Cannes Aéro Spatial Patrimoine

La famille SE 4100 une première expérience française dans le domaine des fusées Philippe Jung, Retraité Alcatel Space Président Commission Histoire 3AF membre de CASP (Original en anglais présenté au 40e Congrès de la Fédération Internationale d’Astronautique à Malaga en octobre 1989) Traduction : André Buet, Philippe Jung Édition : Michel Calvy, Guy Lebègue Janvier 2016

Préface fixe. Au vu de la difficulté de viser une cible petite et mobile, Philippe Jung, ingénieur aerospatiale Cannes, historien, pré- on ne doit pas s’étonner que la 2e Guerre mondiale ne vit pas sente au 40e Congrès de la Fédération Internationale d’Astro- de sol-air opérationnel, encore qu’il s’en fallut de peu. nautique à Malaga en octobre 1989, un document rédigé en Non moins de 8 programmes devaient arriver au stade de la fa- anglais sous la référence IAF-89-731, intitulé : The SE4100 brication en Allemagne. Family, an early French experience in rocketry. Le petit Rheinmetall-Börsig Hecht (Brochet) de 140 kg, d’ori- Il a reçu l'autorisation habituelle de publication par les autori- gine quelque peu obscure, qui ouvrit la voie au F 25 en 1941, tés militaires. ne peut être considéré comme à l’origine de la lignée des sol- En 2012, André Buet, membre fondateur de l’association air, puisque son seul tir, non confirmé, est tantôt décrit à partir Cannes Aéro Spatial Patrimoine (CASP) le traduit en français. d’une rampe, ou d’un avion. En 2016, l'association ayant intégré définitivement son local C’est donc au petit Rheinmetall-Börsig F 25 Feuerlilie (Lis de dans des bâtiments de Thales Alenia Space et s’étant équipée feu) de 120 kg, de type avion, lancé depuis une rampe, qui de moyens performant de numérisation de tous types de docu- semble revenir l’honneur d’avoir été le premier sol-air lancé. ments, les illustrations du document d'origine sont remplacées Vingt seulement furent fabriqués, le premier étant lancé à par d'autres de meilleure qualité. Le document est alors publié Leba, près de Peenemünde, en avril 1943. Les performances sur le site web de l’association CASPWiki. du pilote automatique ne sont pas connues, et le programme resta de nature purement expérimentale. Guy Lebègue Extrêmement impressionnante fut La Wasserfall (Cascade) de Introduction la Société Elektro-Mechanische Werke, ressemblant à la V 2, Les activités allemandes dans le domaine des fusées durant la pesant 3,5 t. Le 29 février 1944 eut lieu le premier d’environ 2e guerre mondiale ne furent pas limitées à la série A qui com- 35 lancements de ce missile, haut de 7,80 m. La chute du prenait la V-2. En fait, la lente chute du Reich stimula tout au- Reich empêcha non seulement la fin des essais, mais aussi la tant l’ingéniosité des concepteurs de missiles que de ceux des finalisation de la doctrine d’emploi de ce sol-air volant à Mach avions à réaction. Les bombardiers stratégiques alliés à long 2,8. EMW essaya aussi fin 1944 le Taifun, de type avion. rayon d’action causaient alors des ravages sur l’Allemagne et Quatre autres programmes de missiles furent annulés par Wal- le Japon, l’histoire devant bientôt établir que ces avions furent ter Dornberger en décembre 1944 - janvier 1945 : les Messer- les plus importants artisans de la victoire (et le point de départ schmitt Enzian E-1 à 4 (Gentiane), un sol-air de type avion de de l’empire commercial de Boeing!). 1,8 t, ainsi que le Rheinmetall-Börsig Rheintochter R-1 (Fille La réaction allemande fut, dans un incroyable foisonnement du Rhin) de 1,8 t et le R-III p/f de 1,5 t, ainsi que le F 55 d’armes dites de « panique », de lancer un vaste programme de Feuerlilie supersonique de 470 kg. Ceux-ci n’étaient alors pas missiles anti-aériens. Une progression par étapes était prévue, assez prometteurs ou suffisamment avancés. depuis des engins non guidés jusqu’à des missiles à guidage C’est la société Henschel, qui avait bien réussi ses missiles air- optique, puis par radar [1]. On était alors le 1er septembre sol, qui fut la plus près d’aboutir au premier sol-air opération- 1942, et, en l’absence de plus d’informations sur le Japon, on nel, avec son Hs 297, plus tard Hs 117, le Schmetterling (Pa- peut considérer que se situe là le point de départ de l’activité pillon). La production de ce missile de type avion de 420 kg des célèbres missiles sol-air. fut décidée en décembre 1944, mais l’armistice stoppa le pro- Les sol-air de la 2e Guerre mondiale gramme bien avant sa mise en oeuvre. A la fin de la guerre, le stade de la technique du guidage par ra- L’extraordinaire réussite de la V 2, à l’origine de l’astronau- dar avait été atteint, en général avec succès, avec le système tique, est bien connue. Elle ne visait cependant qu’une cible

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 1 / 18 29/03/2016 Rüse utilisant une antenne au sol [2]. Un radar-sol Würzburg 24 avril 1947, et qui ouvrit en octobre 1948 en tant que CIEES était utilisé pour la poursuite des cibles. (Centre Interarmées d’Essais d’Engins Spéciaux) à Colomb- Comme déjà indiqué, on ne sait que peu de chose sur les mis- Béchar [5]. siles expérimentaux japonais Yokosuka Funryu 2 de 370 kg et Voici la première étude détaillé de ce très important pro- Funryu 4 de 1,9 t. gramme. Enfin, vers la fin de la guerre, la Grande-Bretagne démarra la Les débuts du NC3500 production d’un sol-air anti-kamikaze de type avion, le Stooge de 340 kg. Il est peu probable qu’il ait jamais été utilisé. La spécification initiale du NC 3500 n’est pas connue aujour- d’hui, mais doit avoir été l’expérimentation de plusieurs sys- Efforts américains et français d’après-guerre tèmes de guidage pour l’interception de cibles jusqu’à 10.000 Le grand secret entourant les activités missiles de l’immédiat m d’altitude. Elle correspondait au programme SA 10 de après-guerre est très frappant pour les historiens, tout comme STA/ES pour un sol-air expérimental, en vue de préparer le SA elle constitue une réelle gêne ! En fait s’il n’y avait pas d’im- 20 opérationnel. Un papier de Sud-Aviation mentionne en portantes discontinuités dans les dénominations des missiles 1962 une vitesse maximale de la cible de 150 m/s, et un facteur américains, on n’aurait pas même réalisé l’existence de nom- de charge maximum de 2 pour l’engin. breux programmes (ou projets ?). On note que, de loin, le plus Une fois le contrat signé avec Michel Decker du STAé, Louis grand nombre de numéros manquants de missiles se trouve Besson mit en place une équipe à Paris, dans le but de réussir précisément dans la série des sol-air : que sont les SAM-N-1,3 là où les ingénieurs allemands et américains avaient rencontré et 5 de la Marine, ou les SAM-A-1 à 6, 8 à 17, 19 à 24 de l’Air des difficultés. Force ? Même pour ceux qui sont connus, les détails de la Mais la Société était en butte à de nombreuses difficultés. phase de développement, y compris une information aussi ba- Alors que toutes les autres sociétés nationales (SNCASE, SN- sique que la date du premier vol, manquent souvent. CASO, SNCAN) avaient un volume de production plus ou Comme aucun avion n’avait bombardé les USA durant la se- moins important leur permettant de développer de nombreux conde Guerre mondiale, ce pays prit un départ tardif avec le prototypes, la SNCAC eut la malchance de voir son pro- Little Joe de 545 kg, tiré pour la première fois le 20 juillet gramme le plus important perturbé par l’accident à l’atterris- 1945, mais annulé à la suite de la fin des hostilités, ainsi que de sage du cargo géant NC211 « Cormoran », lors de son premier problèmes techniques (il s’agissait peut-être du SAM-N-1). vol le 20 juillet 1948. Après beaucoup de procrastinations po- C’est pourquoi le programme parallèle Fairchild SAM-N-2 litiques, le couperet tomba le 30 juin de l’année suivante, avec Lark continua, avec le premier lancement connu le 10 janvier la liquidation de l’Aérocentre, comme on l’appelait alors. 1950 (la référence [3] semble faire allusion à un lancement an- L’équipe de Besson dut en subir le choc, le NC 3500 n’étant térieur). Toutefois, le guidage de ce missile de 900 kg semble alors qu’à quelques semaines de son premier essai. aussi avoir été problématique, bien qu’une interception ait été Pourtant dès septembre, à l’initiative de Decker, les activités réussie dès le 13 juin. « engins » d’Aérocentre furent transférées à la seule autre so- On peut supposer que, dans la foulée du choc causé par la dé- ciété nationale poursuivant des activités semblables, la SN- couverte du considérable programme allemand de missiles an- CASE. L’équipe fut envoyée à l’usine de Cannes, présageant ti-aériens, bon usage fut fait de cette expérience aux USA, ainsi la concentration l’année suivante de toutes les activités de comme ce fut le cas en France (et chose surprenante, pas en fusées de la société. Grande-Bretagne). Comme l’on pouvait s’y attendre, mise à Le NC 3500 devint la famille SE 4100. l’écart après la défaite, la France développa un énorme effort dans tous les secteurs de l’industrie aérospatiale afin de rega- Description du SE4101 gner le terrain perdu. Comme expliqué dans la référence [4], la Section Engins Spéciaux du Service Technique de l’Aéronau- tique (STA/ES) lança fin 1945/début 1946 un vaste programme de missiles, la catégorie sol-air allant à la SNCAC (Société Na- tionale de Constructions Aéronautiques du Centre). Cette So- ciété avait été créée par le gouvernement le 1er mars 1937 à partir des constructeurs aéronautiques bien connus Farman et . L’évolution avait été considérable depuis qu’Henry Farman avait accompli en janvier 1908 le premier kilomètre en circuit fermé avec son biplan à Issy-les-Moulineaux. La désignation était NC 3500, et il y a aussi des références aux NC 3501 (une version à 3 empennages) et NC 3502. Comme ses semblables aux Etats-Unis, ce missile était si secret que l’on ne trouve à son sujet qu’une brève allusion dans l’an- nuaire bien connu Jane’s (seules masse et vitesse sont indi- quées), et une photo dans un vieux numéro de la revue fran- Fabrication du SE4100 à Cannes çaise « Aviation Magazine ». Si bien que ce n’est qu’au cours (SE4200 en arrière-plan). de ce travail de recherche qu’il fut progressivement réalisé que le NC3500 n’était rien moins que le premier programme com- Aucun dessin détaillé n’ayant été retrouvé, la description sui- plet de fusées en France, et même en dehors du trio Alle- vante est basée sur des documents et photos retrouvés dans les magne/USA /URSS ! Si le Lark américain ne fut bien lancé archives de l’usine Aerospatiale à Cannes. Elle concerne la qu’en 1950, le missile français serait alors même le premier version initiale SE 4101 et, avec l’ajout du propulseur de sol-air de l’après-guerre. croisière, le SE 4102. Elle correspond donc aux n° A03 et Il fut prêt si tôt que les premiers essais ne purent avoir lieu sur A04, lancés en mai 1950. le champ de tir du Sahara, dont la création avait été décidée le

