La Lettre de Penthes Le magazine du Domaine de Penthes – Numéro 26, automne 2015

ARTICLES Entreprises suisses dans le monde

Les Suisses de Franche-Comté d’hier à aujourd’hui

DOSSIER Les Besenval

Artikel auf Deutsch: Seiten 46 und 74

Articles in English: Pages 22 and 72

Deux expos pour les familles HISTOIRE EN BRIQUES YAKARI, LES SUISSES À LA RENCONTRE DES AMÉRINDIENS

SOMMAIRE |

| ÉDITORIAL | DOSSIER Penthes est à vous 2 Les Besenval 49

Martin de Besenval, seigneur des villages | ARTICLES de Brunstatt, Riedisheim et Didenheim en Haute-Alsace 50 1815-2015: le Valais, canton suisse 4 Le Fonds de Besenval: de la conservation Entreprises suisses dans le monde 7 à la di”usion du savoir 53

Beat Knoblauch, un Suisse au Pays des Kangourous 11 | MOT DU DIRECTEUR Un nouveau commandant L’Esprit de Penthes pour la Garde suisse pontificale 14 Le rêve est permis! 56 Raymond Charles Pyramus de Candolle 17

Alexius Baebler, famous internationally | LA VIE DU MUSÉE but not as a Swiss 22 Les Suisses des cinq con tinents discutent du patrimoine helvétique Peter Rindisbacher, peintre du Wild West 24 à l’étranger à Penthes 58 Les Suisses de Franche-Comté Yakari, un petit Sioux à Penthes 66 d’hier à aujourd’hui 30 Histoire en Briques 68 | REVUE LITTÉRAIRE Livres à lire 34 | À TRAVERS LE MONDE Swiss High-tech on the Oceans 72 | LES AMIS DE PENTHES Touristische Leistungen in aller Welt - man spricht Deutsch 74 Société des Amis de Penthes: 500+ 48

La Lettre de Penthes - No 26 | 1 | ÉDITORIAL

Rodolphe S. Imhoof Président de la Fondation pour l’Histoire des Suisses dans le Monde Penthes est à vous

Chères amies, chers amis, chers visiteurs, l’Association des Suisses de l’étranger qui se tenait à Genève et au cours duquel le président du Conseil d’Etat our épauler et compléter l’action citoyenne et a pu souligner la place et l’importance de la Genève participative intitulée « Penthes est à vous », de internationale, les 70 représentants de 22 pays et des Pnombreux événements ont eu lieu dans cet écrin cinq continents en redemandent, pour parler familiè- à nul autre pareil où nature, culture et gastronomie rement. Lentement, nos compatriotes à travers le monde s’allient harmonieusement. prennent ainsi conscience que Penthes héberge une Fondation qui est la leur. Et que la maison de tous les Tout d’abord, grâce à l’action conjuguée du Conseil Suisses dans le monde se trouve dans le cœur interna- d’Etat et du nouvel exécutif de la commune de Pregny- tional de Genève. Une demeure qui a pour but de pré- Chambésy, Penthes vient d’accueillir, en bordure de la senter, de manière vivante et ludique, l’apport à notre place des Waldstätten, le Sablier du Millénaire. Certes, propre histoire, développement et vision, de l’ouverture ceux qui se sont promenés dans le parc au cours des de la Suisse et des Suisses au monde. « Penthes est à belles et lumineuses journées de l’été ont été intrigués, vous », à vous particulièrement Suisses dans le monde ! voire déçus, par la toile de plastique verte qui recouvre encore provisoirement ce monument. Très provisoi- Pendant ce temps-là, l’exposition temporaire « Armé- rement j’espère, car le Conseil municipal de notre nie », où étaient présentés des œuvres et des documents commune vient de voter le crédit indispensable pour qui rappellent l’odyssée de ce peuple meurtri, attirait de construire, dans les mois qui viennent, en guise d’enve- nombreux visiteurs. Ne faisait-elle pas écho, certes à la loppe transparente, un toit qui protège ce mécanisme dimension de Penthes, au pavillon arménien de la Bien- sensible aux intempéries. nale de Venise, qui s’est vu décerner cette année le Lion d’Or et au fait que les Arméniens présents aujourd’hui Afin de souligner que « Penthes est à vous », à vous dans notre pays le doivent au réseau des missionnaires tous, les festivités organisées par les autorités communales protestants suisses de l’époque ? pour le 1er Août de cette année, anniversaire du bicente- naire de l’entrée de Genève dans la Confédération, se sont L’automne et l’hiver s’annoncent sous les mêmes tenues sur la place devant le Château. Le Musée était auspices favorables. Les deux expositions parallèles ouvert évidemment pour l’occasion le soir également, et spécialement destinées au jeune public, « Yakari : les je suis particulièrement heureux d’avoir pu ainsi faire Suisses à la rencontre des Amérindiens » et « Histoires connaître à certains résidents de notre commune les en Briques » promettent d’attirer de nombreux visiteurs. joyaux qu’il abrite. Eh oui ! « Penthes est à vous ». Elles s’inscrivent dans la ligne des expositions sur Hugo Pratt ou les pastiches de Tintin qui ont rencontré tant de Deux semaines plus tard se sont tenues les premières succès. « Penthes est à vous », jeunes Genevois et étran- assises des présidents des clubs suisses dans le monde. A gers. Et l’histoire qui y est contée, en miroir avec Lego l’issue de ces journées tenues en marge du Congrès de et au fil de la collection permanente, suit un parcours

2 | La Lettre de Penthes - No 26 ÉDITORIAL |

qui met en exergue nos spécificités, nos différences, mais aussi nos liens ancestraux avec le monde qui nous entoure. Le global, le « sans frontières » d’aujourd’hui nous fait reprendre conscience de nos limites indispen- sables, de nos racines propres. Car l’articulation de notre pays est faite d’assimilation culturelle – ou d’ou- verture – et de développement d’un patrimoine propre – ou de frontières. Ces deux particularités d’un balan- cier bientôt millénaire sont partie intégrante du concept muséal de Penthes qui, grâce aux interactions de la collection permanente avec les expositions temporaires à géométrie variable, illustre l’équilibre indispensable entre ces deux caractéristiques tellement helvétiques.

Un dernier mot pour dire merci à toutes celles et tous ceux qui nous permettent de poursuivre notre action culturelle en faveur d’une Suisse ouverte et fière de ses spécificités, et cela au centre de la Genève interna tionale. « Penthes est à vous », à vous de nous soutenir par votre présence, intérêt, encouragements. Par votre soutien financier aussi.

Sablier du Millénium

La Lettre de Penthes - No 26 | 3 | ARTICLES 1815-2015 : le Valais, canton suisse

Célébrer cette année le 200e anniversaire de l’entrée du Valais dans la Guy Ducrey Confédération suisse nous invite à décrire la géographie et l’histoire qui Ancien ambassadeur de Suisse, Martigny ont conduit à cet événement.

Réalisée en 1944 pour la salle du Grand Conseil à Sion, la peinture murale d’Ernest Biéler (1863-1948) représente l’entrée du Valais dans la Confédération–; Léopold de Sépibus, président du gouver- nement, reçoit l’acte officiel d’adhésion du 12 septembre 1815 des mains des délégués valaisans rentrés de la Diète de Zurich.

n plein cœur des Alpes, entourée de la plupart des vallée, religieuse, politique et souvent militaire exercée plus hauts sommets européens, la communauté par les évêques. Ceux-ci, issus de familles importantes, Equi habite une nature aussi rude et imposante a pouvaient se prévaloir du titre de prince. Le premier, dû longtemps se contenter des maigres ressources dont Théodore, fut nommé en l’an 381. Appelés à gérer la elle disposait et se prémunir contre les catastrophes vallée et à en arbitrer les fréquents conflits, ces évêques naturelles qu’elle subissait souvent. De prime abord, il ont souvent été victimes de la noirceur de leurs adver- n’y avait pas là de quoi susciter la convoitise des voisins. saires et de la forfaiture de leurs obligés ; les « armes spirituelles » qu’ils fulminaient contre eux ne l’empor- Pourtant, dès l’Antiquité, deux facteurs ont joué un taient pas toujours. rôle important dans le destin de cette région : d’abord le passage des Alpes, avec sa dimension stratégique reconnue dès l’époque romaine, puis l’autorité sur la

4 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

Excepté à l’époque où elle était comté du royaume de valaisanne, en niaisant son auditoire : « Je viens vous Bourgogne, la vallée est restée divisée entre sa partie offrir l’indépendance de votre patrie. C’est au nom du occidentale, revendiquée par la Maison de Savoie, d’un gouvernement helvétique que je délie de ses serments ce côté, et les Alémanes venus du nord, de l’autre. Cette peuple chéri ! » population germanophone gardait des liens étroits avec , Unterwald et Uri et s’installa graduellement Le 12 novembre 1810, Napoléon, irrité par la len- dans les vallées latérales du Haut-Valais, jusqu’à Sion. teur du chantier de la route du Simplon, fit du Valais Par exemple Praborgne, autrefois village de langue un département français. Dans le décret d’exécution, française, devint Zermatt. il s’en expliqua sans équivoque « considérant que la route du Simplon, qui réunit l’Empire à notre Les dizains du Haut-Valais ont par la suite persévéré Royaume d’Italie, est utile à plus de soixante millions avec une vigilance inaltérable dans la défense de leurs d’habitants, que le Valais n’a tenu aucun des engage- gains géographiques face à la présence savoyarde. Un ments qu’il avait contractés ; article premier : le Valais affrontement décisif opposa les deux camps à Sion, en est réuni à l’Empire ». 1473 ; cette bataille s’acheva par une défaite du camp savoyard, notamment en raison de l’aide militaire de A la chute de l’Empire, parallèlement au Congrès de Berne et de Soleure, dépêchée en soutien aux Hauts- Vienne, se prenaient à Paris des décisions importantes Valaisans via le col du Sanetsch. Le Bas-Valais fut alors relatives à nos frontières. Dans cette ville, une députation assujetti par les dizains du Haut et connut l’affliction haut-valaisanne alla demander pour le Valais l’autori- d’une perte qui paraissait sans recours. Un règlement sation de ne pas se joindre à la Suisse et de rester indé- scolaire, rédigé en latin et affiché dans les écoles sédu- pendant ; cette demande resta sans suite. noises, indiquait l’obligation de parler l’allemand litté- raire, mais en aucun cas le français sous peine du fouet ! Sur recommandation de la Diète, le Valais fut offi- ciellement admis, le 12 septembre 1815, en tant que Il fallut attendre l’influence grandissante du Directoire Canton, au sein de la Confédération. en France pour que soit prononcé, le 1er février 1798, l’acte d’indépendance du Bas-Valais. L’ensemble du Inspirée par le Congrès de Vienne, cette décision canton fut ensuite rattaché à la République helvétique avait alors pour but de contrarier à l’avenir les ambitions le 6 mai 1798. que la France pouvait encore nourrir sur l’Italie du Nord. Elle était aussi guidée par le souci de Londres Après avoir franchi le col du Grand-Saint-Bernard face à la déclaration du colonel autrichien Josef Karl (en mai 1800), Bonaparte était déterminé à ne plus se von Simbschen, arrivé à Sion avec son régiment et pro- dessaisir des passages alpins, considérés après la victoire clamant qu’il venait occuper le Valais. convaincante de Marengo comme indispensables à la réalisation de ses ambitions en Italie. Le 16 mai 1802, il L’adhésion du Valais à la Confédération fut diverse- proclama l’indépendance de la République du Valais qu’il ment accueillie par les Valaisans qui avaient apprécié avait décidé de détacher de la République helvétique huit ans d’indépendance. Aujourd’hui pourtant, après afin de pouvoir contrôler plus librement le chantier de deux cents ans, même si la patrie reste d’abord la haute la route du Simplon. vallée du Rhône pour la plupart des Valaisans, le Valais se félicite d’être membre d’un pays à la fois solidaire et Le 27 août, Karl Müller von Friedberg, représentant de surtout respectueux de son identité. la République helvétique, se rendit à Sion ; pour sauver la face devant le fait accompli, il déclara devant la Diète

La Lettre de Penthes - No 26 | 5

ARTICLES |

Entreprises suisses dans le monde

Fondée à Lausanne en 1927 sous le nom d’Office suisse d’expansion commerciale (OSEC), Global Enterprise (S-GE) regroupe, sur mandat de la Confé- dération et des Cantons, la promotion des exportations, des importations et de la place économique suisse. Son siège principal se trouve à Zurich**.

Entretien avec Madame Ruth Metzler-Arnold* présidente de Switzerland Global Enterprise

MADAME LA PRÉSIDENTE, disposent souvent pas des ressources suffisantes pour s’engager sur les marchés mondiaux. Dans un premier UNE PREMIÈRE QUESTION S’IMPOSE–: UNE ÉCONO¤ temps, nous mettons à leur disposition des informations MIE COMME CELLE DE LA SUISSE A¤T¤ELLE ENCORE et des conseils en tout genre ; ce sont des prestations BESOIN D’UN SOUTIEN ÉTATIQUE POUR RÉUSSIR de service public. Puis, quand leur projet prend des SUR LES MARCHÉS MONDIAUX–? LES RÈGLES DE contours plus concrets, S-GE peut se charger, contre CONCURRENCE INTERNATIONALES N’INTERDISENT¤ rémunération, d’une étude de marché, par exemple. ELLES PAS TOUTE AIDE À L’EXPORTATION §OMC, ACCORD DE LIBRE¤ÉCHANGE AVEC L’UNION EURO¤ En ce qui concerne la promotion de la place écono- PÉENNE, AELE¨––? mique, qui vise à attirer de nouveaux investissements en Suisse, la concurrence internationale est intense Switzerland Global Enterprise (S-GE) œuvre au déve- loppement des entreprises à l’international et au rayon- nement de la place économique suisse. C’est en tant que * Conseillère d’Etat du canton d’Appenzell R.I. (1996-1999), anc. conseillère centre d’excellence en internationalisation que notre fédérale (1999-2003), présidente et membre de plusieurs conseils d’adminis- organisation, sur mandat du Secrétariat d’Etat pour tration et partenaire d’un cabinet de conseil. l’économie (SECO) à Berne, aide les entreprises, ** Stampfenbachstrasse 85, 8006 Zurich, tél. 044 365 51 51, notamment les PME, à prospecter de nouveaux dé- [email protected] ; 47, quai d’Ouchy, 1006 Lausanne, tél. 545 94 94, [email protected] ; Corso Elvezia 16, c.p.5399, 6001 Lugano, bouchés à l’international. En effet, ces entreprises ne tél. 091 601 86 86, [email protected].

La Lettre de Penthes - No 26 | 7 | ARTICLES

depuis des années ; une attitude proactive est indis- bénéfice. A l’étranger surtout, le mandat de la Confé- pensable. Pour ce qui est de la promotion des impor- dération nous confère une certaine officialité, puisque tations, il s’agit d’un instrument de la coopération au les Swiss Business Hubs, nos relais à l’étranger, sont im- développement ; le but est de mettre les PME de certains plantés dans des ambassades ou des consulats de Suisse pays émergents en position de développer leurs ventes en dans 21 pays. Ce dispositif est unique et il a fait ses Suisse et en Europe. Il faut savoir que des organismes preuves au fil des ans. comme le nôtre existent dans presque tous les pays, sauf que S-GE, qui est une association privée de plus POUVEZ¤VOUS NOUS FOURNIR QUELQUES de 2000 membres, fonctionne conformément au prin- EXEMPLES PRATIQUES DE CETTE PROMOTION À cipe typiquement suisse de subsidiarité, selon lequel L’EXPORTATION QU’OFFRE S¤GE, PLUS PARTICU ¤ l’Etat n’agit qu’en complément de l’économie privée. LIÈREMENT CELLE QUI VISE LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES–? COUVRE¤T¤ELLE AUSSI QUEL EST LE BUDGET ANNUEL DE S¤GE–? CES L’EXPORTATION DE SERVICES–? MOYENS PROVIENNENT¤ILS EXCLUSIVEMENT DE LA CONFÉDÉRATION––? Tout d’abord, les entreprises ont accès à notre vaste offre – gratuite – d’informations sur les marchés exté- Notre cadre financier pour la promotion des expor- rieurs et d’opportunités d’affaires dans le monde entier. tations était de 86 millions de francs pour la période Nous offrons aussi le premier conseil, par exemple quand 2012-2015. De cette somme, deux tiers environ venaient une PME cherche à savoir si son produit a des chances de du SECO, le reste étant constitué de cotisations de s’imposer, disons sur le marché chinois. Nous disposons nos membres, de recettes tirées de la vente de nos ser- aussi d’une hot line permettant d’obtenir des réponses vices et de fonds de soutien apportés par nos partenaires, rapides à des questions plus techniques, comme le fonc- des entreprises privées pour la plupart. Pendant la même tionnement d’un accord de libre-échange ou d’un ré- période, la promotion de la place économique a été subven- gime fiscal. En avançant dans son projet, la PME pourra tionnée par la Confédération à hauteur de 20,4 millions ensuite donner mandat à S-GE pour trouver un agent- de francs ; à cela s’ajoutent des contributions des can- distributeur dans un pays ou une région donnés ou tons d’un montant de 5,2 millions. La promotion des évaluer la situation concurrentielle de façon approfondie. importations est soutenue par la Confédération à hauteur S-GE peut également l’accueillir sur un de ses stands de 32,5 millions pour la période de 2012 à 2016. collectifs à une foire internationale. Dans toutes ces acti- vités, S-GE et les Swiss Business Hubs ont souvent recours LES ACTIVITÉS DE S¤GE NE FONT¤ELLES PAS à des experts extérieurs spécialisés dans les marchés visés. CONCURRENCE AUX ENTREPRISES PRIVÉES SPÉ ¤ CIALISÉES DANS LES CONSEILS AUX EXPORTA ¤ À QUELS BESOINS RÉPOND LA PROMOTION DES TEURS OU DANS LE MARKETING––? IMPORTATIONS–? COMMENT FONCTIONNE¤T¤ELLE––?

Comme je l’ai déjà indiqué, S-GE est une association Ce mandat nous a été confié par le Secrétariat d’Etat de droit privé comptant plus de 2000 membres actifs à à l’économie (SECO) ; il s’agit de faciliter l’accès au l’export ; nous sommes donc très proches du terrain. marché suisse et européen à certaines PME de pays par- S-GE travaille en réseau et fait le lien avec des spécia- tenaires : leur fournir des contacts, les aider à exposer sur listes privés de l’internationalisation des affaires. Elle des salons internationaux, etc. S-GE les aide à renforcer confie à des prestataires privés environ deux tiers des leur compétitivité tout en développant la coopération et les mandats payants. La vente de nos services nous permet relations entre la Suisse, l’Union européenne et les pays de couvrir nos coûts, mais nous ne réalisons pas de partenaires. Les importateurs en Suisse et en Europe

8 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

peuvent ainsi être mis en contact avec des fournisseurs Suisse. Dans la démarche des entreprises, ils prennent de confiance dans les pays partenaires. Prenons le cas du le relais généralement après un premier entretien avec Pérou. S-GE apporte un appui à des producteurs de nos spécialistes en Suisse. Grâce à leur statut officiel, les fruits et de légumes – mangues, raisin de table, avocats, Hubs disposent d’un excellent réseau de contacts dans bananes. Nos services de promotion des importations les pays cibles de nos exportateurs ; ils sont également aident ces producteurs à participer à Fruit Logistica à chargés de la promotion de la place suisse à l’étranger. Berlin, un des salons les plus importants de la branche et Car il devient crucial de défendre nos intérêts écono- qui permettent le contact direct avec des acheteurs suisses miques dans le cadre de l’action diplomatique helvé- et européens. Ces derniers cherchent, eux, des fournis- tique (« commercial diplomacy »), afin d’affirmer la seurs de confiance qui puissent enrichir leur assorti- compétitivité des entreprises suisses à l’échelle de la ment. La démarche conduit à des échanges lucratifs planète. S-GE met tout en œuvre pour favoriser les pour les entreprises européennes comme pour les entre- échanges et la coopération entre les représentations prises péruviennes tout en favorisant un développement diplomatiques et l’économie. économique durable dans le pays de production. UNE DERNIÈRE QUESTION–: QUELS CONSEILS À PROPOS DE LA PROMOTION DE LA PLACE ÉCO¤ DONNEZ¤ VOUS AUX ENTREPRISES QUI ESTIMENT NOMIQUE SUISSE, LE RÉSULTAT DU VOTE DU 9 QUE LE FRANC SUISSE EST DEVENU DÉCIDÉMENT FÉVRIER 2014 SUR L’ª–IMMIGRATION DE MASSE–« TROP FORT POUR PRODUIRE EN SUISSE–? A VOTRE N’A¤T¤IL PAS AUSSI ÉTÉ UN SIGNAL INVITANT NOS AVIS, QUE DEVRAIT FAIRE LA BANQUE NATIONALE AUTORITÉS À METTRE UN FREIN À LEURS EFFORTS POUR REVENIR À UN TAUX DE CHANGE DU FRANC EN VUE D’ATTIRER DE NOUVELLES ENTREPRISES SUISSE PLUS CONFORME À L’AUTHENTIQUE CAPA¤ ÉTRANGÈRES EN SUISSE–? CITÉ CONCURRENTIELLE DE NOTRE PAYS–?

