps à autre. Et il l’aura les interroge individuellement. Dans Le Gendarme et les Gendarmettes : sur lui des fautes qui lui sont imputables ou de façon fugace, en croyant avoir réussi elle surprend fréquemment Cruchot dans au contraire s’appropriant ses bonnes idées. l’examen d’adjudant-chef dans Le gendarme France Rumilly : sœur Clotilde des situations équivoques, croyant chaque Mais très vite, une complicité se fait jour se marie, grade dont il abusera brièvement C’est la sœur qui conduit la 2 CV et qui prend fois qu’il est animé de sentiments douteux, entre les deux hommes, ils partagent des à cause d’une erreur de comptage des régulièrement à son bord Cruchot, et parfois alors qu’il ne fait que surveiller. À la fin du intérêts communs, ils dînent ensemble, résultats. Il est veuf et vit avec sa fille Nicole d’autres gendarmes. Cruchot est effrayé par film, elle retrouvera son rôle habituel en se sont des confidents réciproques, maintenant jusqu’au troisième épisode, lorsqu’il rencon- son style de conduite, mais religion oblige rendant à toute vitesse à la gendarmerie en permanence des liens distants avec les tre fortuitement Josépha. C’est d’ailleurs là probablement, il ne lui manquera jamais pour donner l’alerte. autres gendarmes, confinés à des tâches qu’on apprend qu’il était veuf auparavant et de respect. On entend son nom dans Le d’exécution. non séparé. Il se prénomme Ludovic, prénom Gendarme en balade à plusieurs reprises, et Michel Galabru est souvent présenté comme qu’il conserve tout au long de la série et qui notamment lorsque sœur Marie-Bénédicte le plus grand acteur de second rôle français. est souvent utilisé par sa femme. dit à Cruchot : « Sœur Clotilde m’a souvent Il est vrai que, parallèlement à une impor- parlé de vous… » Les gendarmes « historiques » : Michel Modo, Michel Galabru, Christian Marin, Louis de Funès, tante carrière théâtrale, il a souvent joué des Guy Grosso : le gendarme Tricart Dans Le Gendarme de Saint-Tropez : Guy Grosso et Jean Lefebvre. seconds rôles dans des comédies sans (le grand) revenant à pied d’une station-service où il grande prétention. Pour autant, dans les six Au-delà des quatre Gendarme, on retrou- vient d’acheter un bidon d’essence pour Le Gendarme de Saint-Tropez 1964 Le Gendarme en balade 1970 épisodes des Gendarme, on peut dire avec vera Guy Grosso face à de Funès dans Les ramener la Ford Mustang, Cruchot fait du Le Gendarme à New York 1965 Le Gendarme et les Extraterrestres 1979 force qu’il a joué les premiers rôles, parta- Grandes Vacances (professeur de maths), stop et la sœur s’arrête avec sa 2 CV pour le Le gendarme se marie 1968 Le Gendarme et les Gendarmettes 1982 geant à chaque fois la vedette avec Louis de Le Corniaud (douanier), Le Grand Restaurant conduire jusqu’à la voiture en panne. Louis de Funès et France Rumilly.

