CONFERENCE OLIVAINT DE BELGIQUE Association Royale OLIVAINT GENOOTSCHAP VAN BELGIE Koninklijke Vereniging

APERCU GENERAL DE L’

ALGEMENE BENADERING VAN IRAN

RAPPORT DE LA SESSION D’ÉTUDE 2017

RAPPORT VAN DE STUDIESESSIE 2017 2 Association sans but lucratif - Vereniging zonder winstoogmerk rue d’Egmontstraat 11 1000 Bruxelles - Brussel

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Editeur responsable - Verantwoordelijke uitgever :

Bernard Van Maele rue d’Egmontstraat 11 1000 Bruxelles

Avertissement - Waarschuwing

Le contenu des articles n'engage que les auteurs.

Les données reprises dans ce rapport sont à jour en date de la fin de la session d'étude.

De auteurs dragen de verantwoordelijkheid voor de inhoud van hun artikels.

De gegevens van dit verslag zijn geldig op datum van het einde van de studiesessie.

3 4 Préambule - Voorwoord

Le présent rapport fait suite au voyage d'étude que la Conférence Olivaint de Belgique a effectué en Iran en juillet 2017, sous le haut patronage du Service public fédéral Affaires étrangères. Voorliggend rapport brengt verslag uit over de studiesessie van het Olivaint Genootschap van België in Iran in juli 2017 welke kon plaatsvinden onder de hoge bescherming van de Federale Overheidsdienst Buitenlandse Zaken.

Cette session d'étude n'aurait pas été possible sans les conseils et la collaboration nombreuses personnes et organismes. Nous tenons ici à les en remercier et notamment : Zonder de raadgevingen en de samenwerking van talrijke personen, bedrijven en organismen zou deze reis nooit werkelijkheid zijn geworden. Wij bedanken hen allen, en in het bijzonder:

Le Service public fédéral Affaires Etrangères De Federale Overheidsdienst Buitenlandse Zaken

La Communauté française de Belgique De Franse Gemeenschap van België

Les Missions diplomatiques de l’Iran à Bruxelles De diplomatieke Opdrachten van Iran in Brussel

5 6 Table des matières - Inhoudstafel

LISTE DES PARTICIPANTS - LIJST DER DEELNEMERS ...... 8

RAPPORTS - VERSLAGEN

L'histoire de la révolution iranienne (Eléonore Roberti) ...... 9

Histoire politique de la nation iranienne (Henri de Plaen)...... 35

De la structure institutionnelle de la République islamique d’Iran (Adam Tricha)...... 77

Identités iraniennes (Marie Umbach)...... 93

Onderwijs in Iran (Daphné Vanderhaeghe) ...... 121

La condition de la femme iranienne (Elisabeth Nagy)...... 143

Le role de l’Iran au Moyen Orient et ses relations avec les pays voisins (Zakaria El Mokhtari) ...... 171

Olie industrie van Iran en zijn impact op de geopolitische situatie in de Regio (Jan Ritzen) 191

Les relations Etats-Unis - Iran : entre confrontation et perspective de rapprochement (Laura van Lerberghe)...... 213

L'impact des sanctions internationales liées au nucléaire iranien sur l’Iran et son économie (William-James Kettlewell)...... 241

Relations bilatérales entre la Russie et l’Iran (Blanche De Posch)...... 257

L’or bleu d’Iran (François-Guillaume Eggermont)...... 273

De verschillen tussen soennieten en sjiieten (Louise Vandenbussche) ...... 299

Les droits LGBTQI en Iran (Amelie Dopchie)...... 323

De Perzische gastronomie als rode draad doorheen Iran (Pauline Hellemans) ...... 345

Het Perzisch: enkele inzichten voor Nederlandstaligen (Gael Lambert)...... 367

The storytelling of Iranian Modern Architecture through the Tabiat Bridge in (Sigrid Vangeneugden) ...... 389

De impact van de evolutie van de diplomatische relaties ( vooral met VS ) op de financiele wereld (Emmanuel Heinz & Sébastien Francotte)...... 405

7 Liste des participants

Lijst der deelnemers

Senior Members of the Conference Olivaint accompanying the group of students :  Mr Philippe Lambrecht  Mr Marc Tonnon  Mr Bernard Van Maele

Students:

 de Plaen Henri  De Posch Blanche  Dopchie Amelie  Eggermont François-Guillaume  El Mokhtari Zakaria  Francotte Sébastien  Heinz Emmanuel  Hellemans Pauline  Kettlewell William-James  Lambert Gael  Nagy Elisabeth  Ritzen Jan  Roberti Eléonore  Tricha Adam  Umbach Marie  Vandenbussche Louise  Vanderhaeghe Daphné  Vangeneugden Sigrid  van Lerberghe Laura

8 L'histoire de la révolution iranienne

Eléonore Roberti

9 10 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 11

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 12

2. ELÉMENTS PRÉCURSEURS PARSEMANT L’HISTOIRE IRANIENNE ...... 13

3. L’APRÈS-RÉVOLUTION CONSTITUTIONNELLE ET L’ÉPOQUE DU ...... 15

4. LA SECONDE GUERRE MONDIALE ET RÈGNE DE MOHAMMAD REZA PAHLAVI : LE TEMPS DU TRAITÉ...... 17

5. LA CRISE IRANO-SOVIÉTIQUE ET LE GOUVERNEMENT MOSSADEGH : UNE POLITIQUE INTERNE ET EXTERNE COMPLIQUÉE ...... 19

6. L’INFLUENCE AMÉRICAINE : DES LIENS POSITIFS QUI SE DÉTERIORENT...... 21

7. LA RÉVOLUTION IRANIENNE ...... 24

8. KHOMEINI : LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE ET LA GUERRE IRAN-IRAK...... 26

9. L’AYATOLLAH KHAMENEI ET BREF APERÇU DE LA SUITE DE L’HISTOIRE IRANIENNE 29

10. CONCLUSION ...... 32

11 1. Introduction / Inleiding

Faire l’historique de l’Iran, c’est se pencher sur 2500 ans d’Histoire. Vaste programme. Dès lors autant aborder plus en détails ce dont nous avons tous déjà entendu parler, sans pour autant en savoir beaucoup sur le sujet : la Révolution Iranienne. Cette dernière a conduit à la création de la République d’Iran en 1979 et, que vous vous intéressiez un tant soit peu aux grands événements politiques, que vous soyez un cinéphile averti 1, ou que vous ayez fait un voyage en Iran, vous n’avez pas pu passer à côté.

J’ai donc décidé de vous exposer les grands événements ayant mené à cette Révolution, tout en essayant d’analyser les éléments moins visibles, les « détails de l’Histoire », mais qui auront tout autant un rôle à y jouer, dans cette Histoire.

1 Le film Argo, sorti en 2012, du réalisateur Ben Afflek, traite en effet d’un des événements majeurs dans l’histoire de la Révolution iranienne : la crise des otages à l’ambassade américaine, en 1979.

12 2. Eléments précurseurs parsemant l’histoire Iranienne

Premièrement, définir un point de départ à ce récit historique ne fut pas tâche facile.

Faut-il commencer par parler de la dynastie Qajars (1795-1925) qui fera revivre le concept de shah, figure emblématique de l’histoire iranienne et acteur central - à ses dépens - de la Révolution ?

Faut-il commencer par parler des pressions subies dès le 19ème siècle de la part de la Russie et la Grande-Bretagne, qui lorgnaient respectivement sur un accès à une mer chaude et sur les grandes routes commerciales ? Suite à la guerre russo-iranienne (1804-1813) et à deux traités (Golestan en 1812 et Turkmanchai en 1828), l’Iran perd de nombreux territoires et voit son sol occupé par des troupes britanniques. Voilà peut-être un terreau de départ pour des revendications nationalistes, conservatrices.

Faut-il en outre parler de Nasseredin shah, au pouvoir de 1846 à 1896, et qui fut le premier à tenter de moderniser l’Iran via des réformes du système fiscal, un contrôle plus poussé sur l’administration, un encouragement du commerce et de l’industrie, mais également une réduction de l’influence du clergé chiite ? Ce dernier élément aurait-il pu servir d’argument pour nourrir depuis un siècle les idées de la Révolution et la création d’une République Islamique ?

Faut-il enfin parler de la Révolution Constitutionnelle, faisant suite au règne difficile de Mozaffareddin shah, successeur de Nasseredin shah ? Il est en tout cas certain que passer à côté d’un tel événement sans l’expliquer serait erreur. En voici donc une brève. Le règne de Mozaffareddin fut marqué par un mécontentement général causé par l’emprise belge sur la douane2, l’injustice sociale, la pauvreté, l’insécurité, la faim. Cela poussa au regroupementdes protestataires autour des chefs religieux, à qui ils demandèrent aide et protection.

La situation continue à se dégrader et suite à de violents événements3, des dignitaires religieux

2 Face aux problématiques économiques, et aux caisses qui se vident inexorablement (pillée par les courtisans), le roi ira jusqu’à passer un crédit avec le gouvernement du tsar en Russie, qui imposera alors un belge pro- russe à la tête de la douane iranienne. 3 En l’occurrence, deux événements se produisent qui mettent le feu aux poudres. D’une part, le belge à la tête de la douane offense des dignitaires religieux. D’autre part, à peu près au même moment, deux commerçants sont frappés, en public, accusés d’avoir vendu le sucre trop cher. Dans le contexte déjà tendu, on peut dire

13 quittent Téhéran en signe de protestation. Ils y reviendront ensuite, lorsque le roi accèdera à certaines revendications. Mais croire que la brutalité et l’indifférence du régime s’arrêtent à ce moment est un bien optimiste. L’armée ira au contraire jusqu’à réprimer violement un rassemblement à la grande mosquée de Téhéran, lieu saint. En réponse, d’éminents religieux quittent alors à nouveau la capitale pour s’exiler à Qom4.

Suite à cette succession d’évènements et l’idée émergente d’une assemblée représentant le peuple5, le roi se voit contraint de donner son aval à l’instauration d’une assemblée nationale et à signer ensuite la constitution, le 5 août 1906. Voilà un tournant qui met un point final à trois millénaires de monarchie absolue en Iran. Et voilà un autre élément pouvant expliquer la Révolution iranienne du 20ème siècle, cette opposition au pouvoir du shah, et cet appui sur les autorités religieuse. L’histoire iranienne étant en effet déjà marquée par des événements similaires.

Voici listés quelques événements historiques ayant marqué l’Iran et ayant fort probablement servi de terreau – au moins inconsciemment – à la Révolution de 1979.

que ce sont les deux gouttes qui font déborder le vase. 4 Il s’agit du « grand départ », par rapport au premier qui est appelé le « petit départ ». 5 Des intellectuels revenus d’Europe initient en effet les populations à des notions telles que la constitution, la monarchie constitutionnelle, les représentants du peuple.

14 3. L’après-Révolution Constitutionnelle et l’époque du Reza shah

La Révolution constitutionnelle de 1906 a malheureusement des difficultés à atteindre ses buts, entre autres à cause de la convention anglo-russe de 1907 qui partage le pays en deux sphères d’influence, le nord aux Russes et le sud aux Britanniques. Dans ce pays divisé, les changements espérés ont du mal à percer.

Outre ces présences étrangères, différents mouvements, nationalistes, socialistes ou encore communiste parsèment le pays et ne favorisent pas sa stablité. Ce sont sans doute de tels éléments qui ont favorisés la prise de pouvoir de Reza Khan Sardar Sepah, futur roi d’Iran. L’histoire est la suivante : en 1921, un jeune officier de l’unité des cosaques, le général Reza Khan Mir Panj, effectue un coup d’État militaire et devient chef de l’armée, prenant alors le nom de Reza Khan Sardar Sepah. Il prend ensuite le poste de premier ministre jusqu’en 1925, est nommé nouveau shah de Perse par une assemblée constituante le 12 décembre 1925, et sera couronné sous le nom de Reza shah Pahlavi le 25 avril 1926.

Reza shah Pahlavi

Reza shah avait des plans ambitieux pour moderniser la Perse. Citons le développement d’industries lourdes, des projets d’infrastructures majeurs, la construction d’un chemin de fer national, la création d’un système d’éducation public national, la réforme de la justice ou encore l’amélioration de l’hygiène et du système de santé.

Outre cela notons, qu’1935, il ordonnera l’interdiction du port du voile pour les femmes et l’obligation de porter un habit « à l’occidentale » pour les hommes.

Si sa volonté de moderniser le pays et de permettre de grandes avancées peut être louable, il est certain que son style de gouvernement dictatorial et que son combat pour la modernisation

15 de l’Iran – en dépit des positions du clergé – lui valent de grands ressentiments parmi la population. Ce qui est en fait aisément compréhensible. Pour citer un exemple tiré de notre voyage d’étude en Iran : si l’obligation du port du voile pu être compliquée à accepter par les membres féminins de la Conférence Olivaint, on peut également s’imaginer que des iraniens pratiquants aient mal vécu l’interdiction de ce même voile et l’obligation de porter des habits occidentaux. A vrai dire, ne pourrait-on s’simplement pas faire la même remarque au sujet de toute restriction à quelques libertés que ce soit ? Le règne du Shah fut donc tumultueux.

16 4. La seconde Guerre Mondiale et règne de Mohammad Reza Pahlavi : le temps du traité

La fin du règne Reza shah, compliquée sur le plan intérieur, se passe sur fond de deuxième guerre mondiale et d’enjeu politique sur la scène extérieure. D’une part, son rapprochement avec l’Allemagne, cliente de son pétrole, inquiète les Britanniques. Parler de « rapprochement » est même quelque peu léger : dire que le shah prend fait et cause pour l’Allemagne nazie est plus correct. Sous son commandement, l’Iran tentera même de bloquer le ravitaillement par son territoire de l'Union soviétique. Voilà donc un premier point sensible. A côté de cela, sous prétexte d’avoir déclaré la neutralité de l’Iran, le Shah refuse de se soumettre aux demandes d’aide ou d’assistance des alliés. Ces deux éléments combinés poussent la Grande-Bretagne, accompagnée de l’URSS, à envahir l’Iran le 25 août 1941. Reza shah est alors forcé d’abdiquer en faveur de son fils Mohammad Reza Pahlavi et est envoyé en exil en Afrique du Sud jusqu’à sa mort, en 1944.

Mohammad Reza Pahlavi devient donc shah d’Iran. Le début de son règne marque un rapprochement avec les puissances alliées. En effet, l’occupation de l’Iran par les Britanniques et l’URSS bloque les relations avec l’Allemagne6. Dès lors, tout en maintenant un régime dictatorial aussi répressif et brutal que celui de son père, Mohammad Reza Pahlavi se montrera plus conciliant envers les Occidentaux. En conséquence, l’Iran signera un traité avec la Grande-Bretagne et l’Union soviétique, dans lequel le pays accepte d’apporter une aide non-militaire à l’effort de guerre tandis que les deux autres pays s’engagent à respecter l’intégrité territoriale de l’Iran et à retirer leurs troupes au maximum six mois après la fin de la guerre. En novembre 1943, se tient ensuite la conférence de Téhéran, pendant laquelle Churchill, Roosevelt et Staline réaffirment leur engagement à propos de l’indépendance de

6 En septembre 1943, l’Iran déclare même la guerre à l’Allemagne, ce qui lui permet par la même occasion de devenir membre des Nations unies. On remarque donc un changement de camp plutôt radical pour le pays. Voy. R. MARX, De l’Empire au Commonwealth : 1850-1994, Paris, Ophrys, 1995, p. 118.

17 l’Iran.

Les effets de la guerre ont bien entendu été déstabilisants pour l’Iran : pénurie de nourriture et d’autres produits de base, forte inflation, détérioration des conditions de vie pour les classes moyennes et basses – pendant que certains ont fait fortune en spéculant sur les produits difficiles à trouver –, montée de sentiments nationalistes face à la présence des troupes étrangères, augmentation de l’exode rural. A côté de cela, le pays s’est libéré après la fin du règne de Reza shah et l’activité politique a fleuri ; particulièrement l’activité du parti communiste Tudeh, via lequel les ouvriers ont pu se rassembler et s’organiser. Or, cette activité du parti Tudeh, ajoutée à la présence de l’Union soviétique dans le pays, a encore davantage déstabilisé l’Iran.

18 5. La crise irano-soviétique et le gouvernement Mossadegh : une politique interne et externe compliquée

Une fois la Seconde Guerre mondiale finie, le principal problème concerne l'évacuation des troupes étrangères : le traité avec la Grande-Bretagne et l'URSS prévoyait que leur départ s'effectuerait maximum six mois après la fin de la guerre, soit le 2 mars 1946. Une évacuation anticipée, exigée par le gouvernement iranien, fut acceptée partiellement par les Britanniques. Ceux-ci quittèrent Téhéran en mai 1945 et mirent fin à certains de leurs pouvoirs (contrôles sur la radio ou sur la censure), tout en restant toutefois dans la zone pétrolière du sud du pays.

Par contre, les soviétiques gardèrent leurs forces sur place, en y envoyant même des renforts. Et quand, en août 1945, le parti procommuniste Tudeh déclencha une révolte afin de réclamer la constitution d'un État Nation Azerbaïdjanais, les forces russes empêchèrent toute intervention de la part de la gendarmerie iranienne. La présence de l’URSS en Iran est donc assez agressive, dirons-nous même intrusive, ne favorisant pas la stabilité du pays.

Face à ce refus des Soviétiques d'évacuer, l'Iran porte le problème devant le Conseil de sécurité des Nations unies, qui se débarrasse alors rapidement de la question en suggérant des relations directes entre l'Iran et l'Union soviétique. Voilà une solution bien facile à prodiguer face à une situation si complexe. D’autant plus qu’on se doute de la suite de l’histoire : un échec des négociations. Cela provoqua la démission du premier ministre iranien, suivie par la nomination de son successeur, Ghavam os-Saltaneh, considéré comme partisan du Tudeh. Vu la couleur politique de ce dernier parti, on pouvait espérer un accord avec l’URSS. Or, le nouveau Premier ministre, malgré un voyage à Moscou, ne parvint pas à trouver de terrain d’entente.

Dès lors, à la date d'évacuation prévue, le 2 mars 1946, seules les troupes anglaises et américaines évacuèrent. Irrités par ce geste, l'Iran, la Grande-Bretagne et les États-Unis portèrent à nouveau la question au Conseil de sécurité de l'ONU. Le 26 mars, l'URSS proposa alors d'évacuer dans les 6 semaines suivantes à condition de la fin de la discussion du problème au Conseil de Sécurité. En conclusion de cette affaire, le 4 avril 1946 eut lieu la conclusion d'un accord russo-iranien stipulant le départ des troupes soviétiques et la création d'une compagnie pétrolière irano-soviétique.

19 L’influence soviétique en Iran diminue donc progressivement. Leur influence faiblira encore quand, en 1947, l’Iran et les États-Unis signent un accord portant sur l’aide et le conseil militaire dans le but d’entraîner l’armée iranienne. Et les soviétiques disparaitront enfin quasi totalement de la scène d’influence iranienne quand, en février 1949, le Tudeh est accusé d’une tentative d’assassinat sur le shah et est banni d’Iran. L’URSS et le communisme n’ont alors plus grande voix au chapitre dans le pays. Notons que c’est à partir de cette époque que commence réellement l’influence américaine.

Outre ces questions de politiques extérieures, la politique interne de l’Iran est toujours assez fragile. La scène politique est divisée entre les partisans du shah et les partisants du premier ministre. Ces derniers fondent même le Parti de la Nation d'Iran, libéral et nationaliste, et le premier ministre reçoit le soutien du clergé chiite, qui s'oppose à l'impérialisme et défend la nationalisation du pétrole.

Autant les scènes politiques intérieure qu’extérieure sont donc tendues, et cela sert de base certaine pour la future Révolution.

20 6. L’influence américaine : des liens positifs qui se déteriorent

En 1953, l’opération Ajax7, orchestrée par les services secrets britanniques et américains, éloigne du pouvoir le Premier ministre Mossadegh. Reza shah Pahlavi, débarassé de son principal rival, met alors progressivement en place un régime autocratique et dictatorial, tout cela avec l’appui américain. Cette alliance avec l’Amérique se marquera également pendant la guerre froide, l’Iran se retrouvant dans le camp des USA.

Dans les années 1960, le shah essaie donc de créer un climat politique plus actif afin d’accélérer la modernisation de l’Iran. Dans cet ordre d’idée, le pays sera un des initiateurs de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), créée le 14 septembre 1960, et ce dans le but de permettre au pays de mieux maîtriser au mieux les revenus du pétrole. Le shah crée également un nouveau parti politique, Iran Novin (« Nouvel Iran »), via lequel il s’attire le soutien de l’élite éduquée, dans le but de renforcer l’administration et l’économie du pays. Il lance enfin, en 1963, un programme de réformes, appelé la Révolution blanche, et composé d’industrialisation, de réformes agraires, du droit de vote pour les femmes, d’une politique de santé publique, etc. Dans cette volonté de modernisation, les USA prennent une place plus importante et aideront à la Révolution blanche. Cette participation aux réformes explique sans doute partiellement le futur rejet total des USA de la part de la population iranienne. En effet, les diverses actions listées ci-dessus mécontentent une large partie de la population, très conservatrice. Associer les USA avec ces mécontentements et le voir comme un grand ennemi est alors plus compréhensible.

Notons que via ces différentes actions, on remarque la volonté du shah de moderniser l’Iran, de relancer l’économie, de faire du pays une grande puissance mondiale, et ce au travers un pouvoir monarchique fort. En effet, museler la presse et accentuer la répression contre l'opposition de gauche, et plus spécialement contre le parti Tudeh, fait également partie du programme politique. Ainsi donc, outre le fait d’être soutenu par les Etats-Unis, futur ennemi, le shah est de plus en plus despotique et déconnecté de la réalité du pays. Et comme il lui semble plus facile de faire taire les critiques que de les accepter, Mohammed Rezâ fera tout

7 Opération qui sera officiellement reconnu par les États-Unis en 2009, via Barack Obama. Voy. http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/08/19/la-cia-reconnait-avoir-renverse-le-premier- ministreiranien-en-1953_3463576_3222.html (page consultée le 17 septembre 2017).

21 simplement exécuter bon nombre de ses opposants. Face à ce pouvoir dictatorial ne prenant pas en compte les mécontentements, le seul contre-pouvoir envisagé va être le pouvoir religieux.

La loi de 1964 sur le statut des forces marquera le point culminant des mécontentements. Elle accorde l’immunité à tout le personnel militaire américain et à leurs familles sur le territoire, les autorisant à être jugés aux États-Unis plutôt que par des tribunaux iraniens. Cette loi sera un point d’entrée important vers la Révolution. En effet, en créant un fort ressentiment dans la population iranienne, elle permettra à Khomeini, figure centrale de la Révolution, de dénoncer cette mesure devant un large public à Qom. Notons que voilà un événement qui annonce le retour8 de ce personnage central de l’histoire Iranienne.

En 1966, le shah est encore fragilisé par des mouvements de protestation favorables aux membres du parti Tudeh, qui devint alors l'un des piliers de la résistance clandestine au régime.

Et pourtant, malgré toutes ces tensions et désaccords, le 26 octobre 1967, le shah se couronne lui-même « rois des rois » (shahinshah), ainsi que son épouse Farah. On a connu souverain plus à l’écoute de son peuple et plus en phase avec la réalité… Pour ne rien arranger, en 1971, il invite des dignitaires étrangers à Persépolis pour des cérémonies fastueuses, marquant les « 2500 ans de continuité monarchique en Iran ». Outre cela, en 1975, le shah fait voter une loi afin que le début du calendrier persan coïncide avec le début du règne de Cyrus plutôt qu’avec le début de l’ère islamique. On comprend aisément que cela soit ressenti par certains comme une insulte aux sensibilités religieuses. Et on se doute que de tels événements, surtout cumulés les uns aux autres, sont des points d’attaque faciles contre la personne du shah. Khomeini l’a bien compris et il se fera un point d’honneur à exacerber les sentiments négatifs croissants de la population.

A cela s’ajoute le revers de la médaille de cette modernisation fulgurante que connaît l’Iran. En effet, si cela peut être vu au premier abord comme positif, ce mouvement de progression s’accompagne d’un boulversement des racines profondes de la société iranienne. Cette dernière se retrouve quelque peu perdue dans ce nouvel Iran, en manque de moyens

8 Il était en effet assigné à domicile, et ce jusqu’en avril 1964. Par la suite, il sera envoyé hors d’Iran, et n’y reviendra qu’en 1979. Voy. http://www.medea.be/fr/themes/biographie/jkl/ayatollah-khomeini/ (page consultée le 17 septembre 2017).

22 d’expression. D’autant plus que, si le règne du shah est tourné vers la modernité, il est aussi autocratique, caractérisé par l’absence de liberté d’opinion et par la répression violente des opposants. L’année 1977 est donc marquée par de multiples protestations et rassemblements en faveur du retour de Khomeini.

En 1978, coup de grâce : l'ayatollah Khomeini est mit en cause dans la presse officielle. Combinés à tous ces mécontentements profonds dans le clergé, chez les intellectuels ou encore au sein de la population, cette publication sera le point de départ de grands mouvements de protestation contre le régime de Mohammed Rezâ. Tous les désaccords se cristallisent dans cette rébellion de masse, initiée par les religieux, mais à laquelle se sont aussi jointes toutes les autres composantes de l'opposition. Khomeini, depuis l’Irak, n’hésitera pas à remettre de l’huile sur le feu en appelant la population à continuer « jusqu’au renversement du régime d’oppression et de dictature ». De l’autre côté, M. James Cartes, président des Etats-Unis, n’hésite pas à exprimer son soutien au shah. Voilà qui ne redorera pas l’image des Etats-Unis dans le coeur des iraniens… Toujours est-il que les grèves, oppositions publiques, heurts avec l’armée et protestations populaires continueront pendant toute l’année 1978.

23 7. La Révolution iranienne

Enfin, après des mois de protestations contre le régime du shah, ce dernier fuit le pays le 16 janvier 1979.

Et voilà qui marque alors la voie royale pour l’arrivée de Khomeini, le peuple allant même jusqu’à défiler dans les rues pour demander son retour. Le 1er février 1979, il revient en Iran après un exil de quinze ans (en Turquie, en Irak et en France) et il finira par renverser le gouvernement du shah le 11 février.

Manifestation en Iran – 1979 L’ayatollah Rouhollah Khomeini

Bien entendu, comme souvent, une telle destitution ne permet pas un climat social et politique serein. En l’occurrence, de nombreux désaccords existent alors concernant le futur du pays : à côté de Khomeini, la figure la plus populaire, des dizaines d’autres groupes, aussi bien libéraux, marxistes, laïques ou encore religieux, cherchent à s’imposer, chacun offrant sa propre conception du futur de l’Iran.

Dès lors, les premières années suivant la chute du shah sont marquées par un gouvernement avec deux centres du pouvoir : d’une part un gouvernement libéral laïc, avec Medhi Bazargan comme premier ministre, et d’autre part le parti républicain islamique, composés de religieux menés par Khomeini. Ces groupes essaieront de coopérer, mais l’on se doute assez facilement que ce n’est pas tâche aisée, et les tensions vont grandissantes entre ces deux factions.

24 Les tensions se renforçant, il devient alors évident qu’un des deux groupes devra s’imposer si l’on veut rétablir l’ordre dans le pays. En l’occurrence, ce seront les religieux qui prendront le contrôle de la situation. Vers la fin des années 70, ils établiront alors des comités locaux (komiteh en persan), bien connu sous le nom de « Gardiens de la Révolution », qui prendront rapidement le pouvoir dans les divers gouvernements locaux du pays.

On s’en doute, dire que ce nouveau gouvernement est extrêmement conservateur est un euphémisme. En réaction aux actions menées par le shah, le mouvement des réformes est alors totalement inverse : nationalisation des industries, surtout pétrolière, rétablissement des traditions islamiques dans la culture et la loi, bannissement de la moindre influence occidentale, et exil forcé pour l’élite pro-occidentale. Si l’on se souvient que la modernisation apportée par le shah avait laissé le peuple perdu et réfractaire, il en va de même face à un tel mouvement conservateur. De plus, les différentes factions religieuses n’ont pas toujours la même conception des choses, ce qui amène de nombreuses frictions. A nouveau, ces problèmes et oppositions seront réglés rapidement : rien de tel que la répression brutale pour éliminer tout opposant à la république islamique.

25 8. Khomeini : la République Islamique et la guerre Iran-Irak

De même, quand il s’agit d’organiser un référendum pour déterminer le nouveau système politique à établir, rien de tel que de ne laisser qu’un seul et unique choix aux votants : la république islamique. Et si, en outre, le vote peut être public, c’est encore mieux. De si belles circonstances amèneront à une majorité écrasante de 98 % en faveur de la république islamique, qui est ensuite proclamée le 1er avril 1979.

Suite à cela, le 18 juin de la même année, une constitution est présentée par le régime de Khomeini. Chose étonnante, elle n’accorde pas au clergé un rôle important dans la nouvelle structure. Ce sera en fait une Assemblée des experts, dominée par le clergé et par les membres du parti islamique républicain – voilà qui est déjà moins étonnant – qui modifiera le texte afin d’établir un État dominé par le clergé chiite.

Face à cette montée du pouvoir du clergé, le premier ministre Mehdi Bazargan essaiera de persuader Khomeini de dissoudre l’Assemblée des experts mais, essuyant un refus, il démissionnera en novembre 1979. Cela ouvre alors une voie royale au pouvoir religieux. En effet, le Conseil révolutionnaire reprend les fonctions de premier ministre, en attendant les élections de janvier 1980 où, chose remarquable, Abolhassan Bani Sadr (devons-nous préciser qu’il est associé à Khomeini ?) sera élu avec 76 % des votes.

En outre, au vu des événements précités et des tensions politiques sous-jacentes, on se doute que la situation dans le pays ne peut pas être totalement sereine et paisible. En l’occurrence, le 4 novembre 1979, des étudiants iraniens militants prennent d’assaut l’ambassade des États- Unis à Téhéran afin de l’occuper, en réclamant l'extradition de Mohammed Rezah.

Un tel événement ne peut bien sûr rester impuni : l’administration Carter gèle les relations diplomatiques avec l’Iran, impose des sanctions économiques et tente sans succès une opération de secours en avril 1980. Le 24 mai, la Cour internationale de justice appelle à la libération des otages. Ce sera finalement Ronald Reagan qui mettra fin à la crise des otages dès le jour de son entrée en fonction, en acceptant pratiquement tous les termes iraniens. Ces 444 jours de prise en otage ont bien entendu radicalisé l'hostilité des Occidentaux et, on peut le dire, mit un terme définitif aux relations avec les Etats-Unis, qui étaient déjà plus que compliquées.

26 Prise d’assaut de l’ambassade américaine

Pour faire un lien avec notre voyage d’étude en Iran, on a pu remarquer que la rancœur envers les Etats-Unis est encore fort présente, à tel point que l’ancienne ambassade des USA sert encore maintenant de lieu d’expositions à des oeuvres anti-américaines. Des affiches antiamérique sont également parfois visibles dans les rues.

Et cette haine entre l’Iran et les Etats-Unis conduira à la suite de l’histoire, qui n’est pas plus paisible. Le 22 septembre 1980, l’Irak envahit l’Iran. Si les puissances étrangères ne s’opposent pas dans un premier temps à la guerre Iran-Irak, elles iront jusqu’à la soutenir ensuite9, la politique officielle des États-Unis étant d’isoler l’Iran10. Khomeyni, lui, profitera

9 En effet, les puissances occidentales, inquiètes de l’apparition de la république islamique iranienne, voyaient en l’Irak un pays qui pourrait évoluer vers la laïcité et le modernisme, en contrepoids à l’Iran. 10 Ironiquement, des membres de l’administration Reagan vendent secrètement des armes et des pièces détachées à l’Iran. Une affaire bien connue aujourd’hui sous le nom d’affaire Iran-Contra. Voy.

