Bull. Soc. Pathol. Exot. DOI 10.3166/bspe-2019-0092

SANTÉ PUBLIQUE / PUBLIC HEALTH

Situation épidémiologique de l’envenimation scorpionique dans la province d’El-Oued ( algérien) Epidemiological Situation of Scorpion Envenomation in the Province of El-Oued (Algerian Sahara)

B. Khezzani · D. Barika · A. Tahrine

Reçu le 11 mars 2019 ; accepté le 29 octobre 2019 © Société de pathologie exotique et Lavoisier SAS 2019

Résumé Les auteurs ont analysé une série de données statis- pions et/ou des humains. Ce problème de santé publique doit tiques sur l’envenimation scorpionique dans la province faire l’objet d’un programme spécifique tout au long de l’an- d’El-Oued (Sud de l’Algérie) au cours d’une période de née et dans toutes les communes. Des campagnes de sensi- 22 ans (1996 à 2017). Au cours de cette période, bilisation pour les populations exposées doivent être organi- 124 929 piqûres de scorpion ont été notifiées, entraînant sées tout en assurant la prise en charge médicale précoce des 143 décès. L’incidence annuelle moyenne était de 861,6 patients et une formation appropriée des agents de santé. pour 100 000 habitants, la mortalité annuelle moyenne de 1,06 pour 100 000 habitants et la létalité de 0,12 %. Les taux Mots clés Scorpion · Piqûre · Mortalité · Incidence · d’incidence (387,1 pour 100 000), de mortalité (0,86 pour Létalité · El-Oued · Algérie · Maghreb · Afrique du Nord 100 000) et de létalité (0,64 %) les plus élevés ont été obser- vés pendant la période estivale. Les zones rurales sont plus Abstract The purpose of this paper is to highlight the epide- concernées que les zones périurbaines et urbaines, avec une miological status of scorpion envenomation in the province incidence annuelle moyenne de 4 934,4 pour l’incidence, of El-Oued (Southern ), by analyzing retrospective 8,28 pour la mortalité et 0,16 % pour la létalité Merci de data covering a period of 22 years ranging from 1996 to vérifier la phrase. Environ 64 % des communes ont une inci- 2017. During this period, 124,929 cases of stings were repor- dence supérieure à 1 000 pour 100 000 habitants. L’inci- ted, out of which 143 deaths, representing an incidence of dence et la mortalité sont supérieures chez les hommes, 861.6 per 100,000 people, a mortality of 1.06 per 100,000 11 536 et 1,36 pour 100 000 habitants, respectivement. L’in- and a lethality rate of 0.12%. The highest incidence, morta- cidence est la plus élevée chez les personnes de plus de lity, and lethality rates were reported during summer, with 50 ans (1 166 pour 100 000 habitants), tandis que la mortalité 387.1, 0.86, and 0.64%, respectively. Rural areas were more et la létalité les plus fortes ont été observées chez les enfants threatened by scorpionism than any areas, with an annual de moins de cinq ans avec 1,27 pour 100 000 et 0,11 % incidence of 4,934.4, an annual mortality of 8.28, and an respectivement. Les piqûres des scorpions sont plus fréquen- annual lethality rate of 0.16%. In addition, about 64% of tes à l’intérieur des maisons qu’en dehors, avec une inci- municipalities showed an incidence higher than 1,000 per dence de 434,3 et 4 273 pour 100 000 habitants respective- 100,000 people. Incidence and mortality rates were higher ment. Les membres supérieurs et inférieurs sont les parties in males (1,152.6 and 1.36, respectively) than in females du corps les plus atteintes par les piqûres de scorpion, avec (570.5 and 0.76, respectively), while lethality rate was simi- une incidence de 815,6 pour 100 000 habitants. Des inciden- lar in both genders (0.13%). People over 50 years of age ces très élevées ont été rapportées entre 18 h 00 et 24 h 00 et were mostly concerned by scorpionism with an incidence of entre 6 h 00 et 12 h 00 (322,8 et 272,2 pour 100 000 habitants 1,165.8, while specific mortality and lethality rates were respectivement), ce qui correspond au pic d’activité des scor- higher in children under five years of age with 1.27 per 100,000 and 0.11%, respectively. Indoors and outdoors inci- B. Khezzani (*) · D. Barika · A. Tahrine dences rates were 434.3 and 427.3, respectively. Lower Département de biologie, faculté des sciences de la nature et de la limbs were affected in 51% of scorpion stings and upper vie, limbs in less than 45% of cases. The highest incidences were université d’El-Oued, BP 789, El-Oued, Algérie e-mail : [email protected], reported between 18 h 00 and 23 h 00 and between 6 h 00 [email protected] and 11 h 00 (322.8 and 272.2, respectively), which 2 Bull. Soc. Pathol. Exot. corresponds to the peak activity of scorpions and humans, Matériels et méthodes respectively. The results confirmed that scorpion sting is a public health issue in El-Oued province which should be Description de la région d’étude monitored and controlled throughout the year and in all municipalities. The current situation must unite stockhol- El-Oued est l’une des 48 provinces de l’Algérie, située dans ders’ efforts by activating sensitization campaigns for the la partie Sud-Est entre 32°00′ N et 34°30′ N et 5°11′ Eet9° exposed populations, and ensuring an efficient and timely 04′E. L’altitude est comprise entre 24 m au nord et environ medical care with provision of specialized training to health 100 m au sud. La province s’étend sur une superficie de workers. 