Il est vrai qu’un certain nombre d’initiatives ont pu La Suisse reste une place forte, avec de gros avantages créer de l’insécurité chez les investisseurs étrangers ces face à d’autres pays. Ce n’est pas pour rien qu’elle est dernières années. L’une des missions clés de S-GE est considérée comme l’un des pays les plus compétitifs et justement de mener un travail d’information et de sensi- les plus innovants au monde. Nous avons d’excellentes bilisation aux atouts de la Suisse, dans le but d’attirer sur universités, une recherche de pointe, un droit du travail notre territoire des entreprises à forte création de valeurs, libéral, un système de formation duale qui a fait ses et donc de créer des places de travail et de générer des preuves, etc. Les PME sont les premières à en bénéficier. recettes fiscales. Une récente étude du SECO montre Et, faute de ressources, elles ne songent généralement que la promotion de la place économique n’a quasiment pas à délocaliser leur production. pas d’impact sur l’immigration : entre 2 et 4 %, regrou- pement familial compris. Cela dit, S-GE encourage les PME à diversifier leurs engagements sur plusieurs marchés d’exportation afin de COMMENT EST CONSTITUÉ LE RÉSEAU DE S¤GE À rééquilibrer les conditions monétaires et conjoncturelles. L’ÉTRANGER–? QUEL EST AUJOURD’HUI LE RÔLE Ce n’est certes pas facile pour elles, mais les entreprises DES AMBASSADES DE SUISSE EN MATIÈRE DE ne veulent pas baisser les bras face au franc fort. Elles PROMOTION ÉCONOMIQUE––? sont toujours plus nombreuses à faire appel à nos ser- vices depuis janvier. Nos mandats de conseil ont bondi Les relais de S-GE à l’étranger sont appelés Swiss de 15 % par rapport à la même époque l’an dernier. Business Hub. Ils emploient des collaborateurs locaux et sont implantés dans une ambassade ou un consulat de

La Lettre de Penthes - No 26 | 9 MARCELLO Adèle d’Affry (1836-1879), duchesse de Castiglione Colonna Une femme artiste entre cour et bohème

DOMAINE DE DÉCOUVERTES CULTURE | GASTRONOMIE | NATURE

WWW.PENTHES.CH

du 9 mars au 4 juin 2016 ARTICLES | Beat Knoblauch, un Suisse au Pays

Entretien par Camille Verdier des Kangourous

MONSIEUR KNOBLAUCH, NOUS VOUS VOYONS CHAQUE ANNÉE AU CONGRÈS DE L’OSE §ORGANI¤ SATION DES SUISSES DE L’ÉTRANGER¨, TRÈS FI ¤ DÈLE, ET POURTANT SYDNEY EST SANS DOUTE L’UNE DES VILLES LES PLUS ÉLOIGNÉES DE SUISSE. VOUS Y AVEZ VOTRE SOCIÉTÉ, VOUS ÉTIEZ PRÉSI¤ DENT DE LA SWISS AUTRALIAN CHAMBER OF COM¤ MERCE AND INDUSTRY §DÉSORMAIS SWISSCHAM¨ ET VOUS ÊTES UN COLLECTIONNEUR AVISÉ D’ART CONTEMPORAIN ABORIGÈNE. COMMENT EXPLI ¤ QUER UN TEL PARCOURS––? POUR QUELLE RAISON VOUS ÊTES¤VOUS INSTALLÉ AUX ANTIPODES––?

Si je devais donner une seule raison, je dirais mon épouse. Mais mon parcours est plus compliqué sans doute. Je dois avouer que j’ai passé ma jeunesse comme un Suisse de l’étranger. Je suis né en 1939 à Zurich, mais mes parents étaient déjà établis à Alexandrie, en Egypte. Je n’ai retrouvé la Suisse qu’en 1953 pour y faire mon lycée à Interlaken, puis mon université à Berne. Travaillant à Hong Kong pour une compagnie suisse, j’ai alors croisé la route de la femme devenue mon épouse. Elle est Australienne et travaillait pour une compagnie aérienne. La société suisse pour laquelle je travaillais ensuite à Téhéran m’envoya après ce mandat en Australie, mon mariage facilitant l’obtention d’un visa. Finalement, je me suis installé à Sydney pas seu- compte très vite des opportunités d’être à Sydney et de lement pour mon épouse, mais aussi grâce à elle ! C’était faire le lien entre les entreprises de la région Pacifique et les en 1976. Quarante ans déjà ! sociétés européennes. Ces dernières me font confiance pour les aider à investir en Australie, en Nouvelle- ET PEU APRÈS VOUS AVEZ CRÉÉ VOTRE ENTREPRISE Zélande et en Nouvelle-Calédonie, puis quand le mar- LÀ¤BAS. COMMENT ET POURQUOI––? ché s’est ouvert, en Asie, notamment en Chine et en Asie du Sud-Est. Je dois avouer que la maîtrise de l’alle- Oui, dès 1976 j’ai ouvert mon bureau de consultants mand, du français, de l’italien et de l’anglais m’ont financiers sous le nom de Beat Knoblauch & Associates beaucoup aidé, autant que l’idée qu’un Suisse maîtrise (http://www.knoblauch.com.au). Je me suis rendu son affaire. Par ailleurs, je rentre souvent en Suisse pour

La Lettre de Penthes - No 26 | 11 | ARTICLES

voir personnellement mes clients, discuter avec eux AUSTRALIENNE, ET PLUS EXACTEMENT ABORI ¤ face à face, souvent en suisse-allemand. Cela permet GÈNE, AUX SUISSES. POURRIEZ¤VOUS NOUS PAR¤ de garder avec eux un lien proche et de confiance. Et LER DE VOTRE INTÉRÊT ET DE VOTRE COLLECTION––? comme mon entreprise est petite, malgré la zone géographique qu’elle couvre, je peux m’ajuster aux Ma première vraie collection a sans doute été celle demandes particulières des clients. des vues topographiques et historiques de la ville de Sydney que j’ai recherchées pendant vingt ans. Elle a LA QUALITÉ SUISSE EN MOUVEMENT EN SOMME––? été publiée et exposée à plusieurs occasions. On me demandait alors pourquoi je m’intéressais à ça alors On pourrait se permettre de le dire. Et mes clients que j’étais Suisse. J’avais beau leur donner comme me recommandent à d’autres et reconnaissent mon côté raison que j’habitais ici, ils ne saisissaient pas. J’ai suisse. « Il est Suisse, ça va aller », disent-ils. enfin expliqué qu’en Suisse, chacun a des estampes, des vues de la Suisse chez lui. Alors ça devient culturel NOUS AVONS EU NOTRE RENCONTRE DES CLUBS et ils ont compris. SUISSES RÉCEMMENT ET NOUS SAVONS QUE VOUS ÊTES INVESTI DANS LA CULTURE. VOUS Et j’ai également fait partie de l’Association des NOUS AVIEZ MIS AU COURANT DE L’EXISTENCE DE monuments historiques d’Australie. En plus je me suis VIGNOBLES SUISSES EN NOUVELLE¤GALLES¤DU¤ passionné pour un art qui, il y a trente ans, n’était pas SUD, À VICTORIA, EN TASMANIE ET AILLEURS. MAIS autant répandu : l’art contemporain aborigène. Je PLUS QUE PROMOUVOIR LA CULTURE SUISSE EN m’intéresse en particulier aux artistes contemporains AUSTRALIE, VOUS FAITES CONNAÎTRE LA CULTURE des dernières trente années. J’admire l’utilisation des

12 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

couleurs naturelles comme l’ocre, le jaune, le brun et le ET FINALEMENT, LÀ, À GENÈVE ET DURANT LE blanc que l’on retrouve sur ces œuvres. Les toiles sou- CONGRÈS DE L’OSE, VOUS SENTEZ¤VOUS TOU ¤ vent dépeignent la terre ancestrale, vue d’une perspec- JOURS AUSSI SUISSE––? tive « d’en haut ». Les toiles représentent fréquemment les sentiments et l’attachement de l’artiste avec la terre. Bonne question que l’on se pose au congrès de l’OSE. L’être humain apparaît alors essentiellement dans les Vous savez, j’ai les deux passeports, australien et suisse. sculptures, et souvent dans une démarche commémo- Mais au final, et je ne l’ai pas inventé, je suis 100 % rative. C’est un art qui remonte probablement à Suisse… et 100 % Australien. Mes parents étaient 40 000 ans, plus ancien que les peintures de Lascaux. Suisses de l’étranger, mais on passait les vacances en Suisse, j’y ai fait mes études, mon service militaire. Et VOUS AVEZ PU MONTRER QUELQUES PIÈCES DE si j’aime beaucoup revenir en Suisse, je crois bien que VOTRE COLLECTION EN SUISSE, N’EST¤CE PAS––? ma place est maintenant faite à l’autre bout du monde. Et mes clients demandent à ce que je sois là-bas ! Alors Tout à fait. En 2014 au Museo delle Culture de Lugano. je reste fidèle au poste, comme lorsque je viens au Une centaine d’œuvres, de cet art qui reste peu connu Congrès de l’OSE. Et ainsi, je peux vous assurer de vous en Suisse et en Europe, ont été exposées durant six voir l’an prochain. mois. Mon frère Andreas, qui vit en Suisse, a également exposé quelques toiles de sa propre collection. Et je dois remercier mes clients établis à Lugano, qui m’ont aidé à rendre possible cette exposition grâce à leurs propres contacts. C’est finalement encore une histoire de ren- contre, de réseau et d’opportunités.

La Lettre de Penthes - No 26 | 13 | ARTICLES Un nouveau commandant pour la Garde suisse pontificale

En février 2015, le Lucernois Christoph Graf devenait le 35e commandant de la Garde suisse pontificale. Avec près de trente ans de service sous trois souverains pontifes, il Entretien par Stéphane Sapin répond à quelques-unes de nos questions.

COMMENT ÉVOLUE ACTUELLEMENT LE RÔLE DE LA GARDE––?

La Garde suisse pontificale protège le successeur de Pierre depuis plus de 500 ans. C’est donc un corps de longue tradition, et le défi consiste à maintenir ce qu’il y a de bon dans cette tradition sans rester cependant figé, mais au contraire en ayant suffisamment de flexi- bilité pour répondre aux nécessités actuelles, notam- ment en matière sécuritaire. Nous devons aussi trans- mettre quelque chose du message de François. Cela se traduit par une attitude accueillante et l’attention portée aux plus faibles.

RÉUSSISSEZ¤VOUS TOUJOURS À RECRUTER DE JEUNES SUISSES POUR LA GARDE––?

Malgré le contexte actuel fortement sécularisé, je constate avec bonheur que de jeunes Suisses sont encore prêts à donner au moins deux ans de leur vie pour servir le Pape. Bien sûr il n’est pas facile de trouver des candidats qui répondent à tous les critères et l’indivi- dualisme ambiant n’aide pas, mais je crois que le mes- sage porté par l’Eglise et le pape constitue justement une réponse pertinente pour beaucoup de jeunes.

L’ATMOSPHÈRE AU VATICAN A¤T¤ELLE ÉVOLUÉ DEPUIS L’ARRIVÉE DU PAPE FRANÇOIS––?

Issu d’un contexte socioculturel assez différent de celui de ses prédécesseurs, François force l’Eglise et donc le Vatican à repenser certaines manières de faire

14 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

héritées d’une époque aujourd’hui révolue et qui, dans ET DEUX AUTRES PETITES QUESTIONS D’UN ANCIEN certains cas, vont à l’encontre du message évangélique. GARDE. Il invite chacun à plus de simplicité et de cohérence, et cela se ressent aussi et avant tout dans son propre Etat. QUELLES DIFFICULTÉS IMPLIQUENT LA SURVEIL¤ LANCE DU SAINT¤PÈRE À L’EXTÉRIEUR DE L’EN ¤ QUELLE EST L’IMAGE DE LA SUISSE DANS VOTRE CEINTE DU VATICAN––? PAYS DE RÉSIDENCE––? Pour nous cela a impliqué quelques ajustements de Nous gardons un lien très fort et concret avec la notre dispositif, mais nous pouvons nous prévaloir Suisse au travers des nombreux compatriotes qui d’une bonne collaboration avec les forces de sécurité viennent nous rendre visite à Rome ainsi qu’aux italiennes et dans l’ensemble tout se passe sans trop de vacances que les gardes passent auprès de leur famille. difficultés. Il est évident que les risques augmentent D’autre part, l’éloignement nous fait prendre en dehors du périmètre familier du Vatican, mais conscience du privilège que constitue le fait d’être le Saint-Père en est conscient et cela fait partie de sa Suisse et de l’image de sérieux, de précision, mais aussi volonté de contact avec le monde. d’ouverture dont jouit notre pays d’origine. EST¤CE QUE LES RISQUES D’ATTENTATS TERRO ¤ COMMENT VOYEZ¤VOUS VOTRE RÔLE PERSONNEL RISTES NE PÈSENT PAS COMME UNE ÉPÉE DE EN TANT QUE ª–SUISSE DE L’ÉTRANGER–«–? DAMOCLÈS SUR L’AVENIR DE LA GARDE––?

Il me semble important de transmettre les valeurs que La situation internationale particulièrement tendue j’ai citées plus haut, de représenter la Suisse telle qu’elle nous force à nous repenser sans cesse afin de nous est : un pays certes petit, mais aux qualités éprouvées montrer dignes de la confiance dont nous jouissons. et appréciées bien au-delà des frontières nationales. Notre force repose sur notre formation et notre moti- vation. Chaque garde jure de sacrifier sa vie, si néces- saire, pour la défense du Saint-Père.

La Lettre de Penthes - No 26 | 15 Equipements et mobiliers scolaires Galmar, leader dans l’équipement des classes Il s’adapte parfaitement aux standards sco- interactives, continue à faire évoluer son offre laires mais également aux besoins croissants en intégrant des écrans tactiles dans ses so- des entreprises et institutions en matière de lutions pédagogiques pour l’éducation et les communication et de formation interne. salles de conférences. L’écran S-Touch augmente l’attention des par- ticipants en présentant une image lumineuse et L’écran S-Touch, dernière génération d’écran d’une très haute résolution. Les annotations et LED tactile multi-Touch de 84 pouces dispose remarques sont faites sur l’écran à l’aide d’un d’une résolution 4K et d’un stylet électronique stylet actif ou directement avec vos doigts. de précision. Testez-le sans plus attendre !

Partenaire des Organisations Internationales

GALMAR SA Chemin de la Chatanerie 5 - 1023 Crissier - www.galmar.ch Tél. 021 635 39 09 - Fax 021 635 39 08 - [email protected] ARTICLES | Raymond Charles Pyramus de Candolle (1864-1935)

Raymond Charles Pyramus de Candolle, l’arrière-petit-fils du célèbre savant Augustin Pyrame de Candolle, est né le 24 août 1864 à Walton-on-Thames, dans le Surrey, sur la rive droite de la Tamise. Cet enfant de Genève possédait le passeport britannique, car son père, Casimir Anne Pyramus de Candolle, avait élu domicile en Angleterre. Une partie de la famille de sa mère, Anna Marcet, propriétaire du Par 1 Christophe Vuilleumier domaine de Malagny, était d’ailleurs établie à Londres .

aymond de Candolle et ses trois frères allaient Il restera un temps dans les Balkans avant d’être donc tous naître à l’ombre de l’Union Jack. De muté plus loin dans l’est, auprès de l’Ataman Aleksei Rla fratrie, Augustin Richard Emile de Candolle Kaledine, général des armées blanches. Raymond de fut sans doute le représentant le plus connu puisqu’il Candolle, qui devait brièvement faire office de consul, fut consul de Grande-Bretagne à Genève de 1912 à représentera ainsi la couronne britannique à Rostov, 1920, et un éminent scientifique2. situé à 170 kilomètres de Novocherkassk, centre poli- tique où Kaledine avait son quartier général7 et son Devenu ingénieur, spécialisé dans la construction Armée des volontaires. ferroviaire, Raymond de Candolle occupera, à l’aube du nouveau siècle, le poste de directeur général des Son affectation auprès des forces luttant contre les chemins de fer argentins dont une partie du réseau révolutionnaires bolcheviques était d’autant plus im- avait été construit par des capitaux anglais3. portante qu’après la révolution russe d’octobre 1917, les Cosaques avaient proclamé leur indépendance le 18 En 1914, la guerre éclate. Raymond de Candolle est janvier 1918, en créant la République populaire du âgé de cinquante ans. Décoré de l’Imperial Service Kouban, entraînant une profonde instabilité dans l’en- Medal en 1902 pour son travail en Amérique du Sud4, semble de la région8. Cette affirmation nationaliste il incorpore l’armée britannique avec le grade de briga- intervenait dans le cadre de la convention franco- dier général. Ses compétences d’ingénieur autant que sa anglaise du 23 décembre 1917 qui avait divisé le sud de connaissance du français l’amènent rapidement à être la Russie en sphères d’influences anglaises et françaises, nommé officier de liaison auprès du général français le territoire cosaque relevant de la zone britannique. Le Berthelot dirigeant alors le corps d’armée français en but recherché par les alliés était non seulement de barrer Roumanie5. La mission prioritaire de l’officier genevois l’avancée allemande dont les troupes n’étaient plus très était de conserver le réseau ferroviaire roumain opéra- éloignées de Rostov, mais également d’occuper les ports tionnel afin de garantir le transport de troupes alliées6. russes afin d’assurer les approvisionnements militaires

La Lettre de Penthes - No 26 | 17 | ARTICLES

Fuite des habitants de Smyrne, 1922 18 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES | destinés originellement aux armées du tsar, et convoités câblera les informations provenant de Petrograd aux par de nombreuses factions. Raymond de Candolle officiers de renseignement britanniques, tout en tenant recevra d’ailleurs, le 31 décembre 1917, le diplomate informé William Robert Robertson (1860-1933), le chef américain DeWitt en visite à Novocherkassk, venu d’état-major général de l’Empire britannique12 de l’évo- s’assurer de la situation militaire et politique à la veille lution de la situation militaire dans la région du Don. de la naissance du nouvel Etat9. Considérés comme combattants par les bolche- Les services de renseignement britannique allaient viques, les membres de la mission britannique dirigée en outre mettre en œuvre les plans du War Cabinet en par de Candolle devront toutefois abandonner rapide- se servant du banquier russe Jaroszynski à Petrograd ment Rostov et se replier, en pleine débâcle de l’Armée pour noyauter des banques russes instrumentalisées des volontaires, sur la mer Noire dont les eaux restaient par l’Allemagne, ainsi que pour financer les forces anti- sous le contrôle des flottes de guerre occidentales, bolcheviques. Une banque cosaque sera notamment lorsque les forces de l’armée rouge occupent la ville à créée à Rostov, dans le but d’écouler de nouvelles cou- partir du 23 février 191813. L’aide tactique anglaise et la pures de dix roubles fabriquées par le gouvernement création de la Slavo-British Aviation Corps (S.B.A.C.) autonome cosaque10. ne permettront pas de rétablir la situation. De nom- breux soldats anglais perdront d’ailleurs la vie dans La situation politique et militaire dans l’ensemble de cette retraite. Plusieurs pilotes britanniques seront la région à ce moment-là était ainsi spécialement explo- crucifiés par l’armée rouge au cours de ces opérations, sive donnant à la mission de Raymond de Candolle une mesure plus destinée à intimider les volontaires de une dimension particulièrement stratégique. Rostov- Kaledine que les militaires anglais14. sur-le-Don, au centre des grands axes du sud de la Russie, changera de mains à six reprises entre 1917 et Comment Raymond de Candolle terminera-t-il les 192011. Au bord de la mer d’Azov, perdu aux confins de derniers mois de guerre ? Les sources restent silencieuses. mondes aussi exotiques qu’hostiles, l’arrière-petit-fils Il est probable qu’il regagna l’Europe, car son père meurt d’Augustin Pyrame de Candolle dans son luxueux en 1918 et sa mère ne lui survivra que d’une année. On wagon personnel d’un train de guerre britannique et retrouve sa trace à Smyrne, le « Petit Paris » turc, occupé par témoin des événements dramatiques alors en cours, l’armée grecque depuis le 15 mai 1919, peu après la guerre.

Port de Smyrne, 1919 La Lettre de Penthes - No 26 | 19 DOMAINE DE DÉCOUVERTES PUBCULTURE | GASTRONOMIE | NATURE

WWW.PENTHES.CH www.theoreme.ch www.theoreme.ch

“ La cuisine est un art, la restauration celui de le partager ”

Ouvert tous les jours de 9h à 17h ainsi que le mercredi, Sandro Haroutunian jeudi et vendredi soir. Domaine de Penthes - Chemin de l’Impératrice 18 - 1292 Pregny-Chambésy ARTICLES |

Marié depuis 1920 à une Américaine, Beatrix Chapman (1870-1942)15, il se remit à travailler comme ingénieur ferroviaire pour le compte d’investisseurs anglais, accom- pagnant son épouse dans sa chasse aux antiquités.

Il n’allait pas tarder à diriger le Smyrna-Aydin Railway, mais la guerre devait à nouveau le rattraper. En septembre 1922, Smyrne s’écroulait sous les coups des forces d’Atatürk. Depuis l’un des navires occidentaux mouillant dans la rade, Raymond de Candolle assistera le 9 septembre à l’invasion brutale de la cité, aux exac- tions des soudards sur les habitants dont certains cher- cheront refuge sans succès auprès des bateaux européens, et à l’incendie qui éclate dans le quartier arménien le Arrivée des Grecs à Smyrne, 1919 13 septembre et qui ravage rapidement l’entier de la ville durant près d’une semaine16. Son épouse Béatrix quittera la Turquie pour Malte le 19 septembre à bord Rostov, 1917 du King George V, Raymond demeurant, quant à lui, encore quelque temps à Smyrne en cherchant à négo- cier un accord sur sa ligne de chemin de fer avec le général Nureddin Ìbrahim Pas‚a16.

Revenu en Europe, le couple de Candolle alternera ses séjours entre l’Angleterre et Genève. En 1923, Béatrix De Candolle donna au Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) sa collection d’antiquités17.

Raymond de Candolle, après avoir été le témoin de l’effondrement de deux villes et vécu une vie d’aven- tures, décédera le 25 janvier 1935, à l’âge de 71 ans, à l’Almonds Hotel, dans le comté de Londres18.

1 Mes remerciements vont à Guillaume de Candolle qui a bien voulu 11 Brian Murphy, Rostov in the Russian Civil War, 1917-1920: The Key entamer des recherches dans ses archives familiales pour cet article. to Victory (Cass Military Studies), Routledge, 2004. 2 « Candolle, Augustin de », Obituary, Actes de la Société Helvétique 12 The National Archives London, Cabinet Office - CAB 24/3184 GT, des Sciences Naturelles 101 (1920). Cabinet Minutes and Memoranda, « Colonel Jack (Moscow) to D.M.I., 3 « Major-General R. de Candolle », The Times (29 janvier 1935). 30 Dec 1917. De Candolle to C.I.G.S., 6 Jan 1918 », [WO 32/5668, NA]. Le chemin de fer de Buenos Aires atteint Tucuman avant 1880, 13 Les Bolcheviques devaient se maintenir dans la ville jusqu’à l’arrivée Mendoza, San Juan, Salta, Catamarca avant 1890, la Rioja avant 1900. des armées allemandes, le 8 mai 1918. 4 British Army WWI Medal Rolls Index Cards, 1914-1920 [database on-line]. 14 Lauri Kopisto, The British Intervention in South Russia,1918-1920, 5 Christophe Vuilleumier, « Il n’y a rien à dire sur l’histoire de la Suisse Academic Dissertation, Université d’Helsinki, avril 2011, p. 118. pendant la Première Guerre mondiale », Revue administrative, 396, 15 Il avait épousé l’Argentine Consuelo Porto Rey, lors de son séjour Paris (2013), pp. 566-574. sud-américain, mais son mariage n’avait guère duré puisque son épouse 6 Churchill Archive, London, CHAR 16-CHAR 16/33, « Official : War mourut en 1904 à l’âge de 24 ans. and Air: memoranda, notes, and other correspondence on Romania ». 16 A la suite de ces victoires, l’Angleterre allait signer un armistice et 7 « Major-Général R. de Candolle », The Times (29 janvier 1935). s’engager à quitter le pays. Le Traité de Lausanne, signé au Château 8 Cet Etat éphémère devait disparaître sous le raz-de-marée de l’armée d’Ouchy le 24 juillet 1923, allait faire perdre à la Grèce l'ensemble de rouge en 1920. ses gains territoriaux de 1920 au profit de la Turquie. 9 An American Diplomat in Bolshevik Russia, DeWitt Clinton Poole, (éd.) 17 Une collection qui compte près de mille d’objets, dont près de 900 Lorraine M. Lees et William S. Rodner, University of Wisconsin, figurines en terre cuite. Chantal Courtois, Les figurines de la collection 2015, p. 71. de Candolle, Musée d'art et d'histoire de Genève, salle grecque, 2012. 10 Mikhail Istomin, Catalog of Banknotes of the Civil War in Russia, 18 The London Gazette (19 mars 1935). Volume III, Southeastern region, Crimea, North Caucasus (1917-1920), Kharkov, 2009.