27 de la situation pour mettre à l'écart ses anciens alliés et renforcer les positions des religieux.

Cependant, en dépit de la puissance militaire de l’Irak, le conflit s’enlise. Les Iraniens contreattaquent début 1981 et parviennent à libérer la majorité de leur territoire, poussant même l’Irak à décréter un cesser le feu en juin de cette même année. Finalement, l’Iran envahira l’Irak en juillet 1981. Alors, d’abord victime de l’Irak, l’Iran réagit fortement et son discours se radicalise : il s’agit désormais de réduire la puissance de l’Irak, de destituer Saddam Hussein et de le remplacer par un régime islamique. Tout un programme. Pour se faire, attaquer là où ça fait mal – c’est-à-dire au portefeuille – est une première évidence. Le financement de l’armée irakienne provenant du pétrole, il est purement logique de s’attaquer aux installations pétrolières et aux pétroliers irakiens, attaques qui deviennent systématiques dès 198411. Outre cela, en janvier 1987, l’Iran lance deux grandes attaques12.

Les pertes sont énormes de part et d’autre mais les forces iraniennes sont finalement bloquées. En l’occurrence, malgré de nombreuses offensives de part et d’autre, il n’y a pas de percée majeure. Et finalement, la vapeur se renverse à nouveau : en 1988, l’armée irakienne reprend le dessus et l’Iran acceptera le cessez-le-feu exigé depuis 1987 par la résolution 598 du conseil de sécurité de l’ONU. La guerre se termine donc en 1988, laissant d’une part un terrible bilan économique et humain13, et d’autre part un pays de plus en plus isolé sur la scène internationale.

http://www.linternaute.com/actualite/politique/1201214-les-15-plus-grands- scandales-politiques-de- lhistoire/ 1201230-affaire-iran-contra (page consultée le 23 septembre 2017). 11 Notons que cela est réciproque : l’Irak s’attaque tout autant aux installations iraniennes que l’Iran détruit les installations irakiennes. Voy. http://www.histoire-pour-tous.fr/guerres/3202-la-guerre-iran-irak-1980- 1988.html (page consultée le 23 septembre 2017). 12 Kerbala 5, contre un gouvernement provisoire de la République islamique irakienne, constitué des chefs des opposants chiites irakiens réfugiés en Iran, et Kerbala 6, en direction des grands barrages de l’Euphrate. Voy. https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Kerbala_5 et https://en.wikipedia.org/wiki/Operation_Karbala-6 (pages consultées le 24 septembre 2017). 13 Le chiffre d’un million de mort est évoqué. Voy. http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=571 (page consultée le 20 septembre 2017).

28 9. L’ayatollah Khamenei et bref aperçu de la suite de l’histoire iranienne

Khomeini décède le 3 juin 1989. L’Assemblée des experts choisit alors le président sortant, l’ayatollah , comme Guide Suprême14.

Concernant les relations politiques de l’Iran, la grande constante reste son aversion envers les Etats-Unis. Ainsi, pendant la Guerre du Golfe de 1991, le pays n’hésite pas à aider les irakiens, pourtant grands ennemis il n’y a pas si longtemps encore, tant que cela lui permet de condamner publiquement des États-Unis.

L’ayatollah Ali Khamenei

Concernant la politique intérieure, le clergé est toujours aussi conservateur et la libéralisation toujours plus que modérée. Ainsi, si le président de la République, Mohammed Khatami est connu pour être plus souple et réformateur et que le peuple lui accorde sa confiance15, les résultats restent dérisoires. Son action est en effet paralysée par les conservateurs religieux qui noyautent l'appareil d'État et tous les rouages de l'économie.

A ce tableau, s’ajoute une économie mal en point. Ce qui favorise, on le devine, le désenchantement du peuple et une détérioration de la confiance en leur président. Cela conduira, en juillet 1999, à des protestations massives à Téhéran contre le gouvernement.

Le changement de guide suprême n’a donc pas apporté plus de stabilité au pays, toujours rongé par des relations extérieures difficiles et par des luttes internes. Et les choses n’iront pas

14en Khamenei s’arrangeant. représente En donc 2001, un deuxième les conservateurs personnage fondamental du gouvernement dans l’histoire iranienneiranien contemporaine.oeuvrent pour Et déstabilisercette importance le mouvement primordiale réformateur, des guides suprêmes en bannissant – du moins les dans journaux le discours libéraux public - futet entrès disqualifiant visible tout au long de notre voyage d’étude en Iran : dans chaque magasin, dans chaque restaurant, dans chaque gare, dans chaque appartement, à vrai dire dans chaque lieu public,les et mêmeautres souvent candidatsdans les lieux privés,aux deuxélections portraits sont visibles par tous : un de Khomeini et un autre de Khamenei. Cette présence incessante des deux guides suprêmes à tout endroit de la vie quotidienne fut réellementparlementaires. frappante. Comme souligné avec humour par des étudiants membres de la Conférence, s’il y a bien un marché dans lequel on peut faire fortune en Iran, c’est bien celui de l’impression de portrait officiel de guide suprême… 15 Il sera réélu en 2001. Voy. http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=781 (page consultée le 24 septembre 2017).

29 Dès lors, en 2005, c'est un pays déçu qui se tourne vers un populiste ultra-conservateur16, , ancien maire de Téhéran. A défaut d'apporter des solutions aux problèmes socio-économiques, celui-ci sait habilement exacerber les sentiments nationalistes de ses concitoyens. Face à un peuple mécontent et dans une situation précaire, c’est une technique qui a déjà fait ses preuves tout au long de l’histoire. Notons qu’il fut élu président après avoir vu la disqualification de plus de 1000 candidats par le Conseil des Gardiens. Voilà un concours de circonstances fort heureux pour les conservateurs… Tout cela, combiné à l’impuissance du gouvernement à faire progresser le pays, commence à énerver sensiblement la population.

De plus, l’Iran connait alors une période d’exclusion de la scène politique, d’une part vu sa soumission aux sanctions internationales et d’autre part par son rejet presque total de l’Occident. Ce n’est qu’après l'élection d'Hassan Rohani à la présidence de la République iranienne, en juin 2013, que la situation évoluera. L'Iran fait alors publiquement part de son envie sérieuse de trouver un accord sur le nucléaire. Un accord – l’accord de Vienne - sera trouvé en juillet 2015 entre Téhéran et le groupe 5 + 1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Russie + l'Allemagne)17. En contrepartie de certaines conditions et restrictions imposées à l’Iran, les Occidentaux s'engagent à suspendre leurs sanctions économiques sur l'industrie, l'automobile, le commerce de l'or ou encore les exportations pétrochimiques, à ne pas essayer d'entraver encore plus la vente du pétrole iranien.

16 Son mandat se caractérise ainsi par des prises de position publique hostiles à l'égard d'Israël, l'arrêt des négociations sur le nucléaire et de plus grandes tensions avec les pays occidentaux. Voilà qui n’est pas de bon augure pour le futur d’un pays dont la situation est déjà tendue. Voy. P. RAYNAUD, « Le populisme existe-t-il ? », in Questions internationales, n°83, Janvier-février 2017, p. 15. 17 S. BOUSSOIS, L’accord iranien sur le nucléaire, une révolution géopolitique pour la région et pour le monde, Notes d’Analyse du GRIP, 27 juillet 2015, Bruxelles.

30 10. Conclusion

Pour conclure cette histoire de la Révolution Iranienne, quelques constatations sont à faire.

Premièrement, l’Iran est un pays marqué par des relations de domination puis de rejet des puissances étrangères. Tout au long de son histoire, l’Iran vit son territoire occupé par des pays qui, s’ils n’étaient pas toujours ennemis, étaient au moins étrangers. Cela a sans doute forgé cet esprit de nationalisme, cette volonté de protéger le pays d’influences extérieures. N’ayant jamais été colonisé, conserver cette indépendance prend presque l’aspect d’un sport national.

31 Ainsi, si l’on commence la chronologie avec la domination de la Grande-Bretagne et de l’URSS, on observe qu’elle a entrainé de fortes protestations et finalement conduit à la révolution constitutionnelle. On peut donc dire que la réaction n’est pas faible.

Début des années 50, voilà la Grande-Bretagne qui revient pointer le bout de son nez. Cette fois-ci par intérêt pour le pétrole. A nouveau, la population n’hésite pas à se révolter.

Ensuite, ce sont les Américains, ayant pris le relais des britanniques, qui devinrent la cible des mécontentements. Et à nouveau, la réaction ne se fait pas en demi-mesure : le paroxysme des protestations sera en effet la Révolution de 1979.

Le peuple iranien et ses dirigeants ont donc l’habitude de se rebeller contre une occupation étrangère. Dès lors, se rebeller contre un shah ayant pris trop de pouvoir et de libertés aux yeux de la population semblait être une évidence. Il ne manquait plus qu’un leader, rôle que Khomeini s’est empressé d’endosser.

Deuxièmement, pour comprendre la réussite d’une telle Révolution – qui n’est pas tâche aisée – il faut prendre en compte la place particulière que tient le clergé chiite. Historiquement, de par la différenciation avec les sunnites, le clergé est habitué à contester le pouvoir adverse, à remettre en cause certains dogmes et à argumenter sur le bien-fondé de sa propre conception. Dès lors, se faire le porte-parole des mécontentements du peuple n’était pas inconcevable.

Combiné à la volonté de Khomeini de gérer directement les affaires politiques, on comprend que le clergé n’était pas réticent à la Révolution. Voilà un autre élément qui a favorisé cet évenement, en soutenant le peuple dans ses revendications et en agissant dans la sphère politique.

32 33 34 Histoire politique de la nation iranienne

Henri De Plaen

35 36 Table des matières

TABLE DES MATIÈRES ...... 37

1. INTRODUCTION ...... 39

2. LA CRÉATION D’UNE NATION ...... 40

2.1. LES ORIGINES...... 40 2.1.1. L’Iran pré-Safavide...... 40 2.1.2. La naissance du chiisme...... 41

2.2. LES SAFAVIDES ...... 43 2.2.1. Premier état chiite...... 43 2.2.2. Une monarchie iranienne...... 44

2.3. LES QADJAR ...... 44 2.3.1. La structure de la société ...... 45 2.3.2. Perte de souveraineté...... 45 2.3.3. La révolution constitutionnelle de 1906...... 46 2.3.4. Légitimité des Qadjar...... 47

2.4. L’ÉPOQUE PAHLAVI...... 48 2.4.1. La grande guerre et l’avènement de Reza Khan...... 48 2.4.2. Mohammed Reza Chah ...... 49 2.4.3. La révolution blanche ...... 51

2.5. LA RÉVOLUTION ISLAMIQUE ...... 52 2.5.1. Le Velayet-e faqih ...... 52 2.5.2. La chute du chah ...... 53 2.5.3. Causes politiques ...... 54 2.5.4. La relation du clergé avec le pouvoir ...... 54 2.5.5. L’éternelle quête de souveraineté iranienne...... 56 2.5.6. Les institutions de la nouvelle république...... 57

3. LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN ...... 60

3.1. KHOMEINI ET LA GUERRE IRAN-IRAK ...... 60 3.1.1. 8 ans de guerre...... 60

3.2. LE DÉCÈS DE KHOMEINI...... 60 3.2.1. L’élection de Khamenei comme Guide Suprême ...... 61 3.2.2. Les différentes factions politiques...... 62 3.2.3. Rafsanjani et Khatami...... 65

3.3. AHMANINEJAD ET ROHANI ...... 65 3.3.1. Ahmaninejad, président ultraconservateur...... 66

37 3.3.2. Le mouvement vert ...... 66 3.3.3. L’influence politique de l’économie...... 69 3.3.4. Rohani et la révolution douce ...... 69

4. CONCLUSION ...... 73

5. BIBLIOGRAPHIE ...... 74

38 1. Introduction

La Perse d’abord, l’Iran ensuite porte en lui le bagage millénaire d’une culture et d’une histoire qu’ils ne pourraient envier à aucun autre. Peut-être en Iran plus qu’ailleurs, s’affranchir d’analyser la politique au travers notre prisme européen est nécessaire.

Dans ce pays où le suffrage universel est inscrit dans la Constitution, mais où les rassemblements politiques sont interdits, où les femmes sont plus nombreuses que les hommes à l’université, mais sont soumises à une stricte discrimination, où la scène artistique bouillonne, mais les réalisateurs sont envoyés en prison, il faut savoir lire entre les lignes tant ce peuple est tiraillé entre modernité et traditionalisme. Plein de paradoxes, l’Iran est un pays complexe dont la politique et la société ne se comprennent qu’en se plongeant passionnément dans sa culture, son histoire et sa religion. Durant cet ouvrage, je tâcherai fournir au lecteur un début de grille de lecture, indispensable à la compréhension de la politique iranienne.

39 2. La création d’une nation

2.1. Les origines

2.1.1. L’Iran pré-Safavide

Les terres iraniennes ont été habitées bien avant nos contrées européennes. Les plus vieux outils trouvés en Iran datent, selon une estimatinon, de 800 000 ans avant notre ère. Une série de civilisations naissent durant le paléolithique, mais c’est avec le royaume élamite que l’Iran entre dans l’histoire, au IVe millénaire avant J.-C. et qui durera plusieurs milliers d’années et dominera la la quasi totalité de la Mésopotamie à son apogée. Un groupe de tribus, identifiées comme les Mèdes se libèrent du joug assyrien en -612, et c’est peu de temps après que Cyrus Ier les unit aux Perses, une autre peuplade située autour de la ville de Shiraz, et fonde la dynastie des Achéménides. Ces derniers sont bien connus en Europe grâce aux textes d’Hérodote et à leurs velléités grecques. Ce qui fut le plus large empire de l’Antiquité tomba sous les armées d’Alexandre le Grand en 330 avant notre ère dont les généraux fondèrent à sa mort l’empire Séleucide, allant de la Méditerrannée à l’Indus. En l’an 64, la partie occidentale, défaite par Pompée, devient une province romaine. La partie orientale devient l’empire Parthe. Déposés par leurs vassaux en 224, l’Iran connaîtra sa dernière dynastie pré- islamique, les Sassanides.

L’empire sassanide capitule en 628, soit six ans après l’Hégire, face à la conquête arabo- musulmane, mais il faudra attendre une petite centaine d’années pour que le territoire soit réellement soumis aux califes omeyyades. Vers 740, les omeyyades sont défaits par une dynastie nouvelle : les abbassides. Le pouvoir de ces derniers diminua progressivement pour ne devenir d’abord plus que religieux et finalement s’éteint totalement vers le Xe siècle. Une série de tribus règne parallèlement sur des parties de l’Iran pour faire place à un nouvel empire, le premier empire musulman qui se détache des arabes et qui met fin à l’unité du monde musulman : les seldjoukides. Deux cents ans plus tard, les mongoles envahissent l’Iran. Le résultat est désastreux pour les populations et progressivement, le pouvoir mongol s’érode pour faire à nouveau place au pouvoir de plusieurs petites dynasties. Le conquérant suivant à prendre le titre d’empereur en 1381 est Tamerlan, d’origine turque ou mongole selon les sources, mais son empire ne lui survivra pas très longtemps. Les prochains seront les Safavides, première dynastie indépendante iranienne à régner sur l’Iran depuis près de 1000 ans.

40 2.1.2. La naissance du chiisme

Les lignes directrices d’une organisation politique musulmane furent clairement définies après l’an 622 de notre ère, l’année de l’Hégire, qui marque l’an zéro du calendrier musulman et qui signifie émigration en arabe et fait référence au départ de Mahomet et de ses compagnons pour Médine afin d’arbitrer un procès tribal. Cela représente la fin d’un système clanique, où les liens familiaux priment et le début d’un système où tout le monde est frère dans une même religion. Ainsi, on assiste à la naissance d’une communauté organisée autour de nouvelles lignes politiques sous un même chef. La nouvelle association religieuse est donc une nouvelle organisation politique et non une nouvelle église dans un état existant. Ainsi, le concept fondamental musulman que la loi émane du religieux n’est pas compatible avec le concept moderne européen de la séparation de l’Eglise et le l’Etat. L’union de la religion et de la politique est un thème récurrent dans l’histoire des états musulmans, et plus particulièrement de l’Iran.

La communauté musulmane n’était clairement pas préparée à la mort de son prophète. Si au début, la succession fut aisément désignée parmi ses compagnons, la suite fut vite plus compliquée. Dès le début, on a pu vite voir arriver quelques schismes, dont le plus important est celui entre les sunnites et les chiites. Ces derniers prétendaient que les compagnons apparentés au Prophète avaient plus de légitimité à sa succession, ce que les premiers rejetaient. Un deuxième point de discorde est la croyance des chiites en l’institution de l’Imamat. Selon eux, le chef de la communauté est l’Imam, leader politique et religieux infaillible, autorité suprême en matière d’interprétation des lois, et non le Calife, successeur politique de Mahomet à qui le pouvoir spirituel ne revient qu’à travers la consultation des autres clercs. Selon les chiites duodécimains, l’histoire a connu 12 Imams, dont le premier était Ali Ibn Abi Talib et le dernier, le Mahdi, occulté reviendra à la fin des temps.

Avec le temps, les deux sources de loi, le Coran, immuable parole de Dieu, et la Sunna, la tradition orale et écrite, se heurtèrent de plus en plus à l’évolution de la société. Un besoin urgent d’une interprétation contemporaine de la loi se fit de plus en plus ressentir et ainsi naquit une strate de la société entièrement dévouée à cette tâche.

Là où le califat sunnite, d’abord omeyyade puis abasside, évolua vite en un pouvoir central politique et religieux fort, muni d’une grande jurisprudence et d’un vaste territoire homogène, en ce compris l’Iran actuel, le chiisme - avec énormément de respect - restait à l’état de groupuscules dispersés et minoritaires

41 relativement tolérés comme à Bagdad, et de temps à autre activistes et révolutionnaires comme en Espagne ou en Inde ce qui pouvait déforcer sa crédibilité ailleurs. Le fait d’être relégué à l’état de minorité oppressée explique également la très forte importance du concept de martyrs. Cela explique également la grande quantité de courants dans l’ chiite comme les Ismaéliens, les Druzes au Liban, les chiites soufis, les Alaouites en Syrie, les Zaïdis au Yémen ou encore les Duodécimains à Bagdad et à Qom. Dans le cas de ces derniers, on peut dire qu’une réelle communauté ne naquit vraiment qu’après l’occultation du douzième Imam et ne put amplement prendre ses aises qu’après son installation comme religion d’Etat en Iran au seizième siècle. Ainsi, le chiisme duodécimain a connu une évolution plus tardive et ses traditions politiques étaient héritées du pouvoir central fort des califats omeyyades et abassides.

Dans l’empire ottoman, le sunnisme évolua et les oulémas devinrent les gardiens de la loi, mais étant donné les traditions de califat, le pouvoir temporel était totalement dans les mains du sultan. Entretemps, la théorie chiite développée au dixième siècle sous domination des califats sunnites, tentait plutôt de concilier les théories politiques du début de l’Islam et le concept grec du philosophe-roi, ce qui évolua plutôt vers le concept de monarchie absolue, où le pouvoir religieux était concentré dans les mains d’un seul souverain, sorte de représentant du dernier Imam sur terre.

Chiisme et philosophie ne peuvent en effet pas vraiment se traiter à part. La philosophie en Iran est extrêment présente et est une même matière obligatoire à l’école, comme en France par exemple. Les Iraniens se voient les héritiers de la philosophie grecque et des principes islamiques. La philosophie est en réalité l’herméneutique entre les textes ou lois religieuses et la société moderne. Si l’on autorise une interprétation des textes, comme le prétend Sohrawardi par exemple, un philosophe du 11e siècle, la modernité et les principes islamiques sont compatibles.

Malgré une organisation très hiérarchisée et une implication permanente du chiisme dans les affaires temporelles, ce courant a connu et connaît toujours une énorme variété des courants de pensée, pas toujours réconciliables. Aujourd’hui encore, certains ayatollahs sont assignés à résidence car ils professent une vision de la religion et une interprétation des textes qui ne convient pas au pouvoir en place. En fait de tout temps, le conflit entre une vision ouverte de l’Islam et une vision fermée fait rage. Avec un peu de simplisme, on pourrait résumer cela à une interprétation littérale versus une interprétation intellectuelle dont voici deux

42 exemples anciens :

- Sohrawardi (11e siècle) considère que la foi est synonyme de connaissance. Etre un grand croyant est être instruit car on verra la lumière, synonyme de compréhension du monde et de Dieu. Selon cette logique, il voyait Platon comme un Imam. Selon lui, la philosophie n’est pas non plus une question de concepts, mais d’expérience.

- Mollah Sadra Shirazi (16e siècle) plaidait pour une interprétation systématique des textes. Il base cela sur la 24e sourate, dite « la lumière », 35e verset, dit « verset de la lumière » : la notion d’image ou parabole et le fait que Dieu est image et ne dit donc pas les choses littéralement implique une nécessaire interprétation. Il ira jusqu’à dire que le Coran et même les paroles des douze Imams ne sont pas suffisants en soi et qu’il est du rôle du philosophe d’interpréter les textes. Mollah Sadra Shirazi est issu de l’école d’Ispahan dont il est un des grands penseurs. Cette école était caractérisée par une grande liberté de pensée et une interprétation différente pour chacun, la philosophie étant constamment exégétique.

Ce serait une erreur de pensées que le clergé moderne n’étudie pas ces textes. Par exemple, Le frère de l’ayatollah Khamenei, le professeur Khamenei supervise les textes de Mollah Sadra Shirazi et en est le grand spécialiste.

2.2. Les Safavides

Les safavides sont une confrérie soufie, originaire d’Azerbaïdjan et vraisemblablement kurde dans un contexte où le soufisme servait souvent de refuge idéologique face au pouvoir en place. Leur obédience était à l’origine sunnite ce qui leur permit de jouir des faveurs du souverain de l’époque et de prospérer aisément. Dans la seconde moitié du XVe siècle, ils se convertissent au chiisme extrémiste et renforcent ainsi leurs liens familiaux. Après une première tentative manquée de conquérir la région, c’est finalement Ismaël Ier qui s’empare de l’Iran, prend le titre de chah et déclare le chiisme duodécimain comme religion d’Etat. Sous la dynastie safavide (1501-1747), l’Iran connaîtra une grande prospérité depuis sa capitale, Ispahan.

2.2.1. Premier état chiite

Au début du XVIe siècle, seule une petite minorité de l’Iran est d’obédience chiite ce qui lui permet d’importer massivement des oulémas de Syrie pour construire une religion sur mesure.

43 Ces derniers font de lui « l’ombre de Dieu sur Terre » et l’incarnation vivante du dernier Imam pendant son occultation. Parallèlement, la construction d’un état chiite, et donc non sunnite, permet de se mettre en opposition avec l’Empire ottoman dont ils cherchent à être tout-à-fait indépendants. La conversion du peuple iranien à une seule religion permet également de cimenter la population iranienne dans sa diversité ainsi que d’affirmer la spécificité iranienne. Ces comportements ont été favorisés par le rejet des milliers d’années de dominations étrangères.

2.2.2. Une monarchie iranienne

Contrairement à l’Europe où la base de la légitimation monarchique n’a globalement pas changé depuis les Carolingiens, la légitimité de la monarchie iranienne a connu beaucoup de mutations.

Comme le montre Otto Hintze, le pouvoir royal a été limité en Europe par trois grands principes institutionnels. Le premier étant le principe de réciprocité des devoirs mutuels du monarque et de ses citoyens : ces derniers payent leurs impôts en échange de la protection du premier. Enac ex non ademplati conctractu. Le second principe est celui de diètes provinciales, principalement originaires de l’Empire Romain, plus tard héritées par l’Eglise. Le troisième principe était le besoin d’organisation publique qui transférait les compétences à toute entité vacante de pouvoirs publics. Les Estates sont nées de ces principes, précurseurs de nos parlements modernes. L’absolutisme royal en Europe n’a été, pour ces raisons, qu’un court interlude entre un pouvoir royal limité par les Estates et les monarchies constitutionnelles et républiques modernes. Une telle représentativité et des institutions limitant le pouvoir royal étaient absentes au Moyen-Orient. La principale caractéristique du monarque iranien est donc son pouvoir arbitraire. Cela ne veut évidemment pas dire que ce pouvoir était absolu, car il doit évidemment contenter des groupes organisés tels que les guildes, le clergé ou les chefs tribaux, mais cela ne résultait que de rapports de pouvoir et aucunement de principes institutionnalisés comme en Europe. Le monarque ne devait répondre qu’à Dieu.

2.3. Les Qadjar

A la fin du 18e siècle, dans un Etat en proie à des luttes internes pendant plus de cinquante ans finit par apparaître une tribu d’éleveurs issue du Nord-Est de l’Iran, les Qadjar. Pendant plusieurs dizaines d’années, ils luttent d’abord entre eux puis finissent par imposer leur

44 autorité au reste du territoire. Durant l’ère Safavide, ils appartiennent à la confédération Qizilbash, disciples de l’ordre soufi chiite, même religion donc sur laquelle ils vont reposer leur pouvoir et légitimité. Ainsi, le clergé en place ne connaît pas de perturbation majeure en continu dans la même direction que celle qui a été instituée lors de l’installation du chiisme comme religion d’Etat. La différence avec les Savafide réside plutôt dans un Etat moins puissant avec une administration aux dimensions beaucoup plus modestes. Les gouverneurs sont puissants et les tribus tranquilles. C’est également à ce moment que la capitale est déplacée d’Ispahan à Téhéran, plus proche des territoires Qadjar originaux et du Caucase convoité par les nouveaux chahs.

2.3.1. La structure de la société

Durant l’époque Qadjar, on peut compter principalement deux classes sociales. D’une part les notables tels que membres de la famille royale, courtisans, chefs des grandes tribus, notables religieux, grands propriétaires fonciers ou encore les marchands et d’autre part la masse populaire tels que les paysans, les simples membres de tribus, les nomades, les ouvriers agricoles sans terre, les petits artisans ou encore les mollahs des quartiers et des villages.

Progressivement, une classe moyenne voit le jour, composée de notables locaux, de chefs de quartier ou de village, de petits propriétaires terriens et de simples marchands. De plus, la possibilité d’une ascension sociale existe, tels qu’en témoignent deux personnes qui ont fini ministres et qui venaient à l’origine des plus basses classes de la société

Les Qadjars étaient également favorables au fonctionnement tribal, eux-même issus, comme les Safavides avant eux, de khans. Par exemple, des personnes importantes de la confédération Bakhitavi ont rempli le rôle de premier ministre et de ministre de la guerre sous les Qadjar. Les khans étaient également présents dans l’armée. En opposition à cette vision favorable, les nationalistes de la fin du 19e siècle voient les tribus non pas comme un héritage national, mais un obstacle à leur projet d’état national.

2.3.2. Perte de souveraineté

C’est sous la dynastie Qadjar que l’Iran commence à perdre de sa vraie souveraineté dont elle jouissait durant l’époque Safavide. En effet, l’ancienne Perse se situe au milieu de ce qu’on a appelé le Grand Jeu, lutte d’influence entre les Russes et les Britanniques en Asie. Les premiers voulaient élargir leur empire vers le Sud, au-delà du Caucase et les derniers voulaient protéger leur joyau aux Indes, en

45 ce compris le Pakistan et Afghanistan actuel. L’Iran se voit donc réduite au statut de simple Etat tampon et a perdu toute la splendeur dont elle pouvait rayonner à l’époque safavide, surtout durant le règne de Chah Abbas Ier et se voit démunie de moyens financiers et d’une bonne armée.

Dès le début du 19e siècle, les Qadjars entrent dans une série de courtes guerres avec les Russes et cèdent progressivement des territoires au Nord, en plus d’une souveraineté juridique, en ce qui concerne les droits des russes sur leur sol par exemple. Côté britannique, ils subissent des intimidations musclées par exemple lors de la tentative de reprise de ville d’Hérat, en actuel Afghanistan, historiquement membre de leur empire. Pour préserver son semblant d’indépendance, l’Iran paye le lourd tribut d’innombrables concessions et d’ingérence d’autres puissances européennes, dont la Belgique, pour neutraliser l’influence russe et britannique. C’est ainsi et dans ces conditions que la Perse est incorporée à l’économie mondiale. Pourtant, quelques réformes sont tentées par-ci, par-là et la diaspora, souvent éduquée à l’étranger est un véritable vecteur d’idées nouvelles publiées principalement depuis Istanbul, Tiflis ou Bombay. A la fin du 19e siècle, l’Iran possède une réelle intelligentsia avide des nouvelles réformes.

2.3.3. La révolution constitutionnelle de 1906

La révolution constitutionnelle naît dans un contexte d’agitation et de difficultés économiques. Comme souvent l’élément déclencheur est assez bénin, mais lourd de conséquences. Dans ce cas-ci, c’est le gouverneur Téhéran qui fait battre trois marchands du bazar parce qu’ils ne baissaient pas leurs prix de sucre. Le bazar se met en colère et entraîne des manifestations nationales qui aboutissent à la concession de la part du chah : la création d’une constitution. Plus profondément, ceci est la manifestation des tensions grandissantes envers le mode de fonctionnement de la dynastie Qadjar et finissant par se cristalliser en une révolution constitutionnelle. En effet, les nationalistes sont frustrés par les entraves constantes à la souveraineté nationale. A côté, le clergé n’est pas content : son rôle a été fortement limité, mais leur mécontentement vient surtout de décisions du chah qui ne respecte pas les traditions. Les tribus quant à elles ne sont pas contentes non plus, sous influence des puissances étrangères. Evidemment, les modernistes aussi se plaignent car ils veulent une vraie démocratie. Ce n’est pas fini : les marchands sont irrités par les concessions internationales permanentes qui entravent leur projet de développement capitaliste. Enfin, les étudiants sont des idéalistes et le concept de la révolution sonne bien dans leurs oreilles. Les

46 modernistes s’allient avec le clergé pour la réforme et la révolution triomphe. En réalité, le triomphe réel est pour les modernistes car leurs revendications ont été plus ou moins acceptées. Les fondements démocratiques ne sont pas toujours parfaitemen respectés, mais le parlement, le Majles existe bel et bien. Pour le clergé, le succès est beaucoup plus mitigé : leurs revendications ont été bafouées, eux voulaient la création d’un conseil des gardiens pour assister le chah dans sa prise de décision. Le résultat final ne plaît pas au chah qui finit par tenter de s’y opposer, d’abord doucement, puis en décrétant la loi martiale deux ans plus tard pour faire fermer le Majles. Cela resulta en d’énormes protestations qui aboutissent à son abdication en faveur de son fils.

Dans les premières années qui suivent la constitution, le clergé participe activement à la vie politique. Ils ont également des liens forts avec les marchands du bazar, dont certains aspirent à devenir des entrepreneurs à grande échelle et qui sont bloqués par les limitations imposées par le chah qui donne des concessions économiques à des étrangers.

2.3.4. Légitimité des Qadjar

On peut légitimement se poser la question de savoir comment la dynastie Qadjar a fait pour se maintenir malgré d’énormes lacunes dans sa gouvernance et des conditions extérieures extrêmement défavorables ?

D’un point de vue international, le statut d’Etat tampon nécessaire entre Londres et Saint- Pétersbourg et l’implication d’autres puissances résulte en l’incapacité à prendre entièrement le dessus sur Téhéran.

D’un point de vue interne, la religion privilégiée entre le chah et les importants groupes sociaux a maintenu sa légitimité et son relatif pouvoir. A côté des chefs tribaux sur lesquels il reposait militairement et des principaux propriétaires terriens, qu’il laissait en paix, c’est sa relation privilégiée et particulière avec le clergé qui l’a maintenu au pouvoir, relation qu’ils ont d’ailleurs maintenue au prix de lourdes concessions.

