CHATEAUX EN BOURBONNAIS Maquette : Claire Forgeot Composition : Atelier Ipomée Impression : Imprimerie Beaufils à Moulins Dépôt légal : juillet 1983 © ipomée tous droits réservés - ISBN 2-86485-023-5 Editions Ipomée - 03000 Moulins RAYMOND COLAS CHATEAUX EN BOURBONNAIS

éditions ipomée

Préface

Je dois à M. Raymond Colas de cuisants remords. Comment, au sein de cette province que j'ai traversée cent fois, il existe tant de merveilles, et c'est à peine si j'en connais le dixième ! Ainsi se dessine l'un des plus évidents paradoxes de notre vie moderne. Jadis nos pères voyageant à la sage allure des pas de leurs chevaux, se fussent trouvés bien empêchés de parcourir, du nord au sud, de l'est à l'ouest, l'ensemble de notre vieux pays. Il leur eût fallu plusieurs existences. Le progrès technologique nous a dotés, nous, de moyens de transports incompa- rables. Et nous n 'en usons que pour courir au but, avalant nationales et auto- routes, regardant droit devant nous, sans accorder un détour à ces innombrables châteaux, témoins du plus prestigieux des passés, survivance sans égale, âme en vérité de la . Je tourne les pages du livre de M. Raymond Colas. A chaque instant je m'arrête, j'admire, je m'exclame. Le Bourbonnais, fief d'une famille identi- fiée au royaume qu 'elle a gouverné, recèle logiquement des châteaux de toutes époques et, en apparence, de tout style. En apparence, parce que, parmi les plus disparates, je discerne un air de famille. Les châteaux sont analogues aux bons vins : c'est du terroir qu'ils tiennent une grande part de leur personnalité. M. Raymond Colas nous offre ici de remarquables images qui nous procu- rent tout aussitôt l'envie d'aller visiter les originaux. De cela seul nous devons le louer, le remercier. Mais il a composé, à propos de chacune de ces presti- gieuses demeures, des monographies qui m'apparaissent de petits chefs- d'œuvre d'histoire, de science archéologique et -pourquoi pas ? - de socio- logie. Suivre à la trace les propriétaires de ces châteaux, découvrir les raisons qui ont fait que certains ont changé souvent de mains, tandis que d'autres demeuraient dans la même famille, voilà qui se révèle diablement intéressant. Qu'elles soient louées, d'ailleurs, ces familles qui, refusant de se séparer de maisons si lourdes, ont courageusement choisi la difficulté. J'affirme que demeurer aujourd'hui propriétaire d'un château, c'est exercer une manière d'apostolat. Les pouvoirs publics en ont trop tardivement pris conscience. Ils feraient bien aujourd'hui de mettre les bouchées doubles. Vite, Raymond Colas, donnez-nous un autre livre comme celui-ci ! Alain DECA UX, de l'Académie française

INTRODUCTION

Si l'histoire des légiée incite l'au- Bourbons se con- tomobiliste à ne fond, durant plu- point dévier de ces sieurs siècles, avec axes, mesurant au celle du Royaume plus juste un temps après leur acces- précieux. Sans dou- sion au trône de te, au passage, est- France, le rôle capi- il sensible à l'appel tal qu'ils ont joué des flèches de la antérieurement dans la formation de la pro- cathédrale, à la majesté du château de Lapa- vince qui fut leur berceau est moins connu. lisse, aux lointains de la Montagne Bourbon- Aussi, alors qu'apparaît un regain d'intérêt naise ou encore aux perspectives offertes par pour les événements et les témoignages du les côteaux qui dominent la vallée de l' passé, ai-je voulu rechercher les origines et ou celle du Cher. Mais ce ne sont trop souvent suivre le développement du duché du Bour- que des visions fugitives dans l'accélération bonnais à travers les châteaux que les pre- d'un rythme qui limite l'image de l'ancienne miers Bourbons et leurs vassaux ont disposés province aux voies directes où la voiture file à en pièces maîtresses sur l'échiquier de cette son aise. région. Et pourtant, il n'est que d'en sortir de quel- En effet, limité au nord par le Berry, le ques kilomètres, pour découvrir l'étonnante Nivernais et la Bourgogne, à l'est par le variété de l'univers bourbonnais, celle de ses Forez, au sud par l'Auvergne et à l'ouest par sols, de ses vallées et de ses horizons. Frange la Marche, le Bourbonnais fut de tous temps du Massif Central, la terre bourbonnaise a été une terre de passage et la plupart de ces façonnée par le Cher, l'Allier, la Loire et leurs châteaux en contrôlaient les accès ou les affluents qui, du sud au nord, taillant dans la itinéraires. Or, en dépit de la circulation à masse des vieux blocs primaires, dans celles outrance qui caractérise notre époque, beau- des granits et des porphyres, ont modelé son coup d'entre eux demeurent ignorés. Si, de Moulins, de grands axes rayonnent vers les Le duc Charles III de Bourbon 1520, connétable de France, quatre points cardinaux, cette situation privi- école des Clouet. Cliché GIRA UDON. relief qu'ils ont ourlé de festons et adouci de centre du Royaume. Si, à plusieurs reprises, le plaines alluvionnaires. Toute la partie située à roi les aida dans cette tâche, ce soutien fondé l'ouest de la vallée de l'Allier a mieux résisté sur d'étroits liens familiaux ne fut pas désinté- et, en prémices des monts d'Auvergne, elle ressé pour autant, soit qu'il comptât sur le offre des collines bourrues, des forêts denses potentiel militaire du Bourbonnais pour parer et des plateaux entaillés de larges saignées, aux menaces de ses proches voisins, soit qu'il répliques des lignes couleur d'ardoise de la aît misé sur des successions pour que la pro- Combraille voisine. En revanche, sans autre vince fût dévolue à la Couronne de France. transition que les opulentes croupes des En remontant aux peuples de la Gaule, côteaux qui dévalent vers l'Allier, la plaine de trois ethnies étaient implantées sur le terri- la Limagne s'étale tout au long de ses rives, toire du futur Bourbonnais : tenant essentiel- tandis que les vallonnements où s'insinue la lement le sud, les Arvernes débordaient vers Besbre rejoignent au nord et à l'est la bande l'est, les Bituriges occupaient l'ouest ainsi que alluvionnaire de la Loire. Encore faut-il ajou- le nord de la rive gauche de l'Allier tandis ter qu'au milieu de cette partie orientale que, sur la rive droite, les Eduens