La Lettre de Penthes - No 26 | 21 | ARTICLES Alexius Baebler, famous internationally but not as a Swiss

Alexius Franziskus Baebler (1907-1981) lexius completed his studies at the Sorbonne in was born in Idria, now in Slovenia, as the Paris with a doctorate in international law. When son of a chemistry professor and business- Ain 1936 civil war broke out in , he volun- teered to defend the Spanish Republic, fought in several man. His grandfather Baltasar Baebler battles and was commissioned as a Spanish captain. (1855-1930), born in Matt, Glarus, joined the wave of Swiss emigration at the age of 19, In 1941 Alexius was among those courageous Slo-

By found his first job in Laibach/Ljubljana, venians who decided to resist the fascist aggressors Dr Anton Bebler settled and married in what was then who had until then been victorious and became the University first chief of staff of the Slovenian resistance organi- of Ljubljana Austro-Hungary. zation. At the end of the war he was promoted to the rank of Yugoslav Major General and on May 5, 1945 became a member of the first Slovenian government.

From 1945 till 1957 he served several times as Assis- tant, Deputy or Acting Foreign Minister of Yugoslavia. During the Cold War, he was well-known interna- tionally under a somewhat different name, Aleš Bebler, a brilliant diplomat. In 1949 he was appointed to serve as the first Yugoslav Permanent Representative at the Organisation of the United Nations in New York and became the first Slovenian to sit on the Security Council. To this day, Alexius Baebler remains the only Swiss citizen to have served on and chaired the UN Security Council.

In 1956-1957 he was the Yugoslav Ambassador to France. In 1958 he was elected to the Yugoslav Federal Assembly and until 1961 chaired its Foreign Affairs Committee. In 1962-1963 he went on to serve as Yugo- slav Ambassador to Indonesia and in 1963 was elected Alexius' grandparents (sitting) and father a Justice of the newly established Federal Constitu- (on the left) in Idria tional Court of Yugoslavia. In 1965 the government of

22 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

India appointed him to the three-member UN Arbi- tration Tribunal which settled a contentious part of the Indian-Pakistani border. His last official position was as a member for life of the consultative Council of Federation. In the last years of his life Alexius devoted most of his energy to the cause of fighting pollution and protecting pristine nature.

During all this time, neither the public in Yugoslavia nor the foreign officials he dealt with were aware that he also held Swiss citizenship. Although a Slovene patriot and a Yugoslav National Hero, Alexius never forgot his Swiss roots.

Alexius received the highest decorations of Yugoslavia, was honoured by France with a Grande Croix of the Legion d’Honneur and was given awards, decorations and medals by India, Ethiopia, the Holy See, Poland and At the United Nations office in New York Bulgaria. Alexius died in Ljubljana of a heart attack at the age of 74. There are today three statues erected in his honour in public places of three Slovenian munici- palities, while several squares, streets and one public school were named after him. With US President Lyndon Johnson in the White House

La Lettre de Penthes - No 26 | 23 | ARTICLES Peter Rindisbacher, peintre du Wild West

On cite le nom du Bernois Peter Rindisbacher souvent à côté de celui de ces autres peintres de la vie des Indiens américains que sont le Suisse Karl Bodmer (1809-1893) ou Par Bénédict de Tscharner l’Américain George Catlin (1796-1872).

24 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

Ouest américain, pays encore sauvage, avec ses prairies, ses forêts et ses déserts, sa population L’ indigène aussi et ses bisons, est le théâtre emblé- matique de l’aventure – récits authentiques, récits semi- authentiques, récits fictifs, mais avec un parfum d’authenticité, récits entièrement fantaisistes… (Les romans de l’écrivain allemand Karl May, père des héros que sont Winnetou et d’Old Shatterhand, sont à ranger plutôt dans ces dernières catégories.) Longtemps, l’écrit domine le genre, mais avant que le film ne prenne résolument le relais, le crayon et le pinceau ont En 1818, la famille Rindisbacher vend la petite ferme grandement contribué à donner une image fascinante familiale à Luchsmatt, près d’Eggiwil ; mais la nouvelle de cette aventure humaine. ferme que le père acquiert, le Brunnmattgut à Nieder- wichtrach, dans la vallée de l’Aar entre Berne et Thoune Peter Rindisdbacher, né à Eggiwil le 12 avril 1806, – une ferme plus grande, une maison plus confortable – est le fils d’un paysan et vétérinaire du Haut-Emmental. s’avère une charge trop importante au vu de la situation Fait plutôt rare, c’est un garçon qui, dès son plus jeune économique et, deux ans plus tard, la vente devient âge, ne cesse de dessiner, spontanément. A l’âge de incontournable. L’émigration offre une issue aux diffi- douze ans, il accompagne le peintre paysagiste Jakob cultés que connaît la famille. Le voyage en Amérique Samuel Weibel (1771-1846) qui fait un ou deux voyages coûtera 157 livres ; la commune ne veut pas payer la dans les Alpes et au Tessin – les dictionnaires classent ce modeste aide à l’émigration qui est pourtant devenue dernier parmi les « petits-maîtres » bernois, avec Sigmund habituelle ici et là ; quelques dettes resteront impayées. Freudenberger, Gabriel Lory, Ludwig Aberli –, mais cette rencontre ne saurait être considérée comme une Les Rindisbacher répondent à l’incitation du capi- formation artistique ; le jeune Rindisbacher est essen- taine Rodolphe de May de Berne, un ancien officier du tiellement autodidacte et ses œuvres, quoique d’une régiment de Meuron. Après la dissolution de cette unité, qualité indéniable et d’un style original, garderont un suite à la guerre de 1812 contre les Etats-Unis, bon petit air d’art naïf. nombre de ses anciens soldats ont fait souche au Canada, y compris comme agriculteurs. A présent, de May agit Il est rare que l’on trouve des indications météorolo- au nom de la Hudson Bay Company (HBC), une société giques dans les manuels d’histoire suisse, mais l’époque privée fondée en 1670 et spécialisée dans le commerce immédiatement après la fin des guerres napoléoniennes de fourrures – ce sont surtout les peaux de castor qui fait exception : le climat en Europe se détériore drama- sont prisées –, mais aussi dans l’établissement de colons tiquement, les récoltes sont mauvaises, les marchés ne sur des terres cultivables. se sont pas encore remis de la guerre et du blocus conti- nental ; la pauvreté se répand en Suisse et pousse bon La destination des émigrés sera la colonie de Red nombre d’ouvriers, d’artisans et de paysans à l’émigra- River, située dans une région contrôlée par la HBC au tion. Les deux Amériques sont en tête des destinations ; sud du lac Winnipeg, région où bon nombre d’Ecossais, plus tard, il y aura d’autres vagues d’émigration. mais aussi des « Meurons », autrement dit des anciens

La Lettre de Penthes - No 26 | 25 | ARTICLES

soldats du régiment de Meuron, se sont déjà établis ; York Factory, sur la côte ouest de la Hudson Bay, un aujourd’hui, elle fait partie de l’Etat canadien du Ma- centre de traite de fourrures, autrement dit, la porte vers nitoba. Les Suisses et les Allemands du Sud que de l’intérieur du pays. Ici, Peter peut dessiner ses premiers May réussit à enrôler se rassemblent à Kaiseraugst près Indiens, une famille de Cree. de Bâle au printemps 1821. Après la descente du Rhin, c’est au port de Dordrecht, dans les Pays-Bas, qu’ils Après quelques jours de repos, les immigrants sont montent à bord du Lord Wellington, un voilier sous placés par des guides, appelés « voyageurs », dans de pavillon britannique qui appartient à la HBC. Quant petites embarcations pour remonter les voies d’eau, le au capitaine de May, qui a organisé le tout jusqu’ici, il Hayes River, puis le Hill River, qui les mèneront prend congé et restera en Europe. jusqu’au lac Winnipeg, au sud-ouest. Ils ont dû laisser une part importante de leurs bagages à York Factory Le voyage – dur pour ces passagers qui n’en ont pas dans l’espoir de les récupérer ultérieurement. En route, l’habitude – conduit les émigrants vers les eaux situées une modeste voile les aide à avancer parfois, surtout entre le Groenland et le Labrador où les trois bateaux pour traverser les nombreux lacs ; mais, essentiellement, qui sont en route vers la Hudson Bay sont rejoints par les passagers sont tenus de ramer eux-mêmes, à ceux de l’amiral William Edward Perry, à la recherche contre-courant, parfois même de tirer les bateaux le du passage du Nord-Ouest par les mers glacées de l’Arc- long des berges, voire de les porter pour contourner des tique. C’est là que Peter peut dessiner ses premiers indi- rapides – les fameux « portages ». Peter fait de nombreux gènes américains, des Inuit qui abordent les navires croquis de ce pénible trajet ; il dessine également les venant d’Europe pour faire un peu de troc ; les vestes de animaux sauvages qu’il peut observer en route. Il faut fourrure bien chaudes sont particulièrement prisées par absolument arriver à un village avant le début de l’hiver. les passagers. Finalement, après 79 jours de traversée, Déjà, certains passagers, notamment de petits enfants, les immigrants mettent pied à terre au petit port de ne survivent pas à cette épreuve.

26 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

Les bateaux atteignent le grand lac vers la mi- Qu’en est-il au juste de cette colonie du Red River ? octobre ; la première station de la HBC, Norway House, En 1811, lord Thomas Douglas, comte (5e Earl) de ne peut pas les accueillir ; le voyage se prolonge de Selkirk (1771-1820), un noble philanthrope écossais, deux semaines : le froid, les tempêtes, la faim… Du obtient de la Hudson Bay Company, dont il est d’ail- nord au sud, ce lac est long de 400 kilomètres, les rives leurs un important actionnaire, une vaste concession de sont de vastes marécages. Début novembre, les bateaux 300 000 kilomètres carrés faisant partie du bassin ver- et leurs passagers – ils sont environ 160 – arrivent enfin sant de la grande baie. A cette époque, l’introduction à l’embouchure du Red River, à la pointe sud du lac. Les de l’élevage d’ovins en Ecosse laisse beaucoup de petits Indiens de la tribu des Ojibwa sont prêts à leur vendre paysans des Highlands sans revenus ; l’émigration reste un peu de nourriture : du poisson séché, du riz sauvage ; la seule issue pour beaucoup d’entre eux et la promesse la viande de bison se fait rare depuis que la région est de terres gratuites faite par Selkirk s’avère irrésistible. devenue terre agricole. En remontant la rivière, le Les premiers Ecossais vivent à Red River à partir de centre de la colonie, Fort Douglas, est vite atteint. 1812, les premiers Meurons à partir de 1817. Et voici L’accueil n’y est pas vraiment chaleureux, car là encore, donc que des Suisses s’y ajoutent. Il faut préciser que le les provisions ne sont pas abondantes. La région a père Rindisbacher, en tant qu’agriculteur, est relative- souffert d’invasions de sauterelles. Néanmoins, la fa- ment bien préparé pour affronter cette vie nouvelle ; mille Rindisbacher trouve un toit provisoire chez d’an- d’autres Suisses, artisans de tous genres, ne trouvent pas ciens « Meurons », des Alsaciens, et Peter aura rapidement facilement de quoi vivre ou faire vivre leur famille. décroché un petit boulot comme assistant au magasin du Fort ; il peut y apprendre l’anglais, reprendre ses dessins – et observer les tricheries du tenancier.

La Lettre de Penthes - No 26 | 27 | ARTICLES

La HBC se trouve en vive concurrence avec la North- colonie connaît de fréquentes périodes de famine. Et puis, West Company, la NWC. Ces deux puissances privées des Indiens Sioux et Dakota, et parfois même les Ojibwa, se livrent de véritables batailles, chacune étant alliée à pourtant alliés des colons, menacent les Européens. diverses tribus indigènes qui leur fournissent les four- Certains des nouveaux arrivants repartent rapidement en rures ! Comme l’indique son nom, la NWC travaille direction des Etats-Unis, et ce malgré les dangers d’un tel plutôt dans l’arrière-pays de l’Ouest ; la concession de déplacement ; les Rindisbacher, satisfaits de leurs pre- lord Selkirk coupe ce territoire de Montréal sur le mières récoltes, restent pour l’instant : en bons Bernois, Saint-Laurent, ville où la NWC a pourtant sa base. En ils ne prennent pas de décision dans la précipitation. 1818, un traité, négocié par Albert Gallatin, originaire de Genève, ancien secrétaire au Trésor, et à ce moment-là Et puis, le nouveau gouverneur offre à Peter le poste ambassadeur américain à Londres, attribue la partie – non rémunéré, mais fort honorable – de peintre officiel méridionale de la région du Red River, au sud du 49e de la colonie ! Le garçon, qui a seize ans, travaille comme parallèle, aux Etats-Unis. En 1821, les deux compa- un obsédé, en partie en copiant et en améliorant les gnies rivales fusionnent sur ordre du gouvernement esquisses qu’il a faites en route. Des colons passent des britannique ; leurs territoires feront officiellement ordres ; des dessins et aquarelles partent pour l’Europe partie du Canada à partir de 1870. comme illustrations de leurs lettres. Certains seront copiés en gravures et vendus en Europe. L’artiste en Le Red River se trouve dans la partie du Manitoba qui herbe gagne même quelques sous. Le sujet qui le pas- est couverte de prairies ; aujourd’hui, de vastes champs sionne le plus, ce sont les Indiens. Avec deux métis, il de blé caractérisent la région. C’est dire que, même si la vit avec les Ojibwa pendant plusieurs semaines et parti- saison estivale de croissance est brève, il s’agit d’une cipe à de dramatiques chasses aux bisons. C’est ainsi bonne terre agricole. En 1822 pourtant, il ne paraît que naissent des témoignages ethnographiques de guère facile de développer ce potentiel. En tous cas, la grande valeur.

28 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

L’hiver 1825/26 apporte des précipitations en sur- soit devenu un artiste célèbre. Parmi les visiteurs, en abondance ; au printemps, quand la neige fond à partir 1833, on note le peintre suisse Karl Bodmer, en voyage du sud, une crue exceptionnelle du Red River emporte à travers les Etats-Unis en compagnie du prince Maxi- à la fois les fermettes sur les rives de la rivière et la terre milian Alexander Philipp zu Wied-Neuwied, un ethno- que les colons ont cultivée depuis leur arrivée. (Les logue, naturaliste et collectionneur allemand. Etats de Winnipeg, du Minnesota et du Dakota du Nord connaîtront bien d’autres inondations dans le On en sait beaucoup sur la vie du jeune Bernois, plat bassin du Red River ; ainsi celle de 1997 a été mais pas tout. Son décès, le 12 ou le 13 août 1834, ne appelée « la crue du siècle » !) C’en est trop ; fin juin, trouve pas d’explication ; certains évoquent le choléra qui plus de 200 Suisses, Ecossais, Meurons et quelques aurait sévi à l’époque. La plus importante collection de métis quittent les lieux, en direction du sud, formant ses œuvres est celle qu’un officier américain du nom de un long cortège avec leurs chariots primitifs, lourde- Major Hughes a constituée et qui se trouve à l’Académie ment chargés. Malgré des rencontres critiques avec les militaire de West Point (New York) ; d’autres sont Dakota, la caravane traverse l’immense prairie, sans conservées dans les Archives du Canada à Ottawa et chemins ni pistes, qui s’étend de part et d’autre du au remarquable Musée Gilcrease à Tulsa (Oklahoma). haut Red River avec ses innombrables boucles pour arriver finalement, au bout d’un voyage de quelque 700 kilomètres, dans le bassin versant du Mississippi, qui fait à présent partie des Etats-Unis. Ils s’arrêtent à BIBLIOGRAPHIE–: Fort Saint-Anthony (plus tard appelé Fort Snelling, aujourd’hui dans la métropole de Minneapolis- E.H. BOVAY Saint-Paul). A partir de ce point, la famille bernoise Le Canada et les Suisses, 1604-1974 finit son périple en empruntant un bateau à vapeur Editions universitaires, Fribourg, 1976 sur le Mississippi jusqu’au Fever River (près de la ville GUY DE MEURON actuelle de Dubuque) où les trois hommes de la famille Le Régiment de Meuron, 1781-1816 travailleront quelque temps dans une fonderie de Editions d’En Bas, 1982 plomb avant de gagner un endroit du nom de Gratiot’s Grove, un peu plus à l’est, proche de la frontière du FRED LINDEGGER Wisconsin avec l’Illinois, où une nouvelle ferme Bruder des roten Mannes Rindisbacher verra le jour. Das abenteuerliche Leben und einmalige Werk des Indianermalers Peter Rindisbacher (1806-1834) Deux ans plus tard, Peter, âgé de vingt-trois ans, quitte Aare Verlag, Solothurn, 1983 ses parents pour se rendre à Saint-Louis. Cette ville sur le OTTO LÜTHI, JOSEF BUNTSCHU Ol’Man River est alors le principal lieu de passage et de Peter Rindisbacher. 1806-1834. Indianermaler contact entre le monde dit civilisé de l’Est et l’Ouest sau- Museum Schloss Münsingen, 2007 vage. Une admiratrice, Mrs Sarah Beebe, aide le jeune artiste suisse à s’y installer ; mais rapidement, celui-ci est ANTOINE DE COURTEN attiré par la nouvelle d’une négociation qui doit avoir lieu The Swiss Emigration to the Red River Settle- entre les autorités américaines et des tribus d’Indiens à ment in 1821 and its Subsequent Exodus to the Prairie-du-Chien, en amont sur le Mississippi – encore une United States occasion pour dessiner des Indiens ! Puis, le Suisse ouvre Illustrations : reproductions de dessins de Peter Rindisbacher un petit atelier à Saint-Louis. Les clients sont assez nom- Commandes : [email protected], Rolle VD, breux, sans que l’on puisse affirmer que Peter Rindisbacher 2014

La Lettre de Penthes - No 26 | 29 | ARTICLES Les Suisses de Franche-Comté d’hier à aujourd’hui

En 2015, un cinquième des Suisses immatriculés au sein de l’arrondisse- ment consulaire de Lyon1 résident dans l’un des quatre départements comtois (Territoire de Belfort, Haute-Saône, Doubs ou Jura), soit 21 500 personnes sur un total de 104 000. Parmi ces ressortissants helvètes se trouvent de nombreux binationaux, dont la famille est établie outre Jura Stéphane Kronenberger Spécialiste de l’immigration depuis parfois plus d’un siècle. L’histoire des migrations entre la Confé- suisse en France, dération et sa voisine comtoise s’inscrit, en effet, dans la longue durée, tout Post-doctorant à Aix Marseille Université en étant marquée du sceau de la diversité.

n remonte généralement au repeuplement de la Franche-Comté par les paysans fribour- Ogeois à la suite de la funeste guerre de Dix Ans (1634-1644), épisode local de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Mais il ne faut pas oublier les anabaptistes bernois invités à s’installer dans le Pays de Montbéliard par le prince Léopold-Eberhardt de Wurtemberg dès le début du XVIIIe siècle. Une autre migration agricole a également eu une vitalité et une longévité exceptionnelle, celle des fromagers helvètes, natifs principalement de la Gruyère et de l’Emmental, venus apporter leurs compétences et leur force de travail aux coopératives laitières (appelées fruitières) ou aux autres établissements des départements du Jura, du Doubs, et de la Haute-Saône.

L’apport de main-d’œuvre industrielle suisse à la Franche-Comté est indissociable de l’activité horlo- gère, anciennement implantée de part et d’autre de la montagne jurassienne, avec d’ailleurs une forte complé- mentarité entre les bassins industriels situés à l’extrême frontière. En pleine tourmente révolutionnaire, Besan- çon a aussi bénéficié de l’exil forcé du Genevois Laurent Mégevand et de ses compagnons, qui y ont implanté Un fromager suisse émigré l’horlogerie, permettant, par la suite, à la ville de devenir en Franche-Comté dans son la capitale française de la montre durant de nom- costume d’armailli. breuses décennies.

30 | La Lettre de Penthes - No 26 ARTICLES |

Chocolaterie Klaus possédant des usines au Locle (canton de Neuchâtel) et à Morteau (Doubs).

A la fin du XIXe siècle, des entreprises helvètes, appar- Par ailleurs sont implantés au cœur des villes et vil- tenant à des secteurs d’activité aussi divers que le textile lages de Franche-Comté des artisans et commerçants (bonneterie), la métallurgie, l’industrie agroalimen- helvètes, dont la présence est trop souvent passée sous taire (chocolat et alcool) ou la fabrication d’objets en silence. Pourtant de nombreux cafés et hôtels sont par bois courbé, choisissent la Franche-Comté pour y créer exemple tenus, dès le dernier tiers du XIXe siècle, par des succursales, et ainsi sécuriser leur accès au marché des natifs de la Confédération, sans oublier l’arrivée français. Ce débouché, vital pour leurs exportations, significative, dans le même temps, des maçons ou est, en effet, de plus en plus protégé par des barrières peintres tessinois. douanières. Parallèlement, des usines comtoises, comme Peugeot, Japy ou la Société alsacienne de constructions La part féminine de cette migration est enfin repré- mécaniques (ancêtre d’Alsthom), recrutent de la main- sentée par des actives, telles les bonnes ou préceptrices, au d’œuvre suisse. Du simple ouvrier-paysan venu de l’Ajoie service de riches familles comtoises, ainsi que les ouvrières toute proche, à l’ingénieur biennois ou zurichois, ils travaillant pour un faible gain dans les usines. En outre, les concourent tous au développement industriel d’une épouses, indiquées comme inactives sur les recensements région, qui, malgré les crises, est encore aujourd’hui de population successifs, aident en fait souvent au quo- fortement marquée par le secteur secondaire. tidien leurs maris, par exemple en tenant boutique.

1 Il regroupe les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Limousin, Bourgogne et Franche-Comté.

Un Tessinois à la tête d’une petite affaire artisanale en Haute-Saône.

La Lettre de Penthes - No 26 | 31 HÔTEL DRAK E LONGCHAMP & Résidence Genève

Confort, Calme, Rive Droite, Situation exceptionnelle près du lac

Partenaire des Organisations Internationales à Genève

Hôtel DRAKE LONGCHAMP

Rue Butini 7 - 1202 Genève - Rive droite Tél. 022 716 48 48 - Fax 022 738 00 07 Site: www.hdlge.ch - E-mail: [email protected]

Petit déjeuner - Parking - Lounge – Bar à vin Toutes les chambres sont équipées d’une petite cuisine.