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 2 / 18 29/03/2016 Structure

Le SE 4101 était de forme cylindrique avec deux rangs d’em- pennages. Il était lancé verticalement le long d’une rampe, grâce à deux propulseurs latéraux. La longueur, sans le tube pi- tot, était de 5,12 m et le diamètre du corps de 0,67 m.

L’envergure des quatre em- pennages médians était de 2,24 m, et celle des quatre empennages arrière de 1,57 m. La masse totale au lance- ment était de 935 kg, dont 496 kg pour le missile lui- même.

Propulseurs auxiliaires Le SE 4101 coïncidait aussi avec les débuts de la Société d’Étude de la Propulsion par Réaction (SEPR), maintenant SEP, bien connue pour Ariane. Deux propulseurs auxiliaires de lancement étaient équipés cha- cun d’un moteur SEPR 4 de 1.250 kg de poussée fonctionnant 10 secondes. Chacun pesait 220 kg, dont 82 kg d’ergols. Leur longueur était de 3,54 m, leur diamètre de 0,22m, et la tuyère Pointe avant : Contact de rampe (à gauche) était inclinée de 20°. Ils étaient attachés de part et d’autre du enregistreur SFIM (en haut), corps du missile par deux colliers, la séparation étant effectuée batterie Derveaux (en bas) par deux boulons explosifs SFM, déclenchée soit par minute- Le corps principal du SE 4100 était composé de trois tronçons. rie, soit par télécommande. Le tronçon supérieur avait une forme parabolique, avec un Les ergols utilisés étaient le Tonka et l’acide nitrique. Ils compartiment équipements surmonté par une ogive amovible étaient chassés par de l’air comprimé. L’expérience allemande munie d’un tube pitot. Sa hauteur était de 1,43m sans le pitot. est évidente, car le moteur BMW 109-558 du Schmetterling Le compartiment incorporait trois plates-formes pour le mon- utilisait la combinaison hypergolique du Tonka 250 (ou « R- tage des équipements. L’accès était assuré par trois trappes en Stoff ») et de l’acide nitrique (ou « SV-Stoff »). Le Tonka était forme de pétales, articulées à leur base, deux adjacentes et une aussi utilisé dans le Feuerlilie F 55. D’après la référence [2), le opposée. Tonka 250 était un mélange de 57% de xylidine et 43% de trié- thylamine.

Conteneur de parachute. Un conteneur en forme de chapeau, renfermant le système de parachute, était boulonné en deux points à la base.

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 3 / 18 29/03/2016 Tronçon central. Le réservoir d’acide (à gauche), le réservoir d’air et son percuteur(au milieu), le réservoir de carburant (à droite). Deux attaches d’empennages sont visibles. Le tronçon principal intermédiaire cylindrique, de 2,55 m de Tronçon intermédiaire, Réservoir d'acide long, était renforcé par plusieurs longerons. Un cadre fort avant permettait de fixer les deux attaches supérieures des ac- célérateurs, et le réservoir d’acide. Un cadre intermédiaire in- corporait les quatre attaches du réservoir d’air. Un cadre infé- rieur permettait la fixation d’un treillis à six tubes pour le mo- teur-fusée et d’un carénage conique associé, plus les deux at- taches inférieures des accélérateurs. Plusieurs portes d’accès étaient prévues. La fixation du réservoir de carburant ne peut être décrite.

Partie arrière

Tronçon arrière : quatre empennages et leurs dispositifs de commande avant les 2 autres ph !! Le tronçon inférieur cylindrique de 0,90 m de long était très renforcé avec deux cadres et plusieurs longerons. Les quatre empennages y étaient attachés, et il y avait quatre supports pour les charnières de gouvernes, ainsi qu’un treillis de huit tubes pour la fixation de la tuyère du propulseur de croisière. Un carénage hémisphérique complétait le corps principal à sa base.Les quatre empennages principaux, avec une flèche de 45°, avaient une corde variant de 890 à 500 mm à leur extrémi- té, l’épaisseur maximale étant de 39 mm.Les quatre empen- nages avant, avec une flèche de 45°, avaient une corde variant de 890 à 500 mm à leur extrémité, l’épaisseur maximale étant Treillis de fixation de la tuyère du SEPR 2 de 39 mm. Les quatre empennages arrière trapézoïdaux, avec également une flèche de 45°, avaient une corde variant de 890 à 420 mm à leur extrémité, avec une épaisseur maximale de 27 mm. Des gouvernes de 115 mm de corde et 373 mm de longueur servaient de commandes de vol.

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 4 / 18 29/03/2016 Propulsion Une télécommuteur SFENA 5305 (plus tard 5306) transmettait les ordres successifs pour les séparations des propulseurs auxi- liaires et de la pointe avant, ainsi que pour l’extraction du para- chute. Cette séquence pouvait aussi être initiée par une minute- rie pyrotechnique SNCASE SE 200. Le télécommuteur était alimenté par une pile Dary de 2 volts. Récupération La pointe avant était séparée par trois boulons explosifs SFM, et la récupération assurée par un extracteur et un parachute EFA. Installation d’essais Un système de télémesure SFENA 5301 (plus tard 5111), ainsi qu’un ensemble oscilloscope-caméra du CNET, en- registrait le niveau de réception de Pénélope. Un enregistreur SFIM A.22 (plus tard A.20 et A.23 égale- ment) enregistrait la pression dynamique et les accéléra- tions latérales.