tenaient au caractérisée par des sites de plaines, la Monta- nord entre Loire et Allier. De cette implanta- gne Bourbonnaise pousse de part et d'autre tion initiale naît la structure administrative de de la Besbre l'avancée de sa chaîne de granit, trois « civitates » qui, par la suite est accen- coiffée de bois et de pâtures, prolongeant les tuée par l'érection des diocèses de Clermont, monts du Forez et de La Madeleine. de Bourges et d'Autun. Rien ne paraît alors C'est sur la trame de lignes aussi diverses prédisposer le « vicus » de Bourbon qui que fut tissé l'étonnant réseau des châteaux relève de la cité des Bituriges à prendre le pas bourbonnais. Qu'elles aient été conçues pour sur les autres groupes de cette ethnie, ni à la défense ou pour l'agrément, il n'est aucune viser une expansion chez les Arvernes ou les de ces demeures qui ne s'intègre au site, l'enri- Eduens. Mais successivement, au cours de chissant du témoignage humain et du merveil- quatre siècles, des événements viennent lui leux dont se nourrit encore l'enfance. Sur un donner une importance stratégique doublée promontoire dominant le ravin d'une rivière d'intérêts religieux et politiques. Tout tels Rochefort ou , en vigie vers de d'abord en 761, Pépin-le-Bref y triomphe de lointains horizons comme Gayette ou Four- Waïfre, duc d'Aquitaine ; puis à la fin du IXe chaud, impavide forteresse comme Billy, siècle et au début du Xe, le point fortifié de puissante demeure portée en pavois par sa Bourbon résiste aux invasions des Normands ville comme , silhouettes alternées et des Hongrois. Enfin, les sires de Bourbon des châteaux de la Besbre, faste de Douzon, s'érigent en protecteurs du monastère de Sou- de , de Pomay, élégance de Beauvoir, vigny qui abrite les tombeaux de Saint- vision de conte de Toury, il faudrait les Mayeul et de Saint-Odilon, lieu de pèlerinage citer tous, tant est resté intact leur pouvoir où les papes et les rois viennent prier. d'évocation. Souvenirs des riches heures, des Prenant conscience de cette importance, le épopées, des détresses et des gloires du Bour- roi de France favorise dès lors la formation bonnais, c'est le cortège de son histoire. du duché de Bourbonnais qui, aux confins de l'Auvergne et de l'Aquitaine devient un élé- L'origine du Bourbonnais ne réside ni dans ment essentiel de la garde du royaume vers le une ethnie, ni dans une unité géographique. sud et le sud-ouest. Il est tout aussi favorable En effet, cette province est née, au fil de cinq à une extension du domaine du duc de Bour- siècles, de l'emprise progressive des sires puis bon vers l'est pour parer aux convoitises du des ducs de Bourbon qui, après avoir rassem- duc de Savoie, d'autant plus que des liens per- blé autour du fief de leurs ancêtres les sei- sonnels viennent unir la maison des Bourbons gneuries voisines, ont étendu leur action sur le à la famille royale : Archambaud VI épouse la belle-sœur du roi, son fils est auprès de Blan- Ulcéré, le Connétable rejoint en 1523 l'armée che de Castille régente du Royaume, Béatrix de Charles Quint qui lui avait proposé un de Bourbon épouse Robert de Clermont - pacte d'alliance. Devenu lieutenant-général sixième fils de Saint-Louis - Isabelle de des Impériaux, il envahit la Provence, assiège Valois est mariée au duc Pierre Ier de Bourbon Marseille en 1524, l'année suivante il combat et le bon duc Louis II est l'oncle du roi Char- contre François Ier à Pavie, et il trouve fina- les VI. Puis, dans la ligne d'alliances successi- lement la mort en 1527 en assiégeant Rome. ves, la maison de Bourbon s'enrichit du duché Avec sa disparition, les Bourbons quittent la d'Auvergne et du comté de Montpensier, apa- scène royale où, durant quatre siècles, ils ont nages de la Couronne. tenu des rôles essentiels. Mais cette éclipse ne Bien que le duc Jean II de Bourbon ait été sera que de courte durée : c'est en effet à un l'un des principaux artisans de la guerre du Bourbon, Henri IV, que la couronne de France Bien public qui fait front contre Louis XI en échoit en 1589. 1465, « l'universelle aragne » glisse l'un de Entre temps, le duché de Bourbonnais est ses pions dans la place des Bourbons : en 1473 devenu le douaire traditionnel des reines- il marie sa fille Anne de France avec Pierre de mères et son histoire se confond avec celle du Beaujeu, frère de Jean II et son héritier pré- royaume. Son administration et sa défense somptif, en stipulant dans le contrat de sont aux mains d'un gouverneur nommé par mariage que leurs biens iraient à la Couronne le roi au nom duquel la justice est aussi ren- en l'absence d'enfant mâle. En 1488 Pierre de due. Comme bon nombre de provinces, le Beaujeu devient duc de Bourbon alors que la pays est troublé par les guerres de religion, les duchesse Anne est régente du Royaume. menées de la Ligue et celles de la Fronde. Mais Anne de France dont l'ambition et la Démêlés oubliés, ordre rétabli, le Grand ruse ne le cèdent en rien à celles de son père, Condé - descendant direct du duc Louis Ier n'entend pas que les possessions des Bour- de Bourbon - se fait attribuer le Bourbon- bons puissent passer un jour aux mains du nais en 1661 comme seigneur « engagiste » et roi, son frère, ou à celles de ses neveux. Elle après lui, ses descendants jouissent des reve- obtient donc successivement de Charles VIII nus de la province jusqu'à la Révolution de puis de Louis XII des dérogations aux dispo- 1789 sans pour autant intervenir dans son sitions de son contrat de mariage et elle marie administration. sa fille Suzanne avec le jeune Charles de Enfin, la Révolution fait de la province de Bourbon-Montpensier pour conforter ses Bourbonnais le département de l'Allier qui en droits sur le duché. C'est ainsi qu'à la mort du épouse approximativement les limites. duc Pierre II survenue en 1503, son gendre lui succède sous le nom de Charles III de Bour- Sans doute est-il peu de provinces dont bon. Son incomparable valeur conduit le l'entité territoriale est, comme en Bourbon- duché à son apogée par l'étendue de ses pos- nais, l'aboutissement de leur histoire. Or, si sessions, sa puissance militaire et le faste de sa les premiers Bourbons ont progressivement