44 586,8 km2 et représente près de 1,87 % du territoire natio- nal. Sur le plan administratif, cette province a été créée à Keywords Scorpion · Sting · Mortality · Incidence · partir du deuxième redécoupage territorial de 1984 qui l’a Lethality rate · El-Oued · Algeria · Maghreb · Northern divisé en 30 communes (Fig. 1) [26]. La population totale Africa de cette province était d’environ 849 000 habitants en 2017, avec trois niveaux géographiques d’occupation : les régions urbaines (71,1 %), les régions périurbaines (18,2 %) et les Introduction régions rurales (10,7 %). La densité de la population est de 19 habitants au km2 mais présente une forte hétérogénéité. L’envenimation par scorpion est reconnue comme un pro- Le climat de la zone d’étude est hyperaride, caractérisé par blème important dans de nombreuses régions tropicales et un été très chaud et sec et un hiver doux. L’humidité relative subtropicales, notamment en Afrique du Nord, au Moyen- est liée aux précipitations, aux vents et à la température. Les Orient, au Proche-Orient, en Afrique du Sud et de l’Est, au valeurs moyennes mensuelles de l’humidité sont générale- Mexique, au Brésil et dans le bassin amazonien (Guyana, ment d’environ 30 % en été (juillet et août) et peuvent attein- Venezuela, Nord Brésil) et le Sud de l’Inde. Près de 1,2 mil- dre 65 % en hiver (décembre et janvier). Les températures lion de piqûres sont rapportées chaque année, avec plus de peuvent atteindre 45 °C en été et atteindre un point de gel en 3 000 décès, particulièrement chez les très jeunes enfants [8]. hiver. La moyenne annuelle de la température est de l’ordre En Algérie, le scorpionisme représente l’un des problèmes 26 °C [19]. Les précipitations sont faibles, sporadiques et de santé publique les plus importants, en particulier dans les oscillantes, avec une moyenne annuelle hétérogène ne régions du sud et les Hauts Plateaux. Chaque année, plus de dépassant pas 70 mm ou atteignant rarement 100 mm. L’éva- 50 000 piqûres de scorpion sont enregistrées [37]. Par exem- poration est très élevée dépassant 2 200 mm [20]. Les vents ple, entre 1996 et 2017, l’Institut national de la santé sont généralement modérés, mais au printemps et en publique (INSP) a dénombré plus d’un million de cas confir- automne, ils deviennent violents. Tous ces indicateurs sont més de piqûres de scorpion, dont 1 647 décès, soit 78,4 par témoins de l’aridité et de la rigueur du climat dans cette an en moyenne. région. L’élevage et l’agriculture irriguée sont les principales Selon Vachon [42], plus de 28 espèces de scorpions ont activités économiques de cette province [18]. été répertoriées dans le pays, dont quatre sont dangereuses pour l’homme (Androctonus australis, Buthus tunetanus, Collecte et analyse de données Androctonus aeneas,etAndroctonus crassicauda), qui dif- fèrent par leur taille et la toxicité de leur venin [23]. Nous avons effectué une analyse descriptive et rétrospective De nombreuses études dans ce domaine, telles que Hellal des piqûres de scorpion enregistrées dans les centres sanitai- et al. [15], Selmane [35], Selmane et al. [36] et Selmane et res privés et publics de la province d’El-Oued entre 1996 et L’Hadj [37], confirment que les parties méridionales de l’Al- 2017, par la direction provinciale de la Santé et de la Popu- gérie sont plus particulièrement à risque de piqûres de scor- lation (DSP). Les statistiques de piqûres incluent les réparti- pion. El-Oued est une province méridionale où aucune étude tions temporelle (annuelle et mensuelle), géographique spécialisée sur le scorpionisme n’a encore été réalisée. Notre (selon la commune et le type de la région), démographique objectif principal était d’étudier les données épidémiolo- (genre et tranche d’âge : < 5 ans, 5–14 ans, 15–49 ans et > giques de l’envenimation scorpionique à partir d’une appro- 50 ans). L’horaire de l’accident (0–5h,6–11 h, 12–17 h et che rétrospective multifactorielle, notamment spatiale, tem- 18–23 h), le lieu de survenue (en milieu extérieur ou inté- porelle et démographique durant la période 1996 à 2017. rieur) et le siège anatomique de la piqûre (membre supérieur, membre inférieur, tronc et tête) ont également été collectés. Les statistiques de décès incluent seulement les répartitions temporelles (mensuelle et annuelle), géographiques (selon la commune et type de la région) et démographiques (tranche d’âge et genre du patient). Certaines données climatiques Bull. Soc. Pathol. Exot. 3