RENTIMO S A IMMOBILIER - HÔTELS MANAGEMENT Genève

Location d’appartements, studios et villas meublés Rue Butini 7 - 1202 Genève - Tél. 022 731 53 40 - Fax 022 731 21 36 - E-mail: [email protected] HÔTEL SAGITTA & Résidence Genève

Confort, Calme, Rive Gauche, Situation exceptionnelle près du lac

Partenaire des Organisations Internationales à Genève Hôtel SAGITTA

Rue de la flèche 6 - 1207 Genève -Rive gauche Tél. 022 786 33 61 - Fax 022 849 81 10 Site: www.hotelsagitta.ch - E-mail: [email protected]

Hôtel entièrement climatisé - 42 studios - Chambres junior Suites et appartements - Petit déjeuner - Parking - Coiffeur Wifi gratuit & toutes les chambres sont équipées d’une petite cuisine

RENTIMO S A IMMOBILIER - HÔTELS MANAGEMENT Genève

Location d’appartements, studios et villas meublés Rue Butini 7 - 1202 Genève - Tél. 022 731 53 40 - Fax 022 731 21 36 - E-mail: [email protected] | REVUE LITTÉRAIRE Livres à lire

La Suisse romande La Suisse ailleurs

GEORGES ANDREY ¤ FRANÇOIS CHERIX ¤ Inauguration de la Maison suisse à Baradero, ALEXANDRE PAPAUX ¤ JEAN§PIERRE VILLARD Argentine, le 12 novembre 1899 La Suisse romande, quatre regards Préface de Joëlle KUNTZ BRIGITTE STUDER, CAROLINE ARNI, WALTER Editions Slatkine, Genève, 2015 LEIMGRUBER, JON MATHIEU, Laurent TISSOT (éditeurs) Combien d’habitants compte la Suisse romande en Die Schweiz anderswo. AuslandschweizerInnen 1900 et en 2000 ? – SchweizerInnen im Ausland La Suisse ailleurs. Les Suisses de l’étranger – Est-il vrai qu’en 1900 La Chaux-de-Fonds était presque Les Suisses à l‘étranger aussi peuplée que Lausanne ? Schweizerisches Jahrbuch für Wirtschafts- und Le nombre de cantons romands varie-t-il entre les deux Sozialgeschichte, Bd. 29, 29. Jahrg. / dates ? Annuaire suisse d’histoire économique et sociale, vol 29, 29e année (actes de la Journée annuelle 2013) Savez-vous qu’une association propose la création d’un Chronos Verlag, Zürich, 2015 grand canton de l’Arc jurassien ?

Connaissez-vous l’histoire du premier projet de fusion Parmi les auteurs–: de deux cantons de l’Arc lémanique ? Brigitte Studer (introduction), Leo Schelbert, Marco Schnyder, Mathieu Humbert, Georg Kreis Quels sont les scénarios régionaux pour demain ?

Selon vous, les cantons romands ont-ils une politique lus 732 000 citoyennes et citoyens suisses vivent linguistique ? Pactuellement à l’étranger, soit plus d’une personne sur dix titulaires du passeport helvétique. Les contri- Si oui, quelle est-elle ? butions rassemblées interrogent dans quelle mesure les Savez-vous combien de concordats romands sont en « Suisses de l’étranger » – désignés ainsi à partir du vigueur aujourd’hui, et dans quels domaines ? XXe siècle seulement – ont servi de relais pour le com- merce extérieur, ainsi que dans quelle mesure leurs e livre grand public que voici est inédit, car il ré- réseaux de communication ont contribué aux trans- Lpond à toutes ces questions et à bien d’autres. Les ferts culturels et favorisé des formes d’échange du sa- éclairages fournis par quatre auteurs spécialistes vous voir ou, à l’inverse, quels sont les apports des (anciens) permettront d’apprécier le dynamisme qui anime la Suisses de l’étranger dans les domaines de l’économie, Suisse romande, ainsi que son extraordinaire évolu- de la science, de la politique sociale et de la culture lors tion, gage d’un avenir prometteur. Bonne lecture ! de leur retour en Suisse.

34 | La Lettre de Penthes - No 26 REVUE LITTÉRAIRE |

Les contributions portent également sur la construction Dans ce livre-entretien, Tim Guldimann aborde les historique de la population en tant que nouvelle catégorie thèmes les plus controversés de la politique intérieure et politique. La question de savoir à travers quelles politiques extérieure suisse : le refus d’admettre que nous sommes et mesures l’autorité, les pouvoirs publics, l’Etat et l’ad- un pays d’immigration, le dilemme européen entre un ministration ont constitué et consolidé leur propre po- bilatéralisme discriminant et une adhésion pour l’ins- pulation et, suivant les cas, l’ont étendu au-delà des tant irréaliste, une politique étrangère entravée par le frontières (nationales) existantes concerne autant dogme de la neutralité, la démocratie directe et l’idéo- l’époque contemporaine que les périodes antérieures. logie de la souveraineté illimitée du peuple, le déclin du plurilinguisme par le mépris alémanique des langues nationales, etc. Citoyen engagé et homme de gauche, il Demain la Suisse revendique une totale liberté d’opinion et son apparte- nance à la mouvance sociale-libérale. TIM GULDIMANN, CHRISTOPH REICHMUTH, JOSÉ RIBEAUD Dialogue avec Tim Guldimann diplomate et citoyen L’Ours bleu Editions Alphil, Neuchâtel, 2015 ETIENNE DELESSERT endant un quart de siècle, Tim Guldimann est L’Ours bleu. Pintervenu dans des conflits à l’étranger en qualité Mémoires d’un créateur d’images de médiateur et d’ambassadeur. Au moment de quit- Editions Slatkine, Genève, 2015 ter la carrière diplomatique, il dresse un bilan sans complaisance de ses expériences et il analyse sans fard tienne Delessert est de ceux qui ont porté l’image les défis auxquels notre pays est confronté. Eau cœur des plus grands journaux et magazines mêlant l’intelligence et l’émotion, qui interroge notre Diplomate atypique, Tim Guldimann joua un rôle de époque avec ses ombres et sa lumière. négociateur pendant la guerre de Tchétchénie entre indé- pendantistes et prorusses. En Croatie, puis au Kosovo, Peintre, maître de la couleur, il sait changer d’hu- il assuma des mandats délicats pour le compte de l’OSCE meur, créer le portrait délicat des paysages qu’il aime, et de l’ONU. En 2014, au plus fort de la crise ukrai- mais aussi percer la surface des visages. Avec un sens nienne, il assista le conseiller fédéral Didier Burkhalter, aigu de la métaphore visuelle, celle qui traverse le temps président en exercice de l’OSCE, pour nouer le dia- tout en parlant d’aujourd’hui. logue entre le Kremlin et les autorités de Kiev. En poste pendant cinq ans à Téhéran, il fut chargé de la défense Auteur et illustrateur de plus de quatre-vingts livres lus des intérêts américains en Iran. Il est un observateur par des millions d’enfants, il a su capter leurs perceptions privilégié de la scène proche-orientale. Finalement, de instinctives, parfois sauvages. Raconter des histoires de 2010 à 2015, il a représenté la Suisse en Allemagne. rire, de larmes et de survie. Dessiner leurs rêves.

La Lettre de Penthes - No 26 | 35 | REVUE LITTÉRAIRE

En ces pages, Etienne Delessert déroule les fils d’une français et des Landsers prussiens, des trains de réfugiés vie aussi colorée et prenante que ses œuvres. Voici un sillonnant le pays en tous sens et des dragons montant demi- siècle de somptueux art graphique, de rencontres la garde aux frontières. amicales et de collaborations avec Jean Piaget, Eugène Ionesco, les Gallimard, les grands Américains comme Le colloque international, tenu du 10 au 12 sep- Herb Lubalin, les grands Français comme André François tembre 2014 au sein du château de Penthes à Genève, ou Alain Le Foll – et l’analyse sans concession des chan- en présence de nombreuses personnalités officielles, a gements profonds qui ont marqué l’édition et les médias. vu se succéder plusieurs dizaines de conférences sur des sujets parfois inédits et réunis dans cet ouvrage. Sont Voici enfin un homme, ses amours, ses colères, ses abordés ainsi la scission linguistique de la Suisse, la pro- drames et ses bonheurs de vivre, une présence euro- pagande des pays en guerre, le rôle de l’armée suisse, la péenne dans les rues de New York, trente ans de vie présence des révolutionnaires sur le territoire, l’action dans les collines de la Nouvelle-Angleterre, dans le du CICR bien évidemment et les blessés accueillis dans grand atelier entouré d’arbres centenaires, au cœur les cantons, mais également les Suisses engagés dans les d’une campagne visitée parfois par des ours que l’on armées étrangères, le rapatriement de 500 000 réfugiés aimerait toucher de la main. français de Bâle à Genève, ignorés des historiens jusqu’il y a peu de temps, les évolutions des partis politiques ou les plans suisses d’invasion de l’Italie du Nord. La Pre- La Suisse mière Guerre mondiale influencera le destin de la Suisse de manière durable et entraînera l’établissement et la grande guerre sur son territoire de la Société des Nations, dont l’Or- ganisation des Nations Unies prendra le relais en 1945. SOUS LA DIRECTION DE CHRISTOPHE VUILLEUMIER La Suisse et la guerre de 1914-1918 Société d'Histoire de la Suisse romande Histoire suisse – Editions de Penthes, Genève 2015 Mythes et réalités

e centenaire du déclenchement de la Première THOMAS MAISSEN LGuerre mondiale a été l’occasion pour la Suisse de Schweizer Heldengeschichten – und was revenir sur cette période qui, durant des décennies, n’a dahinter steckt guère suscité l’intérêt des chercheurs, jusqu’à ces Hier und Jetzt Verlag, Baden, 2e édition, 2015 dernières années. Peut-être fallait-il digérer l’épisode douloureux pour la fierté nationale de la publication, à ’auteur de ce remarquable essai historique a été la fin des années 90, des conclusions du « rapport Bergier » Lprofesseur d’histoire à l’Université de Heidelberg sur l’attitude de la Suisse pendant la Deu xième Guerre de 2004 à 2013 et occupe actuellement le poste de mondiale, avant d’aborder l’autre guerre, celle des poilus directeur de l’Institut historique allemand à Paris. Il est

36 | La Lettre de Penthes - No 26 REVUE LITTÉRAIRE |

l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire suisse, dont une Histoire de la NZZ (2005), une Histoire de la Trente-trois généraux Suisse (2010) et une Histoire suisse en images (2012). suisses…

Guillaume Tell, le Grütli, les batailles de Morgarten ALAIN PIGEARD et de Marignan, les « juges étrangers », la « neutralité Les Généraux suisses, de Napoléon Ier perpétuelle », le « Sonderfall »… les mythes nous ouvrent et de la Révolution française l’accès à l’histoire et expriment nos certitudes ou, du Préface d’Alain-Jacques TORNARE moins, notre soif de certitudes. En même temps, ils for- Editions Cabédita, Bière, 2015 ment un vaste champ pour des simplifications et des semi-vérités qui se prêtent (trop) facilement comme des a Suisse, à l’image de l’Allemagne, fut le pays qui armes dans les combats politiques de nos jours ; ou di- Ldonna le plus de généraux à la Révolution française sons-le plus directement : ils sont de plus en plus utilisés et à l’Empire de Napoléon Ier. S’ils furent trente-trois par l’ambitieuse frange nationale-conservatrice suisse à entrer au service de la grande nation voisine, jamais dans sa lutte pour des voix et des suffrages, donc dans une recension complète ne leur fut cependant pleine- sa quête du pouvoir ; il s’agit le plus souvent aussi d’un ment consacrée. C’est à cela que l’auteur s’est attelé à moyen pour combattre ou ridiculiser des tendances in- partir de sources historiques de première main puisées ternationalistes ou pro-européennes qu’ils soupçonnent entre autres aux Archives nationales de Vincennes ou d’être à l’œuvre un peu partout dans notre pays… encore à celles de la Légion d’honneur.

Or, le livre de Thomas Maissen ne constitue en rien Chaque général est présenté au sein d’une fiche par- une contre-attaque dans un duel polémique ; l’auteur ticulièrement complète comportant souvent des anec- essaie tout simplement d’expliquer, soigneusement et dotes, des informations inédites et leur autographe. sérieusement, ce qu’il en a été au juste, les circonstances et les détails historiques que nous avons tendance à Cet ouvrage est préfacé par Alain-Jacques Tornare, ignorer ou à oublier. Il fait là œuvre salutaire, car il est historien et écrivain, spécialiste de la Révolution et des à craindre que, laissé à ces seuls thuriféraires d’une Suisses au service de l’étranger. Suisse héroïque qui n’a jamais existé, le peuple se contente finalement d’une histoire rassurante, certes, P.S. Cette étude en forme d’un petit lexique biogra- mais aussi dangereuse dans son approche des réalités phique reprend les trois interventions d’Alain Pigeard, d’aujourd’hui. président du Souvenir napoléonien, en 2014, lors du col- loque organisé annuellement à Morges par cette association en collaboration avec les Editions Cabédita.

La Lettre de Penthes - No 26 | 37 Aquarelles de Daniel LANOUX - Textes de Anselm ZURFLUH Préface de Daniel BERNARD

NOUVEAU Suite au succès des coffrets luxe de bibliophilie : « J’aime la Suisse » ! Nous vous proposons la version livre, un ouvrage d’art et d’histoire : Histoire de la Suisse, Serment du Grütli en 4 langues, une carte de la Suisse, 26 cantons, 26 aquarelles, 26 histoires, 26 vignettes explicatives en 4 langues, + Bonus : Les Suisses dans le monde, 2 aquarelles, 2 pages d’histoire.

Editeurs

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES : • Format 297 x 240 mm à l’italienne • Impression 4 couleurs • Nombres de pages : 128 • Papier couché 170 g/m2 • Prix de vente : CHF 34,90.- Un ouvrage de plus sur la Suisse, allez-vous me dire ? Non ! Dans ce livre nous découvrons ou redécouvrons les 26 cantons et leurs capitales, leurs histoires, les femmes et les hommes qui ont façonné ce pays aux multiples facettes, les chiffres clés et tout cela agrémenté d’aquarelles représentant la diversité des paysages de cette Suisse que nous aimons tant ! Ce livre s’adresse à toutes et à tous. Nous vous souhaitons une bonne lecture et un bon voyage !

Extraits : Anecdote du canton d’Uri Vaud : L’export de fromage - seul produit laitier qui Les écrivains, Voltaire, Nabokov, Bergson, se conserve longuement et qui peut se vendre, Byron, Hemingway comme les compositeurs, comme chaque produit de qualité - au prix Stravinsky, Tchaïkovski, l’anarchiste français fort dans les capitales de l’Europe. Ainsi, à Elisée Reclus mais aussi les acteurs, Chaplin, Versailles, Louis XIV (Le Roi Soleil) attendait Hepburn, Ustinov, le chorégraphe Maurice son fromage spécialement fabriqué pour lui à Béjart ont vécu dans le canton de Vaud et, Urseren. pour un certain nombre d’entre eux, y sont même enterrés.

APPENZELL RHODES INTÉRIEURES APPENZELL RHODES EXTÉRIEURES SAINT-GALL ZOUG Lac THURGOVIE de Constance

SCHAFFHOUSE Frauenfeld Schaffhouse St-Gall Rhin ZÜRICH ARGOVIE GLARIS Herisau Appenzell

Aar

CAMPAGNE Lac Zürich de Bâle Lac Aarau de Walenstadt BÂLE-VILLE BÂLE- Zurich Liestal Lac de Hallwil Coire JURA Zoug Glaris Lac Lac de ZougZoug , peintre sculpteur aquarelliste, sillonne, de Schwytz Sempach Aar Lucerne Daniel LANOUX Lac Delémont Soleure des Quatre survole la Suisse, les Alpes depuis de nombreuses années. Cantons Altdorf Imprégné et amoureux de nos montagnes, il les immortalise Stans par la maîtrise de l ’ aquarelle, technique de spontanéité et de SOLEURE raison, difficile s ’ il en est. Ses œuvres ont été reproduites, Lac Anselm ZURFLUH est citoyen d ’ Uri, ce petit canton de de éditées en Suisse et en France. Des lithographies sont Bienne Sarnen de la Suisse alémanique, patrie de Guillaume Tell, étroite Berne diffusées dans de nombreux pays dont les Etats-Unis. vallée montagnarde qui aboutit au nord, au lac des Quatre- Plasticien et illustrateur professionnel, il réalise depuis Neuchâtel Lac Cantons, et au sud, au col du Saint-Gothard. Lac de de de de Brienz Morat Il a fait ses études à l ’ Université de Nicee en histoire et Lac siècles, démographie de de e longtemps nombre d ’ affiches surtout dans le domaine des sports alpins et illustre Lac et XVIII NEUCHÂTEL Neuchâtel Fribourg de de en ethnologie sur les sujets : « Une population alpine dans la Thoune des guides et couvertures. La création c ’ est son « truc » ! Sa carrière de plasticien Daniel BERNARD journaliste et écrivain Confédération, Uri aux XVII RemerciementsGRISONS chemine depuis toujours en corrélation avec son métier de Directeur de Création Né à Paris, ayant passé une partie de son enfance en Inde où et mentalités » et « Analyse ethno-historique d ’ un « isolat » son père, médecin à l ’ OMS, fut muté en poste pour 5 ans, il (agence de publicité), deux routes parallèles mais nullement incompatibles. Lac de L ’ artiste sait dessiner, c ’ est indéniable, son passage aux Beaux-Arts, son la Rhône à l’équipe éditoriale réside à Genève depuis un demi-siècle. Sa vie professionnelle Gruyère démographique et socioculturel du monde alpin alémanique, Uri - Suisse : cohérence Bellinzone diplôme reçu après quatre années d ’ études en création graphique et illustration Lac commence avec le cinéma qu ’ il étudie à Paris, et qu ’ il et dynamique d ’ un modèle culturel traditionnel ». Il termine ses études avec une BERNE Majeur Ont participé : Sarine pratique en Suisse, comme technicien des couleurs dans un artistique dans une école US, sont des bases solides. Il faut dire pour l ’ anecdote, habilitation « Histoire universelle, Histoire nationale, Histoire régionale, Histoire qu ’ il est tombé dedans quand il était tout petit et ce sont les tapisseries murales laboratoire renommé, drainant à lui la responsabilité des personnelle, propos épistémologiques sur l ’ interaction entre société, recherche Lac Lausanne Lac de de Traduction en italien de la maison familiale qui lui servirent de premier support pour exprimer son art Joux Lugano productions des cinéastes suisses des années 70 : Michel historique et individu ». Giuseppe NIHIL naissant dès l ’ âge de 6 ans... vocation quand tu nous tiens (et surtout quand tu n ’ es Lac 15 Il a été professeur au lycée d ’ Einsiedelne siècle (1981-1990), et conseiller assistant personnel à l ’ Université du recteur Léman Léman pas contrariée par des préjugés parentaux...). Lycée Pareto Soutter, Pierre Koralnik, Francis Reusser, Yves Yersin et Jean-Luc Godard. d ’ Avignon, fondateur et éditeur du Thesis Verlag à Zurich, chercheur spécialisé FRIBOURG Sion Lausanne – Mies – Aubonne (Suisse) Mais l ’ étalonnage des couleurs de long-métrage était un gagne-pain sur l ’ histoire des civilisations au XVII Les 26 cantons suisses providentiel : sa passion ? La réalisation. Il : vaAndré y retoucher Chavanne. en Ceœuvrant portrait dans filmé le cadre sera de l ’ Académie de Nice. Il est depuis 2002 éditeur pour les Editions de Penthes et Expositions et salons, quelques lieux : Rhône Site web : www.lycee-pareto.ch 14 Uri du Département de l ’ instruction publique genevoise, brossant, entre autres, le directeur de l ’ Institut et du Musée des Suisses dans le Monde. Genève, Ferney-Voltaire, Paris, Lyon, Bordeaux, Troyes, Annecy, Annecy- 15 Schwytz portrait d ’ un conseiller d ’ Etat fameux Docteur en histoire - Docteur en ethnologie. Carte de la Suisse diffusé sur la télévision nationale en 1986, ce qui le décide à se lancer à son propre le-Vieux, Courchevel 1650, Courchevel 1850 plusieurs années, Bozel, 16 Obwald Traduction en romanche compte, créant Videotrace SA, avec un ami ingénieur, et ses parents, qui suivent Champagny en Vanoise, Puy Saint Vincent, Chambéry Carré Curial, Aix- la créativité de leur fils qui avait tourné son premier film 8 mm à l ’ âge de 13 ans, Genève les-Bains Prestige Day, Le Grand Bornand très régulièrement, Thônes, à 17 Nidwald La Ligue romanche (en Romanche : Lia Rumantscha), avec la caméra Paillard-Bolex achetée en 1958 par son père, avant le séjour de la Publications : est une organisation linguistique et culturelle suisse. Lia Rumantscha famille en Inde. Il filme plus de 200 courts-métrages, comme réalisateur, il rédige • « Un monde contre le changement, une culture au cœur des Alpes, Uri en l ’ origine des Picturales avec 3 amis artistes, La Clusaz, Novel, Meythet, 18 Glaris e e siècles », Economica , Paris 1993, 275 pages. 1 Genève des scénarios, il tient la caméra et assure le montage, avec les procédés numériques -XX Menthon-Saint-Bernard, Annecy Bonlieu de 1996 à 2010 chaque année, 19 Zoug servetsch da translaziuns d’aujourd ’ hui. Un demi-siècle s ’ est écoulé. Il est associé à la création de Léman bleu Suisse, XVII 2 Jura en 1996, la télévision locale genevoise, qu ’ il dirigera pendant quatre ans, jusqu ’ en • « Uri, Modell einer traditionellen Welt ? » Eine ethno-geschichtliche Lyon, Bruxelles, Bayreuth, Miami Lithos... Œuvres dans des collections de Via da la Plessur 47 2003, tout en animant des émissions à l ’ antenne. 3 Neuchâtel 20 Schaffhouse Studie über die Urner Mentalität, Thesis Verlag, Zurich 1994, 388 pages. plus de 15 pays, dont le Japon, le Canada, les Etats-Unis, Dubaï... Chascha postala Puis d ’ autres univers l ’ attirent : l ’ écriture et le monde du livre, univers de son 4 Vaud 21 Appenzell Rhodes-Extérieures CH-7001 Cuira grand-père maternel, chez Armand Colin. Il pratique alors le journalisme littéraire • « L ’ Arc Alpin, Histoire et Géopolitique d ’ un espace européen », Et bien entendu la Suisse. et l ’ enseignement de son métier, depuis 1987 à l ’ ESM (Ecole de management et Economica »/Thesis, Paris/Zurich, 1998, 156 pages. 5 Fribourg 22 Appenzell Rhodes-Intérieures communication). telefon +41 (0)81 920 80 75 Depuis 1986 ses œuvres ont été reproduites et diffusées par plusieurs 23 Saint-Gall Intégrant le comité du Salon du livre de Genève en 2007, il propose un concept • « Werkausgabe der Korrespondenz von Sebastian Peregrin Zwyer von pages. 6 Berne telefax +41 (0)81 258 32 23 GENÈVE VAUD VALAIS NIDWALD LUCERNE OBWALD TESSIN URI SCHWYTZ nouveau : des interviews filmées qui animeraient un site internet. Son partenaire Ciel Evebach » (1597-1661), Editions Thesis, Zurich 1991-2006, 6210 pages. maisons d ’ éditions en Suisse : Genève, Lausanne, en France : Annecy, 24 Grisons est France Loisirs Suisse qui relève le défi en l ’ invitant sur son stand. C ’ est une 7 7 Bâle-Ville E-mail: [email protected] • « Superpoblacion RIALP », Madrid 1992, 250 Grenoble, Lyon, Paris, Agay... Site web: www.liarumantscha.ch retrouvaille avec le distributeur de livres suisses de renom avec lequel il avait déjà s. 8 Bâle-Campagne 25 Argovie fait de la télévision, dès l ’ an 2000 ! • L ’ identité européenne, des valeurs communes pour un avenir commun », Enfin Daniel Bernard écrit : en 1991, il est publié pour son premier roman 26 Thurgovie , puis il passe par une période théâtrale avec cinq pièces, dont deux qu’il Editions de Penthes/Novalis 2001, 125 page 9 Valais bleu-rose 10 Lucerne Rédaction en français et allemand met en scène : une trilogie historique et deux commandes de comédies. Il participe Société Générale d ’ Edition et de Diffusion à un ouvrage scientifique sur les HUG de Genève. Il rédige deux romans illustrés 11 Tessin 1023 CRISSIER pour la jeunesse avec les Editions Limonade. En 2015, pour son dixième ouvrage, 12 Zurich Directeur de publication c ’ est à Alexandre Yersin, l ’ homme ayant découvert le bacille de la peste en 1894 à Philippe ROCHARD Hong-Kong, qu ’ il consacre un journal apocryphe. Les Editions Ginkgo, à Paris, lui font confiance. 13 Soleure . Site web : www.art-et-culture.ch Depuis 2009, il est le rédacteur enEntre chef delacs France Loisirs Suisse, et mène sa carrière avec enthousiasme et éclectisme. Il assure une émission de radio, E-mail : [email protected] mensuelle, sur RCF-Haute-Savoie,