Moteur-fusée SEPR 2 Une poursuite optique était facilitée par 4 générateurs de Le bilan de masse du SE 4101 montre clairement que le pro- fumée Gérin allumés électriquement (durée 4 minutes), pulseur principal n’était pas monté à l’intérieur. La version et par un traceur Ruggieri déclenché mécaniquement. SE 4102, complètement équipée, avait un moteur SEPR 2 de Enfin, les ordres de télécommande étaient passés à partir de 1.250 kg de poussée, dont le SEPR 4 était une version à durée l’émetteur sol SFENA 5301 (puis 5111). de combustion raccourcie. La version initiale SEPR 201, dont 4 exemplaires seulement furent construits, avait un temps de Lancement combustion de 15 secondes. Il fut ensuite augmenté à 36 se- Une tour de 15 m de haut permettait un guidage initial de l’en- condes. Ce moteur était fixé sur le tronçon arrière du corps. gin, via un patin de queue glissant sur un rail de 12 m. Une Le réservoir d’oxydant (acide nitrique) était fixé en trois points sangle de maintien était calibrée pour casser à une traction su- à la partie supérieure du corps. Le réservoir de combustible périeure à 500 kg. était lié par un plateau triangulaire à la partie inférieure. Dix contacts installés sur la rampe permettaient de restituer les Entre les deux, un troisième réservoir fournissait l’air compri- lois Z(t) et V(t). mé à 160 kg/cm², afin d’alimenter le moteur en ergols. Il pou- Les premiers essais en vol vait être percé par un système de percuteur. Une remarquable Nous n’avons malheureusement pas de détails sur les 3 pre- caractéristique de ce réservoir torique consistait en son utilisa- miers lancements, des SE 4100. tion en tant que cadre principale de structure, incorporant no- tamment les 4 attaches des empennages principaux. Comme déjà signalé, le lancement du M02 le 29 sep- Une note d’octobre 1950 annonce les essais à venir du tembre 1949 au camp de Mailly en Champagne est peut- moteur SEPR, pour trois niveaux de poussée (600 – 900 être le premier essai d’un SAM dans le monde après- –1.250 kg), grâce à un moteur Aviac 885. guerre. Cette désignation suggère que c’était une ma- quette (le M01 était-il une maquette d’essais au sol, puis- Commande et contrôle qu’il est confirmé qu’un seul « M » a volé ?). Elle était Utilisant directement le matériel allemand, le SE 4100 était lo- cependant bien propulsée, puisque équipée des SEPR 4 calisé par un radar–sol Würzburg. Des versions préliminaires n° 3 et n° 4. du pilote automatique CNET Pénélope furent installées, la par- Les deux lancements suivants, P02 et P03 le 13 octobre tie réception étant seule active. Ils furent fabriqués par Der- veaux. L’alimentation électrique était fournie par une pile Dary 1949 suggèrent qu’il s’agit de prototypes (à nouveau, de 6 volts. P01 pourrait avoir été un banc d’essai au sol, car deux La stabilisation était assurée par des gyromètres ECA 84 Gyro- « P » seulement volèrent). Ils étaient propulsés par les pole, chacun actionnant deux gouvernes opposées par des mo- SEPR 4 N° 5 à 8. teurs électriques Aviac 859 et des biellettes. La SNCASE commença alors à coder ses divers engins avec des lettres, le SE4100 recevant la lettre A. Il s’agis- sait probablement d’un rang de fabrication. Nous avons davantage de détails sur les lancements sui- vants, à partir de la tentative de lancement du A03, un SE 4101, le 10 mai 1950, avec les objectifs suivants :  qualifier la séparation des propulseurs auxiliaires ;  étudier la stabilisation (trajectoire et attitude) ;  mesurer les niveaux de réception de Pénélope ;

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 5 / 18 29/03/2016 Minuterie pyrotechnique SE 200 sur une porte de pointe avant.  récupérer la pointe avant (vitesse et orientation à ana- La famille s’agrandit : SE 4120 et SE 4140 lyser). Le vol devait être suivi par deux caméras Cameflex mo- biles, deux cinéthéodolites Askania et un avion Morane- Saulnier MS 502 (une autre retombée allemande, car c’était une version construite en France du Fieseler Storch, célèbre pour avoir permis la récupération de Mussolini). Le radar Würzburg était placé à 80 m de la tour. Deux caméras fixes filmaient le décollage. Un poste de commandement dans l’abri Barbara abritait un enregistreur A.12 et regroupait les télécommandes du missile, des caméras et des cinéthéodolites. Notons que le Centre d’Essais en Vol (CEV) était impliqué dans la mise en œuvre des engins, et était responsable des camé- ras et cinéthéodolites. Quand l’ordre de mise à feu fut donné à 20h 10, seul le propul- seur auxiliaire droit s’alluma, jusqu’à extinction. Celui de gauche perdit son tonka et chuta. On constata les défaillances d’un boulon de l’accélérateur droit, et de deux boulons de la pointe. Trois jours plus tard, le tir du A04 fut réussi, mais une oscillation en tangage fut notée et les propulseurs auxi- liaires ne se séparèrent pas, suite à une panne de minute- rie. La pointe avant fut récupérée intacte à 300 m au sud- ouest.

Maquette de soufflerie du SE4120avec accélérateur n° 1 ( échelle ¼). La famille SE 4100 fut très prolifique en versions, tant au ni- veau général que dans les détails. Comme l’on pouvait s’y attendre pour une des premières fu- sées guidées, plusieurs types de gouvernes furent essayés. Le

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 6 / 18 29/03/2016 type I était complètement équilibrée, le type II était le plus pe- tit (115 x 200 mm), le type III était celui décrit ci-dessus, et le La série SE4110 avec propulseur auxiliaire type IV correspondait au type II mais avec une corde augmen- STRIM tée à 190 mm. A la suite d’essais en soufflerie d’une maquette à une échelle de 42/100 à Toulouse à l’EAT, il fut démontré que le type II était suffisant et qu’il pouvait être utilisé sur les SE 4101 et SE 4140 suivants. Il fut décidé en octobre de vérifier ces résul- tats dans la soufflerie ONERA d’Alger, avec accord du STAé en novembre. Il s’agit de la première référence à une « bête » très différente : les empennages principaux du SE 4140 étaient réduits à trois, mais de plus grande surface unitaire. Nous n’avons aucun des- sin ou photo de cette version, à qui fut attribuée la lettre de code C. Il semble qu’elle soit généralement semblable au SE 4101, avec des gouvernes de type II. Avec 848 kg au lance- ment, elle pesait environ 90 kg de moins que le SE 4101. Elle fit en fait l’objet du vol suivant, dont l’objectif était seule- ment d’examiner le comportement sur rampe lors du tir. Au Lancement d’un engin de la série SE 4110 à STRIM au terme d’un vol stable de 48 secondes le 10 octobre, le C01 re- Sahara. tomba à 800 m au sud de la rampe. En janvier 1951, ce fut une nouvelle configuration qui fut in- Une idée de la surface alaire des empennages peut être trouvée troduite avec le lancement le 10 et le 11, des SE 4110 n° 1 et 2. dans la référence [6], qui donne les résultats de l’essai de stabi- L’accélérateur était en tandem, comme pour le SE 4120. Les lité en tangage de maquettes à l’échelle 3/10 du SE 4100 et du photos semblent montrer que la configuration n °2, l’une de SE 4120. Ce dernier différait de l’engin de base par la surface celles décrites plus haut, fut retenue pour les empennages. Ce alaire, la corde étant augmentée, de 1.120 mm à 642 mm à premier étage avait donc une hauteur de 1,91 m et une enver- l’extrémité. L’envergure passait à 2,84 m. Un autre change- gure de 2,7 m, avec cloisons d’extrémités. ment consistait en l’emploi d’un nouveau type d’accélérateur, en configuration tandem. Entre décembre 1949 et octobre 1950, cinq configurations dif- férentes d’empennages furent essayées, avec flèche de 45° ou sans, avec cloisons d’extrémité ou non. Quatre d’entre elles avaient trois empennages, et l’une en avait quatre. L’envergure variait de 2 à 2,7 m et la corde de 1,51 à 1,91 m. Les configu- rations n° 2 et 5 étaient semblables à celles qui allaient être uti- lisées sur le SE 4110. Le SE 4120 ne dépassa probablement pas le stade de ces essais en soufflerie. Pourtant, qu’advint-il du code « B », dont on ne trouve aucune trace? D’autres essais étaient poursuivis en même temps à la souffle- rie de la SNCASE de Marseille. La référence [7] donne les ré- Maquette de soufflerie de l’accélérateur en configuration n° sultats de l’étude du temps de réponse d’empennages à 2 (échelle ¼) l’échelle 1 équipés de spoilers Wagner au bord de fuite de la gouverne, ou avec quatre types différents de spoilers Kramer au niveau de l’articulation. L‘objectif était le contrôler de la vi- tesse de roulis; c’est le type Wagner qui fut retenu. Les réfé- rences [8] et [9] donnent la stabilité en tangage d’une maquette à l’échelle 42/100 avec partie arrière hémisphérique ou cylin- drique. L’année 1950 se termina avec le succès du vol A06 - encore équipé de gouvernes type III – qui atteint 1.800 m avec ses seuls accélérateurs.

Structure primaire de l’accélérateur avec les attaches de STRIM.

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 7 / 18 29/03/2016 La structure était constituée d’une virole avec 3 voiles exté- rieurs équidistants. Deux moteurs-fusées pouvaient être montés Tirs au Sahara – Débuts du propulseur de entre deux voiles, fixés par deux supports communs, aux deux croisière SEPR 2 : SE 4102 et SE 4103 extrémités de la virole. Les empennages étaient fixés sur ces voiles. L’étage était monté de telle sorte que ses empennages soient à 45° de ceux de l’étage supérieur. La virole permettait le passage des gaz du propulseur principal. Un total de six fusées STRIM à propergol solide, de 1.250 kg de poussée chacune, était ainsi montées sur l’étage auxiliaire, brûlant pendant 6 secondes. L’allumeur était situé à l’avant de l’engin. Chaque fusée avait six tuyères. Le but de ces tirs fut, outre l’habituelle étude de la stabilisation et du récepteur Pénélope, de qualifier la nouvelle fusée STRIM. Une note de novembre 1950 mentionne déjà que, en cas d’adoption de ces derniers moteurs, il faudrait trouver un emploi pour les SEPR 4 restant sur les 50 commandées par le STA (ou alors réduire la commande). Les gouvernes type II furent montées pour la première fois. Les deux tirs ne se passèrent pas bien, les empennages de l’ac- célérateur ayant été arrachés, mais les pointes furent récupé- rées. Pendant la même campagne, le SE 4101 n° 3 (dont la mise à feu avait échouée en octobre 1950), n° 5 et n° 6 furent lancés, avec des résultats mitigés, le n° 3 atteignant toutefois plus de 2.000 m.

