Extrait de la publication

Le dictionnaire de la Nouvelle Vague Du même auteur Essais Alfred Hitchcock, Seghers, 1969. Le Monde de Jerry Lewis, éditions du Cerf, 1969 Boris Karloff, Anthologie du cinéma, 1970 Judy Garland, Anthologie du cinéma, 1971 Fritz Lang, Édilig, 1982 Howard Hawks, Édilig,1984, Cahiers du cinéma, 2004 Il était une fois, Samuel Fuller (co-Jean Narboni), Cahiers du cinéma, 1985 Conversations avec Sergio Leone, Stock, 1987, Cahiers du cinéma, 1999 Sacha Guitry, Cahiers du cinéma, 1988 Femmes du cinéma français, Plume, 1989 , un passeur à Hollywood, Cahiers du cinéma 1990, 2003, 2006 M le Maudit, co-Bernard Eisenchitz, Gérard Legrand, Plume, 1991 Le Film Noir, vrais et faux cauchemars, Cahiers du cinéma, 2005, 2007 Kenji Mizoguchi, Cahiers du cinéma, 2007 Billy Wilder, Cahiers du cinéma 2007 Portraits souvenirs de cinéma, Hors commerce, 2007 Docteur Herman et M. Vautrin, entretiens, Écriture, 2010 Le cinéma dans le sang, entretiens avec Bertrand Tavernier, Écriture, 2012 Romans Nuit Nord, L’instant, 1990 Ciel noir, Série noire, Gallimard, 1991 Mort blanche, Fleuve Noir, 1992, sous le pseudonyme de Canino La vénus de peep-show, Fleuve Noir, 1993, sous le pseudonyme de Canino Clown, éditions Clô, 1995, Hors Commerce, 2004 Couleur sang, Baleine, 1996 Un travelo nommé désir, Poulpe, Baleine1996, Librio, 2001. Apocalypse Nord, Baleine, 1997 Les enfants de L’enfer, Baleine, 1999 Les piétons du siècle 1:Images de chair, Seuil, 2000 Retour d’amour à Lille, Baleine, 2000 Les piétons du siècle 2 : Les prédateurs, Seuil, 2000 Tête-à-queue, co Didier Daeninckx, Baleine, 2000 Les piétons du siècle 3 : Exterminateurs, Seuil, 2001 Les derniers mystères de Paris, Baleine, 2002 La chair des femmes, Hors commerce, 2003 Les 7 poules de Christelle, Poulpe, Baleine, 2003 Disparu en mai 68, Polarchives, 2004 Edgar Flanders : Les Crimes de la momie, Seuil, 2004 Edgar Flanders : Les Vampires de Gand, Seuil, 2004 Edgar Flanders : La Princesse venue d’ailleurs, Seuil, 2005 Edgar Flanders : La Guerre des sorciers, Seuil, 2005

(suite en fin d’ouvrage) Noël Simsolo

Le dictionnaire de la Nouvelle Vague

Flammarion Collection dirigée par Laurent Chollet © Flammarion, 2013 ISBN : 978-2-0812-9360-1

Extrait de la publication À la mémoire de Bernadette, Juju, Jean et Jean-Claude.

La Nouvelle Vague

La Nouvelle Vague apparaît aujourd’hui comme une nébuleuse à laquelle il est fréquent de rattacher des cinéastes qui firent leurs débuts au tournant des années soixante, sans toujours en partager l’esprit ni l’éthique. Car en face du noyau issu des Cahiers du cinéma et plusieurs auteurs majeurs de courts-métrages (Franju, Marker, Resnais, Rouch), peu de réalisateurs peuvent se revendiquer de cette aventure, même si, parfois, le temps d’un ou deux films, ils en furent les satellites, les copieurs ou les suiveurs. Par ailleurs, la Nouvelle Vague avait des modèles (Becker, Bresson, Renoir, Tati, Vigo) et des précurseurs (Astruc, Melville, Vadim). Elle eut ensuite de rares héritiers en (Biette, Eustache, Garrel) et dans le monde (Ber- nardo Bertolucci, Rainer Werner Fassbinder, Jean-Pierre Lefebvre, Glauber Rocha, Jerzy Skolimowski). Mais la Nouvelle Vague n’a pas été un mouve- ment fondé sur une plateforme théorique. Elle est née d’un désir d’une poi- gnée de cinéphiles. Celui de filmer autrement en revendiquant un statut d’auteur.

Les enfants d’André Bazin et

Tout commence sous laIV e République. L’existentialisme, le jazz et le cinéma excitent alors l’imaginaire de la jeunesse française. Les cinéphiles admirent les films américains et les œuvres du néoréalisme italien, mais aussi les classiques du muet qu’Henri Langlois programme au Musée du cinéma de la rue de Messine et les films « maudits » que Maurice Schérer (Éric 10 LE DICTIONNAIRE DE LA NOUVELLE VAGUE

Rohmer) présente au Ciné-club du Quartier Latin. Certains d’entre eux pensent qu’il est possible de s’exprimer par cet art de façon aussi personnelle qu’en littérature. Le texte : « La Caméra-stylo » d’Alexandre Astruc est leur credo. Ce dernier a d’ailleurs réalisé Le Rideau cramoisi pour le prouver. Dans la grisaille du cinéma français contemporain, des films confirment leur intuition : Les Dernières Vacances (Roger Leehnardt), Le Silence de la mer (Jean-Pierre Melville), Orphée (Jean Cocteau), Les Dames du Bois de Boulogne (Robert Bresson), Jour de fête (). Tous sont défendus par le bon critique André Bazin et dans La Revue du cinéma de Jean-Georges Auriol et Jacques Doniol-Valcroze. Ces jeunes gens ont vingt ans. Ils veulent devenir réalisateurs et écrivent sur les films qu’ils aiment. Ils s’appellent Godard, Rivette et Truffaut. En 1951, Bazin et Doniol-Valcroze créent une nouvelle revue, Les Cahiers du cinéma, où écrira ce trio, ainsi que , Pierre Kast, , et Éric Rohmer. Ils inventent la politique des auteurs, qui considère qu’un film est l’œuvre du metteur en scène. C’est le premier acte fondateur de la Nouvelle Vague.

L’école du court-métrage

Le renouveau du cinéma français passe alors par le court-métrage qui est diffusé en complément de programme. L’État aide les producteurs qui financent ces essais généralement réalisés par des professionnels confirmés. Cependant, Jacques Demy, Georges Franju, Pierre Kast, Chris Marker, et Jean Rouch se distinguent du lot par leur originalité. De leur côté, Godard, Rohmer et Truffaut s’y essaient en dehors du système jusqu’à ce que leur donne leur chance. Bonjour, Monsieur La Bruyère (Doniol-Valcroze), Tous les garçons s’appellent Patrick (Godard), Le Coup du Berger (Rivette) et (Truffaut) sont autant de manifestes d’une nouvelle manière de faire du cinéma. Puis la cristallisation s’opère avec des auteurs indépendants (, Agnès Varda). Les anciens s’unissent aux nouveaux. Un groupe hétérogène se forme autour d’une volonté de créa- tion. Mais tous doivent passer au long-métrage pour transformer l’essai. LA NOUVELLE VAGUE 11

Le raz-de-marée

Ce groupe est informel et ses membres viennent d’horizons divers. Rouch est ethnologue, science que Godard a étudiée avant de passer à la critique de cinéma. Rohmer est enseignant. Truffaut est autodidacte. Chabrol et Rivette étaient étudiants. Varda est photographe. Ce sont des personnes culti- vées qui aiment la littérature, la musique et la peinture. Ce sont aussi des artistes. Réunis aux Cahiers du cinéma, comme critiques ou simples compa- gnons de route, ils ne fondent aucune théorie. Dès leur premier long- métrage, chacun affiche un style qui lui est propre. Mais tous libèrent le cinéma du carcan de l’académisme. L’année 1959 les impose au monde. Le public accueille favorablement et Les Cousins de Chabrol. Le premier obtient le prix Jean Vigo et le second gagne l’Ours d’or au festival de Berlin. Moi, un noir de Rouch est récompensé à Locarno et Les Quatre Cents Coups de Truffaut obtiennent le prix de la mise en scène à Cannes. La particularité de ces films est leur coût. Tournés en extérieur avec peu d’éclairages et une pellicule très sensible, ils sont faits avec peu d’argent. Chaque réalisateur gère ainsi la pénurie sans freiner son inspiration poétique. La profession est stupéfaite par la réussite de ces œuvres et leur succès public. Elle se met donc à la recherche de jeunes génies pour profiter de l’aubaine. Mais, si les journalistes peuvent inventer une étiquette qui fédère l’événement : la Nouvelle Vague, le talent ne s’invente pas et la plupart des œuvres produites en simple mimétisme sont des échecs sur tous les plans. En 1960, la bombe À bout de souffle de Godard place la barre bien trop haut pour les imposteurs et ce film prend fonction de manifeste.

Marais et Reflux

L’euphorie est de courte durée. Si L’Eau à la bouche (Doniol-Valcroze), Le Bel Âge (Kast), Cléo de 5 à 7 (Varda), Hiroshima mon amour et L’Année dernière à Marienbad (Resnais), Le Mépris (Godard) ont encore du succès, les échecs s’accumulent ensuite. Ophélia (Chabrol), Lola (Demy), Paris nous appartient (Rivette), Le Signe du lion (Rohmer) et Adieu Philippine (Rozier) ne trouvent 12 LE DICTIONNAIRE DE LA NOUVELLE VAGUE pas plus leur public que Les Carabiniers (Godard), La Dénonciation (Doniol- Valcroze) ou Muriel (Resnais). Les acteurs découverts par la Nouvelle Vague sont récupérés par le cinéma conventionnel (Jean-Paul Belmondo). Mais ces films mal aimés triomphent dans les festivals internationaux et font naître des vocations. Quelques disciples inspirés s’affirment : Jean Eustache, Phi- lippe Garrel et Jean-Daniel Pollet. Cependant, la censure s’en prend au Petit Soldat et à La Femme mariée (Godard) puis à La Religieuse (Rivette). C’est le temps de la colère. Entre-temps, Jacques Demy gagne la palme d’or à Cannes avec Les Parapluies de Cherbourg et Godard a tourné Pierrot le Fou. La Nou- velle Vague renaît ainsi de ses cendres encore vives. Elle est déjà entrée dans l’histoire du cinéma.

L’éclatement

Le groupe n’existe plus au milieu des années soixante. Ses membres suivent des voies parallèles. Chacun bâtit son œuvre à sa façon. Les films de Chabrol, Rohmer et Truffaut sont moins expérimentaux que ceux de Godard et Rivette. Pourtant, la notion d’auteur est commune dans chaque trajectoire. Puis l’histoire de laV e République renoue les liens, à travers l’affaire Langlois, quand l’état chasse cet homme de sa cinémathèque. Déjà la lutte contre l’interdiction de La Religieuse avait refédéré toute la bande. Enfin, les États généraux du cinéma en Mai 68 sont l’occasion de retrouver l’union des pion- niers de la Nouvelle Vague. Ils reprendront ensuite leurs chemins séparés. Leurs ciné-fils prendront la relève pour un temps : Jean-Claude Biette, Juliet Berto, Jean Eustache, , André Téchiné et Paul Vecchiali.

Persistance d’un esprit

Que reste-t-il de la Nouvelle Vague ? Ses survivants continuent de travailler sans se trahir et, en Afrique, Alba- nie, Asie, Iran, Pologne, Portugal et Russie, les jeunes cinéastes de demain l’étudient pour comprendre la planète cinéma. Note de l’auteur

Les filmographies n’indiquent que les films et téléfilms qui sont apparentés directement ou indirectement à la Nouvelle Vague.

Extrait de la publication

A.