Fig. 1 Localisation de la zone d’étude (province d’El-Oued) / Location of study area (El-Oued province) concernant la région d’étude ont été fournies par l’Office L’incidence des piqûres de scorpion et la mortalité national de la météorologie [29,30]. annuelles ont été calculées pour 100 000 habitants par rap- Des données statistiques concernant la répartition tempo- port à la population de l’année correspondante. La létalité relle (annuelle et mensuelle) du scorpionisme au niveau correspond au pourcentage de décès par rapport à l’ensemble national ont été fournies par l’Institut national de santé des personnes piquées par scorpion. Les statistiques descrip- publique (INSP : http://www.insp.dz/). Les données démo- tives ont été réalisées par Microsoft Excel® 2016, tandis que graphiques estimées par commune ont été fournies par la les cartes de distribution ont été établies par le logiciel Arc- direction de la Programmation et du Suivi budgétaire de la Gis® (version 10.5). province d’El-Oued pour la période allant de 1996 à 2017. Les données concernant la population totale de l’Algérie ont été fournies par l’Office national des statistiques (ONS : http://www.ons.dz/) pour la période de 1996 à 2017. 4 Bull. Soc. Pathol. Exot.

Résultats périurbaines, elle reste faible, soit 0,03 et 0,05 % respective- ment (Tableau 1). Répartition géographique Répartition annuelle de piqûres de scorpion

De 1996 à 2017, les divers centres de santé de la province La période de 1996 à 2007 a été caractérisée par une aug- d’El-Oued ont notifié 124 929 piqûres de scorpion (12,3 % mentation considérable de l’incidence, avec un pic de du total des cas au niveau national), dont 143 décès (8,7 % 1 033,6 et 1 062,2 piqûres pour 100 000 habitants en 2006 du nombre total de cas au niveau national). L’incidence et 2007 respectivement. Ensuite, entre 2008 et 2017, on annuelle moyenne a été de 861,6 piqûres de scorpion pour observe une diminution continue de l’incidence, la valeur 100 000 habitants (Fig. 2a) et la mortalité annuelle de la plus faible de l’incidence étant déclarée en 2017, avec 1,06 décès pour 100 000 habitants (Fig. 2b). Au cours de 598,2 piqûres pour 100 000 habitants (Fig. 3), tandis que la la période de l’étude, toutes les communes ont rapporté des moyenne générale de la période était estimée à 861,6 pour piqûres de scorpion. Pour l’incidence, la commune de Mer- 100 000 habitants. La mortalité a varié dans l’intervalle de 0 rara occupait le premier rang, avec 2 612,2 pour (en 2015 à 2016) à 3,57 (en 1997) pour 100 000 habitants, 100 000 habitants, suivie de la commune de Ben Guicha, tandis que la moyenne de la période concernée était estimée avec 1 790,6 pour 100 000 habitants, tandis que la plus faible à 1,06 pour 100 000 habitants (Fig. 4). Par ailleurs, la létalité valeur a été signalée dans la commune d’El-Oued, avec variait entre 0 % (en 2015 et 2016) et 0,44 % (en 1997), 223,4 pour 100 000 habitants. La commune de tandis que la moyenne générale de la période était estimée occupait la première position, avec une mortalité de 6,84 à 0,12 % (Fig. 5). pour 100 000 habitants, tandis qu’aucun décès n’a été Au niveau national, les résultats montrent que les valeurs signalé dans les communes d’Oued El-Alenda, de Douar du taux d’incidence se situaient dans un intervalle qui variait Elma, d’Ouermes, de Merrara, de Tenedla et de Miha entre 93 pour 100 000 habitants (1996) et 169 pour Ouensa (Fig. 2b). La létalité la plus élevée a été observée 100 000 habitants (1999) (Fig. 3), tandis que la moyenne dans la commune de Hamria, avec un taux de 0,52 %, alors générale était estimée à 135 pour 100 000 habitants. Les que la moyenne générale de létalité est estimée à 0,12 % valeurs de la mortalité variaient entre 0,10 et 0,50 pour (Fig. 2c). 100 000 habitants, avec une moyenne de 0,23 pour 100 000 habitants (Fig. 4), alors que la létalité variait entre Les résultats montrent que les taux d’incidence et de mor- 0,08 et 0,41 %, avec une moyenne générale de 0,17 % (Fig. talité annuels moyens sont très élevés dans les zones rurales 5). Par comparaison, nous avons constaté que les valeurs de où ils atteignent 4 934,4 et 8,28 pour 100 000 habitants res- l’incidence au niveau d’El-Oued étaient très supérieures à pectivement. Dans les zones périurbaines, ces valeurs sont celles enregistrées au niveau national (Fig. 3). En outre, de l’ordre de 1 531,7 et 0,74 pour 100 000 habitants respec- l’étude montre qu’il existe une forte corrélation entre l’inci- tivement. Enfin, dans les zones urbaines, les taux d’inci- dence, la mortalité et la létalité, tant au niveau local que dence et de mortalité sont de l’ordre de 60,7 et 0,02 pour national (r est égal à 0,89, 0,70 et 0,68 respectivement). 100 000 habitants respectivement. Dans les zones rurales, la létalité est supérieure à la moyenne générale. Elle atteint une valeur de 0,16 %, tandis que dans les zones urbaines et

Fig. 2 Répartition spatiale des différents paramètres du scorpionisme dans la province d’El-Oued de 1996 à 2017 : a = incidence ; b = mortalité ; c = létalité / Spatial distribution of different parameters of scorpionism in El-Oued province from 1996 to 2017: a = inci- dence; b = mortality; c = lethality Bull. Soc. Pathol. Exot. 5

Tableau 1 Statistique descriptive des paramètres du scorpionisme selon le sexe, la tranche d’âge, le type de région et la saison / Descriptive statistics for scorpionism parameters by gender, age group, type of region and season