A01, le premier SE 4102 lancé (et premier lancé au Sahara) Jusqu’alors, seuls des SE 4100 propulsés par leurs accé- lérateurs avaient été lancés. Il était désormais possible de passer au propulseur principal SEPR 2. Il fut donc néces- saire d’utiliser un champ de tir plus important. Le CIEES saharien de Colomb-Béchar était alors devenu opération- nel, avec ses pas de tirs B0 et B1. Mais même ceux-ci étaient trop restreints en portée. La fusée du Sud Est fut ainsi à l’origine d’un pas de tir spécifique à Ménouarar, à 60 km au Sud, appelé B’ 1. Les deux SE 4102 fabriqués avaient une version SEPR 201 li- mitée à un temps de fonctionnement de 15 secondes, et pas de Pénélope à bord. Ce dernier fut monté sur l’unique SE 4103, qui avait le SEPR 2 final à temps de combustion de 36 se- condes. Les SE 4102, probablement les premiers engins de sé- rie fabriqués puisqu’ils étaient codés A01 et A02, avaient en- core les gouvernes de type III. Les buts des essais étaient la qualification du SEPR 2 et l’étude de la stabilisation des 4102 et 4103, ainsi que l’analyse du ni- veau de réception du Pénélope pour le 4103. Les 2 SE 4102 furent lancés les 24 et 26 février 1951, le SE 4103 le 28 février. Les résultats ne sont pas bien connus. Les 4102 furent récupé- rés, l’un ayant atteint 2.500 m d’altitude, mais le propulseur principal du 4103 ne s’alluma pas.

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 8 / 18 29/03/2016 Adoption du STRIM : SE 4104 et SE 4111 Toutefois, une dernière version à accélérateurs latéraux, le SE 4104, fut essayée le 24 avril 1951. C’était en fait un pre- mier pas vers le guidage, puisque deux des objectifs du vol concernaient l’analyse du roulis, et la mesure du courant diffé- rentiel de Pénélope, correspondant aux angles du véhicule (at- titude et trajectoire) par rapport au faisceau du radar Würzburg. Un changement supplémentaire résidait dans l’utilisation de vérins SFENA 108, couplés avec des servomoteurs SFENA type 1 : cette boucle de pilotage était appelée St.2. La minute- rie, améliorée, était une SE 203. Plus tard dans le programme, la minuterie SE300 prit le relai. Il semble à ce stade que tous les SE 4100 étaient équipés de gyroscopes Carpentier Sadir fournis par STA/ES. La masse des auxiliaires était passée à 496 kg (dont 241 kg de propergol), et la masse totale était de 1.480 kg.Cet essai fut un échec, l’un des accélérateurs se sépa- rant très tard, et la pointe ne répondant pas à l’ordre de sépara- tion.

A12, le premier SE 4111 lancé.

La voie était dès lors ouverte à l’essai de la version complète STRIM/SEPR 2, le SE 4111, dont 2 exemplaires furent fabri- Gyroscope Sadir qués. Toutefois le temps de combustion de l’auxiliaire fut ré- duit de moitié à 3 secondes, probablement pour éviter l’arra- chage des empennages comme sur le 4110. La masse de l’ac- Durant la même période, les derniers SE 4100 avec auxiliaires célérateur était de 493 kg, dont 146 kg de propergol. La masse parallèles furent aussi tirés : les SE 4101 n° 7 et 8. Ce furent de l’engin proprement dit atteignait 1.027 kg, dont 256 kg d’er- les derniers à utiliser le champ de tir de Mailly. En plus de gols, portant la masse au lancement à 1.520 kg. Les propul- l’analyse de la stabilisation, ils devaient essayer le Fizeau- seurs auxiliaires et principal étaient allumés simultanément au graphe SFENA 55.03.10 et une télémesure 2 voies SFENA départ.Outre la qualification du STRIM et du SEPR 2, le but 5117. D’autres modifications incluaient des vérins Aviac 853 des essais était d’étudier les caractéristiques aérodynamiques, couplés à des servocommandes ECA 250 et 251, afin de prépa- en appliquant des braquages pré-programmés de +/- 3° aux rer la boucle St.1. L’énergie était fournie par trois piles Dary gouvernes 2 et 4, celles des autres axes 1-3 (tangage) étant blo- de 24 V, plus trois autres de 2 V pour la télécommande Caron quées. Il y a quelque confusion sur le type de gouverne em- 1. ployé, le type III étant cité dans le programme d’essai, et le La pointe du N°7 fut récupérée, bien que les accélérateurs ne type IV dans les synthèses ultérieures. Le télécommuteur SFE- se soient pas séparés, à cause d’une erreur de montage d’un fil NA, qui s’était montré très sensible aux interférences, fut rem- de la minuterie SE 203. Le n° 8 monta à 2.000 m, mais piqua placée par une nouvelle télécommande Derveaux Caron 1. avant de monter à nouveau, la pointe ne se séparant pas. Dans Les SE 4111 N° 1 et 2 furent lancés les 21 avril et 5 mars 1951 les deux cas, le Caron 1 dut être court-circuité avant le lance- respectivement. Les résultats furent plutôt bons, avec des alti- ment, par suite d’interférences perturbatrices. Un an plus tard, tudes de 5.000 m et 6.900 m, bien que le SEPR 2 n’ait pas at- en mai 1952, le Caron ne pouvait toujours pas être considéré teint pas sa pleine puissance, et les récupérations réussies. comme satisfaisant ; ce n’est qu’après un gros effort sur le Le programme SE 4100 arrivait déjà à maturation, ce qui allait blindage qu’il fut enfin considéré comme acceptable l’année permettre de nombreux essais de base. suivante. Ainsi se terminait de façon peu prometteuse la série SE 4100, mais la famille SE 4110 allait désormais s’avérer plus régulière.