La doctrine religieuse évolua progressivement et l’idée d’infaillibilité du chah fut rejetée. Étant donné leur plus grande connaissance religieuse et meilleure capacité de déduction logique, ils étaient selon eux plus aptes à interpréter la loi, ce qui leur permit de jouir d’une grande influence auprès de la communauté musulmane du pays. Ainsi, ils vinrent à superviser une large part de la population, d’étudiants en droit aux marchands du bazar, en passant par de

47 simples croyants, qui forma une base sociale solide immune aux efforts de pénétration et démantèlement.

C’est durant le 19e siècle que naît également le concept de marja-e taqlid, littéralement « source d’imitation », sorte de source de jurisprudence vivante. Les Qadjar perdent une partie de leur aurotiré et voient les oulémas devenir progressivement la seule autorité législative jusqu’à la révélation du dernier Imam. La légitimité du chah émane du chiisme, incarnée par le clergé. Voilà le lourd tribut payé par les Qadjar conserver leur trône.

Seulement, ce mode de gouvernance tout à fait imparfait ne pouvait durer éternellement. Les soulèvements des oulémas au 19ième siècle et plus tard dans la seconde moitié du vingtième siècle étaient une réponse aux tentatives, selon eux, du chah de se réapproprier l’autorité totale de l’Imam, mais au-delà de ça, la crainte d’être rabaissé à un statut similaire à celui du clergé sunnite. Il fallait selon eux tempérer le monarque et éviter des décisions arbitraires. Eux voulaient un comité pour protéger les saintes lois de mauvaises décisions, un comité de cinq oulémas, le « conseil des gardiens ». Il ne fut jamais appliqué par manque de candidats clercs et cela, les révolutionnaires de 1979 ne l’auront jamais oublié. Le résultat final de la révolution de 1906 fut un compromis entre les entités iraniennes, mais qui fut malgré tout insuffisant pour garder à long terme les Qadjars en place.

2.4. L’époque Pahlavi

2.4.1. La grande guerre et l’avènement de Reza Khan

En Iran la première guerre mondiale voit la présence sur leur territoire des Ottomans contre les Britanniques et les Russes alliés. L’Iran se proclame neutre, mais n’a pas vraiment le choix dans la pratique et se rapporche de la Triple-Entente, malgré la tentative allemande de les convaincre de rejoindre la Triple-Alliance. A l’issue de la guerre, la Perse est dévastée. En 1919 on signe un traité anglo-persan contre les bolcheviques, mais Londres sous-estime le sentiment nationaliste et l’influence plus tardive des autres puissances étrangères. Le Royaume-Uni juge les élites Qadjar inefficaces et la peur de l’installation du bolchévisme pénètre. Un colonel originaire du Mazanderan, aux grandes qualités militaires et personnelles impressionne les britanniques qui le soutiennent. En 1921, il marche sur Téhéran et devient bientôt plus influent que le souverain Qadjar1. Il est d’abord commandant en chef des armées, puis ministre de la Guerre en 1921 après que Londres ait coulé leur bouc-émissaire anglophile et premier ministre, Seyyed Zia, qui permit de faire une croix sur les ressentiments anti-

48 britanniques qui avaient persisté à la suite du traité anglo-persan contre les bolchéviques. Finalement, Reza Khan obtient du Majles la déposition du souverain Qajdar en 1925 et se couronne lui-même en 1926. Ceci marque le début de la dynastie Pahlavi.

Rapidement, il tente une réforme comme Attatürk et augmente considérablement l’appareil étatique. C’est également lui qui crée une réelle armée nationale moderne, qui coûte cher au détriment d’autres réformes, mais elle permet de garantir le maintient de l’ordre. Il établit également des chemins de fer reliant mer casspienne au golfe persique et permet une industrialisation systématique du pays. Il réforme l’éducation nationale en se basant sur les modèles occidentaux et baisse ainsi l’influence traditionnelle du clergé. Ces derniers voient également s’ajouter à toutes ces réformes une sécularisation du système juridique, qui était traditionnellement de leur ressort. Il impose une loi vestimentaire qui interdit le voile aux femmes et prône un habillement très occidental, entrave de plus à la tradition dont le clergé se veut le garant. Petit détail, mais c’est également lui qui institue le système métrique.

Contrairement aux Qadjar, la dynastie Pahlavi est séculaire et voit le fonctionnement tribal comme une entrave au projet qu’ils imaginent pour l’Iran. Un fonctionnement tribal est incompatible selon eux avec le nationalisme dont ils se voient les libérateurs des dominations extérieures. Le fonctionnement tribal ne permet pas la création d’un état moderne non plus. Alors que le fonctionnement tribal touchait à sa fin naturelle et n’était pas hostile à une sécularisation progressive, Reza Chah les persécuta et les força à se sédentariser. Cela lui donna énormément de popularité parmi l’intelligentsia et les progressistes, mais mis les khans, rare partie de la population non éduquée en non religieuse, farouchement à dos de la dynastie Pahlavi.

En revanche, contrairement à sa gestion intérieure du pays, Rez Khan reste prudent en politique étrangère : il signe quelques traités avec URSS et britanniques, mais n’entreprend rien de très osé. En 1941, il est finalement déposé à cause de sa proximité avec les allemands durant la deuxième guerre mondiale. La première guerre l’aura hissé au pouvoir, la seconde causé sa chute. La nouvelle dynastie qu’il a fondé perdura néanmoins au profit de son fils qui lui succéda, Mohammed Reza Chah.

2.4.2. Mohammed Reza Chah

Le début de règne du nouveau chah est marqué par la volonté de s’inscrire dans l’idée de la constitution de 1906. Le monarque règne donc, mais ne gouverne pas. A la mort de Reza

49 Chah, on peut penser au début d’une vraie démocratie. On voit naître un foisonnement parmi les partis politiques, une réelle liberté de la presse.

Rapidement, l’Iran subit la perte de l’Azerbaïdjan et d’une partie du Kurdistan, mais la crise de souveraineté éclatera finalement autour de la nationalisation de la AIOC18. L’entièreté de la population soutient le gouvernement de Mossadeq et le Front National qu’il a fondé, alliance nationaliste laïque et sociale-démocrate. Le parti communiste, le Tuddeh19, bien qu’officiellement interdit soutient également la nationalisation. Le gouvernement finit par voter la nationalisation complète de l’AIOC en 1951, sans tenir compte des britanniques. Cela mène à une crise internationale et interne qui durera plusieurs années. Le chah finit par prendre en grippe le Premier Ministre qu’il avait commencé par voir providentiel et la crise prend une telle ampleur que le chah finit par devoir s’exiler. En 1953, il permet à contre-coeur l’opération « TP-Ajax » organisée par les services secrets américains et britanniques qui fait définitivement tomber le gouvernement Mossadeq. Cet épisode met fin à la période de pluralité politique que l’Iran pouvait connaître depuis la seconde guerre mondiale et ainsi commence la montée en puissance du chah et le début d’un rôle plus limité de la Constitution. Le Front National est interdit et les partisans du Tuddeh pourchassés par le Savak, ses services secrets personnels fort actifs et aux manières très efficaces. Au Majles, le chah crée un bipartisme dont les deux présidents respectifs sont des amis personnels. Pour ce qui est de la nationalisation de l’AIOC, des négociations aboutirent à la nationalisation des installations pétrolières en la nouvelle NIOC (National Iranian Oil Company) et l’exploitation fut donnée à un consortium international, dont l’AIOC, nouvellement baptisée British Petroleum Company détenait 40% des parts, le reste étant partagé entre les cinq grandes compagnies américaines, la Royal Dutch Shell et la Compagnie française des pétroles, future Total. Cet accord permet néanmoins une augmentation des recettes de l’Iran qui sont investies dans un plan septennal (1955-1962) visant à relancer l’économie en rénovant les équipements, installations et infrastructures du pays de façon systématique. La chah officialise également sa participation au pacte de Bagdad20 qui achève sa traditionnelle neutralité pour rentrer dans une alliance

18 Fondée en 1909, l’Anglo-Persian Oil Company est une entreprise née d’une concession donnée aux britanniques sur l’exploitation d’un vaste gisement pétrolier découvert un an plus tôt. Dès sa création, elle est l’objet de critiques régulières de la part de l’Iran qui estime qu’elle ne lui reverse pas suffisamment de bénéfices. Elle sera renommée plus tard l’Anglo-Iranian Oil Company (AIOC). 19 La parti communiste iranien était également membre du Komintern, mais était interdit suite au traité anglo- persan contre le bolchévisme. Il exerce néanmoins une grande influence auprès des classes populaires, surtout au Nord du pays et jouit d’une relative tolérance par les autorités. 20 Officiellement appelé le traité d’organisation du Moyen-Orient est une alliance militaire censée former un cordon sanitaire pour endiguer la montée du communisme. La traité, bien qu’impliquant officiellement plutôt

50 occidentale.

2.4.3. La révolution blanche

Révolution blanche est lancée en 1963 et consiste en une réforme agraire, désireuse de briser les liens féodaux empêchant la modernisation du pays, la grande majorité des terres appartenant à de très grands propriétaires terriens et au clergé et non aux paysans qui les exploitent. Les femmes se voient octroyer le suffrage universel et les usines sont privatisées pour financer la réforme agraire. En plus du vote octroyé aux femmes, une réforme électorale tend à favoriser les femmes, les employés et les fermiers, au détriment des bazari et du clergé qui étaient surreprésentés dans les instances démocratiques. De plus, la révolution blanche entraîne également la nationalisation des forêts et pâturages. Autre nouveauté : un plus grand partage des bénéfices parmi les employés grâce à une réforme fiscale. Le chah crée aussi une « armée du savoir » constituée de gens diplômés faisant leur service civil, chargés d’alphabétiser la population principalement dans les villages. Le Grand Ayatollah21 Boroujerdi prononce une fatwah contre la révolution blanche, mais sa mort en 1961 la rend obsolète. Finalement, un referendum victorieux est organisé, qu’on dénonce truqué.

Ces réformes affectent très fort l’establishment en place, notamment les grands propriétaires terriens et les chefs tribaux qui perdent par la même occasion leur pouvoir politique dans les campagnes. Le clergé qui gère d’immenses domaines de mainmorte se voit également lésé. Cette perturbation profonde du fonctionnement dans les campagnes provoque également un exode rural qui vient gonfler les quartiers populaires et pauvres des villes ( comme la famille d’Ahmaninejad). De façon générale, le chah cherche à s’accaparer le pouvoir et écarter les groupes de pression traditionnels, principalement l’aristocratie, le clergé et les bazaris, proche des milieux cléricaux. Cela a pour conséquence de s’aliéner ses soutiens traditionnels qui le légitimisent et de s’isoler politiquement. A l’annonce du referendum, le clergé commence à s’agiter et des manifestations populaires éclatent dans tout le pays et sont violemment réprimées. Une série de personnes décèdent, nombre toujours inconnu aujourd’hui, et grâce aux soutiens religieux sont déclarés martyrs, symbole très fort dans la religion chiite.

les Britanniques, s’inscrit dans la politique de guerre froide des Etats-Unis.

21 Un ayatollah est un clerc ayant largement étudié les textes durant des années. De par la particularité de l’Islam et la non séparation du droit, de la justice et de la religion, on pourrait le comparer à un grand professeur d’université et un juge. Les ayatollahs se comptent par dizaines. Les grands ayatollahs sont beaucoup moins nombreux car également marja-e taqild, source de jurisprudence. On pourrait les comparer à des recteurs et juges d’une cour supérieure.

51 Socialement, la révolution blanche et l’augmentation des revenus pétroliers permet l’évolution d’une nouvelle classe moyenne qui théoriquement aurait pu soutenir la monarchie lors de la révolution islamique. Cependant, la démocratie bafouée depuis la crise du gouvernement Mossadeq l’empêche de prendre part à la scène politique ne l’incite pas à soutenir le régime pendant la crise qui précéda la révolution islamique.

2.5. La révolution islamique

Je n’aime pas voir l’histoire comme une succession de causes et de conséquences qui mènent inévitablement à la situation présente. Comme en physique, le déterminisme omet toujours l’élément le plus important, le hasard. Ainsi, une physique sans hasard n’est pas complète et faillit à décrire la réalité du monde qui nous entoure et de façon similaire, je crois que l’histoire ne peut être dissociée du hasard : le fait qu’une décision ait été prise contre toute logique ou qu’un tel homme se soit trouvé à un moment et un endroit précis et ait fait des choix que rien ne prédestinait, peut changer considérablement le cours des évènements ; ainsi s’écrit l’histoire. En Iran, s’il est bien une personne qui a elle seul a transformé le pays, sans qui le pays n’aurait sûrement pas été ce qu’il est aujourd’hui, c’est bien .

Durant la révolution blanche, Khomeini, un religieux peu connu à l’époque, commence à se faire connaître pour son opposition en bloc à la révolution blanche et finit par être envoyé en exil. La mort de Boroujerdi au même moment, son professeur, fait de lui son héritier et Khomeini accède au rang de marja. Khomeini devient le leader de la contestation contre la révolution blanche et plus tard, le chah.

2.5.1. Le Velayet-e faqih

Il est néanmoins nécessaire de s’attarder un peu sur les concepts religieux développé principalement par Khomeini durant son exil, d’abord à Nadjaf et Kerbala en Irak, puis à Neuphle-le-Chateau, près de Paris en France. Il introduit le concept de velayet-e faqih, ou conservateur de la jurisprudence en français. Cela est une réponse à la question de l’entité compétente en matière de droit. Depuis longtemps, bien que le chah, « ombre de Dieu sur terre », incarne le dernier Imam pendant sa période d’occultation, l’infaillibilité lui avait été refusée. Progressivement, le clergé se déclare seule entité capable d’interpréter la jurisprudence, car ils sont les mieux formés et informés. Le velayet-e faqih va encore plus loin et déclare une personne seule compétente pour décréter ce qui est conforme à la loi et ce qui ne l’est pas. Cette personne sera le valih-e faqih, ou guide de la révolution en français. Ainsi,

52 au-dessus de toute loi séculaire, le clergé est chargé à travers le guide d’interpréter la compatibilité de cette loi avec la loi religieuse.

Au début, ce concept est très peu accepté au sein des écoles religieuses et du clergé, mais avec la contexte politique évoluant et la montée en pouvoir de Khomeini, davantage de gens commencent à l’accepter puis l’adopter. C’est ainsi que l’on voit le clergé, historiquement hostile à une implication directe dans la politique du pays, à l’instar de Boroujerdi, vouloir progressivement en devenir les acteurs.

Il théorise l’application de ce concept dans sa République Islamique d’Iran. Le choix du mot « République » est une copie de Khomeini sur la tendance internationale, mais faisant plutôt référence à la République de Platon et le concept du despote est largement étudié dans les villes saintes, plutôt que le sens moderne et démocratique qu’on lui donne.

2.5.2. La chute du chah

Progressivement, les revenus du pétrole s’amoindrissent à la suite du premier choc pétrolier de 1971 dont les effets ont duré des années. De plus, la proximité du chah avec le président américain Carter provoque beaucoup de remous dans un pays historiquement nationaliste. Le 7 janvier 1978, le quotidien officiel Etelaat publie un article sur Khomeini que le clergé juge offensant. Très vite, une manifestation a lieu dans la ville sainte de Qom, qui comme d’habitude est violemment réprimée, les victimes sont très vites associées à des martyrs, commémorés quarante jours plus tard et d’autres manifestations commencent. A leur tour des martyrs sont commémorés quarante jours plus tard et ainsi enflent les protestations. Le 8 septembre 1978, des manifestations massives ont lieu à Téhéran, que le chah fait fortement réprimer à l’aide de l’armée, restée de son côté. On dénombre des centaines de morts et ce jour fut appelé « vendredi noir ». Ce jour-là, le chah perdit ses derniers soutiens, y compris chez les progressistes qui ont vu en lui un dictateur sanguinaire.

Entre temps, les américains décident de « penser l’impensable » et se font à l’idée que le temps du chah est fini est envisagent de soutenir Khomeini, qui avait remarquablement bien manié un double langage, très doux et idéologiquement beau pour les médias occidentaux, et très dur dans les milieux cléricaux en Iran. Les manifestations continuent et s’intensifient. La situation devient intenable pour le chah qui part en exil le 16 janvier 1979. Le premier février, Khomeini arrive triomphalement à Téhéran. Le premier avril, il proclame la République Islamique d’Iran, théocratie chiite basée sur le concept qu’il avait développé de velayet-e

53 faqih.

Contrairement aux Qadjars, les Pahlavi laissent un pays relativement prospère à leurs successeurs, doté d’une administration forte capable de gérer un vaste territoire, et d’une infrastructure économique, universitaire et industrielle la plus forte que le pays ait jamais connu. C’est sur cet Etat sédentarisé que Khomeini put construire sa République Islamique d’Iran, approuvée par un référendum populaire.

2.5.3. Causes politiques

On peut légitimement se poser la question de savoir ce qui a causé une telle révolution ?

Une première chose à noter est la révolution blanche, sans précédent, qui entraîna un exode rural, des laissés pour compte dans des quartiers négligés par la réforme. Ces derniers étaient fort mécontents face à la monarchie et ceux qui ont privilégié ces réformes, souvent occidentalisés. Avec la réforme agraire, les chefs tribaux qui avaient perdu leut pouvoir politique en 1930, perdirent également leurs biens fonciers. Cela fut une grossière erreur de la part du chah. Bien que les khans n’existaient plus, ils étaient devenus un peuple de classe inférieure non religieux et pourtant opposé aux réformes modernes entreprises par le chah. La population libérale et la classe moyenne est quant à elle mécontente de la brutalité du régime. Les bazari et le clergé perdent également leur influence politique à la suite des réformes électorales.

Un second aspect est international. Le contexte de la guerre froide force le chah à considérer le clergé modéré comme un allié face à la gauche, un espace de respiration dont Khomeini se servira. Parallèlement, la chute des revenus pétroliers détériore la situation économique de l’Iran, ce pour quoi manifesteront beaucoup de modérés. Vers la fin, les mauvaises informations et calculs de l’administration Carter participent à prendre les mauvaises décisions, ce qui finira par lui coûter sa réélection. De façon générale, la prise de position pro- occidentale et américaine vers la fin du régime du chah lui coûte cher dans un contexte de crise chronique de souveraineté nationale.

Enfin, des aspects plus personnels, dont le cancer du chah l’empêchent de prendre les bonnes décisions au bon moment et la profonde intelligence politique de Khomeini viennent couronner le tout.

54 2.5.4. La relation du clergé avec le pouvoir

Même si l’Iran d’aujourd’hui comporte une demi-douzaine de religions, le pays est globalement homogène. Le clergé était indépendant et les tendances papistiques de l’Empire ottoman - après que le sultan se soit qualifié de calife - étaient absentes en Iran. Il y avait donc un clergé indépendant aux côtés de la monarchie. Ainsi, il y avait deux sources d’autorité, le chah et le clergé. L’évolution doctrinale du chiisme et le principe de source d’émulation lui permit d’avoir un rôle d’interprétation indépendante des lois, et donc un pouvoir législatif. Cela justifie par ailleurs l’utilisation du mot « clergé » à la place de celui de prêtres au sens technique du terme.

Le chiisme n’est pas une religion monolithique et connaît une grande source de variations sous forme de styles intellectuels ou de traditions différentes. On distingue ainsi grossièrement au sein du clergé trois visions : ceux qui pensent que le clergé doit de mêler activement de politique comme Khomeini, ceux qui pensent que le clergé doit s’en mêler passivement, comme Boroujerdi ou plus tardivement Shariatmadari, et ceux qui pensent que les deux aspects doivent être totalement séparés, surnommés les quiétistes, comme Al-Sistani. Un clergé puissant est souvent source d’anticléricalisme, même auprès des croyants. Le monopole de l’interprétation de la loi par le clergé représente un grand défi pour les modernistes religieux qui assument le rôle de « protestants ».

Prenons un peu de recul. En Occident chrétien, dans les zones urbaines, les conflits entre les autorités temporelles et religieuses ont mené à l’émergence d’un droit légal-rationnel. En Iran, une telle évolution n’a pu voir le jour, probablement par manque d’institutions intermédiaires et d’un système de privilèges comme en Europe. L’Etat et le clergé ont donc cohabité en une forme de symbiose. Des premières fissures ont émergé en 1891 quand une fatwah fut prononcée par Hadj Mirza Hassan contre la culture, le transport et la consommation du tabac, à la suite de la concession du chah faite aux Britanniques sur son exploitation. Les marchands se sont unis au clergé qui y voyait une infiltration d’infidèles. Cela entacha l’image du souverain qadjar de l’époque. Cette alliance triompha finalement en 1905 par la constitution, qui n’avait pas de vocation à donner un pouvoir au peuple, mais plutôt de mettre un terme au pouvoir arbitraire du chah, s’assurer qu’il n’annule pas une ancienne loi arbitrairement. Le but du Majles était donc de garantir le maintien des traditions, ce qui était également le rôle des premiers parlements en Europe, avant que l’on passe au suffrage universel. Les derniers souverains qajdars ne gouvernaient plus. Quand Reza Khan voulut abolir la monarchie et

55 établir une république, sur le modèle turc, le clergé s’y opposa, craignant une sécularisation de la société. La conséquence fur le couronnement de Reza Khan en shah.

Les Pahlavi ont essayé de limiter le pouvoir du clergé, les bloquant selon eux, pour faire les réformes qu’ils jugeaient nécessaires pour l’avenir du pays. Ils se sont donc tournés vers le passé pré-islamique de l’Iran. Ainsi, les Pahlavi se voyaient comme les successeurs des Achaménides et des Sassanides, comme Napoléon qui se voyait de descendant de Charlemagne et non de Louis XVI. Commencé en réalité à la fin du XIXe siècle, mais dans la pratique associée aux Pahlavi. Bien que soutenu par l’intelligensia, le fondement idéologique était en soi une nouveauté et non pas une tradition. Paradoxalement, plus ils mettaient l’emphase sur ce passé préislamique, plus ils érodaient leur légitimité traditionnelle.

Semblables par bien des aspects, il serait intéressant de comparer Reza Khan et Mustafa Kemal Attatürk. La première chose à noter est la plus grande proximité de la Turquie avec l’Occident, et donc inévitablement avec ses idées. Attatürk jetta les puissances étrangères en dehors là où Reza Khan musela les compétiteurs internes. En ce sens, le nationalisme de ce dernier était donc moins légitime que celui d’Attatürk. Autre différence, Attatürk basait son autorité sur l’idéologie, Reza Khan sur un système de récompenses et de craintes, et pas de tradition. Chez Attatürk, la perte du pouvoir du clergé n’allait pas de pair avec la sécularisation, le premier évènement précéda le second, alors que chez Reza Khan, les deux allaient de pair. L’influence de Reza Khan auprès de l’intelligentsia diminua avec un pouvoir despotique ce qui empêcha aussi les efforts du Majles dans la création d’un droit rationnel légal. Il consolida aussi l’Etat iranien, mais échoua à créer un état de droit. La séparation du monarque et du clergé permit donc au second de totalement rejeter le premier. Pour finir, la bourgeoisie iranienne n’avait pas la confiance nécessaire pour être le vecteur de réformes libérales, comme elle l’a permis en Europe. Sa faiblesse a comme cause l’état semi-colonial iranien, incompatible avec sa première volonté, celle de restaurer la souveraineté nationale iranienne.

2.5.5. L’éternelle quête de souveraineté iranienne

Depuis toujours, les idées occidentales pénétraient rapidement en Iran, souvent via la Russie, mais le rôle d’Etat-tampon de l’Iran resultait également en une réticence face à ces dernières. Toutes les crises de souveraineté du 19e siècle ne se calmèrent pas le siècle suivant, que du contraire. Quand la Russie a été vaincue en 1905 par une puissance non-européenne, le Japon, cela donné un moral boost énorme au

56 nationalistes réformateurs, qui, alliés aux oulémas et au marchands et artisans du Bazar, arrachèrent une constitution à la monarchie en 1906. Internationalement en revanche, l’Iran ne gagnait pas en souveraineté et fut même officiellement partagé entre les Britanniques et les Russes en 1907. Sa neutralité fut proclamée pendant la première guerre mondiale, mais les alliés et l’empire ottoman combattirent sur son sol et l’Iran ne parvint jamais à maintenir sa neutralité. Par peur de l’influence grandissante des Bolcheviks au Moyen-Orient, les Britanniques voulurent un traité qui établirait l’Iran en protectorat, refusé finalement par le Maljes, mais donna quand même naissance au traité anglo-persan contre les Bolchéviks. La neutralité iranienne fut nouveau proclamée durant la seconde guerre mondiale, mais suite à la présence d’une aide allemande dans l’Etat iranien et par nécessité pour les alliés d’utiliser le territoire iranien, Reza Shah fut forcé d’abdiquer suite à une invasion des alliés. En 1945, une invasion soviétique résulta en l’indépendance des deux provinces de l’Azerbaïdjan et du Kurdistan, ce qui provoqua une crise identitaire en Iran. Ensuite vint l’affaire du Dr. Mossadegh et sa déposition par la CIA américaine. Toujours aujourd’hui, les iraniens voient la politique de libéralisation de Mohammad Reza Shah comme la conséquence de pressions US, ce qui n’est d’ailleurs pas entièrement faux, vu les pressions exercées par l’administration Kennedy principalement. Ainsi l’occupation de l’ambassade US était la catharsis de l’influence étrangère passée et a contribué grandement à la réussite de la révolution islamique.

Ainsi, les lignes de clivage qui ont pu donner naissance aux partis politiques en Europe ont été remplacées par le besoin de retrouver sa souveraineté. La conséquence de cela fut que la politique extérieure devint intrinsèquement liée à la politique intérieure. Paradoxalement, le fait de garder son indépendance a contribué à des pressions permanentes de différentes puissances étrangères au sein même de la politique nationale. Politiciens pro-Russes, pro- Britanniques et plus tard pro-Américains contribuèrent à cette incapacité d’avoir une politique de compromis nécessaire à un système particratique. Extrêmement polarisé : les politiciens étaient considérés soit comme des patriotes, soit des traîtres. Tout problème domestique était toujours la cause d’une influence extérieure, une position un peu facile, mais systématique.

2.5.6. Les institutions de la nouvelle république

Quand on essaye d’étudier la politique iranienne, on remarque vite que la Belgique n’a pas le monopole des structures complexes dans l’organisation de son état. En 1979, l’Imam Khomeini mit fin au règne séculaire de la monarchie iranienne. Au premier abord, cela peut sembler démocratique : tout citoyen âgé d’au moins 18 ans - hommes et femmes - peut voter

57 pour élire un président, un parlement et un surpuissant « conseil des experts ». A y regarder de plus près, on distingue aussi une série de fonctions non élues dont le rôle semble tout aussi important, si pas plus. Ces dernières disposent de certains pouvoirs tels que la décision des candidats valables pour une élection ou encore la capacité de retoquer une loi non conforme à l’islam. Ainsi, si le peuple est bien au pouvoir, on ne peut dire qu’il en a l’exclusivité.

Voyons tout d’abord les rôles élus :

- Le parlement ou Majles. La même chose s'applique aux membres du Parlement, qui compte 290 sièges (historiquement 270). Eux aussi sont libres et élus directement, mais aussi à partir d'une liste pré-approuvée de candidats par le Conseil des Gardiens. Cinq sièges sont réservés aux minorités religieuses : un pour les zoroastriens (disciples du prophète perse Zarathoustra), un pour les chrétiens assyriens et chaldéens (chrétiens du Nord et du Sud du pays), deux pour les chrétiens arméniens et un pour les juifs. Lors de notre voyage d’étude, nous avons eu la chance de rencontrer les élus de deux de ces minorités.

- Le Président. Tous les quatre ans, les Iraniens élisent un nouveau président. Aujourd’hui, c'est Hassan Rouhani. Le président dirige et nomme le gouvernement et dirige la gestion quotidienne du pays. Son pouvoir est limité par le non-élu, le Grand Ayatollah Ali Khamenei et par le tout-puissant Conseil des Gardiens. En outre, tout comme pour d'autres fonctions importantes, les candidats à la présidence doivent obtenir le feu vert du Conseil des gardiens pour exclure les éléments indésirables. Les électeurs se voient donc proposer une sélection très limitée de candidats souhaités.

- L’Assemblée des Experts. L'une des institutions les plus importantes en Iran est l’Assemblée des Experts ou Majles-e Khobregan. Les 86 membres de ce conseil sont également élus directement, mais encore une fois, sur une liste de candidats approuvés par le Conseil des gardiens. Ils ont un mandat de huit ans. En plus de la sélection par le Conseil des Gardiens (comme pour toutes les autres fonctions), des conditions supplémentaires s'appliquent aux experts : seuls les membres du clergé chiite ayant « une bourse et une vertu suffisantes » peuvent postuler. Donc ici aussi, une sorte de présélection a lieu. Ce conseil ne se réunit qu'une semaine par an, mais il a une tâche très importante : il choisit le prochain Guide Suprême quand il meurt et peut le laisser tomber si nécessaire. Le parlement n'a rien à dire à ce sujet.

58 Ensuite, les rôles non élus :

- Le Guide Suprême. La fonction de faqih (juriste) ou de rahbar (chef suprême) est la caractéristique clé du système et était clairement destinée au défunt Grand Ayatollah Khomeini. Après sa mort en 1989, son associé Ali Khamenei a été choisi comme successeur par les experts. Khamenei n'était pas encore un Grand Ayatollah et a reçu ce titre à la hâte, ce qui a suscité beaucoup d'insatisfaction parmi les autres membres du clergé chiite en Iran. En tant que faqih, Khamenei est le gardien du système en tant qu'héritage de Khomeini. Il a un grand pouvoir et définit les lignes directrices de la politique intérieure et étrangère de l'Iran, directement et indirectement. Il nomme aussi les meilleurs membres de l'armée et les puissants Gardiens de la révolution ou Pasdaran, mais aussi le pouvoir judiciaire et choisit six des douze membres du Conseil des Gardiens, l'institution la plus cruciale de la République islamique. Si vous savez que ces six autres gardiens sont identifiés par le chef de la magistrature, la boucle est bouclée. Le faqih reste en fonction à vie, mais peut théoriquement être déposé par le Conseil des experts. Cela n'est cependant jamais arrivé.

- Conseil des Gardiens de la révolution. Les douze membres que compte le Conseil des Gardiens de la révolution, ou -e negahban, sont le noyau du système politique iranien. Ils déterminent qui est apte à être candidat à la présidence ou à la députation ou au Conseil d'experts et peuvent également les suspendre. En outre, le Conseil des Gardiens peut supprimer toutes les décisions du président, du gouvernement et du parlement s'il les juge en violation avec la Constitution, la charia ou la loi islamique. Le conseil se compose de douze gardiens. Six théologiens sont nommés par le Guide Suprême et six avocats sont nommés par le chef de la magistrature. Ils déterminent donc qui se qualifie pour tous les autres postes et institutions et surtout ceux qui ne le sont pas. Dans la pratique, on peut apparenter cette institution à une cour constitutionnelle et religieuse par extension.

- Le Conseil de discernement. De son nom complet, le Conseil de discernement de l’intérêt supérieur du régime, composé de six membres religieux du Conseil des Gardiens, des chefs des pouvoirs législatif, judiciare et exécutif en la personne du Président de la République, du ministre concerné par la matière traitée et une dizaine d’autres personnalités, toutes nommées par le Guide Suprême. Cette institution a été créée plus tardivement, lors de la révision de la constitution de 1989, anticipant l’ère

59 post-Khomeini, la même qui a supprimé la nécessité pour le Guide Suprême d’être un majles. Dans la pratique, cette institution s’apparente à un Conseil d’Etat et tranche la question des compétences.

3. La république islamique d’Iran

3.1. Khomeini et la guerre Iran-Irak

C’est très peu de temps après sa prise de pouvoir et la mise en place de la République Islamique que Saddam Hussein tente d’envahir l’Iran. Cela évoluera en 8 ans de guerre qui permirent à Khomeini d’asseoir définitivement son pouvoir ainsi que de museler définitivement tous ses éventuels opposants en ordonnant des exécutions en masse. Pour les deux révolutions, toutes les couches de la société s’étaient unies. Celle de 1906 vit les libéraux triompher au détriment du clergé. La révolution de 1979 vit l’inverse se produire. Il était donc nécessaire de faire taire ses anciens alliés de révolution.