À BOUT DE SOUFFLE (1960) Maquillage : Phuong Maittret. Film français. Affiche : Clément Hurel. Durée : 89 minutes. Dédié à la Monogram Pictures. Interdit aux moins de 18 ans à sa sortie : Tournage du 17 août au 15 septembre 1959 16 mars 1960. (Marseille, Paris). Prix Jean Vigo 1960. Production : Les films Georges de Beaure- Prix de la meilleure mise en scène Ber- gard, S.N.C. (René Pignères) Imperia. lin 1960. Sujet : François Truffaut. Prix Méliès 1960. Réalisation et scénario : Jean Luc Godard. Note : Godard pensa titrer le film Moi, un Conseiller technique : Claude Chabrol. Blanc en hommage à Moi, un Noir de Jean Assistant-réalisateur : Pierre Rissient. Sta- Rouch. giaire : Marc Pierret. Remake : 1983 : Breathless (À bout de Régie : Gaston Dona. souffle, Made in USA, Jim Mc Bride). Photographe de plateau : Raymond Cauche- Novellisation : À bout de souffle (Claude lier. Francolin, Seghers), roman-photo dans Le Musique : Martial Solal, Wolfgang Amadeus Hérisson (1960), bande dessinée dans Mozart (Concerto pour clarinette et France-Soir (1960). orchestre K.622). Avec : Jean Seberg (Patricia Franchini), Jean- Images 35 mm noir et blanc Ilford HPS 1 : Paul Belmondo (Michel Poiccard, alias Lazlo 1,33 : Cameflex. Kovacs), Daniel Boulanger (Inspecteur Chef opérateur : Raoul Coutard. Assistant : Vital), Henri-Jacques Huet (Antonio Ber- Claude Beausoleil. rutti), (Carl Zubart), Van Montage : Cécile Decugis, Lila Herman. Doude (l’ami de Patrica), Claude Mansard Tournage sans le son. (le garagiste), Jean-Pierre Melville (le roman- Postsynchronisation en postproduction : cier Parvulesco), Jean-Luc Godard (le Jacques Maumont, Francis Cognany. dénonciateur), Jean Domarchi (l’homme Script-girl : Suzanne Faye. dévalisé dans les toilettes), Liliane Dreyfus 16 À BOUT DE SOUFFLE sous le nom de Liliane David (l’amie de projet existe en une dizaine de pages. Tout Poiccard), Liliane Robin (Minouche), commence comme ça. Beauregard est Richard Balducci (Tolmatchoff), René Ber- d’accord. JLG développe et transforme le nard, Raymond Hunflet, André S. Labarthe, synopsis de Truffaut. Il déclare au produc- François Moreuil, Jean-Louis Richard, teur et à ses amis que ce sera juste un petit Jacques Siclier (journalistes à Orly), Philippe film noir dans l’esprit des séries B améri- de Broca (journaliste), Gérard Brach (photo- caines, puis propose le débutant Jean-Paul graphe de charme), Michel Fabre (policier), Belmondo pour le rôle principal. Beauregard José Bénazéraf (l’homme à la voiture qui sera accepte, mais refuse de confier le person- volée), Michel Mourlet (un spectateur de nage féminin à Anne Colette, la compagne cinéma), Lila Herman (la secrétaire de Tol- de Godard qui a tourné entre autres dans matchoff), Jean Herman (le soldat sur les deux de ses courts-métrages et aussi dans Le Champs-Élysées), Jean Douchet (l’homme Bel Âge de Pierre Kast. Il veut une vedette. qui frappe du pied l’accidenté de la circula- Godard se résigne et choisit Jean Seberg tion), Jacques Rivette (l’accidenté de la cir- dont il a apprécié la beauté et le talent dans culation), Jacques Lourcelles. les films d’Otto Preminger. La comédienne américaine vient d’épou- Sujet : Michel Poiccard vole une voiture à Mar- ser l’avocat français François Moreuil, un seille et remonte à Paris pour revoir l’Améri- ami des Cahiers du cinéma. Le contrat est caine Patricia qui vend le New York Herald signé avec elle. JLG décide ensuite de Tribune sur les Champs-Élysées. En chemin, il presque tous les autres rôles et les moins tue un motard de la police et laisse son porte- importants sont souvent confiés à des cri- feuille derrière lui. Aussitôt, il est recherché. Il tiques-amis à l’exception de celui de l’écri- retrouve Patricia à Paris, puis attend de récu- vain Parvulesco tenu par le cinéaste Jean- pérer de l’argent pour s’enfuir à l’étranger. Pierre Melville qui le mettra ensuite en Patricia l’aide, puis le dénonce à la police. Un contact avec Martial Solal pour l’écriture de inspecteur l’abat d’une balle dans le dos rue la musique du film. De son côté, Georges de Campagne-Première. Beauregard lui impose l’équipe technique, En 1959, le producteur Georges de Beau- dont Raoul Coutard, complice et directeur regard a besoin d’un film très vite et pas de la photo de Pierre Schœndœrffer. cher à cause de l’échec commercial de Le tournage n’est pas ordinaire pour Pêcheurs d’Islande de Pierre Schœndœrffer. Il l’époque. D’abord, personne n’a de scénario, demande donc à Jean-Luc Godard de trou- hors JLG qui trimballe un cahier en faisant ver un sujet. JLG descend au Festival de office. Par ailleurs, la pénurie des moyens Cannes où sont ses amis Claude Chabrol et devient plus un moteur qu’un handicap et François Truffaut et leur demande de l’aide. Coutard joue le jeu de l’invention perma- Truffaut lui parle, entre autres, d’un vague nente, alors que Beauregard s’affole. La ten- projet de 1956 dont il voulait faire son pre- sion monte entre lui et Godard qui tourne mier film et écrire le scénario avec Claude vite et beaucoup (le film dure deux heures Chabrol. C’est l’histoire du voyou Portal, dix après un premier montage). Postsyn- inspirée par un authentique fait-divers. Le chronisé, puisque tourné sans le son, À bout ADIEU PHILIPPINE 17 de souffle est ramené à moins de 90 minutes, ABADIE Aïcha (princesse) JLG coupant à l’intérieur des plans pour rac- Personnalité. courcir le film et lui trouver un rythme. Il crée ainsi un style qui devient le sien, inimi- Cette mystérieuse personne se déclare table, original et magnifique. Les lois être la reine du Liban en exil lors de son usuelles du montage y volent en éclats. apparition aux côtés de Ferdinand-Bel- Bien qu’interdit aux moins de dix-huit mondo dans Pierrot le Fou. Elle évoque sa ans par la censure, À bout de souffle est un vie et ses croyances religieuses. succès public. En dehors des rédacteurs de Mythomane, excentrique ou authentique princesse ? Mystère ! Godard a toujours sou- Positif, la plupart des critiques défendent le tenu que la princesse Aïcha Abadie est un film et les cinéastes de toutes les générations personnage réel et non une comédienne sont épatés. Alain Resnais raconte que, sous engagée par ses soins pour un rôle-gag. le choc, il a dû s’asseoir sur le trottoir en Filmographie :1965:PIERROT LEFOU sortant de sa projection. (JEAN-LUCGODARD). Si Le Beau Serge et Les Cousins de Chabrol, avec Les Quatre Cents Coups de Truffaut, ont consacré le mouvement Nouvelle Vague, ADIEU PHILIPPINE (1962) c’est Godard qui lui donne son manifeste Film franco-italien. avec À bout de souffle. Film-culte dès sa sor- Titres provisoires : Les Dernières Vacances, tie, il l’est resté au fil des années. Sa moder- Les Dernières Semaines, Embrassez-nous ce nité vient sans doute de plusieurs facteurs : soir. le jeu naturellement libre de Belmondo et la Tournage du 7 août au 8 octobre 1960 : libération forcée du jeu de Jean Seberg, une Corse, Paris. Du 15 au 22 décembre 1961 : manière étonnante d’éclairer les peaux nues, Côte d’Azur. un ton à nul autre pareil, la façon documen- Montage : de novembre 1960 à août 1961 taire de filmer Paris et les gens. Enfin, son puis janvier 1962. radicalisme esthétique. Déjà, dans ce film, Production : (Rome- l’émotion vient des collages inattendus entre Paris-Films), Euro-International-Film (EIA), les plans, de leur bouleversement dyna- Alpha Production, Unitec France. mique par les musiques, d’une manière Distribution : Explit-films. insolente de cadrer un personnage et de cet Scénario : Jacques Rozier et Michèle O’Glor. usage faussement désinvolte de citations Réalisation : Jacques Rozier. (directes ou détournées) en carburant Assistants-réalisateurs : Michel Cavillon, d’énergie brute ; et puis, aussi, l’insistance Francis Cognany, Gabriel Garran, Philippe orgueilleuse à montrer la beauté des corps Laïk. en mouvement. On marche et court beau- Images noir et blanc 1 : 1,66 : René Mathe- coup dans À bout de souffle, avec l’incroyable lin, Jean Boffety, Christian Guillouet. élégance fébrile du désespoir profond des Son : Maurice Laroche, Luis Perrin, Jacques derniers romantiques, puisque c’est un film Lebreton, Jean-Michel Pou-Dubois. Mixage : pessimiste et cruel sur toutes les trahisons. Jean Nény. 18 ADIEU PHILIPPINE