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 9 / 18 29/03/2016 Essais préliminaires de guidage : le SE 4113. gin n° 3 réussirent même à complètement annuler, avant des- Les deux SE 4113 combinaient essentiellement les caractéris- truction, le roulis de 150° provoqué par le STRIM. tiques des derniers 4101 (servocommandes ECA, mais vérins Deux essais supplémentaires en février 1952, avec stabilisation Aviac 859) et des 4104 (mesure du courant différentiel de Pé- en roulis et braquages de 8° sur les gouvernes 2 et 4, permirent nélope). Cette boucle de pilotage était appelée St.1. Comparé la récupération de la pointe, quoiqu’un STRIM ne se soit pas au 4111, l’allumage des deux étages était séquentiel. séparé. Un essai final en mars atteignit un record d’altitude de Lancé le 25 avril 1951, le 4113 ne largua ni l’accélérateur ni la 10.500 m avec un nouveau SFENA 127 Gyromètre remplaçant pointe, mais les enregistreurs purent être dépouillés, car l’en- l’ECA 84 sur les deux axes (boucle St.4). gin retomba lentement en vrille à plat après que l’auxiliaire ait Nous savons qu’un propulseur amélioré SEPR 202 équipa les perdu progressivement ses empennages. derniers 4114. Si ce changement fut cohérent, il devrait concer- A la fin du printemps, les deux conclusions principales étaient ner la campagne de mars 1952, et donc le seul n° 7. Ce SEPR que les irrégularités du SEPR 2 devaient être corrigées par des 202 pourrait-il être la version à poussée réglable mentionnée valves améliorées, et que les batteries étaient affectées par le plus haut ? climat saharien. Ce fut confirmé en septembre lorsque le se- Essais aérodynamiques : le SE 4115. cond 4113 n’atteignit que 4.500 m, bien que la récupération fût Depuis les deux lancements de 4111, avec les gouvernes de réussie et la stabilisation satisfaisante après introduction de type III, et suite aux échecs du 4112, il n’y avait pas eu de me- deux braquages de 3° sur les gouvernes 2 et 4. sures en vol des coefficients aérodynamiques avec les nou- Un problème de roulis : le SE 4112. velles gouvernes de type I et II. Ce fut l’objectif des deux SE La première série de lancements avait confirmé un problème 4115, avec des braquages imposés des gouvernes 2 et 4, les de roulis (jusqu’à 25°/s) interférant avec la stabilisation, proba- gouvernes 1 et 3 étant actionnées par une combinaison ECA 84 blement dû à une dissymétrie aérodynamique provenant de la / SFENA 108, mais avec des servocommandes ECA 257 et 251 fabrication. (boucle St.3). Une cornière fut aussi ajoutée à l’arrière pour améliorer la stabilité en tangage. Ce problème était en cours d’investigation dans les souffleries d’Alger et de Marseille : la référence [11] montre des essais sur la maquette au 42/100 d’une partie arrière avec ou sans mini-jupe cylindrique de 19 ou 67 mm de haut. La référence [13] examine aussi une solu- tion avec anneau. Le premier lancement en novembre 1951 atteignit une altitude de 8.800 m, mais le second en décembre fut perturbé par une diminution de poussée et l’absence de mesures exploitables. Les derniers essais avant guidage : les SE 4117 et SE 4118. Les quatre SE 4117 essayèrent l’ancienne boucle de pilotage St.1 ECA 84/Aviac utilisée sur le 4113, avec la stabilisation en roulis désormais apparemment systématiquement utilisée. Les SE 4112 – Spoiler Wagner à l’emplanture de l’empennage. deux premiers avaient le braquage maximum de 5° autorisée La solution prévue fut l’utilisation d’un gyroscope ECA 80 par le vérin Aviac sur les gouvernes 2 et 4. Les deux derniers commandant en tout ou rien les deux spoilers Wagner décrits furent consacrés à des mesures aérodynamiques avec des bra- plus haut, grâce à des électro-aimants. La maquette échelle 1 quages imposés sur les gouvernes 2 et 4 ; leurs gouvernes fut reprise pour de nouveaux essais en soufflerie afin de véri- avaient aussi un foyer aérodynamique reculé vers l’arrière, et fier l’efficacité de ces spoilers [10]. une cornière arrière de hauteur accrue déplacée vers l’avant. Les deux SE 4112 devaient tester ce système de spoilers sur les Le SE 4117 fut sujet à un changement tardif pour le SEPR 202, gouvernes 1 et 3. Ils furent lancés les 5 et 6 octobre 1951. Le qui, s’il est cohérent, devrait concerner les n° 3 et 4. premier eut un mauvais départ, la séquence de séparation Les résultats des lancements de février-mars 1952 furent miti- n’ayant pas fonctionné. La pointe ne se sépara pas non plus, gés, avec deux récupérations (n° 1 et n° 4), un empennage mais le spoiler contra en partie le roulis de 38°/s provoqué par STRIM arraché (n° 3) et un échec de séparation (n° 1), provo- le STRIM. Le second fonctionna bien, à l’exception du SEPR quant un départ en roulis sous un angle record de plus de 500°, 2 qui ne s’alluma pas. Mais le système de spoiler fut qualifié. avec un taux de 200°/s. Une note du 29 février sur le problème du roulis de la version Nouveaux essais de stabilisation : le SE 4114. STRIM conclut sur une probable déformation aéroélastique Les vérins SFENA et les servocommandes du SE 4104 (boucle des empennages du propulseur auxiliaire, et donc sur la néces- St.2) furent à nouveau essayés sur la version STRIM à présent sité d’ajouter pour la campagne suivante des entretoises reliant en vigueur, aboutissant au SE 4114 dont sept furent fabriqués. les bords d’attaque des empennages. Etaient-elles déjà montées Quatre furent essayés en octobre-novembre 1951, deux avec sur les n° 3 et 4 ? (elles l’étaient déjà sur le 4110 n° 2 - pour des braquages de 3° sur les gouvernes 2 et 4 et deux avec bra- essai ? - comme le montre une photo trouvée récemment). quages de 4° sur les mêmes gouvernes. Ces deux derniers étaient aussi stabilisés en roulis par deux spoilers Kramer sur les empennages principaux, lesquels étaient justement en es- sais sur la maquette au 42/100 dans la soufflerie de Marseille [12]. Malheureusement, les 4114 n° 1 et 3 explosèrent peu après l’allumage du SEPR 2. Mais les deux autres tirs furent très réussis, culminant à 5.200 et 8.500 m. Les spoilers de l’en-

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 10 / 18 29/03/2016 Un autre manque concerne la propulsion de croisière : quand a-t-elle basculé sur le SEPR 2020 ? Une note de mars 1953 ajoute au problème en se référant à un SEPR 204 à furaline à prévu pour mai. Au moins, cela montre-t-il que le 2020 arriva après mi-53. Le SE 4116 fut aussi utilisé comme banc d’essai. Le Groupe Technique de Cannes (GTC) étudiait par exemple des enregis- treurs de variomètre, pour essai en 1953. Ils étaient de trois types : Badin (essayés sur les n° 12, 18, 19, 20), LMT (n° 11) et un allemand de type FL (n° 11, 24, 27, 28). Ce dernier fut choisi. Un autre engin guidé, le SE 4119 En février furent lancés les SE 4119 n° 3 et 4 qui atteignirent 8.000 m d’altitude. On ne sait rien d’autre, si ce n’est l’emploi SE 4118 – Spoiler vibrant à l’emplanture. du SEPR 202. Ceci implique aussi que les codes A39 et A40 étaient probablement les 4119 n° 1 et 2. Furent-ils lancés ? Le mois de mai 1952 vit un parfait basculement du dernier mo- dèle à braquage imposé, le SE 4118, au SE 4116 guidé. Le pre- La fin du programme mier incorporait une nouvelle boucle, constituée du gyromètre Le dernier tir enregistré est celui du A78, le SE 4116 n° 38 le SFENA 127 introduit sur le dernier SE 4114, couplé à des ser- 25 janvier 1956, qui pourrait avoir été un essai de poursuite vocommandes et vérins IV de la SNCASE, plus des spoilers optique. La pointe fut récupérée avec succès. Combien de vibrants remplaçant les gouvernes des deux axes latéraux SE 4100 ont été fabriqués ? Un tableau en montre 80, ce qui ne (boucle St.5). Une autre caractéristique fut l’utilisation ab ini- comprend probablement pas les M02, P02 et P03, ni le C01. tio du SEPR 202 amélioré. Les deux tirs furent réussis, attei- Une note de mai 1957 pourrait le confirmer, car elle mentionne gnant 8 à 9.000 m d’altitude. qu’à ce stade 4 exemplaires restaient après la fin des tirs : ce Au terme de 38 tirs en 2 ans et demi, et une masse de données pourraient être le A03 qui ne s’alluma pas, le A17 pas compta- comparatives disponibles, la SNCASE était prête à débuter des bilisé dans les lancements, et « 79 » et « 80 » mentionnés par essais extensifs de guidage avec le SE 4116. ailleurs. Cette note confirmerait aussi le lancement des 4119 N° 1 et 2. Elle donne d’intéressants détails sur le budget de 1 Le SE4116 guidé million de francs destiné à restaurer et livrer en octobre un La boucle de stabilisation retenue fut le gyromètre SFENA127 4100 à l’Ecole Sup Aéro, la principale école aéronautique fran- couplé aux vérins SFENA 108. Elle fut adaptée en St.6 pour çaise à Paris, ainsi que le ferraillage du reste (sauf peut-être un association avec la chaîne de guidage. Le pilote automatique propulseur principal, pour la même école). complet Pénélope 50 cm fut naturellement monté, associé au Une vérification rapide à Sup Aéro reata malheureusement radar Würzburg I. sans résultat. Nous disposons des résultats des 10 premiers tirs, lors de trois campagnes en mai, septembre et novembre 1952. Plusieurs Conclusion conditions initiales furent choisies au moment de l’activation La conclusion inattendue de cette recherche est que la fusée du guidage, vers To + 8 secondes : pente de la trajectoire et Véronique ne peut plus être considérée comme le programme angle avec le faisceau radar, vitesse latérale. Hors un échec de français pionnier, car sa progression fut toujours décalée par séparation et une panne de Pénélope, les résultats du guidage rapport à celle du SE 4100. En fait cette dernière semble tout furent plutôt mitigés, seul le n° 4 accrochant le faisceau ra- simplement être la seconde fusée française, après les quelques dar, et 6 autres ne réussissant pas à corriger complètement EA-41 du Service Technique de l’Artillerie lancées près de l’écart. Mais la panne de Pénélope n’empêcha pas le n° 6 d’at- Toulon en 1945. EIle semble aussi avoir été le quatrième pro- teindre l’altitude la plus élevée pour un SE 4100, avec 11.180 gramme de fusées, après ceux lancés en Allemagne, aux Etats- m. Unis et en URSS. Peu de détails sont ensuite disponible, si ce n’est une synthèse Ayant débuté comme missiles anti-aériens, les probables 80 des tirs confirmant un taux élevé de réussite, et que des autodi- SE 4100 lancés, en à peine plus de six ans, apprirent presque recteurs furent essayés, la première tentative sur les 7 enregis- tout à la SNCASE en matière de fusée : propulsions solide et trées étant celle du n° 30 le 28 mars 1954 avec un SFENA liquide, étages en parallèle et en tandem, stabilisation, guidage, AD148 électromagnétique (un échec). Nous savons que des pilotage, structures, récupération, pyrotechnie, utilisation d’une autodirecteurs optiques et radioélectriques furent essayés, y rampe. Seul restait à mettre au point le guidage inertiel. Partis compris sur des cibles réelles. Comme une note de mars 1953 de rien, les réalisations des ingénieurs de Cannes furent tout à mentionne la disponibilité d’un radar CSF de 10 cm à partir de fait impressionnantes et de nature historique, puisqu’elles mars 1954, nous pouvons supposer que le n° 30 fut bien en fait marquent les débuts d’une équipe qui continua sur les SE 4200 le premier essai. Mais nous n’avons pas les détails (les 5 « au- à 4500 [14], puis les « Pierres Précieuses » qui conduisirent au toguidages » et les 2 « autodirecteurs » correspondent-ils aux lanceur spatial Diamant et aux fusées de la Force de Frappe. deux types d’autodirecteurs, électromagnétique et optique res- Les SE 4100, remontant à 1949, explique pourquoi la France pectivement ?), ni le type et le nombre de cibles. Un document devint la troisième nation à mettre un satellite en orbite (à la récemment retrouvé révèle les deux premières interceptions première tentative), et comment Ariane a placé l’Europe au réussies : le 6 mai 1955 avec un autodirecteur optique Ingber rang de troisième puissance spatiale. G11, à 6 m d’une bombe éclairante larguée par un Meteor à 6.000 m, puis le 25 janvier 1956 (le dernier tir) avec un SFE- NA AD148 électromagnétique, à 18 m d’une cible suspendue à trois parachutes métalliques, largués par un Meteor à 8.000 m.