Cour. Il met en effet au service du roi Fran- soudé l'unité politique des différents « pays » çois Ier toutes les forces vives et les ressources sous la pression —ou à l'occasion— d'évé- de son duché, notamment au cours des guer- nements qui concernaient la défense du res d'Italie et le roi le fait connétable après royaume, ces mêmes événements avaient mis Marignan. Mais quelques années plus tard, il en évidence combien les voies qui traversaient prend ombrage de la puissance de son valeu- ces « pays » rendaient l'ensemble vulnérable. reux vassal, il confisque une partie de ses En effet, ajoutant aux facilités naturelles biens et entame une procédure devant le Par- offertes par les vallées, les voies construites à lement de Paris pour que les apanages retour- l'époque gallo-romaine avaient fait du futur nent à la Couronne. Bourbonnais le carrefour des grands axes qui, de l'Italie menaient à l'Océan, et des Flandres dans des sites qui se prêtent à leur développe- à l'Espagne. C'est pourquoi, dès la seconde ment comme à Lévis, au Creux, à Pomay ou moitié du XIIe siècle, alors que l'Aquitaine est Douzon, soit encore sur des terrasses naturel- devenue anglaise, des forteresses sont élevées les ouvrant sur vaux et collines comme à à l'ouest et au sud-ouest pour contrôler les Boussac. points de croisements importants. Deux siè- cles plus tard, la guerre de Cent ans conduit Si l'histoire du Bourbonnais se lit à travers les Bourbons à constituer une ligne de défense le prisme de ses châteaux, elle en a souvent pour parer à la perméabilité de la frange nord changé le visage du fait des guerres ou sous du duché occupée par les routiers anglais. l'influence de l'évolution des conditions de Enfin, les attaques menées dans la première vie et de la mode des époques. La construc- moitié du XVe siècle contre le Beaujolais et le tion de beaucoup d'entre eux a fait l'objet de Forez par le duc de Bourgogne et le duc de plusieurs campagnes, d'autres ont été rema- Savoie viennent souligner l'importance straté- niés, et il n'est pas toujours aisé de classer gique des voies venant de l'est. De ces impéra- avec rigueur certains ensembles composites. tifs de défense est née l'implantation des prin- Pour s'en tenir à leurs éléments essentiels, le cipaux châteaux du Bourbonnais. classement suivant peut cependant être Certains furent édifiés sur des hauteurs adopté. dominant le cours des rivières, belvédères Du XIIe siècle, d' est le naturels qui favorisaient la défense. Tels témoin capital. D'autres vestiges subsistent à furent les cas de Bourbon-l'Archambault au Hérisson et à Murat ainsi que des voûtes dans nord, de Billy et Lapalisse à l'est, de Roche- les caves de Montfan. fort et Chantelle au sud, de Montluçon, Le XIIIe siècle est surtout représenté par Hérisson et Murat à l'ouest. Billy et Montaigu-Ie-Blin, châteaux auxquels Par ailleurs, sur l'itinéraire des voies traver- il faut ajouter le donjon de Chambord. sant le Bourbonnais - tout particulièrement Construits ou considérablement renforcés sur celui des anciennes voies romaines - pendant la guerre de Cent ans, les châteaux d'autres châteaux s'élevèrent sur des éminen- du XIVe et XVe siècles sont les plus nom- ces qui offraient de larges vues sur les envi- breux. Du XIVe, les plus caractéristiques rons. Ainsi en fut-il notamment des Bordes et sont : Fourchaud, Moulin Neuf, le donjon de de Fourchaud au nord, de Gayette, Montai- La Souche et celui de Douzon, la vieille tour guët et Montaigu-Ie-Blin à l'est, de et de Jenzat et le porche de Jaligny ainsi que de Montfan au sud, d'Huriel, de La Souche et des éléments de Billy et de la Condémine. Du de Beauvoir à l'ouest. Mention doit être faite XVe, il faut citer : Les Bordes, Le Bouchat, également des demeures fortifiées sur la crête La Brosse-Raquin, Chappes, le donjon de des côteaux descendant vers la Besbre et Gayette, le vieux Jenzat, le Méage, Montai- d'autre part de la tour de Moulin Neuf érigée guët, La Motte de Vicq, Puyfol, Ris et certai- au milieu des marécages au croisement de nes parties de Montaigu-Ie-Blin. Enfin, des deux voies importantes. éléments du XIVe et du XVe siècles caractéri- Du XVIe au XVIIIe siècles, les rois de sent les structures principales de Beauverger, France mènent surtout des guerres à l'étran- Beauvoir-sur-Besbre, Beauvoir (Echassières), ger, et l'intérieur du royaume connaît un Bourbon-l'Archambault, Busset, Chambord, calme relatif ; le souci de la défense fait place Chareil, La Condémine, Chantelle, La Guer- à la recherche du confort et de l'élégance. Dès che, Hérisson, Montfan, la Forêt de Viry, lors, les châteaux endommagés sont remaniés Montluçon, Moulins, Murat, , ou de nouvelles demeures sont construites Lapalisse, Le Plessis, Le Riau, Rochefort, La près des anciennes, soit dans d'agréables val- Salle, Thoury-sur-Allier, Toury-sur-Besbre et lées comme à Jaligny, Saligny ou Jenzat, soit Veauce. Avec le XVIe siècle apparaissent Le Vieux LES VAUX DE LA BESBRE ET LA SOLOGNE Bost, La Cour en Chapeau, Les Fougis, BOURBONNAISE Jaligny, Paray-le-Frésil, Saligny tandis que Les châteaux de Lapalisse, Puyfol, Cham- des demeures plus anciennes sont remaniées : bord, Jaligny, Les Fougis, Beauvoir, Toury, Chareil, La Guerche, La Forêt de Viry, Mont- La Cour en Chapeau, Saligny, La Forêt de fan, Moulins, Nassigny, Lapalisse, Le Plessis, Viry, Pomay, Paray-Ie-Frésil et Montaiguët à Le Riau, Toury-sur-Besbre. la porte du Forez. A son tour, le style classique vient enrichir le Bourbonnais. Au XVIIe siècle sont cons- truits Lévis, Pomay, Souys et Boussac, tandis LES VAUX DU CHER que Beauverger, Le Vieux Bost, La Cour en Les châteaux de Montluçon, Huriel, La Guer- Chapeau, Rochefort, Saligny et Veauce che, Nassigny, Hérisson, Le Creux, le donjon voient certaines de leurs structures modifiées de La Souche, Murat, La Salle, La Condé- ou ornementées. Enfin, du XVIIIe siècle, mine et La Brosse-Raquin. Douzon, Le Creux et Jenzat apportent les témoignages les plus prestigieux, auxquels il La liste des châteaux du Bourbonnais que faut ajouter quelques remaniements à Beau- je présente dans cet ouvrage n'est pas exhaus- voir (Echassières), Boussac, La Guerche, Le