Direction Artistique, Illustrations, maquette et mise en page : Daniel LANOUX

6

14 Canton de Zoug 1352 Les Suisses dans le monde que le pays se trouve sur l’axe nord-sud le plus utilisé, le Saint-Gothard, uel est le point commun entre Jean-Jacques Rousseau, Necker, tout cela circule sans trop de difficultés. Ensuite, pour faire fructifier Lara Gut de Staël, Louis Pernod, César Ritz, Eugène Grasset, Sophie l’ensemble, il faut de l’argent, donc des banques. Cela tombe bien, les grandes villes passées au protestantisme les fournissent, de même pour Taeuber-Arp, Ursula Kübler, Alberto Giacometti, Michel Simon, Arthur Jacqueline Veuve les catholiques, qui n’ont pas de banques mais la main-d’œuvre utile Honegger, Le Corbusier, Blaise Cendrars, Guy de Pourtalès, Mireille Darc, au mercenariat. Grâce à la banque, les marchandises circulent bien, Peter Knapp, Roger Pfund, Patrick Juvet, José Giovanni, Henri Verneuil, on peut investir. Bref, le système fonctionne à la satisfaction de tous. Charles Aznavour, Alain Delon, Jean-Luc Godard, Vincent Perez, Anne Bien sûr, petits nuages dans tout cela, on trouve aussi des gens qui Richard, Derib, Zep, Eduardo Frei, Manuel Valls ? Ils sont tous, chacun à se ruinent à l’étranger, des soldats qui reviennent moralement cassés leur manière ou à géométrie variable, des Suisses dans le monde. et psychologiquement fragilisés, des paysans qui meurent de faim au Jacqueline Veuve Zoug Les Suisses dans le monde ne sont pas des « expats » ou des travailleurs fin fond du Brésil et ailleurs. Cela existe aussi, mais statistiquement étrangers organisés en diaspora, encore moins des émigrés... Ce sont parlant, c’est plutôt le succès qui est à retenir. CANTON : Zoug, vue générale, le lac de Zoug et ses montagnes. Carla Del Ponte CAPITALE : des personnes ayant choisi de vivre et de travailler hors du canton et Selon les époques, certains endroits sont préférés à d’autres. Pour hors de leur pays natal ; ce sont plus de 10 % des Suisses qui se trouvent 87 le Service militaire à l’étranger, c’est incontestablement la France qui ainsi « hors sol », dans le passé comme de nos jours. Zugo compte, c’est elle qui paye les Gardes suisses, les Cent-Suisses et les CANTONE: , vista generale, lago di Zugo e montagne. Zugo D’ailleurs, le plus célèbre des Suisses dans le monde n’est autre que innombrables régiments de ligne. Les protestants ont un petit faible CAPOLUOGO: Guillaume Tell. On va objecter que primo, Tell n’était pas à l’étranger pour la Hollande, destination prisée dans les villes comme Berne, vu que la Suisse n’existait pas encore et secondo, que c’est une légende. Bâle, Zurich, Schaffhouse et Saint-Gall. Après la guerre de Trente Zug KANTON: , allgemeiner Blick, der Zugersee und seine Berge. Or, c’est exactement là la clef pour comprendre. Guillaume Tell est Ans et la paix de Westphalie, les Suisses partent en Alsace ou au Zug la personnification mondiale d’une certaine idée des libertés suisses Brandebourg. La Suisse interne essaie de prendre pied en Espagne, HAUPTSTADT: et à ce titre, il est le Suisse le plus emblématique dans le monde... dans la Sierra Morena, c’est un désastre. Quande siècle, le Service alors qu’enmilitaire même Ursula Andress Denise Biellman Zug Si tant de Suisses sont partis, ce n’est pas seulement par nécessité, à l’étranger est prohibé, au milieu du XIX CHANTUN: , vista sin la citad, il Lai da Zug e las muntognas. mais surtout et souvent, parce qu’ils avaient un rêve pour leur vie. temps la population croît fortement, l’émigration se fait en famille et en Zug Cependant, nécessité et opportunité font souvent bon ménage. En fait, communauté vers la Russie, l’Amérique du Sud, l’Amérique du Nord, CHAPITALA: l’émigration des Suisses s’intègre à leur système dès le départ, donc le Maghreb et l’Australie... Ces émigrants connaissent différentes depuis Guillaume Tell. En effet, quand les Suisses arrêtent de chercher destinées. Ainsi, Les Suisses de Russie ont pratiquement disparu. Les des noises aux grandes puissances en menant des attaques éclairs avec uns ont été liquidés ou sont revenus en Suisse lors de la Révolution des gens qui ne se tiennent pas aux règles de la guerre chevaleresque bolchévique, tandis que ceux qui accompagnaient Lénine dans son – parce qu’ils ont compris en 1515 qu’on ne peut pas s’attaquer au projet de bâtir la société idyllique de demain ont pratiquement tous roi de France tous les ans – ils renversent la vapeur et changent de fini dans les camps staliniens. Les Suisses d ’Amérique du Sud,e génération, comme paradigme. Plus aucun soldat pour des actions impérialistes, mais tous ceux du Chili autour de Temuco, en sont aujourd’hui à la 7 113 1052 habitants les soldats que vous voulez pour vos rêves militaires e! Ainsi, et XVI lese Suisses siècles : ils ne parlent qu’ espagnol, mais se considèrent toujours comme Suisses Ella Maillart 239 km inventent le premier business mondialisé aux XV – passeport ou pas – et se comptent par centaines de milliers alors que celui du Service militaire à l’étranger. Grâce à cette activité hautement seulement quelques milliers de familles s ’ étaient installées au départ. lucrative, la Suisse peut non seulement vivre au-dessus de ses moyens, La colonisation de l’Argentine a commencé avec les Suisses débarqués mais surtout l’argent ainsi gagné peut être utilement placé chez soi. Les en famille, et qui restaient groupés autour de leur canton et commune ; 86 Canton des Grisons sommes récoltées à l’étranger permettent de vivre mieux à la maison, aujourd’hui ce sont également plusieurs centaines de milliers de Martina Hingis et de plus, on peut investir dans la production, ce qui permet au pays de personnes concernées. En Amérique du Nord, la vague fut une des 119 vivre mieux à son tour... Autre avantage, dans le sillage de ce business plus grandes, les Suisses et leurs descendants directs aux Etats-Unis se éternel, il y a plein de possibilités de commerce collatéral : les Suisses 1803 exportent du fromage, importent du vin et du sel, produisent des textiles très tôt pour l’export, importent les matières premières et, vu

118

CANTON : gRISoNS CAPITALE : CoIRE , l’église Saint-Martin, la ville, en arrière-plan le sommet du Mont-Calanda (2805 m).

CANTONE: gRIgIoNI CAPOLUOGO: CoIRA , chiesa San Martino e città, sullo sfondo vetta Calanda (2805 m).

KANTON: gRAuBÜNDEN HAUPTSTADT: CHuR , die Martinskirche, die Stadt und im Hintergrund der Calanda (2805 m).

CHANTUN: gRISCHuN CHAPITALA: CuIRA , la baselgia da son Martin e la citad, davosvart il Calanda (2805 m).

190 459 habitants 107 7 105 km2

106 | REVUE LITTÉRAIRE

les communistes chinois qui viennent de prendre le Construire pouvoir se serviront de cette ligne pour ravitailler les le « pont de l’homme » combattants du Viet Minh. au Yunnan Par Bénédict de Tscharner Pourquoi en parler aujourd’hui ?

OTTO MEISTER Thomas Wagner, ancien maire de la ville de Zurich et «–In den wilden Bergschluchten widerhallt ihr président de de la Société Suisse-Chine, cheville ouvrière Pfeifen–». Als Zürcher Ingenieur beim Bau der aussi du jumelage entre les villes de Zurich et de Kunming Yunnan-Bahn in Südchina 1903-1909. (3 millions d’habitants en 2000), a voulu mettre en Préface de Thomas WAGNER ; notice biographique évidence le rôle joué par un ingénieur suisse, Otto Meister, d’Ursula MEISTER-CARDI actif sur le tronçon chinois entre 1903 et 1909. Grâce à la Limmat-Verlag, Zürich, 2014 collaboration de la famille, il a été possible de sauver de l’oubli, puis de publier une riche documentation faite de a construction, entre 1903 et 1910, de la ligne de lettres et cartes postales, de rapports, notes de journal, Lchemin de fer qui relie le port vietnamien de Hai- esquisses et surtout de centaines d’excellentes photogra- phong, dans le Golfe du Tonkin, à Kunming, la capi- phies, un véritable trésor. Ce travail permet aujourd’hui de tale de la province chinoise du Yunnan, constitue une se faire une idée précise de ce que fut la vie d’un pionnier des réalisations les plus remarquables – ou folles – du technique et industriel suisse du début du XXe siècle. colonialisme français en Extrême-Orient. Il s’agit d’une ligne à gabarit étroit (100 cm) avec non moins Issu d’une vieille famille d’horlogers et de joailliers zu- de 173 ponts et 158 tunnels, un chemin de fer grim- richois, Otto Meister naît à Horgen le 16 août 1873. Le jeune pant de la mer jusqu’à 1890 mètres d’altitude, sur un Suisse termine ses études d’ingénieur à l’Ecole polytech- trajet long de 855 kilomètres. Outre l’exploit tech- nique de Zurich en 1896 et accepte très tôt du travail à nique, ce chantier extravagant est surtout resté dans l’étranger, au Danemark d’abord, puis en Espagne ; en tant les mémoires pour le grand nombre de victimes, plus qu’ingénieur du génie civil, il réalise rapidement que c’est de 12 000 parmi les 60 000 travailleurs indigènes et dans les colonies que les projets les plus intéressants vont 80 Européens : accidents et pannes techniques, terrain se réaliser. Il s’engage auprès de la Compagnie française des montagneux extrêmement difficile, climat tropical, chemins de fer de l’Indochine et du Yunnan et, en juin malaria, bandits, bêtes sauvages (!), mais aussi rébel- 1903, s’embarque à Marseille pour un voyage vers l’Orient lions – la ligne traverse la région tribale des Miao. La qui durera deux mois. De Hanoï, il remontera le fleuve France s’était assuré le droit de construire cette liaison Rouge jusqu’à la ville frontière de Lao Cai, terminus vers l’intérieur de la Chine auprès des autorités impé- provisoire de la nouvelle ligne de chemin de fer. Son lieu de riales en vue de l’exploitation du minerai de fer – les travail se situera à l’intérieur de la Chine, dans une région gisements du Yunnan s’avéreront finalement comme de montagnes – le fameux « printemps éternel » ne règne peu rentables ! L’ histoire retiendra surtout qu’en 1949, qu’une fois que le voyageur a atteint le plateau du Yunnan.

40 | La Lettre de Penthes - No 26 REVUE LITTÉRAIRE |

Initialement ingénieur subalterne, mais bientôt chef existe toujours aujourd’hui. Ce n’est pas une période de chantier, Otto Meister est notamment responsable calme. Les nationalistes dirigés par Tchang Kai-chek et les du dessin et de la construction du pont le plus connu de communistes sous Mao Zedong se livrent des batailles cette ligne, le pont de Wujiazhai, appelé aussi « pont de sans fin. Otto Meister décédera à Shanghai le 28 mars l’homme » ; en effet, avec ses deux piliers de soutien 1937, peu avant l’attaque japonaise contre la Chine. obliques qui se rejoignent au centre, ce pont audacieux 4e édition corrigée et complétée en 2015. En vente à la ressemble au signe chinois désignant l’homme. Cette librairie du Château de Penthes. construction en acier est située au kilomètre 112 ; elle est longue de 67 mètres et traverse une gorge étroite entre deux portes de tunnels, à 90 mètres au-dessus de la rivière. Dans le contexte de la révolution chinoise, la La guerre à deux voix première, celle de Sun Yat-sen et du Guomindang, qui mit fin à la dynastie des Qing, la question du contrôle LAURENCE DEONNA national des lignes de chemin de fer prendra un poids Editions de l’Aire, 2015 politique considérable. a guerre au féminin. La guerre subie par des femmes Mais Otto Meister ne fait pas de politique et sa car- Ljuives d’Israël et des femmes arabes d’Egypte qui rière ne se limitera pas à ce seul chantier. De 1911 à livrent ici leur vie, chacune de son côté, chacune dans 1922, il travaillera pour le compte de la Maison Sulzer son camp. Un reportage reliant des femmes qui furent Frères, de Winterthour, au Japon. Il fait donc partie de ennemies et qui ne se sont jamais rencontrées, qui ne cette génération de pionniers suisses qui ont permis à se rencontreront sans doute jamais. Laurence Deonna nos entreprises de devenir d’authentiques multina- donne leurs vrais noms, leurs véritables adresses, elle tionales. Sulzer, grand spécialiste des moteurs diesel les a même photographiées. Toutes, de la plus humble industriels et marins lui confie la responsabilité des marchés chinois, japonais et indochinois ; la succursale a son siège à Tokyo, puis à Kobe dès 1913. C’est là qu’il épouse la Japonaise Chiyo Ichizuka. Le couple aura un fils, Freddy Ioutaro, qui fera ses études en Suisse.

Après un voyage qui comporte notamment une tra- versée du Mexique, Meister revient en Extrême-Orient et s’établit à Shanghai, où Sulzer ouvre une nouvelle succu- rsale dont la responsabilité couvre l’ensemble du Sud-Est Oum Hashem, la mère asiatique ; les bureaux sont installés à proximité de la du sergent tombé pour la célèbre promenade du « Bund ». La famille habite une villa Palestine qui ne sait pas où est la Palestine, 1985. européenne dans la concession française, une maison qui

La Lettre de Penthes - No 26 | 41 | REVUE LITTÉRAIRE

victime à la star de la politique ou du spectacle, sont mères, épouses, sœurs, parentes ou amies de soldats. Un magazine suisse Et toutes se rejoignent : leurs hommes, de la simple d’histoire recrue au général, ont été tués, mutilés, ou faits prison- niers. Certains ont disparu dans le désert sans laisser la es étalages de nos kiosques nous offrent de plus en plus moindre trace... Et quel fossé entre le show des poli- Lde revues thématiques : sciences, santé, religion, psycho- tiques et la réalité que ces femmes nous dévoilent ! Ce logie, mode, éducation, voyages, cuisine… et histoire. En n’est pas du roman. C’est du vécu. Ce sont plus de 25 règle générale, ce sont des publications fort bien réalisées, ans d’histoire récente éclairée autrement. Comme le comportant des articles d’auteurs qualifiés, richement dit l’auteure, ce n’est pas là le livre des drapeaux bien illustrées, imprimées sur du papier glacé et surtout, grâce repassés, c’est le livre des drapeaux linceuls. Et de la à un tirage important, à un prix abordable. Ajoutons révolte. tout de suite qu’internet comporte une offre tout aussi riche ; mais, visiblement, le papier n’a pas dit son dernier Un livre que l’on ne peut pas lire sans déchirement mot face à cette concurrence des temps modernes. (Jules Dassin, cinéaste, Athènes). Dans le domaine de l’histoire, l’article de magazine C’est avec une intense émotion que j’ai lu ces récits (…) ne remplace pas le livre, bien entendu. Souvent d’ail- qui témoignent du courage des femmes pour dépasser leur leurs, les auteurs de ces articles peuvent ainsi promou- douleur et œuvrer pour la paix (Simone Veil, ancienne voir plus ou moins discrètement leurs propres écrits plus ministre, Paris). volumineux. Pour le lecteur, la concision est cependant J’ai particulièrement apprécié votre courage d’ouvrir agréable, non seulement pour agrémenter un trajet en vos pages à ces victimes oubliées des guerres que sont les train ou une heure d’attente ; elle lui permet aussi de femmes, qui, elles, doivent survivre à l’absence et la souf- butiner dans des domaines où il n’investira pas le temps france (Prince Sadruddin Aga Khan, Bellerive, Genève). et l’argent nécessaires pour des lectures plus exigeantes.

Laurence Deonna couvre depuis près d’un demi- C’est donc un plaisir particulier de découvrir un siècle les guerres du Proche et Moyen-Orient. Grand nouveau venu, nouveau venu suisse, précisons-le d’em- reporter, écrivaine et photographe suisse, elle a collaboré blée, car la taille restreinte du marché de notre pays à d’innombrables médias, parmi lesquels la chaîne n’invite pas les grands éditeurs allemands ou français britannique Frontline News Television. Son ouvrage – sans parler des anglophones – à soigner l’histoire La guerre à deux voix a été abondamment traduit et suisse en particulier. Précisons tout de suite que NZZ adapté au théâtre et au cinéma. Il a valu à son auteure Geschichte ne se limitera pas à des thèmes helvétiques. de nombreux prix, dont le Prix UNESCO de l’éduca- Le premier numéro est sorti en avril, le second en juillet tion à la paix. 2015 ; on nous annonce quatre numéros par année.

42 | La Lettre de Penthes - No 26 REVUE LITTÉRAIRE |

Le Groupe de médias de la NZZ a confié la direc- tion de ce dernier à Peer Teuwsen dont la carrière dans Carnets des Andes Frédéric et Dorly Marmillod 1938-1958 la publication est passée par les journaux Die Zeit et Tagesanzeiger Magazin ; il est assisté par Martin MARC TURREL Beglinger, rédacteur à la NZZ et auteur d’une biogra- Editions Slatkine, Genève, 2015 phie du conseiller fédéral Otto Stich. Notons aussi que le magazine s’entoure des conseils d’une équipe écit d’aventures, histoire d’amour, histoire de d’historiens renommés, parmi lesquels on trouve les l’andinisme, ces Carnets des Andes révèlent la vie noms de Thomas Maissen (Paris), Irène Herrmann R palpitante d’un couple d’alpinistes en Amérique latine (Genève) ou encore André Holenstein (Berne). durant la Seconde Guerre mondiale et l’après-guerre. Le 26 juin 1938, alors que l’Allemagne nazie étend sa La couverture du premier numéro porte la figure de domination en Europe, Frédéric et Dorly Marmillod, Napoléon en « inventeur de la Suisse moderne » (article de citoyens suisses et alpinistes passionnés, s’embarquent Thomas Maissen). Christophe Büchi dresse quant à lui le pour le compte des Laboratoires Sandoz vers l’Argen- portrait de Germaine de Staël : « la femme qui détestait tine, puis le Chili. Dès leur arrivée sur le continent Napoléon ». La série d’articles est interrompue par un débat américain, ils partent à la découverte et à la conquête entre les historiens André Holenstein et Markus Somm, ce des plus beaux sommets des Andes, prenant des notes dernier rédacteur en chef de la Basler Zeitung, sur la bataille de chacune de leurs expéditions. de Marignan baptisée ici « le massacre salutaire ». Des notices sur de nouvelles publications et un copieux Au fil de leurs chroniques, les Andes se dévoilent, mots croisés historique complètent ce numéro. textes et photographies mettant en lumière des lieux exceptionnels à plus d’un titre, de la mer des Caraïbes à La couverture du second numéro est ornée d’un por- la Patagonie, du Venezuela au Chili en passant par la trait du réformateur zurichois Ulrich Zwingli ; dans un Colombie, le Pérou, et l’Argentine. En une vingtaine article fort documenté, Martin Beglinger nous explique d’années, ils ont parcouru quantité d’itinéraires, ouvert comment la Réforme a rendu la Suisse riche… C’est le des voies nouvelles d’une extrémité à l’autre de la très célèbre historien germano-américain Fritz Stern Cordillère, dans la Cordillère Blanche et l’Aconcagua. qui se prête à l’entretien cette fois-ci.

Frédéric Marmillod fait partie des précurseurs de Bonne chance et longue vie au nouveau-né ! l’andinisme moderne avec d’autres explorateurs et aven- turiers qui se sont risqués à l’assaut de leurs sommets. Sa femme Dorly demeure le symbole de l’alpinisme fémi- nin en Amérique du Sud. Unis dans la même passion, ils ont collectionné les exploits et les records. Ils for- maient une cordée parfaite et incarnaient un alpinisme

La Lettre de Penthes - No 26 | 43 | REVUE LITTÉRAIRE

audacieux, novateur et d’une grande modernité. En d’explorateurs, d’anthropologues, de naturalistes, émanent la beauté naturelle et l’élégance des deux etc., aux quatre coins du monde. Certains grands héros tout autant que leur ardeur et leur détermina- musées d’ethnographie ou d’histoire naturelle – à tion. De page en page et pas à pas, leurs Carnets des Bâle, à Genève, à Berne, à Neuchâtel, à Zurich – Andes esquissent le portrait de deux individus hors comptent dans leurs collections de très nombreux du commun. objets rapportés par ces Suisses.