Scripte : Renée Kammerscheit. « 1960 : Sixième année de la guerre d’Algé- Musique : Jacques Denjean, Paul Mattei, rie.» Maxime Saury. Chansons corses interprétées Bande-annonce avec la participation de par Christiane Legrand, Rudo Cardi, Maguy François Truffaut. Zanni et les Fils du ciel. Grand prix de la fédération des ciné- Photographes : Raymond Cauchetier, Albert clubs 1963. Benamou. Grand prix de la rencontre de Prades 1962. Montage : Monique Bonnot, Claude Ducas d’or du festival de Manheim 1962. Durand, Marc Pavaux, Anne Baronnet, Prix du meilleur premier film décerné par la Claude Barrois, James Aich, Danièle Bor- Junge Kritick du festival Oberhausen 1963. nand et Jacques Rozier. Présenté par l’association de la critique au Collaboration : Gérard Brach. Festival de Cannes 1962. Durée : 106 minutes. Une photo du film illustre la couverture du Date de sortie en salles : 25 septembre 1963. numéro spécial « Nouvelle Vague » des Avec : Jean-Claude Aimini (Michel), Daniel Cahiers du cinéma N° 138, Décembre 1962. Descamps (Daniel), Stefania Sabatini dou- Sujet : Cableman à la télévision, Michel drague blée en français par Annie Markham Juliette et Liliane, deux amies qui ne se cachent (Juliette), Yveline Céry (Liliane). Vittorio rien. Il les butine, l’une et l’autre, mais la date Caprioli (Pachala), Davide Tonelli (Horatio), de son incorporation militaire approche, ce qui André Tarroux (Régnier de l’Isle), Christian veut dire aller se battre en Algérie. Michel part Longuet (Christian), Michel Soyet (André), en Corse et y retrouve les deux filles. À la fin Arlette Gilbert (la mère), Maurice Garrel (le des vacances, les deux jeunes filles l’accompa- père), Jeanne Pérez (la voisine), Charles gneront au bateau qui le conduit sous les dra- Lavialle (le voisin), Edmond Ardisson (le peaux. chef de l’émission), Chouquette Deschamps (la mère de Liliane), Mitzy Hahn et Nadine Le court-métrage Blue Jeans, remarqué au Staquet (starlettes de roman-photo), Marco festival de Tours 1958, ayant séduit Jean- Perrin (patron du magasin), Pierre Frag Luc Godard, il présente son auteur Jacques (Dédé), Marianne et Michelle Padovani Rozier à Georges de Beauregard fin 1959 et (filles prises en voiture), Lulu (pêcheur conseille de lui produire un film de long- corse), Maxime Saury (musicien), Stellio métrage, comme il le fera aussi pour Jacques Lorenzi (réalisateur de Montserrat), Jean- Demy et Agnès Varda. La publicité dont Claude Brialy (visiteur sur le plateau de télé- bénéficie alors la Nouvelle Vague n’est pas vision), Michel Piccoli, pour rien dans la réponse positive de Beau- (comédiens de Montserrat), Jean-Christophe regard qui dit à Rozier : « J’ai envie de faire Averty (réalisateur de Jazz Memories), Patri- des films sur la jeunesse. Amenez-moi des cia Andrieux, Olivia Cletienne, Pietro Cor- sujets.» tini, Alain Douchin, Reine Marrane, Jean Trois mois plus tard, un contrat est signé Luchetti, M. Saratin, José Pantieri, Domi- sur acceptation d’un projet intitulé Embras- mique Tozza. sez-nous ce soir. Jacques Rozier décide Le film s’ouvre par le carton suivant : d’engager des acteurs non professionnels ADIEU PHILIPPINE 19 pour les principaux rôles. Une assistante et le soutien de beaucoup de critiques. Godard un photographe partent en chasse de jeunes déclare que celui qui n’a pas vu Yveline Céry inconnus, les prennent en photo puis les danser un cha-cha-cha toute seule en regar- convoquent pour des essais filmés. Jean- dant droit dans la caméra n’a pas le droit de Claude Aimini (Michel), Daniel Descamps parler de cinéma sur la Croisette. De son (Daniel) et Yveline Céry (Liliane) sont les côté, François Truffaut accepte d’être filmé vainqueurs de cette sélection originale. En comme intervieweur des acteurs pour la revanche, coproduction oblige, l’autre fille future bande-annonce. est incarnée par une starlette italienne (Ste- Adieu Philippine sort enfin à Paris, mais en fania Sabatini) et le comique Vittorio Capri- septembre 1963. oli est retenu pour jouer Pachala. Des De film-fantôme de la Nouvelle Vague, il acteurs professionnels français complètent la devient alors un film-culte. distribution : Jeanne Pérez, Maurice Garrel, « Admirable ! » est le mot qui va sortir de Marco Perrin, etc. toutes les lèvres. Parce que cette rencontre Le tournage a lieu pendant l’été 1960 en du néoréalisme avec des petits drames ou son-témoin, ce qui imposera cinq mois de gags du quotidien cristallise l’entité de ce détection en début de montage, si bien que que l’on a appelé Nouvelle Vague, sans bien le budget du film explose et double, à la savoir pourquoi, suite à l’article généraliste grande colère de Beauregard. Conseiller de Françoise Giroud dans L’Express. En effet, technique pour le CNC, mais jamais présent ce film en est, non pas la théorie, mais la sur le tournage, Godard reproche à Rozier pratique imparable. Et ce ne peut pas être de prendre trop de temps et (selon le témoi- suffisant de le réduire à un portrait réaliste gnage de Bertrand Tavernier) de dépenser et poétique de la jeunesse du début des l’argent qui pourrait permettre à un autre années soixante. Oui, le film est la descrip- cinéaste de faire un film. Mais, il le défend tion juste et sans hypocrisie ni paternalisme quand même auprès de son producteur. de jeunes gens d’origine modeste qui Un premier montage de 125 minutes est découvrent le marivaudage sous la menace terminé en août 1961. Démotivé par les pro- d’une guerre sans nom en Algérie. Mais s’il blèmes qui l’opposent au cinéaste, Beaure- n’était que ça (ce qui dans le cinéma de gard exige de raccourcir la durée, ce que l’époque ne serait déjà pas si mal), il ne Rozier refuse. C’est le blocage et les détrac- serait en rien emblématique de la modernité teurs de la Nouvelle Vague font des gorges instaurée par la Nouvelle Vague. Parce que, chaudes sur ce film « infinissable ». Mais en si Chabrol et Truffaut ont su domestiquer à décembre 1961, Adieu Philippine est racheté leur désir, et avec brio, le cinéma dans leurs à Beauregard par Alain Baygot (Unitec) et premiers films, si JLG l’a fait s’imploser en de nouvelles séquences sont tournées pour art moderne, si Kast et Resnais l’ont inscrit permettre de reprendre le montage en rac- dans les recherches de structures aux fron- courcissant sa durée. Terminé en jan- tières de l’abstraction enrichissante, Rozier, vier 1962, le film est sélectionné par la lui, s’est fait aimer du cinéma. Et le film n’est semaine de la critique pour le Festival de rien que du cinéma, dans son mystère, sa Cannes. Il y obtient un excellent accueil et sorcellerie de l’invisible et ses secrets qu’on 20 ADIEU PHILIPPINE pensait pourtant les plus inaccessibles. Sans Téchiné, Claude Miller, Benoît Jacquot. Mais alibi intellectualiste ni virtuosité calligra- elle tourne aussi des films grand public. Pas phique, Adieu Philippine capture le temps, le folle, la guêpe ! regard, l’évident, le non-dit, la lumière, la Actrice magique et inclassable, elle est mer, la nuit, le jour, tout ça avec l’honnêteté stoïque et révoltée dans Les Sœurs Brontë, de sourcier du plus vrai que le vrai, cette convulsive et extatique dans Possession de réalité absolue du regard et du cœur de Zulawski, désespérée et effarée dans Mortelle Rozier qui palpitait déjà chez ses maîtres : Randonnée, puis opère la synthèse risquée de Jean Vigo, Roberto Rossellini et peut-être toutes ces émergences dans Camille Claudel bien aussi Chaplin. En outre, réussir un de Bruno Nuytten et en sort exsangue, loin drame par le biais de la comédie est un para- du public et de l’appui de la critique. Ne doxe et un tour de force. Surtout si celui qui désarmant jamais, elle réussit des retours s’y attelle est un homme libre. magistraux (La Reine Margot, La Journée de la jupe), prouvant à qui ne voulait pas le ADJANI Isabelle (1955) savoir qu’elle est indispensable au cinéma Comédienne et chanteuse. français et peut renaître, tel le Phoenix, des cendres de ses échecs avec l’autorité du Elle fait du théâtre amateur dès l’âge de génie. Et si elle est imprévisible, tant mieux ! 14 ans, puis signe un engagement avec la Ses caprices la rendent insupportable d’indi- compagnie Robert Hossein. À 17 ans, elle vidualisme et d’arrogance aux uns, admi- entre à la Comédie française pour jouer rable d’indépendance aux autres. Seul Agnès dans L’École des femmes de Molière. bémol : elle a rompu son contrat avec Révélation, succès, le cinéma l’appelle et La Godard après cinq jours de tournage de Pré- Gifle de Claude Pinoteau en fait une star, elle nom Carmen en 1983. Elle ne « sentait pas » n’a que 19 ans. Séduit par sa beauté et son JLG. La cristallisation suprême avec la Nou- talent, Truffaut lui donne alors le rôle princi- velle Vague, qu’on attendait, n’a donc pas eu pal de L’Histoire d’Adèle H. Admiratif du cou- lieu. rage et du sérieux de la jeune fille sur un Filmographie :1975:L’HISTOIRE D’ADÈLE tournage, pourtant difficile, il la guide avec H,(FRANÇOISTRUFFAUT).1976:BAROCCO inspiration dans ce rôle complexe de (ANDRÉTÉCHINÉ).1979:LESSŒURSBRONTË tumulte et de folie, le plus beau que l’actrice (ANDRÉTÉCHINÉ).1983:MORTELLERANDON- tiendra au long d’une carrière stupéfiante et NÉE(CLAUDEMILLER).1994:ADOLPHE ravageuse. Parce que Truffaut sait lui insuf- (BENOÎTJACQUOT). fler une force impressionnante et un sens du risque qui perdurera dans son esprit au fil AFONSO Yves (1944) du temps. Elle s’investira dans des films à Comédien, théâtre dans la troupe l’esthétique radicale, qu’ils soient ceux des d’Antoine Bourseiller (1965-1968). cousins européens de la NV (polonais : Roman Polanski et Andrewj Zulawski, alle- Il débute au cinéma dans Masculin mand : Werner Herzog) ou ses principaux Féminin en jeune homme hagard qui se héritiers français, indirects et directs, André poignarde devant Jean-Pierre Léaud. Il AIMÉE ANOUK 21 enchaîne, encore avec Jean-Luc Godard, GODARD).1971:VLADIMIR ETROSA(JEAN-LUC dans Made in USA où il campe un romancier GODARD),LEVOYAGE DU LIEUTENANTLE appelé David Goodis qui meurt de façon BIHAN(LAZLOSABO) cm,VALPARAISO,VALPA- bouleversante en disant à : RAISO(PASCALAUBIER).1972:LESVOLETS « Paula, tu m’as dérobé ma jeunesse. » L’évi- CLOS(JEAN-CLAUDEBRIALY),LESGANTS dence de son talent crève alors les yeux et BLANCS DU DIABLE(LAZLOSZABO).1975:ZIG- seuls les imbéciles vont insister sur sa res- ZIG(LAZLOSZABO).1986:MAINE-OCÉAN semblance physique avec Belmondo pour le (JACQUESROZIER),DOUBLE MESSIEURS(JEAN- déconsidérer en pâle copie ou caricature de FRANÇOISSTÉVENIN).1995:LEFILS DEGAS- la star. L’avenir leur donnera tort. Afonso est COGNE(PASCALAUBIER).1996:LE CŒUR FAN- un comédien original et exceptionnel. Il TÔME(PHILIPPEGARREL).2001:FIFI retrouve encore deux fois JLG puis se dis- MARTINGALE(JACQUESROZIER).2002: tingue dans une majorité de films signés par MISCHKA(JEAN-FRANÇOISSTÉVENIN).2003: Michel Mitrani, Claude Berri, Yves Boisset, CODE68(JEAN-HENRIROGER). Bertrand Tavernier, Claude Zidi et Raoul Ruiz, prouvant ainsi son éclectisme naturel et l’immense palette de ses possibilités AIMÉE Anouk (Françoise Judith comiques ou dramatiques. Il s’impose natu- Sorya Dreyfus dite, 1932) rellement comme l’un des meilleurs seconds Comédienne française, cours de théâtre rôles de sa génération, ne refusant jamais et de danse à Paris. l’aventure d’un premier film ou d’une œuvre Fille de comédiens, elle débute à 14 ans expérimentale. Notons que tout au long de dans un film d’Henri Calef, puis dans sa carrière, il a accepté de jouer dans les l’œuvre inachevée de Marcel Carné : La courts-métrages de débutants avec une belle Fleur de l’âge, avant que Jacques Prévert et générosité et beaucoup de flair. Sa filmo- André Cayatte ne l’intronisent en jeune pre- graphie est magnifique, souvent liée à la Nouvelle Vague ou, du moins, à son esprit. mière dans Les Amants de Vérone. Ce film Bouleversant héros des Gants blancs du l’impose comme une des révélations de diable de son ami Lazlo Szabo, comédien l’après-guerre. Elle y gagne une carrière rageur, acariâtre et vengeur dans Fifi Martin- internationale et travaille dans le monde gale de Jacques Rozier, il apparaît chez Phi- entier : Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, lippe Garrel et Jean-François Stévenin. Car Espagne, USA, ce qui lui vaut de belles ren- Afonso reste un fidèle serviteur de cet esprit contres avec Robert Aldrich, Robert Altman, NV et le défend coûte que coûte comme un Marco Bellocchio, Alberto Lattuada, Anatole grognard à la mémoire longue. Il tient Litvak, Sidney Lumet, George Cukor et d’ailleurs une place majeure dans l’ovni Le Federico Fellini, mais aussi, hélas, de Fils de Gascogne, hommage de Pascal Aubier longues absences des studios français. à ce mouvement cinématographique. Avant que la Nouvelle Vague n’existe, elle Filmographie :1966:MASCULINFÉMININ en est potentiellement une force vive par sa (JEAN-LUCGODARD),MADE IN USA(JEAN-LUC collaboration avec Alexandre Astruc dès GODARD).1967:WEEK-END(JEAN-LUC 1953. Son éclat illumine Le Rideau cramoisi 22 AIMÉE ANOUK et Les Mauvaises Rencontres où elle est la par- LEFARCEUR(PHILIPPE DEBROCA).1961:LOLA tenaire de Jean-Claude Pascal, beau séduc- (JACQUESDEMY).1962:LESGRANDSCHEMINS teur cynique des années cinquante. Puis, par (CHRISTIANMARQUAND).1968:MODELSHOP deux fois en duo avec Gérard Philipe pour (JACQUESDEMY).1981:LA TRAGEDIA DI UN Duvivier et Becker, elle émeut par son UOMO RIDICOLO(La Tragédie d’un homme mélange de douceur et de résignation que ridicule,BERNARDOBERTOLUCCI),SUCCESS IS Franju et Mocky rehaussent poétiquement THEBESTREVENGE(Le Succès à tout prix, de mystères éperdus dans leurs premiers JERZYSKOLIMOWSKI).1995:LESCENT ETUNE longs-métrages. Mais ce carcan magnifique NUITS DESIMONCINÉMA(AGNÈSVARDA). éclate sous la griffe de Fellini et l’humour feutré de Philippe de Broca. Tout est prêt ALLIO René (1924-1995) pour qu’elle devienne l’inoubliable Lola de Peintre, décorateur de théâtre et cinéaste Jacques Demy. Le rôle est transcendance. français. Malgré l’échec commercial du film, il lui col- lera à la peau et masquera presque toutes ses Peintre, plasticien, décorateur de théâtre prestations suivantes. Sublime chez Fellini et inventeur de dispositifs scéniques pas- encore, inattendue dans Les Grands Chemins sionnants pour Roger Planchon, il est un cas de Christian Marquand, elle connaît un particulier dans la deuxième génération de triomphe populaire avec Un homme et une la Nouvelle Vague (Antoine Bourseiller, femme de Claude Lelouch, prototype absolu Paula Delsol, Jean Eustache, Philippe Garrel, du revers jumeau de la NV, puis elle ricoche Paul Vecchiali, etc.), sans doute parce que de film en film, d’une image d’elle-même à l’expérience du théâtre lui ordonnait une l’autre, retrouvant en chemin Demy et leur rigueur dans la forme et l’espace où l’acteur Lola, déchue encore, dans Model Shop. est en position rigide et contraignante. Si À l’exception d’une collaboration avec bien que le refus affirmé du pittoresque et Agnès Varda pour le centenaire du cinéma, des scolastiques de l’interprétation freina ses elle ne travaillera plus avec cette Nouvelle captations des effets de réel, même s’il pous- Vague française dont elle reste pourtant sait en émergence subtile du côté de Marcel l’icône à jamais, mais sera bien présente Pagnol, ce qui lui venait de l’héritage de Ber- chez les étrangers périphériques du mouve- told Brecht, sans démériter de l’un et l’autre. ment. L’Italien Bernardo Bertolucci, le Polo- La Vieille Dame indigne n’était donc pas nais Jerzy Skolimowski perpétuent ainsi qu’une bonne adaptation cinématogra- seuls cette flamme parfois trompeuse. Parce phique d’un texte de Brecht, mais une mise que la belle Anouk Aimée n’appartient à en question du cinéma comme encadrement personne. d’une vérité des personnages dans l’appareil Filmographie :1953:LERIDEAU CRAMOISI fictionnel qu’ils habitent. Belle et noble (ALEXANDREASTRUC).1955:LES MAUVAISES démarche qui laissait aussi de l’humain dans RENCONTRES(ALEXANDREASTRUC).1958:LA les abstractions de ce premier film, son seul TÊTE CONTRE LES MURS(GEORGESFRANJU), ayant une parenté certaine avec l’esprit de la MONTPARNASSE19(JACQUESBECKER).1959: Nouvelle Vague. En revers de cette explora- LESDRAGUEURS(JEAN-PIERREMOCKY).1960: tion, L’Une et l’Autre est un film qui aborde ALMENDROS NESTOR CUVAS 23 la folie en déclinaison du paradoxe du la Nouvelle Vague en crise par l’intermé- comédien, avec subtilité dans la rencontre diaire de Jean Douchet et Éric Rohmer, liant des apparences et de l’onirisme éveillé. Puis, son sort aux Films du Losange et à Barbet- Allio s’attaquera de façon sociologique au Schroeder, car participant à l’aventure malaise du cadre dans la société de consom- orgueilleuse de Paris vu par. L’extraordinaire mation et aux révolutions prolétaires dans beauté des images de La Collectionneuse l’ont l’Histoire. Il signa aussi une œuvre ambi- ensuite révélé comme le plus exigeant et tieuse mais inégale sur le quotidien et les talentueux directeur de la photo de dérives de l’ego (Rude journée pour la reine), l’époque, ce que confirmèrent ensuite ses étudiant encore les motivations d’un parri- inventions techniques dans More et son tra- cide atypique d’hier avant d’interroger les vail magique en noir et blanc sur Ma nuit secrets de sa propre ville, Marseille, toujours chez Maud. Ses performances séduisirent avec le même souci de distanciation et de Truffaut qui l’intégra à son équipe. Almen- tact. Il arriva ainsi dans une impasse et créa dros fut donc souvent le sculpteur de une maison de production indépendante lumières des productions de ce trio, avec ou dans cette cité pour y continuer ses travaux sans budget confortable, avec gros ou petits avec opiniâtreté. moyens techniques, s’adaptant aisément à Filmographie :1963:LAMEULE cm. chaque situation et faisant mouche chaque 1965:LAVIEILLEDAME INDIGNE.1967:L’UNE fois avec un égal bonheur. Il partit aussi ET L’AUTRE.1969:PIERRE ETPAUL.1972:LES outre-Atlantique pour dispenser son génie CAMISARDS.1973:RUDE JOURNÉE POUR LA sur les films de Monte Hellman, Terence REINE.1976:MOI,PIERRERIVIÈRE, AYANT Malick et Martin Scorcese. On lui doit enfin ÉGORGÉ MA MÈRE, MA SŒUR ET MON FRÈRE. la photographie de Mes petites amoureuses de 1980:RETOUR ÀMARSEILLE.1981:L’HEURE Jean Eustache, le plus important cinéaste de EXQUISE.1985:LEMATELOT512.1987:POR- la seconde génération de la Nouvelle Vague. TRAIT DEJEANVILARTV.1988:UN MÉDECIN Directeur de la photo :1965:NADIA À DES LUMIÈRESTV.1991:TRANSIT.1994:MAR- PARIS(ÉRICROHMER) cm,PLACE DE L’ÉTOILE SEILLE,OULAVIEILLEVILLE INDIGNE. (PARIS VU PAR,ÉRICROHMER),SAINTGER- MAIN-DES-PRÈS(PARIS VU PAR,JEANDOU- ALMENDROS Nestor Cuvas CHET).1966:UNE ÉTUDIANTE AUJOURD’HUI (1930-1992) (ÉRICROHMER) cm, LACOLLECTIONNEUSE (ÉRICROHMER).1969:MORE(BARBET Acteur, chef opérateur et réalisateur SCHROEDER),MA NUIT CHEZMAUD(ÉRIC cubain. ROHMER).1970:DOMICILE CONJUGAL(FRAN- En noir et blanc ou en couleur, en format ÇOISTRUFFAUT),LEGENOU DECLAIRE(ÉRIC 16 et 35 mm, Almendros avait un style per- ROHMER),L’ENFANT SAUVAGE(FRANÇOIS sonnel et savait le décliner chaque fois selon TRUFFAUT).1971:MAQUILLAGES(BARBET l’univers visuel de son réalisateur, en grand SCHROEDER) cm,LECOCHON AUX PATATES professionnel, et aussi en bon cinéphile. (BARBETSCHROEDER) cm,SING-SING(BARBET Exilé de Cuba où il avait commencé une car- SCHROEDER) cm,LESDEUXANGLAISES ET LE rière de cinéaste, il déboula par hasard dans CONTINENT(FRANÇOISTRUFFAUT).1972: 24 ALMENDROS NESTOR CUVAS

L’AMOUR L’APRÈS-MIDI(ÉRICROHMER),LAVAL- Extraits de Capitale de la douleur de Paul LÉE(BARBETSCHROEDER).1973:L’OISEAU Éluard. RARE(JEAN-CLAUDEBRIALY).1974:GÉNÉRAL Citations : Louis Ferdinand Céline, Henri IDIAMINDADA,AUTOPORTRAIT(BARBET Bergson, Jorge Luis Borges, Alfred Korzyb- SCHROEDER),LAGUEULE OUVERTE(MAURICE ski, Friedrich Nietzsche, Blaise Pascal, A.E. PIALAT),FEMMES AU SOLEIL(LILIANEDREY- Van Vogt… FUS),MES PETITES AMOUREUSES(JEANEUS- Assistants à la réalisation : Charles L. Bitsch, TACHE).1975:MAÎTRESSE(BARBET Jean-Paul Savignac, Hélène Kalougine, Jean- SCHROEDER),L’HISTOIRE D’ADÈLEH(FRAN- Pierre Léaud. ÇOISTRUFFAUT).1976:DIEMARQUISE VON Images 35 mm Ilford HPS noir et blanc 1 : O(La Marquise d’O,ÉRICROHMER),DES 1,33 : Raoul Coutard, Georges Liron. JOURNÉES ENTIÈRES SOUS LES ARBRES(MAR- Décors : Pierre Guffroy. GUERITEDURAS).1977:BEAUBOURG, CENTRE Maquilleuse : Jackie Reynal. D’ART ET DE CULTUREGEORGESPOMPIDOU Scripte : . (ROBERTOROSSELLINI),L’HOMME QUI AIMAIT Photographe de plateau : Georges Pierre. LES FEMMES(FRANÇOISTRUFFAUT).1978:LA Son : René Levert. CHAMBRE VERTE(FRANÇOISTRUFFAUT),PER- Musique : Paul Misraki. CEVAL LEGALLOIS(ÉRICROHMER),KOKO,LE Montage : Agnès Guillemot. GORILLE QUI PARLE(BARBETSCHROEDER). Durée : 98 minutes. 1979:L’AMOUR EN FUITE(FRANÇOISTRUF- Sortie en salle : 5 mai 1965. FAUT).1980:LEDERNIERMÉTRO(FRANÇOIS Ours d’or au festival de Berlin 1965. TRUFFAUT),VIVEMENT DIMANCHE!(FRANÇOIS Avec : (Lemmy Caution TRUFFAUT),PAULINE À LA PLAGE(ÉRICROH- alias Ivan Johnson), Anna Karina (Natasha MER). Von Braun), Howard Vernon (professeur Réalisateur :1950:UNA CONFUSION COTI- Von Braun alias Léonard Nosferatu), Akim DIANA cm. 1960:RITMO DECUBA cm,GENTE Tamiroff (Henri Dickson), Valérie Boisgel EN LA PLAYA,ESCUELAS RURALES.1984:MAU- (séductrice Hôtel de Lemmy Caution), VAISE CONDUITE.1987:NADIE ESCUHABA. Christa Lang (séductrice Hôtel de l’Étoile Acteur : 1978 : LACHAMBRE VERTE(FRAN- Rouge), Jean-Louis Comolli (professeur ÇOISTRUFFAUT). Jekell), Jean-André Fieschi (professeur Heckell), Michel Delahaye (assistant de ALPHAVILLE (1965), Une étrange Leonard Von Braun), Marlène Jobert (chauf- aventure de Lemmy Caution feur de taxi), Jean-Pierre Léaud (serveur Film franco-italien. petit-déjeuner), Lazlo Szabo (Ingénieur général d’Alpha 60), Ernest Menzer (patron Tournage : janvier et février 1965 à Paris. Hôtel de l’Étoile Rouge), Jacques Robiolles Production : André Michelin, Chaumiane et (aide à l’Hôtel de l’Étoile Rouge), Jean-Luc Prod-Filmstudio Rome. Godard (policier). Distribution : Athos Film. Directeur de production : Philippe Dussart. Sujet : Sous la fausse identité d’Ivan Johnson Réalisateur et scénariste : Jean-Luc Godard. du Figaro-Pravda, Lemmy Caution, agent