tive, il s'en faut de beaucoup. Rares sont les Riau, Saligny et La Salle. provinces aussi riches en demeures historiques depuis les architectures les plus nobles Pour une meilleure compréhension de jusqu'aux plus modestes dont le charme est l'implantation des châteaux du Bourbonnais souvent plus prenant. En face d'un choix dif- et du rôle qu'ils ont pu jouer, il m'a paru ficile, je n'ai retenu - à quelques exceptions opportun de les présenter par secteur géogra- près - que des châteaux classés monuments phique, classement qui peut en outre servir de historiques ou inscrits à l'inventaire supplé- base à des programmes de visites. mentaire, trouvant là le double critère de leur intérêt historique et de leur valeur archi- tecturale. Grâce à eux, j'ai feuilleté l'histoire LE BERCEAU DES BOURBONS du Bourbonnais, retrouvé quelques pages La première demeure des Bourbons : capitales de celle de la France et recueilli les Bourbon-l'Archambault et la ceinture des visages du patrimoine qui témoignent pour fiefs voisins : Beaumont, Les Bordes, Lévis, elles. Souys, Le Plessis, Fourchaud, Ris, Le Vieux Bost, Le Bouchat. En conclusion, je veux exprimer ma grati- tude à tous ceux qui ont facilité mes recher- LES VAUX DE L'ALLIER ches ou mes séjours en Bourbonnais, en parti- La seconde demeure des Bourbons : Moulins culier Monsieur Bernard de Fournoux, direc- teur des services d'archives de l'Allier, Mon- et les châteaux qui protégaient l'accès de la sieur Yves Metman, conservateur des sceaux vallée : Busset, Chappes, Le Méage, Montaigu- aux Archives nationales, mes amis Franc- le-Blin, Gayette, Billy, Segange, Moulin pourmoi et tous les propriétaires qui, avec Neuf, Thoury, Le Riau. tant de bonne grâce, m'ont ouvert leur porte ou confié leurs archives. J'ajouterai enfin que LES VAUX DE LA SIOULE je n'aurais sans doute pas pu mener à bien cet Les châteaux de Jenzat, Beauverger, Veauce, ouvrage sans les précieuses publications de la Rochefort, La Motte-de-Vicq, Montfan, Société d'émulation du Bourbonnais et celles Douzon, Chareil, Chantelle, Boussac, Beau- des Cahiers du Bourbonnais, mines inépuisa- voir (Echassières). bles pour les amoureux du passé.

Bourbon l'Archambaulf Fourchaud Ris Le Vieux Bost Le Bouchot Les Bordes Beaumont Le Plessis Souys Lévis

LE BERCEAU DES BOURBONS

BOURBONL'ARCHAMBAULT

C'est en remontant la A la fin du IXe siècle, petite vallée de la Burge début du Xe, les inva- qu'il convient de décou- sions des Normands et vrir l'ancienne forteresse de celles des Hongrois accen- Bourbon-l'Archambault. Alors tuent l'importance de ce point s'imposent ses ruines altières, ber- fortifié sous la protection duquel ceau de l'illustre famille qui, après avoir se regroupent les populations. C'est à constitué l'un des plus puissants domaines de cette époque - aux environs de l'an 913 — l'Ancien Régime, a donné des rois à la France qu'apparaît Aimard miles clarrisimus, sans et à l'Europe. doute viguier de Bourbon - en tous cas de Dès l'époque celtique, le site de Bourbon- Deneuvre - dont le fils Aimon est, pour la l'Archambault est connu par le culte du dieu première fois, titré « sire de Bourbon ». Borvo - le Bouillonnant - dont le nom est Déjà renforcée par la réunion des deux également à l'origine de Bourbon-Lancy et de vigueries sous l'autorité d'un même seigneur, Bourbonne-les-Bains. Aussi, à l'époque gallo- l'importance de cette terre située aux confins romaine, naissent des thermes dont la fré- de l'Auvergne, du Berry et de l'Autunois, est quentation ne se dément point encore aujour- accentuée lorsque la puissante abbaye de d'hui. Cependant, la renommée des bains de Cluny fait édifier un monastère sur la villa de Néris et d'Aquae Calidae () était alors qu'Aimard lui a donnée ; les sires de bien supérieure et il semble que Bourbon ne Bourbon deviennent les protecteurs naturels prit sa véritable importance qu'avec son inté- de la nouvelle communauté dont le renom va rêt stratégique. Non loin de ces lieux en effet, grandissant. En effet, les circonstances veu- l'armée de Pépin-le-Bref écrase en l'an 761 lent que deux abbés de Cluny - Mayeul en celle de Waïfre, duc d'Aquitaine et s'empare 994 puis Odilon en 1049 - soient inhumés à de Bourbon après l'avoir incendié. En forti- Souvigny. C'est ainsi qu'après' leur béatifi- fiant ce point où se croisent les tracés cation, les papes Urbain II et Alexandre III, d'anciennes voies romaines orientées vers les les rois Hugues Capet, Robert le Pieux et quatre points cardinaux, le roi de France en fait un bastion avancé, tout autant verrou de Sceau d'Archambault X de Bourbon 1247. Service photogra- défense que base d'attaque vers l'Aquitaine. phique des Archives Nationales. Louis VII, viennent prier devant leurs tom- famille royale se resserrent : Archambaud VII beaux vers lesquels affluent de nombreux est auprès de la régente Blanche de Castille et pélerins dans l'expectative de miracles. son arrière petite-fille, Béatrix de Bourbon, L'importance prise par ce lieu saint et la épouse en 1276 Robert de France, Comte de nécessité de le protéger sont, pour les sires de Clermont-en-Beauvaisis, sixième fils de Saint- Bourbon, l'occasion d'étendre leur autorité. Louis. Aux côtés de Philippe le Bel pendant Dès 990, mettant à profit une guerre contre la guerre des Flandres, Louis de Bourbon, Landry, comte de Nevers, Archambaud II farouche partisan de Philippe V le Long, se jette une tête de pont sur la rive droite de voit confier, à titre héréditaire, la charge de l'Allier et fait construire un château fort là où grand chambrier de France et en 1327 Charles plus tard s'élèvera Moulins. A leur tour, ses IV le Bel érige le comté de Bourbonnais en successeurs poussent des pointes en direction duché-pairie. Dans cette ligne, les descen- du Berry et de Montluçon. Aussi, les visites dants de Louis de Bourbon ont pris une place du roi à Souvigny lui font-elles prendre cons- prépondérante. Pierre Ier, l'ainé de ses fils, cience de ce qu'un fief puissant s'est constitué épouse Isabelle de Valois, sœur du roi ; il est à la limite de son royaume et lorsqu'en 1120 aux côtés du futur Jean-le-Bon alors qu'il Louis VI le Gros lutte contre Guillaume, duc