Nombre %Nombre% Incidence Mortalité Létalité de piqûres de décès par 100 000 habitants par 100 000 habitants (%) Sexe Masculin 83 699 67 91 63,6 1152,6 1,36 0,12 Féminin 41 230 33 52 36,4 570,5 0,76 0,13 Total 124 929 100 143 100 861,6 1,06 0,12 Tranche Moins 5 992 4,8 30 21 318,4 1,75 0,54 d’âge de 5 ans 5–14 ans 23 877 19,1 43 30 717,9 1,34 0,18 15–49 ans 76 495 61,2 52 36,4 994,0 0,73 0,07 Plus 18 565 14,9 18 12,6 1165,8 1,27 0,11 de 50 ans Total 124 929 100 143 100 861,6 1,06 0,12 Type Urbaine 6 246 5 2 1,4 60,7 0,02 0,03 de région Périurbaine 39 977 32 18 12,6 1531,7 0,74 0,05 Rurale 78 705 63 123 86 4934,4 8,28 0,16 Total 124 928 100 143 100 861,6 1,06 0,12 Saison Printemps 28 315 22,7 11 7,7 194,8 0,07 0,08 Été 55 880 44,7 116 81 387,1 0,86 0,21 Automne 37 115 29,7 16 11,3 254,8 0,12 0,05 Hiver 3 619 2,9 0 0 24,9 0 0 Total 124 929 100 143 100 861,6 1,06 0,12

Fig. 3 Distribution annuelle de l’incidence dans la province d’El-Oued et au niveau national de 1996 à 2017 / Annual distribution of incidence in El-Oued province and at national level from 1996 to 2017

Répartition mensuelle des piqûres de scorpion 100 000 habitants, suivie par 254,8 en automne. Au prin- temps, l’incidence est de l’ordre de 194,8 pour 100 000 habi- ’ La figure 6 montre que les accidents de piqûres de scorpion tants, tandis que l incidence la plus faible est enregistrée en surviennent tous les mois de l’année, avec cependant une hiver, avec 24,9 piqûres pour 100 000 habitants (Tableau 1). forte hétérogénéité saisonnière. L’incidence la plus élevée La mortalité est très élevée en été (0,86 décès pour ’ est observée au cours de l’été, avec 387,1 piqûres pour 100 000 habitants), tandis qu elle est faible au printemps et 6 Bull. Soc. Pathol. Exot.

Fig. 4 Distribution annuelle de la mortalité dans la province d’El-Oued et au niveau national de 1996 à 2017 / Annual distribution of mortality in El-Oued province and at national level from 1996 to 2017

Fig. 5 Distribution annuelle de la létalité dans la province d’El-Oued et au niveau national de 1996 à 2017 / Annual distribution of lethality in El-Oued province and at national level from 1996 to 2017

àl’automne, avec respectivement 0,07 et 0,12 décès pour Répartition des piqûres selon le genre et la tranche 100 000 habitants. En hiver, aucun décès n’a été déclaré. d’âge La létalité présente les mêmes caractéristiques que la morta- lité : 0,21 % en été, 0,08 % au printemps et 0,05 % en Dans notre région d’étude, les sujets masculins représentent automne (Tableau 1). Les distributions mensuelles de l’inci- environ 51 % de la population totale, pour 49 % de femmes. dence et de la mortalité au niveau de la province d’El-Oued Il a été notifié 83 699 piqûres de scorpion chez des hommes sont similaires à celles notées au niveau national (Figs 6, 7) : (67 %) et 41 230 (33 %) chez des femmes, avec une inci- les coefficients de corrélation sont 0,92 et 0,94 dence respective de 1 152,6 et 570,5 pour 100 000 habitants, respectivement. soit un sex-ratio de 2. La mortalité est de 1,36 pour Bull. Soc. Pathol. Exot. 7

Fig. 6 Répartition mensuelle de l’incidence dans la province d’El-Oued et au niveau national de 1996 à 2017 / Monthly distribution of incidence in El-Oued province and at national level from 1996 to 2017

Fig. 7 Répartition mensuelle de la mortalité dans la province d’El-Oued et au niveau national de 1996 à 2017 / Monthly distribution of mortality in El-Oued province and at national level from 1996 to 2017