Extrait de la publication ALPHAVILLE 25 secret des pays extérieurs, se rend à Alphaville Mais, sur ce point, à la différence de Pierre pour enlever ou abattre le professeur Von Kast qui est un adepte de la sémantique Braun-Nosferatu. Il découvre un monde plié générale basée sur une logique non aristoté- aux directives d’un cerveau électronique qui licienne, JLG entretient une distance cri- prive les gens de toutes formes de sentiments. tique envers cette forme de pensée. Sa Mais il tombe amoureux de Natasha, la fille du modernité artistique refuse de tels concepts. professeur Von Brau-Nosferatu. Et Alphaville est un film contre les machines Alphaville est la deuxième incursion de de l’intelligence artificielle, les robots et la Godard dans la science-fiction, après Le pensée programmée. D’ailleurs, à l’instar de Nouveau Monde(RoGoPaG) et avant Antici- ce que fait au même moment Philip K. Dick pation(Le Plus Vieux Métier du monde). dans le roman d’anticipation, il joue le Néanmoins, le projet de départ ne concer- concept du futur pour parler de sa propre nait guère ce genre. Il s’agissait d’un western époque au moyen d’une fable poétique et moderne et urbain conçu pour Eddie pessimiste. Car Godard est perplexe et Constantine, à la demande de ce dernier qui inquiet devant les possibles dérives de ces désirait retravailler avec le cinéaste après systèmes. Aussi, à sa sortie, le film sera peu leur collaboration sur un sketch (La Paresse) prisé des affionados de la science-fiction. des Sept Péchés capitaux. Ce n’est qu’après Par contre, si JLG se méfie des cerveaux réflexion que JLG décida d’envoyer Lemmy électroniques, il est féru de toutes les nou- Caution dans le futur. velles techniques en matière de cinéma et il Il est à noter que, la même année, Pierre les plie à sa volonté artistique. Ainsi, il va Kast (La Brûlure des mille soleils) et François imposer une pellicule ultrasensible à Raoul Truffaut (Fahrenheit 451) tournent ou pré- Coutard, son opérateur, afin de pouvoir parent un film de SF, un registre rarement tourner dans la rue, la nuit, et sans éclairage emprunté par le cinéma français depuis les d’appoint. Le résultat donne un Paris noc- films muets de Georges Méliés, mais qui a turme à la frontière d’impossibles contrastes trouvé son chef-d’œuvre avec Chris Marker avec ces cortèges de fantômes dans des et La Jetée en 1962. Toutefois, si Kast et Mar- zones opaques aux lumières troubles qui ker sont érudits en la matière et ont lu les tranchent avec les intérieurs illuminés de principaux romans des maîtres du genre, ce n’est pas le cas de Godard et Truffaut qui façon excessive et blanchâtre. Hors de l’amé- n’en sont qu’amateurs occasionnels. Pour- nagement de quelques décors, le film tant, les ombres de Korzybski, et sa théorie n’enregistre donc que le Paris de l’époque, de la sémantique générale, comme d’Arthur avec ses nouveaux immeubles aux architec- Van Vogt qui l’a illustrée dans sa saga roma- tures géométriques et souvent froides. De nesque des Non-A vont planer sur le film, à fait, Godard transfigure tout en utilisant les tel point que la dernière ligne de The Players dispositifs imposés à la Nouvelle Vague du of Non-A(Les Aventures de Non-A) est en par- début, mais en reprenant les principes de tie citée par Caution-Constantine : « Un jeux crus de lumières et d’ombres dont les enfant qui n’est pas né ne pleure pas encore ». opérateurs des films noirs de série B ou Z

Extrait de la publication 26 ALPHAVILLE

(John Alton) avaient su tirer parti pour pal- frère cadet Luc Moullet et l’aîné Alain Res- lier la pénurie de moyens. Visuellement, nais donnaient l’exemple, non sans malice. Alphaville est étonnant et magnifique. Car son style de cinéaste comme son jeu de Par ailleurs, le vrai sujet du film est l’éloge comédien privilégie cette attitude de la NV de l’amour en résistance dans un monde où rigueur et liberté faisaient un mélange sans humanité. Lemmy Caution, l’homme détonant au tournant des années soixante. qui n’aime que l’or et les femmes, rencontre Réalisateur :1985:MARRE DE CAFÉ cm. Natasha qui ne sait pas ce que le mot amour 1990:SANS RIRES cm. 1993:LESYEUX AU veut dire. Alors, il va découvrir qu’il peut PLAFOND cm,8 BIS cm. 1997:MANGE TA aimer et lui faire découvrir ce qu’est l’amour. SOUPE.2001:LESTADE DEWIMBLEDON.2003: Mais ça ne va pas sans douleur capitale, sur- LACHOSE PUBLIQUE.2004:14,58 EUROS cm. tout que JLG filme avec amour Anna Karina, 2007:DEUXCAGES SANS OISEAUX cm,À la femme qu’il vient de perdre. Il la filme, L’INSTAR DU PÈRENOËL ET DE LA PIZZA cm, partant avec son double à lui, mais un dou- LAISSE-LES GRANDIR ICI cm. 2010:TOURNÉE, ble improbable, Constantine-Caution, qui L’ILLUSION COMIQUE cm,JOHANNSFAR(DES- voyage au bout de la nuit en bon agent SINS) cm. 2012:NEXT TO LAST cm. 2014:LA secret assassin. CHAMBRE BLEUE. Acteur :1993:LESYEUX AU PLAFOND (MATHIEUAMALRIC) cm. 1998:ALICE ETMAR- AMALRIC Mathieu (1965) TIN(ANDRÉTÉCHINÉ).1999:TROISPONTS SUR Comédien et réalisateur. LA RIVIÈRE(JEAN-CLAUDEBIETTE),LAFAUSSE Fils de journalistes, il tente vainement SUIVANTE(BENOÎTJACQUOT).2001:LESNAU- l’IDHEC puis travaille à quantité de postes FRAGÉS DE LAD,17(LUCMOULLET),LULU sur les films des autres jusqu’à ce qu’on lui (JEAN-HENRIROGER).2007:UNSECRET propose d’être acteur, alors qu’il ne veut que (CLAUDEMILLER).2009:LESHERBES FOLLES (ALAINRESNAIS).2010:TOURNÉE(MATHIEU devenir réalisateur. ALMARIC).2011:LETTRES ÀJACKYEVRARD L’héritier actuel de la Nouvelle Vague en (ANDRÉS,LABARTHE) cm. 2012:VOUS N’AVEZ France, c’est lui, comme acteur et réalisa- ENCORE RIEN VU(ALAINRESNAIS). teur : Tournée ne vient pas que de John Cas- savetes, comme il fut bien trop écrit après son triomphe cannois. On y sent la marque L’AMOUR À LA CHAÎNE (1964) secrète de Jean Renoir tout autant que les Film français. parentés avec Demy, Rozier et Eustache, Tournage à Paris. même si ton et style révèlent l’évidence de Production : Jean Barral, Robert de Nesles, son originalité créatrice. Dès ses premiers Georges Mathiot. films, Godard et Chabrol avaient remarqué Comptoir français du film-Roal film. cet air de famille et l’on regrette que ni l’un Distribution CFF. ni l’autre ne l’aient invité à paraître dans Directeurs de production : Jean Lefait, leurs œuvres, lorsque leur cousin André Michel Monbailly. Téchiné, leur ami Jean-Claude Biette, leur Réalisation : Claude de Givray.

Extrait de la publication L’AMOUR À LA CHAÎNE 27

Assistant-réalisateur : Michel Wichard. Au départ, c’est une commande de pro- Scénario : Claude de Givray et Bernard ducteur et de distributeur avec pour obliga- Revon. tion de traiter de la prostitution, respecter Directeur de la photo : Roger Fellous. Noir un devis modeste, fixé à l’avance, et tourner et blanc cinémascope. dans des dates prévues. Givray écrit le scé- Assistant caméra : Gérard Brisseau. nario en toute liberté et le soumet à la com- Script : Suzanne Ohanessian. mission de contrôle qui prévient d’une Musique : Georges Delerue. menace d’interdiction aux mineurs de moins Paroles de chanson : André-Marie Klenov- de dix-huit ans, sans autres commentaires. ski. Après le tournage et le montage du film, la Montage : Pierre Géran, Patrick Clement même commission de censure exige vingt- Bayard, Jean-Marie Gimel. deux coupures dans le dialogue (qui est Costume : Jean-Pierre Janssen. exactement le même que dans le scénario), Coiffure : Carita. non pour obscénité ou pornographie, mais Maquillage : Danielle Thévenot. à cause de « la teneur des propos tenus par Version intégrale inédite en salle : les protagonistes ». Sinon, c’est l’interdiction 95 minutes. totale. Publiées dans le numéro 170 (sep- Version censurée pour l’exploitation : tembre 1965) des Cahiers du cinéma, les 85 minutes. scènes ainsi retirées révèlent une teneur Sortie : août 1965. sociologique et politique en ce qui concerne Interdit aux moins de dix-huit ans. la prostitution et son organisation. Malgré Avec : Jean Yanne (Pornotropos), Valeria ces mutilations, L’Amour à la chaîne est un Ciangottini (Catherine), Jacques Destoop joyau méconnu de la Nouvelle Vague, une (Paul), Perette Pradier (Corinne), Maria œuvre forte où la prostitution est abordée Rosa Rodriguez (Barbara), Anne-Marie Cof- en dehors des clichés mélodramatiques ou finet (Juliette). Amarande (Mélanie), Jean- des images pittoresques et aguichantes. Pierre Janssen (jumeau 1), Jean-Paul Janssen Givray démonte de façon précise les sys- (jumeau 2). Jean-Marie Fertey (Thanatos), tèmes sur lesquels ce commerce s’exerce, Max Montavon (photographe), Roger Fradet sans moralisme contrit ou pathos. Cepen- (Doudou), Alain Raffael (Raffa), Jean Dal- dant, le film est bien plus qu’une fiction- main (père de Catherine), Hella Petri documentaire sur le plus vieux métier du (Thais), Lisette Lebon (imprésario), Annie monde. C’est une musique d’images et sons, Duroc (prostituée), Jean-Roger Caussimon parfois atonale, dans un cinémascope gris et (curé), Roger Karl (l’homme qui meurt), blanc cadrant l’anecdote fictionnelle en Olga Valery (la veuve), Marc Arlan (invité), théâtre de vie, description des divers engre- Jean Degrave (proxénète), Jean-Claude nages broyant des personnages qui croyaient Brialy (client), Claude de Givray (client). profiter de leur libre arbitre et conserver une part d’âme dans le commerce de sexe et des Sujet : Une jeune femme décide de se prostituer. reflux sordides au quotidien. Comme chez Elle découvre que ceux qui régissent ce milieu Jean Renoir, chacun porte ici sa part fonctionnent comme des hommes d’affaires. d’humanité, du proxénète au client et à la

Extrait de la publication 28 L’AMOUR À LA CHAÎNE prostituée, avec l’atout donné par l’auteur de (Michèle), Célia (Célia-Andromaque), Mad- ne pas juger, ni condamner et conspuer, tout dly Bamy (Maddly-Céphise), Yves Beneyton en sachant éviter les complaisances et la vul- (Yves-Oreste), Denis Berry (Denis-Pylade), garité. À ce titre, la composition de Jean Françoise Godde (Cléone), Michel Delahaye Yanne mérite des éloges. (Michel-Phoenix), Liliane Bordoni (Puck), Étienne Becker (l’opérateur du reportage), L’AMOUR FOU (1967) Claude-Éric Richard (Philipe), André S. Film français. Labarthe (réalisateur du reportage). Tournage à Paris, juillet, août 1967 (cinq Sujet : Sébastien monte Andromaque de semaines). Racine. Son épouse Claire quitte le rôle d’Her- Production : Georges de Beauregard. mione pendant les répétitions et s’enferme peu Directeur de production : Roger Scipion. à peu dans la névrose. Distribution : Cocinor. Scénario : Marilù Parolini, Jacques Rivette. Après la lutte menée aux côtés de son Dialogue : Jacques Rivette et improvisations producteur Georges de Beauregard, et quan- des comédiens. tité de soutiens venus du monde cinéphile Texte de la pièce de théâtre : Andromaque de et intellectuel pour obliger le pouvoir à lever Jean Racine. l’interdiction totale de La Religieuse, Jacques Réalisation : Jacques Rivette. Rivette n’est plus inconnu du grand public. Images 35 mm : Alain Levent. En collaboration avec André S. Labarthe, il Son : Bernard Aubouy. tourne alors une trilogie télévisée sur Jean Coréalisation : André S. Labarthe (scènes du Renoir. Mais, comme Beauregard ne cesse de reportage). lui demander s’il connaît un réalisateur pou- Images 16 mm noir et blanc 1 : 1,85 : vant lui faire un film pour 45 millions Étienne Becker. (anciens), il finit par se porter candidat et Son : Claude Laureux. cherche une idée de scénario compatible Mixage : Jacques Maumont. avec les contraintes de ce faible budget. Assistant-réalisateur : Philippe Fourastié. La genèse de L’Amour fou se fait donc en Stagiaire : André Téchiné. convergence avec plusieurs désirs et choix Scripte : Lydie Mahias. de Rivette : Photographe de plateau : Pierre Zucca. – Refaire un film où le travail du théâtre Montage : Nicole Lubstchansky. tient une place essentielle. Le montrer Musique : Jean-Claude Éloy. avec une volonté d’expérimentation et Durée : 252 minutes. d’improvisation qui était absente de Paris Sortie en salle : 15 janvier 1969. nous appartient. Existence d’une version courte de – Travailler avec les comédiens de la 120 minutes réniée par Rivette. troupe de Marc’O : , Michèle Avec : Bulle Ogier (Claire), Jean-Pierre Kal- Moretti, Jean-Pierre Kalfon. fon (Sébastien-Pyrrhus), Josée Destoop – Pousser le film vers une modernité (Maria-Hermione), Michèle Moretti qu’il n’a cessé de défendre en tant que

Extrait de la publication ANÉMÔNE 29

rédacteur en chef des Cahiers du cinéma territoires différents, tant sur le plan formel (1963-1965). que sur la conception des structures narra- – Tenir compte des essais des nouveaux tives. D’abord, c’est l’intégration des essais réalisateurs américains : John Cassavetes, du cinéma-vérité (Rouch, Marker) dans la Shirley Clarke, Andy Warhol. fiction. C’est aussi la fragmentation du récit – Intégrer au corps du film la matière linéaire en fonction d’une mise en jeu des télévisée telle qu’il vient de l’utiliser pour divers éléments comme signes révélateurs les Cinéastes de notre temps sur Jean des faits, sans qu’ils expliquent les comporte- Renoir. ments et la psychologie des personnages par Le scénario écrit avec Marilù Parolini se indications naturalistes ou dramaturgiques. présente comme un plan de travail avec un Rivette se place ainsi du côté de Godard plu- canevas d’une trentaine de pages et Rivette tôt que de Rohmer, Truffaut ou Chabrol, à propose à Jean-Pierre Kalfon de monter lui- la différence toutefois qu’il ne poursuit pas même Andromaque de Racine avec les le même but que JLG, ne cherchant pas à acteurs de son choix, puis indique que synthétiser une recherche du pictural et du l’équipe de Labarthe filmera ses répétitions poétique. Si Rivette et lui sont deux artistes en 16 mm pendant que, lui, enregistrera les expérimentaux, l’objet filmique que chacun scènes de répétition et de fiction en 35 mm. crée n’est pas de même nature. Rivette Kalfon choisit tous les acteurs pour la pièce invente à partir de ce que son équipe de Racine, à l’exception de Michel Delahaye (acteurs et techniciens) lui propose en toute que Rivette lui propose pour incarner Phoe- liberté, alors que Godard fait toujours son nix. Le film se présente donc comme l’inter- film personnel en imposant ses improvisa- action de trois mises en scène différentes : tions aux autres collaborateurs. Il n’empêche celle de Kalfon pour le théâtre (répétitions), que L’Amour fou est d’abord un film de celle de Labarthe pour la télévision (matière Rivette ; il l’est par ses thèmes (complot- brute) et celle de Rivette pour la dégradation paranoïa, souffrances, groupes, théâtre) et sa du couple Ogier-Kalfon, sauf que ces trois méthode (liberté du corps de l’acteur, être blocs distincts sont restructurés, reconstruits sourcier de réalité autant que d’échos du et organisés au montage pour s’intégrer à la fantastique). L’émotion n’en est jamais dymanique générale du film. L’Amour fou est absente. Elle gagne le spectateur face aux un travail collectif mais aussi un film de scènes dramatiques entre le couple en crise, l’auteur Jacques Rivette. Le devis initial sera mais aussi devant les instants mis en capture dépassé de 15 millions au montage. Ensuite, du travail des comédiens sur Racine. les distributeurs exigeront une version rac- courcie à deux heures, car le film dure qua- ANÉMÔNE (Anne Bourguignon tre heures douze. Cette version courte est dite, 1950) un échec commercial, alors que la version Comédienne française. longue est un succès public dans la struc- ture Art et Essai. Seul Philippe Garrel la rattache à la Nou- L’Amour fou est une mutation importante velle Vague (deuxième génération) puisque dans la Nouvelle Vague, car il circonscrit des c’est lui qui la fait débuter dans Anémône et