Deux Bâlois, cousins issus de germains, Paul (1856- 1919) et Fritz Sarasin (1859-1942), ont récemment fait Colonialisme suisse l’objet de publications intéressantes : Par Bénédict de Tscharner

CHRISTIAN SIMON a contribution suisse à la conquête et à la domination Reisen, Sammeln und Forschen. Die Basler Ldu monde extra-européen par les puissances occi- Naturhistoriker Paul und Fritz Sarasin dentales a été un peu cachée par le fait que la Suisse en Schwabe Verlag, , 2015 tant qu’Etat n’a pas participé directement à des guerres coloniales et n’a jamais contrôlé de territoires d’outre- BERNHARD C. SCHÄR mer ; le terme même de colonialisme semblait donc Tropenliebe. Schweizer Naturforscher und longtemps inapproprié pour le comportement de ce niederländischer Imperialismus in Südostasien pays. C’est oublier toutes les autres formes d’emprise um 1900 de la Suisse et de la société suisse sur le monde extra- Campus Verlag, Frankfurt, 2015 européen que sont, entre autres, le service étranger de citoyens helvétiques, notamment au sein de la Légion SERGE REUBI étrangère française et d’autres armées impliquées dans Für Basel und die Wissenschaft. Fritz und Paul des guerres coloniales, mais aussi l’établissement d’un Sarasin in Ceylon vaste réseau de missions chrétiennes, tant protestantes in : Die Naturforschenden. Auf der Suche nach que catholiques, basé et financé à partir de la Suisse ; Wissen über die Schweiz und die Welt c’est aussi oublier toutes les activités économiques, le Herausgeber : Patrick KUPFER, Bernhard C. SCHÄR commerce en premier lieu, mais aussi les plantations, Hier und Jetzt Verlag, Baden, 2015 la construction, les investissements industriels ou encore l’exploitation minière dans les colonies. Tout cela a été Dans ce cas, comme dans d’autres, l’intérêt que l’on mis à jour et analysé par des études récentes. Ces der- peut porter à ces deux célèbres chercheurs suisses niers temps, l’implication de Suisses dans la traite des concerne à la fois leur contribution à la science et leur esclaves entre l’Afrique et les Amériques a fait l’objet destin personnel. d’importants travaux historiques. Enfin, l’histoire des sciences en Suisse est fortement marquée par l’activité

44 | La Lettre de Penthes - No 26 REVUE LITTÉRAIRE |

Du côté biographique ou personnel, on retient moderne. Deux autres voyages, de 1893 à 1896 et aujourd’hui leur appartenance au milieu des riches en 1902/03, les conduisent sur l’île indonésienne de familles commerçantes de Bâle, familles qui fournis- Célèbes (Sulawesi) dont l’intérieur est alors encore saient à la ville également des générations entières de peu ou pas connu. Leurs expéditions, souvent dans un magistrats, de banquiers, de pasteurs et de professeurs. terrain et des conditions climatiques difficiles, avec Au centre de cette société : la religion protestante, le de nombreux porteurs (coolies), serviteurs et guides sens des affaires, mais aussi les alliances matrimo- locaux, coïncident avec la pénétration de l’île par niales, indispensables pour protéger les fortunes fami- les troupes coloniales néerlandaises, chercheurs et liales. C’est sur ce dernier point que les deux cousins soldats avançant dans le no man’s land des tropiques : déçoivent profondément leurs parents : ils font même phénomène ? connaissance au cours de leurs études à l’Université de Bâle et tombent profondément amoureux l’un de Leurs publications et leurs grandes collections de l’autre. A cette époque, il n’y avait pour eux qu’une spécimens, y compris, par exemple, de nombreux solution : poursuivre leurs études ailleurs – en Alle- crânes et photographies, font des cousins Sarasin, à magne, en l’occurrence – puis partir pour des expédi- leur retour en Suisse, des scientifiques célèbres, même tions scientifiques dans des pays lointains, tropicaux, s’ils ont tendance à arranger – à « exotiser » – certaines exotiques, à la recherche de découvertes géographiques images d’indigènes, par exemple, ou certains récits ethnologiques, archéologiques, botaniques, zoolo- et même si leurs théories, sur un plan strictement giques et géologiques, mais aussi d’un contact avec des scientifique, feront rapidement l’objet de précisions populations indigènes dites « primitives » et leurs et de rectifications. Ils sont les fondateurs du Musée mœurs. Le coût de ces expéditions ne posait pas de ethnographique de Bâle (aujourd’hui : Museum der problème particulier aux familles. Il faut sans doute Kulturen) ; Fritz Sarasin sera président du Jardin ajouter que l’attrait des tropiques se trouvait déjà, à zoologique de Bâle et de la Société suisse des sciences Bâle, chez nombre de missionnaires et commerçants naturelles ; Paul Sarasin sera parmi les fondateurs issus des mêmes familles. Sur le plan personnel, ces du Parc national suisse dans les Grisons et un des expéditions pouvaient être interprétées comme une pionniers du mouvement de la protection de la nature. fuite, voire l’expression de fantasmes plutôt étonnants La réputation des cousins Sarasin sera autant basée sur pour des représentants de ce milieu assez austère ; sous leur travail scientifique que sur leur générosité en tant l’angle scientifique, leurs recherches se sont avérées que mécènes. fort respectables.

Le premier voyage conduit ce couple de Bâlois en Ceylan (Sri Lanka), à l’époque colonie britannique ; ils y séjournent de 1883 à 1886 ; une de leurs « décou- vertes » concerne le peuple indigène des « Weddas » dans lesquels ils voient des ancêtres primitifs de l’homme

La Lettre de Penthes - No 26 | 45 | REVUE LITTÉRAIRE

Peter F. Kopp

Die ausserordentliche Bandbreite der in diesem Buch versammelten Beiträge zeigt das weite Interesse des Autors: von der Benachteiligung War der Ofen

der Frau zur Entwicklung der städtischen Autonomie, vom Kopp Peter F. schuld? Leinengewerbe zur lenkbaren Wagenachse, vom frühen Tourismus zu einem Auswanderer-Schicksal, von den Spielkarten zur Fasnacht. Von der materiellen Kultur her, nicht von Theorien ausgehend, versucht der Autor sich ein Bild des Lebens in der Vergangenheit zu erarbeiten. Er zeigt sich als ein unkonventioneller Kopf und überrascht durch ungewohnte Ansätze.

Inhalt War der Ofen schuld? Thurgauer Leinen für den Konstanzer Fernhandel Versuch über die lenkbare Wagenachse Der Mord an den unschuldigen Kindlein zu Solothurn Herrenloses Solothurn Xaver Zeltner. Ein viel besungener Landvogt und revolutionärer Dramenheld Ein Auswandererschicksal Eine tapfere Witwe gründet eine Weltfirma Vom Kaisern zum Jassen. Spielkartenland Schweiz Die enthüllte Wahrheit des Tarock/Tarot «… denn es ist kein Land wie dieses». Die Schweiz als voreisenbahnliches Reiseziel Die Basler Fasnacht, ein verfremdetes Sechseläuten War der Ofen schuld? War

Peter F. Kopp (*1938) studierte Kulturgeschichte, Kunstgeschichte und Archäologie in Zürich und Neuenburg. 1969 Dissertation über schweizerische Ratsaltertümer. Kabinettstücke Museumskonservator in Basel und Solothurn, Autor zahlreicher Publikationen aus der Schweizer hauptsächlich zur Schweizer Kulturgeschichte. Kulturgeschichte

ISBN 978-3-0340-1215-7

7830349 012157

Kopp UG 2.indd 1 28.04.14 17:26

der Autor nicht, seine persönlichen Überlegungen War der Ofen einzuflechten, die als neue Denkanstösse wertvoll daran schuld? sind. Er ist ein unkonventioneller Denker, überrascht durch ungewohnte Ansätze, hinterfragt vieles, was PETER F. KOPP man sonst als gegeben annimmt. In zwei Kulturen War der Ofen daran schuld? aufgewachsen, bekennt sich der Autor als Verehrer Chronos-Verlag, Zürich, 2014 Voltaires, der die Geschichtsschreibung zu einer Literaturgattung erhob. Das Resultat: Geschichte ein, der Ofen war nicht schuld. Soviel zum zum geniessen! N Anfang! Die in diesem Buch geschilderten Por- träts ergeben eine bunte Palette der Kulturgeschichte. Jedes Thema, von Peter Kopp nacherzählt, ist viel- schichtig. Der Text des Buches ist fundiert recher- chiert und treffend formuliert.

Die Zeitspanne reicht von den ersten Menschen bis ins 20. Jahrhundert. Der Autor befasst sich am liebsten mit dem Mittelalter. Einige für dieses Buch geschrie bene Texte sind neu, andere stammen aus 40 Jahren des Sammelns und Forschens. Ab und zu kann der inte- ressierte Leser auch auf einen lang vermissten „alten Bekannten“ stossen. Der Autor stellt sich Fragen, ist gründlich im Forschen und ist trotzdem intuitiv. Eines seiner wichtigsten Anliegen ist es, komplexe Sachver- halte verständlich darzustellen. Eine Prise Humor und ein Schuss Ironie dürfen nicht fehlen! Für ihn steht immer das Bild eines lebendigen Menschen im Mittelpunkt.

Da ist ein Sachkundiger am Werk: Von der Materie, nicht von Theorien ausgehend, versucht er sich ein Bild des Lebens in der Vergangenheit zu machen. Zuviel des Guten wäre es, hier alle bearbeiteten Themen aufzuzählen: Kartenspiel, Frauengeschichte, Technik, Auswanderung, Tourismus, Fasnacht… um nur eine kleine Auswahl zu nennen. Auf jeden Fall scheut sich

46 | La Lettre de Penthes - No 26 REMBRANDT À GENÈVE Quand les Pays-Bas rencontrent la Suisse

DOMAINE DE DÉCOUVERTES CULTURE | GASTRONOMIE | NATURE

WWW.PENTHES.CH

du 23 juin au 2 octobre 2016 | LES AMIS DE PENTHES

Novembre 2015 Société des Amis de Penthes : 500+

Daniel Bernard Cette fois, nous y sommes : notre association vient de passer la barre Président des Amis de Penthes mythique des 500 membres !

lors c’est par un vif bravo qu’il se doit que nous les présents, car ce sont des absents dont on parle, et commencions cet article, un vif bravo et un on fait erreur ! Ici, avec la Lettre de Penthes, chacun se Agrand merci. Nous avions entamé notre exer- trouvera face à ses interrogations, comme à l’isoloir. cice 2015 avec le nouveau logo, adopté par l’assemblée Pourquoi ne pas participer plus souvent à la vie de générale, et depuis, il se trouve visible sur la plupart l’association ? Pourquoi ne pas choisir de rencontrer des actions du musée, manifestations et publications, des Suisses qui font des choses pour la culture de leur sans compter l’action « Penthes est à vous ! », à laquelle pays ? La SAP offre ces plages, une fois par mois. Donc vous avez répondu très nombreux. Ainsi ce sont plus une fois par mois, décidons de venir témoigner notre de 70 nouveaux membres qui ont rejoint la SAP ! soutien au Domaine de Penthes, à la Fondation et au Musée des Suisses dans le Monde. Nous nous battons Le virage que nous avons pris tend à faire coller l’asso- pour que vive ce musée unique au monde, alors, en ciation à la réalité culturelle suisse romande, sans toutefois ayant rejoint la SAP, sachez vous montrer solidaire ! La aller sur les terres de la Fondation. Expliquons. Nous situation n’est pas aussi simple qu’elle apparaît au tentons de faire connaître des artistes contemporains en grand jour. Depuis plus de 30 ans, la fondation et son les invitant à venir évoquer leur trajet, leur création, leur musée ont vécu sans subvention ! Cela veut dire que vision du monde. En 2015 la famille de Besenval avec c’est le bon vouloir de chacun qui fait que l’institution Gabrielle Claerr Stamm, le sociologue Uli Windisch en existe, et existera encore demain. personne, concerts à la mémoire de Pierre Wissmer, en présence de son neveu journaliste, et dès 2016, Raymond Penthes est à vous ! Ce n’est pas qu’un slogan. C’est Vouillamoz, réalisateur genevois, Marcello, femme une réalité, du parc en passant par le restaurant, en assis- sculpteur fribourgeoise du XIXe siècle, Célina Ramsauer, tant aux expositions, en achetant les publications, en musicienne valaisanne contemporaine, Ines Ader, journa- participant aux événements... liste et écrivain, Parisienne de Genève et Magali Jenny, auteur à succès fribourgeoise, ont fait l’année culturelle Nous, Amis de Penthes, nous y croyons ! de notre association. Alors, si ce n’est pas encore le cas au moment où vous Mais j’ai un regret : celui de ne pas vous voir plus lisez ces quelques lignes, devenez Amis de Penthes. nombreux lors de ces événements qui ont tous lieu au Château de Penthes. Alors, on le sait, on gronde souvent Bonne fin d’année, et rendez-vous en 2016.

48 | La Lettre de Penthes - No 26 DOSSIER | Dossier Les Besenval

GABRIELLE CLAERR STAMM La saga de la famille de Besenval, seigneurs de Brunnstatt, Riedisheim et Didenheim Société d’Histoire du Sundgau, 2015

u début du XVIIe siècle au milieu du XIXe siècle, Gabrielle Claerr Stamm, historienne et Dprésidente de la Société d’histoire du Sundgau, nous emmène à la découverte de sept générations aux destins variés. Elle nous raconte leur enrichissement dans le commerce du sel, leurs brillantes carrières militaires et diplomatiques, mais aussi leurs difficultés à D’un modeste hameau du Val d’Aoste à la s’insérer dans la société postrévolutionnaire. Grâce à une cour de Versailles. La saga des Besenval importante correspondance conservée dans les archives, les Besenval nous livrent également leurs secrets les raconte l’ascension remarquable d’une fa- plus intimes, récits de mariages d’amour ou arrangés, mille patricienne de Soleure, devenue par querelles familiales, gestion de leur patrimoine. un hasard de l’histoire propriétaire de la baronnie de Brunnstatt. Fruit de quatre années de recherches, cet ouvrage, abondamment illustré, est aussi une invitation au voyage, à la découverte des lieux où ont vécu les Besenval : le Val d’Aoste, Soleure et leur château de Waldegg, Paris et leurs hôtels particuliers et, bien sûr, Brunnstatt, Riedisheim et Didenheim, leur fief de Haute-Alsace.

La Lettre de Penthes - No 26 | 49 | DOSSIER

UN AUTRE ASPECT DES RELATIONS FRANCO¤SUISSES––: Martin de Besenval, seigneur Par des villages de Brunstatt, Gabrielle Claerr Stamm Présidente de la Fédération Riedisheim et Didenheim des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace en Haute-Alsace

andis que la ville de Mulhouse fêtait en 2015 Riche veuve sans enfant depuis 1617 – on lui doit les 500 ans de son alliance d’amitié avec la notamment une très belle chapelle gothique en l’église TSuisse, nous voudrions présenter ici un aspect Saint-Thiébaut de Thann – Marie Madeleine de plus méconnu des relations franco-suisses, mais tout Sickingen-Rust est venue se réfugier à Soleure. Ces aussi important pour les liens que celles-ci tissèrent. biens à Zillisheim et Didenheim appartenaient ini- tialement à son neveu Jean Frédéric de Rust. Mais Martin Besenval, originaire du Val d’Aoste, qu’il celui-ci les lui avait hypothéqués contre un emprunt quitta dès l’âge de 16 ans, dans des conditions rocam- de 5000 florins. Dans l’incapacité de rembourser la bolesques, s’installe vers 1625 à Soleure, la ville de somme au décès de sa tante, les biens passèrent aux l’ambassade de France. Il s’y enrichit dans divers com- oncles par alliance de Marie Madeleine qui les reven- merces dont le blé, le sel et les armes, est reçu bour- dirent à Martin Besenval. geois de la ville et épouse Catherine Schwaller, fille d’un meunier aisé. Dix ans plus tard, la guerre de Trente Ans achevée et la Haute-Alsace aux mains du roi de France, mais Fortune faite, il va en investir une partie lors de deux dans un pays encore passablement en ruine, Martin achats en Haute-Alsace. Dès le 16 mai 1644, il acquiert achète, le 3 novembre 1655, deux autres villages dans de Jean Adam de Ferrette et de Truberte de Wessenberg, la périphérie de Mulhouse : Brunstatt et Riedisheim. le château de Byss à Zillisheim et le village de Diden- Biens des Ortenbourg-Salamanque, totalement ruinés, heim. Ni les archives de la famille de Besenval conservées c’est finalement à leurs créanciers Seneka Schreiber au château de Penthes, ni les Staatsarchiv à Soleure, ne d’Augsbourg et aux héritiers des Fugger, que Martin révèlent la raison de ce choix. La Haute-Alsace, alors verse la somme de 18 000 guldens. terre des Habsbourg, subit encore les affres de la guerre de Trente Ans – les Traités de Westphalie ne seront Martin Besenval prend ainsi pied sur la terre du roi signés qu’en 1648 – le village de Didenheim a perdu la de France et s’installe dans le château de Brunstatt moitié de ses habitants, le château de Byss semble intact. avec sa seconde épouse Marie Glutz et ses plus jeunes Son choix a peut-être été dicté par la proximité de la ville enfants. Il n’y vit pas en permanence, préférant tout de Mulhouse, une alliée des cantons suisses ? C’est peut- de même le confort de sa demeure hors les murs à être également une rencontre fortuite avec Marie Soleure, route de Bâle, à cette forteresse médiévale Madeleine de Sickingen épouse Rust qui l’a déterminé. entourée de marécages et située loin du village.

50 | La Lettre de Penthes - No 26 DOSSIER |

Martin est fait chevalier par Louis XIV en février hampe prolongée et à deux traverses de sable (armoi- 1655, en raison de ses mérites et des services rendus à ries de la famille Besenval), au deux, d’or à un fer à la couronne de France. En effet, il a racheté en 1653, cheval de sable (armoiries de Brunstatt), au trois, d’or la demi-compagnie de Gardes suisses de son beau- à une biche de gueules (armoiries de Riedisheim), au père Schwaller et l’a confiée à son second fils quatre, coupé d’azur et de mer sur laquelle nage une Jean-Martin. Alors que Louis XIV soutient son sirène d’argent tenant dans la dextre une fleur de premier siège à Arras, le capitaine Jean Martin se bat lys d’or dans la senestre un crampon d’argent (armoirie vaillamment et est tué le 25 août 1654 aux côtés de son de Didenheim) ». compatriote Henry de Sury. Martin enverra immé- diatement son fils Jean Victor Pierre Joseph pour Ses descendants, déjà faits barons du Saint Empire servir le roi de France. Cette fidélité à la royauté romain germanique, en 1695, verront leur terre de française lui vaut son anoblissement et fait de lui Brunstatt élevée au rang de baronnie par Louis XV et définitivement un membre du patriciat soleurois. porteront désormais aussi le titre de baron en France. Désormais la famille s’appelle « de Besenval de Bruns- Jusqu’au bout, des Besenval se battront pour défendre tatt » et arbore les armes « écartelé au un, d’azur à une le roi de France et lui resteront fidèles lorsqu’éclatera la bande d’argent chargée d’un quatre cramponné, la Révolution en 1789.

Document avec sceau signé par Louis XIV en février 1655 par lequel Martin Besenval est anobli. Armoiries de Besenval.

La Lettre de Penthes - No 26 | 51 DOMAINE DE DÉCOUVERTES CULTURE | GASTRONOMIE | NATURE

WWW.PENTHES.CH www.theoreme.ch www.theoreme.ch

Aux portes de Genève, le Domaine de Penthes propose, dans un cadre exceptionnel face au Lac Léman et au Mont-Blanc, un monde de découvertes où gastronomie et culture se côtoient.

Domaine de Penthes - Chemin de l’Impératrice 18 - 1292 Pregny-Chambésy DOSSIER |

Le Fonds de Besenval : de la conservation à la diffusion du savoir

L’Institut et le Musée des Suisses dans le Monde conservent Laure Eynard Dr ès lettres depuis les années 1980 le fonds de Besenval, un legs de la Responsable des partenariats princesse Amédée de Bro glie, née Béatrix de Faucigny- scientifiques et du projet Besenval Lucinge.

n classement minutieux de ce fonds avait été QUE CONNAISSONS¤NOUS DE CETTE FAMILLE réalisé en 1899, du vivant de la princesse de DE BESENVAL–? UBroglie, par la chancellerie du tribunal supé- rieur du canton de Soleure. Les documents et les A l’époque de l’Ancien Régime, elle est non seulement lettres avaient été rangés par ordre chronologique ou la plus influente dynastie de Soleure, mais aussi l’une des alphabétique selon un classement général s’inspirant principales familles patriciennes de la Confédération. de l’arbre généalogique sur sept générations succes- Du XVIIe au XVIIIe siècle, les Besenval réussissent à se sives, comme il était d’usage à la fin du XIXe siècle. Ce hisser à des fonctions politiques, militaires et diploma- classement est toujours en vigueur. tiques privilégiées et stratégiques grâce à la richesse acquise par le commerce du sel, à leurs relations poli- Conservé dans 27 boîtes d’archives avec un volume tiques, au service étranger et à leur stratégie matrimoniale. total d’environ 25 000 pages et de quelques sceaux, le fonds de Besenval compte différents documents, tels que Les papiers les plus anciens de cette famille, conservés lettres de noblesse, lettres et correspondance, papiers à Penthes, remontent au XVIIe siècle et à Martin Besenval personnels, papiers militaires et d’affaires, brevets et (vers 1599-1660), avoyer de Soleure, dont de nombreux comptes, récits manuscrits, arbres généalogiques avec descendants, titrés barons de Brunstatt en 1695, occu- armoiries, dessins des armoiries. Les archives des pèrent des fonctions municipales, servirent dans les familles alliées, les von Roll et les Sury, ainsi que des armées suisse et française ou encore dans la diplomatie. titres des domaines des Besenval du XVIIe au XIXe Parmi les personnalités les plus marquantes figurent siècle, sont également conservés. La plupart de ces Jean Victor II de Besenval (1671-1736) et Pierre Victor documents sont en allemand. (1721-1791), petit-fils et arrière-petit-fils de Martin. Le premier est nommé par Louis XIV, puis par Louis XV, ambassadeur extraordinaire de France auprès du roi de Pologne ; les archives le concernant, consultées récem- ment par l’historien Andreas Affolter (Lettre de Penthes, numéro 25, printemps 2015, pp. 42-43), constituent un ensemble d’ordre diplomatique de grande importance. Le second, baron de Besenval, le plus connu de la

La Lettre de Penthes - No 26 | 53 | DOSSIER

dynastie, est aide de camp du maréchal de Broglie et Cette grande initiative est également soutenue par des du duc d’Orléans, puis lieutenant-colonel des Gardes institutions, telles que le Château de Waldegg, pro- suisses, tout en appartenant au cercle rapproché de priété des Besenval et siège autrefois des ambassadeurs la reine Marie-Antoinette. Il commande les forces du roi de France ; des documents inédits prêtés par rassemblées à Paris au début de la Révolution française l’Institut y seront exposés durant l’hiver 2015-2016 et, ordonnant la défense de la Bastille, contribue au dans le cadre de l’exposition Besenvaliana - Auf den caractère retentissant de la journée fondatrice du Spuren der Familie von Besenval. 14 juillet 1789. L’objectif de ce projet vise à préserver, dans un premier temps, ce fonds contre les risques d’altération, VALEUR HISTORIQUE DU FONDS d’en faciliter l’accès et ainsi de le valoriser grâce à la gestion des données dans un système d’archivage Si certaines correspondances échangées de France d’information. A long terme, l’Institut souhaite et de Suisse entre les Besenval éclairent la vie poli- mettre en réseau ces documents et ces données par tique, militaire et sociale de la fin du XVIIIe siècle et l’intermédiaire du « web des données ouvertes » (open du début du XIXe siècle à Paris, nombre de documents linked data) et permettre, grâce à ces nouvelles tech- de ces archives mettent en lumière l’histoire de la nologies, d’approfondir la recherche et la connaissance Suisse, en particulier les aspects marquants des régi- par le partage interactif et collaboratif entre cher- ments suisses dans lesquels le général baron de Besenval cheurs et institutions. et plusieurs de ses parents furent titulaires d’importants commandements. D’autres documents informent également de l’administration des fiefs des Besenval en Alsace. L’historienne Gabrielle Claerr Stamm, auteure de La saga de la famille de Besenval, révèle les liens des Besenval avec l’Alsace et, en retraçant leurs interven- tions dans la gestion de leur baronnie, donne vie à un pan de cette histoire locale.