100 000 hommes et de 0,76 pour 100 000 femmes. En revan- (318,4 piqûres pour 100 000 habitants de moins de cinq che, la létalité est similaire avec 0,12 % chez les sujets mas- ans). Quel que soit l’âge, l’incidence est toujours plus élevée culins et 0,13 % chez les femmes. Les piqûres de scorpion chez les sujets masculins (Tableau 1). affectent toutes les tranches d’âge. Cependant, l’incidence La mortalité la plus élevée est observée chez les enfants est la plus élevée chez les personnes de plus de 50 ans de moins de cinq ans (1,75 pour 100 000 enfants de moins de (1 165,8 pour 100 000 habitants de plus de 50 ans), suivies cinq ans), suivi par la tranche 5–14 ans avec 1,34 pour des 15–49 ans avec 994 pour 100 000 habitants, dont l’âge 100 000 enfants. Chez les personnes de plus de 50 ans, la est compris entre 15 et 49 ans, tandis que l’incidence la plus mortalité est de l’ordre de 1,24, tandis que la plus faible faible est observée chez les enfants de moins de cinq ans mortalité se rencontre chez les sujets de 15 à 49 ans (0,73 8 Bull. Soc. Pathol. Exot. décès pour 100 000). La mortalité des femmes est inférieure sentent que 24,3 et 8,4 piqûres pour 100 000 habitants res- à celle des hommes dans toutes les tranches d’âges. Le taux pectivement. Dans les cas où le siège des piqûres n’est pas plus élevé de la létalité est observé chez les enfants de moins déterminé, l’incidence est de l’ordre 13,2 pour 100 000 habi- de cinq ans avec 0,54 %, puis diminue progressivement pour tants. De plus, quelle que soit la partie du corps, l’incidence atteindre 0,07 % dans la tranche 15–49 ans. Cependant, la est supérieure chez l’homme (Tableau 2). létalité remonte chez les plus de 50 ans pour atteindre 0,11 %. Discussion Répartition des piqûres par scorpion selon l’horaire de l’accident de piqûres Ce travail consiste en une analyse épidémiologique des Deux périodes du nycthémère sont critiques, la première envenimations scorpioniques et des décès déclarés entre ’ entre 18 h 00 et 23 h 00, avec une incidence de 322,8 piqûres 1996 et 2017 dans la province d El-Oued, Algérie. Le sys- pour 100 000 habitants et la seconde entre 6 h 00 à 1 1 h 00, tème de notification adopté par le Comité national de lutte ’ avec une incidence de 272,2. De 12 h 00 à 17 h 00 et de contre l envenimation scorpionique a permis de mieux 00 h 00 à 5 h 00, l’incidence est respectivement de 160,1 connaître la situation épidémiologique du scorpionisme. ’ et 106,4 piqûres pour 100 000 habitants. Quelle que soit la Cependant, on estime qu environ 10 à 15 % des piqûres ne tranche horaire, l’incidence est toujours plus élevée chez les sont pas déclarées aux établissements de santé, notamment hommes que chez les femmes (Tableau 2). lorsque le scorpion est très petit ou que la piqûre survient dans un endroit isolé. Répartition des piqûres par scorpion selon le lieu Du point de vue géographique, l’habitat traditionnel et les et le siège résidus des pratiques agricoles que l’on observe en zone rurale sont très favorables à la prolifération des scorpions. L’incidence de piqûres à l’intérieur des maisons est de l’or- L’interaction entre les scorpions et l’être humain y est très dre 434,3 pour 100 000 habitants, alors qu’àl’extérieur elle forte, ce qui explique le nombre considérable de piqûres et est de 427,3 pour 100 000 habitants. Par ailleurs, dans les de décès observés dans ces régions. deux milieux (extérieur et intérieur), l’incidence chez les Dans certaines communes, l’incidence élevée peut être hommes est supérieure à celle des femmes. Les principales liée à la couverture végétale naturelle et au sol calcaire, qui parties du corps humain concernées par les piqûres de scor- caractérise la partie nord de la région d’étude [19], en parti- pion sont les membres inférieurs, avec 441,8 piqûres pour culier les communes de Ben Guicha et Hamraia. Ces forma- 100 000 habitants, suivis des membres supérieurs, avec tions calcaires et caillouteuses créent un environnement pro- 373,8 pour 100 000 habitants. Le tronc et la tête ne repré- pice aux scorpions entre les fissures et sous le sol. Ce point

Tableau 2 Statistique descriptive des paramètres du scorpionisme selon le siège anatomique, la tranche horaire et le biotope / Descriptive statistics for scorpionism parameters according to target anatomical site, daily time of sting and environment