lutte en Bretagne contre les Anglais et c'est en d'Aquitaine, il confie à Aymon Vaire-Vache, le protégeant qu'il trouve la mort à Poitiers en sire de Bourbon, le soin de tenir les confins de 1356. l'Auvergne. Avec la fin héroïque de Pierre Ier, le château A partir de cette date, les Bourbons ont de Bourbon-l'Archambault cesse d'être le partie liée avec la maison du roi : Archam- siège du duché. En effet, envoyé en ôtage en baud VI, fils de Vaire-Vache, épouse Agnès Angleterre en 1360 pour répondre de l'exécu- de Savoie - belle-sœur du roi et nièce du tion du traité de Brétigny, son fils Louis II de pape Calixte II - puis en 1147 il accompagne Bourbon s'installe à Moulins en 1366 lorsqu'il Louis VII à la Croisade. Mais la répudiation rentre de captivité et il fait construire un châ- d'Aliénor d'Aquitaine et son remariage avec teau sur l'emplacement de l'ancien donjon édifié Henri Plantagenet qui accède au trône au XIe siècle. Dès lors Bourbon-l'Archambault d'Angleterre ont pour conséquence de placer devient essentiellement une forteresse où les le Bourbonnais naissant aux frontières d'une ducs entretiennent une garnison sous le com- Aquitaine devenue anglaise. Une fois encore, mandement d'un capitaine châtelain, office le roi charge le sire de Bourbon de garder les qui est notamment confié à des bâtards de la marches de son royaume. Après avoir marié famille de Bourbon en 1468 et en 1502. Mahaut de Bourbon avec Guy de Dampierre, La forteresse n'en demeure pas moins le maréchal de Champagne, Philippe Auguste berceau de l'illustre famille et protège tou- donne à celui-ci la châtellenie de Montluçon jours la relique de la Sainte-Croix déposée par et lui confie le gouvernement et la défense de le fils de Saint-Louis, relique pour laquelle l'Auvergne. Dès lors, solidement ancré entre trois chapelles ont été successivement cons- Allier et Cher, le Bourbonnais constitue une truites dans l'enceinte du château. Mais la pièce maîtresse de la défense du royaume vers confiscation, par François Ier, des possessions le sud et le sud-ouest, tandis que les sires puis du connétable Charles III de Bourbon marque les ducs de Bourbon étendent progressive- en 1523 le début de la décrépitude du château ment leur emprise à l'est de l'Allier. Cette de Bourbon-l'Archambault. Il n'est pas établi emprise est d'autant mieux acceptée qu'à la qu'il fut démantelé comme celui de Chantelle ; fin du XIIe siècle, suivant en ceci l'exemple de pendant plus d'un siècle, il demeure sous la certains prieurés, les Bourbons accordent des responsabilité d'un capitaine châtelain aux chartes de franchises à leurs sujets. attributions administratives et judiciaires. Dans le même temps, leurs liens avec la Mais vidée de son mobilier et de ses tapisseries en 1523, la partie résidentielle fut progressive- ment abandonnée. Seuls demeurèrent dans l'enceinte, les chanoines qui avaient construit de petites maisons avec les pierres du château en ruine. Ils en furent expulsés en 1792, l'année suivante une délégation du comité révolutionnaire de Moulins vint détruire les titres demeurés au château et, pour faire bonne mesure, brisa ce qui restait des vitraux de la Sainte-Chapelle. Le 8 pluviose an II, le directoire du district de Cérilly mit le château en adjudication à l'exception des trois tours nord et de la tour Quiquengrogne utilisées comme prisons. A la Restauration, Louis de Bourbon, prince de Condé, reprit possession des terres et du châ- teau qui se trouvaient dans un tel état que les tuteurs de son légataire universel le mirent en vente quinze ans plus tard. Sans doute ce qui restait de l'imposante demeure féodale aurait- il servi de carrière si, à la demande d'Achille Allier, qui porta au Bourbonnais tant d'amour, le duc d'Aumale n'avait retiré de la vente les parties essentielles que nous admirons aujour- d'hui. La Société civile du domaine de Dreux qui en est propriétaire et le Service des monu- ments historiques en assurent maintenant la sauvegarde. Vestiges de la Sainte Chapelle. Couvrant un vaste promontoire dont les escarpements tombaient au sud et à l'ouest sur le cours de la Burge et sur un étang, pro- tégé au nord et à l'est par un profond fossé en dérivation avec la rivière, ceinturé par de hautes murailles flanquées d'une vingtaine de tours, le château de Bourbon-l'Archambault constitua, jusqu'au début du XVIe siècle, l'ensemble le plus imposant des forteresses bourbonnaises. Vraisemblablement édifié sur l'emplace- ment de l'ancienne place forte dont Pépin-le- Bref s'empara en 761, il fut construit en deux campagnes principales aux XIIIe et XIVe siè- cles, et en deux campagnes secondaires qui, à la fin des XIVe et XVe, en complétèrent les structures. La première construction qui remonte à la seconde moitié du XIIIe siècle, paraît avoir été limitée au château même. Elle est attribuée de cheminées monumentales, l'embrasure de à Robert de France, sixième fils de Saint- fenêtres en arc brisé, des restes de latrines, Louis qui fit édifier les puissantes tours nord une bretèche, l'ancienne poterne et les rainu- sur le côté le plus vulnérable, une tour à res où glissait la herse. l'angle sud-est et une enceinte de courtines Aux environs de 1315, le futur duc Louis Ier reliant ces tours. A l'intérieur de l'enceinte il de Bourbon fait entreprendre des travaux fit également construire une petite chapelle considérables pour agrandir le château et ren- romane pour abriter les reliques de la Sainte- forcer ses défenses. Les tours existantes et la Croix, en décidant que « seront lesdites reli- courtine nord sont surélevées et couronnées ques monstrées au commun peuple, à Bourbon, de créneaux, tandis qu'une vaste salle à deux sur la dernière porte du chastel, chacun an le niveaux est appuyée à la courtine reliant les jour de la feste de la Trinité ». D'appareil tours nord. Jugeant que le privilège de proté- moyen, taillées en bossages, talutées en glacis ger une relique de la Sainte-Croix lui imposait lisse, les tours sont flanquées d'une tourelle de l'abriter par un sanctuaire digne de la abritant un escalier en vis desservant les deux Sainte-Chapelle de Paris, Louis Ier fait édifier étages et sans