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 11 / 18 29/03/2016 Références [8] N° 92. NC 3500. Essais dynamiques de tangage (20.12.50) [1] Damals in Peenemünde. Ernst Klee & Otto Merk. Gerhard [9] N° 97. SE 4100. Essais dynamiques de tangage (27.4.51) Stalling Verlag (1963) [10] N° 103. SE 4100. Efficacité de spoilers en roulis (29.8.51) [2] German Guided Missiles of the Second World War. Row- [11] N° 104. SE 4100. Etude de formes arrière (4.9.51) land F. Pocock. Arco Publishing Co (1967) [12] N° 108. SE 4100. Etude de spoilers d’aile (8.1.52) [3] Space Travel. A History. 4th ed. Werner von Braun, Frede- [13] N° 114. SE 4100. Anneaux de fuselage (18.3.52) rick I Ordway III, Dave Dooling. [14] IAA-88-597. The SE 4400/4401 family : an hypersonic Harper & Row publishers (1985) ramjet in the fifties. Philippe Jung (1988) [4] IAA-87-661 The SE 1900 & SE 1910 sleds. Philippe Jung (1987) Note: les références [6] à [13] sont des Rapports de la [5] L’Industrie Aéronautique & Spatiale Française 1907-1982. soufflerie de Marignane GIFAS (1984) [6] N° 75. NC 3500. Stabilité de tangage (29.10.50) [7] N° 91. NC 3500. Étude des spoilers d’empennages (29.10.50) Philippe Jung1 Notes de versions V1 La version V1 est celle d'origine publiée en janvier 2016. V2 Une version V2 est préparée à partir de février 2016 par André Buet (annexe 1) et Jacques Thibault (annexe 2), qui ont été des ac- teurs des opérations à Colomb Béchar et sont en mesure d'apporter des compléments utiles à cette étude. V2.1 La version V2.1 du 29 mars 2016 corrige une mise en forme de la page 8 du document

1Autorise de publier cette œuvre par l'association "Cannes Aéro Spatial Patrimoine", sous la licence : GFDL / Cc-by-sa

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 12 / 18 29/03/2016 Annexe 1 - Engins 4100 - 1950 à 1956 – Activités G.T.C. Études et essais (compléments au doc. Ph .J.) André Buet

§ Commande et contrôle (page 5) d)-Récupération a)- Guidage . La séparation de la pointe avant et l’ouverture du parachute « Pénélope » était le système de guidage du NC3500/SE4100, étaient commandés à partir d’une minuterie à cordon Bickford étudié par un organisme d’État – la Délégation Ministérielle à réalisée par le laboratoire du GTC ; en cas d’anomalie un ordre l’Armement « DMA » (ing. Jean-Charles Gilles) - avec le de séparation était télécommandé du sol au récepteur Der- CNET. (ingénieurs P. Blassel et Cl. Cossé ). veaux. A la base, un radar militaire allemand récupéré, le « Würz- § Installation d’essais et mesures (page 5) burg » ( il avait sur sa parabole de petites silhouettes blanches A bord, il y avait au moins 2 enregistreurs SFIM A22 (la illustrant les avions abattus grâce à lui ! ). SFIM a été crée en 1947 à Palaiseau),- récupérables dans des L’émetteur était allemand , utilisé en « balayage conique ». boîtes blindées en cas d’incident de parachutage -, permettant Le diagramme de rayonnement est en forme de lobe très allon- le suivi de 10 à 15 paramètres pendant tout le vol : gé, et la source d’émission tournante à 23 tours/seconde excen- • accélérations longitudinales et transversales (accéléro- trée par rapport au foyer de la parabole. L’axe du lobe décrit mètres SFIM). ainsi un cône dont l’axe constitue l’axe de guidage. • altitude, vitesse et incidence ( par mesures de pression en Le récepteur à bord de l’engin ne reçoit un signal constant que sortie d’une sonde Pitot). s’il est sur cet « axe de guidage » ; s’il s’en écarte, le signal • débattements des gouvernes (potentiomètres). prend une forme sinusoïdale, dont l’amplitude, dépendant de • détections de gyromètres et de gyroscopes de mesures (vi- l’écart par rapport à cet axe, permet, une fois détectée, de cor- tesses angulaires et angles de rotation). riger cet écart. • tensions d’alimentation des équipements. Sur quelques engins, en 1953 et 54, une caméra-gun fut mon- Ce système devait asservir l’engin à l’axe du faisceau et le tée sur une porte basculante de l’ogive ; elle filmait le sol pen- faire suivre lorsqu’il se déplaçait. dant la phase ascendante. Un réseau de panneaux blancs dispo- Des essais préliminaires ont eu lieu en 1952-53, d’une part au sé sur le sol autour de la rampe permettait un repérage angu- sol près de Gourdon (Alpes-Maritimes), entre 2 promontoires laire sur le film, et la restitution de l’attitude de l’engin. rocheux, d’autre part à la base de Fréjus, un récepteur étant Au sol, sous maîtrise d’œuvre du CEV, la trajectoire était sui- porté par un hélicoptère Sikorsky-HUP2. vie par 4 cinéthéodolites Askania (ou Contraves), avec des ob- En vue de la mission « sol-air » du 4100, plusieurs modèles jectifs de focale 600 mm, montés sur tourelle et servis par 2 d’autodirecteurs (Ingber-SIRT, SFENA,…) ont fait l’objet opérateurs. Sur chaque image du film de 35 mm, prise à la ca- d’essais préliminaires en laboratoire, sur avion, et même sur dence de une par seconde, figure, en plus de l’échelle de engin avec cible matérialisée par bombe éclairante, flamme temps, l’orientation (azimut et site) en degrés et minutes, de Schermuly, ou parachutes métallisés….largués préalablement l’axe optique de la caméra ; au dépouillement, on tenait par avion. compte, pour les calculs de triangulation, de l’écart de l’image b)- Stabilisation . de l’engin par rapport au centre du réticule. En vol « normal » - c’est-à-dire « non guidé » - , l’engin est Un dispositif de « trajectographie électromagnétique » a été stabilisé utilisé dès 1951 pour certains tirs, le « Fizeaugraphe » ; à bord, • en roulis , autour de son axe longitudinal, l’angle de rota- un émetteur SFENA fourrnissait un signal ; reçu au sol affecté tion étant détecté par gyroscope, de marque ECA ou Sadir- de l’effet Doppler, il était traité par un calculateur numérique Carpentier, et la correction obtenue par action sur des spoilers. étudié en 1950 par la SEA (directeur F.H.Raymond) sur mar- • en tangage , autour de 2 axes perpendiculaires entre eux et ché STAé. au précédent, dans les plans de gouvernes 1-3 et 2-4. A quelques mètres de la tour, 2 caméras fixes Cameflex, jume- Les variations d‘attitude sont détectées par des gyromètres lées, filmaient la « sortie de rampe ». A environ 1 km, sur un ECA. (ing. MM.Gianoli et Ch. Ecary) puis SFENA (ing. B. piton rocheux, une caméra Bourdereau rapide (200 images par Hamel) ; une boucle d’asservissement réalise une loi prédéter- seconde), avec opérateur (M. Briquet), filmait la première par- minée de mécanique du vol (« loi de pilotage ») incluant la po- tie de la trajectoire. sition des gouvernes détectée par potentiomètre. Campagnes d’essais c)-Etudes aérodynamiques en vol. Champs de tir L’expérimentation effectuée sur 4111 et 4115 dans le but d’étudier les réactions de l’engin à des braquages instantanés, Premier lancement en septembre 1949, du camp d’artillerie de « précommandés » de quelques degrés, a été jugée assez origi- Mailly-en-Champagne. nale à l’époque, et fort appréciée par les spécialistes, aussi bien A partir de 1951, accueil au Centre Interarmées d’Engins Spé- des Services Officiels ( J.Ch. Gilles) que du GTC. (Jean Dole ciaux (CIEES) à Colomb-Béchar et tir sur le site de Ménoua- et Jean Escursan) : les oscillations sinusoïdales amorties détec- rar, à 60 km au Sud. tées par les accéléromètres transversaux suite au braquage pré- La Direction du CIEES a été assurée par le Colonel Michaud commandé ont permis en particulier de préciser la position du jusqu’en 1954, puis par le Colonel Aubinière. centre de poussée aérodynamique.