Nombre de piqûres (%) Incidence par 100 000 habitants Masculin Féminin Total (%) Masculin Féminin Total Siège Membre sup. 35 748 (42,7) 18 397 (44,6) 54 145 (43,3) 492,5 255,1 373,8 Membre inf. 43 593 (52,1) 20 614 (50) 64 207 (51,4) 599,2 284,4 441,8 Tronc 2 472 (2,9) 1 063 (2,5) 3 535 (2,8) 34,0 14,6 24,3 Tête 824 (1) 419 (1) 1 243 (1) 11,2 5,7 8,4 Non déterminé 1 062 (1,2) 737 (1,8) 1 799 (1,4) 15,7 10,7 13,2 Total 83 699 (100) 41 230 (100) 124 929 (100) 1152,6 570,5 861,6 Tranche 0–5 h 9 526 (11,4) 5912 (14,3) 15 438 (12,4) 131,1 81,7 106,4 horaire 6–11 h 27 071 (32,3) 12393 (30,1) 39 464 (31,6) 373,5 170,9 272,2 12–17 h 16 392 (19,6) 6 766 (16,4) 23 158 (18,5) 226,4 93,9 160,1 18–23 h 30 710 (36,7) 16 159 (39,2) 46 869 (37,5) 422,2 223,5 322,8 Total 83 699 (100) 41 230 (100) 124 929 (100) 1152,6 570,5 861,6 Biotope Intérieur 35 102 (41,9) 27 836 (67,5) 62 938 (50,4) 483,9 384,7 434,3 Extérieur 48 597 (58,1) 13 394 (32,5) 61 991 (49,6) 669,0 185,5 427,3 Total 83 699 (100) 41 230 (100) 124 929 (100) 1152,6 570,5 861,6 Bull. Soc. Pathol. Exot. 9 de vue est confirmé par l’étude de Hosseininasab et al. [16] L’action du Comité national de lutte contre l’envenima- dans le sud de la province de Kerman (Iran). tion scorpionique mis en place en 1997 s’est d’abord traduite Bien que l’incidence soit plus élevée en zone rurale, les par la hausse de l’incidence dans notre région d’étude entre scorpions sont présents dans tous les milieux, y compris en 1996 et 2007. Cela pourrait être la conséquence de la sensi- ville [8]. Peu de données existent sur la répartition des piqû- bilisation de la population et l’amélioration de la déclaration res de scorpion entre la campagne et la ville en Algérie. Une des cas devenue obligatoire [22]. De plus, les conditions étude récente de Reckziegel et Pinto [32] au Brésil a révélé résultant de diverses activités humaines, telles que l’expan- un taux d’incidence de 61,7 % dans les zones rurales. À sion et la diversité de l’agriculture ont pu contribuer à créer Dezful (Iran), l’étude du ministère de l’Intérieur de la Répu- un environnement favorable à l’expansion des scorpions. En blique algérienne démocratique et populaire [27] a montré outre, jusqu’à présent, les pratiques agricoles demeurent que près de 58 % des piqûres surviennent en zones rurales essentiellement manuelles et incluent une majorité de la contre 42 % en zones urbaines. À El-Oued, la mortalité et la population, y compris les enfants de 10 à 15 ans qui contri- létalité plus élevées dans les régions rurales qu’en zones buent à la gestion de l’irrigation traditionnelle, ce qui effec- périurbaines et urbaines peuvent s’expliquer par une plus tivement augmente l’exposition au scorpionisme. faible accessibilité aux services de santé. En milieu rural, La diminution sensible des piqûres de scorpion tant au l’absence de prise en charge médicale rapide et la fréquente niveau national que local après 2007 peut s’expliquer par utilisation de méthodes thérapeutiques traditionnelles le développement de campagnes de sensibilisation et l’amé- conduisent à retarder le traitement approprié et à aggraver lioration du cadre de vie qui réduisent l’exposition des popu- l’état des patients [5]. lations. Les divers programmes de logements lancés par l’État, en particulier dans les régions rurales, ont des effets Dans notre région d’étude, plusieurs méthodes thérapeu- ’ tiques traditionnelles sont utilisées par les populations rura- positifs sur l amélioration du cadre de vie des populations rurales. Au niveau local, la transformation de l’agriculture les contre l’envenimation scorpionique. La pulvérisation de gaz butane et la succion buccale au niveau du siège de la de subsistance en une agriculture de marché renforce le machinisme agricole et réduit l’exposition des agriculteurs piqûre restent couramment utilisées. D’autres méthodes thé- rapeutiques citées par Aboumaâd et al. [1], dans les régions au scorpionisme, du moins au cours des travaux champêtres. La réduction de la mortalité et de la létalité peut être attribuée rurales du Maroc, sont aussi utilisées dans notre région d’étude. à une meilleure gestion des patients dans les établissements de santé, notamment une plus grande accessibilité aux anti- Pour les zones urbaines, la prise en charge est précoce, venins [22]. alors que les zones périurbaines peuvent être considérées Les conditions climatiques saisonnières ont un effet direct comme des zones de transition entre les zones rurales et les sur le comportement des scorpions [31]. Selon Molaee et al. zones urbaines, ce que suggèrent les résultats intermédiaires. [27], la température ambiante est le facteur écologique ’ Selon Hellal et al. [15], dans le cadre de l expansion urbaine, essentiel de la biologie des scorpions, car ceux-ci sont des les constructions se multiplient, souvent de façon anar- animaux thermophiles et bien adaptés aux milieux déserti- chique, parfois sur des gîtes de scorpions, et restent long- ques et chauds. La recrudescence de l’activité estivale des temps inachevées, avec des amoncellements de gravats et scorpions se produit parallèlement à une intensification des de détritus autour des maisons. Dans ces conditions, le activités agricoles, ce qui entraîne une augmentation propor- risque de piqûre est accru, notamment en zones périurbaines tionnelle