3.1.1. 8 ans de guerre

Espérant profiter de la faiblesse de l’Iran suite à la révolution, mais craignant également la propogation des idées de Khomeini en Irak, en partie chiite, Saddam Hussein envahit l’Iran le 22 septembre 1980. A cette époque, l’Irak est un puissant pays du golfe grâce à l’argent du pétrole. En dépit de la puissance de l’armée irakienne, le conflit s’enlise rapidement, notamment grâce à la bonne résistance de l’Iran, à travers ses Bassidjis, un mouvement de masse créé par Khomeini pour permettre aux jeunes de s’engager pour le régime et éventuellement de tomber en martyrs. Surfant sur un contexte de recherche active de souveraineté nationale et de nationalisme, les Bassidjis recrutent à tour de bras. Au final, la ligne de front se stabilisa vite à la frontière des deux pays en dura finalement 8 ans. Plusieurs résolutions de l’ONU exigent un cessez-le-feu, mais la première sans demander le retrait des troupes irakiennes. Après quelques années de guerre, la position de l’Iran s’était rédicalisée : eux qui ne demandaient au début que le retrait des troupes irakiennes finirent par exiger également la destitution de Saddam Hussein. C’est finalement une résolution de cessez-le-feu de l’ONU en 1988 qui mit fin au conflit, mais sans destituer Saddam Hussein. L’attitude non favorable de l’ONU pour l’Iran et le soutien international pour l’Irak permit de soutenir la politique révolutionnaire de Khomeini. Cette guerre vint à point pour lui qui put l’utiliser intelligemment pour asseoir son pouvoir définitivement et supprimer ses opposants facilement, mais les dommages économiques laisseront de lourdes traces.

60 3.2. Le décès de Khomeini

Le 3 juin 1989, quelque temps après avoir émis sa fameuse fatwah de mort contre Salman Rushdie, l’auteur des Verset Sataniques, Khomeini, malade, décède à Téhéran. L’état général de l’Iran est alors beaucoup plus affaibli que lors de sa prise de pouvoir : économiquement d’abord, mais à l’international aussi, la fameuse fatwah n’ayant pas aidé à crédibiliser le pays. Politiquement en revanche, il laisse un énorme vide tant il était devenu incontournable sur toutes les matières et contrôlait la politique iranienne au plus près.

3.2.1. L’élection de Khamenei comme Guide Suprême

L’absence de l’arbitre final signifiait une dispersion de son pouvoir parmi les différentes factions. La gauche avait le plus à perdre étant donné la politique favorable de Khomeini envers eux, surtout à la fin. Khamenei choisi le lendemain de la mort de son précécesseur. Conservateurs contents, car favorables à une économie de marché. Pas la même popularité chez les radicaux. Bien qu’ayatollah, clerc de moyen niveau, manquant de certaines qualifications, principalement celle de marja, titre qu’on lui a donné bien plus tard. Peu avant la mort de Khomeini, la contrainte d’être marja pour être guide suprême avait été enlevée de la constitution lors de révision en 1989 par Khomeini, anticipant sans doute sa disparition. En effet, le poste de Guide Suprême avait été spécialement taillé pour lui dans la constitution orginiale de 1979.

L’élection de Khamenei est en revanche un très bon compromis politique. La gauche est contente car elle avait peur d’un vieil ayatollah et ultraconservateur du hawza de Qom. Un politicien de carrière était donc mieux qu’un professeur plongé dans ses livres. Les deux droites trouvaient qu’il était le meilleur candidat. La neutralité de Khamenei est quand même mise en doute à cause de son conflit ouvert avec Mousavi, un réformateur, quand ce dernier était premier ministre et que Khamenei, alors président, critiquait d’être trop pragmatique et étatique. D’un point de vue religieux, Khamenei n’ai jamais émis beaucoup d’injonctions religieuses audacieuses : son autorisation des satellites qui ne causent pas de dommages à l’homme, en 1994, et son autorisation de transplantation d’organes de personnes mortes, en 1992, ne sont pas considérées comme particulièrement téméraires. Les quelques influences conservatrices de Khamenei telles que le maintient d’une personne controversée ultraconservatrice à la tête du Bonyad, les fonds caritatifs iraniens, sont négligées par les factions politiques progressistes, car en réalité, et contrairement à son prédécesseur, Khamenei n’avait pas de vrai pouvoir politique.

61 Le vrai leader politique était le président fraîchement élu Rafsanjani. Ce dernier était capable, à travers des commentaires très diplomatiques, de ménager l’aile ultraconservatrice et l’aile des modérés en même temps, par exemple, en déclarant que l’islam n’était pas moyenâgeux mais très actuel et que construire un monde moderne était la seule façon de le démontrer. Le fait qu’il était un proche de Khomeini a également beaucoup joué.

3.2.2. Les différentes factions politiques

Lors de la révision politique de 1989, un autre grand débat a lieu autour de la suppression du poste de premier ministre. Cette modification est proposée par les conservateurs avides d’un pouvoir fort. En revanche, la gauche cherche à transformer le président en fonction protocolaire et garder le pouvoir de supervision du Maljes sur le gouvernement et le premier ministre. Ce sont finalement les premiers qui triompheront, mais il est néanmoins utile de se plonger un peu dans le factionnalisme iranien qui prend son essor à la disparition du tou- puissant Khomeini.

On distingue ainsi plusieurs groupes :

- La droite, également appelée : modérés, pragmatiques ou conservateurs : ils sont favorables au marché libre, et adoptent une position sociale conservatrice, mais ne sont pas favorables à une politique internationale révolutionnaire

- La gauche ou les hard-liners : ils sont favorables à une politique économique radicale, une réforme du territoire et de la distribution terres et économie contrôlée par l’Etat. Ils plaident également pour plus de taxation et sont relativement libéraux socialement.

- Les réformateurs : historiquement incarnés par Rafsanjani et ses soutiens, ils sont plutôt associés au premier groupe, mais également favorables à une plus forte taxation et davantage de nationalisations.

- Un autre groupe formé par des modérés en politique internationale, mais hard-liners socio-culturellement.

- Un autre groupe formé de membres de la droite, mais en pratique ressemblant beaucoup à la gauche.

- Un groupe d’aparatchiks technocrates.

62 A ces factions relativement anciennes, on peut également leur ajouter quelques nuances plus récentes :

- On peut en effet de plus en plus distinguer deux droites se différenciant sur leur vision du type de jurisprudence et de modèle économique. La première, incarnée par la droite de Rafsanjani plaide pour une jurisprudence dynamique et une économie moderne industrielle. La seconde plaide pour une jurisprudence plus traditionnelle, une économie libre bazarie et une charia plus présente. Les deux sont d’accord sur une politique internationale pragmatique. On peut ainsi dire que la présidence Rafsanjani a scindé la droite en deux factions, on les appelle la droite moderne et la droite traditionnelle

- Une nouvelle gauche s’est formée : des jeunes idéologues se voient les réels gardiens des principes révolutionnaires et du velayat-e faqih. Ils sont farouchement anti- américains, mais pour une république islamique fortement égalitaire. Ils sont donc aussi conservateurs socio-culturellement. On les appelle plus souvent les néo- fondamentalistes.

Tous se réfèrent à un état islamique, mais cela ne veut pas du tout dire une vision monolithique sur la vision de la religion et même sur son implication dans l’état. Principalement depuis le seizième siècle, le chiisme a une grande tradition théologique et le nombre d’écrits et de visions qui s’en sont sortis sont énormes. Penseurs d’avant 1979, Khomeini, textes religieux, Coran, Sunna etc. Ainsi, plusieurs systèmes de pensée ont pu voir le jour, de par leur influence aujourd’hui et leur diversité, je vais en citer quelques-uns :

- Les deux droites basent leur modèle sur celui de Navvab Safavi (1924-1955), qui prône d’expurger la société iranienne de toute influence occidentale, et donc une position radicale contre l’alcool, le strict respect de la ségrégation des sexes, des tenues strictes pour les femmes… Safavi était également caractérisé par son attachement très fort à ses objectifs et la volonté de les défendre à travers le martyr.

- Mehdi Bazargan (1907-1995) fait ses études en France et devient plus tard le premier président de la NIOC. Il est nommé chef du gouvernement intérimaire par Khomeini en 1979 et plaide pour la modération et tolérance. Pas de coercition, les musulmans doivent suivre et vouloir suivre la charia de leur plein gré. C’est une sorte de synthèse entre la pensée islamique chiite et le libéralisme européen. Depuis la présidence

63 Khatami, il est très populaire à gauche.

- Ali Shariati (1933-1977) est fort soutenu parmi la gauche progressiste historique et est un grand partisan des idées du marxisme sans se rattacher du tout à Marx ou à l’Occident, car selon lui, le chiisme contient toutes les idées de Marx. Ce dernier n’aimait pas le clergé apolitique ou l’establishment.

- L’ayatollah Morteza Motahari (1919-1979) est présent dans les idées de la droite traditionnelle. Selon lui, la société est une entité organique dont les subdivisions sont justifiées par la volonté de Dieu. Ainsi, aucune justice égalitaire n’est nécessaire et l’Islam donne une chance égale à chacun. Il plaide pour un Etat gouverné par le clergé, seuls vrais représentants de Dieu sur terre.

La plus grande référence reste cependant la vision de Khomeini, mais qui a changé avec le temps et se contredit parfois lui-même par exemple sur le velayat-e faqih. Ainsi, les partis choisissent les passages qui leur plaisent le plus.

- Droite traditionnelle. La république est une affaire personnelle du faqih. Le leader est comme le père d’une famille qui malgré les différences des membres de sa maison s’occupe de son intérêt supérieur. Il se garde le droit d’intervenir dans la gestion quotidienne qu’il a déléguée à son fils, le Président. Ne veut pas être un parti politique. L’influence de l’état dans l’économie reprend le rôle de Dieu. La liberté maximum de chacun permet de stimuler les talents individuels de chacun et d’enlever ce poids du dos du gouvernement. Dieu est une main invisible et leurs positions énoniques sont semblables à la droite traditionnelle américaine finalement. Selon eux, les musulmans vont aider les pauvres sans le rôle de l’Etat.

- La gauche est l’inverse quasi direct de la droite traditionnelle. Ils reconnaissent la religiosité de la république islamique, mais pensent que l’Etat est tout aussi important, voire plus. Déjà un peu plus organisés comme parti, ils ont un journal quotidien, le Salam (qui donne également la parole à ceux qui ne l’ont pas selon eux, car plus les gens prennent la parole, mieux la républicanité est préservée). Ils sont loyaux au concept de velayat-e faqih. Ils sont partisans de la dernière version de la théorie de Khomeini, ou le faqih partage son pouvoir avec le peuple. Ils sont également des républicains convaincus : l’islamicité du régime émane de son aspect de volonté du peuple. L’Islam ne doit pas vivre au moyen-âge. L’Islam a la capacité de synthétiser

64 les avancées technologiques, autoriser les artistes et intellectuels… c’est ainsi que l’on préserve l’esprit de la révolution. Partisans d’une politique internationale plus révolutionnaire, on peut régulièrement les entendre scander « mort à l’Amérique ! » Ils sont en revanche très progressistes concernant les droits de la femme.

3.2.3. Rafsanjani et Khatami

Hamchemi Rafsanjani (pres. 1989-1997) est un des hommes les plus puissants et les plus riches d’Iran, il accède à la présidence juste après le décès de Khomeini. Il avait déjà été nommé président du Majles en 1980, et commandant en chef des armées iraniennes lorsqu’il imposa un cessez-le-feu avec l’Irak en 1988. Concernant la politique intérieure, il plaidait pour un marché libre et avait comme vision de transformer l’Iran en économie moderne industrielle. Il impliqua également les universités dans sa réforme de l’Iran, mais n’hésitait pas à persécuter certaines minorités ou personnes déclarées terroristes. D’un point de vue extérieur, il était favorable à une politique internationale non révolutionnaire et pragmatique, à l’instar des négociations avec les Etats-Unis qu’il était prêt à entamer concernant les armes nucléaires, sans pour autant chercher à arrêter ce programme. En revanche, il continua à mener une politique extérieure active au Liban par exemple et refusa de lever la fatwah de Khomeini contre Salman Rushdie, l’auteur des fameux Versets Sataniques.

Après lui vint son ancien ministre de la culture, Mohammad Khatami (pres. 1997-2005), considéré comme le chef de file des réformateurs. Il est un partisan de la liberté d’expression et de la tolérance. Il tâche également de relancer l’économie, mais ses réformes n’aboutissent pas car elles sont en permanence bloquées par le parlement, fortement conservateur. Il tente également de nouer des liens diplomatiques avec l’Europe et l’Asie, mais là aussi, sa volonté de se faire bien accepter à l’international est entérrinée par les Etats-Unis qui les déclarent comme faisant partie de « l’Axe du Mal » à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

3.3. Ahmaninejad et Rohani

Depuis la révolution de 1979, l'Iran a connu deux structures de pouvoirs non basés sur un système de classe : le populisme et le clientélisme. Le populisme est un pur produit de la révolution et a aidé l'ayatollah Khomeini à gouverner l'Iran pendant une décennie avec un pouvoir absolu. Le clientélisme en Iran est lié au chiisme, ainsi qu'à un État rentier, ce qui a donné naissance à la revolution, à de nombreux groupes autonomes formés sur un principe de patron-client. Ni le clientélisme, ni le

65 chiisme ne peuvent être analysés en utilisant la théorie classique d’un système de classes. Au lieu de couches horizontales de classes, les structures de pouvoir dans le chiisme et le clientélisme sont basées sur des colonnes verticales de groupes rivaux et autonomes. L'institution chiite traditionnelle de marja est entrée en conflit avec un gouvernement élu. Le gouvernement réformiste élu en 1997 a échoué à tenir ses promesses démocratiques et à mettre fin au rôle destructeur des groupes autonomes. C'est pourquoi, désenchantée par les réformes étatiques, la société iranienne semble s'orienter vers le pragmatisme et l'utilitarisme, alors que la structure du pouvoir politique penche vers le militarisme. 3.3.1. Ahmaninejad, président ultraconservateur

Mahmoud Ahmaninejad (pres. 2005-2013) est issu des Bassidjis, un mouvement de masse créé par Khomeini pour permettre aux jeunes de s’engager pour le régime et éventuellement de tomber en martyrs. Il vient d’un milieu social populaire et est un partisan du Mahdisme, secte qui croit au retour imminent du Mahdi, le dernier Imam, idée récurrente chez lui sur lauqelle il base d’ailleurs son premier discours devant l’assemblée des Nations Unies. Il représente la frange ultraconservatrice et a été élu grâce aux déçus de la politique réformiste de Khatami, mais aussi à la marginalisation de l’Iran par les Etats-Unis principalement.

Il a un bilan économique déplorable avec une forte et constante inflation. Il licencie des professeurs d’université, principalement en sciences humaines, dont l’enseignement n’est pas en ligne avec la culture islamo-iranienne. Il fait également violemment disperser des manifestations portant sur le droit des femmes, mais leur accorde au début de son mandat le droit d’assister plus librement à des compétitions sportives d’hommes. Cette mesure sera finalement annulée par le Guide Suprême Khamenei. Il déclarera également en 2007 à l’université Columbia que l’Iran ne connaît pas d’homosexuels, ce qui le marginalise aux yeux de l’étranger.

Il tente néanmoins de renouer le dialogue avec le président Bush, qui ne lui prête même pas attention. Suite à cela, l’attitude iranienne face aux Etats-Unis passe de relativement constructive à agressive. Sur la question israélienne en revanche, il n’a pas l’habitude de ménager ses mots.

Moins populaire à la fin de son premier mandat qu’au début, les progressistes se sont unifiées autour du condidat Moussavi qu’ils souhaitent voir gagner face à Ahmaninejad.

66 3.3.2. Le mouvement vert

Plus grand mouvement de protestation depuis la révolution, ce mouvement est né en 2009 à la suite de la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad. Pendant plusieurs semaines, le gouvernement réélu, mais également tout le sérail en ce compris le Guide Suprême tremblent face à cette contestation populaire. Annoncés le 20 mai 2009 par les gardiens de la révolution, chapeautés par l’ayatollah Khamenei, les candidats sont tous les quatre issus du sérail de la République Islamique : Mahmoud Ahmadinejad, président sortant ultra-conservateur, et Mohsen Rezaï, ancien commandant en chef des Pasdarans (corps armé des gardien de la révolution) pendant 16 ans, représentent le camp conservateur, là où Mehdi Karoubi, ancien président du Majles (parlement iranien), et Mir Hossein Massouvi, premier ministre sous la présidence Khamenei, arrivé sur la pointe des pieds à cette élection après une traversée du désert de plus de vingt ans, représentent le camp des réformateurs.

Lors de la campagne, Moussavi s’impose au fil des semaines en n’hésitant pas à attaquer Ahmadinejad sur son bilan économique catastrophique et son style populiste et antidémocratique. Face à cela, ce dernier en revanche fait plusieurs erreurs lors de la campagne, tel que critiquer la femme de Moussavi qui soutient les droits des femmes iraniennes, ce qui choque les Iraniens. Les instituts de sondage commencent à donner Moussavi vainqueur grâce au soutient de la classe moyenne, des jeunes et des femmes - autant de gens qui avaient majoritairement boudé les dernières élections. Son concurrent quant à lui ayant principalement les classes populaires et les conservateurs derrière lui.

Le jour du premier tour des élections, le 12 juin, tous les bureaux de vote affichent complet et sa logistique vient à montrer ses failles. À la suite de cela, le ministre de l’Intérieur annonce qu’il recule l’heure de fermeture des bureaux de vote, mais déjà des malaises se font ressentir : les personnes chargées de surveiller le bon déroulement des élections dans les bureaux de vote font toutes parties d’institutions partisanes d’Ahmadinejad, principalement des Bassidjis. L’annonce des premiers résultats tourne à la cacophonie : le camp Moussavi apprend qu’il est en tête, ce que s’empresse de démentir le camp Ahmadinejad. Une demi-heure après la fermeture des derniers bureaux de vote, l’agence officielle du régime annonce les mêmes résultats que ceux brandis par le camp Ahmadinejad : 63% pour Ahmadinejad et 34% pour Moussavi. Des attroupements commencent à se former un peu partout dans Téhéran dénonçant la fraude électorale car selon eux, la forte participation, rapidement établie à 85% (vs 60% aux élections précédentes) devait nécessairement favoriser les réformateurs et

67 Moussavi et encore moins justifier un tel écart. Ce dernier convoque une conférence de presse où il conteste le résultat des élections et invite à la protestation pacifique. Les attroupements grossissent et la répression se met en marche ainsi que les premiers affrontements et les premières arrestations. Le lendemain à midi (13 juin), les résultats officiels sont annoncés et confirment la victoire d’Ahmadinejad. Khamenei s’empresse de féliciter le vainqueur mais aussi la démocratie islamique contre ses ennemis malveillants. Cet empressement en choque plus d’un y compris au sein du régime, le guide outrepasse sa fonction d’arbitre. Les manifestations reprennent.

Derrière cela se cache une lutte interne, où Khamenei veut réaffirmer son pouvoir, dont il perd la légitimité progressivement depuis son accession au pouvoir. Alors, depuis quatre ans, il tente d’augmenter les pouvoirs des Gardiens de la Révolution et vise une faction spécifique du pouvoir iranien : celle de l’ancien président Rafsanjani encore très puissant, à ce moment- là président de l’assemblée des experts. Cette élection montre au grand jour la volonté du régime d’imposer sa volonté et non celle de la majorité du peuple. Le seul problème, c’est que personne n’avait prévu la réaction de ce dernier.

Les manifestations continuent et s’intensifient le 14 juin. La nuit, les Bassidjis attaquent les dortoirs des campus universitaires pour mater la rébellion à la source, les étudiants composant la majorité du mouvement. Au moins 13 étudiants sont tués cette nuit-là. Les autres candidats à la présidentielle, Karoubi et Rezaï, ainsi que l’ancien président Khatami se joignent au mouvement, dorénavant appelé mouvement vert, en référence aux couleurs de la campagne de Moussavi. Au milieu des manifestations, une voiture fraye son chemin quand un homme en sort : c’est Moussavi qui se joint pour la première fois aux manifestants et annonce qu’il fait ses ablutions pour se préparer au martyr. Les manifestations s’intensifient et les premières personnes tombent sous les balles tirées par le régime. A défaut de calmer la population, cela la motive encore plus. Le 15 juin, le mouvement vert compte ses premiers martyrs, mais il s’est trouvé un leader.

Les manifestations dureront plusieurs mois et feront des centaines de morts. D’autres se font arrêter et progressivement, leurs conditions de détention parviennent aux oreilles des manifestants : torture et viol des détenus en font partie. Le gouvernement ne trouve rien de mieux que d’expliquer que les manifestations sont le fruit d’une politique de déstabillisation menée par l’Occident. Jamais comme avant, le régime ne se sera senti aussi fragile. Ils en viennent à sortir tout leur attirail de répression : en plus des Bassidjis, les Pasdarans viennent

68 mater les manifestations, du jamais vu. Au bout de plusieurs mois, les manifestants sont à bout et les attroupements se font de plus en plus minces. Moussavi est envoyé en résidence surveillée. Les derniers se radicalisent et ne manifestent plus contre l’élection d’Ahmadinejad, mais directement pour le départ de Khamenei. Quelques réminiscences viendront brièvement relancer le mouvement en 2011, inspirés par le printemps arabe. Les opposants au régime ont senti que ce dernier était trop fort, manifester contre lui ne servait à rien, mais le mouvement a laissé des traces… En Occident, on ne s’intéresse déjà plus depuis très longtemps au mouvement vert : douze jours après les premières manifestations, une chose tellement plus importante s’était passée pour occuper tous les médias, la mort de Michael Jackson.

3.3.3. L’influence politique de l’économie

Pour un pays qui garde les traces d’une révolution récente dans son histoire, il apparaît que les Iraniens sont davantage préoccupés par la répartition des richesses que par la croissance économique. Une large majorité est insatisfaite avec le secteur public et serait donc prête à accorder une plus grande liberté à son économie de marché. Ainsi, plus la tendance populaire de l’intérêt pour la politique se maintient, plus l’attitude de l’électeur sera un facteur déterminant dans la définition des futures limites de la libéralisation de son marché. Les réformes pragmatiques et libérales du gouvernement de droite du président Rafsanjani entre 1989 et 1997 ainsi que les mesures pragmatiques du gouvernement de gauche du président Khatami témoignent de la popularité de ces mesures. Cette ouverture de marché est en revanche à relativiser au vu de la plus importante source de revenu du pays, le pétrole et le gaz, qui reste entièrement le monopole de l’Etat et suit le modèle d’une économie planifiée.

Quand bien même, la très grande majorité de l’économie libéralisée se trouve entre les mains des conservateurs. Dans un pays relativement corrompu comme l’Iran, l’argent et le pouvoir vont souvent de pair. De plus, ces derniers ont un rapport compliqué face à la mondialisation, certains tirant énormément de profit grâce aux sanctions internationales, d’autres cherchent à les lever pour développer leur industrie à l’international. Au cœur de cette classe économique se trouve les bazaris, très proches du clergé, dont certains ont réellement développé de très grosses activités économiques. Ainsi, même si les volontés de changement dans la société iranienne sont principalement économiques, elles ne peuvent pas être scindées des questions de sécularisation, d’ouverture et de liberté qui lui sont donc intrinsèquement liées, car c’est le même groupe qui s’oppose aux deux.

69 3.3.4. Rohani et la révolution douce

Après les années conservatrices d’Ahmaninejad, c’est à nouveau au tour d’un progressiste de devenir Président. Rohani a le soutient de Moussavi, de Khatami, mais également du tout- puissant Rafsanjani. Son premier mandat, et le début de son second sont marqués par ce qu’on pourrait appeler la révolution douce. D’un côté, la contestation sociale se faisant de plus en plus ressentir sans éclater au grand jour. Elle a pour base les déçus économiques et opposés à la corruption omniprésente ainsi que les libéraux sur le plan socio-économique de plus en plus influencés par les médias contemporains. De l’autre côté les conservateurs tiennent le pouvoir d’une main de fer et n’autorisent pas de contestation. Tout le monde est conscient que le status quo ne pourra durer éternellement et que les choses doivent changer progressivement. Mais pour que les conservateurs gardent le pouvoir et pour éviter toute révolution, les réformes se font très lentement, en tâchant de garder tout le monde à bord. De là le nom de révolution douce.

Comme exemple, analysons un aspect politique qui fascine l’Occident, celui du port du voile.

Depuis janvier en Iran, on peut assister à un récent mouvement, mais pas nouveau dans son genre. Une femme tous les deux jours en moyenne se fait arrêter pour avoir enlevé son voile en public et l’avoir brandi en haut d’une perche. Chacune reçoit un mois de détention environ (de dix jours à deux mois, avec amendes plus précisément). Ce phénomène reste relativement limité, mais est fortement relayé sur les médias sociaux (My Stealthy Freedom par exemple). C’est le courage incroyable de ces femmes qui impressionne. Pour l’instant, ces actions sont contrôlables par le pouvoir, car le gouvernement a d’autres chats à fouetter et aucun intérêt à se fâcher avec le clergé. En réalité, cette obligation vestimentaire n’est jamais vraiment rentrée dans les mœurs et paradoxalement, c’est un sujet majeur pour la jeune génération, née sous le régime en quête d’une ouverture de la société iranienne sur le monde, grâce aux réseaux sociaux, et en quête de nouveaux modes de vie dont elle veut s’inspirer. On assiste ainsi à une sorte d’hypocrisie de la part de la police des moeurs. Les Iraniennes sont toujours discriminées par la loi par rapport aux Iraniens, dans le Code civil, pénal et même dans la Constitution. Le problème n’est pas culturel, mais politique : l’homme iranien n’est pas plus macho que l’homme belge, même moins conservateur sur certains aspects. Il faut donc des actions collectives, or ici, cela reste quelques actions individuelles.

Le 28 décembre 2017, une annonce a surpris. Dans la capitale, le port du voile n’est plus poursuivi, du moins pas si l’on ne récidive

70 pas. Ceux qui ne respectent pas le code vestimentaire ne seront plus emmenés en détention ni devront payer des amendes, mais plutôt suivre des cours sur l’Islam donnés par la police. De plus, une diplomate officielle britannique, Karen Pierce, n’a pour la première fois pas porté le foulard, bien que ça lui ait été conseillé. Les médias iraniens ont toutefois qualifié cette action d’inappropriée. Les hommes non plus ne sont pas épargnés par la politique vestimentaire : les shorts ou le torse nu est interdit en Iran. Lorsqu’une entrave est constatée, ils sont le plus souvent emmenés dans une fourgonnette de la police pour se rhabiller.

Au Majles aussi les choses bougent : les femmes sont passées de 9 conservatrices en 2016 à 17 dont 15 réformatrices fin 2017, ce qui est plus que les clercs, qui sont 16. Elles ont ainsi la possibilité de déposer des projets de loi. Il faut toutefois rappeler qu’en Iran, la gente féminine représente 50,4% de la population. Sur les médias sociaux aussi, les choses bougent comme le hashtag instagram #Kartmelichallenge qui compare le vrai visage, sans voile, des femmes iraniennes à leur photo d’identité, conforme à la politique des mœurs. Malgré les avancées, d’autres points plus négatifs sont à constater comme la réduction du nombre de femmes dans la fonction publique sous Rohani, les fameux quotas anti-femme ou encore un loi vestimentaire durcie dans la fonction publique, décrétant une robe officielle décidée par le régime. Parallèlement, la première ambassadrice, auprès de la Malaisie, donne une illusion de progrès.

Au-delà de se promener les cheveux au vent, d’autres actes du quotidien sont réprimés : promener son chien, faire une bataille d’eau (« caractère sexuel et politique »), s’embrasser sur la joue (même Ahmaninejad en a pris pour son grade, après l’étreinte avec la veuve d’Hugo Chavez à la suite du décès de son mari), les avis politiques en ligne, y compris dans un chat. WhatsApp est interdit car Zuckerberg serait un « sioniste américain », mais Instagram, également possédé par Facebook, est toléré.

En d’autres termes, les choses bougent, lentement mais sûrement, qui va piano va sano.

71

72 4. Conclusion

Je fais partie de ceux qui sont d’avis que la politique contemporaine, bien que très singulière dans l’histoire de l’Iran, ne peut être détachée de son passé, car il en est ses racines et sa culture, mais au-delà de ça, elle y puise sa raison d’être. Connaître le passé est l’étape principale pour comprendre le présent. Ainsi, en regardant de plus près ce qui précéda la République Islamique d’Iran, on peut y observer ses racines. La particularité iranienne est sans doute marquée par son contexte international particulier et sa relation particulière avec la religion qui a été taillée pour elle. S’il est une chose vraie, c’est que l’Iran est profondément riche culturellement et historiquement et ce n’est sûrement pas demain que cela va s’arrêter.

73 5. Bibliographie

Ouvrages cités

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H. E. Chehabi, « Iranian Politics and Religious Modernism: the liberation movement of Iran under the Shah and Khomeini », Londres, I. B. Tauris & Co Ltd, 1990, 342 p.

S. Cronin, « Tribal politics in Iran: Rural conflicts and the new state, 1921-1941 », New York, Routledge, 2007, 272 p.

M-R. Djalili et T. Kellner, « Histoire de l’Iran contemporain », La découverte, 2017, 128 p. A. Gheissari, « Contemporary Iran: Economy, Society, Politics », Oxford, Oxford University Press, 2009, 400 p.

D. Hiro, « Iran under the Ayatollahs (Routledge Revivals) », New York, Routledge, 2013, 462 p.

P. Jean, « Islam chiite, culture religieuse et expression politique : le cas de l’Irak post- Saddam Hussein », Montréal, Université du Québec à Montréal, 2007, 191 p.

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R. Takeyh, « Guardians of the revolution: Iran and the world in the age of the Ayatollahs », Oxford, Oxford University Press, 2009, 328 p.

Site web

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J. De Greef, Hoe wordt de Islamitische Republiek Iran geregeerd?, https://www.vrt.be/vrtnws/nl/2018/01/02/hoe-wordt-de-islamitische-republiek-iran-geregeerd- -/.

74 V. Doix, Le facteur chiite dans la politique étrangère de l’Iran, https://www.diploweb.com/Le-facteur-chiite-dans-la-politique-etrangere-de-l-Iran.html.

T. Pignon, L’Iran des Safavides : la naissance d’un Etat chiite (XVIE-XVIIIE siècles), https://www.lesclesdumoyenorient.com/L-Iran-des-Safavides-la-naissance-d-un-Etat-chiite- XVIe-XVIIIe-siecles.html.

X, The Composition of the Tenth Majles and the Geography of Political Bases in Iran, https://www.nabz-iran.com/en/content/resource-english/composition-tenth-majles-and- geography-political-bases-iran.

Podcasts

F. Drouelle, « 2009, le mouvement vert en Iran. Le printemps déchu », dans : Affaires Sensibles, Interfrance, https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires- sensibles-17-janvier-2018.

C. Ockrent, « Iran : théocratie et géopolitique », dans : Affaires étrangères, Culture France, https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-etrangeres/iran-theocratie-et-geopolitique.

A. Van Reeth, « Les lumières persanes », dans : Les chemins de la philosophie, Culture France, https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/- diran-14-les-lumieres-persanes.

A. Van Reeth, « Quand la religion reprend le pouvoir », dans : Les chemins de la philosophie, Culture France, https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la- philosophie/philosophies-diran-34-quand-la-religion-reprend-le-pouvoir.