DE LA NUMÉRISATION AU PARTAGE DU SAVOIR

Suite à de nombreuses demandes de consultation et à l’intérêt grandissant de chercheurs pour ce fonds unique, l’Institut a décidé de piloter un programme d’envergure de mise en valeur de ses archives. Grâce aux TOUTE PERSONNE INTÉRESSÉE À SOU¤ subventions de la Confédération (Protection des biens TENIR SCIENTIFIQUEMENT OU FINAN¤ culturels PBC) et de la Fondation Sandoz, le projet de CIÈREMENT CE PROJET CONTACTERA reconditionnement et de numérisation vient d’être LAURE EYNARD lancé avec le laboratoire Fachlabor Gubler, entreprise [email protected] spécialisée dans le records management et l’archivage.

54 | La Lettre de Penthes - No 26 DOSSIER |

La Lettre de Penthes - No 26 | 55 | MOT DU DIRECTEUR

Mot du Directeur L’Esprit de Penthes Le rêve est permis !

Nous arrivons à la fin de l’année et nous pouvons déjà l’annoncer avec fierté : 2015 fut une grande année pour Penthes ! Un véritable tour de force pour l’équipe du musée et un tour du monde pour les visiteurs : nous avons commencé par la Russie, mise à l’honneur avec l’exposition La Suisse par les Russes, puis nous avons exploré avec émotion l’histoire et l’art de l’Arménie durant l’exposition Suisse-Arménie, sur le chemin de la mémoire. Durant l’été, le monde est venu à Penthes, avec la première édition de la Rencontre internationale des clubs suisses. Et cet automne, les familles découvrent deux expositions légères et pleines de charme : Yakari, les Suisses à la rencontre Anselm Zurfluh Directeur des Amérindiens et Histoire en Briques – qui sont respectivement au pro- du Musée et de gramme jusqu’en janvier et février 2016 ! Une belle manière de passer les l’Institut des Suisses dans le Monde Fêtes en famille, au musée et en découvrant l’histoire autrement !

xpliquer la qualité suisse dans le monde et illustrer Léman bleu et le Mont-Blanc, et respirez à pleins pou- la richesse et la diversité de la présence suisse à mons le vent de l’histoire qui en émane. Au-delà de la El’étranger sont au cœur de la mission du Musée poésie du lieu, vivez Penthes comme un rêve à ciel ouvert. et de l’Institut des Suisses dans le Monde. Pour que Pouvoir se cultiver, en prendre plein la vue et se sustenter cette alchimie puisse s’opérer avec le public, Suisses ou délicieusement, le tout dans le même espace, est un pri- visiteurs de passage, Penthes se doit d’innover et de vilège, mais un privilège accessible à tous ! Un rêve dans renouveler son offre culturelle. Ainsi notre engagement notre monde virevoltant, voire survolté. Oasis de paix ne concerne pas uniquement les expositions, mais il dans un monde en débats, Penthes est un bien unique porte à vous offrir de multiples sensations. où l’on peut prendre le mal du monde en patience. L’esprit de Penthes, en somme. En tout cas, de quoi en Entre amis, en famille, âme solitaire ou amoureux faire toute une histoire, celle que nous poursuivons en balade, petits et grands, fans d’histoire ou de nature, grâce à tous ceux qui en ont perçu l’inestimable potentiel. vous pourrez ici en faire tout un plat, dans notre restau- rant, ou goûter aux œuvres musicales ou théâtrales que En août 2015, l’Institut a invité des Suisses du nous vous proposons. Ressentez l’ambiance toute parti- monde entier à vivre Penthes comme leur maison, lors culière de Penthes, étendu verte contrastant avec le la première Rencontre internationale des clubs suisses.

56 | La Lettre de Penthes - No 26 MOT DU DIRECTEUR |

Expatriés suisses et Suisses de troisième ou quatrième Personnellement, en tant que directeur, et pour génération, en provenance de 22 pays et représentant l’avenir, je n’ai pas UN rêve, mais TROIS. Mettre en 40 clubs, se sont réunis autour d’une thématique œuvre cette « nouvelle scénographie » bien entendu, forte : le patrimoine suisse de l’étranger, sa promotion monter une exposition autour du mythe suisse des et sa conservation. Le succès fut tel, qu’une prochaine Alpes et de l’impact que cet imaginaire collectif typi- édition est agendée, en 2016, et sera consacrée aux quement suisse produit dans le monde (pensons à traditions et folklores suisses à l’étranger. Heïdi et au Cervin) et faire participer le musée à l’expo- sition universelle de Dubaï en 2020. Pour ce faire et Durant l’hiver qui s’annonce, c’est la sculptrice fri- accélérer la mise en place de ces projets, pour rendre le bourgeoise Adèle d’Affry qui sera l’hôte du musée, rêve réalité, il faut rencontrer une personnalité excep- dans l’exposition Marcello, Adèle d’Affry (1836-1879), tionnelle qui partagerait cette vision de la Suisse ouverte duchesse de Castiglione Colonna. Femme artiste entre sur le monde, et cette passion de la réaliser concrè- cour et bohème. Marcello fut une proche de Napoléon tement dans un grand projet pour Genève et pour la III et elle sculpta sous le pseudonyme masculin de Suisse. Là, il faut un peu de chance... mais cela fait Marcello afin d’être reconnue pour ses talents par la aussi partie intégrante du rêve que chacun porte en lui ! critique et échapper ainsi à son statut de femme artiste et d’aristocrate. Enfin, pour ce qui concerne ce nouveau numéro de la Lettre de Penthes, nous voulions rappeler que, si Le grand projet que porte notre Fondation pour le Penthes est dans le canton de Genève, Penthes est aussi musée, c’est de réaliser une « nouvelle scénographie » la maison de tous les Suisses partis dans le monde – pour notre collection permanente, harmonieusement francophones, alémaniques ou italophones ! Pour le accordée aux nouvelles technologies, axée sur un public moment, la Lettre de Penthes est éditée majoritairement jeune et dynamique. On y expliquera d’une manière en français, mais nous allons changer ce fait - la Lettre ludique et moderne les mécanismes qui ont fait la de Penthes soll auch auf Deutsch erscheinen - english, Suisse, de Guillaume Tell au Roger Federer de demain why not ? - e il desiderio sarà di poter pubblicare La et ce que le Swiss Made signifie. Dans cette époque de Lettre de Penthes anche in italiano ! « tempi brutti », pouvoir proposer un tel projet à long terme, c’est un rêve. N’en faisons pas qu’une utopie et agissons, avec votre soutien, à rapprocher cet horizon.

La Lettre de Penthes - No 26 | 57 | LA VIE DU MUSÉE

Les Suisses des cinq continents discutent du patrimoine helvétique à l’étranger à Penthes

En plein cœur de l’été genevois, plus de 80 Suisses et descendants de Suisses se sont réunis à Penthes pour la première fois afin d’évoquer le patrimoine qu’ils ont à charge dans leur pays d’adoption. L’échange et la découverte étaient les deux éléments partagés par ces Suisses qui ont fait le chemin depuis l’Argentine, l’Uruguay, l’Australie, le Maroc, Israël ou encore les Emirats arabes unis jusqu’à cette maison qui est la leur, au centre de la Genève internationale : Penthes.

58 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE |

UNE CONVICTION, UN PROJET, UNE RÉUSSITE d’un morceau de ce patrimoine, sous la forme de bâti- ments, d’archives, d’objets artistiques, scientifiques ou epuis un an, la Fondation pour l’Histoire des historiques, ou de traditions encore vivantes et vibrantes. Suisses dans le Monde prépare la première Drencontre internationale des clubs suisses. En Quatre angles de cette thématique ont été abordés effet, dispersés sur les cinq continents, les expatriés et les durant ces deux jours, de manière informelle et par- descendants d’émigrés suisses se réunissent souvent en fois plus stricte durant des conférences. Il s’agit de la club et en société afin de retrouver un morceau de leur conservation, de la restauration, de la promotion et du pays alpin, en une communauté d’intérêt, de culture et de financement du patrimoine suisse de l’étranger. tradition. Mais si parfois ils se fédèrent au niveau régional et national, les clubs suisses se retrouvent très rarement Le 12 août 2015, Penthes a eu l’honneur d’accueillir au niveau d’un continent, et jamais à l’échelle de la planète. plus de 80 Suisses, membres de 40 clubs et provenant de 22 pays à travers le monde, ayant répondu à son appel. C’est de ce constat qu’est né notre projet : renforcer le réseau entre les Suisses de l’étranger, mais non pas tant leurs liens avec la Suisse (l’Organisation des Suisses de UNE PREMIÈRE JOURNÉE DE DÉCOUVERTE l’Etranger – OSE – remplit parfaitement cette mission), mais entre eux, expatriés, descendants d’émigrés et Le premier jour de la rencontre, chacun a pu faire représentants de la Suisse dans le monde. Car ceux-là connaissance dans une atmosphère détendue. Des partagent une culture et des ambitions communes et un kakémonos explicatifs présentaient le travail que les goût pour l’ailleurs. Car ceux-là construisent un avenir différents clubs suisses effectuaient sur le patrimoine pour eux-mêmes tout en modelant l’image de la Suisse dans le monde, à travers des entreprises, des associations, ou encore des projets humanitaires. Car ceux-là enfin s’engagent dans la promotion de la culture des pays qui les ont accueillis et des peuples qu’ils ont croisés.

Fort de ce constat, la Fondation a réfléchi à une thé- matique centrale et qui rentre dans les missions qu’elle s’est données, à la fois comme musée, comme institut de recherche et comme vitrine culturelle de la Genève internationale. Ainsi, le thème du patrimoine suisse de l’étranger est apparu comme une évidence. Des siècles durant, de nombreux Suisses ont quitté le pays pour s’installer ailleurs, parfois à l’autre bout du monde connu. Avec eux, ils ont emporté une partie de leur culture et l’ont adaptée à la culture de leur pays d’ac- cueil, produisant ainsi une histoire suisse de l’étranger. Ce patrimoine est d’une richesse peu connue et chaque club suisse à travers le monde se retrouve dépositaire

La Lettre de Penthes - No 26 | 59 | LA VIE DU MUSÉE

Restauration des tableaux par Alejandro Rogazy

culturel dont ils ont la charge. Le directeur du musée Genève sur le monde. Nos invités les plus étonnés ont et de l’institut, Anselm Zurfluh, a fait découvrir à ses sûrement été les Uruguayens, ravis de voir leur ambas- hôtes venus des cinq continents le domaine de Penthes, sadeur à Berne, son Excellence Jorge Meyer Long, lui- son jardin alpin, sa vue sur le Mont-Blanc et sur le même d’ascendance suisse et appenzelloise, ouvrir la lac Léman. rencontre aux côtés des autorités genevoises.

Une visite guidée du musée, expliquant l’histoire des Le film du journaliste et cinéaste Diego Fischer, Suisses dans le monde, leur histoire et celle de leurs Historias, relatos y sueños, qui présente l’histoire des aïeuls, a précédé une cérémonie d’ouverture officielle. Suisses du Paraguay à travers des témoignages, a servi Les participants ont alors reçu un accueil chaleureux de à la fois de conclusion à la cérémonie d’ouverture et la part du vice-président du Grand Conseil genevois, d’introduction à la problématique de la conservation M. Jean-Marc Guinchard, qui a rappelé l’ouverture de et la promotion du patrimoine culturel suisse.

60 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE |

LES CONFÉRENCES

Le deuxième jour a été ponctué par deux cycles de conférence, dirigés par le directeur, Anselm Zurfluh, et modérés par le président de la Société des Amis de Penthes, le journaliste et écrivain Daniel Bernard.

Les conférences du matin avaient pour thème la conservation et la numérisation du patrimoine, autour des spécialistes Christophe Mauron, conservateur au Musée gruérien de Bulle et auteur de plusieurs ouvrages sur l’émigration suisse en Argentine, Rudolf Gschwind de la société Fachlabor, professionnel de l’archivage et de la numérisation des archives, et Victor Weiss, versé dans la problématique des volumes de stockages de données numériques et de leur conservation. La confé- rence de l’après-midi avait pour thème la promotion et le financement des projets culturels, avec l’intervention de Thomas Schmutz, spécialiste de la question.

L’optimisation de la conservation Christophe Mauron a utilisé son expérience de la colonie suisse de Baradero en Argentine, dans laquelle il s’est rendu plusieurs fois, pour poser les bases de la problématique de la conservation et de l’atmosphère contrôlé. Ainsi, la conservation optimale de la plupart des matériaux demande une température entre 18°C et 22°C, une humidité de 45 % à 55 %, et des écarts entre ces valeurs les moins abrupts et récurrents possible. Ce qu’il concède comme étant compliqué dans des régions comme celle de Baradero, où l’humidité atteint des valeurs trop hautes. Le siège de la Société suisse à Baradero, fondé en 1890, est l’exemple d’un bâtiment infiltré par l’eau et l’humidité. Si les fonds ne permettent pas la mise aux normes de l’ensemble du bâtiment, la rénova- tion d’une salle pour le stockage des collections fragiles peut être une solution moins onéreuse.

La Lettre de Penthes - No 26 | 61 | LA VIE DU MUSÉE

Que doit-on conserver–? L’un des questionnements principaux de la rencontre a été le choix dans la conservation. Quels sont les critères pour décider de l’importance ou non d’un document ? Une Uruguayenne témoigne : « On a tellement perdu dans le passé qu’il faut absolument tout garder et conserver même si on ne connaît pas la valeur ni l’intérêt du docu- ment. On doit prendre conscience de l’importance de la conservation. En convaincre les gens. »

Christophe Mauron affirme « qu’il faut, d’une ma- nière ou d’une autre, établir des critères de sélection, sur des éléments intéressants et significatifs de l’époque. Mais tout dépend de l’intérêt scientifique et de l’argent que l’on a à disposition pour la conservation. Moins on a d’argent, plus on doit sélectionner. Pour conserver et investir, il faut savoir pourquoi. Il faut se mettre en contact avec des experts. » Bien entendu, « des Etats comme l’Argentine n’aident en rien à la conservation d’un patrimoine qu’ils considèrent comme un patri- moine d’immigrants. En Suisse par contre, on peut plus facilement créer une collaboration. Internet aide beaucoup à l’évolution des associations. Ces archives de l’histoire de l’immigration ont un intérêt véritable pour et les archives peuvent échanger des informations l’Europe pour mieux comprendre la problématique sur leur collection respective et comprendre l’intérêt actuelle de l’immigration. Mais l’utilisation d’internet des objets qui la composent. Mais il faut une organi- nécessite une numérisation des documents. » sation réfléchie et constante, pour éviter que chacun utilise un protocole différent et mette à mal le travail Numérisation et communication précédemment effectué. « Numériser ses archives per- Rudolf Gschwind, de Fachlabor Gubler SA, inter- met de les montrer à des spécialistes qui eux, vont vient pour expliquer l’importance de la numérisation et pouvoir donner un avis sur la nécessité de conserver la nécessité de l’organisation dans la digitalisation des tel ou tel document, affirme Christophe Mauron. archives et l’utilisation des métadonnées. Numériser Le numérique aide à la collaboration, surtout sur les comporte de nombreux avantages, comme conserver longues distances. » Les musées et les archives helvé- un document malgré sa dégradation, permettre de tiques sont des services disposés à aider les Suisses de limiter sa manipulation et de communiquer dessus. l’étranger, et les aiguiller dans la gestion de leur patri- Mais afin de bien communiquer et aller au-delà de la moine par leurs conseils. conservation de l’objet sous format numérique, les métadonnées doivent être traitées de manière à pou- Toutefois, la numérisation ne dispense pas d’être voir être diffusées pour les recherches et les connexions attentif à la conservation des documents originaux. entre les différentes bases de données. Ainsi, les musées « Surtout, précise Christophe Mauron, que les données

62 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE |

numériques sont particulièrement fragiles. Les formats L’évolution des supports locaux a fait réaliser leur évoluent, les logiciels aussi. Une base de données créée instabilité dans le temps. Ainsi, un CD/DVD a une durée en 2010 peut devenir illisible ou corrompue en 2015. de vie de 20 ans et un disque dur entre 10 et 20 ans. Et les supports numériques ne sont pas plus éternels Les technologies de stockage optique 3-D et M-Disc que les documents originaux. » (Millenial Disc) ont permis d’augmenter la durée de vie des supports numériques jusqu’à un siècle, voire 1000 ans Support de stockages selon ce que prétend la compagnie détentrice du brevet Victor Weiss, spécialiste dans le stockage et la du M-Disc. Mais la longévité des supports ne pourra conservation des données numériques et lui-même être démontrée qu’avec le temps, et il reste nécessaire de Suisse d’Israël, prend la parole pour exposer les diffé- prêter attention aux sauvegardes des données sur plu- rentes problématiques sur le sujet. La technologie offre sieurs supports, autant locaux qu’à distance. Ainsi les actuellement de vastes options, entre le stockage sur des échanges et les collaborations permettent aux données supports à distance (Cloud, VPN, Google, DropBox…) de circuler et d’être sauvegardées quelque part. qui, s’ils évitent les risques de perte physique, restent sensibles au niveau de la sécurité des données, et le Les conférences se sont donc terminées sur les stockage sur des supports locaux, comme les CD, les conclusions suivantes : la nécessité d’offrir de bonnes disques durs SSD/HDD et d’autres. conditions de conservation (température et humidité), l’importance de la conservation des documents pour la

La Lettre de Penthes - No 26 | 63 | LA VIE DU MUSÉE

postérité, l’utilité des échanges avec des spécialistes de la Suisse, l’efficacité de la numérisation dans les échanges et la préservation du patrimoine et l’effort qui doit être fait pour prendre conscience des risques de perte des données numériques.

Mais une des questions récurrentes reste celle concer- nant le financement des projets de conservation, de restauration et de numérisation.

Savoir exposer un projet Thomas Schmutz explique que financement et pro- motion sont imbriqués. La promotion permet de trouver un financement qui permet une meilleure promotion qui permet elle-même de trouver un plus gros finan- cement… Mais il faut commencer par définir le projet et la stratégie, et contrôler par la suite la réalisation et le financement.

Une fois les raisons et les limites du projet définies, il faut lui construire un plan de financement en demandant l’avis des spécialistes du sujet. Il est plus sûr d’assurer le financement par plusieurs sources de revenus : les dons privés (mécènes et entreprises, financement participatif), les subventions publiques (commune, canton, Loterie romande), les sociétés d’amis et les revenus indirects (prix des billets, ventes autour du projet).

Les dons privés auprès des mécènes ou des entreprises demandent la constitution d’un dossier de sponsoring structuré, qui met en avant les points forts du projet qui pourraient intéresser le mécène. Le sponsor demande souvent des exclusivités ou des retours pour ses clients, s’il s’agit d’une entreprise par exemple. Le financement parti- cipatif devient un mode de financement de plus en plus utilisé par la culture et le milieu du patrimoine. De nombreux sites internet proposent des services de mise en réseau, mais il faut correctement réfléchir aux contreparties proposées à ceux qui investissent dans le projet. Un suivi est nécessaire.

64 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE |

Les financements publics sont toujours possibles à mauvais chemin. Parfois, il faut réfléchir à un projet en travers les communes ou les organes de redistribution fonction de son impact sur les médias et le grand public. comme la Loterie romande. Pour ce qui est des Suisses Pour le bénéfice financier, c’est indispensable. » dans le monde, si on s’imagine que le pays ne s’intéresse pas à son patrimoine d’immigration, ils peuvent diffi- Anselm Zurfluh conclut ainsi les conférences sur la cilement se tourner ailleurs. nécessité de construire un projet, de le communiquer et de le partager afin de trouver les financements pour sa La fidélisation par la Société des Amis est une source réalisation. Il rappelle que la rencontre des Clubs suisses de revenu stable et l’assurance de capter un public. Il est à Penthes a été organisée dans ce sens. La prochaine important de mettre en avant les membres et de les édition, en 2016 ou 2017, proposera de se pencher sur fidéliser autour du projet. Il faut que le bénéfice d’être l’évolution des traditions suisses à l’étranger. Le directeur membre soit évident. remercie l’assemblée et les intervenants, il invite chacun à venir au repas de gala de la soirée. L’ensemble de ces sources de revenus directs, basé sur la communication du projet, se génère mutuellement quand la machine est lancée. Le public aidera plus UNE DERNIÈRE NOTE FESTIVE volontiers au projet si une partie du financement est assurée par des privés, qui seront plus incités à investir La première Rencontre des Clubs suisses s’est conclue s’ils sont sensibilisés par le projet et par leur statut de par un repas festif durant lequel chaque participant a pu membre de la Société des Amis. échanger sur ces deux jours dédiés au patrimoine suisse de l’étranger. Les réactions ont été très positives sur l’en- Quand Anselm Zurfluh demande la base véritable de semble de l’événement et la Fondation pour l’Histoire financement, Thomas Schultz répond « qu’il faut avant des Suisses dans le Monde est désormais convaincue du tout fonder une association ou une fondation. Le lien rôle qu’elle doit tenir, au centre des relations entre les www.swissfoundations.ch donne les standards pour ce qui clubs suisses à l’étranger. Elle est ainsi déjà occupée à concerne les donations. Ensuite, des spécialistes peuvent organiser la prochaine édition et invite les Suisses dans aider à développer une stratégie de financement autour le monde à venir se rassembler à Penthes. des forces du projet. Puis construire un réseau est essentiel, de même que rendre compte de la réalisation du projet pour garder les sponsors acquis. »

« Mais comment passer à une gestion professionnelle quand on est amateur ? » demande un Suisse du Chili.