doute, à l'origine, une guette. A près de la nouvelle grande salle d'apparat une l'intérieur, chaque étage comportait une salle chapelle de style gothique dont le service est voûtée d'ogives aux nervures moulurées assuré, dès 1338 par « six vicaires, douze retombant sur des culots ornés de crochets ou de masques. On y remarque encore les vestiges Tour nord. chanoines et un trésorier... trois clercs, six Amirale - et une tour ronde viennent flan- demy-chanoines et deux confrères qui font la quer au nord et au sud la courtine qui domine charge de secrétaire et un maistre des effans l'étang, tandis qu'une autre tour, en encor- de cœur... », collège que le pape Jean XXII bellement sur quatre contreforts, renforce approuve et exempte de la juridiction des l'angle sud-est du moulin. D'autre part un archevêques de Bourges. De ce sanctuaire ne nouveau logis est construit dans la basse- subsistent aujourd'hui que quelques dalles et cour, en appui sur la courtine qui la sépare du des amorces de nervures. château. Ayant ainsi satisfait aux exigences du culte et amélioré le confort de son « hôtel », Louis Enfin, en 1483 le duc Jean II fit construire Ier renforce également les défenses par des une nouvelle Sainte-Chapelle qui, accotée à la constructions nouvelles. Deux tours sont précédente, était plus vaste et plus riche avec construites à l'angle nord-est de l'enceinte en son plan rectangulaire de trente mètres sur aplomb sur le ravin pour défendre une nou- douze et ses trois travées voûtées d'ogives velle poterne reliée à l'enceinte primitive par retombant sur des colonnes engagées. Elle fut une courtine. Mais l'extension principale terminée en 1508 par Pierre II et Anne de réside dans une vaste enceinte qui, abritant la Beaujeu qui l'enrichirent de célèbres verriè- baille, est flanquée de tours. Impressionnante res. L'abandon quasi total du château dès la par sa masse, la tour qui, à l'angle sud-est, seconde moitié du XVIe siècle entraîna sa domine la ville, cause un certain malaise ruine progressive. Dès 1569, Nicolas de Nico- parmi la population. Sans doute y voit-elle lay - géographe du roi - a pu noter que les une menace virtuelle pour sa charte de fran- chanoines et les habitants venaient préiever chises. Mais Louis Ier n'en a cure, et il aurait des pierres dans les ruines. Sans doute épar- répondu aux protestataires : « Je la bâtirai gnée par les hommes, la chapelle fut endom- qui qu'en grogne ». Coiffée d'un beffroi magée en 1589 puis en 1642 par la foudre qui, moderne et cernée par des constructions, la provoquant des incendies, entraîna l'effon- tour Quiquengrogne domine toujours la ville drement de la toiture et « fondit les cloches le de sa masse qui s'élève sur un glacis taluté et 14e jour de May ». De son architecture et de lisse. D'un bel appareil en bossages, elle pré- sa riche ornementation ne subsistent qu'une sente des gargouilles en saillie et abrite un description détaillée rapportée par Thaumas escalier en vis. A l'intérieur, un ancien chemin de la Thaumassière dans son Histoire du de ronde donne accès à une salle voûtée en Berry et les dessins à la sanguine de la collec- berceau brisé avec laquelle communiquent tion Gaignières. d'anciennes latrines. Enfin, dans la tradition féodale, Louis Ier fit construire un moulin fortifié à l'extérieur de l'enceinte, là où la Burge alimente l'étang que le château domine encore. De cette épo- que se remarque notamment une salle voûtée d'ogives à clé annulaire par laquelle le blé était déversé dans le moulin. Bien qu'à son retour de captivité le duc Louis II de Bourbon se préoccupe surtout de faire agrandir et fortifier son château de Moulins, il améliore à son tour les défenses et le confort de celui de Bourbon-l'Archambault. Une forte tour en fer à cheval - la tour

FOURCHAUD

C'est par la route de Bres- reçoit de ses parents cinq nay qu'il convient de décou- cents écus « pour achever de vrir Fourchaud. Jusque là en bâtir la grosse tour de Four- effet, dans le jeu alterné des chaud ». Second du nom, son creux et des côteaux où s'insinue fils Jean est grand maître des céré- l'ancienne voie menant à Souvigny, le monies à l'hôtel du duc Pierre II de regard ne s'attend pas au coup d'arrêt que Bourbon et, en cette qualité il participe à ses marque soudain la masse de Fourchaud quand funérailles en 1503 : « après marchoyent le la vue s'ouvre vers les hauteurs de Besson. seigneur de Fourchault qui portoit le guydon Sans doute, les périls disparus, fut-il éclairé de feu Monseigneur qui estoit moytié de cou- de quelques baies, privé de ses créneaux et de leur tanée et moytié de couleur blanche, de ses mâchicoulis. Mais, structure de dissuasion taffetas renforcé, frangé tout d'azur, où par excellence, son puissant donjon rectangu- estoit peint la devise de mondit seigneur... » laire et ses deux grosses tours rondes en Tout d'abord maître d'hôtel de la duchesse défense avancée, en font le plus bel exemple Anne, Pierre Mareschal - le frère cadet - de maison-forte en Bourbonnais. devient seigneur de Fourchaud en 1507. Il Les premiers titres relatifs à Fourchaud tient la charge de maître des eaux et forêts du apparaissent dès le XIVe siècle alors que le Bourbonnais et, en 1521, il est membre de fief appartient à des seigneurs qui en portent l'assemblée chargée d'homologuer la rédac- le nom. Successivement Jean en 1351, son fils tion des coutumes de la province. Après sa Hugues en 1353 et 1367, puis Guillaume vers mort, survenue en 1524, Fourchaud passe à 1380, rendent aveu de 1'« hôtel, domaine et son fils Jean puis à sa petite-fille Claude qui mouvances » en la paroisse de Besson. l'apporte en mariage à Antoine de Chazeron En 1417, Antoinette - fille de Guillaume vers 1551. - épouse Jean Mareschal, fils du seigneur Fourchaud se trouve ainsi aux mains de des Noix à dont les ancêtres cette puissante famille dont les auteurs étaient, tenaient la terre de Besson en 1270. De cette depuis Saint-Louis, des familiers du roi. Sei- alliance naît la branche des Mareschal de gneur de Chazeron, baron de Monfaucon, Fourchaud qui tient le fief pendant un siècle et demi. En 1463, Jean en est légataire et Sceau d'Antoine de Chazeron XVIe