75 76 De la structure institutionnelle de la République islamique d’Iran

Adam Tricha

77 78 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 79

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 80

2. LE GUIDE SUPRÊME (RAHBAR) ...... 81

3. LE PRÉSIDENT...... 82

4. L’ASSEMBLÉE DES EXPERTS ...... 83

5. LE CONSEIL DES GARDIENS DE LA CONSTITUTION...... 84

5.1. COMPOSITION ...... 84

5.2. ORIGINE...... 84

5.3. RÔLE LÉGISLATIF...... 84

5.4. RÔLE JUDICIAIRE ...... 85

5.5. AUTORITÉ ÉLECTORALE...... 85

5.6. CRITIQUES ...... 85

6. LE PARLEMENT ...... 86

6.1. COMPOSITION ...... 86

6.2. ORIGINE...... 86

6.3. RÔLE...... 86

7. LE CONSEIL DE DISCERNEMENT DE L’INTÉRÊT SUPÉRIEUR DU RÉGIME ...... 87

7.1. ORIGINE...... 87

7.2. RÔLE...... 87

7.3. COMPOSITION ...... 87

8. CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ...... 88

9. GOUVERNEMENT ...... 89

10. ILLUSTRATION ...... 89

11. CONCLUSION FR / CONCLUSIE NL / CONCLUSION GB ...... 90

12. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 91

79 1. Introduction / Inleiding

La République Islamique d’Iran est fondée sur le principe du velayat-e faqih, soit la tutelle du docteur de la loi religieuse. A ce titre, c’est le Guide Suprême (Rahbar) qui dirige le pays. Cependant, pouvoir est diffus et la structure institutionnelle particulièrement importante en ce qu’elle révèle de la dispersion de ce pouvoir qui permet un équilibre très fragile dans un pays peu à l’abri de toute tentative de révolution.

Sur la question de cet équilibre institutionnel, nous avons bénéficié d’un seul exposé par le directeur de l’école des relations internationales qui nous a brièvement informé de ‘Who Holds the Power in Iran ‘. C’est d’ailleurs à ce titre que j’ai décidé d’approfondir ce sujet qui m’a fasciné dans un pays où le changement semble impossible et le décalage entre le conservatisme régnant au sein du gouvernement, et du pouvoir politique en général, et le progressisme des jeunes iraniens - pas si en conflit avec l’Oncle Sam que ça- marque le déchirement auquel l’Iran a encore fait face récemment.

Cette absence de localisation permanente et exacte du pouvoir empêche et décourage toute volonté de changement par n’importe quel acteur apolitique. La théorie de la séparation des pouvoirs est poussée à l’extrême et est tout à fait antagoniste avec son objectif premier qui ne permet non plus la démocratie mais l’empêche par un immobilisme constant dont les premières victimes sont ceux souhaitant participer à tout processus démocratique. C’est donc le libéralisme prôné par John Stuart Mill dans son ouvrage « DE LA LIBERTE » qui est mis en porte à faux. La parole contraire [à celle du gouvernement] est faite impossible, cette dernière étant érigée en parole de Dieu, ceci étant ‘quod non exact ‘car la parole du guide suprême fait office de jurisprudence.

80 2. Le Guide Suprême (Rahbar)

Le Guide Suprême est responsable de l’exécutif dont le chef est le Président de la République, chef du gouvernement, qui lui-même dispose d’un cabinet composé de 20 ministres.

Le Guide Suprême, Ali KHAMENEI, est élu par l’Assemblée des Experts (Majles-e Khobregān) à vie, Assemblée elle-même élue par le Corps Électoral, soit près de 55 millions de citoyennes22 et de citoyens âgés d’au moins 18 ans.

Le Guide Suprême a été désigné/élu en juin 1989. Le mot auquel il est fait référence est souvent celui de « désigné », l’Assemblée des experts étant en réalité très peu sollicitée. Depuis sa création par la Constitution de 1979, elle a été sollicitée à 5 reprises : décembre 1982, 1990, 1998, 2006 et 2016. Cette même assemblée est d’ailleurs établie à Qom, soit la première ville religieuse après Mashhad.

Le pouvoir du suprême leader est relativement conséquent. Ce dernier nomme notamment le chef du pouvoir judiciaire23, les membres du clergé du puissant Conseil des Gardiens, les commandants des armées, les chefs des prières du vendredi et les dirigeants des sociétés radio et télé. Il est également responsable de confirmer l’élection du Président. Président avec lequel, comme nous le verrons, les tensions ne sont pas nulles, voir même importante. En effet, selon la BBC, les tensions entre les bureaux du leader et ceux du Président sont nombreuses et reflètent des tensions de plus en plus profondes entre les religieux et les aspirations démocratiques des constituants qui ont élu le Président24.

22 Depuis 1976 23 Qui lui-même nomme les juristes composant une partie du Conseil des Gardiens 24http://news.bbc.co.uk/hi/english/static/in_depth/middle_east/2000/iran_elections/iran_struggle_for_change/wh o_holds_power/parliament.stm

81 3. Le Président

Le Président est lui élu pour 4 ans et peut servir 2 mandats au maximum. Il est le chef de la branche exécutive25 – et non pas chef de l’Etat - et sa principale mission se résume surtout à veiller au respect de la constitution, un point très souvent rappelé par Mohammad Khatami lors de son mandat Présidentiel entre 1997 et 2005. En pratique cependant les pouvoirs présidentiels et les aspirations potentiellement démocratiques sont délimitées fortement par les clercs et autres acteurs constituant la frange conservatrice de l’Iran, ainsi que par l’autorité du leader Suprême.

Le Président est la personne démocratiquement élue la plus puissante, mais dont le pouvoir révèle sa fragilité en ce que le Leader Suprême peut remercier le Président selon son bon vouloir. De plus, la Figure du Premier Ministre iranien, bien que portant le nom de Premier Ministre, est loin de bénéficier d’une autorité similaire à ce que ce type de position pourrait appeler. En effet, ce dernier ne nomme par exemple pas son Ministre de la Défense, des Affaires Étrangères, et du Renseignement26, par exemple. Cette dernière nomination étant réservée au Suprême Leader. Aussi, bien que le Président nomme les ministres, sujet à approbation par le Parlement, le Leader Suprême peut à tout moment renvoyer ou réinstaller un ministre, et ce peu importe l’avis du Président ou du Parlement.

Ses pouvoirs et responsabilités sont donc fort limitées, et comme décrit ci-dessus, restent très souvent possible uniquement après approbation du Leader Suprême.

25 Pour être tout à fait exact, ce dernier est second en commandement de la branche exécutive du gouvernement, premier étant le Leader Suprême. 26 Ainsi que le Ministre de la Science, mais pas seulement.

82 4. L’Assemblée des Experts

L’Assemblée des Experts est comparable au Collège des Cardinaux élisant le Pape – ici le Suprême Leader. Composé de 88 juristes depuis 2016, elle est directement élue par le corps électoral tous les 8 ans.

Les fonctions de cette assemblée, en plus d’élire le Suprême Leader, se résument à le « surveiller » et même à éventuellement le démettre de ses fonctions. Ils se rencontrent 2 fois par an pour « examiner » les performances du Suprême Leader. L’Assemblée a fortement été critiquée pour être particulièrement servile au Leader Suprême et pour ne pas réaliser son devoir.

Cette même assemblée d’Experts possèdent d’autres fonctions qui permettent d’illustrer parfaitement en quoi cette impression de répartition de pouvoir équilibré est en réalité tout sauf démocratique. En effet, d’abord, toute candidature au Conseil des Experts doit être examinée par le Conseil des Gardiens, et tout élu doit être validé par le Guide Suprême. Cette nécessaire approbation empêche évidemment tout contrôle du Guide Suprême, car il suffit à ce dernier de se débarrasser de tout membre dissident pour assurer son autorité. En ce sens, nous pouvons affirmer que le Guide Suprême ne dirige pas, mais règne. Et que le rôle de l’Assemblé des Experts reste particulièrement limité.

83 5. Le Conseil des gardiens de la constitution

5.1. Composition

Cette institution est composée de douze membres : six religieux, six juristes. Ces derniers disposent d'un pouvoir collégial extrêmement important, les religieux plus que les juristes. Nommé pour 6 ans, la composition est renouvelée tous les 3 ans. Les 6 clercs sont directement nommés par le Guide Suprême, clercs qui peuvent également être démis selon son bon vouloir. Quant aux juristes, ces derniers sont choisis par le chef du pouvoir judiciaire, qui doivent eux être approuvés par les « Majis ». Les membres actuels relèvent tous de la frange conservatrice de l’opinion iranienne.

Outre qu'elle peut interpréter la constitution (rôle judiciaire) et s'opposer à des projets de loi approuvés par le Parlement (rôle législatif), elle se prononce sur les candidats à la présidentielle, aux législatives et à l'Assemblée des experts (autorité électoral). Agissant de la sorte, elle contrôle et verrouille tout le système juridique en assurant une interprétation particulièrement conservatrice de la loi.

5.2. Origine

Le Conseil des Gardiens est l’ancien Sénat retrouvé avant la révolution iranienne de 1979. Ce qui de facto permet d’affirmer que la structure iranienne reste bicamérale.

5.3. Rôle législatif

Son rôle législatif permet de comprendre pourquoi le « Majis » - le Parlement - est une Assemblée Consultative et non pas un Parlement au sens d’organe législatif indépendant tel qu’établie par Montesquieu. En effet, les « Majis », soit les membres du Parlement, ne peuvent adopter une loi qu’après l’avoir faite révisée et approuvée par le Conseil des Gardiens. Selon l’article 96 de la Constitution, le Conseil des Gardians dispose d’un veto sans aucune restriction sur tout projet adopté par les Majilis. Ce veto doit cependant trouver sa source dans deux motifs, non spécifiquement cumulatif, pour agir de la sorte. Le projet doit soit aller en sens contraire de la loi islamique, soit être contre la Constitution. Cette distinction est importante car, alors que tous les membres votent sur les lois compatibles avec la Constitution, seuls 6 clercs votent sur celles en relation avec une possible comptabilité islamique.

Dans une mécanique similaire mais moins égalitaire que la procédure législative ordinaire

84 retrouvée au niveau de l’Union Européenne (article 289 et suivants TFEU), la loi rejetée est transmise aux Majilis pour « correction ». Comprendre : mise en conformité. Et c’est là qu’intervient le Conseil de « discernement de l’intérêt supérieur du Régime ». En ce sens, elle intervient comme un second législateur, déforçant le régime unicaméral iranien.

5.4. Rôle judiciaire

En plus de sa fonction préventive, elle joue également un rôle majeur dans l’interprétation de la Constitution. De telles décisions interprétatives nécessitent une majorité de trois quarts.

5.5. Autorité électorale

Depuis 1991, tous les candidats aux élections présidentielles ou législatives, ainsi que les candidats pour l’Assemblée des Experts, doivent faire approuver leur candidature par le Conseil des Gardiens avant de concourir à toute élection. Pour les élections les plus importantes, ceci permet de disqualifier la très grande majorité des candidats. Par exemple, en 2009, 476 hommes et femmes demandèrent à être approuvés comme candidat Présidentiel par le Conseil, mais seulement 4 furent admis à concourir. Lors du concours à l’élection de l’Assemblée des Experts de 2006, toutes les candidates femmes ont été disqualifiées. Plus récemment, lors des élections législatives de 2016, Le conseil des gardiens n'a par exemple validé que la moitié des 12.000 candidatures. Cette autorité électorale est rendue possible par l’article 99 de la Constitution, interprété de manière très large par le Conseil. Cette interprétation est cependant controversée en Iran.

5.6. Critiques

Les critiques faites au Conseil sont de divers ordres mais découlent tous de son jugement arbitraire et de son favoritisme pour les candidats provenant de l’armée aux dépends des candidats plus réformateurs. Ceci permet notamment d’assurer que l’idéologie de l’Armée des Gardiens de la Révolution Islamique – un corps différent de celui de l’armée – détienne une influence dominante sur la vie politique, économique et culturelle en Iran. Le cas le plus connu est celui du frère cadet du Guide Suprême, Hadi KHAMENEI, réformiste célèbre dans le paysage iranien.

85 6. Le Parlement

6.1. Composition

Les 290 membres du Parlement, ou Majlis, sont élus au suffrage universel direct pour quatre ans. Depuis 1963, les femmes peuvent voter et être élues.

6.2. Origine

Instituée par la Constitution Iranienne de 1906 et réunie pour la première fois le 7 octobre 1906.

6.3. Rôle

Puisque toute loi doit être approuvée par le Conseil des Gardiens, le rôle de cette Assemblée Consultative est limité. Limitée, d’abord parce qu’elle ne peut que tenter de légiférer dans les limites de ce qui est prévu par la Constitution, à l’article 71 et suivants.

Il approuve notamment la nomination des ministres et peut renverser l'exécutif. Cinq sièges y sont réservés pour les minorités confessionnelles reconnues par le régime : zoroastriens, juifs et chrétiens. Nous avons pu rencontrer ces minorités dans le cadre de la session d’étude.

86 7. Le Conseil de discernement de l’intérêt supérieur du Régime

7.1. Origine

Crée plus tardivement que les autres institutions du régime à l’occasion d’une réforme de la Constitution le 6 février 1988 et inscrit à l’article 112 de cette même Constitution, le conseil de discernement a un rôle qui peut également s'apparenter à celui du Conseil constitutionnel en France ou de la Cour Constitutionnelle en Belgique. En ce sens, son rôle recoupe celui du Conseil des Gardiens de la Constitution.

7.2. Rôle

A l’origine établi pour trancher les litiges entre le Parlement et le Conseil des gardiens, dont les pouvoirs se chevauchent, cette institution fait office aujourd’hui de Conseil du Guide. A ce titre, le Guide Suprême aurait même délégué une partie de sa propre autorité à ce Conseil en lui accordant un rôle de superviseur sur toutes les branches du gouvernement à la suite de l’élection du Président Mahmoud Ahmadinejad en 2005. En ce sens, toute politique étrangère ou interne sont mises en place uniquement après consultation du Conseil, comme le précise l’article 110 de la Constitution. Mais le dernier mot revient toujours au Suprême Leader.

7.3. Composition

Le Conseil de discernement se composait de 13 membres à l’origine, et incluait 6 membres du Clergé et 6 représentants de l’Etat, ainsi que le membre du Parlement qui a vu sa législation contestée. Le Conseil est présidé par un Président nommé tous les 5 ans, qui préside aujourd’hui une assemblée non plus de 13 mais bien de 34 membres dont 25 ont été nommés pour 5 ans.

Composé majoritairement de Conservateurs, ses décisions reflètent presque en permanence l’avis du Conseil des Guardians, mais aussi et surtout du Suprême Leader. Il perd donc de facto son rôle de médiateur entre les Majilis et le Conseil des Gardiens.

87 8. Conseil supérieur de la sécurité nationale

Conformément à l’article 176 de la Constitution de la République Islamique d’Iran, le Conseil supérieur de la sécurité nationale est présidé par le Président du Pays. Ce dernier est responsable de sélectionner le Secrétaire du Conseil. Les décisions prises par ce même Conseil sont effectives seulement après avoir reçu approbation du Leader Suprême.

Ce Conseil étant notamment responsable de la politique nucléaire, il joue un rôle déterminant en matière de politique étrangère.

Ce même Conseil est composé notamment de/du : o Président, o Speaker du Parlement, o Le « Chief Justice » o Du Secrétaire du Conseil o Du Chef de l’Armée o Du Chef du « General Staff » o Du Chef de l’armée des Gardiens de la Révolution o Du Ministre des Affaires Étrangères o Du Ministre de l’Intérieur o Du Ministre du Renseignement

88 9. Gouvernement

Le Gouvernement iranien existe sous ce nom depuis l’après-Révolution. Anciennement dirigé par le Président et le Premier Ministre, il n’est aujourd’hui que sous le leadership du Président, le poste de Premier Ministre n’ayant duré que 10 ans (1979-1989).

10. Illustration

89 11. Conclusion FR / Conclusie NL / Conclusion GB

L’étude de la structure institutionnelle iranienne est primordiale pour comprendre les enjeux auxquelles l’Iran fait face aujourd’hui. Tiraillée entre d’une part par une doctrine progressiste de plus en plus importante et une doctrine conservatrice verouillant toute possibilité de changement (trop) brutal, l’Iran avance et recule dans un système où l’autorité est de mise. Il serait dangereux de transposer des réflexes européens à un système où l’autorité se trouve à la fois partout et nulle part. Pourtant, localiser ce pouvoir est nécessaire à toute compréhension des défis iraniens, de plus en plus nombreux et importants. L’équilibre est présent, mais fragile. Il convient de rester attentif à ce qu’une telle puissance ne soit pas bouleversée par de potentiels « acteurs extérieurs ».

The study of the Iranian institutional structure is essential to understand the issues facing Iran today. Torn between a progressive doctrine of increasing importance and a conservative doctrine that allows for any (great) brutal change, Iran moves forward and backwards in a system where authority is needed. It would be dangerous to transpose European reflexes to a system where authority is everywhere and nowhere. Yet, locating this power is necessary for any understanding of the Iranian challenges, more and more numerous and important. Balance is present, but fragile. It should be kept in mind that such a power is not disrupted by potential "external/foreign actors".

De studie van de Iraanse institutionele structuur is essentieel om de problemen te begrijpen waarmee Iran vandaag geconfronteerd wordt. Verscheurd tussen een progressieve doctrine van toenemend belang en een conservatieve doctrine die elke (te) brute verandering mogelijk maakt, gaat Iran vooruit en achteruit in een systeem waar gezag nodig is. Het zou gevaarlijk zijn om Europese reflexen om te zetten in een systeem waar autoriteit overal en nergens is. Toch is het vinden van deze kracht noodzakelijk voor elk begrip van de Iraanse uitdagingen, steeds talrijker en belangrijker. Evenwicht is aanwezig, maar fragiel. Er moet rekening mee worden gehouden dat een dergelijke bevoegdheid niet wordt verstoord door potentiële "externe actoren".

90 12. Bibliographie / Bibliografie

Disclaimer: Ce travail ne possède pas de bibliographie car il est déstiné à usage interne UNIQUEMENT et se base sur des sources difficiellement identifiables où des informations obtenues lors de discussions, conférences dont le/les auteur(s) sont des professeurs entendus dans le cadre de la session d’étude. Les sources sur le sujet sont nombreuses, il a donc parfois pu passer par internet. Il a cependant été veillé à la meilleure exactitude des informations.

91 92 Identités iraniennes

Marie Umbach

93 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 94

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 95

2. LA MAJORITÉ ...... 97

2.1. LES PERSANS ...... 97

2.2. L’ISLAM CHIITE...... 98

2.3. L’INTERSECTION...... 100

3. LES PRINCIPALES MINORITÉS DU POINT DE VUE ETHNIQUE ...... 102

3.1. LES AZÉRIS...... 102

3.2. LES KURDES ...... 103

3.3. LES BALOUTCHES...... 104

3.4. LES LORS...... 105

3.5. LES TURKMÈNES ...... 106

3.6. LES ARABES ...... 106

3.7. LES CASPIENS...... 108

3.8. LES ARMÉNIENS ...... 108

4. LES PRINCIPALES MINORITÉS DU POINT DE VUE RELIGIEUX...... 111

4.1. LES MUSULMANS SUNNITES...... 111

4.2. LES JUIFS ...... 112

4.3. LES CHRÉTIENS ...... 112

4.4. LES ZOROASTRIENS ...... 113

4.5. LES BAHAIS ...... 113

5. CONCLUSION ...... 115

6. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 116

94 1. Introduction / Inleiding

A l'heure où ce rapport est rédigé, l'Iran peut s'enorgueillir d'une population de plus de 80 millions de personnes qui vivent ensemble sur un territoire de 1 648 195 km². Mais quel est le secret de ce pays qui fait figure de relatif havre de stabilité politique dans une région bousculée et désorientée par les conflits? Dans tous les cas, certainement pas le fait d'être la patrie d'un peuple unifié et homogène. La nation iranienne connait au contraire en son sein une riche diversité ethnique, linguistique, culturelle, et même dans une moindre mesure religieuse.

Selon certains auteurs, l'Iran est le pays du Moyen-Orient et d'Asie centrale où la diversité ethnique et linguistique est la plus grande, avec plusieurs dizaines de groupes différents : les Persans, le groupe le plus important, représentent seulement 50 à 60% de la population iranienne ; mais les groupes ethno-linguistiques iraniens, tels que les Persans, mais aussi les Kurdes, les Baloutches, les Lors et les Caspiens représentent au total 70 à 80% de la population. Coexistent avec ceux-ci des groupes ethno-linguistiques turcs, comme les Azéris et les Turkmènes, qui représentent au total 15 à 25% de la population, des groupes sémites, comme les Juifs, les Arabes et les Assyriens, et des groupes caucasiens, comme les Arméniens.

Au niveau religieux, l'homogénéité de la population est nettement supérieure, en tout cas selon les statistiques officielles. La Constitution irannienne établit que l'islam chiite est la religion officielle de la République Islamique d'Iran. Par conséquent, près de 90% de la population est chiite. Toutefois, l'Etat reconnait et accorde des droits à certaines minorités religieuses, comme les chrétiens, les juifs et les zoroastriens ; les bahais, en revanche, ne sont pas reconnus et sont réprimés. Ensemble, ces minorités ne représentent qu'1% de la population. L'Iran compte également 10% de musulmans sunnites, qui bien qu'ils soient musulmans, sont tout de même discriminés en raison de leur appartenance religieuse.

Ce rapport a pour but de présenter la diversité de la population iranienne et ses différentes identités, mais aussi d'explorer la façon dont les nombreuses minorités qui composent la population sont traitées par les autorités et trouvent leur place dans la société iranienne. Il présentera tour à tour les principales minorités ethniques et religieuses, avec leurs

95 caractéristiques, leur histoire et leur place dans la société iranienne.

Avant d'entamer cet exposé, il est intéressant d'évoquer quelque peu le concept d'"ethnie". Ce terme est en réalité utilisé pour désigner des entités qui ne sont pas spécialement homogènes : selon le groupe désigné, les traits retenus pour identifier les individus à ce groupe sont variables, ils peuvent consister en la langue, la religion, les traits physiques, la généalogie, la région d'origine, etc. Selon Olivier Roy, suite à la territorialisation imposée par la structuration des Etats-nations modernes, le critère linguistique est devenu le principal critère de l'intervention de l'ethnicité dans le champ politique. Pour cette raison, dans cet exposé, nous désignons parfois les groupes ethniques comme des groupes ethno-linguistiques.

Pour conclure cette introduction, voici une carte d'Iran qui permet de visualiser les différents groupes ethniques et religieux présents dans le pays, et leur localisation :

Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Iranian_Arabs#/media/File:Ethnicities_and_religions_in_Iran.png

96 2. La Majorité

Avant de présenter les minorités, il convient d'exposer tout d'abord les caractéristiques de la majorité. Dans la République islamique d'Iran, la plus grande partie de la population est de groupe ethnique persan et de religion islamique chiite.

a. Les Persans

Le groupe ethno-linguistique persan représente 50 à 60% de la population, ce qui en fait l'ethnie majoritaire en Iran. Les Persans parlent le persan, ou farsi, une langue de la famille indoeuropéenne et du groupe indo-iranien (et ses dialectes). Le persan moderne prend ses racines dans le vieux perse, puis le moyen persan, et a été influencé par l'arabe, notamment au niveau de l'alphabet et du vocabulaire. Il s'agit de l'unique langue officielle d'Iran. Selon un de nos interlocuteurs au cours du voyage, professeur de linguistique, bien que le persan ne soit pas la langue natale de presque 50% des Iraniens, c'est une langue qui joue un rôle très important pour l'identité iranienne, car elle sert de moyen de communication entre tous les Iraniens, quelle que soit leur langue natale et leur ethnie.

A l'origine, les Perses sont un peuple indo-européen qui s'est établi sur le plateau iranien. Vers 550 AC, Cyrus II, roi des Perses, parvient à défaire les Mèdes et à jeter les bases de l'empire achéménide, le premier empire perse et le plus grand empire de l'Antiquité classique, d'une superficie d'entre 5,5 et 8 millions de km² à son apogée (contre un peu plus de 1,5 millions de km² aujourd'hui). On peut encore aujourd'hui apprécier les vestiges de la grandeur des Achéménides à Persépolis et à Pasargade, où nous avons eu la chance d'effectuer des visites durant notre périple. Alexandre le Grand précipite la chute de l'empire achéménide en vainquant les Perses vers 330 AC. L'empire sassanide, le second grand empire perse, nait au 3e siècle PC. Les Sassanides sont les premiers à appeler leur empire Eranshahr, ce qui signifie "empire des Aryens" ("aryen" signifiant "noble") et évoluera vers "Iran".

Au 7e siècle PC sonne le glas de l'empire sassanide, lorsque l'Iran est conquis par les Arabes, et c'est alors que l'Iran devient massivement musulman. Se succèdent alors diverses dynasties telles que la dynastie persane des Samanides, les dynasties turques des Ghaznévides et des Seldjoukides, puis mongoles des Houlagides et des Timourides. Installés au début du 16e siècle, les Safavides sont la première dynastie iranienne indépendante depuis de longs siècles. La place Naghsh-e Jahan, que nous avons eu la chance d'admirer à Ispahan, immense

97 et majestueuse avec ses deux mosquées sculpturales et son palais construit au fil des siècles, est un témoignage impressionnant de l'héritage safavide. Après leur chute se succèdent des rois ("shah"), jusqu'à la révolution islamique de 1979 menée par l'ayatollah Khomeini qui chasse le shah Mohammed Reza Pahlavi et instaure une République islamique, qui perdure jusqu'à ce jour.

Dans son origine antique, le mot "Persan" désigne donc le peuple installé dans la région de Persis ; ces Persans, assimilant à eux d'autres peuples et imposant leur langue et leur nom, ont joué un rôle majeur à travers l'histoire d'Iran, étant les fondateurs de grands empires au rayonnement impressionnant. Le fait que l'unique langue officielle d'Iran soit le persan et que le pays soit désigné comme la Perse jusqu'en 1935 témoigne bien de l'importance de l'identité persane pour l'Iran. Cependant, à l'heure actuelle il est difficile de dire qui est Persan au sens ethnique premier, étant donné que depuis de nombreux siècles le persan est la langue véhiculaire de l'Iran et les Persans sont ses habitants ; actuellement, les personnes désignées comme persanes sont celles de langue natale et de culture persanes, qui n'appartiennent donc pas à une minorité ethno-linguistique.

Géographiquement, les Persans occupent le coeur du territoire iranien, tandis que les minorités sont confinées à ses périphéries. D'après un rapport de 2008 établi par le centre de recherche du Congrès américain, les Persans demeurent les principaux bénéficiaires des politiques économiques et sociales menées par le gouvernement et les provinces dans lesquelles ils sont majoritairement installés demeurent les plus développées, alors que les provinces non persanophones sont en sousdéveloppement. Ce rapport insiste également sur le fait que malgré les droits constitutionnels des minorités, l'accent est mis sur la nature persane de l'Etat iranien.

b. L’islam chiite

L'islam a vu le jour au 7e siècle PC dans la péninsule arabique, sous l'égide du prophète Mohammed. Il s'agit d'une religion monothéiste, tout comme le judaïsme et le christianisme, religions par rapport auxquelles elle se place en héritière et dont elle partage la foi fondamentale. La particularité de l'islam par rapport à ces dernières est qu'il inscrit tous ses croyants dans un organisme global, à la fois religieux et politique, et qu'il régit donc tant ce qui est de l'ordre du politique et du juridique que de l'ordre du religieux et du moral.

Après le décès du prophète Mohammed se pose la question de sa succession de dirigeant

98 politicoreligieux de la communauté des fidèles. Cette question engendre une querelle qui est à l'origine de la séparation entre musulmans sunnites et musulmans chiites : les musulmans sunnites soutiennent en tant que successeurs de Mohammed des califes choisis par la communauté, tandis que les chiites voient en l'Imam Ali, le gendre et cousin du prohète, son successeur légitime, qui sera ensuite suivi d'autres Imams.

Les Iraniens sont plus particulièrement des chiites duodécimains, c'est-à-dire qu'ils reconnaissent douze Imams comme les successeurs du prophète. Selon leur tradition, le 12e et dernier imam, Mohammed Al-Mahdi, a été caché au cours des années 900 (début de l'Occultation) et réapparaitra en sauveur à la fin des temps pour apporter la paix et la justice au monde. D'autres mouvances chiites ne reconnaissent que sept ou cinq Imams, comme les Ismaéliens et les Zaydites.

Minoritaire, le chiisme duodécimain a été persécuté et réduit à la clandestinité pendant de longs siècles. Il a repris vie au grand jour au 16e siècle avec la dynastie safavide, qui l'a imposé en Iran, et est actuellement la religion de près de 90% de la population iranienne, alors que seulement 10 à 20% des musulmans dans le monde sont chiites. L'islam chiite est d'ailleurs la religion officielle de la République islamique d'Iran, même si celle-ci tolère à divers degré l'existence d'autres religions sur son territoire (voir infra). Après la Révolution islamique de 1979, l'islam chiite est devenu la composante essentielle de l'identité de l'Etat iranien ; on peut même dire que cette religion constitue son identité la plus fondamentale, puisque l'Etat est gouverné selon ses principes, ses institutions politiques sont organisées selon ce but, ses lois sont dictées par elle, toute la société est supposée vivre selon ses préceptes.

Les règles dictées par l'islam chiite pratiqué en Iran continuent à occuper aujourd'hui une place importante dans l'espace public comme privé. Par exemple, dans tout lieu qui n'est pas strictement privé, les femmes doivent se vêtir de façon modeste, couvrant obligatoirement leurs cheveux avec un voile et leurs formes avec des vêtements longs et amples, et dans certains lieux, on leur impose le port du tchador, une sorte de grand drap généralement noir couvrant tout le corps à l'exception du visage, des mains et des pieds. La production et la consommation d'alcool sont totalement interdites. Les relations homosexuelles sont punies de la peine de mort. Tout contact physique entre un homme et une femme qui ne sont pas de la même famille est proscrit, tout comme bien entendu les relations hors mariage. La conversion est absolument interdite pour tout musulman, qui est donc obligé de le rester,

99 l'athéisme n'étant pas une solution envisageable non plus. Cependant, à en croire notre guide durant la deuxième partie du voyage, une grande partie de la population se contente de maintenir un respect de façade de ces principes, ne pratiquant ni ne croyant réellement et vivant de façon beaucoup plus libre dans l'espace privé.

c. L’intersection

Avant tout, il faut encore préciser que le fait d'être chiite et d'être Persan ne vont pas systématiquement main dans la main en Iran : une partie de la population appartient à une minorité ethnique tout en étant chiite, tout comme une partie de la population appartenant au groupe ethnolinguistique persan n'est pas de confession musulmane chiite. Toutefois, les Persans sont en général chiites depuis l'adoption de cette religion par la dynastie safavide. On peut donc en conclure que la majorité en Iran, le groupe de population qui est le moins susceptible de faire l'objet de discriminations de la part des autorités sur base de son origine ethnique ou religieuse, est persan et chiite.

Historiquement, la Perse a toujours été un empire multi-ethnique dans sa composition. Nous avons pu constater que c'était déjà le cas il y a plusieurs millénaires lors de notre visite à Persépolis, en admirant les bas-reliefs représentant les délégués de nombreux peuples arrivant de tous les côtés de l'empire achéménide pour apporter leurs tributs à l'empereur. Cependant, le persan est depuis longtemps la langue véhiculaire principale de l'Iran, puisque même les dynasties turques qui ont gouverné l'Iran pendant de nombreux siècles utilisaient cette langue, et le persan n'était pas la langue maternelle de la plupart des souverains iraniens ; malgré tout le coeur de cet empire multiethnique demeurait toujours persan. Le persan a constitué la lingua franca des élites entre l'empire ottoman, les Indes et la Chine jusqu'à la fin du 19e siècle. Cette langue a donc davantage le statut d'une culture que celui d'une langue ethnique.