Extrait de la publication 30 ANÉMÔNE elle conservera ce nom, celui de son rôle, ANTICIPATIONOU L’AMOUR EN tout au long de sa prolifique carrière. Elle L’AN 2000 (1966) était singulière et touchante dans ce petit Film français. téléfilm conçu, joué et réalisé par des ado- lescents en rupture de société dans la France Épisode du film Le Plus Vieux Métier Du juste avant Mai 68. Vingt ans plus tard, star Monde. consacrée par des succès populaires et le Autres épisodes : L’Ère préhistorique (Franco César du second rôle, elle retrouva Garrel Indovina). Nuits romaines (Mauro Bolo- dans une œuvre sombre et belle. gnini). Mademoiselle Mimi (Philippe de Filmographie :1967:ANÉMÔNE(PHILIPPE Broca). La Belle Époque (Michael Plefgar). GARREL).1989:LESBAISERS DE SECOURS(PHI- Aujourd’hui (Claude Autant-Lara). LIPPEGARREL).1995:LEFILS DEGASCOGNE Tournage Orly, quatre jours entre fin sep- (PASCALAUBIER) tembre et début octobre 1966. Production : Francoriz Films, Gibé Films (Paris), Rialto Films (Berlin), Rizzoli Films ANOUCHKA Films (Rome). Société de production fondée par Jean- Producteur : Joseph Bercholz. Luc Godard et Anna Karina en novembre Directeur de production : André Cultet. 1963, située au n° 2 de la rue Marbœuf à Distribution : Athos Films. Paris, Philippe Dussart en étant le gérant et Réalisation et scénario : Jean-Luc Godard. Patricia Finaly assurant le secrétariat. Assistants : Charles L. Bitsch, Claude Miller. Son activité s’arrête en 1973. Images 35 mm 1 : 1,66 couleur eastmanco- lor et noir et blanc : Pierre Lhomme. Coproduction :1964:BANDE À PART(JEAN- Son : Mono. LUCGODARD),UNEFEMME MARIÉE(JEAN-LUC Montage : Agnès Guillemot. GODARD).1965:PIERROT LEFOU(JEAN-LUC Musique : Michel Legrand. GODARD).1966:MASCULIN FÉMININ Avec : Jacques Charrier (John Dimitrios), (GODARD),LEPÈRENOËL A LES YEUX BLEUS Anna Karina (Eléonore Roméovitch), Malilù (JEANEUSTACHE),MADE IN USA(JEAN-LUC Tolo (prostituée Amour physique), Jean- GODARD),DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE SAIS Pierre Léaud (larbin), Daniel Bart, Jean- D’ELLE(JEAN-LUCGODARD).1967:LACHI- Patrick Lebel (commissaires). NOISE(JEAN-LUCGODARD),WEEK-END(JEAN- Durée : 20 minutes. LUCGODARD).1968:LEGAISAVOIR(JEAN- Sortie en France : 21 avril 1967. LUCGODARD).1969:L’AMORE dansAMORE E RABBIA(La Contestation,JEAN-LUCGODARD), Sujet : Un voyageur intersidéral fait halte sur VENT D’EST(GROUPEDZIGAVERTOV),LUTTES la terre et choisit une prostituée. Mais il n’est ENITALIE(GROUPEDZIGAVERTOV).1970:LE pas excité parce que cette fille ne parle pas. DERNIERHOMME(CHARLESL,BISTCH).1972: Exceptionnellement, les autorités lui en TOUT VA BIEN(JEAN-LUCGODARD ETJEAN- envoient une autre qui ne pratique que l’amour PIERREGORIN). langage. APTEKMAN ALAIN 31

Troisième incursion de Godard dans la brouillage visuel volontaire et intermittent science-fiction, ce sketch est aussi le dernier avec contours flous ou passages en négatif. film qu’il tourne avec Anna Karina. Cette version (l’originale pour son auteur) Contacté pour participer à cette produc- ne sera vue qu’en projection privée, puis au tion européenne à épisodes, JLG accepte la festival d’Hyères ou encore (j’y étais) lorsque proposition pour plusieurs raisons. D’abord, Pierre-Henri Deleau la montra au cinéma il ne refuse jamais les commandes dans les Capitole de Lille en 1967. Car les produc- films à sketches (Les Sept Péchés capitaux, teurs du film ne voulaient pas distribuer RoGoPaG, Les Plus Belles Escroqueries du Anticipation sous cette forme. Ils imposèrent monde, Paris vu par…). Ensuite, le sujet (la un filtre bistre sur toutes les images, sauf prostitution) l’intéresse depuis ses débuts celles du baiser en couleurs de la fin. C’est (Une femme coquette). Le scénario retrouve la thématique dans cette édulcoration lamentable qu’il fut d’Alphaville : union de l’amour romantique exploité commercialement. Ajoutons qu’en et de l’amour physique dans un monde 2010, Gaumont racheta Anticipation pour régissant les pulsions sexuelles et les senti- l’intégrer dans un coffret DVD des films de ments de manière séparée. On peut penser Godard et en opéra une restauration scanda- que l’acceptation de cette commande lui leuse puisque tout y est en noir et blanc, y permit également de mettre en perspective compris les derniers plans tournés en cou- l’échec de sa vie privée avec Karina, d’où leurs qui avaient été montrés ainsi en salles une certaine tension sur le tournage. lors de l’exclusivité de 1967. De surcroît, il veut faire d’Anticipation une œuvre-laboratoire sur les couleurs et APTEKMAN Alain (1931-2013) l’image. Puisque son scénario repose sur la Scénariste et acteur. séparation des mots et des gestes dans un monde futur, il opère des hachures sonores Ami et scénariste de Pierre Kast, il tra- par la musique et sur la diction du comé- vaille peu dans le cinéma, mais prête sa sil- dien Jacques Charrier. Il veut également des houette à Robert Bresson dans L’Argent et fait décalages chromatiques à l’image. Pierre bénéficier Romain Goupil de son talent de Lhomme tourne le film en noir et blanc et scénariste et d’acteur occasionnel. fait tirer la pellicule en monochrome rouge, Filmographie jaune ou bleu, conformément à ce qui est Scénariste :1961:LAMORTE-SAISON DES dit sur la bande-son : « couleur soviétique », « couleur américaine », « couleur chi- AMOURS(PIERREKAST).1963:VACANCES POR- noise ». Seuls les derniers plans sont filmés TUGAISES(PIERREKAST).1964:LEGRAIN DE en Eastmancolor. Mais Godard ne veut pas SABLE(PIERREKAST).1980:LESOLEIL EN FACE seulement avoir une suite d’images teintées (PIERREKAST).1983:LAJAVA DES OMBRES avant le final. Il demande donc des contre- (ROMAINGOUPIL). types successifs avec accentuation des Acteur :1983:L’ARGENT(ROBERTBRES- contrastes, et ceci pour des images isolées SON),LAJAVA DES OMBRES(ROMAINGOUPIL). ou des portions de scènes. Il en résulte un 1999:À MORT LA MORT(ROMAINGOUPIL)

Extrait de la publication 32 APTEKMAN BARBARA

APTEKMAN Barbara (1931) Séduit par les beautés de l’œuvre, Aragon Épouse d’Alain Aptekman. écrivit un article à la une de son hebdoma- daire Les Lettres françaises, le 9 septembre Elle n’apparaît que dans deux films de 1965 : « Qu’est-ce que l’art ? Jean-Luc Pierre Kast et occupe le poste de script-girl Godard. » La splendeur de ce texte qui sur la série télévisée La Naissance de l’Empire louange avec intelligence le travail du romain du même Kast. cinéaste est indéniable et son impact sera Filmographie :1960:LEBELÂGE(PIERRE très fort dans les milieux intellectuels de KAST).1965:LABRÛLURE DES1000 SOLEILS l’époque. L’admiration de Godard pour Ara- (PIERREKAST) cm. gon va perdurer au-delà des crises de conscience et des engagements idéologiques ARAGON Louis (1897-1982) issus de Mai 68. Dans Histoire (s) du cinéma, Poète, journaliste et romancier français. l’écrivain est encore souvent cité. Études de médecine. Membre de Dada, Notons que d’autres auteurs de la Nou- du groupe surréaliste puis du parti commu- velle Vague ont partagé cette passion pour niste français. Secrétaire de rédaction de la le poète, à commencer par Agnès Varda et revue : Commune (1933-1839), directeur du Jacques Demy qui avaient comme projet un quotidien Ce soir (1937-1939, 1944-1953), portrait croisé d’Elsa et lui, mais seule Varda puis des Lettres françaises (1953-1972). put mener à bien l’entreprise avec le court- Dès ses premiers courts-métrages, Jean- métrage Elsa la rose. (1966). Luc Godard lui rend des hommages appuyés, parfois brefs (À bout de souffle), ARDANT Fanny (1949) longs (Histoire d’eau) ou moteurs de toute Comédienne (théâtre, télévision et cinéma) une séquence (celle du métro dans Bande à et réalisatrice française. part). JLG confessera avoir été, pendant son adolescence, très impressionné par la lecture Après ses études à l’Institut d’études poli- du recueil Le Crève-cœur (cité dans Le Petit tiques d’Aix-en-Provence, elle débute au Soldat). Et lorsque les frères Hakim lui pro- théâtre et au cinéma, puis connaît un succès posèrent de tourner l’adaptation d’Éva, le populaire dans la série télévisée Les Dames roman de James Hadley Chase, il demanda de la côte, écrite et réalisée par Nina Compa- le plus sérieusement du monde qu’Aragon y neez. C’est là, sur le petit écran, que Fran- tienne le rôle principal du romancier déchu. çois Truffaut la découvre. Il tombe alors De son côté, Aragon défendit À bout de amoureux de la comédienne et de la femme souffle et Le Mépris. Cette passion réciproque qui va devenir sa muse pour ses deux der- mais à distance trouva son apogée lorsque niers films. Au même moment, elle com- Bertrand Tavernier, attaché de presse de mence à travailler avec Alain Resnais, puis Pierrot le Fou, et dont le père René Tavernier entame une carrière internationale, mais avait hébergé Aragon et Elsa Triolet à Lyon tout en continuant à apparaître au théâtre et pendant l’Occupation allemande, invita le à la télévision. Elle passe aussi à la mise en couple à une projection privée du film. scène.

Extrait de la publication ARNOUL FRANÇOISE 33

Autant à l’aise dans la comédie que le téléfilms de la série Alfred Hitchcock présente. drame, elle inspire à Truffaut l’un de ses plus Claude Chabrol a adapté deux de ses beaux films (La Femme d’à côté), puis romans à l’écran et s’est inspiré d’un troi- apporte une aura insolite à ceux d’Alain Res- sième, The Unsuspected(L’Insoupçonnable nais. Cependant, c’est le Belge André Del- Grandison) pour le scénario de Masques, film vaux qui l’inscrit en icône de la femme dans lequel un personnage lit un livre de surréaliste dans Benvenuta où elle vibre de la romancière : The Case of the Weird Sisters façon étonnante et magique, tandis que Vol- (L’Étrange cas des trois sœurs infirmes, 1943). ker Schlöndorff la place du côté de chez Filmographie :1970:LARUPTURE d’après Proust avec bonheur. Car Fanny Ardant THEBALLOONMAN(Le Jour des Parques, porte en elle une force littéraire, au meilleur 1968)(CLAUDECHABROL).2000:MERCI POUR sens du terme, et elle la cristallise en poésie LE CHOCOLAT, d’aprèsTHECHOCOLATECOB- noire, si bien qu’on rêve aux rôles que WEB(Et merci pour le chocolat,1948) Georges Franju ou Jean Eustache auraient (CLAUDECHABROL). pu lui offrir. Certes, son intrusion dans la Nouvelle Vague est tardive et elle se limite ARNOUL Françoise (Françoise à deux cinéastes en quête d’exploration des Gautsch dite, 1931) sentiments et du temps, la part noble du Comédienne française. mouvement, diront certains. Il n’empêche que les deux films de Truffaut et les trois de Née en Algérie, elle vient en France après Resnais en font l’une de ses forces les plus la Seconde Guerre mondiale, suit des cours fascinantes. de théâtre, commence à faire du cinéma et Filmographie connaît le succès assez vite dans des rôles Actrice :1981:LA FEMME D’À CÔTÉ(FRAN- souvent marqués d’une sensualité féline qui ÇOISTRUFFAUT).1982:LA VIE EST UN ROMAN ne masque pourtant pas son réel talent. (ALAINRESNAIS),VIVEMENT DIMANCHE! Ralph Habib, Henri Decoin et Henri Ver- (FRANÇOISTRUFFAUT).1984:L’AMOUR À MORT neuil sont alors ses principaux metteurs en (ALAINRESNAIS).1986:MÉLO(ALAINRES- scène. Ce dernier l’a fait d’ailleurs tourner NAIS).1994:LESCENT ETUNENUITS DE aux côtés de Jean Gabin dans son meilleur SIMONCINÉMA(AGNÈSVARDA). film : Des gens sans importance (1955). La Réalisatrice :2009:CENDRES ETSANG. même année, elle est superbe dans French 2010:CHIMÈRES ABSENTES cm. Cancan de Jean Renoir (encore avec Jean Gabin comme partenaire) et c’est d’ailleurs ARMSTRONG Charlotte là qu’elle fait la connaissance d’un assistant (1905-1963) nommé Pierre Kast qui l’intégrera plus tard à la Nouvelle Vague. Mais, avant l’originale Romancière américaine. expérience de La Morte-Saison des amours Elle a débuté par des romans à énigmes (1960), puis de Vacances portugaises (1963), ayant pour héros le détective amateur Mac- elle est la vedette d’une œuvre prémisse de Dougal, puis s’est tournée vers le récit à sus- ce mouvement : Sait-on jamais de Roger pense. Elle fut aussi scénariste pour des Vadim. 34 ARNOUL FRANÇOISE