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 13 / 18 29/03/2016 Composition des équipes d’essais Responsables des études et de l’exploitation des tirs au • Chefs de détachement : Jacques Leroy ou Roger Barthe GTC • responsables techniques équipes d’essai : Jacques Thibault • Bureau d’Études : Louis Besson , Marcellin Laurent, chefs , assisté de Honoré Carassou, ou de Clastres du Département ; Georges Castelli, Christian Dides respon- • ajusteurs-mécaniciens : A. Pinotti et Martan Cwiklinski sables de la définition des câblages électriques. (« Marius »), encadrés pour certaines campagnes par André • Propulsion : Wladimir Miniovitch Marin, chef d’atelier ou Arthaut, chef d’équipe. • Aérodynamique : Jean Dole, Roger Eestermans • électriciens : Antoine et Jean Gozzerino • Mécanique du vol : Louis Girardot, Jean Escursan, Karl • électroniciens : Pierre Liprandi, ingénieur. Thorn • participants extérieurs : spécialistes appartenant aux socié- • Circuits électriques : André Godard tés coopérantes dans les domaines de la propulsion et de l’élec- • Pilotage –Guidage : Marcel Rollet. tronique de guidage. • Dépouillement des enregistrements de vol : Jean Agliany Mise en œuvre et vie sur le champ de tir : voir plus loin un ex- (1950 à 1953), André Buet (1953 à 1958). trait de notes personnelles de Jacques Thibault.

André Buet2

2Autorise de publier cette œuvre par l'association "Cannes Aéro Spatial Patrimoine", sous la licence : GFDL / Cc-by-sa

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 14 / 18 29/03/2016 Annexe 2- Mise en œuvre SE4100 et vie sur le champ de tir (d’après notes de Jacques Thibault) Les premiers essais du 4100 ont été effectués sur le champ de Ce qui est angoissant quand on est isolé, loin de tout, c’est la tir de Mailly en septembre 1949. L’infrastructure militaire ap- perte des repères visuels ; on est comme perdu dans un épais portait les moyens de stockage et de manutention des engins. brouillard et dans une atmosphère poussiéreuse très désa- La mise en œuvre des équipements optiques, - cinéthéodolites, gréable. caméras-, était assurée par le CEV-Brétigny. La pluie peut être très forte ; j’ai le souvenir d’une vague dé- Sur le plan intendance, le personnel cannois était logé dans un ferlante arrivant sur un oued desséché, formant aussitôt après hôtel-restaurant de Mailly, - tenu par un M. Boivin -, sans pro- une flaque de 50 cm d’eau sur 20 m de large. En allant sur blème. Hammaguir par la piste, on traversait un endroit où l’on patau- Les conditions climatiques hivernales étaient assez dures. geait dans une zone mouillée – on ne peut pas parler de « gué » -, de quelques dizaines de mètres de large. Après une très forte Le transfert de base de lancement de Mailly à Colomb-Béchar, pluie, on roulait dans 20cm d’eau sur 1 km ! nécessité vraisemblablement par la dispersion possible des élé- ments de l’engin en cas de mauvais fonctionnement, s’est pas- Dans des endroits pierreux, 3 semaines après la pluie, le sol sé sans problème technique, le Centre Interarmées d’Engins pouvait être couvert de fleurs…Surprenant ! Spéciaux –CIEES -, étant opérationnel pour assurer la mise en Flore et faune : le passage dans une oasis est toujours éton- œuvre des moyens de tir et le relevé des trajectoires par ciné- nant. Sur des dizaines de km, il n’y a pas de végétation, et, théodolites (équipes du Lt Pettex), radars,…etc. brusquement, les palmiers sont là, et les pieds mouillés. Dans Le transport du personnel et du matériel s’effectuait par avion, les palmeraies habitées, les résidents aménagent un réseau de à partir de Cannes ou Nice, avec étape à Alger ou Oran. Un in- petis canaux : les « foggaras », très judicieusement disposés cident à signaler : le 17 février1950, un exemplaire de la rampe pour utiliser la pente du terrain, irrigant ainsi de grandes sur- démontée a été jeté à l’eau dans le port de Nice par des syndi- faces cultivées à partir d’une source située sur un point haut. calistes en désaccord sur le programme d’armement. Les bêtes : il y a des gentilles : le fennec, - renard du Sahara -, Les essais s’effectuaient sur le lieu-dit Ménouarar, situé à 60 la gerboise, - petit rongeur -, et la gazelle, - assez rare - ; km au Sud de Béchar, en bordure de la piste passant par Tarhit, - et des méchantes : vipère à cornes, scorpion, tarentule. et rejoignant à hauteur de Béni-Abbès la piste transsaharienne La sensation de présence des « vilaines bêtes » est fort contrai- en direction du centre de l’Afrique. gnante : nous en avons côtoyé certaines de très près dans plu- Sur une borne à la sortie de Béchar, on lisait : Gao : 2.069 km ! sieurs occasions, et c’était assez angoissant. Elles aimaient bien se cacher sous nos caisses de matériel ! Le dit « Ménouarar » comportait des petits bâtiments assez an- ciens et rudimentaires,- on disait « le bordj » -, aménagés pour Une anecdote : à Hammaguir, nous étions rentrés à 2 ou 3 col- abriter des militaires, et quelques civils. lègues, dans le bâtiment où étaient nos chambres ; après quoi, en sortant, on aperçoit à hauteur de la porte, une vipère lovée à Pour y aller, il fallait faire un trajet de 60 km sur une piste en 30 cm de la marche d’entrée. Comme nous avions tous mis le dur, déformée en « tôle ondulée » par le roulement des voitures pied sur cette marche en arrivant, la vipère avait été enjambée et des camions. Ce trajet s’effectuait dans des véhicules mili- sans en être dérangée ! taires 4x4, 6x6, GMC, d’un confort très limité. Le secret de la bonne conduite consistait à trouver la bonne vitesse qui amor- L’arrivée soudaine d’autres bêtes est impressionnante : les sau- tissait l’effet des ondulations de la piste, mais les vertèbres des terelles voyagent sous forme de nuage, qui s’abat brutalement passagers restaient soumises à rude épreuve. Le site de lance- sur le sol. Une collision avec un avion en approche pourrait ment était à environ 4 km du bordj. être catastrophique. Quand il faut traverser, à pied, la zone où elles se sont posées, on patauge dans une « gadoue » jau- Les participants permanents, - dont je faisais partie -, ont aussi nâtre…c’est répugnant ! été hébergés sous une tente à 200 m du poste de tir. Le confort était relatif, mais c’était moins fatigant que le trajet de Béchar Une autre anecdote : on nous avait raconté que le scorpion, matin et soir. L’intendance était assez simple, mais on s’en ac- lorsqu’il se sent en danger de mort, préfère se suicider en se pi- commodait, et les contacts avec les militaires ne posaient pas quant derrière la tête avec le dard du bout de sa queue. Pour de problème, et étaient même assez souvent sympathiques. nous le démontrer, les militaires ont fait une mise en scène : ayant entouré au sol une petite zone par un filet de pétrole , ils A Hammaguir, nous avons été invités à participer à des y ont déposé un scorpion. « Sainte-Barbe » mémorables ! Le feu mis au pétrole, le scorpion, bloqué par les flammes, Ultérieurement, à Béchar et à Hammaguir, des centres d’ac- s’est effectivement suicidé…Je l’ai vu ! cueil gérés par le CIEES ont été mis en service, et les condi- tions de vie se sont nettement améliorées, aussi bien pour le Une autre fois, ayant répété la même scène, on s’aperçoit que couchage que pour la restauration. le scorpion tenait dans chacune de ses deux pinces un bébé scorpion…On s’est tous consultés d’un regard…et un passage Un point extra-technique mérite une parenthèse : la découverte dans la ceinture de flammes a été aménagé. La maman scor- des conditions de vie dans le désert. pion a pu s’échapper, indemne, avec ses bébés…C’était la fête D’abord la météo : en plein Sahara, il peut faire très chaud ou des mères ! très froid ; j’ai vu de la neige à Béchar ! Élément pénible pour les techniciens en déplacement et pour le matériel, le vent de sable, qui transporte une poussière très fine pénétrant partout. Lorsqu’on ouvre une boîte de sardines, il y a du sable dedans, plaisantait-on !