Quant à l'islam chiite, s'il prend son essor comme religion principale de l'Iran sous les Safavides au 16e siècle, son importance actuelle dans l'identité iranienne date de la Révolution islamique de 1979, qui avait été précédée d'une période durant laquelle la religion avait largement perdu de son importance dans l'espace public. Depuis lors, il se définit en principal facteur d'unification identitaire de ce peuple autrement diversifié dans ses identités ethniques et linguistiques.

Pour conclure sur la nature du plus grand nombre iranien, on constate que les deux

100 caractéristiques principales de l'Iran, celle d'être le berceau de la civilisation perse et celle d'être un pays officiellement et majoritairement chiite, le placent dans une situation d'exception. Ce caractère d'exception, voire d'exceptionalisme, est quelque chose que les Iraniens que nous avons rencontrés n'ont pas manqué de souligner. Ils aiment à rappeler qu'ils côtoient de près plusieurs régions et plusieurs mondes, sans faire partie d'aucun, n'étant ni arabes, méditerranéens, ni caucasiens, ni slaves, ni d'Asie centrale, mais connectant tous ces mondes entre eux.

101 3. Les principales minorités du point de vue ethnique

Cette partie sera consacrée à une présentation sommaire des principales minorités ethniques, sans prétendre à constituer un inventaire exhaustif de ces dernières vu leur nombre. Elle sera accompagnée d'un commentaire sur le statut de ces minorités dans la société iranienne, sur les problèmes potentiels qu'elles rencontrent en Iran.

Les minorités en Iran sont donc des minorités qui divergent de la majorité chiite par leur religion, de la majorité persane par leur ethnie, ou des deux à la fois. Ainsi que mentionné précédemment, la langue est un critère important pour distinguer les minorités ethniques. Remarquons que même si le persan est la seule langue officielle en Iran, la Constitution iranienne post Révolution islamique admet l'usage des langues régionales en son article 15, ce qui n'était pas le cas à l'époque du shah.Toutefois, le persan est généralement la seule langue utilisée dans l'enseignement, et les Nations Unies continuent à souligner le non respect des droits linguistiques des minorités dans l'éducation.

3.1. Les Azéris

Les Azéris, ou Azerbaïdjanis, sont un groupe ethno-linguistique qui vit principalement dans le nordouest de l'Iran (près de la frontière avec l'Azerbaïdjan) et à Téhéran. A eux seuls, ils représentent un cinquième à un quart de la population iranienne ; il s'agit donc d'une minorité très importante, la plus grande d'Iran et la deuxième ethnie la plus représentée après les Persans. Les Azéris parlent la langue azérie, du groupe des langues turques et de la famille des langues altaïques. Ils sont majoritairement chiites, et ne se distinguent donc pas de la majorité de la population iranienne par leur religion.

Malgré le fait qu'ils constituent une minorité du point de vue ethnique et linguistique, les Azéris occupent depuis longtemps une place importante dans l'Etat iranien. De plus, à partir du 11e siècle, la Perse a été gouvernée par des dynastiques d'origine turque, telle que la dynastie des Safavides ou celle des Qadjar. Jusqu'au 20e siècle, les groupes turcs et persans étaient intégrés, et les Azéris étaient d'ailleurs nombreux parmi les leaders nationalistes qui ont forgé l'Iran actuel lors de la Révolution constitutionnelle de 1906. Cependant, sous les Pahlavi (dont le règne débute en 1925) sont mises en place des politiques qui supprimaient l'usage de l'azéri dans la presse, les gouvernements locaux et l'enseignement, ce qui suscite du ressentiment de la part des Azéris. On retrouve de nombreux Azéris parmi les activistes

102 de la révolution islamique.

A l'heure actuelle, la majorité des Azéris sont mieux intégrés dans la société iranienne que la plupart des minorités, tant au niveau social que politique et économique. Le Guide Suprême d'Iran actuel, Ali Khomenei, est d'ailleurs d'origine azérie. Toutefois, dans son rapport de 2016-2017 sur l'Iran, Amnesty International désigne tout de même les Azéris comme une minorité ethnique "désavantagée", sujette à des discriminations au niveau de l'emploi, du logement, de la fonction publique et des droits civils, politiques et culturels.

3.2. Les Kurdes

Les Kurdes iraniens vivent principalement dans le nord-ouest de l'Iran, près de la frontière avec la Turquie et l'Irak, notamment dans la province iranienne du Kurdistan ; ils vivent également dans une région du nord-est de l'Iran, le Khorassan. Ils représentent entre 5 et 10% de la population iranienne. Ils parlent différentes variantes du kurde, une langue de la famille indo-européenne et du groupe iranien. Les Kurdes sont majoritairement des musulmans sunnites, même s'il existe parmi eux d'autres petites minorités, tels que des chrétiens, des zoroastriens, des yézidis, etc. Ils diffèrent donc de la majorité en Iran à la fois par leur ethnie et par leur religion, même si l'Iran compte tout de même des Kurdes chiites.

Il n'est pas possible de parler des Kurdes d'Iran sans les rattacher au peuple kurde en général. Les Kurdes sont un des peuples indigènes d'une région montagneuse qui recouvre le sud-est de la Turquie, le nord-est de la Syrie, le nord de l'Irak, le nord-ouest de l'Iran. Leur nombre est estimé entre 25 et 35 millions, dont 15 à 20 millions en Turquie, 8 à 12 millions en Iran, 5 à 8 millions en Irak et 2 à 4 millions en Syrie. L'usage du mot "kurde" pour désigner les populations de ces régions est attesté déjà à l'ère sassanide et dans les textes du début de l'ère islamique, et certains évoquent un lien possible avec le "pays de Karda" mentionné par les Sumériens plusieurs millénaires avant notre ère.

A l'heure actuelle, les Kurdes forment une communauté à part entière, unie à travers l'ethnie, la culture et la langue. Cependant, malgré leur ancrage historique dans la région, ils ne sont jamais parvenus à former un Etat. Au début du 20e siècle, ils ont envisagé la création d'un Kurdistan indépendant, et ce projet a failli aboutir après la Première Guerre Mondiale et la chute de l'Empire ottoman, lorsque les Alliés ont prévu la création d'un territoire autonome des Kurdes dans le traité de Sèvres de 1920. Mais ce traité n'a finalement jamais été ratifié par la Turquie, et le traité de Lausanne de 1923 qui établit les frontières modernes de la

103 Turquie n'évoque plus le sort des Kurdes, condamnés à demeurer répartis en minorités dans plusieurs Etats.

Les Kurdes ont depuis cette période tenté d'obtenir leur indépendance à plusieurs endroits et à plusieurs reprises, mais ils ne sont jamais parvenus à leurs fins, et leurs droits humains ont souvent été bafoués, notamment en Turquie et en Syrie. En Iran, les Kurdes sont tout de même intégrés à l'Etat iranien, qui ne les a pas autant malmenés qu'ils ont pu l'être ailleurs, mais tout en s'opposant toujours fermement à toute tentative d'indépendance de leur part. Beaucoup de Kurdes iraniens, particulièrement ceux de confession chiite, ne se préoccupent pas de nationalisme kurde et sont satisfaits d'être Iraniens ; mais à la périphérie, certains Kurdes sunnites sont beaucoup moins satisfaits de leur sort (il existe des mouvements séparatistes), et les tensions mènent parfois à des incidents violents, voire meurtriers avec les forces de l'ordre iraniennes et à la répression d'activistes kurdes (emprisonnement, exécutions, etc).

Selon un rapport de 2008 d'Amnesty International sur la situation des Kurdes en Iran, celle-ci laisse à désirer au niveau du respect des droits de l'homme. Il constate que l'Iran respecte les expressions de la culture kurde telles que la langue (mais pas dans l'enseignement), la musique ou les vêtements traditionnels, et permet des publications et des émissions en langue kurde. Toutefois, il souligne que les Kurdes en Iran souffrent depuis longtemps de discriminations, que leurs droits sociaux, politiques et culturels ont souvent été méconnus. Les régions kurdes ont été négligées au point de vue économique, et par conséquent, elles sont pauvres. Les Kurdes sont également largement discriminés dans l'accès à la fonction publique. De plus, les défenseurs des droits des Kurdes, activistes, journalistes ou autres, même lorsque leurs activités sont pacifiques, sont fréquemment les victimes d'arrestations arbitraires, de procès inéquitables, de torture, d'emprisonnement et d'exécutions.

3.3. Les Baloutches

Les Baloutches sont un peuple qui vit dans une région appelée le Baloutchistan, qui s'étend du sudest de l'Iran (où se trouve d'ailleurs la province iranienne du Sistan-Baloutchistan) au sud de l'Afghanistan et au sud-ouest du Pakistan. Au total, ils représentent une population de 5 à 6 millions de personnes, dont 1 à 2 millions vivent sur le territoire iranien. Il s'agit d'un peuple iranien (mais non persan), qui parle le baloutche, une variante des langues du groupe indo-iranien. Ils possèdent leur propre culture, leurs vêtements traditionnels, leurs chants et

104 leurs danses. Ils sont en majorité musulmans sunnites, ce qui les distingue particulièrement de la majorité de l'Iran.

Cyrus II, empereur achéménide, aurait encouragé les Baloutches à s'installer dans les montagnes au Nord de l'Iran au 6e siècle AC, et ils auraient quitté ces régions à la fin de l'ère sassanide pour s'installer au sud de l'Iran, puis quelques siècles plus tard au sud-est, dans leur région actuelle. Les Baloutches sont désignés dans les textes historiques comme de grands guerriers, qui étaient très présents dans les armées iraniennes antiques, notamment en tant que généraux. Des liens profonds existent donc entre les Baloutches et l'Iran, ce qui explique notamment que malgré les tensions entre chiites et sunnites, les Baloutches ne se sont jamais vraiment soulevés contre le gouvernement central iranien comme ils l'ont fait au Pakistan.

Depuis 2005, une groupe sunnite nommé Joundallah, ou "Mouvement de Résistance populaire d'Iran" a pris les armes dans la région du Baloutchistan. Il n'a pas d'aspirations séparatistes, et se réclame pan-iranien. Le groupe opère notamment des prises d'otage et des attaques qui ont déjà coûte la vie à plusieurs dizaines de personnes. Ses motivations ne sont pas totalement claires, mais les dirigeants du groupe ont évoqué la défense des Baloutches contre les discriminations dont ils souffrent, ainsi que la défense des droits des sunnites en général. Les actions de ce groupe entrainent de violentes opérations des forces de l'ordre iraniennes et de nombreuses arrestations en réponse.

Du point de vue socio-économique, la province du Sistan-Baloutchistan où vivent la majorité des Baloutches compte parmi les moins développées et les plus pauvres d'Iran ; le taux de chômage y est particulièrement élevé. Selon un rapport d'Amnesty International publié en 2007, le Baloutchistan connait les pires résultats d'Iran en termes d'espérance de vie, d'alphabétisation, de scolarisation primaire, d'accès à l'eau de bonne qualité, d'hygiène et de mortalité infantile. De plus, les Baloutches sont discriminés dans l'accès à la fonction publique, n'étant pour la plupart pas chiites, ce qui impacte aussi parfois leurs activités dans le secteur privé. Et malgré le fait que certains droits culturels leurs soient concédés, ceux-ci sont long d'être pleinement reconnus et réalisés. Leurs droits civils et politiques sont également compromis.

3.4. Les Lors

Les Lors sont un groupe ethnique iranien de 4 à 5 millions de personnes qui habite dans l'ouest et le sud-ouest de l'Iran, dans les montagnes du Zagros ; il existe d'ailleurs dans cette

105 région une province iranienne du Lorestan. Ils parlent différentes variantes du lori, qui est un groupe de langues iraniennes. Il s'agit d'un peuple particulièrement ancien, qui descend de tribus indigènes d'Iran, notamment les Kassites, et dont l'histoire démarre de nombreux millénaires avant notre ère.

A l'origine, les Lors sont un peuple nomade, traditionnellement organisé en tribus, cependant depuis le 20e siècle, la plupart se sont sédentarisés et établis dans les villes et les villages, même si une partie demeure nomade. Ils ont une culture distinctive, notamment au niveau de l'habit, de la musique et des danses, ou de l'art (par exemple les bronzes). Au point de vue de la religion, les Lors sont en grande majorité chiites. Les Lors ne se distinguent donc pas tant de la majorité de la population iranienne, étant donné qu'ils partagent la même religion, qu'ils parlent des langues iraniennes et qu'ils sont intégrés aux territoires du plateau iranien depuis des millénaires.

3.5. Les Turkmènes

L'Iran compte 1 à 2 millions de Turkmènes, qui vivent au nord du pays, près de la frontière avec le Turkménistan. Il y a au total à peu près 7 à 9 millions de Turkmènes dans la région, dont la plupart vivent au Turkménistan. Les Turkmènes parlent le turkmène, de la famille des langues turques. Ils s'organisent en clans, sont traditionnellement des éleveurs, et descendent de peuples nomades vivant depuis des millénaires dans les steppes d'Asie centrale ; aujourd'hui, ils sont plutôt sédentarisés ou semi-nomades. Ils occupent une place importante dans l'histoire de la Perse, car à certaines époques des dynasties turkmènes ont régné sur ces contrées. Comme les autres minorités que nous avons étudiées jusqu'ici, les Turkmènes iraniens se distinguent par leur propre culture traditionnelle. Ils se distinguent également par leur religion, puisqu'ils sont musulmans sunnites. Dans son rapport 2016-2017 sur l'Iran, Amnesty International désigne les Turkmènes comme une minorité désavantagée et discriminée au niveau de l'emploi, de l'accès au logement, et dont les droits culturels, civils et politiques sont loin d'être pleinement respectés.

3.6. Les Arabes

Les Arabes ne sont pas arrivés en Iran de façon soudaine, mais progressive ; des tribus arabes habitent en effet déjà en Iran avant le début de l'ère islamique. Toutefois, c'est après la conquête islamique de l'Iran qu'ont lieu d'importantes migrations arabes vers ces contrées. Ces migrations de populations arabes de différents horizons continuent à travers les siècles,

106 et ils s'installent à différents endroits du territoire iranien.

Selon les différentes estimations, les populations arabes représentent actuellement 1 à 6 millions de personnes en Iran. Ils se concentrent principalement à deux endroits : dans la province du Khouzestan, au sud-ouest de l'Iran (à la frontière avec l'Iraq), et au sud, le long du golfe persique.

Les Arabes de la province du Khouzestan sont dénommés les Arabes Ahwazi (parce que la capitale de la province est la ville d'Ahvaz), et se distinguent de la communauté arabe du sud, les Hula. Les Ahwazi sont en majorité chiites, avec une minorité sunnite, tandis que les Hula sont majoritairement sunnites. Ils parlent toutefois tous des langues arabes.

Les Arabes Ahwazi constituent la communauté arabe la plus importante en Iran, mais aussi l'une des minorités ethniques dont la situation est la plus compliquée. Une partie de leurs souffrances découle du fait que la province du Khouzestan, dans laquelle ils vivent, est très riche en pétrole, en gaz naturel et en eau. Avant 1925, bien que faisant officiellement partie du territoire iranien, la région était en réalité gouvernée comme un émirat indépendant appelé Arabistan, avant que Reza Shah ne la soumette au pouvoir central iranien par la force. Des troubles ont eu lieu dans la province après la révolution islamique, et en 1980, un groupe sécessioniste d'Ahwazis a effectué une prise d'otages à l'ambassade d'Iran à Londres. Suite à tout cela, le gouvernement iranien continue à se méfier des Arabes iraniens, et selon ces derniers, il en résulte des politiques discriminatoires et un accès inégal aux ressources de développment, et donc davantage de pauvreté. Ces frustrations donnent occasionnellement lieu à des troubles dans la région, comme par exemple en 2005, où de nombreuses personnes ont été arrêtées, détenues et tuées suite à des manifestations et à des attentats à Ahvaz et Téhéran.

En plus d'une certaine méconnaissance de leurs droits civils et politiques, les Ahwazis sont discriminés au niveau de leurs droits culturels, ne pouvant pas utiliser leur langue dans l'enseignement et les médias et donc s'épanouir culturellement. Ils sont également discriminés au niveau de leurs droits économiques et sociaux, ce qui se traduit par un taux de chômage élevé, de la discrimination à l'embauche et des problèmes sanitaires et environnementaux (ils souffrent notamment beaucoup de la pollution). Comme pour d'autres minorités, on dénonce également une répression brutale (arrestations, emprisonnement, torture, exécutions) des activistes ahwazis pacifiques, au même titre que ceux qui prennent

107 les armes contre le gouvernement iranien.Yousef Azizi, un écrivain Ahwazi qui réside maintenant en Grande-Bretagne, déclare que si d'autres minorités d'Iran comme les Kurdes, les Turkmènes, les Azéris, les Baloutches ou les Lors sont opprimés par les autorités, les Ahwazis, quant à eux, sont de surcroît victimes de racisme et se heurtent à un discours anti- arabe dans les médias et la littérature.

3.7. Les Caspiens

Les Caspiens sont les peuples anciens qui vivent le long des côtes au sud et au sud-ouest de la mer Caspienne, au nord de la chaine de montagnes de l'Elbourz. Plusieurs groupes ethniques distincts de la région sont rassemblés sous cette appellation : les principaux sont les Gilaks et les Mazandarani. Les Gilaks parlent le gilaki, une langue iranienne étroitement liée au mazandarani, la langue iranienne qui est comme sont nom l'indique parlée par les Mazandarani. Les Mazandarani vivent principalement dans la province du Mazandaran, au sur de la mer Caspienne, tandis que les Gilaks vivent dans la province voisine du Gilan, au sud-ouest de la même mer. La population conjointe de ces deux groupes représente entre 5 et 10 millions de personnes, selon les estimations.

Les Caspiens ne se distinguent pas fortement de la majorité, étant des peuples de langue iranienne et de confession majoritairement chiite. Ils ne sont pas davantage mentionnés parmi les minorités désavantagées dans les rapports d'Amnesty International sur l'Iran.

3.8. Les Arméniens

Les Arméniens d'Iran constituent à la fois une minorité ethnique et religieuse qui se distingue largement du reste de la population iranienne. Ils ne représentent qu'entre 200 000 et 400 000 personnes, cependant leurs particularités font qu'il est important de les mentionner. Ils résident principalement à Tabriz (dans le nord-ouest), à Téhéran et à Ispahan (dans le quartier de la "petite Djolfa"). Lors de notre séjour à Téhéran, nous avons eu la chance de rencontrer l'archevêque arménien, qui nous a longuement parlé de sa communauté, et à Ispahan, nous avons visité le quartier de la petite Djolfa et notamment la cathédrale de Vank, qui abrite également un musée sur l'histoire des Arméniens.

Tout d'abord, au niveau ethnique, les Arméniens forment un groupe distinct qui descend de communautés arrivées d'Arménie il y a des centaines, voire des milliers d'années pour certains. Il y a en effet des Arméniens dans le nord-ouest de l'Iran de manière continue depuis

108 2000 ans. Mais la majorité sont issus de déplacements de population ayant eu lieu à partir du 15e siècle. Chah Abbas, un souverain safavide, a notamment ramené plusieurs dizaines de millieurs de personnes de ses incursions en Arménie. Certains Arméniens ont été déportés à Ispahan suite à la mise à sac de leur ville natale de Djolfa, en Arménie, d'où le nom du quartier de la "petite Djolfa" qui abrite toujours la communauté arménienne à Ispahan. D'autres transferts ont également amené des Arméniens à Téhéran. Les Arméniens d'Iran continuent à parler la langue arménienne, une langue indoeuropéenne d'une branche indépendante.

Ensuite, au niveau religieux, les Arméniens d'Iran sont généralement chrétiens, de rite arménien géorgien. Ils forment la plus importante minorité chrétienne d'Iran, devant les Assyriens et les Chaldéens. Les Arméniens ne sont pas persécutés par les autorités en raison de leur religion, qu'ils peuvent pratiquer librement. Ils sont même relativement privilégiés car ils disposent de deux sièges au Parlement iranien, et se voient donc assurer la prise en compte de leurs revendications plus efficacement que les minorités qui ne bénéficient pas de ce droit, tels que les bahaïs. De plus, dans leurs associations, hommes et femmes sont mélangés et les Arméniennes ne doivent pas à porter le foulard. Les chrétiens ont également l'autorisation de fabriquer de l’alcool et de le consommer, ce que la loi interdit strictement aux musulmans iraniens.

Cependant, même si l'Etat iranien protège le droit des chrétiens à pratiquer leur religion et leur accorde certains droits, ils sont tout de même victimes de discriminations : par exemple, devant la justice, la parole d’un chrétien vaut toujours la moitié de celle d’un musulman ; ou encore, certaines fonctions publiques sont interdites aux non-musulmans, et ils ne peuvent se présenter aux élections législatives que pour les sièges qui leur sont spécifiquement assignés au Parlement.

De notre entretien avec l'archevêque arménien à Téhéran, nous avons pu comprendre que la communauté arménienne vit une vie totalement cloisonnée par rapport à la société iranienne : les Arméniens ont bien entendu leurs églises, mais également leurs écoles, leurs associations sportives et culturelles, et même un journal quotidien ; ils appliquent également leurs propres règles dans certaines matières, par exemple en ce qui concerne la famille. Selon l'archevêque, le plus important pour la communauté est de maintenir et de transmettre son identité, ce qui passe par sa religion et sa langue ; il nous a même dit qu'il n'était pas permis à un membre de la communauté arménienne de se marier avec un non-chrétien. Toutefois, l'archevêque a

109 également insisté sur le fait que les Arméniens sont présents en Iran depuis très longtemps et font donc partie intégrante de la société iranienne, qui les accepte en son sein.

110 4. Les principales minorités du point de vue religieux

Cette partie sera consacrée à une brève présentation des principales minorités religieuses présentes en Iran. Sur le plan religieux, comme expliqué plus haut, l'immense majorité de la population (aux alentours de 90%) est selon les statistiques officielles de confession musulmane chiite. Ce peu de diversité est en lien avec le fait que l'Iran actuel, c'est-à-dire la République islamique d'Iran, est construit autour de cette religion, qui structure la société et concentre le pouvoir.

Il subsiste toutefois en Iran des minorités religieuses aux statuts divers : certaines sont reconnues et se voient attribuer certains droits, d'autres sont tout juste tolérées et d'autres encore sont opprimées. Il faut également souligner que la conversion à une autre religion n'est pas permise pour les musulmans en Iran, et l'apostasie peut conduire à la peine de mort; l'athéisme est traité de la même manière.

D'après le rapport 2016-2017 sur les droits humains en Iran d'Amnesty International, les bahais et les musulmans sunnites et convertis au christianisme font partie des minorités inquiétées en raison de la pratique de leur foi et confrontées à des discriminations dans la loi et dans la pratique, notamment en matière d'éducation et d'emploi. De plus, de nombreuses discriminations envers tous les non-musulmans sont inscrites dans les lois iraniennes, notamment en matière d'héritage, de mariage, ou pour l'accès à certaines fonctions de pouvoir (par exemple Président, juge ou commandant dans l'armée).

4.1. Les musulmans sunnites

L'Iran compte aux alentours de 10% de musulmans sunnites. Ceux-ci se concentrent surtout aux périphéries de l'Iran, et plusieurs des minorités ethniques présentées plus haut appartiennent à ce groupe, ce qui les rend encore plus vulnérables. En théorie, l'islam sunnite est bienvenu en Iran, puisque l'article 12 de la Constitution iranienne dispose que bien que l'islam chiite soit la religion officielle d'Iran, d'autres écoles islamiques se voient accorder "le respect" et la liberté de pratiquer leur propre conception de l'islam. Cependant, en pratique, les musulmans sunnites sont tout juste tolérés en Iran et bien plus désavantagés que les minorités juives, chrétiennes et zoroastriennes.

Contrairement à celles-ci, ils ne se voient octroyer ni statut ni protection particulière en tant que minorité et sont considérés comme des citoyens de seconde zone, victimes de

111 discriminations et d'entraves à leur liberté religieuse. Par exemple, les sunnites ne disposent d'aucun lieu de culte à Téhéran malgré qu'ils y soient nombreux ; aucun candidat sunnite ne peut se présenter à l'élection présidentielle ; aucun sunnite n'a été membre du gouvernement depuis 1979.

4.2. Les Juifs

Il y a entre 20 000 et 40 000 Juifs en Iran; ils constituent la diaspora juive la plus anciennement connue, remontant à plusieurs centaines d'années avant JC, et forment une minorité à la fois religieuse et ethnique. Ils sont l'une des trois minorités religieuses reconnues en Iran, avec les Chrétiens et les Zoroastriens : l'article 13 de la Constitution iranienne dipose en effet que "les Zoroastriens, les Juifs et les Chrétiens iraniens sont les seules minorités religieuses reconnues, qui, dans les limites de la loi, sont libres de pratiquer leurs rites et cérémonies religieux, et d'agir selon leurs propres règles en ce qui concerne les affaires de personnes et l'éducation religieuse". Les Juifs disposent donc de synagogues en Iran, et forment une communauté soudée qui gère ses propres affaires en ce qui concerne par exemple le mariage ou l'éducation des jeunes. L'article 64 de la Constitution accorde également aux Juifs un siège au Parlement iranien. Cependant, malgré ce statut, les Juifs sont tout de même discriminés dans la loi, ainsi que mentionné plus haut, et se sentent parfois aussi discriminés dans la pratique, notamment en matière d'emploi, et traités comme des citoyens de seconde classe.

4.3. Les Chrétiens

Il y an environ 200 000 à 400 000 Chrétiens en Iran, divisés entre différentes communautés qui sont en même temps distinctes du point de vue ethnique, et qui possèdent chacune leur propre Eglise : les Arméniens (qui représentent la plus importante minorité chrétienne, comptant entre 200 000 et 400 000 personnes), les Assyriens, et les Chaldéens (qui représentent ensemble à peu près 30 000 personnes). Conformément à l'article 13 de la Constitution iranienne précité, les Chrétiens sont une minorité reconnue, et ils disposent également de sièges au Parlement en vertu de l'article 64 de la Constitution : les Arméniens disposent de deux sièges au Parlement iranien, tandis que les Chaldéens et les Assyriens disposent d’un siège chacun. Tout comme les Juifs, chacune de ces communautés vit repliée sur elle-même, autour de ses écoles et ses églises, et gère ses propres affaires. Egalement comme les Juifs, les Chrétiens sont victimes de discriminations légales et de facto et se

112 sentent parfois comme des citoyens de seconde zone.

Des courants protestants évangéliques tentent de s’implanter en Iran, mais sont combattus par le régime notamment à cause de leur propension au prosélytisme, qui est totalement proscrit puisque les musulmans ne peuvent pas se convertir à une autre religion.

4.4. Les Zoroastriens

On estime qu'il subsiste aujourd'hui entre 30 000 et 45 000 Zoroastriens en Iran, qui descendent d'Iraniens jamais convertis à l'islam. Le zoroastrisme mérite un mot d'introduction, car il s'agit d'une religion très ancienne qui a occupé une place importante dans l'histoire et la pensée religieuse, mais qui demeure pourtant très peu connue dans nos régions. Le zoroastrisme, souvent considéré comme la première religion monothéiste, est apparu un à plusieurs millénaires avant JC dans les régions persiques et a été la religion officielle d'Iran jusqu'aux conquêtes arabes et à l'arrivée de l'islam dans ces régions. Il s'agit d'une réforme monothéiste du mazdéisme, annoncée par le prophète Zarathoustra. Le Dieu unique des Zoroastriens s'appelle Ahura Mazda, et il est le créateur du monde et des quatre éléments (eau, feu, terre, air), pour lesquels les Zoroastriens ont un grand respect; le lieu de culte des Zoroastriens est d'ailleurs le temple du feu, au sein duquel officient des prêtres qui s'assurent que le feu qui y brûle ne s'éteigne jamais. Zarathoustra prêche un dualisme qui repose sur le combat entre le Bien et le Mal, qui se joue dans le monde et au sein de chaque homme; sa doctrine tient en la maxime "bonne pensée, bonne parole, bonne action".

Tout comme les Juifs et les Chrétiens, les Zoroastriens constituent une minorité religieuse reconnue en Iran et disposent d'un siège au Parlement. Ils sont également très soudés à leur communauté.

4.5. Les Bahais

Les bahais représentent autour de 300 000 personnes en Iran, et sont selon certains la minorité religieuse non-musulmane la plus importante d'Iran. La religion bahaïe est un mouvement issu du chiisme qui trouve son origine en 1863 en Perse : à cette époque, Seyed Ali Mohammed déclare être le "Bab", c'est-à-dire la "Porte", qui prépare le retour de l’imam caché et annonce la venue d'un nouveau prophète. Il sera finalement emprisonné et exécuté. Un de ses disciples, Baha, se déclare être la manifestation divine annoncée par le Bab, et crée le mouvement bahai. Mais étant donné que l'islam considère Mohammed comme le dernier

113 prophète, révélateur de la religion finale et aboutie, les bahais sont considérés comme des musulmans apostats. Par conséquent, contrairement aux Juifs, Chrétiens et Zoroastriens, ils ne sont pas reconnus, mais sont considérés comme des hérétiques, dénués de droits et persécutés du simple fait de leur religion.

Les persécutions dont souffrent les bahais sont d'une nature particulièrement systématique et organisée. Ils n'ont tout d'abord pas le droit de pratiquer leur culte, surtout pas en rassemblement, ni de s'organiser en tant que communauté religieuse ; ils ne peuvent pas non plus avoir leurs propres lieux de culte, cimetières, sites historiques ; des bahais sont régulièrement arrêtés de façon arbitraire, emprisonnés et exécutés sur base de leur appartenance religieuse ; l'accès aux universités leur est interdit ; leur propriété est parfois confisquée ; l'accès à l'emploi, à la pension et à l'héritage leur sont souvent refusées. Toutes les organisations de défense des droits de l'homme qui se penchent sur la situation de l'Iran dénoncent ces mauvais traitements systématiques.

114 5. Conclusion

Cet inventaire sommaire des différents groupes de la population iranienne permet de mettre en lumière que l'Iran est en réalité riche de langues et de cultures différentes ainsi que d'Histoires juxtaposées, qui forment toutes ensemble une mosaïque haute en couleurs et en saveurs.

Cependant, cet exposé souligne également les failles du vivre-ensemble iranien, qui ne semble pas accorder une place égale à chacun en son sein et qui ne parvient pas à protéger l'identité et les aspirations de ces nombreuses communautés périphériques. Le développement socio-économique de certaines minorités ethno-linguistiques semble ainsi particulièrement problématique, tandis que pour d'autres minorités se pose la question du respect de l'existence même de la communauté ou de ses aspirations à se réaliser dans ses particularités.

115 6. Bibliographie / Bibliografie

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118 119 120 Onderwijs in Iran

Daphné Vanderhaeghe

121 122 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 123

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 124

2. GESCHIEDENIS VAN HET ONDERWIJS ...... 125

3. DE ORGANISATIE VAN HET IRAANSE ONDERWIJSSYSTEEM...... 128

4. RECHT OP ONDERWIJS ...... 133

5. UITDAGINGEN VOOR IRAN OP VLAK VAN ONDERWIJS...... 135

6. GELIJKHEID IN EN DOOR ONDERWIJS...... 137

7. CONCLUSION FR / CONCLUSIE NL / CONCLUSION GB ...... 139

8. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 140

123 1. Introduction / Inleiding

Iran is een theocratie waarin de centrale overheid een sterke controle heeft op onderwijs. Ze beïnvloedt het onderwijssysteem op alle gebieden. De centrale overheid hecht veel belang aan onderwijs en het onderwijzen van de gehele bevolking.

De afgelopen twee decennia zijn het onderwijs en de curricula meerdere malen hervormd. Het nieuwe systeem van voortgezet onderwijs is het gevolg van diverse hervormingen ten einde het onderwijs aan te passen aan de veranderingen in de samenleving, de arbeidsmarkt en de behoeften van de jeugd. Dit nieuwe systeem is meer gericht op beroepsopleiding en biedt jonge mensen veel mogelijkheden om gewenste studievelden, banen en carrières te selecteren.