Cependant, en dehors de Kast, elle ne tra- de film, notamment pour Mohammed Lakh- vaille ensuite qu’avec des auteurs périphé- dar-Hamina. riques de la NV : Jean Herman, Guy Gilles. Musique de film :1959:INDIA :MATRI Puis Jean Renoir l’invite à encore nous BHHUMI(Inde, terre-mère, ROBERTROSSEL- éblouir dans son film-testament : Le Petit LINI), PARIS NOUS APPARTIENT(JACQUES Théâtre de Jean Renoir. Enfin, au cours de RIVETTE). 1960 : LETROU(JACQUES ces dernières décennies, ce sont souvent des BECKER). 1963 : LESCARABINIERS(JEAN-LUC cinéastes-auteurs qui font appel à elle : Ber- GODARD).1972:LESCAMISARDS(RENÉ nard Paul, Jean Marbeuf, Jean-Claude Mis- ALLIO).1973:RUDE JOURNÉE POUR LA REINE siaen, Raoul Ruiz, Brigitte Roüan, Jacques (RENÉALLIO). Rouffio. Mais pas assez souvent. Et l’on peut Réalisateur :1963:LADEMOISELLE DE le regretter. CŒUR cm. 1965:LACAGE DE VERRE.1969: Filmographie :1955:FRENCHCANCAN DIEU A CHOISIPARIS.1971:DESCHRISTS PAR (JEANRENOIR).1957:SAIT-ON JAMAIS… MILLIERS.1978:NOCTUOR cm.1979:NOCE (ROGERVADIM).1960:LAMORTE-SAISON DES DE SÈVE. AMOURS(PIERREKAST). 1963 : VACANCES POR- TUGAISES(PIERREKAST).1967:LEDIMANCHE ARTS DE LA VIE(JEANHERMAN).1969:LEPETIT THÉÂTRE DEJEANRENOIR(JEANRENOIR). Hebdomadaire culturel français lancé le 1987:NUIT DOCILE(GUYGILLES). 31 janvier 1945 par Georges Wildenstein et consacré aux arts plastiques, dans la conti- ARTHUYS Philippe (1928-2010) nuation de son journal Beaux-Arts, publié (pendant peu de temps) au début des Compositeur et cinéaste français. années quarante. En 1952, à l’initiative de Membre du GRMC (Groupe de recherche Louis Pauwels, son nouveau rédacteur en et de musique concrète) avec Pierre Henry chef, la critique de cinéma y apparaît sous et Pierre Schaeffer, il explore ses recherches les signatures de Nino Frank et Adonis sonores par le disque et le théâtre (ballet Kyrou, puis Henri-François Rey, Yves avec Maurice Béjart en 1956) puis les pour- Gibeau et Jean-Pierre Vivet. Mais en juillet suit au cinéma avec Roberto Rossellini et 1954, l’hebdomadaire passe sous la direc- Jacques Becker, ce qui va le rapprocher de tion de , un ancien royaliste la Nouvelle Vague naissante. Jacques Rivette se proclamant anarchiste de droite, et par lui confie la partition de Paris nous appar- ailleurs auteur de romans à succès sous le tient en lui demandant de prendre Bela Bar- pseudonyme de Cecil Saint-Laurent. Il tok comme base d’inspiration. Godard fait ouvre aussitôt ses colonnes à ses amis, les appel à lui pour Les Carabiniers. En 1963, hussards de la nouvelle droite littéraire, avec il passe à la réalisation et tourne des films le désir avoué de faire de la revue un pôle ambitieux et expérimentaux qui méritent d’opposition aux journaux culturels de l’attention, mais ne rencontrent aucun suc- gauche (Lettres françaises, France observa- cès. Parallèlement à son activité de metteur teur) et nomme alors le cinéaste documen- en scène, il continue d’écrire de la musique taire Jean Aurel chef de la rubrique cinéma. ASCENSEUR POUR L’ÉCHAFAUD 35

Ce dernier demande des textes à François ASCENSEUR POUR L’ÉCHAFAUD Truffaut qui vient de jeter un pavé dans la (1957) mare avec Une certaine tendance du cinéma Film français. français paru dans le numéro de janvier 1954 des Cahiers du cinéma. Assez vite, Truf- Tournage du 23 septembre au 15 novembre faut devient une des signatures essentielles 1957. à Arts où il crée des polémiques avec une Production : Nouvelles Éditions de Films (Jean Thuillier). grande astuce, ce qui le rend bientôt célèbre, Distribution : Lux, Compagnie cinématogra- puis il invite ses amis critiques de cinéma à phique France. y écrire. Pendant six ans, ce journal va être Scénario : Louis Malle et Roger Nimier l’indispensable tête de pont des Cahiers du d’après le roman de Noël Calef. cinéma, puis un centre de défense de la Nou- Réalisation : Louis Malle. velle Vague. Alexandre Astruc, Charles Assistants-réalisateurs : Alain Cavalier, Fran- Bitsch, Claude Chabrol, Claude de Givray, çois Leterrier. Jean Douchet, Jean-Luc Godard, Luc Conseiller technique : Jean-Paul Sassy. Moullet, Jacques Rivette et Éric Rohmer y Images 35 mm noir et blanc 1 : 1,66 : Henri écrivent régulièrement. Leurs critiques sont Decae, Jean Rabier, André Vilard. des tribunes pour la défense de la politique Effets spéciaux : Pierre Lax. des auteurs et des réalisateurs de la NV. Des Maquillage : Boris de Fast. dossiers, des entretiens complètent ce com- Son : Raymond Gauquier. bat permanent qui devient le fer de la lance Décors : Pierre Guffroy, Rino Mondellini, de l’hebdomadaire. C’est aussi à cette Jean Mandaroux. époque (1954-1960) que la réputation de Accessoiriste : Jacques Martin. droite des Cahiers du cinéma (et ensuite de Script-Girl : Francine Corteggiani. la Nouvelle Vague) se répand à cause de la Régisseur : Hubert Mérial. personnalité de Jacques Laurent et de ses Photographes de plateau : Jean-Louis Cas- collaborateurs. Quand ce dernier quitte ses telli, Vincent Rossell. Montage : Léonide Azar, Madeleine Bibollet, fonctions éditoriales à Arts, la rumeur ne Jean Trubert, Kenout Peltier, Jean-Louis cesse pas de courir, amalgamée à celle d’un Misar. copinage systématique. Musique : Miles Davis, Barney Willen, René Rétrospectivement, il est certain qu’un Urtreger, Pierre Michelot. Kenny Clarke. (Le terrorisme contre la qualité française du disque a obtenu le Grand prix de l’Académie cinéma des années cinquante ainsi qu’une Charles Cros 1958.) façon neuve d’analyser les films se sont Durée : 91 minutes. imposés dans Arts à cette époque. Et c’est Sortie : 29 janvier 1958. dans sa critique d’Un drôle de dimanche de Prix Louis Delluc 1957. Marc Allégret que Godard écrit le Avec : (Florence Carala), 28 novembre 1958 : « Jean-Paul Belmondo, Maurice Ronet (Julien Tavernier), Yori Bertin le Michel Simon et Jules Berry de demain.» (Véronique), Georges Poujouly (Louis), Ivan

Extrait de la publication 36 ASCENSEUR POUR L’ÉCHAFAUD

Petrovitch (Horst Bencker), Elga Andersen membre fondateur de ce mouvement. Pour- (Frieda Bencker), Lino Ventura (Commisaire tant, les images de Jeanne Moreau unique- Cherrier), Jean Wall (Carala), Felix Marten ment éclairée par des lumières de boutiques (Christian Subervie), Jacqueline Staup dans la nuit parisienne et la transfiguration (Anna), Gisèle Grandpré (Jacqueline Mau- du décor réel en architecture dynamique clair), Sylviane Aisenstein (fille au bar), obligent à signaler la parenté de ce film avec Gérard Darrieu (Maurice), Hubert Des- ceux que feront ensuite Chabrol, Godard, champs (substitut de la république), Miche- Rivette et tous les autres. Car, hors les line Bona (Geneviève), Marcel Cuvelier monologues en voix intérieure de Jeanne (concierge du motel), Charles Denner (un Moreau et les dialogues, tous deux souvent inspecteur), François Joux (un commis- trop littéraires, de Roger Nimier, ainsi que saire), Marcel Journet (membre du conseil quelques scènes semi-caricaturales du sub- d’administration de Carala), Jean-Claude stitut de la république au motel et des Brialy (client du motel), Jacques Hilling inspecteurs de permanence dans le commis- (concessionnaire auto), Nicolas Bataille sariat de police, Ascenseur pour l’échafaud (client de brasserie), Alice Reichen (fleu- s’inscrit de facto dans cette modernité, sui- riste), Lucien Desagneaux (journaliste), vant à la fois l’exemple de Robert Bresson et Marcel Bernier (policier). du film noir américain. Enfin, l’apport de la musique improvisée par Miles Davis ouvre Sujet : Après avoir maquillé en suicide le une voie passionnante de double jeu non meurtre de son patron (le marchand de canons illustratif dans ce domaine et cette expéri- Carala), dont il aime la femme, Julien Tavenier mentation marquera toute une génération est coincé toute la nuit dans l’ascenseur. Pen- de cinéastes pour le meilleur et pour le pire. dant ce temps, sa maîtresse erre dans Paris, Dernier point en faveur de l’œuvre, un don pensant que son amant est parti avec une ven- magistral de bien filmer les corps des princi- deuse de fleurs. En fait, c’est le copain de cette paux acteurs, qu’ils soient en mouvement jeune fille qui a volé la voiture de Tavernier dans la rue ou coincé dans un ascenseur. et il tuera, sous cette identité, deux touristes Moreau et Ronet en jouent comme peu de allemands dans un motel. La vérité sera révélée cinéastes (Renoir, Vigo) étaient parvenus à à la police par les photographies prises sur l’obtenir de leurs comédiens. Ce n’est pas l’appareil de Tavernier. Chaque meurtre revien- un mince compliment. dra alors à son coupable. Réalisé à l’économie, alors que Louis ASTRUC Alexandre (1923) Malle n’a pas 25 ans, mais se trouve déjà Romancier, acteur, critique (Cinémonde, auréolé d’un Grand prix à Cannes pour la Combat, La Nef, Ciné-digest, Écran coréalisation du Monde du silence avec le Français, La Gazette du cinéma, Les Temps modernes, Cahiers du cinéma, commandant Cousteau, Ascenseur pour Paris-Match), scénariste et cinéaste l’échafaud est le jalon incontournable des Français. méthodes de tournage et de production de la future Nouvelle Vague, même si son Cofondateur d’Objectif 49, Alexandre auteur ne s’est jamais reconnu comme Astruc est d’abord une figure marquante du ASTRUC ALEXANDRE 37

Saint-Germain-des-Prés de l’après-guerre où film à costumes, il s’investit ensuite dans un il est l’ami de Boris Vian et Jean-Paul Sartre. nouveau chef-d’œuvre en dyaliscope noir et Après la publication des Vacances, son pre- blanc pour préciser son discours sur le sta- mier roman chez Gallimard alors qu’il n’a tut d’une femme mariée en 1960, mais aussi que 23 ans, il écrit des critiques de films, affiner ses conceptions cinématographiques. toujours pertinentes, jusqu’à son texte- En ce sens, La Proie pour l’ombre est le revers manifeste de la Caméra-stylo qui révolu- des Amants de Louis Malle, d’abord dans le tionne la manière de penser le septième art traitement scénarique du sujet (l’adultère) et et inspire les nouvelles générations de cri- ensuite par la calligraphie moderne de la tiques et metteurs en scène. En effet, grand mise en scène, au point d’apparaître comme admirateur d’Orson Welles, Astruc impose le film-somme de la Nouvelle Vague, pour- alors l’idée que la mise en scène doit être tant à ses débuts. Il est alors surnommé « le une écriture d’auteur et non l’illustration tonton de la Nouvelle Vague » par Godard d’un sujet. Ensuite, il passe à l’acte après un et signe un autre chef-d’œuvre, L’Éducation ou deux essais en 16 mm. Le Rideau cra- sentimentale, une adaptation moderne et moisi, comme Le Silence de la mer de Jean- subtile de Gustave Flaubert qui ne connaîtra Pierre Melville, Les Dernières Vacances de aucun succès public. Les producteurs lui Roger Leenhardt et les films de Robert Bres- ayant retiré leur confiance, il se tourne vers son, montre la voie d’un cinéma d’auteur la télévision qui lui permet une expérimen- indépendant à ceux qui deviendront les tation magnifique : Le Puits et le Pendule, acteurs de la Nouvelle Vague. Un peu plus d’après Edgar Poe. Puis, l’année suivante tard, Les Mauvaises Rencontres confirment la (1964), la synthèse de ses recherches stylis- cohérence de sa démarche sous des allures tiques s’opère en force dans un magnifique de film policier traditionnel. Tant par leur court-métrage consacré au duel qui coûta la structure que les jeux de montage, ces deux vie au jeune mathématicien Évariste Galois. œuvres frisent l’abstraction, mais ne freinent Il tourne enfin son dernier chef-d’œuvre La jamais l’émotion dramaturgique. Son troi- Longue Marche, road movie en sublimes sième film, Une vie, s’inspire de Kenji plans-séquence sur la résistance dans le Ver- Mizoguchi et Jean Renoir sans trahir Guy de cors, avec des comédiens transcendés par Maupassant, évitant les pièges du natura- l’expérience : Robert Hossein, Maurice lisme et de l’adaptation littéraire, ce qui le Ronet et Jean-Louis Trintignant. Mais, après place de toute évidence parmi les cinéastes cette incontestable réussite, il signe un film majeurs de son temps, au niveau de Miche- de guerre ambitieux qui, malgré ses qualités langelo Antonioni, Ingmar Bergman et Otto de rigueur et son refus de montrer l’héroïsme Preminger. Certains n’y verront pourtant avec lyrisme, déçoit ses laudateurs et ennuie qu’un simple classicisme à l’ancienne. Ils ont le public. tort puisqu’Une Vie n’est qu’inventions et À partir de ce désamour général, il ne audaces à chaque plan et nous sommes ici tourne plus que pour la télévision, à l’excep- devant un film où la seule mise en scène tion d’un documentaire-entretien avec Jean- soutient les évolutions des âmes et leurs Paul Sartre. Toutefois, ses films pour le petit pertes sans issues. Loin de la couleur et du écran possèdent des qualités indéniables, 38 ASTRUC ALEXANDRE que ce soient des essais personnels sur Mur- PASSE adaptation(ALAINLEVENT).1981: nau ou les autres brillantes adaptations FRÈRE MARTIN(JEANDELANNOY)TV.2001: d’Edgar Poe. LESÂMES FORTES(RAOULRUIZ). Enfin, lui qui était considéré comme un Acteur :1949:RENDEZ-VOUS DE JUILLET grand héritier de Balzac au moment des (JACQUESBECKER).1950:LAVALSE DEPARIS Mauvaises Rencontres, il termine sa carrière (MARCELACHARD).1957:UNAMOUR DE de cinéaste en transposant (à la perfection) POCHE(PIERREKAST).1974:LAJEUNEFILLE cet auteur : Une fille d’Éve et Albert Savarus. ASSASSINÉE(ROGERVADIM). L’importance d’Astruc ne se limite donc Romans et essais :1945:LESVACANCES. pas à son rôle de défricheur pour la Nou- 1975:CIEL DE CENDRES,LATÊTE LA PREMIÈRE. velle Vague. Il est un cinéaste majeur, aussi 1977:LESERPENT JAUNE,QUAND LA un romancier et essayiste de valeur. Bref, un CHOUETTE S’ENVOLE.1982:LEPERMISSION- géant du vingtième siècle qui n’a pas tou- NAIRE.1989:LEROMAN DEDESCARTES.1992: jours bien géré sa chance et son génie, DU STYLO À LA CAMÉRA etDE LA CAMÉRA AU affaire de caractère et choix de vie… STYLO.1994:L’AUTREVERSANT DE LA COLLINE. Filmographie 1994:ÉVARISTEGALOIS.1996:LEMONTREUR Réalisateur :1948:ALLER-RETOUR cm. D’OMBRES.1998:LESIÈCLE À VENIR.2000:LA 1949:ULYSSE OULESMAUVAISESRENCONTRES FRANCE AUCŒUR.2005:UNE ROSE EN HIVER. cm. 1952:LERIDEAU CRAMOISI cm. 1955:LES 2008:LESSECRETS DEMADEMOISELLEFECH- MAUVAISESRENCONTRES.1957:UNEVIE. TENBAUM. 1960:LAPROIE POUR L’OMBRE.1961:L’ÉDUCA- TION SENTIMENTALE.1963:LEPUITS ET LEPEN- ATIYAH Edward Selim DULE cm,TV.1965:ÉVARISTEGALOIS cm. (1903-1964) 1966:LALONGUEMARCHE.1968:FLAMMES Secrétaire de la Ligue arabe à Londres. SUR L’ADRIATIQUE.1970:INTRODUCTION À LA MÉTHODE DEMURNAU TV,MURNAUTV.1975: Libanais. Études en Égypte puis en Angle- SARTRE PAR LUI-MÊME(co- MICHELCIEUTAT),LA terre. LETTRE VOLÉETV.1978:LOUISXIOULANAIS- Son roman The Thin Line (L’Étau 1951), SANCE D’UN ROITV.1979:LOUISXIOULEPOU- adapté au japon par Mikio Naruse : Onna no VOIR CENTRALTV.1980:À UNE VOIX PRÈS OULA naka ni iru tanin (1966) est à l’origine de NAISSANCE DE LATROISÈMERÉPUBLIQUE TV, Juste avant la nuit (1971), l’un des meilleurs ARSÈNELUPIN JOUE ET PERDTV.1981:LA Chabrol de la période Génovès, marqué CHUTE DE LA MAISONUSHERTV.1989:UNE aussi par l’influence de Simenon. FILLE D’ÈVETV.1993:ALBERTSAVARUSTV. Filmographie :1971:JUSTE AVANT LA NUIT Scénariste (hors ses films) :1949:JEAN DE (CLAUDECHABROL). LALUNE adaptation(MARCELACHARD).1952: LAP… RESPECTEUSE(MARCELPAGLIERO). ATTAL Henri (1936-2003) 1954:IL VISCONTE DUBRAGELONNE(Le Comédien français de second plan. Vicomte de Bragelonne,FERNANDOCER- CHIO).1964:BASSAE commentaire(JEAN- Brun, visage émacié, sourcils brous- DANIELPOLLET) cm. 1980:COMME LE TEMPS sailleux, yeux de chien battu, il a marqué le