238 ★ Zoom sur les « Gendarme » Zoom sur les « Gendarme » ★ 239 Ils ont tourné dans les Jacques François : le colonel ce qui se passe autour d’eux. Leurs signaux mariage de Josépha et Cruchot, ainsi qu’à quatre premiers épisodes Il a joué dans Le Gendarme et les Extrater- incohérents désorientent les automobilistes, la scène du voleur de bidon dans les restres et Le Gendarme et les Gendarmettes. qui s’encastrent les uns contre les autres. Extraterrestres. Le Gendarme à New York Christian Marin : le gendarme Merlot a, pour l’essentiel, été tourné sur le paque- C’est le grand gendarme sympathique, Yves Barsacq : l’automobiliste râleur Dans Le Gendarme en balade, l’intervention bot France, puis à New York. L’Americana que l’on entend prénommer Albert par Cet acteur, que l’on a déjà vu dans d’autres inopinée des gendarmes contribue au Hotel, où descendent les gendarmes, n’a Fougasse lors de la toute première scène sur films de Louis de Funès, interprète à chaque contraire à la résorption d’un bouchon qui pas changé : c'est maintenant le Sheraton, le port. fois l’automobiliste mécontent d’être verba- s’était formé avant leur arrivée. à l’angle de la 53e rue et de la 7e avenue lisé ou contrôlé. Il joue dans Le gendarme de Manhattan. Jean Lefebvre : le gendarme Fougasse se marie et Le Gendarme en balade. Il joue souvent le rôle du gaffeur et se fait Les lieux de tournage La gendarmerie du film a été pendant réprimander par Cruchot plus souvent que Maurice Risch : le gendarme Baupied longtemps la véritable gendarmerie de les autres. C’est le seul qui soit célibataire. On le retrouve dans Le Gendarme et les Toutes les scènes extérieures ont été Saint-Tropez. Il s’agit du bâtiment situé Extraterrestres et Le Gendarme et les Gen- tournées dans le cadre local de Saint- place Blanqui, que l’on voit sur la gauche Christian Marin et Jean Lefebvre ont refusé darmettes. Avec son physique bonhomme et Tropez et de ses environs : les quais du avant d’arriver au port. Après une longue de tourner dans les deux derniers épisodes son air ahuri, il remplace un peu Fougasse, port, les ruelles attenantes, la place des période d’abandon, l’immeuble a été récem- pour des raisons personnelles. dont le rôle était tenu auparavant par Jean Lices et la campagne voisine ; la plupart ment restauré, l’inscription « Gendarmerie Lefebvre. des scènes de plage (nudistes compris) sur nationale » conservée, et il est question Nicole Vervil : Mme Gerber la plage de Tahiti (située sur la commune d’en faire un musée du cinéma. Il est heu- C’est l’épouse de Gerber, prénommée Le Gendarme et les Gendarmettes : Babeth Étienne et Guy Grosso. voisine de Ramatuelle). Lors du briefing reux de voir régulièrement des personnes différemment selon les épisodes. On la voit Les grands bouchons préparatoire à l’arrestation des nudistes, on se faire photographier devant ce lieu his- assez fréquemment, sauf dans Le Gendarme remarquera d’ailleurs que Cruchot montre torique du 7e art. Dans le dernier épisode à New York où elle ne fait qu’une brève qui sont déclinées, puisqu’à chaque fois elle on la revoit dans Le Gendarme en balade. Il est de tradition dans la série que les exactement la position de cette plage sur Le Gendarme et les Gendarmettes, ce sont apparition au début et à la fin du film. invente une histoire pour ne pas éveiller Elle ne jouera pas dans Le Gendarme et les gendarmes de Saint-Tropez soient confron- le plan de Saint-Tropez. Sur place, on peut les actuels locaux de la gendarmerie natio- l’attention des autres. Mais, au bout du Extraterrestres pour des raisons personnelles tés à des bouchons ou à des carambolages. voir aussi la chapelle Sainte-Anne, dressée nale, place de la Garonne (derrière le port), compte, ces petits mensonges (le père mais reprend son rôle dans le dernier épi- sur une colline entre le centre-ville et la qui ont servi de cadre aussi bien en exté- Geneviève Grad : dans les milliardaire, la fille délaissée par son père, sode (Le Gendarme et les Gendarmettes). Dans Le gendarme se marie : plage de Tahiti, qui a servi de cadre au rieur qu’en intérieur. trois premiers épisodes puis l’orpheline de New York) déclenchent et Josépha se montre une épouse attentionnée - En roulant lentement pour provoquer des entretiennent les rebondissements qui en- avec Cruchot, même si elle peut être infractions, Cruchot croise une voiture C’est Nicole, la fille de Cruchot. Jeune fille traînent son père dans de folles équipées. temporairement sévère avec lui. Il arrive décapotable où se trouvent Tricart et frivole et moderne, elle est le contre-pied du Dans Le gendarme se marie (le troisième aussi que Cruchot fasse front. Ainsi, dans Berlicot, avec deux Suédoises. Il freine caractère rigide de son père et contribue épisode), Geneviève Grad perd ce rôle pivot Le Gendarme en balade, lorsque Josépha brutalement et se fait heurter par l’arrière. grandement au comique du début de la série. pour devenir un simple personnage de la tombe dans les bras de Gerber involontaire- Un bouchon se forme et une dispute com- Dans les deux premiers épisodes, elle est saga, avec certes un rôle important dans ment et s’y accroche, Cruchot la réprimande mence avec le malheureux automobiliste ! même la grande responsable des aventures l’intrigue, mais plutôt neutre. Elle fréquente immédiatement. - En voyant Merlot et Fougasse dans d’ailleurs assidûment un jeune homme blond une bétaillère avec les mêmes Suédoises, (l’acteur Maurizi Bonuglia) et prend son Cruchot se met en travers et fait descendre indépendance, puisqu’elle se marie avec lui Ils ont tourné les gendarmes. Un gigantesque bouchon se en même temps que son père. On ne la voit dans deux épisodes forme derrière. donc plus dans les épisodes suivants. Micheline Bourday : Mme Gerber Dans Le Gendarme et les Gendarmettes : C’est l’épouse de Gerber dans les deux À un carrefour, Tricart fait équipe avec une Claude Gensac : derniers épisodes, quand Nicole Vervil a gendarmette. Il lui prodigue des conseils dans trois épisodes renoncé à interpréter le rôle. pour les signaux de base de la circulation : « Encore un peu de raideur dans vos C’est Josépha, la femme de Cruchot. Comme Yves Vincent : le colonel gestes ! » lui dit-il. Cette gestuelle se trans- elle a rencontré son futur mari au tout début Il a joué dans Le gendarme se marie et forme vite en corps à corps, puis en danse Geneviève Grad à Cannes en 1964. du troisième épisode (Le gendarme se marie), Le Gendarme en balade. asiatique, les deux militaires oubliant tout Saint-Tropez, place Banqui en 2012.

240 ★ Zoom sur les « Gendarme » Zoom sur les « Gendarme » ★ 241 LOUIS DE FUNÈS

« C’est pas possible ! », « Non mais dites-donc ! », « Foutez-moi le camp ! »… Autant de phrases fétiches qui ponctuent, avec des mimiques inoubliables, les nombreux films de Louis de Funès, reprises d’une comédie à l’autre par son personnage emblématique – qu’il soit gendarme, chef d’orchestre ou directeur de société ! Un rôle de grand comique, qu’il a peu à peu développé au fil de son exceptionnelle carrière et qui trouve vraiment sa pleine expression dans les œuvres cultes du début des années soixante : imbu de lui-même, de mauvaise foi, fort avec les faibles, obséquieux avec les puissants… À partir de ses recherches aux Archives françaises du film, l’auteur, Claude Raybaud, a détaillé toute la filmographie de Louis de Funès – de la simple figuration au succès international –, qu’il a choisi d’illustrer de près de trois cents photos historiques et hilarantes. Un livre témoignage unique pour tout comprendre de l’un des acteurs les plus populaires, aujourd’hui encore, du cinéma français !

ISBN : 978-2-35956-022-0