siècle. bailli de Montferrand, le père d'Antoine sur une taque de cheminée du château de était chambellan de François Ier et, à l'époque Fourchaud. Capitaine au régiment de Lange- de son mariage, le nouveau seigneur de Four- ron, son fils Gaspard lui succède à la tête du chaud est premier maître d'hôtel d'Henri II. fief qui passe en 1697 à son petit-fils Gilbert, Capitaine de cinquante hommes d'armes, il capitaine de cavalerie, écuyer ordinaire du fonde avec sa femme un collège à Pionsat en roi. Après sa mort Fourchaud échoit à son fils 1581 « pour reconnaître les dons et grâces puis à son petit-fils Jacques, Lieutenant au qu'il a plu à Dieu tout puissant leur faire régiment de la Couronne qui meurt en 1750 durant le cours de leur vie, de les avoir préser- sans laisser de postérité. vés des guerres civiles dernières, de tous les L'une de ses sœurs en hérite et l'apporte en maux et malheurs et garanti leur esprit de mariage à Denis Robert Bruneau, baron de toutes malheureuses opinions damnables et Vitry. Mais leur fils Pierre, marquis de Vitry répugnantes à leur religion catholique. » lui préfère sa terre bourguignonne et il vend Dans la ligne de ses ancêtres, son fils Gil- Fourchaud en 1775 à Charles Biotière de bert qui lui succède à Fourchaud est, dès Chassincourt, marquis de Tilly, seigneur de 1588, gouverneur et maréchal du Bourbon- Bost pour quatre vingt six mille livres. C'est nais, conseiller d'Etat puis maréchal des ainsi que la puissante demeure féodale passa camps et armées du roi. Brillant homme de aux mains des seigneurs du Vieux Bost et en guerre, faisant preuve de prudence comme de suit encore le destin. fermeté, il s'oppose à la Ligue en Bourbon- nais et, après être demeuré fidèle à Henri III, Le château de Fourchaud affecte le plan il se rallie à Henri IV. En 1590, il reprend de d'un vaste trapèze dans l'angle nord-ouest vive force Montrond, Saint-Amand, Ainay, duquel s'élève un puissant donjon flanqué Sancoins et investis par les d'une grosse tour ronde. L'angle sud-ouest de Ligueurs, emporte Varennes et Vichy, et com- l'enceinte est défendu par une tour ronde de mande l'avant-garde des troupes royales vic- même importance, tandis que deux autres torieuses à Issoire. Ces faits d'armes lui valent tours, de moindres dimensions flanquent les d'être nommé par Henri IV sénéchal du Bour- angles du côté est. En partie ruinées, elles sont bonnais. Grand seigneur, il mène une vie fas- aujourd'hui prises en œuvre dans des bâti- tueuse ; on le voit emprunter deux mille écus à ments agricoles. Donjon et tours étaient Claude Babou, dame du Riau en 1585, mais joints par des courtines dont subsistent des tout aussi bien, il donne mille cinq cents écus vestiges crénelés et percés d'embrasures de d'or pour l'établissement des Capucins à canonnières. Enfin une petite tour en fer à Riom et la construction de leur couvent à cheval, à laquelle fut par la suite appuyé un Mozat en 1606. Il meurt au château de Mou- bâtiment, défendait le milieu de la courtine lins trois ans plus tard. sud. Ses prodigalités ont fâcheusement obéré L'entrée de l'esplanade ainsi délimitée son patrimoine et, aux environs de 1620, son s'ouvrait sur le côté ouest, entre les deux gros- fils Gabriel, capitaine du château de Chan- ses tours rondes. Vraisemblablement protégée telle, est dans l'obligation de céder Fourchaud par une douve et surmontée par une tour pour trente six mille livres à Pierre Hugon de aujourd'hui disparue, l'ancienne poterne pré- Givry, l'un de ses créanciers. sente l'arc en plein cintre de la porte charre- Premier valet de chambre de la reine tière et celui de la porte piétonne, surmontés d'Angleterre, Pierre Hugon avait épousé une des logements des ais des deux pont-levis don- Anglaise, Anne Rumler, et obtenu des lettres nant accès à la basse-cour. Enfin subsistent de noblesse en 1618. Pour créer ses armes, il certaines parties d'une seconde enceinte de s'était alors inspiré de celles de la souveraine qu'il avait servie, armes qui figurent encore Façade sud. douves sèches qui séparaient le donjon de la permet de puiser l'eau d'un puits également basse-cour. accessible de l'extérieur, à une hauteur diffé- rente, par une margelle située près de l'esca- Construit sur un soubassement élevé, le lier d'entrée. Une autre ouverture donne donjon rectangulaire offre trois niveaux et un accès à une petite cave voûtée. Au premier niveau d'entablement dont les petites baies niveau, la cuisine présente une hotte monu- paraissent correspondre à celles d'un ancien mentale, aux angles moulurés, sous laquelle chemin de ronde. Actuellement coiffé d'un les foyers étaient allumés. Très remanié, le haut toit en pavillon, il fut vraisemblablement second niveau ne présente d'autre intérêt que à l'époque de sa construction, couronné de les embrasures des canonnières et le couloir mâchicoulis et de créneaux. Donnant sur la circulaire qui permettait de les desservir. En cour intérieure, la façade sud présente des revanche son toit conique repose sur une fenêtres à chacun de ses niveaux ; l'une d'elles ferme à double enrayure des plus remarquables. offre encore un croisillon de pierre mouluré, La seconde tour ronde défendant la et une autre une traverse de pierre. Les trois poterne est coiffée d'un toit conique et pré- autres façades dont les murs ont deux mètres sente des canonnières qui flanquaient la cour- d'épaisseur, ne sont percées que d'une fenêtre tine ouest. Postérieurement à sa construction, au second niveau. elle a été percée d'une large fenêtre. A chacune des façades nord et sud, est accotée une tour rectangulaire hors-œuvre dont les niveaux correspondent à ceux du corps principal. Vraisemblablement cons- truite en 1463 par Jean Mareschal de Four- chaud, la tour nord est éclairée de fenêtres à chaque niveau et présente encore les consoles des anciens mâchicoulis sur lesquelles s'appuie le toit. Quant à la tour sud, elle est percée de baies éclairant l'escalier en vis qu'elle abrite et les pièces qu'il dessert ; au second niveau se remarque la fenêtre ogivale de la chapelle. A l'origine aveugles, les deux grosses tours rondes qui défendaient le côté ouest ont été En dépit du remaniement