Extrait de la publication ATTAL HENRI 39 cinéma français, pendant quarante ans, de CHABROL),OPHÉLIA(CLAUDECHABROL),LES silhouettes en petits rôles, souvent en duo VIERGES(JEAN-PIERREMOCKY).1964: avec Dominique Zardi. Il est connu qu’ils L’HOMME QUI VENDIT LA TOUREIFFEL(Les Plus allaient ensemble dans les bureaux de pro- Belles Escroqueries du monde,CLAUDECHA- duction et menaçaient de casser la gueule à BROL),LE TIGRE AIME LA CHAIR FRAÎCHE tout le monde s’ils n’obtenaient pas un rôle (CLAUDECHABROL).1965:MARIE-CHANTAL dans le film en préparation. Cependant, leur CONTREDOCTEURKHA(CLAUDECHABROL), interminable filmographie laisse à penser PIERROT LEFOU(JEAN-LUCGODARD).1966: que l’intimidation musclée ne fut pas MASCULIN FÉMININ(JEAN-LUCGODARD),LA l’unique raison qui poussa les réalisateurs de BOURSE ET LAVIE(JEAN-PIERREMOCKY),LA toutes sortes à les employer. La rumeur veut LIGNE DE DÉMARCATION(CLAUDECHABROL). aussi que Jean-Luc Godard s’inspira beau- 1967:LESCANDALE(CLAUDECHABROL). coup de ce tandem grotesque pour ses deux 1968:LESBICHES(CLAUDECHABROL).1969: loustics des Carabiniers. LAFEMME INFIDÈLE(CLAUDECHABROL).1971: Seul ou avec son compère, Attal a hanté LECINÉMA DE PAPA(CLAUDEBERRI),JUSTE plusieurs films de la Nouvelle Vague, ceux de AVANT LA NUIT(CLAUDECHABROL).1972: Godard qui aimait « le voir jouer si mal ». DOCTEURPOPAUL(CLAUDECHABROL),SEX- Faux aveugle, concubin de concierge, pom- SHOP(CLAUDEBERRI).1974:NADA(CLAUDE piste burlesque, client de bistrot ou lecteur à CHABROL).1975:UNE PARTIE DE PLAISIR voix haute de magazine polisson, il traverse (CLAUDECHABROL),LESINNOCENTS AUX les premiers films de JLG avec un naturel ter- MAINS SALES(CLAUDECHABROL).1976:FOLIES riblement maladroit, qui touche au pathé- BOURGEOISES(CLAUDECHABROL),BARTLEBY tique, mais qui le fit remarquer par le public. (MAURICERONET).1977:LEROI DES BRICO- Autrement, c’est surtout Claude Chabrol qui LEURS(JEAN-PIERREMOCKY).1978:VIOLETTE l’utilisera pendant longtemps, et à toutes les NOZIÈRES(CLAUDECHABROL),LETÉMOIN sauces, gendarme, tueur et même vieille (JEAN-PIERREMOCKY).1979:LEPIÈGE À CONS femme de ménage sourde dans Docteur (JEAN-PIERREMOCKY).1980:L’ÉCHAFAUD Popaul. Il lui donnera aussi son plus grand MAGIQUE(FANTÔMAS,CLAUDECHABROL) TV, rôle dans Les Biches, un intellectuel pique- ARSÈNELUPIN JOUE ET PERD(ALEXANDRE assiette et farfelu. Au cours de ce tournage, ASTRUC)TV.1981:LESYSTÈME DU DOCTEUR Attal reprocha à Chabrol de ne jamais faire de GOUDRON ET DU PROFESSEURPLUME(CLAUDE gros-plan de lui. Alors, le cinéaste lui en offrit CHABROL)TV.1982:LITAN(JEAN-PIERRE un, en lui faisant dire, avec profondeur : MOCKY).1984:À MORT L’ARBITRE(JEAN-PIERRE « D’ailleurs, tout est de la merde ! » MOCKY).1985:POULET AU VINAIGRE(CLAUDE En toute logique, il intégra le Mocky’s Cir- CHABROL).1987:MASQUES(CLAUDECHA- cus. BROL),LECRI DU HIBOU(CLAUDECHABROL). Filmographie :1960:LESBONNESFEMMES 1988:UNEAFFAIRE DE FEMMES(CLAUDECHA- (CLAUDECHABROL).1961:LESGODELUREAUX BROL).1990:JOURS TRANQUILLES ÀCLICHY (CLAUDECHABROL),UNE FEMME EST UNE (CLAUDECHABROL).1991:MADAMEBOVARY FEMME(JEAN-LUCGODARD).1962:VIVRE SA (CLAUDECHABROL).1992:BETTY(CLAUDE VIE(JEAN-LUCGODARD),LANDRU(CLAUDE CHABROL),VILLE À VENDRE(JEAN-PIERRE 40 ATTAL HENRI

MOCKY).1994:BONSOIR(JEAN-PIERRE la volonté d’expérimenter des modernités MOCKY).1997:ALLIANCE CHERCHE DOIGT stylistiques, en classe tous risques. Son pre- (JEAN-PIERREMOCKY),RIEN NE VA PLUS mier long-métrage, Valparaiso, Valparaiso, (CLAUDECHABROL).1998:ROBIN DES MERS pousse ce principe jusqu’aux limites de la (JEAN-PIERREMOCKY),VIDANGES(JEAN-PIERRE farce, égratignant le gauchisme avec ironie MOCKY).2000:TOUT EST CALME(JEAN-PIERRE et décalant les codes du réalisme poétique MOCKY),LA CANDIDEMADAMEDUFF(JEAN- dans les marges de l’absurde. Il y a là une PIERREMOCKY),LEGLANDEUR(JEAN-PIERRE singularité insolite dans la cristallisation de MOCKY).2003:LAFLEUR DU MAL(CLAUDE l’humour noir mis au service de la forme et CHABROL),LEFURET(JEAN-PIERREMOCKY). sa confrontation buissonnière avec les accé- lérations ou l’opacité du jeu de ses acteurs : AUBIER Pascal (1943) , Alain Cuny et Lazlo Comédien, scénariste, monteur et Szabo. Tant d’audace surprit la critique et le réalisateur français. Producteur (Les films public peu habitués à de tels contre-pieds de la Commune). Fils de la comédienne dans la zone floue des années Pompidou de Zanie Campan. Études de philosophie, l’après 68. Cette incompréhension d’origine d’anthropologie et de langues orientales. paresseuse ne permit hélas pas aux lende- Assistant-réalisateur et de production mains de chanter pour Aubier, du moins, (1962-1967) pour Pollet, Godard, Rohmer, comme auteur de films. Il n’en continuera Chabrol et Rouch. pas moins son œuvre faustrollienne avec un bel entêtement, élaborant ses essais en Figure dynamique de la seconde généra- tion de la Nouvelle Vague, il a promené sa marge des mouvances et des modes jusqu’à haute stature et sa belle moustache dans rendre un hommage émouvant à la Nouvelle plusieurs films, de Philippe Fourastié à René Vague avec Le Fils de Gascogne. Gilson, de Miklos Jancso à Otar Iosseliani, Réalisateur :1965:TENEBRAE FACTAE SUNT en démontrant un réel talent de comédien. cm. 1968:MONSIEURJEAN-CLAUDEVAUCHE- Collaborateur fidèle de Jean-Luc Godard RIN cm. 1969:LEVOYAGE DEMONSIEURGUIT- jusqu’en 1968, il est un des premiers TON cm,ARTHUR,ARTHUR cm. 1971: enfants-disciples de la Nouvelle Vague des VALPARAISO,VALPARAISO.1972:LESOLDAT ET origines et fait preuve d’une originalité LESTROISSŒURS cm. 1974:PUZZLE cm,LE d’auteur complet dans ses courts-métrages DORMEUR cm,LACHAMPIGNONNE cm. 1975: empreints de surréalisme et de pataphy- LECHANT DU DÉPART,LAMORT DU RAT cm. sique. Monsieur Jean-Claude Vaucherin, chef- 1986:L’APPARITION cm,LESPETITSCOINS cm. d’œuvre sur un typage méticuleux de la 1987:LASAUTEUSE(DE L’ANGE) cm. 1988:LA folie, démarre une trilogie baignée dans la CENDRE cm. 1985:FLASH-BACK cm. 1988: mouvance de Kafka et Vian tout en mettant LATRAJECTOIRE AMOUREUSE cm. 1991:ALICE en jeu la solitude, l’oppression et le mal-être ET LESABYSSES cm. 1995:LEFILS DEGAS- au quotidien avec transmutation en lieu de COGNE.1999:LIPSTICK cm. 2000-2004: mythomanie ou cauchemar. On y note aussi COMEON.2007:LABALLADE DUTRANSSIBÉ- le souci de clarté idéologique (marxisme) et RIEN ET DE LA PETITESOPHIE DEFRANCE cm. AUCLAIR MICHEL 41

Scénariste :1965:TENEBRAE FACTAE SUNT deuxième époque, d’abord avec Jean Eus- cm. 1968:MONSIEURJEAN-CLAUDEVAUCHE- tache, puis Jacques Rivette qui l’intègre à RIN cm. 1969:ARTHUR,ARTHUR cm. 1971: deux expérimentations radicales (L’Amour VALPARAISO,VALPARAISO(CO-RAPHAELSORIN). fou et Out 1 : Noli me tangere), conçues sur 1975:LECHANT DU DÉPART,LAMORT DU RAT le risque et la surprise hors des lois et règles cm. 1986:L’APPARITION cm,LESPETITSCOINS du son « propre ». Cette modernité (en son cm. 1987:LASAUTEUSE(DE L’ANGE) cm. direct ou reconstitué en studio) ne lui fait 1988:LACENDRE cm. 1988:LATRAJECTOIRE pourtant pas mépriser le dispositif des AMOUREUSE cm. 1995:LEFILS DEGASCOGNE conceptions plus classiques et il participe à (CO-PATRICKMODIANO). de nombreux films d’Yves Boisset, Georges Producteur (hors ses propres films) : Lautner, Yves Robert ou Claude Zidi. Il fait 1968:MARIE ET LE CURÉ(DIOURKAMED- aussi preuve d’invention tout au long de sa VECZKY) cm. 1969:MANOJAHARA(DOMI- collaboration régulière aux documentaires NIQUEDUBOSC) cm. 1970:LESJOURS DE de Claude Lanzman. Éclectique et com- NOTRE MORT(DOMINIQUEDUBOSC) cm,JOJO pétent, il voyage d’un style de cinéma l’autre NE VEUT PAS MONTRER SES PIEDS(DENISBERRY) et le spectre général de son travail est donc cm,L’ESPACE VITAL(PATRICELECONTE) cm. très large. 1971:LACOMMUNE,LOUISEMICHEL ET NOUS Ingénieur du son :1966:LEPÈRENOËL A (MICHELGARD ETJACQUESBRIÈRE),SAINT- LES YEUX BLEUS(JEANEUSTACHE).1967: DENIS SUR AVENIR(SARAHMALDOROR).1972: L’AMOUR FOU(JACQUESRIVETTE). 1969 : DOSSIERPENARROYA(DOMINIQUEDUBOSC), PIERRE ETPAUL(RENÉALLIO),SEPT JOURS UNEFFORT D’IMAGINATION(DOMINIQUE AILLEURS(MARINKARMITZ),PAULINA S’EN VA UBOSC : CTUALITÉS EN SEPT SCÈNES D ),1973 A (ANDRÉTÉCHINÉ).1970:CAMARADES(MARIN DU PRINTEMPS ERNARD ISENSCHITZ 58(B E ), KARMITZ),LAFAUTE DE L’ABBÉMOURET L’AGRESSION(FRANKCASSENTI).1974:ÉCHO (GEORGESFRANJU),OUT1:NOLI ME TANGERE D’ALGER(FRANKCASSENTI),ANTARIDA(JEAN- (JACQUESRIVETTE).1972:LESCAMISARDS JACQUESFIORI) (RENÉALLIO).1974:MES PETITES AMOUREUSES Acteur :1964:PIERROT LEFOU(JEAN-LUC (JEANEUSTACHE).1976:MONSIEURALBERT GODARD).1968:LESIDOLES(MARC’O).1970: (JACQUESRENARD).1982:LECRIME D’AMOUR ARTHUR,ARTHUR(PASCALAUBIER) cm. 1971: (GUYGILLES).1985:BLANCHE ETMARIE VALPARAISO,VALPARAISO(PASCALAUBIER). (JACQUESRENARD),POLICE(MAURICEPIALAT). 1972:LESOLDAT ET LESTROISSŒURS(PASCAL Réalisateur :1989:CHANSON POUR UN AUBIER).1986:LESPETITSCOINS(PASCAL MARIN cm. 1990:MAMAN cm. AUBIER).1990:LEBAL DU GOUVERNEUR (MARIE-FRANCEPISIER). AUCLAIR Michel (Vladimir AUBOUY Bernard Vijovic dit, 1922-1988) Ingénieur du son, mixeur, réalisateur Comédien français. français. Professeur à la FEMIS. Il étudie au conservatoire et fait du Formé à l’École Lumière, il participe à théâtre. Ses débuts cinématographiques sont l’aventure de la Nouvelle Vague dans sa consacrés par Jean Cocteau qui le baptise en