Tussen 1986 en 1996 groeide het aantal Iraniërs tussen de 5 en 19 jaar met 20 procent of bijna 4 miljoen, waardoor de capaciteit van de scholen van het land werd verhoogd. Dit, zoals verder besproken, vormt één van de belangrijkste uitdagingen van het Iraanse onderwijssysteem.

Het overgrote merendeel van de informatie die hier verzameld is komt uit officiële documenten van de Iraanse regering of uit rapporten van internationale organisaties zoals UNICEF en UNESCO. Deze waren vaak in samenspraak met de nationale regering geschreven en dus is incorrecte informatie mogelijk. Bronnen van ngo’s waren vaak enkel in Farsi te vinden en vertalingen waren niet beschikbaar. De bronnen zijn echter schaars en spreken elkaar vaak tegen.

124 2. Geschiedenis van het onderwijs

Voor het midden van de negentiende eeuw was het onderwijs in Iran al onder leiding van religieuze instellingen. De geestelijken, zowel Sjiiet als niet-Sjiiet, namen de verantwoordelijkheid voor het onderwijzen van de jeugd op zich. Als basis voor de taalvaardigheden werden de grondbeginselen van de religie genomen. Kennis van lezen en schrijven werd niet beschouwd als een noodzakelijke vaardigheid voor de gehele bevolking en dus was toegang tot onderwijs beperkt tot de zonen van de economische en politieke elite. Dit onderwijs betrof typisch een paar jaar studie in een lokale school of maktab. Degenen die meer geavanceerde kennis wensten te verwerven, konden doorgaan in een religieus college of madrash, waar godsdienstwetenschap werd onderwezen. Een waargenomen behoefte aan instructies in vakken die geen deel uitmaakten van het traditionele religieuze curriculum, zoals boekhouding, Europese talen, militaire wetenschappen en technologie, leidde tot de oprichting van de eerste regeringsschool in 1851, toen de Darolfonoon werd opgericht. Vele jaren bleef dit de enige instelling van hoger onderwijs in het land.

In de vroege twintigste eeuw waren er verschillende scholen die vreemde talen en wetenschappen onderwezen, waaronder een paar voor meisjes. Deze scholen werden geleid door buitenlandse missionarissen, particulieren en de overheid. Hun functie was om de kinderen van de elite op te leiden. Tijdens de Constitutionele Revolutie (1905-1907) stelden een aantal hervormingsgerichte individuen de oprichting van een nationaal, openbaar en primair schoolsysteem voor. Het aantal nieuwe scholen steeg gestaag maar traag en tegen het einde van de Qajar-dynastie (1925) waren er ongeveer 3.300 overheidsscholen met een totaal van ongeveer 110.000 studenten.

Tijdens het Pahlavi-tijdperk (1925-79) implementeerde de regering een aantal beleidsmaatregelen om het land te moderniseren en het onderwijssysteem uit te breiden. Het Ministerie van Onderwijs kreeg de verantwoordelijkheid over het beleid van alle openbare en privé-scholen en over het opstellen van een uniform curriculum voor het basis- en voortgezet onderwijs. Het gehele openbare systeem was seculier en bleef jarenlang gebaseerd op het Franse model. Het doel was om Iraniërs op te leiden voor moderne beroepen in administratie, business, wetenschap en onderwijs. Dit onderwijssysteem was één van de belangrijkste factoren bij de vorming van de geseculariseerde middenklasse.

125 Het creëren van een nationaal onderwijssysteem lukte niet tijdens het Pahlavi-tijdperk. In 1940 waren slechts 10 procent van alle kinderen tussen de 6 en 12 jaar op school ingeschreven en minder dan 1 procent van de jongeren tussen de 12 en 20 jaar ging naar een middelbare school. Deze statistieken stegen niet tot in de vroege jaren zestig, toen de overheid initiatieven instelde om het openbare schoolsysteem te verbeteren en uit te breiden. In 1978 waren ongeveer 75 procent van alle kinderen met een lagere schoolleeftijd ingeschreven in een basisschool, terwijl iets minder dan 50 procent van alle tieners schoolgaande waren.

Modern universitair onderwijs werd ook ontwikkeld onder de Pahlavis. In de jaren twintig had het land verschillende instellingen voor hoger onderwijs. In 1934 werden deze instellingen samengebracht onder de Universiteit van Teheran. Na de Tweede Wereldoorlog werden verschillende universiteiten opgericht in andere grote steden, zoals Tabriz, Esfahan, Mashhad, Shiraz en Ahvaz. Tevens werden er hogescholen en beroepsinstellingen in verschillende steden opgericht.

In de jaren 1960 en 1970 werden corpsen naar alle dorpen over heel Iran gestuurd om de plattelandskinderen te leren lezen en schrijven. Enkele miljoenen jongeren hebben hierdoor deze basisvaardigheden geleerd. Dit programma werd afgesloten na de Iraanse Revolutie in 1979.

Eén van de eerste maatregelen die de regering na de revolutie in 1979 aannam, was de ontsecularistaie van het openbare schoolsysteem. Dit was een drieledig programma dat bestond uit het vervangen van cursussen en handboeken die geloofden dat de islam laster was door religieuze cursussen, het enkel behouden van leraren die de ware betekenis van de islam begrepen en het gedrag en de kledij van studenten regelen. Hoewel de regering de studie van religie opnieuw in de publieke schoolopleiding invoerde, heeft het niet de basisorganisatie van het onderwijssysteem gewijzigd.

In academiejaar 1986-1987 waren bijna 11,5 miljoen studenten in lagere en middelbare scholen ingeschreven volgens cijfers van de regering. Volgens de Iraanse regering is het percentage schoolgaande jeugd voor en na de revolutie vergelijkbaar gebleven met ongeveer 78 procent van de basisschoolkinderen en minder dan 50 procent van de jongeren tussen 12 en 18 jaar (statistieken hierover zijn sinds de revolutie niet beschikbaar, deze informatie is opgesteld op basis van regeringsdocumenten van het Ministerie van Onderwijs). Sinds de

126 revolutie heeft het hoger onderwijs aanzienlijk meer drastische veranderingen ervaren dan het lager en middelbaar onderwijs. Op de universitaire campussen waren er tijdens en na de Revolutie conflicten tussen studenten die een grondige ontsecularistaie van administraties, faculteiten en curricula ondersteunden en studenten die een seculair systeem wilden behouden. Er waren gewelddadige botsingen op verschillende universiteiten in het schooljaar 1979-1980. Als gevolg daarvan sloot de overheid alle 200 campussen in april 1980 af. De universiteiten werden dan ‘gezuiverd’ van professoren en studenten die werden beschouwd als onvoldoende islamitisch. De hogescholen en universiteiten werden pas volledig heropend in de herfst van 1983.

Toen de hogescholen en universiteiten de lessen hervatten, was het studentenaantal in vergelijking met het aantal voor de hervorming gedecimeerd. Aan de Universiteit van Teheran bijvoorbeeld verminderde het aantal inschrijvingen van 17.000 tot 4.500. In totaal kwamen ongeveer twee derde van de studenten nooit terug volgens cijfers van ngo’s. De afname van het aantal vrouwelijke studenten was nog dramatischer: terwijl op de vooravond van de revolutie vrouwen ongeveer 40 procent van het totale aantal studenten in het hoger onderwijs vormden, vormden zij na 1983 slechts 10 procent.

In de jaren tachtig werd de situatie genormaliseerd en privéscholen werden in 1988 toegestaan, maar alleen zonder winstoogmerk en met een streng islamitisch curriculum.

Een probleem in Iran sinds de vroege twintigste eeuw is de algemene perceptie van de boven- en middenklasse dat buitenlands onderwijs beter is dan het Iraanse onderwijs. Er zijn dus grote aantallen Iraniërs die in het buitenland studeren. Zolang de buitenlandse-opgeleide studenten naar Iran terugkeerden, konden zij hun vaardigheden toepassen in het voordeel van het land. Echter, duizenden in het buitenland opgeleide Iraniërs hebben ervoor gekozen om niet terug te keren naar hun geboorteland, waardoor een echte 'brain drain' werd gecreëerd. Sinds de revolutie heeft de regering geprobeerd Iraniërs te ontmoedigen om in het buitenland te gaan studeren, hoewel ze de praktijk niet heeft kunnen voorkomen.

127 3. De organisatie van het Iraanse onderwijssysteem

De federale overheid, via het ministerie van Onderwijs, is verantwoordelijk voor de financiering en administratie van het lagere en secundair onderwijs, die eveneens toezicht houdt op nationale examens, op normen, organiseert lerarenopleiding, ontwikkelt curricula en educatieve materialen, bouwt en onderhoudt scholen. Onderwijsbeleid wordt goedgekeurd en onder controle gehouden door een aantal organen waaronder het Iraanse parlement. De Hoge Raad van de Culturele Revolutie, een orgaan aangewezen door en dat rapporteert aan de hoogste leider van Iran, is de hoogste autoriteit in onderwijskundige zaken en heeft een verregaande controle over beleid en regelgeving.

Volgens de UNESCO-statistieken, gepubliceerd door de Wereldbank, heeft Iran in 2014 2,95 procent van zijn BBP uitgegeven aan onderwijs op alle niveaus. Dit getal vertegenwoordigt 19,7 procent van alle overheidsuitgaven - een relatief hoog percentage in de internationale vergelijking.

Iran heeft een hoge geletterdheidsgraad volgens regionale normen en heeft, in vergelijking met veel andere landen met een gelijk ontwikkelingsniveau, een zeer opgeleide samenleving. Het volwassen geletterdheidspercentage van het land stond op 84,6 procent in 2013, tegenover 85 procent wereldwijd en 78 procent in de naburige Arabische staten. Het geletterdheidspercentage onder de 15-24-jarigen is zelfs hoger, nl. 98 procent (in 2015). Er zijn ook ontwikkelingen in het Iraanse onderwijs die positief zijn. Op nationaal niveau is de netto inschrijving ratio hoger dan 97 procent en is bijna gelijk tussen meisjes en jongens.

Het onderwijssysteem in Iran is verdeeld in twee hoofdniveaus: lager en middelbaar onderwijs. Kleuterschool die een jaar duurt, wordt aangeboden maar is niet verplicht voor kinderen vanaf vijf jaar oud. Het doel is de kinderen voor te bereiden op de lagere school en er worden zeer basis pedagogische programma's gevolgd. Leerlingen beginnen op zevenjarige leeftijd met de verplichte lagere school gedurende vijf jaar. Het voltooiingspercentage van lager onderwijs was 97,53 procent in 2014. Ter vergelijking: dit percentage was in buurland Pakistan 44,53 procent in 2015. Vervolgens brengen ze drie jaar door in een middenschool. Gedurende deze tijd wordt de toekomstige opleiding van studenten bepaald door hun bekwaamheid zoals aangetoond op examens. Studenten worden vervolgens gestuurd naar één van drie soorten vierjarige middelbare scholen: de academische (voor het voorbereiden op de

128 universiteit); de wetenschaps- en wiskundige (als voorbereiding op universitaire programma's in techniek en geneeskunde) en de professionele technische scholen. De academische scholen bieden 4 richtingen aan: literatuur en cultuur, sociaal-economisch, fysica en wiskunde en humane wetenschappen. Het technische onderwijs omvat diverse specialisatieprogramma's, allen trainingen voor het werkleven. Er zijn 3 hoofdrichtingen: techniek, business en administratie en landbouw.

Lager onderwijs is verplicht in Iran. Er zijn veel gratis overheidsscholen en eveneens privé- scholen. Er zijn ook scholen genaamd 'Nemuneh Mardomi', die worden beschouwd als beter dan de overheidsscholen en betaalbaarder dan privé-scholen.

Naast het toelatingsexamen voor middelbare scholen is er aan het einde van de basisschool een nationaal examen. De verschillende onderwerpen van het examen zijn onder andere wiskunde, wetenschap, Perzische literatuur, sociale wetenschappen en theologie. Voor de ouders is het toelatingsexamen nog belangrijker dan het nationale examen, omdat ze ervan overtuigd zijn dat hun kinderen op deze manier toegang kunnen krijgen tot een goede middelbare school en zo een mooie toekomst kunnen veiligstellen.

Andere onderwerpen die op de Iraanse scholen worden bestudeerd, zijn kunst, sport, ‘werk en technologie’, ‘denken en onderzoek’ en vooral de studie van de Quran, het heilige boek. Deze vakken maken ook deel uit van de eindtermen.

Studenten uit de academische en technische stromingen worden, na een succesvolle afronding van hun studies en na afloop van het nationale examen, bekroond met het “Diplom- Motevaseteh”. Afgestudeerden gaan door naar een pre-universitair jaar (Pish-Daneshgahi) of kiezen om de arbeidskrachten te betreden. Het pre-universitaire jaar is een voorbereidend jaar voor studenten die van plan zijn om aan de gestandaardiseerde universitaire toelatingsexamens (Konkur) van Iran deel te nemen. Deze Konkur is vereist voor toelating tot de meeste universitaire programma's. Gedurende dit jaar specialiseren de studenten zich in een bepaald vakgebied (wiskunde, exacte wetenschappen, humane wetenschappen, kunst of islamitische cultuur). Studenten worden onderwezen in pre-universitaire centra beheerd door het Ministerie van Onderwijs. Zij worden beoordeeld door middel van doorlopende evaluatie en op het einde van het schooljaar tevens een examen (goed voor 75 procent van het totale cijfer.) Succesvolle studenten krijgen het pre-universiteitscertificaat en hebben recht op een deelname op de Konkur voor de toelating van de universiteit.

129 Veel privé-universiteiten gebruiken dit examen ook voor toelatingsdoeleinden. Het examen test de kennis van de student in de Perzische taal en literatuur, geschiedenis, een vreemde taal en wiskunde. Degenen die falen, mogen opnieuw deelnemen zo vaak als nodig. Topstudenten gaan meestal naar ingenieurs- en medische richtingen.

Gezien het competitieve karakter van het examen bloeit een ‘cram industrie’ die examenvoorbereidingsklassen levert in Iran, waardoor er veel kritiek op het examen komt en diens negatieve impact op het leertraject, waarvan het laatste jaar in wezen gericht is op het nemen en afleggen van het examen. Als gevolg hiervan blijven de autoriteiten kijken naar een hervorming van het systeem en het vervangen van de Konkur. Een optie onder overweging is het gebruik van een cumulatief puntensysteem dat een gemiddelde is van de laatste drie jaar van de middelbare school.

Naast het academische parcours, is er ook het beroepsmatige parcours. De beroepsstroom is meer praktijkgericht en leidt tot de toekenning van een diploma kardanesh in het beroep gestudeerd. Opleiding voor vakkundig of semi-geschoold werk wordt verricht in 400 specialisatiegebieden. Binnen de middelbare beroepsopleidingen zijn er verschillende subspecialisaties, onder andere: houtbewerking / timmerwerk, auto mechanica, bouw, voedingsindustrie, gezondheidsdiensten en maatwerk.

De organisatie van de universitaire opleidingen loopt zeer gelijk met het Westerse model. Vandaag heeft Iran extreem veel universiteiten, 322, waarvan 54 openbaar zijn. Privéinstellingen variëren enorm in omvang, maar ook in kwaliteit. Iran is een land waar openbare universiteiten een hogere status hebben en in het algemeen, betere kwaliteit leveren ten opzichte van privéscholen.

Irans hoger onderwijssysteem omvat meerdere post-secundaire opties naast universiteiten. Technische instituten die verbonden zijn aan de openbare technische en professionele universiteit van Iran, de universiteit van toegepaste wetenschappen en technologie en regionale centra voor beroepsonderwijs zijn voorbeelden. Bij voltooiing van dergelijke opleiding krijgt men een Kardani-diploma. De technische en beroepsopleidingsorganisatie van Iran (TVTO) controleert ongeveer 600 van deze instellingen. Deze technische instituten bieden ook niet-formele kortlopende beroepsopleidingsprogramma's en kwalificaties op het niveau van arbeidskrachten.

130 De meeste universitaire studies zijn verdeeld in 3 graden van elk van 2 jaar studie. De laagste graad is het Fogh-Diploma, vervolgens volgt Karshenasi, die overeenkomt met de bacheloropleiding; terwijl de mastersgraad bekend staat als Fogh-Licence.

De Karshenasi-graad is structureel vergelijkbaar met een bachelordiploma. Voorheen bekend als de licentie vereist de Karshenasi minstens 130 studiepunten aan een universiteit of een andere instelling van hoger onderwijs en minimaal vier jaar voltijdse studie. Studenten moeten een gemiddelde score van minimaal 60% halen om de graad te behalen. Er wordt een breed scala aan algemene vakken en keuzevakken aangeboden, naast de diploma-specialisatie die meestal geconcentreerd is in de laatste twee jaar van het programma. Karshenasi programma's worden ook aangeboden als korte tweejarige programma’s. Deze programma's staan bekend als “Karshenasi Napayvasteh” en bieden houders van Kardani de mogelijkheid om hun opleiding voort te zetten.

Na de Karshenasi volgt men een postgraduaat, de “Karshenasi Arshad”-graad (eerder bekend als Fogh Licence). Deze graad is te vergelijken met een Master aan een Belgische universiteit. De toekenning van de referenties vereist typisch 28 tot 45 studiepunten, afhankelijk van het programma, en het afronden van een proefschrift. Programma's zijn over het algemeen twee jaar lang.

Alle programma's op privé-universiteiten moeten door de Hoge Raad van de Culturele Revolutie worden goedgekeurd en tevens erkend worden door het Ministerie van Wetenschap, Onderzoek en Technologie. De kwaliteitswaarborging van instellingen voor hoger onderwijs valt onder het auspiciën van ditzelfde ministerie. Concrete informatie over het proces en de methoden van beoordeling is niet beschikbaar. Universiteiten bestaan grotendeels uit autonome faculteiten (“daneshkadeh”) waarbij in het algemeen de ingenieursrichtingen over een goede reputatie beschikken.

In het verleden hadden de hogescholen in Iran te weinig plaatsen om de vraag te beantwoorden. De toelatingspercentages voor de openbare universiteiten was het afgelopen decennium slechts 12 procent. De toegang tot publieke instellingen blijft competitief, hoewel het ergste van de capaciteitscrisis is aangepakt door uitbreiding van het aantal privé-scholen in Iran. In 2013 werd 57,9 procent van de 921.386 studenten die aan het Konkur-examen hebben deelgenomen, toegelaten tot de openbare universiteit. Vooral STEM-richtingen (science, technology, engineering, maths) blijven bijzonder competitief. De overgrote meerderheid van

131 de programma's bij privé instellingen is van het Bachelor niveau. Iran heeft momenteel een tekort aan onderwijskansen op het Masterniveau, een factor die heeft bijgedragen aan de migratie van academische elites. Slechts zes procent van ongeveer 900.000 kandidaten voor masterprogramma's en vier procent van 127.000 doctorale aanvragers hebben in 2011 een plek toegekend gekregen.

Op het einde van de jaren tachtig leidde de explosie van het aantal jongeren de regering ertoe om haar verbod op privé-universiteiten op te heffen en in 1988 konden particulieren een aanvraag doen om scholen te openen indien ze geen winstoogmerk hadden. Het aantal privé instellingen voor hoger onderwijs in Iran is sindsdien drastisch toegenomen. Sommige rapporten wijzen op een snelle stijging van 50 privé hogescholen in 2005 tot wel 354 in 2014, een stijging van meer dan 600 procent in minder dan 10 jaar. De overgrote meerderheid van de studenten is ingeschreven in de privé-sector.

Een belangrijke aanbieder van hogere studies in Iran is de semi-private Islamitische Azad Universiteit (IAU), de grootste universiteit van het land. IAU beheert zijn eigen toelatingsexamen, dat zeer vergelijkbaar is met de Konkur. De toegang tot deze universiteit, die meer dan 1,7 miljoen studenten telt verspreid over verschillende campussen over het hele land, is niet zo competitief als openbare universiteiten. Het vertegenwoordigt één derde van alle Iraanse universiteitsstudenten en is tevens een van de grootste mega-universiteiten ter wereld. Het werd in 1984 opgericht door de voormalige Iraanse president Akbar Hashemi Rafsanjani als de eerste niet-gouvernementele instelling voor hoger onderwijs om de onvervulde en escalerende vraag naar hoger onderwijs aan te pakken. "Azad" betekent vrij in Perzisch en verwijst naar het feit dat de universiteit "open toegang" biedt. Ondanks het feit dat deze instelling inschrijvingsgeld vraagt, is het echter geen pure privé-instelling. De overheid houdt toezicht op de opleiding en beheert belangrijke aspecten van de administratie. Over de afgelopen drie decennia is de IAU uitgegroeid tot een associatie van 400 campussen, zowel in Iran als overzee zoals in het Verenigd Koninkrijk, de Verenigde Arabische Emiraten, Libanon en Afghanistan. Andere prominente privéuniversiteiten zijn onder andere Shahrood University of Medical Sciences en Qom University.

De massieve uitbreiding van het onderwijs, en vooral van het hoger onderwijs, die andere ontwikkelingslanden ook hebben gekend, alsmede de explosie van het aantal privé instellingen gaan gepaard met bezorgdheid over de educatieve kwaliteit en meldingen over tekortkomingen in voorzieningen en in kwalificaties van het onderwijzend

132 personeel.

4. Recht op onderwijs

Artikel 28 van het Verdrag inzake de Rechten van het Kind stelt het recht op onderwijs van het kind vast. Dit moet op basis van gelijke kansen worden gerealiseerd, omdat grote aantallen kinderen gediscrimineerd worden in de toegang tot onderwijs, met name meisjes, gehandicapten, minderheden en kinderen uit plattelandsgemeenschappen. Artikel 28 bepaalt het kernminimum: gratis, verplichte primaire opleiding voor iedereen en verschillende vormen van voortgezet onderwijs en beroepsbegeleiding "beschikbaar en toegankelijk" voor iedereen. Hoger onderwijs moet toegankelijk zijn "op basis van capaciteit”. Onderwijs is kostbaar en er moet geleidelijk worden gewerkt aan de verschillende elementen van het recht. Deze verklaring werd verbeterd in het Internationaal Verdrag inzake Economische, Sociale en Culturele Rechten: “Een primaire opleiding (lagere school) is verplicht en vrij beschikbaar voor iedereen; het voortgezet onderwijs (middelbare school) in zijn verschillende vormen, met inbegrip van technisch en beroepsonderwijs, wordt door middel van alle passende middelen en met name door de geleidelijke invoering van gratis onderwijs algemeen toegankelijk gemaakt voor iedereen; het hoger onderwijs wordt op alle mogelijke manieren, en met name door de geleidelijke invoering van vrij onderwijs, toegankelijk gemaakt voor iedereen op basis van capaciteit".

De Wereldtop voor Kinderen van 1990 verklaarde: "Momenteel zijn meer dan 100 miljoen kinderen zonder basisonderwijs en twee derde van hen zijn meisjes. Het verstrekken van basisonderwijs en geletterdheid voor iedereen is één van de belangrijkste bijdragen die kunnen worden gemaakt aan de ontwikkeling van de wereldkinderen". Op de Wereldtop werd een doel ingesteld: "tegen het jaar 2000 (…) moet universele toegang tot basisonderwijs en het volgen van basisonderwijs door minstens 80 procent van de kinderen verwezenlijkt zijn". Dat doel werd niet bereikt. Een decennium later, toen vastgesteld werd dat minstens 113 miljoen kinderen nog steeds geen onderwijs volgden, formuleerden de wereldleiders een nieuw doel: "universeel basisonderwijs bereiken". In het verslag van de Verenigde Naties Millennium Ontwikkelingsdoelen Verslag 2006 blijkt dat er enige vooruitgang is geboekt: "De netto inschrijvingsverhoudingen in het basisonderwijs zijn gestegen tot 86 procent in de ontwikkelingslanden, variërend van 95 procent in Latijns-Amerika en het Caraïbisch gebied

133 tot 64 procent in sub-Sahara Afrika.

In de Wereldverklaring van 1990 over onderwijs voor iedereen (de Jomtienverklaring) staat: "Elke persoon - kind, jongere en volwassene - moet kunnen profiteren van educatieve mogelijkheden die zijn basisschoolbehoeften voldoen. Deze behoeften omvatten zowel essentiële leermiddelen (zoals geletterdheid, mondelinge expressie, gecijferdheid en probleemoplossing) en de basisinhoud (zoals kennis, vaardigheden, waarden en attitudes) die mensen nodig hebben om te kunnen overleven, hun volledige capaciteiten te ontwikkelen, te leven en te werken in waardigheid, de kwaliteit van hun leven te verbeteren, geïnformeerde beslissingen te kunnen nemen en verder te leren". In 2000 heeft het World Forum, gehouden in Dakar, een kader opgesteld voor staatsactie om onderwijs voor iedereen te bereiken. De speciale zitting van de Algemene Vergadering van 2002 over kinderen onderschreef het kader van Dakar en erkende het centrale belang van het onderwijs.

In Iran is het recht op onderwijs universeel. Echter, door onder andere geografische moeilijkheden kunnen sommige kinderen, vooral van de nomadische volkeren, geen scholen bereiken. Daarnaast blijven nog steeds te veel meisjes van school weg op aanraden van hun familie. Het Iraanse parlement werkt met verschillende ngo’s samen met als doel het bereiken van een situatie waarin elk kind toegang krijgt tot onderwijs en zich volledig kan ontwikkelen op academisch gebied.

134 5. Uitdagingen voor Iran op vlak van onderwijs

De belangrijkste ontwikkelingsuitdagingen van het land blijkt uit de opkomst van een grote jonge bevolking en een substantieel aantal migranten, zowel intern als extern. Deze groepen creëren druk op het sociale systeem en dus voor kansen in verschillende sectoren. Dit komt tot uitdrukking in de toenemende vraag naar hoogwaardig onderwijs, werkmogelijkheden, levensopties en empowerment van zowel mannen als vrouwen.

Ondanks het einde van de internationale nucleaire sancties in 2016 blijft de economie van Iran onstabiel. Hoge jeugdwerkloosheid, zelfs onder de universitair opgeleiden, en de migratie van geschoolde burgers zijn slechts enkele van deze uitdagingen. Door het groot tekort aan Masteropleidingen zijn vele Iraanse studenten in het buitenland gaan studeren. Een combinatie van verschuiving van de demografie en een explosieve toename van het privé- hoger onderwijs in het land kan deze trend in de komende jaren keren, maar op korte termijn zal de exodus van veel Iraanse studenten waarschijnlijk niet afnemen.

Een van de belangrijkste uitdagingen van Iran zijn de bestaande human resources in het onderwijs te herverdelen. Demografische veranderingen en een snelle verstedelijking brengen tekorten of overbodige leerkrachten, afhankelijk van hun geografische locatie tot gevolg. Aangezien de focus van het onderwijssysteem verschuift naar het secundair onderwijs en daarbuiten, moeten de profielen van het onderwijzend personeel ook veranderen.

Het technisch en beroepsonderwijs-programma van Iran is sinds het midden van de jaren negentig actief versterkt. Maar zijn reputatie blijft slecht en te veel studenten kiezen voor een academische opleiding wat voor een deficit in technisch opgeleide burgers zorgt.

Nu is de uitdaging om ervoor te zorgen dat de kwaliteit van het hoger onderwijs overeenkomt met de ontwikkelingsbehoeften, zowel in de industrie als in de dienstverlening. In lijn met het 5e Nationale Ontwikkelingsplan (2010-2015) van het land is uitgebreide kennisgebaseerde ontwikkeling van de bevolking een belangrijk doel van het sociale beleid van de Iraanse regering. Innovatie en onderzoek worden bevorderd als fundamentele prioriteiten die bijdragen aan sociale, economische en milieuontwikkeling. Financiële steun van de regering heeft de onderzoeksbegrotingen met 16,5% verhoogd van 2000 tot 2003. Ondanks langlopend nationaal beleid en goed geformuleerde strategieën om onderzoek en innovatie te bevorderen,

135 wordt dit beleid niet naar de praktijk vertaald. Iraanse universiteiten functioneren voornamelijk als onderwijsinstellingen, met slechts 15% van hun middelen die geïnvesteerd worden in onderzoek. Wetenschappelijk onderzoek wordt dus vooral uitgevoerd door gespecialiseerde onderzoeksinstituten. Ten einde wetenschappelijke gemeenschappen tot bloei en hoogwaardige wetenschappelijke eenheden ontwikkelen, is wetenschappelijke uitwisseling en onderzoekssamenwerking over de grenzen heen nodig. Internationale sancties tegen Iran vormden obstakels voor individuele wetenschappers en Iraanse onderzoekscentra om toegang te krijgen tot middelen die zij van over de hele wereld nodig hebben om competitief en innovatief te zijn.

136 6. Gelijkheid in en door onderwijs

In het Midden-Oosten en Noord-Afrika (MENA) is de toegang tot onderwijs dramatisch verbeterd in de afgelopen decennia, en zijn er positieve trends in de opleiding van meisjes en vrouwen. Inschrijving aan de basisschool is hoog of universeel in de meeste MENA-landen en er zijn sprake van geslachtsgelijkheid in de inschrijving aan de middelbare school in verschillende landen. Vrouwen in MENA-landen hebben ook meer kans om zich aan de universiteit in te schrijven dan in het verleden.

Maar er blijven grote uitdagingen. Veel mensen - vooral meisjes - zijn nog steeds uitgesloten van het onderwijs en hoewel er veel meer zijn ingeschreven op school, leren ze te weinig om ze voor te bereiden op de arbeidsmarkt van de 21ste eeuw. Iran is een van de weinige ontwikkelingslanden met groot succes in het onderwijs van meisjes. Momenteel zijn 49% van de studenten van alle leeftijden meisjes. Daarnaast vertegenwoordigen vrouwen meer dan 60 procent van alle afgestudeerden.

Daarentegen worden de Bahaïs, een religieuze minderheid, gediscrimineerd door de autoriteiten. Zij hebben toegang tot de basisscholen en de middelbare scholen zoals alle andere Iraanse kinderen, maar worden niet toegelaten tot universiteiten.

Een andere problematiek is de visie van de ouders van Iraanse schoolkinderen aangaande integratieonderwijs (het samenzitten van mindervalide en niet-mindervalide kinderen in eenzelfde klaslokaal of school). Volgens cijfers van UNICEF Iran waren slechts 20,8% van de Iraanse gezinshoofden het eens met het idee dat mindervalide kinderen mochten studeren in normale scholen. Vooral de stedelijke groepen met een hoger onderwijs diploma zijn niet akkoord met deze stelling. Dit vertaalt zich naar een realiteit waarin mindervalide kinderen minder toegang hebben tot onderwijs, ongeacht of hun handicapt mentaal of fysiek is. Aan de andere kant is Iran in de Paralympics uitmuntend, omdat veel mindervalide Iraniërs gebruik hebben gemaakt van de vele sportieve mogelijkheden die de maatschappij hen biedt.

Echter, vooral meisjes en vrouwen hebben te weinig toegang tot lichamelijke opvoeding en

137 sport in het algemeen. Dit, samen met de gevolgen van aanzienlijke luchtvervuiling in de steden, kunnen afnemende sportmogelijkheden een negatief effect hebben op zowel lichamelijke als geestelijke gezondheid. Vooral scholen hebben een belangrijke rol in de bevordering van gezonde levensstijl, waarbij zowel jongens als meisjes bij lichamelijke activiteiten worden betrokken.

Op dit gebied zijn verschillende projecten aan de gang. Zo werkt UNICEF samen met het Ministerie voor Gezondheid en Medisch Onderwijs om volksgezondheidsvoorlichting te ontwikkelen en lichamelijke activiteit bij adolescenten te bevorderen. De begeleiding bevat specifieke strategieën voor de bevordering hiervan onder meisjes, gezien specifieke belemmeringen voor meisjes die verband houden met culturele/ religieuze overwegingen in Iran.