de l’exposition au scorpionisme. Dans la zone ou dans les quartiers populaires défavorisés. d’étude, septembre et octobre (début de l’automne) mar- Les espèces de scorpion responsables des piqûres quent le début de la préparation des terrains pour différentes n’étaient pas précisées dans les notifications de cas. Cepen- cultures. Par ailleurs, au cours de cette période, les agricul- dant, l’étude de Hammoudi-Triki et al. [14] qui a été menée à teurs commencent à collecter et à commercialiser les cultures , El-Oued et Djelfa (le Sud algérien), indique que de tabac après le séchage des feuilles, en particulier dans les 70 % des patients étaient piqués par Androctonus australis. communes de Guemar, de et d’Hassi Khalifa. Nous Par ailleurs, l’étude de l’inventaire qui a été réalisé par avons montré une forte corrélation entre la distribution men- Sadine et al [33] dans la partie centrale de la province suelle de la température et l’incidence des piqûres de scor- d’El-Oued a déterminé huit espèces des scorpions apparte- pion (r = 0,95), ainsi qu’une corrélation inverse (r = –0,85) nant à deux familles différentes. La famille du Buthidae qui entre la distribution mensuelle de l’humidité relative et les comprend sept espèces (Androctonus bicolor, Androcto- piqûres (Fig. 8). La distribution mensuelle des cas de piqûres nus amoreuxi, Androctonus australis, Buthiscus bicalcara- dans notre zone d’étude est similaire à celles décrites par tus, Buthacus arenicola, Buthus tunetanus et Orthochi- Soulaymani-Bencheikh et al. [39] à Kouribga (Maroc), par rus innesi) et la famille du Scorpionidae qui comprend une Ben Othman et al. [6] dans la province du Faouar-Kébili seule espèce (Scorpio maurus). (Tunisie) et, en Algérie, par Selmane [34] dans la province 10 Bull. Soc. Pathol. Exot. de Naama où 70,4 % des cas de piqûres se produisent durant femmes sont piquées la nuit entre 0 et 5 heures, alors que les la période estivale. hommes ne sont que 3,3 %. Cela suggère une exposition En hiver, les scorpions n’hibernent pas, mais deviennent différente probablement liée aux activités domestiques res- moins actifs. Cependant, ils quittent leur terrier les jours où il pectives. Toutefois, une autre cause pourrait expliquer cette fait chaud [40]. L’absence de décès en période hivernale a été différence de sex-ratio. La mortalité plus forte chez les fem- attribuée à une toxicité réduite du venin, ou à une quantité mes, 0,76 pour 100 000 contre 0,36 pour 100 000 chez les délivrée plus faible dans la mesure où le scorpion cherche à hommes, suggère une sous-déclaration des piqûres de scor- économiser son venin en proportionnant la quantité de venin pion chez les femmes qui consulteraient moins que les hom- inoculée à l’intensité de la menace, pouvant même se tra- mes dans les centres de santé, notamment en cas de piqûre duire par des piqûres sèches [24,28]. Cependant, il est éga- sèche ou d’envenimation bénigne. lement possible que la mortalité nulle s’explique par le faible La forte incidence des piqûres constatée dans le groupe taux de létalité qui, appliqué à un nombre restreint de piqû- d’âge de plus de 50 ans suivi par les personnes de 15–49 ans res, ne permet pas d’observer de décès. peut s’expliquer par le fait que ces deux catégories d’âges L’incidence observée chez les hommes (67 % du total des totalisent 63 % de la population totale. De plus, la tranche piqûres) est sensiblement plus élevée que celles rapportées d’âge 15–49 ans représente les actifs, notamment dans le par la plupart des auteurs. Charrab et al. [7] à Beni Mellal domaine agricole. Les enfants de moins de quatre ans sem- (Maroc) et Ben Othman et al. [6] dans la région de Faouar blent moins exposés, peut-être en raison d’une protection Kébili (Tunisie) ont rapporté respectivement 54,8 et 56,3 % parentale efficace. La plupart des piqûres dans cette tranche de piqûres chez les sujets masculins, alors que Maghsoodi d’âge a été enregistrée en milieu rural parmi les familles et al. [25] à Izeh (Iran) ont signalé un pourcentage d’inci- d’agriculteurs chez qui l’exposition est sans doute plus éle- dence plus élevé chez les femmes que chez les hommes vée — et le niveau de protection peut-être plus faible — (52,2 et 47,8 % respectivement). Ces auteurs ne donnent qu’en zone urbaine. Pour la distribution des cas des piqûres pas d’explication convaincante à ces différences de sex- selon la tranche d’âge, nos résultats sont cohérents avec de ratio. Il est possible que cela soit dépendant du comporte- nombreuses études telles que celles d’Al-Sadoon et Jarrar ment des scorpions — auquel cas il pourrait y avoir une [4], qui ont rapporté 6,6 % des cas de piqûres dans la caté- variation en fonction de l’espèce responsable de la piqûre — gorie de moins de cinq ans, et de Jarrar et Al-Rowaily [17], ou des activités humaines et donc une influence culturelle. qui ont signalé une incidence de 65,6 % chez les plus de Dans notre étude, il n’existe pas de différence de siège de 20 ans. piqûre entre les hommes et les femmes. En revanche, on La plus forte mortalité chez l’enfant est mentionnée dans observe que 67,5 % des femmes se font piquer à l’intérieur toutes les études [8]. Plusieurs raisons expliquent la plus contre 41,9 % des hommes (Tableau 2). De plus, 14,3 % des grande vulnérabilité de l’enfant, notamment le rapport entre