Extrait de la publication 42 AUCLAIR MICHEL frère veule et trouble de la Belle et ami du Truffaut qui songea plusieurs fois à porter double vénal de la Bête. Puis une brève ren- ses romans à l’écran et rebaptisa la comé- contre mystérieuse avec le jeune Alain Res- dienne Claudine Huzé du nom de l’héroïne nais précède sa vampirisation par les d’un de ses livres : Marie Dubois. Mais ce fut caméras de et Henri-Georges un électron libre et marginal de la Nouvelle Clouzot. Le voilà donc parti dans le peloton Vague (Jacques Baratier) qui l’introduisit de tête des vedettes masculines des années dans le cinéma, en tant qu’acteur, parolier et cinquante. Il tourne alors beaucoup et un scénariste. Enfin, bien plus tard, Jean-Luc peu partout en Europe, mais brûle aussi les Godard mariera son roman Monorail avec planches à Paris. Car il est d’abord un comé- The Long Goodbye (Sur un air de navaja) de dien de théâtre qui, pendant toute sa vie, Raymond Chandler pour la base scénarique sera mis en scène par les plus grands : Mar- du film Nouvelle Vague. cel Herrand, Roger Planchon, Luchino Vis- Filmographie :1962:LAPOUPÉE(JACQUES conti, Patrice Chéreau, Antoine Bourseiller. BARATIER).1963:DRAGÉES AU POIVRE chan- Ce sont les aînés de la Nouvelle Vague qui sons(JACQUESBARATIER).1990:NOUVELLE font appel à lui, et le peu de films tournés VAGUE d’aprèsMONORAIL(JEAN-LUC dans cette mouvance l’y intégrent de toute GODARD). autorité. Car, sous la direction de Roger Acteur :1949:DÉSORDRE(JACQUESBARA- Leenhardt, Alexandre Astruc ou Pierre Kast, TIER) cm. 1966:VOILÀ L’ORDRE(JACQUES il est parfait, sans cabotinage, tics, ni fiori- BARATIER) cm. tures. Du grand art. Mais hélas, ce passage splendide dans la nébuleuse NV reste sans AUDRAN Stéphane (Colette lendemain, sauf que l’héritier André Téchiné Suzanne Jeanne Decheville dite, saura le rendre admirable dans sa fresque 1939) brechtienne Souvenirs d’en France. Comédienne française. Filmographie :1945:LABELLE ET LABÊTE (JEANCOCTEAU),OUVERT POUR CAUSE Elle suit des cours de théâtre avec Tania D’INVENTAIRE(ALAINRESNAIS).1961:L’ÉDUCA- Balachova, Charles Dullin, René Simon et TION SENTIMENTALE(ALEXANDREASTRUC). Michel Vitold avant de rencontrer la Nou- 1963:VACANCES PORTUGAISES(PIERREKAST), velle Vague et d’associer son destin, sa vie et SOUVENIRS D’ENFRANCE(ANDRÉTÉCHINÉ). sa carrière à celle de Claude Chabrol. 1983:LABELLECAPTIVE(ALAINROBBE- C’est une comédienne complète, capable GRILLET). d’aborder tous les registres et faire honneur à chacun des rôles de composition qu’on lui AUDIBERTI Jacques (1989-1965) confie. Crédible en vendeuse d’électroména- ger, fausse chanteuse italienne, strip- Journaliste, dramaturge, parolier, teaseuse, cantatrice, petite ou grande romancier et scénariste français. bourgeoise, espionne déjantée, criminelle Il fut adoré des gens des Cahiers du habile à se travestir, institutrice, vraie cou- cinéma (où il publia des textes sous forme pable, fausse innocente, victime de com- de Billets), et plus précisément par François plots familiaux, alcoolique et mère abusée

Extrait de la publication AUDRET PASCALE 43 ou abusive devant la caméra de Chabrol, elle NUIT(CLAUDECHABROL).1972:THEOVER- est à elle seule, toutes les femmes de la SIDE OF THEWIND(ORSONWELLES, INÉDIT), comédie humaine. Et c’est encore vrai dans DEADPIGEON INBEETHOVENSTRASSE(Pigeon les films des autres, Audiard, Axel, Buñuel, mort dans Beethovenstrasse,SAMUELFUL- Fuller, Sautet, Tavernier, etc. Autant de LER).1973:LESNOCES ROUGES(CLAUDECHA- talent et de beauté méritent une admiration BROL).1976:FOLIES BOURGEOISES(CLAUDE sans égale et, au sein des femmes tutélaires CHABROL).1977:BLOODRELATIVES(Les liens de la Nouvelle Vague, seule Bernadette de sang,CLAUDECHABROL).1978:VIOLETTE Lafont subit un parcours identique par la NOZIÈRES(CLAUDECHABROL).1980:THEBIG variété des personnages divers et opposés à REDONE(Au-delà de la gloire,SAMUELFUL- défendre. Ajoutons qu’en dehors de Cha- LER),LESOLEIL EN FACE(PIERREKAST).1981: brol, elle ne paraît que discrètement dans Le LESAFFINITÉS ÉLECTIVES(CLAUDECHABROL) Signe du lion de Rohmer et il n’y a, dans ce TV,LEMARTEAU-PIQUEUR(CHARLESL,BITSCH) mouvement, que Charles L. Bitsch et Pierre TV.1982:MORTELLE RANDONNÉE(CLAUDE Kast à avoir sollicité sa personne pour leurs MILLER).1984:LESVOLEURS DE LA NUIT travaux, ainsi que Claude Miller (en bon (SAMUELFULLER),LESANG DES AUTRES héritier de Truffaut). Cette défection des (CLAUDECHABROL).1985:POULET AU autres ténors de la NV vient sans doute du VINAIGRE(CLAUDECHABROL).1987:LESSAI- fait que Claude Chabrol tournait film sur SONS DU PLAISIR(JEAN-PIERREMOCKY).1988: film avec elle, la mobilisant ainsi dans son L’ESCARGOT NOIR(CLAUDECHABROL)TV. univers. Ce qui n’empêche pas Stéphane 1989:JOURS TRANQUILLES ÀCLICHY(CLAUDE Audran d’être l’une des très grandes dames CHABROL).1992:BETTY(CLAUDECHABROL). de la Nouvelle Vague. 1996:LEFILS DEGASCOGNE(PASCALAUBIER). Filmographie :1958:MONTPARNASSE19 Théâtre : MACBETH(Shakespeare, MISE EN (JACQUESBECKER).1959:LESCOUSINS SCÈNECLAUDECHABROL). (CLAUDECHABROL),LESIGNE DU LION(ÉRIC ROHMER).1960:LESBONNESFEMMES AUDRET Pascale (Pascale Auffray (CLAUDECHABROL),LESGODELUREAUX dite,1936-2000) (CLAUDECHABROL).1961:L’ŒIL DU MALIN Comédienne française, sœur du chanteur (CLAUDECHABROL).1962:LANDRU(CLAUDE Hugues Aufray. CHABROL).1964:LE TIGRE AIME LA CHAIR FRAÎCHE(CLAUDECHABROL),LAMUETTE Fragile, piquante et secrète, elle partagea (PARIS VU PAR,CLAUDECHABROL).1965: sa carrière entre cinéma et télévision après MARIE-CHANTAL CONTREDOCTEURKHA son succès dans L’Eau vive. Sa participation (CLAUDECHABROL).1966:LALIGNE DE à la Nouvelle Vague et ses périphériques est DÉMARCATION(CLAUDECHABROL).1967:LE minime. Un rôle dans Pleins Feux sur l’assas- SCANDALE(CLAUDECHABROL).1968:LES sin de Georges Franju et une silhouette dans BICHES(CLAUDECHABROL),LAFEMME INFI- Les Carabiniers de Jean-Luc Godard. DÈLE(CLAUDECHABROL).1969:LEBOUCHER Filmographie :1961:PLEINSFEUX SUR (CLAUDECHABROL).1970:LARUPTURE L’ASSASSIN(GEORGESFRANJU).1963:LES (CLAUDECHABROL).1971:JUSTE AVANT LA CARABINIERS(JEAN-LUCGODARD). 44 AUMONT JEAN-PIERRE

AUMONT Jean-Pierre (Salomons AUREL Jean (1925-1996) dit, 1909-2001) Comédien, critique (Arts), scénariste et Comédien et dramaturge français. réalisateur. D’abord, il réussit à être un jeune premier Compagnon de route de la bande des indispensable au théâtre et au cinéma fran- Cahiers du cinéma par le biais de François çais des années trente, parce qu’il apportait Truffaut qu’il avait fait écrire dans Arts et fantaisie, profondeur ou subtilité dans cha- avec qui il aura des liens d’une amitié indé- cun de ses rôles, dépassant les lois de son fectible (ce dernier lui demandait conseil sur emploi et l’aspect angélique de sa personne le premier montage de ses films et il l’enga- grâce à la variété de son jeu. Sur le plan gea comme scénariste pour ses dernières humain et privé, il rallia les forces françaises œuvres), Jean Aurel est un professionnel libres en 1940 avant de gagner Hollywood éprouvé (IDHEC, assistanat, essais et courts- pour y tourner des fictions de propagande métrages). Scénariste, il passe du mélo- et devenir un comédien de stature interna- drame sordide (Club de femmes) ou pitto- tionale. Il travailla aux États-Unis, en Italie resque (Porte des Lilas) à la comédie à et en France, tant au théâtre qu’au cinéma. l’américaine (pour Michel Boisrond et Bri- Après une collaboration avec Roger Vadim gitte Bardot) et au burlesque (Le Triporteur dans L’Orgueil (un épisode des Sept Péchés avec Darry Cowl), couronnant le tout avec capitaux), il est appelé à servir la Nouvelle un grand film (Le Trou). Éclectisme, donc, Vague, puisque Pierre Kast l’intègre aux et grande habileté à gérer les structures dra- Vacances portugaises, puis Jacques Doniol- maturgiques. Ses réalisations de courts- Valcroze l’invite dans son Homme au cerveau métrages sont toutes produites par Argos greffé, mais c’est avec François Truffaut qu’il film (Anatole Dauman) : Les Fêtes galantes, reçoit la confirmation absolue en brillant consacrées à Watteau avec un texte de avec élégance dans La Nuit américaine. Il Georges Ribemont-Dessaigne dit par Gérard n’en resta pas là et illumina de sa présence Philipe (grand prix du festival de Rio de Des journées entières dans les arbres de Mar- Janeiro), L’affaire Manet, avec un texte guerite Duras, La Java des ombres de Romain d’Emmanuel Berl dit par François Périer. Goupil et Le Sang des autres de Claude Cha- C’est ensuite dix ans de journalisme, puis brol. un premier long-métrage de fiction dans la Filmographie :1962:L’ORGUEIL(Les Sept foulée euphorisante de la Nouvelle Vague, Péchés capitaux,ROGERVADIM).1963: La Bride sur le cou. Mais ce film lui vaut des VACANCES PORTUGAISES(PIERREKAST).1971: mésaventures soldées par un procès qui fera L’HOMME AU CERVEAU GREFFÉ(JACQUES les manchettes des journaux sous le titre : DONIOL-VALCROZE).1973:LANUIT AMÉRI- Procès de la Nouvelle Vague, après que, sous CAINE(FRANÇOISTRUFFAUT).1974:F FOR la pression de , Roger Vadim FAKE(Vérités et mensonges,ORSONWELLES). l’a remplacé à la mise en scène. Cette 1976:DES JOURNÉES ENTIÈRES DANS LES sombre péripétie l’oblige à changer de direc- ARBRES(MARGUERITEDURAS).1984:LESANG tion. Il devient alors un des réalisateurs de la DES AUTRES(CLAUDECHABROL). NV à se distinguer dans le film de montage AZNAVOUR CHARLES 45 d’archives de guerre. 14-18 et La Bataille de Filmographie :1948:JOANMIRO cm. France qui eurent chacun les honneurs de la 1950:LESFÊTES GALANTES cm. 1951: couverture de la célèbre revue jaune. L’AFFAIREMANET cm. 1952:LECŒUR De retour à la fiction cinématographique, D’AMOUR ÉPRIS DU ROIRENÉ cm,LESAVEN- il conserve son scénariste des documentaires TURES EXTRAORDINAIRES DEJULESVERNE cm. historiques, Cecil Saint-Laurent (Jacques 1963:14-18.1964:LABATAILLE DEFRANCE. Laurent) pour deux adaptations de Stendhal 1965:DE L’AMOUR.1967:LAMIEL.1968: avec Anna Karina, l’une étant transposée en MANON70.1969:LESFEMMES.1970:ÊTES- moderne (De l’amour), l’autre en costumes VOUS FIANCÉE À UN MARIN GREC OU UN PILOTE d’époque (Lamiel). JLG vient même tourner DE LIGNE?1973:COMME UN POT DE FRAISES. une scène de La Chinoise sur le plateau de 1985:STALINE. ce dernier (Jean-Pierre Léaud y crie sa Scénariste :1955:LE FIGLIA DIMATAHARI colère), car, à cette époque, Aurel reste (La fille de Mata-Hari,CARMINEGALLONE). encore un membre du clan, et Anna Karina 1956:C’EST ARRIVÉ ÀADEN(MICHELBOIS- lui confiera même un rôle dans le film ROND),CLUB DE FEMMES(RALPHHABIB),PARIS qu’elle réalise un peu plus tard. Mais un CANAILLE(PIERREGASPARD-HUIT).1957: glissement s’opère après Manon 70, une ver- PORTE DESLILAS(RENÉCLAIR),LETRIPORTEUR sion moderne de Manon Lescaut de l’abbé (JACKPINOTEAU),UNEPARISIENNE(MICHEL Prévost, avec et Sami BOISROND).1958:CHÉRI, FAIS-MOI PEUR(JACK Frey. D’une part, cette coproduction interna- PINOTEAU),TAXI, ROULOTTE ET CORRIDA tionale est un bide, ensuite, après Mai 68, (ANDRÉHUNEBELLE).1959:DÉLIT DE FUITE son compagnonnage avec Laurent, écrivain (BERNARDBORDERIE).1960:LETROU de droite, est très mal vu de la plupart de (JACQUESBECKER),OH QUÉ MAMBO(JOHN ses anciens copains, sauf Karina et Truffaut. BERRY).1961:LABRIDE SUR LE COU(ROGER Alors, Aurel parvient à se réconcilier avec VADIM).1979:L’AMOUR EN FUITE(FRANÇOIS Brigitte Bardot pour une comédie qui n’a TRUFFAUT).1981:LAFEMME D’À CÔTÉ(FRAN- rien de commun avec la Nouvelle Vague. ÇOISTRUFFAUT).1983:VIVEMENT DIMANCHE Puis, sans Laurent il écrit avec Jean Yanne (FRANÇOISTRUFFAUT).1984:ROSINE(CHRIS- Êtes-vous fiancée à un marin grec ou un pilote TINECARRIÈRE). de ligne ? produit par Pierre Braunberger qui, Acteur :1973:VIVRE ENSEMBLE(ANNA lui aussi, n’est plus vraiment en phase avec KARINA). le mouvement. Le succès public est grand. Suivra Comme un pot de fraises, écrit avec AZNAVOUR Charles (Shanour Gérard Sire et produit encore par Braunber- Varenagh Azanavourian dit, 1924) ger et Gaumont. Mais là, le public boude et Chanteur, compositeur, parolier et il redevient scénariste pour son ami Truf- comédien arménien, né à Paris. faut. En 1985, il revient au documentaire d’archives en s’inspirant du livre de Boris Sa carrière de comédien commence avec Souvarine : Staline. Aujourd’hui, il est un Georges Franju, un des précurseurs de la des méconnus de la Nouvelle Vague. Nouvelle Vague, même s’il avait déjà fait de Du même auteur (suite)

Jeunesses, Hors commerce, 2005 Le Café des méchants, Magnard, 2005 Wazemmes, Écailler du nord, 2005 Edgar Flanders : Les Démons de l’Olympe, Seuil, 2006 Edgar Flanders : Le sorcier sans visage, Seuil, 2006 Edgar Flanders : Les vampires de l’apocalypse, Seuil, 2007 Rue de la clef, L’Écailler, 2007 Quartier Sebastopol, L’Écailler, 2008 Les ch’tis commandements, Poulpe, Baleine, 2009 Le secret du professeur Croquet, Archipel, 2009 Les génies du mal, Archipel, 2010 Bob Dylan et le P’tit quinquin, L’Écailler, 2011 Paris chaos, Archipel, 2013 BD Ne touchez à rien, dessins : Bézian, Albin Michel, 2004, Drugstore, 2008 Radar : Les tueurs de savants, dessins : Bézian, Glénat, 2014 Mise en page par Meta-systems 59100 Roubaix

N° d’édition : L.01ELKN000447.N001 Dépôt légal : novembre 2013

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