de quelques sal- percées de fenêtres dans leur partie haute. En les, l'intérieur du château de Fourchaud revanche, leur base présente encore des donne encore une idée fidèle de ce qu'était un canonnières qui flanquaient la poterne et la logis seigneurial au Moyen-âge. courtine. Bien que très vastes, chacun des trois niveaux ne comporte que deux pièces dans le La grosse tour ronde qui flanque l'angle corps principal et une pièce plus petite dans sud-ouest du donjon présente des murs mas- les tours qui lui sont accotées. Dans les gran- sifs percés par les embrasures des canonnières des pièces des premier et second niveaux s'élè- et dans l'épaisseur desquels des escaliers vent des cheminées monumentales de la fin du mènent aux différents niveaux. Voûtée en XIVe siècle à manteau sobrement mouluré et berceau, la boulangerie installée au sous-sol piédroits prismatiques ; les plafonds sont à offre encore, surmontées par une grande solives et poutres apparentes qui prennent voussure en arc surbaissé, les ouvertures de appui sur des corbeaux de pierre. Ils sont en trois fours dont les arcs sont en accolade. Dans cette même salle, une ouverture latérale Les fours de la boulangerie. outre soutenus, au milieu de leur portée par un vaste arc-diaphragme en pierres appareil- lées. Les salles du troisième niveau dont les plafonds supportent une moindre charge ne comportent pas d'arc de cette nature. L'une des cheminées offre encore une taque de fonte portant la devise des Hugon : In omni modo fidélis. La tour accotée à la façade nord comporte une pièce à chaque niveau. Apparemment le plus noble, le premier étage abrite une salle voûtée d'ogives dont les nervures prismati- ques retombent sur des culots figurés. Conti- gus à chaque pièce, une latrine et des réduits percés de canonnières sont aménagés dans l'épaisseur des murs. Pour sa part, la tour sud abrite un escalier en vis, en pierre de Volvic, qui, aux premier et troisième niveaux, dessert une petite pièce équipée d'une élégante cheminée d'angle dont l'un des piédroits est mouluré. Le second niveau est occupé par la chapelle voûtée d'ogives à clé figurée dont les nervures pris- matiques retombent sur des culots feuillagés. Nombre de portes du donjon présentent encore des panneaux sculptés « en serviette » et la ferme du toit, en carène renversée, est remarquable par son élévation et ses vastes dimensions. Le sous-sol abrite une grande cave voûtée dont l'entrée était défendue par une canon- nière et sous l'escalier de laquelle on accède à la prison. Précédée d'une petite pièce voûtée en berceau brisé dont les murs sont percés de canonnières, cette prison ronde n'offre d'autre ouverture que sa porte encore munie d'un judas. Croisée d'ogives aux nervures plates, sa voûte conique présente des arêtes doubles déprimées. A deux cents mètres au nord-est du château de Fourchaud, le système de défense était ren- forcé par un petit donjon carré appelé le Petit Fourchaud - autrefois Les Gouttes - Appa- remment remanié à la fin du XVe siècle, début l) Comble du donjon. 2) Enrayure de la tour ouest. 3) L escalier de la prison. XVIe, sa façade orientale offre, en retrait, des aménagé dans une tourelle intérieure, desser- baies à meneaux et croisillons qui, aux second vait les étages. A demi ruiné, il ne donne plus et troisième niveaux, ouvrent sur une loggia. accès qu'au second niveau. Celle du niveau supérieur est fermée par de A proximité de ce petit donjon s'élève un remarquables colombages sur lesquels la cor- colombier malheureusement en ruine dont la niche du toit prend appui. Un escalier en vis, base était voûtée en coupole. RIS

Postée près de Bes- L'un des représen- son, la maison-forte de tants des plus notables Ris n'avait, semble-t-il, de cette famille est d'autre mission que cel- Pierre, familier de la les de donner l'alerte et cour du duc Charles III de servir de refuge sur la de Bourbon qui le nomme voie antique qui menait commissaire ordinaire à Souvigny. Modeste sen- des guerres ; en 1521 il tinelle, elle marque tou- participe également à la jours la ligne de crêtes qui domine la Guèze et rédaction des Coutumes du Bourbonnais. quand, depuis l'autre versant, apparaît sa Mais lorsqu'en 1523 le Connétable se met au claire silhouette, naît l'envie de la mieux service de Charles Quint, Pierre de Trousse- connaître. Lorsque, la pente gravie, on la bois prend le parti de François Ier et reçoit la découvre, sa cour agreste, sa façade ouverte mission de garder les passages de la Loire de vers la lumière et les horizons qu'elle offre, Roanne à Nevers. Son fils Charles est mêlé répondent à cette attente comme l'expression aux affrontements des protestants et des d'une joie de vivre. catholiques pendant les guerres de religion, A l'origine, la terre de Ris faisait partie du son château est pillé, ses titres perdus et en fief de Besson que Bartholomée des Noes 1582 il présente une requête à Henri III pour avait reçu du sire de Bourbon en échange de la la reconstitution de son terrier. terre de Beaumont, échange confirmé en 1274 Ses descendants embrassent la carrière des par Agnès, dame de Bourbon. Puis Ris est armes : en 1614 son fils Jean est nommé par détaché du fief au profit d'Arnold des Noes Louis XIII capitaine d'une compagnie d'infan- qui rend aveu en 1353, mais sa fille Jehanne terie de cent hommes d'armes et il participe à l'apporte en mariage à Jehan de Troussebois, leur tête aux épisodes de la guerre de Trente seigneur d'Ourouer et de Champaigne en ans. A sa suite, son fils Jean Florimond Berry, homme d'armes de la compagnie du obtient, en 1652, commission du roi pour lever comte de Sancerre. A la suite de cette union, un régiment de cavalerie qu'il commande les Troussebois gardent Ris durant quatre siècles. Porte de l'escalier. CE LIVRE, COMPOSÉ EN GARAMOND CORPS DOUZE SUR UNE MAQUETTE DE CLAIRE FORGEOT, A ÉTÉ RÉALISÉ SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE BEAUFILS À MOULINS ET ACHEVÉ D'IMPRIMER LE TRENTE JUIN MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT TROIS. TIRAGE LIMITÉ A MILLE CINQ CENTS EXEMPLAI- RES POUR LA PREMIÈRE ÉDITION.

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