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 15 / 18 29/03/2016 La récupération des ogives parachutées tiellement les pistes connues. Fort heureusement, les militaires La participation aux opérations de « récupé » était une occa- chargés de la récupération, connaissaient le territoire, et s’y re- sion de découvrir le désert, avec ses aspects spécifiques ; le trouvaient. « reg » plat, caillouteux, des zones montagneuses accidentées, Lors d’une récupération assez éloignée, j’ai eu l’occasion de l’ « erg », avec des dunes difficilement accessibles par des vé- découvrir un dispositif astucieux, une sorte de « compas so- hicules. laire », bricolé par les militaires : fixé en avant sur le capot Pour les 4100, compte tenu du tir à la verticale et de l’altitude moteur pour être bien vu par le conducteur, il comportait une max de l’ordre de 8.000 m, la zone de récupération n’était ja- tige verticale, dont il fallait maintenir l’ombre portée sur une mais très éloignée de la base de lancement, et seules les condi- platine graduée, réglée en fonction de l’heure…une sorte de tions d’accès, fonction du terrain, pouvaient poser problème. boussole ! Il fallait au moins un véhicule équipé de moyens de levage Autre anecdote : Au cours d’une opération de « récupé », loin (GMC). de la base, surprise !...On trouve une piste, ou plutôt une route, bien empierrée. On la suit et on arrive à une mini-oasis, Et attention ! … ne pas oublier la boisson ! quelques palmiers, avec un petit bâtiment. On cherche…per- Notons que beaucoup plus tard, pour d’autres types d’engins sonne ! On continue, la route s’arrête…Une route en plein dé- (VE 121, 231,…), les points de récupération étant plus éloi- sert, venant de nulle part et allant nulle part…Étrange !...Plus gnés, on disposait de moyens plus élaborés, et la recherche tard, on a su que tout cela avait été aménagé par la Légion pour pouvait durer des heures ! relier 2 sites habités, et que les travaux, commencés par le mi- Si le point de chute était connu (engin suivi par cinéthéodolites lieu, avaient été abandonnés ! ou radar…), on ne pouvait, pour s’y rendre, emprunter que par- Jacques Thibault3

3Autorise de publier cette œuvre par l'association "Cannes Aéro Spatial Patrimoine", sous la licence : GFDL / Cc-by-sa

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 16 / 18 29/03/2016 Table 1 – Récapitulatif des lancements connus de SE4100 RécupD Récup. Date Code Type Date Code Type étruit Détruit + 29.09.49 M02 4100-1 ? 11.05.52 A38 4118-2 R 9.000 m + 13.10.49 P02 4100-1 ? 20.09.52 A43 4116-5 R 8.000 m 11.180 m – Panne + 13.10.49 P03 4100-2 ? 20.09.52 A44 4116-6 R guidage Accélér. gauche non + (10.05.50) A03 4101-1 - 22.09.52 A41 4116-3 R 7.000 m allumé + 13.05.50 A04 4101-2 R Accélérate. non séparés 23.09.52 A42 4116-4 R 8.000 m + 10.10.50 C01 4140- ? - 20.11.52 A45 4116-7 R 10.370 m Explosion moteur + 13.10.50 A06 4101-4 R 1,800 m 21.11.52 A46 4116-8 R croisière Sép. prématurée 1 + 09.01.51 A07 4101-5 D 22.11.52 A47 4116-9 R 7.280 m accélérat. + 10.01.51 A09 4110-1 R Empenn.STRIM arraché 24.11.52 A48 4116-10 R 6.700 m Moteur croisière non + 11.01.51 A10 4110-2 R Empenn.STRIM arraché 09.01.53 A49 4116-11 D allumé + 12.01.51 A08 4101-6 R Accélérat. parti tout seul 10.01.53 A50 4116-12 D Explosion réservoir Panne moteur + 16.01.51 A05 4101-3 D 2.000 m 12.01.53 A51 4116-13 R croisière 24.02.51 A01 4102-1 R 2.500 m 13.01.53 A52 4116-14 R 8.000 m 26.02.51 A02 4102-2 R 20.02.53 A54 4116-16 R 5.400 m Moteur croisière non Panne moteur 28.02.51 A13 4103-1 D 26.02.53 A53 4116-15 R allumé croisière 05.03.51 A12 4111-2 R 6.900 m 02.03.53 A55 4116-17 R 4.350 m 21.04.51 A11 4111-1 R 5.000 m 31.03.53 A58 4116-20 R 8.900 m 24.04.51 A14 4104-1 D 1 accélérat. non séparé 01.04.53 A56 4116-18 R 7.800 m 25.04.51 A15 4113-1 D STRIM non séparé 02.04.53 A57 4116-19 R 8.400 m 30.05.51 A18 4101-7 R Accélérat. non séparés 11.05.53 A59 4116-21 R 4.000 m 02.06.51 A19 4101-8 D Nez non séparé 12.05.53 A62 4116-24 D Panne parachute 28.09.51 A16 4113-2 R 4.500 m 13.05.53 A61 4116-23 R Panne guidage 02.10.51 A20 4114-1 D Explosion moteur croisière 14.05.53 A60 4116-22 R Tir de nuit 03.10.51 A21 4114-2 R 8.500 m 26.09.53 A63 4116-25 R 5.500 m STRIM non séparé 05.10.51 A24 4112-1 D 26.09.53 A64 4116-26 R 9.300 m Moteur croisière non allumé Moteur croisière non Nez non séparé 06.10.51 A25 4112-2 R 12.12.53 A66 4116-28 D allumé 28.11.51 A22 4114-3 D Explosion moteur croisière 14.12.53 A65 4116-27 D Nez non séparé 29.11.51 A23 4114-4 R 5.200 m 12.02.54 A67 4119-3 R 8.000 m 30.11.51 A26 4115-1 D 8.800 m –Echec parachute 13.02.54 A68 4119-4 R 8.000 m 01.12.51 A27 4115-2 R 5.000 m 26.03.54 A69 4116-29 R Panne 04.02.52 A28 4114-5 R STRIM non séparé 28.03.54 A70 4116-30 R autoguid.SFENA AD148 05.02.52 A30 4117-1 R STRIM non séparé 21.05.54 A71 4116-31 R 7.900 m 06.02.52 A29 4114-6 R 7.700 m 22.05.54 A73 4116-33 R 8.400 m Autodirecteur 07.02.52 A31 4117-2 D Gouvernes 1-3 bloquées 06.05.55 A72 4116-32 R optique 20.03.52 A34 4117-4 R 6.000 m 09.05.55 A75 4116-35 R Autoguidé 7.850 m – Panne 21.03.52 A33 4117-3 D 11.05.55 A74 4116-34 R Autodirecteur G11 parachute 10.500 m - Panne 22.03.52 A32 4114-7 D 11.05.55 A76 4116-36 R Panne autoguidage parachute 07.05.52 A35 4116-1 R 6.000 m 24.01.56 A77 4116-37 D Panne autoguidage 08.05.52 A36 4116-2 R STRIM non séparé 25.01.56 A78 4116-38 R Autoguidé AD148 55R - 19D pour 74 tentatives connues de récupération 10.05.52 A37 4118-1 R 8.200 m + tirs à Mailly

caspea_PMSA41_002_SE4100_Jung.odt_v2.1 17 / 18 29/03/2016 Table 2 – Lancements annuels 1949 3 1953 18 1950 3 1954 6 1951 23 1955 4 1952 19 1956 2

Total = 78 (+ 2 SE4119 probablement lancés)

Tableau 3 : Récapitulatif de la famille SE 4100 Masse (kg) Accélérateu Missile Type Code Construi Lancés Accéléra Mot.croisièr Gouvern Stab.tangag Stab.roulis Launch Objectif (ergols) (ergols) M 1 + 1 ? 1 SEPR4 - ? ? - P 2 + 1 ? 2 SEPR4 - ? 7 - ECA84/ Aviac859 SE4101 8 7 - III, II 935 440 (164) 496(-) Phase accélération ECA84/ - Aviac853/

ECA250, 251 A SEPR2 ECA84/ SE4102 2 2 SEPR4 III - 848 Essai mot.croisière (15s.) Aviac

ECA84/ SE4103 1 1 SEPR2 II - Stabilisation Aviac SE4104 1 1 SEPR2 II St. 2 - 1.480 496(241) 984 (202) Préguidage 12 + 1 ? 11 ECA84/ SE4110 2 2 - II - Ess.accélérateurs Aviac SE4111 2 2 SEPR2 IV Préréglé - 1.520 493 (146) 1.027(256) Ess.aerodynamiqu ECA80 - SE4112 2 2 SEPR2 ? ? Stabilité roulis 2 Wagner SE4113 2 2 SEPR2 II St.1 - Préguidage SEPR2, ECA80 - SE4114 7 7 II St.2., St.4 Nouvelle boucle 202 2 Kramer Préréglé+ SE4115 2 2 SEPR2 I - Ess.aérodynamiqu A STRIM St. 3, cornièr SEPR 202, ECA80. SE4116 38 38 II St. 6 Version guidée 2020 SFENA127 SEPR2, Préréglé+ ECA80, Nouvelle boucle SE4117 4 4 II 202 St.1, cornièr 2 Kramer aeéodynamicque Spoil.ers SE4118 2 2 SEPR202 vibrants St. 5 ECA80 Spoilers vibrants SE4119 4 2 + 2 ? SEPR202 ? ? ? ? 65 63 + 2 ? SE4120 ? - - ? ? ? ? ? ? ? ? ? SE4140 C 1 1 SEPR4 - ? ? - 848 ? ? Empen.princ.agran 81 + 3 ? 78 + 2 ? St. 1 ECA84/Aviac859/ECA250, 251 St. 2 ECA84/ SFENA108/SFENA1 (puis I ou IIB + II) St. 3 ECA84/ SFENA108/ECA250, 257 St. 4 SFENA127/SFENA108/SFENA II + III St. 5 SFENA127/SNCASE/SNCASE IV St. 6 SFENA127/ SFENA108/SFENA II + IIIA Boucle d’asservissement

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