Fig. 8 Nuages de points des incidences mensuelles de piqûres de scorpion et des moyennes mensuelles de température et d’humidité relative / Scatterplots of monthly scorpion sting incidence, and monthly mean of temperature and of relative humidity Bull. Soc. Pathol. Exot. 11 son poids et la quantité de venin inoculé et les mécanismes cours du travail et/ou de la marche, en particulier quand les de défense immunitaire non spécifiques immatures précautions de sécurité ne sont pas respectées lors des acti- [9,11,21]. Chez les personnes âgées, l’association à des vités agricoles. À l’échelle nationale, l’étude de Hellal et al. maladies chroniques ou un état de santé précaire sont des [15], qui couvre une période de 20 ans (1991–2010), montre facteurs défavorables. que les piqûres aux membres supérieurs et inférieurs repré- Les piqûres de scorpion surviennent toute la journée. sentent à elles seules plus de 90 % des cas, avec respective- Cependant, le pic d’incidence de la nuit entre 18 et 24 heures ment 43 % au niveau des membres inférieurs et 47 % pour correspond au maximum d’activité des scorpions [12]. Celui les membres supérieurs. Plusieurs études corroborent nos du matin est en rapport avec les activités agricoles ou pasto- résultats, telles que celle d’El Hidan et al. [11], dans les oasis rales. Dans certains cas, et en raison des températures éle- de Zagora (Maroc), qui signalent qu’environ 85,17 % des vées en été dans la zone d’étude, de nombreux agriculteurs, cas de piqûres affectent les membres inférieurs et supérieurs. artisans, travailleurs de la construction et autres modifient le L’étude réalisée en Arabie saoudite par Al-Sadoon et Jarrar travail de jour avec le poste de nuit, ce qui entraîne davan- [4] indiquait un taux de 86,5 % lié à l’incidence sur les mem- tage d’incidents de piqûres de scorpions. À titre de compa- bres inférieurs et supérieurs. Les piqûres de scorpion obser- raison, l’étude d’Al-Asmari et al. [3] a montré que 64,2 % vées à la tête et au tronc se produisent généralement pendant des cas de piqûres se produisent entre 18 h 00 et minuit, alors la sieste ou plus souvent pendant le sommeil nocturne alors que l’étude de Selmane et al. [36] à (Algérie) a que le scorpion est actif [1]. Les programmes éducatifs des- signalé 26,7 % de piqûres entre 18 h 00 et 23 h 00 et 38,8 % tinés à la population, en particulier aux agriculteurs locaux, entre 06 h 00 et 11 h 00. pourraient réduire considérablement ce taux d’accidents et Dans les régions urbaines, les limites entre les milieux de décès [38]. extérieur et intérieur sont bien définies. En revanche, en zone rurale, l’intérieur de la maison inclut une zone périphérique assimilable au milieu extérieur. La faible différence d’inci- Conclusion dence entre les milieux extérieur et intérieur pourrait être attribuée au fait qu’environ 63 % des piqûres se produisent Les piqûres de scorpion représentent un problème de santé en zone rurale, car les maisons sont situées à proximité des publique pour les populations rurales tropicales et subtropi- champs. Les scorpions peuvent vivre dans les fissures des cales, notamment chez les agriculteurs et leurs familles. La murs des maisons traditionnelles ou mal construites et dans piqûre survient lors de la rencontre du scorpion et de les bâtiments d’élevage. Les insectes domestiques tels que l’homme résultant du comportement essentiellement noc- les cafards sont particulièrement attractifs pour les scorpions. turne du premier et des activités principalement agricoles Enfin, les déchets résultant de divers travaux agricoles accu- du second. La gravité de l’envenimation dépend de plusieurs mulés près des habitations contribuent à la création d’un facteurs : espèce et taille du scorpion, qualité de la prise en environnement propice à la prolifération des scorpions charge médicale. L’utilisation de méthodes thérapeutiques [41]. Nos résultats sont conformes à ceux rapportés au traditionnelles, en particulier chez les populations rurales, niveau national avec 56,6 % des piqûres de scorpion à l’inté- entraîne fréquemment un retard de consultation responsable rieur des maisons [22]. de la plupart des décès. Au niveau du centre de santé, le Les plantes sont utilisées contre les piqûres de scorpion traitement repose sur l’administration d’antivenin disponible dans les systèmes médicaux traditionnels à travers le monde dans tous les centres de santé et les urgences. L’évacuation [10]. Les études récentes menées dans ce domaine sont très rapide des victimes vers la structure de santé la plus proche prometteuses. L’étude d’Al-Asmari et al. [2] mentionne une pour assurer une meilleure prise en charge médicale joue un liste de 92 plantes médicinales qui présenteraient des effets rôle très important dans le sauvetage de la vie des patients. thérapeutiques contre l’envenimation scorpionique, dont La lutte contre les scorpions est fondée d’abord sur l’amé- quatre sont des plantes spontanées dans la région d’El- lioration du cadre de vie des populations. En outre, elle intè- Oued. Ce sont Pergularia tomentosa L., Malva parviflora gre l’adoption de programmes éducatifs visant à sensibiliser L., Setaria verticillata L. et Portulaca oleracea L. [13]. les populations, en particulier les agriculteurs des zones rura- Donc, ces plantes médicinales doivent être valorisées dans les et périurbaines. Les campagnes de sensibilisation doivent le futur grâce à des études pertinentes. rappeler les limites et les dangers des pratiques thérapeu- tiques traditionnelles. Dans les communautés rurales, la lutte biologique est considérée comme une méthode efficace pour Futures orientations réduire le risque des scorpions en utilisant certains préda- teurs comme les hérissons, les volailles et les chats. La Les valeurs élevées de l’incidence aux membres supérieurs recherche doit inclure l’inventaire et l’étude des espèces et inférieurs s’expliquent par leur proximité avec le sol au locales de scorpions, l’évaluation de la toxicité de leur venin 12 Bull. Soc. Pathol. Exot. et la recherche d’alternatives aux antiscorpioniques, notam- effect of immunotherapy. Trans R Soc Trop Med Hyg 98:240– ment à partir d’extraits naturels de plantes médicinales, qui 50. doi: 10.1016/S0035-9203(03)00062-2 15. Hellal H, Guerinik M, Griene L, et al (2012) Données épidémio- pourraient être utilisées par les populations rurales afin de logiques sur l’envenimation scorpionique en Algérie. Bull Soc réduire la mortalité. Pathol Exot 105:189–93. doi: 10.1007/s13149-012-0234-4. 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