« Toutes les grandes institutions étaient des amateurs au début, répond Thomas Schmutz. Ce n’est qu’avec le temps, une bonne organisation et un grand effort qu’on y arrive. Cependant on peut se poser une question : est-ce que tous les projets doivent se concrétiser ? Il faut savoir réorienter son projet lorsque celui-ci prend un

La Lettre de Penthes - No 26 | 65 | LA VIE DU MUSÉE

près les expositions Le Marin et le Photo- graphe, Corto Maltese et Marco D’Anna en Yakari, un A2012, rendant hommage au dessinateur Hugo Pratt, et Objectif Penthes. Tint’interdits, pas- petit Sioux tiches et parodies en 2014 qui nous a régalés avec des parodies « tintinolesques » les plus désopilantes de la production bédéiste suisse, nous célébrons l’œuvre de à Penthes deux Suisses, Derib et Job, à travers l’un des person- nages de BD les plus attachants : Yakari.

Par Camille Verdier, Cet automne, le Musée des Suisses dans le Ce petit Sioux qui parle aux animaux et qui, depuis directeur artistique, Monde plonge à nouveau le visiteur dans Musée des Suisses 40 ans, a bercé et berce encore l’enfance de nombreuses dans le Monde l’univers coloré de la bande dessinée. têtes blondes, est sans doute le représentant le plus connu du Neuvième Art helvétique, en concurrence avec Titeuf. Et quel meilleur endroit que le château de Penthes, en République de Genève, pour exposer la bande dessinée suisse ?

En effet, le créateur et théoricien de la BD, Rodolphe Töpffer (1799-1846) est Suisse et Genevois et ses « his- toires en estampes », comme Monsieur Jabot (1833), lient de manière narrative et séquentielle l’image et le texte, sur un ton humoristique et fantaisiste. Töpffer théorisa même les principes de cet art qu’il pensait nou- veau, où « les dessins sans le texte n’auraient qu’une si- gnification obscure ; le texte sans les dessins ne signifie- rait rien ». Certes les lettres de noblesse de la bande dessinée occidentale ont été acquises en Belgique, mais la Suisse a produit des dessinateurs fameux comme Derib qui, dans l’apprentissage de son art, à Bruxelles auprès de Peyo, est un Suisse de l’étranger.

Mais revenu sur les rives du Léman, le Vaudois Derib apparaît comme le premier auteur suisse à obtenir un succès international. Et au bout du lac, la cité de Calvin peut s’enorgueillir d’être le grand centre d’une production dessinée nouvelle avec des auteurs comme Exem, Mix & Remix ou encore Zep. Mais que serait Yakari sans son deuxième « père », le Jurassien Job, qui goûte dorénavant à la chaleur de la garrigue nîmoise, dans une maison Bauhaus dont la porte nous a toujours été ouverte ?

Si Yakari est le personnage central de notre exposition, nous n’aurions pas pu manquer l’occasion d’évoquer les cultures des Indiens d’Amérique du Nord, d’ailleurs si chères à Derib et à Job. Comme chacun, ils ont été bercés par les westerns hollywoodiens et par l’idée que les « Indiens » massacrent les valeureux pionniers américains,

66 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE |

Pehriska-Ruhpa. Guerrier Mannitarri costumé pour la Danse du Chien. Karl Bodmer – 1832-1834

ces cow-boys dont John Wayne est l’archétype. Par la suite, l’ethnographie sont des instantanés de ces cultures bou- des films comme Danse avec les Loups (1990) ou Le Dernier leversées par le contact avec le colonisateur et poussées des Mohicans (1992), adaptation de l’œuvre de Cooper et à l’extinction par les déportations. Pocahontas (1995) ont donné cette image romantique des cultures indiennes, nostalgique de leur quasi-disparition. Ces Suisses du XIXe siècle sont à mettre ensuite en rela- Dans l’esprit des Euro-Américains l’« Indien » a souvent tion avec ce Suisse du XXe siècle qui dessine des Natifs : l’apparence d’un Sioux ou d’un natif de la région des Derib. Si Yakari est son œuvre la plus connue, nous avons Plaines : chevauchant dans les plaines, chassant le bison, décidé d’exposer des planches de Celui-qui-est-né-deux- arborant des coiffes à plumes et habitant les fameux tipis. fois, plus proche de la réalité historique et ethnologique.

L’exposition démarre donc par la présentation de ces Loin de la tragédie amérindienne, Job a écrit des textes objets iconiques des peuples natifs occupant les Plaines, et inédits afin d’évoquer le monde de Yakari à travers le bes- de ce qui interpelle l’imaginaire et le merveilleux : l’aven- tiaire que le petit Sioux rencontre au cours de ses aventures. ture dans l’Ouest sauvage américain. Pourtant cela ne En effet, les tribus accordaient beaucoup d’importance à concerne qu’une infime partie des centaines de tribus qui leur rapport avec la nature et les mythes autour des ani- peuplaient le nord de l’Amérique, du désert du Nouveau- maux en sont un symbole fort. Nous ne pouvons songer Mexique jusqu’aux toundras d’Alaska, des vallées boisées au mode de vie des Plaines sans réfléchir aux valeurs des Montagnes Rocheuses aux vastes prairies du Kansas. d’écologie qui caractérisent les courants de pensée actuels Ces « clichés archéologiques » sont mis en relation avec et qui transpirent dans les aventures de Yakari. les œuvres graphiques de Suisses qui sont partis au XIXe siècle explorer l’Amérique du Nord. Karl Bodmer Enfin, cette exposition s’adresse aux plus jeunes et (1809-1893), Peter Rindisbacher (1806-1834), Friedrich tout un parcours pédagogique a été développé ainsi qu’un Kurz (1818-1871) et Frank Feller (1848-1908) nous ont carnet d’exploration. Une première à Penthes ! « Le dernier laissé des témoignages exceptionnels des tribus qu’ils ont des Mohicans » nous a quittés, mais nous reste Yakari, nous rencontrées durant leur périple : Crows, Comanches, invitant à cette grande traversée sur les pistes et les traces Kiowas, Cheyennes, Mandans, Lakotas, Dakotas, ensoleillées par Derib et Job de la nostalgie amérin- Blackfeet, Assiniboines nous apparaissent dans leur vê- dienne. Le film suisse de Patricia Moraz disait Les Indiens tement d’apparat, dans les scènes de la vie quotidienne sont encore loin (1977). Les voici revenus tout près de ou durant les cérémonies. Ces dessins précieux pour nous, rien que pour vous, sur le domaine de Penthes.

La Lettre de Penthes - No 26 | 67 | LA VIE DU MUSÉE

Par Anselm Zurfluh Directeur du Musée et de Exposition du 1er novembre 2015 l’Institut des Suisses dans le Monde au 14 février 2016

68 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE |

ans les discussions philosophiques et politiques de ces derniers temps, des personnalités, des Dinstitutions, les politiques et les professionnels de l’éducation ont mis le doigt sur la quasi-absence d’un enseignement de l’histoire de la Suisse. Ce phé- nomène touche toute l’Europe et chaque nation.

La Société Helvétique a même lancé une pétition pour exiger que l’histoire suisse retrouve sa place légitime dans nos écoles. Chacun y va donc de sa solution. Or, un des problèmes récurrents qui se posent à ce propos, c’est de savoir comment motiver les uns et les autres autour d’une thématique supposée aride et difficile.

Le Musée des Suisses dans le Monde a décidé de s’emparer de cette problématique et de proposer une solution ludique et pédagogique pour les jeunes et les moins jeunes. Ainsi, associer la marque Lego® à l’His- toire suisse nous a semblé une bonne approche. Encore fallait-il choisir les sujets... Et pouvoir les associer à notre collection muséale. Ce qui fut fait, de Guillaume Tell, mythe fondateur autour de nos libertés suisses à Napoléon, garant de l’organisation nouvelle de la Suisse après la Révolution, de la fameuse locomotive Croco- dile utilisée au Gothard au couteau Suisse Victorinox, icônes mondiales de l’industrie suisse, du Château de Penthes au sommet du mont Everest. Ce sont quelques moments forts de notre passé que nous pouvons illus- trer d’autant mieux que les constructions Lego® sont en miroir avec les pièces de notre propre collection. Pas moins d’un million de briques Lego® ont été nécessaires pour pouvoir construire les œuvres que vous admirez.

L’exposition et son catalogue retracent ces moments forts de notre histoire, des ateliers permettent à tous de s’immerger dans l’histoire, des visites guidées accom- pagnent les publics et des parcours spécifiques ont été mis en place pour les personnes en situation de handicap. Tout un programme au service d’un seul objectif : faire partager et aimer l’histoire du pays dans lequel nous vivons.

La Lettre de Penthes - No 26 | 69 | LA VIE DU MUSÉE Tout commença quand je découvris sous le sapin de Noël ma première boîte de LEGO®

La culture est comme l’air que l’on respire. Elle nous est indispensable. Elle fait partie de notre vie, contribue à notre éducation. Elle rassemble. Elle surprend. Elle émerveille... et surtout, elle nous permet de vivre des instants d’évasion... C’est une véritable ouverture aux autres permettant Eric Jousse d’enrichir notre quotidien et de découvrir le monde qui nous entoure Directeur de l’agence Epicure Studio au regard de créations aussi déroutantes que fantastiques. C’est aussi Commissaire adjoint comprendre le passé et imaginer le futur à travers des témoignages divers de l’exposition Histoire en Briques et variés de l’histoire – et c’est aussi une histoire personnelle.

’était un train avec des rails bleus que l’on assem- et international), pour proposer au Député et Maire de blait avec des petites plaques blanches. Une la ville de Rueil-Malmaison, Monsieur Patrick Ollier, locomotive noire associée à un wagon « caisson » une exposition unique, à la fois ludique et audacieuse C e rouge dans lequel on mettait des piles, le faisant avancer, dans le cadre du « 2 Jubilé de Napoléon & Joséphine ». suivi de deux autres wagons. C’était fabuleux et nou- Evénement populaire qui draina plus de 60 000 visi- veau pour moi... C’était hier... Ou plutôt non, il y a plus teurs pendant les journées du patrimoine en 2014. de 35 ans. Je venais juste d’avoir mes 5 ans. Le souvenir Financée en partie par COFELY INEO du groupe d’un petit garçon qui ne l’a jamais quitté. Ce fut ENGIE, l’exposition a eu pour objectif de reproduire « LE JOUET » qui déclencha cette passion quelque en briques LEGO®, les patrimoines architecturaux, peu incontrôlable pour les briques LEGO®… Mainte- culturels et artistiques des villes de Rueil-Malmaison nant, j’ai 4 enfants. Je continue à assembler ces rails et Paris liés à la période du début du XIXe siècle. devenus gris sur lesquels roulent des trains de plus en plus perfectionnés... Et je vois leurs yeux s’émerveiller. Distribué dans plus de 140 pays, vendant en moyenne Je suis heureux et je n’ai pas besoin de plus… sept boîtes à la seconde dans le monde avec un milliard et demi d’utilisateurs, LEGO® qui soutient cette expo- Dirigeant d’une entreprise de communication, d’évé- sition, est devenu récemment le premier groupe mondial nementiel et d’architecture Retail depuis plus de 20 ans, sur le marché du jouet ! D’où l’idée d’associer un pro- féru d’histoire ainsi que des briques LEGO®, je me suis duit de consommation moderne et intergénérationnel donc rapproché de l’association Bonap’Art (Association en ayant pour but de faire découvrir et de raconter valorisant le patrimoine culturel et historique français l’histoire autrement aux enfants et à leurs aînés via un

70 | La Lettre de Penthes - No 26 LA VIE DU MUSÉE |

produit reconnu, voire même adulé : la brique LEGO®. modélisateurs-constructeurs maîtrisant les techniques Mais c’est aussi la mise à disposition d’ateliers pédago- de construction LEGO® ne manquant pas d’ingénio- giques pour les visiteurs pour construire « le monde » sité et d’originalité ! Après Genève, une autre exposi- tel qu’ils le perçoivent et afin de poursuivre l’expé- tion s’installera à Saint-Quentin en Picardie pour rience, une boutique éphémère est implantée où les ensuite voyager dans maintes villes de France et d’Eu- produits du catalogue LEGO® sont vendus. rope, pour une tournée de cinq années.

Une exposition muséographique, qui se veut itiné- Histoire en Briques est une exposition incontour- rante, chaque fois adaptée aux lieux et qui s’enrichit nable à vivre en famille pour le plaisir des plus jeunes au fur et à mesure de son exploitation par les villes et comme des plus grands. Plus de 75 000 visiteurs sont les musées. Après Rueil-Malmaison près de Paris, déjà venus admirer ces œuvres uniques lors des pré- Waterloo en Belgique et La Mure, ville d’origine mi- cédentes expositions ! Je compte énormément sur le nière jouxtant Grenoble, l’exposition se produit actuel- public suisse, pour poursuivre cet élan tout en laissant lement au Château de Penthes, Musée des Suisses la magie LEGO® faire son œuvre. dans le Monde, avec des œuvres originales, conçues pour illustrer quelques aspects choisis de l’histoire Tous à vos briques et TAK ! (*) suisse, de Guillaume Tell à Roger Federer, par Valentine (*) Merci en danois Meyer, Commissaire de l’exposition et Anselm Zurfluh, Directeur du Musée. Des œuvres produites par des www.epicure.fr

La Lettre de Penthes - No 26 | 71 | À TRAVERS LE MONDE Swiss High-tech on the Oceans

Life was harsh in the inhospitable mountain valleys of the founding ‘fo rest cantons’ of Uri, Schwyz and Unterwalden and ever since the beginnings of the Swiss Confederation, some seven centuries ago, the Swiss have faced a formidable challenge: how to generate wealth without easily avai- lable natural resources. However, the Swiss have always been characte- rized by their gift for finding creative solutions to seemingly intractable

Philippe M. Guénat problems. And to prosper from them. Indeed this genius for transcending chairman hardship and scarcity is so great that it borders on alchemy: the famous of the technical advisory board Swiss ingenuity.

72 | La Lettre de Penthes - No 26 À TRAVERS LE MONDE |

he Devil’s Bridge and the tolls collected there, the flourishing trade with pilgrims on their Tway to Rome, well-paid mercenaries all over Europe, the relative oasis of peace during the 30-Year- War in Europe… All these were important factors that contributed to the country’s prosperity. But most importantly, Switzerland from the start was obliged to invest in producing quality. Perhaps the best example of this is the making of cheese, because only cheese of the highest quality could be transported and sold throughout Europe. Later on, the Swiss gained a repu- tation for engineering, arbitrage, and precision tools, all following the same pattern: a focus on quality and high prices for niche markets.

The ‘made in Switzerland’ label, which is today synonymous with quality and reliability, is not merely some quaint cultural stereotype but rather springs from a proud and unique history of entrepreneurial creativity. Swiss quality has become the hallmark of excellence worldwide.

Despite its decidedly un-Swiss name, BakriCono Co. Ltd is nevertheless a shining example of Swiss know- how under Swiss and international ownership and seamanship. His later vocation as an hotelier and his management. Established in 2004, it is a privately held passion for tourism took him to the Orient where he company strategically located on the eastern shore of the managed various hotels, presided over the Hotelier’s Gulf of Thailand, where people need boats. This high- Commission of Thailand and lectured on business tech shipyard is a specialist builder of monohull and management and re-engineering at the University of catamaran luxury yachts, both sailing and powered, Bangkok. Well-known for his entrepreneurial flair but with one tiny difference: they are powered by the and outstanding achievements, Philippe naturally de- sun! BakriCono’s staff of highly specialized workers cided to devote his energy and skills to the shipyard. and technicians is at the leading edge of this technology. He has combined his knowledge of sailing and solar energy and has pioneered the use of hybrid energy in From design to finished product, the shipyard’s the field of marine transportation. He leads BakriCono’s expertise has earned it worldwide respect for its preci- international business development and strategic sion and excellence in boat-building. The company partnerships. His business acumen, exacting standards has a strong Swiss and European presence in manage- and varied skill set are emblematic of the world- ment and key technical positions. In Michael López- renowned Swiss brand of entrepreneurial genius. In a Alegria it has a former NASA astronaut as a partner. way, Philippe is the typical Swiss...working in Thailand with an international crew, featuring a high-tech One of the key partners is Philippe M. Guénat, chair- product, producing first-class objects of the finest man of the technical advisory board as well as a mem- kind, selling the end-product to dedicated customers ber of the board of the SolarPlanet Foundation, which who more often than not become friends...it’s Swiss embodies the best of Swiss entrepreneurial excellence. know-how at its best! He is a passionate yachtsman who spent his formative years on Lake Geneva learning about navigation and www.bakricono.com

La Lettre de Penthes - No 26 | 73 | À TRAVERS LE MONDE Touristische Leistungen in aller Welt - man spricht Deutsch

Ferien in den Philippinen bei einem Schweizer Ehepaar? Insidertipps in Australien in deutscher Sprache? Viele Schweizer schätzen diese Annehmlichkeiten in den Ferien. Auf dem neuen Vermittlungsportal halloswiss.ch können Auslandschweizer ihre touristischen Angebote vom Hotel bis zum Ausflugsprogram präsentieren.

uf halloswiss.ch finden Sie Schweizer im Ausland, welche eine touristische Leistung Aanbieten und sich mit Ihnen in Deutsch un- terhalten wie zum Beispiel die Familie Blum – be- kannt aus der Sendung „Auf und Davon“ auf SRF – die seit 2013 unvergessliche Abenteuerferien in Kanada anbieten oder Birgit und Rene in Südafrika, welche mitten in der Natur zwischen Bergen und Seen eine Lodge mit dem Namen „Kwela“ betreiben.

Das Projekt halloswiss.ch ist Ende Mai erfolgreich gestartet. Bis heute sind es über 120 Angebote welt- weit, die von Auslandschweizern platziert wurden. Ob Unterkünfte, Restaurants, Tauchschulen, Fahr- zeugvermietungen, Sprachschulen, Surf Camps oder weitere tolle Angebote, alle haben eines gemeinsam: Alle Anbieter sprechen Deutsch.

Ende 2014 wurden rund 747 000 Schweizer im Aus- land gezählt und rund 10 000 Auslandschweizer mit touristischen Angeboten. Wir sind stets auf der Suche nach Schweizern im Ausland. Vielleicht kennen Sie selbst jemanden, der von unserer Idee profitieren könnte? Wir freuen uns über Schweizer Kontakte.

Die Idee wurde übrigens vor 20 Jahren zwischen Bier und Bänken in einer Beiz in den USA ins Leben gerufen. Wäre es nicht toll, wenn man Schweizer im

74 | La Lettre de Penthes - No 26 À TRAVERS LE MONDE |

Ausland besuchen könnte. Damals hiess die Idee „Urner Hinter dem Projekt halloswiss stehen die Reisebüros besuchen Urner“. Das Projekt kam sehr gut an, ver- Hauger mit fünf Standorten in der Innenschweiz. An- sandete aber leider nach einigen Jahren wieder. Letz- bieter können auf die Unterstützung eines starken Part- tes Jahr kam die Idee wieder auf und Ende Mai 2015 ners in der Schweizer Reisebranche bauen. wurde halloswiss.ch lanciert und ins Leben gerufen. Das allererste Angebot ist übrigens von halloswiss-Pro- Halloswiss ist keine Buchungsplattform wie Airbnb jektleiterin Bettina Berger, welche ihr Pensum mit ihrem sondern ein Vermittlungsportal. Ein Angebot kostet Bruder teilt. Oli Berger ist für alles Grafische verantwort- CHF 69.– pro Jahr und es kommen keine weiteren Kosten lich. Bettina lebt seit acht Jahren in British Columbia, dazu. Die Besucher nehmen direkt Kontakt über das Kon- Kanada, und ist momentan für 6 Monate in der Schweiz taktformular oder via Email-Adresse auf. Es ist auch schon und betreut das neue Projekt. Im November geht es dann vorgekommen, dass Auslandschweizer andere Schweizer wieder zurück in die Cat Skiing Lodge namens Mustang Nachbarn entdeckt haben. Was uns natürlich sehr freut. Powder, wo sie als Lodge Managerin für den Winter arbeitet.

www.halloswiss.ch

La Lettre de Penthes - No 26 | 75 | IMPRESSUM

LA LETTRE DE PENTHES LE MAGAZINE DU DOMAINE DE PENTHES NUMÉRO 26 Ç AUTOMNE 2015

ÉDITEUR CONCEPTION ET RÉALISATION Fondation pour l’Histoire des Suisses dans le Monde Théorème communication, Genève Château de Penthes 18, ch. de l’Impératrice CORRECTIONS CH-1292 Pregny-Chambésy Béatrice Obergfell T +(0)22 734 90 21 www.penthes.ch PUBLICITÉ Régie Kal RÉDACTEUR EN CHEF Anselm Zurfluh IMPRESSION Atar Roto Presse SA, Genève ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Gabrielle Claerr Stamm TIRAGE Guy Ducrey 4000 exemplaires Laure Eynard Stéphane Kronenberger Stéphane Sapin Bénédict de Tscharner Camille Verdier Christophe Vuilleumier

PHOTOS Epicure studio – couverture, pp. 68, 69, 70, 71 © Derib+Job - Le Lombard – pp. 1, 66 Christophe Veuilleumier – pp. 1, 17, 18, 19, 21 Musée des Suisses dans le Monde – pp. 3, 57, 60 Guy Ducrey – p. 4 Switzerland Global Entreprise – p. 7 Henry Bois de Chesne – pp. 11, 12, 13 © L’Osservatore Romano/AP Photo – p. 14 Camille Verdier – pp. 14, 15, 67 Anton Bebler – pp. 22, 23 Stéphane Kronenberger – pp. 30, 31 Laurence Deonna – p. 41 © Fachlabor Gubler AG – pp. 51, 55 Dominique Quennoz – pp. 58, 59, 61, 62, 64

Zurich, Nordamerika Native Museum – p. 67 PERFORMANCE BarkiCono Co. Ltd – pp. 72, 73 neutral 01-15-462623 DR. Imprimé myclimate.org

76 | La Lettre de Penthes - No 26

RANGERWOOD

MAKERS OF THE ORIGINAL SWISS ARMY KNIFE | VICTORINOX.COM