Toegang tot onderwijs blijft een heikel punt op het platteland en vooral voor nomadische volkeren. De stedelijke-landelijke kloof is ook afgenomen tot ongeveer 14 procent maar blijft significant (86,25 procent van de stedelijke tegenover 72,4 procent van plattelandsbevolking). De HDR Education index-waarden variëren tussen 0.595 en 0.856 in het land, wat betekent dat een brede kloof tussen de minst en meest ontwikkelde provincies ontstaat. Dit weerspiegelt de uitdagingen van het onderwijssysteem in afgelegen plattelandsgebieden, waar armoede, gebrek aan transport en culturele factoren obstakels vormen voor het onderwijzen van alle kinderen.

Regionale planning gericht op het vergemakkelijken van de inschrijving van nomadische en andere moeilijk te bereiken kinderen omvat de oprichting van meer scholen en dorpscentra, initiatieven voor gratis schoolmaaltijden en flexibele leerplannen die gevoelig zijn voor de behoeften van minderheden.

138 7. Conclusion FR / Conclusie NL / Conclusion GB

Samenvattend kunnen we stellen dat het educatief systeem in Iran in de voorbije decennia immense veranderingen heeft doorgemaakt. De regering houdt strikt toezicht op het onderwijs en is zich bewust dat er nog hiaten zijn die om oplossingen vragen. De voornaamste zorg is momenteel de enorme ‘brain drain’ maar zoals besproken, blijven er nog bepaalde lacunes present vooral op vlak van gelijkheid. Het systeem past zich langzaam aan aan de noden en wensen van de burgers van de 21ste eeuw.

139 8. Bibliographie / Bibliografie

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141 142 La condition de la femme iranienne

Elisabeth Nagy

143 144 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 145

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 146

2. APERÇU HISTORIQUE...... 147

2.1. ANTIQUITÉ PERSE ...... 147

2.2. CONQUÊTE ISLAMIQUE DE LA PERSE ...... 147

2.3. ÉPOQUE MODERNE...... 147

2.4. PÉRIODE PAHLAVI ...... 148

2.5. RÉVOLUTION DE 1979...... 148

2.6. PÉRIODE POSTRÉVOLUTIONNAIRE...... 151

3. SITUATION ACTUELLE...... 152

3.1. DROITS, DEVOIRS ET CONTRAINTES ...... 152 3.1.1. Conception dans la loi coranique et rites religieux...... 152 3.1.2. Sustème judiciaire ...... 153 3.1.3. Droit de la famille ...... 154 3.1.4. Loisirs...... 154 3.1.5. Transports ...... 155

3.2. RAPPORT D’AMNESTY 2016-2017...... 156

3.3. ACTIVISME FÉMININ ...... 156 3.3.1. Art...... 157 3.3.2. Sport ...... 159 3.3.3. Journée internationale de la femme...... 159

4. CONTRÔLE DE LA FEMME À TRAVERS LES RÉGLEMENTATIONS VESTIMENTAIRES.160

5. FOCUS SUR SHIRIN EBADI...... 165

6. CONCLUSION ...... 167

7. BIBLIOGRAPHIE ...... 168

145 1. Introduction / Inleiding

La place, la condition et le rôle de la femme dans la société iranienne questionnent et intriguent. D’une perspective à l’autre les femmes iraniennes semblent jouir de plus ou moins de droits. En effet, comparée aux pays voisins, leur situation peut paraître plus confortable dans certains domaines qui d’une perspective occidentale apparaissent anodins. Par exemple, l’obtention d’une carte d’identité comprendra des démarches supplémentaires pour une femme dans les pays suivants : Arabie Saoudite, Oman, Afghanistan et Pakistan. D’un autre côté, certains droits désormais indiscutables dans la société occidentale comme conduire une moto ou un vélo, reste un combat quotidien pour les femmes iraniennes. Par ailleurs, l’Iran a ratifié de nombreux traités internationaux comme le CCPR (International Covenant on Civil and Political Rights) en 1975 et le CESCR (International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights) la même année et pourtant le dernier rapport d’Amnesty pointe de nombreux manquements. Ainsi, les droits et devoirs de la femme iranienne dans la société actuelle voguent entre combats, interdits et émancipation.

Le présent rapport décrira la situation actuelle de la condition de la femme dans la société iranienne en la mettant en perspective avec le contexte de la loi islamique qui régit le pays ainsi que la domination patriarcale inscrite dans les traditions. Ces deux éléments indissociables de la condition actuelle s’expliquent par une longue histoire faite d’évolutions et de révolutions. Ainsi, le rapport débutera par un aperçu historique de la condition de la femme, fera ensuite un tour d’horizon de la situation actuelle puis s’attachera à examiner le rôle des contraintes vestimentaires. Finalement, un focus sur Shirine Ebadi récompensée par le Prix Nobel de la paix pour son combat notamment pour les droits des femmes clôturera la thématique.

146 2. Aperçu historique

a. Antiquité perse

L’antiquité perse dont le symbole actuel en Iran demeure dans les ruines de Persépolis n’a laissé aucune trace visible de représentation féminine. En effet, tous les bas-reliefs et statues sont des symboles masculins. Des archéologues n’excluent pas que le temps ou l’invasion par Alexandre le Grand ait pu effacer les quelques traces de représentations féminines. Au-delà de cette absence picturale, des tablettes élamites attestent pourtant de l’activité de femmes notamment dans des ateliers où elles recevaient le même salaire que les hommes ou encore dans la gestion des affaires courantes comme le commerce.

b. Conquête islamique de la Perse

La première religion monothéiste développée en Iran, le zoroastrisme repose sur l’égalité des genres. Malgré ce fondement, l’islamisation de la Perse au 7e siècle eut pour conséquence une modification des lois en faveur des hommes notamment en favorisant la polygamie. De plus, les femmes ne purent plus participer à la vie publique ni exercer un quelconque pouvoir. Elles durent aussi porter un hijab (foulard). Paradoxalement, la femme d’ailleurs toujours couverte, car la représentation de la nudité était interdite à l’époque était surreprésentée à travers les arts picturaux ou littéraires. Ferdowsi et Hafez, deux éminents poètes de l’époque, dédièrent de nombreux textes à sa beauté et à ses enivrants charmes.

c. Époque moderne

Le début du 19e siècle marqua un tournant dans la lutte pour l’émancipation de la femme. Fatemeh, figure de ce mouvement, se montra par exemple non voilée en public. D’autres, comme Khorshid Khanoum et Roustameh voyagèrent à travers le pays pour sensibiliser le peuple féminin à leur cause. Le port du voile fit alors débat au sein des modernistes. Certains le considéraient comme le symbole d’une culture archaïque islamique et donc comme une entrave à la modernisation, alors que d’autres l’envisageaient comme un combat secondaire et préféraient mettre en avant les droits politiques. Ce débat oppose encore les femmes

147 actuellement. À partir de 1905, moment de la révolution constitutionnelle, les femmes profitèrent de cette période de liberté d’expression pour faire part de leurs revendications et souhaitèrent une avancée concernant surtout leurs droits politiques. Certains progrès se sont mis en place, notamment la fondation d’école pour filles établie par des missionnaires.

d. Période Pahlavi

La montée au pouvoir de Reza Shah s’accompagna d’une diminution de la liberté d’expression. Les journaux et groupes de femmes indépendants furent notamment interdits. À l’opposé des lois islamiques en vigueur anciennement, le port du hijab en public fut interdit. À côté de ces interdits, certaines réformes de la législation se firent au profit de la condition féminine. Ainsi, Reza Shah accorda en 1931 le droit au divorce, éleva l’âge légal du mariage à 15 ans pour les filles. De plus, il améliora l’accès à l’éducation et encouragea les femmes à travailler à l’extérieur de chez elle. Au niveau de l’éducation, un nouveau système fut créé qui ne fit plus de distinction entre les sexes. En 1936, les premières femmes s’installèrent sur les bancs de l’université de Téhéran. Une disparité concernant l’éducation était pourtant notable entre la situation urbaine et rurale.

En 1962, les femmes acquirent le droit de vote. Quatre années plus tard, la « loi de la protection de la famille », une des plus progressistes du Moyen-Orient fut ratifiée : la polygamie fut découragée, l’âge légal du mariage fut repoussé à 18 ans et les lois concernant le divorce devinrent plus strictes. Ainsi pour conclure un second mariage, le mari avait besoin de l’accord de sa première épouse.

Dans le gouvernement, la femme était également représentée et durant une des législatures, 22 femmes furent élues parmi les députés et deux parmi les sénateurs. Farrokh-Rou Parsa est d’ailleurs connue pour être la première femme ministre (éducation nationale) dans les années 1970.

e. Révolution de 1979

La révolution de 1979 avait une dimension essentiellement religieuse et a par sa suite instauré la république islamique d’Iran. Comme lors de la révolution constitutionnelle entre 1905 et

148 1911, la femme à travers son implication et investissement a mis en lumière l’importance de sa place. Peu avant la révolution, deux courants de pensée s’opposaient : les laïcs occidentalisés qui étaient pour la participation de la femme dans la sphère publique et les religieux traditionalistes qui concevaient la femme dans son rôle plutôt domestique. Ces derniers se sont pourtant servis des femmes comme appui pour leur révolution et les ont notamment mises sur le devant de la scène pour accomplir des rites religieux. Khomeini exhorta lui-même les femmes à participer aux manifestations. C’était une forme d’émancipation de les voir en public hors du cadre familial et sans la permission de leur mari. Les hommes de pensée traditionnelle autorisèrent cette avancée qu’ils ne considéraient pas comme contredisant leur idéologie. Les femmes d’ailleurs plus traditionalistes s’impliquèrent pleinement dans la révolution qui soutenait un retour à des traditions plus pieuses.

Durant l’institutionnalisation de la révolution et donc un retour au conservatisme religieux, les femmes remarquèrent une perte de certains acquis sociaux et un durcissement des lois les concernant : obligation du port du hijab, abaissement de l’âge légal du mariage à 9 ans, interdiction d’apparaître en public avec un homme qui n’est pas leur mari ou un membre de la famille, impossibilité de voyager sans l’accord du mari ou du père. Des règles strictes de conduite en société furent établies pour les femmes considérées comme des tentatrices. Le guide suprême Khomeini déclara par exemple « Chaque fois que dans un autobus un corps féminin frôle un corps masculin, une secousse fait vaciller l’édifice de notre révolution ». Ceci conduisit d’ailleurs à une ségrégation dans les bus, les femmes et hommes devant s’asseoir séparément. Des peines de lapidation et de coups de fouet furent instaurés et les lois concernant la famille furent changées au profit de juridictions islamiques strictes. En conséquence, le divorce sans le consentement du mari devint impossible et la charge des enfants alla d’office au profit du père. Ce retour en arrière provoqua de nombreuses manifestations de contestation à travers tout le pays, notamment le 7 mars 1979, veille de la journée internationale des femmes. Ces thèmes sensibles furent d’ailleurs les combats principaux menés par les quelques femmes présentes au Majlis-e Shura-ye Islami (un conseil consultatif dont le fonctionnement se rapproche de celui d’un parlement). Leur autre demande fut la création d’une commission pour les affaires des femmes. Les résultats concrets furent vains, mais permirent au moins de porter l’attention sur ces thématiques. En plus des nombreux changements législatifs, beaucoup de femmes qui tenaient de hautes positions furent renvoyées de leurs postes, comme Shirin Ebadi qui était juge. Et ainsi, tout espoir de faire carrière dans les hautes sphères fut réduit à néant pour les femmes.

149 Concernant les droits politiques accordés aux femmes, certains droits furent néanmoins conservés : ainsi le principe démocratique de participation comme inscrit dans l’art 3 et 8 de la Constitution qui stipule notamment « la participation de toutes les personnes (femmes et hommes) dans la détermination de leur avenir politique, économique, social et culturel ».

La plupart des lois domestiques de l’époque étaient conformes aux lois internationales, notamment à la convention d’élimination de discrimination de la femme (1979, UN - que l’Iran n’a d’ailleurs toujours pas ratifiée), mais le problème résidait dans l’implémentation. Par exemple, concernant la participation politique, les conditions d’accès au conseil des experts sont la piété religieuse, le respect du code moral ainsi que la compréhension suffisante des questions religieuses. Au niveau législatif, ce n’est donc pas une inégalité basée sur le genre. Pourtant, dans la pratique, depuis l’institutionnalisation de cet organe de décision, une seule femme sur les 72 membres en a fait partie. Par ailleurs, la seule loi discriminant explicitement la femme est celle qui régit les postes de leader suprême ainsi que de président dont la condition nécessaire est d’être un homme. Une conséquence possible de cette loi serait la probable extension de cette interdiction à tous les postes à hautes responsabilités. Une autre forme de discrimination résidait dans le domaine du pouvoir judiciaire où les limitations religieuses empêchaient que les femmes atteignent des fonctions sensibles notamment la place de juge alors qu’au niveau de la loi, les conditions sont non contraignantes. Concernant le gouvernement, vu que beaucoup de négociations se déroulent dans l’espace privé, ceci engendrait un obstacle pour la participation des femmes. En effet, elles n'avaient pas le droit de participer à des conciliabules remplis d’hommes, car cela entrerait en conflit avec la pensée plus traditionnelle.

Enfin, la nouvelle loi islamique ne déclarait pas directement l’inégalité entre les hommes et les femmes, mais plutôt une série de différences. Ainsi les femmes sont considérées comme ayant un caractère physique plus faible, une plus grande sensibilité ainsi que la responsabilité de tenir le rôle de mère. Ces différences impliquent dans la pratique une inégalité. En public pourtant, aucun officiel ne prit position contre la femme. La considération islamique ainsi que le silence des officiels démontrent toute l’importance des femmes d’être leur propre porte- parole.

Cette exploration de la situation après l’instauration de la république islamique démontre que les deux obstacles à l’égalité sont la culture paternaliste et la religion qui perpétuent une tradition contre celle-ci. Cependant, la religion basée sur les mots de Dieu est largement

150 utilisée dans l’implémentation des lois et la possibilité d’interprétation donne une possibilité de flexibilité en cas de changement social.

L’investissement durant la révolution a finalement permis de convaincre que les femmes constituaient une force politique décisive et qu’elles ne pouvaient plus être ignorées ni dans les prises de décisions ni dans les contenus des lois. De plus, la guerre avec l’Irak a également montré l’engagement politique féminin ce qui a eu des conséquences positives en les montrant comme des personnes avec des droits propres. En général, à l’époque, on remarquait une certaine présence féminine dans presque tous les domaines (universitaire, dans le management ou dans les Majlis, les assemblées législatives). Néanmoins, du point de vue des statistiques, ces chiffres restaient assez faibles. Les domaines de la presse, la littérature et des arts restaient assez ouverts aux femmes où elles en profitaient d’ailleurs pour exprimer leur désespoir à propos de leur condition.

f. Période postrévolutionnaire

Après la mort de Khomeini en 1989 et suite à la guerre avec l’Irak durant laquelle les femmes s’étaient investies, une ouverture se crée dans la réflexion à propos des droits des femmes. De plus, les divergences religieuses concernant les revendications féminines se sont effacées pour laisser place à une collaboration et une voix unie. Ainsi, deux ans plus tard, le Bureau des affaires des femmes fut créé. Celui-ci œuvre pour un accès plus répandu à certains domaines universitaires et professionnels. Désormais, les femmes peuvent devenir enseignante, médecin, pharmacienne… Et en 1996, la toute première vice-ministre (de la santé publique) fut nommée. Toutefois, les postes de magistrature ou secours civils leur étaient toujours inaccessibles.

Une nouvelle ère de liberté fut annoncée après l’élection du président Mohammad Khatami en 1997. Il fut largement soutenu par la gent féminine et développa notamment le Centre des Affaires de la participation des femmes dont l’objectif était la défense et l’organisation des droits des femmes. Cette avancée fut néanmoins contrebalancée par le conseil des gardiens, organe du pouvoir qui n’autorisa que les femmes conservatrices à siéger au Parlement. Ceci renforça la pensée traditionaliste partagée par la majorité des hommes siégeant et empêcha toute avancée au niveau législatif.

151 3. Situation actuelle

La position de la femme actuellement balance entre pensée traditionaliste et envie de progressisme. Il existe désormais à travers le pays un certain nombre d’organismes luttant pour l’égalité des sexes dans tous les domaines de la vie sociale notamment : le centre de la participation des femmes, le conseil culturel et social des femmes, et le bureau général pour les questions des femmes et des questions judiciaires.

Malgré ces avancées, une certaine proportion de la population féminine ayant intégré les normes paternalistes s’y conforme. Ainsi une jeune étudiante nous a déclaré « qu’en tant que femme, elle était trop sensible pour devenir diplomate, et que ce rôle ne lui convenait pas ». À l’inverse, d’autres profitent de l’éducation comme une manière de faire entendre leurs voix. Malgré des restrictions législatives, la présence féminine dans la vie publique reste massive même une fois la nuit tombée.

La situation actuelle se caractérise ainsi par un certain nombre de paradoxes et sera explorée à travers les droits, devoirs et contraintes, le rapport récent d’Amnesty (2016-2017) et finalement l’activisme féminin.

a. Droits, devoirs et contraintes

La république islamique d’Iran est soumise aux lois islamiques provenant du Coran et ceci a un impact direct sur la législation ainsi que des répercussions dans la vie publique.

i. Conception dans la loi coranique et rites religieux

Le Coran mentionne l’existence de différences entre les hommes et les femmes, ceci concernant leurs droits et leurs responsabilités. La nuance est à souligner en effet, c’est bien le terme « différent » et non « inégal » qui est utilisé. La responsabilité principale de l’homme est d’assurer la sécurité financière de la famille. Il en découle une déconsidération des droits octroyés à la femme vu le rôle prédominant de l’homme, qui veille et protège sa femme et sa famille. Ceci pousse également à empêcher les femmes d’allaiter leurs nouveau-nés, car l’homme doit subvenir aux besoins de ses enfants. De plus, la femme est soumise à son mari et, dès lors, celui-ci doit donner son accord si elle veut voyager ou étudier à l’étranger.

Concernant les rites religieux islamiques, les femmes sont séparées des hommes dans les

152 mosquées ainsi que dans les mossalahs (lieux de rassemblement pour la prière du vendredi). Parfois même une séparation physique comme une balustrade empêche tout contact visuel entre les sexes. Les anciennes mosquées avaient d’ailleurs construit des passages cachés pour permettre aux femmes de poser des questions à l’imam sans se montrer et sans être vues.

Par ailleurs, la position d’ayatollah n’est pas restreinte aux hommes aux yeux de la loi et pourtant dans la pratique cela serait impensable. Ceci parce que le travail pour devenir ayatollah requiert énormément de sacrifices et d’études intellectuelles, ce qui s’apparente davantage à une tâche d’homme d’après la pensée des religieux traditionalistes.

ii. Sustème judiciaire

Comme évoqué précédemment, le système judiciaire islamique est jalonné de discriminations envers les femmes. Ainsi, celles-ci sont considérées comme valant la moitié d’un homme. Ceci a de nombreuses conséquences au niveau de l’application de la loi. Il faut par exemple, le témoignage de deux femmes pour contrebalancer celui d’un seul homme. Par ailleurs, le dédommagement qu’une femme obtiendra ne pourra excéder la moitié de celui qui serait accordé à un homme dans les mêmes circonstances. De même, un châtiment sera reconsidéré en fonction du statut inférieur de la femme.

De plus, une femme n’a pas le droit d’accéder à un poste de juge. Cette décision est justifiée par les religieux soit par un manque de capacités intellectuelles soit par une trop grande sensibilité féminine qui affecterait et empêcherait tout jugement impartial. Finalement, quoiqu’une femme adulte ne puisse dans certains cas décider pour elle-même, c’est déjà à partir de neuf ans (contre 15 pour les garçons) qu’une fille est responsable juridiquement.

Enfin, un autre exemple de discrimination était le droit accordé aux hommes emprisonnés de pouvoir téléphoner une fois par semaine à leurs proches, droit qui était refusé aux femmes. Mohammadi Narguesse, une journaliste militante profita de son passage récent en prison pour protester et organiser une campagne pour la défense des mères prisonnières qui aboutit à l’obtention de ce droit.

153 iii. Droit de la famille

Le code de la famille est celui qui a le plus évolué au fil des révolutions. Actuellement, celui- ci affirme l’infériorisation de la femme tant dans le domaine du divorce que dans celui de la liberté sexuelle.

Malgré des principes fondés sur le patriarcat et donc sur la nécessité de la femme de s’occuper des enfants, en cas de divorce, les enfants à partir de neuf ans d’âge seront sous la responsabilité de leur père. De plus, les conditions de divorce sont plus souples pour un homme que pour une femme.

Concernant la liberté sexuelle, la religion chiite autorise la polygamie, et ce jusqu’à quatre femmes, à condition que celles-ci soient traitées de manière égale. Il faut également noter la pratique du « sigheh », le mariage temporaire qui légalise les unions extra-conjugales. Beaucoup d’Iraniens et surtout d’Iraniennes considèrent cette pratique comme une sorte de prostitution légalisée et d’hypocrisie sous couvert de la religion. Pour la femme, les rapports sexuels hors mariage sont interdits et l’adultère est réprimé par la lapidation.

Depuis la présidence de Rohani pourtant déclaré modéré, certaines lois aberrantes du point de vue des droits des femmes ont été adoptées. L’une a particulièrement suscité l’indignation générale, car elle légalise le mariage entre un père et sa fille adoptive. Selon les défenseurs des droits humains, cette loi légalise donc la pédophilie et normalise ce crime.

iv. Loisirs

Les loisirs de la femme sont également régis par les lois. Par exemple, certaines mesures interdisent aux femmes de se produire seules sur scène, elles doivent être obligatoirement accompagnées d’un chanteur masculin et feront donc plutôt partie d’un chœur. Elles ne peuvent pas non plus chanter ou danser dans un espace mixte. Le ministère de la Culture et de l’Orientation islamique veille au respect de ces normes. Certaines personnes ayant participé à des soirées « dansantes mixtes » ont été condamnées à des peines de flagellation comme le rapporte Amnesty International.

La pratique du sport est également réglementée : les femmes ne peuvent pas pratiquer de sport dans les lieux publics, ni participer à des compétitions mixtes internationales ou nationales sauf dans certaines disciplines particulières (équitation, ski, tir, échecs); ceci

154 uniquement parce que les vêtements spécifiques sont bien conformes aux normes islamiques.

v. Transports

Une femme iranienne a le droit de conduire et certains services de taxi se sont d’ailleurs développés dans ce sens ; les "women taxis" sont conduits par des femmes et les passagères acceptées sont uniquement des femmes. Elles ne peuvent pourtant pas conduire un scooter, mais sont autorisées de rouler derrière leur homme. Les raisons invoquées sont la sécurité, car cela serait trop dangereux pour elles. Pourtant, le port du casque n’est pas obligatoire à Téhéran et les accidents sont nombreux. L'argument de sécurité reste donc discutable. La pratique du vélo est également sujet de controverse. En effet, la pratique est prohibée, car d’après le guide suprême Khamenei cela « attire souvent l’attention des hommes et pousse la société vers la corruption morale et la débauche ». L’interdiction de rouler à vélo en plus d’être un empêchement d’une pratique sportive saine est aussi dommageable écologiquement. Cette fatwa tombe d’ailleurs à un moment inopportun où la ville de Téhéran a investi dans plus de 280 km de pistes cyclables pour encourager l’usage de la bicyclette comme une manière de lutter contre la pollution. D’ailleurs, depuis l’interdiction de rouler à vélo, certaines femmes en signe de contestation roulent tout de même à travers les villes et postent des vidéos de ces actes sur les réseaux sociaux. Le droit de pouvoir rouler à vélo a été un combat mené à travers le monde comme en témoignent les paroles de Susan B. Anthony, militante des droits des femmes, qui en 1896 déclarait : “La bicyclette a fait plus pour l'émancipation des femmes que n'importe quelle chose au monde. Je persiste et je me réjouis chaque fois que je vois une femme à vélo.”

155 b. Rapport d’Amnesty 2016-2017

En plus de souligner de nombreuses atteintes aux droits de l’Homme en général, le rapport récent (2016-2017) d’Amnesty pointe des manquements touchant plus particulièrement aux droits des femmes. Il faut également souligner que le gouvernement iranien refusa au rapporteur spécial du conseil des droits de l’homme l’autorisation de se rendre dans le pays.

Le gouvernement assimile la plupart des activités en lien avec le féminisme et la défense des droits des femmes à une activité criminelle et essaye donc de les réprimer. Concernant par exemple la liberté d’expression, le magazine Zanan-e Emrooz, spécialisé dans les droits des femmes, a été contraint d’interrompre sa publication. Des militantes ont subi des interrogatoires prolongés, des mauvais traitements alors que d’autres ont été emprisonnées arbitrairement, ont subis des procès inéquitables et ont été condamnées à la peine de mort. Tant au niveau législatif que dans la pratique, les femmes restent discriminées. Les domaines concernés sont surtout le divorce, l’emploi, l’héritage et l’accès aux fonctions politiques. Une discrimination existe également au niveau de l’âge de la responsabilité pénale : les filles le sont considérées à l’âge de 9 ans, contrairement aux garçons qui le sont vers 15 ans.

D’ailleurs, les violences liées au mariage précoce et forcé au viol conjugal restent impunies et ne sont pas condamnées par la loi. Ceci malgré que la vice-présidente chargée des femmes et des affaires familiales ait depuis 2012 proposé un avant-projet de loi concernant ces matières. De plus, le port obligatoire du voile est également une entrave à l’égalité homme-femme et à la liberté d’expression et de conviction. Ce motif reste d’ailleurs un prétexte de violences et de peines d’emprisonnement. Toutes ces entraves à la liberté et ces non-respects des droits égalitaires poussent de nombreuses femmes à s’engager dans l’activisme féminin.

c. Activisme féminin

Les droits des femmes restent au cœur des débats et des préoccupations. Pourtant, dans la pratique, assez peu d’avancées concrètes sont réalisées. Ainsi l’actuel président réélu, Hassan Rohani, avait durant sa première campagne en 2013, beaucoup évoqué l’égalité homme- femme. Il avait notamment promis un ministère des Droits des femmes qui n’est à ce jour toujours pas mis en place. Comme preuve de bonne volonté, il a tout de même nommé trois vice-présidentes sur les onze personnes en fonction ainsi que la toute première ambassadrice qui est actuellement en poste en Malaisie. Finalement, les femmes ne s’opposent que

156 très peu de manière directe en raison aussi de leur présence limitée dans les organes de décision. De plus, protester dans la rue reste assez dangereux à cause des mesures répressives très violentes et en conséquence, assez peu de manifestations ont lieu. Le militantisme féminin en Iran se situe donc plutôt dans des à-côtés, comme la journée des femmes, l’art, le sport ou encore l’habillement.

i. Art

Durant une longue période, la femme était avant tout représentée au travers du regard des hommes. Le récent changement dû à la présence massive des femmes dans les domaines artistiques et culturels permet à la fois une nouvelle représentation de la femme et une forme d’expression plus libre. En plus de faire porter un regard nouveau sur la condition féminine, ces artistes deviennent elles-mêmes un symbole d’émancipation. Ainsi, elles se distinguent par leurs prix et récompenses, en Iran comme à l’étranger, notamment dans le domaine de la réalisation (Tahmineh Milani, Samira Makhmalbaf, Marjane Satrapi et Rakhshan Bani- Etemad), du cinéma (Leila Hatami, Hedieh Tehrani, Taraneh Allidousti et Azita Hajina), de la photographie (Shadafarin Ghadirian), de la peinture (Ghazaleh Akhavan Zandjani) ou encore des arts plastiques (Negar Assari-Samimi et Pantea Rahmani).

Leila Hatami, en tant que membre du jury à Cannes en mai dernier, a d’ailleurs engendré une polémique après avoir fait la bise à Gilles Jacob, le président du festival. Ce geste a suscité la réaction des autorités iraniennes notamment de Hossein Noushababi qui a déclaré « « Celles qui participent à des événements internationaux devraient prendre en compte la crédibilité et la chasteté des Iraniens afin de ne pas montrer une mauvaise image des Iraniennes ». En effet, d’après la loi islamique, tout contact physique entre une femme et un homme étranger à sa famille est interdit. Ces vives réactions ont poussé Leila Hatami à écrire une lettre d’excuse à l’Organisation du cinéma iranien.

157 West by East #1 – 2004 – Shadi Ghadirian http://shadighadirian.com/index.php?do=photogra phy&id=15#item-1

Like everyday – 2000- Shadi Ghadirian https://collabcubed.files.wordpress.com/2014/0 5/shadi-ghadirian_like-every- day_contemporary-iranian- photography_multi_collabcubed.jpg?w=700

158 ii. Sport

Le sport reste un domaine de discrimination notamment à cause des contraintes vestimentaires. D’ailleurs, sous la , il existe une certaine défiance des activités corporelles, car elles mettent d’une certaine manière en cause les principes islamiques les plus rigoristes. Ainsi, la fédération générale des sports a interdit un certain nombre d’activités sportives aux femmes. Elles ne peuvent plus, par exemple, pratiquer la Zumba dans les centres de fitness pourtant réservés à un public féminin. La raison invoquée est l’interdiction de la danse et la Zumba en serait une certaine forme. Noora Naraghi est un bel exemple d’activisme féminin dans le domaine sportif car elle a lutté pour pouvoir participer à des compétitions internationales de motocross. Pour elle, c’est “la preuve que les Iraniennes peuvent faire reculer les restrictions politiques et sociales”. Cette autorisation contraste avec l’interdiction de pouvoir conduire une moto en ville. Depuis, les autorités ont construit une piste réservée aux femmes dans un circuit situé en dehors de Téhéran. L’entrée des stades sportifs est également interdite aux femmes iraniennes. Elles ont d’ailleurs profité des grandes foules rassemblées dans les rues, venues célébrer la qualification à la coupe du monde pour manifester à cet égard, en tenant des banderoles “ L’entrée au stade Azadi est mon droit”. De plus, les femmes ne peuvent à priori pas assister au Zurkaneh, qui est le sport traditionnel. Le guide Petit Futé (2017) mentionne qu’une exception est faite pour les touristes. Pourtant, lorsque nous y avons assisté, des femmes iraniennes étaient présentes également.

iii. Journée internationale de la femme

En Iran, deux journées de la femme sont célébrées. La première, le 16 décembre, est plutôt soutenu par le régime, car elle commémore le jour de la naissance de Fatemeh, la fille du prophète, et symbolise ainsi le rôle social de la femme en tant que mère. Les militantes des droits de la femme célèbrent, quant à elles, la journée internationale des droits de la femme le 8 mars. C’est Shirin Ebadi, avocate militante et prix Nobel de la paix, qui est à l’origine de la célébration de cette journée. Célébrer cette fête est interdit par le régime qui la considère comme une coutume occidentale et devient donc un symbole de contestation. En 2006, de nombreuses femmes se sont rassemblées dans les rues de Téhéran pour revendiquer la fin des discriminations sexuelles. Cette manifestation a donné lieu à une répression violente.

159 4. Contrôle de la femme à travers les réglementations vestimentaires

En Iran, les différents pouvoirs successifs ont à leur manière, maintenu un certain contrôle sur les libertés de la femme à travers des restrictions et obligations vestimentaires. C’est encore très frappant à l’heure actuelle où même les personnes étrangères sont soumises notamment au port obligatoire du hijab. Dès l’arrivée dans l’espace aérien iranien, une annonce rappelle l’obligation du port du voile qui est inscrit dans la loi. L’habillement, qui peut pourtant paraître une préoccupation secondaire, a pourtant eu de nombreuses conséquences dans des domaines touchant à la vie publique et privée des femmes iraniennes. Un survol historique permettra de mieux appréhender les différentes réglementations et leurs incidences multiples.

Vers la moitié du 19e siècle, Taj Saltaneh, la fille du Shah de l’époque relatait les conditions inacceptables de la femme iranienne et notamment le port obligatoire du voile ainsi que les codes vestimentaires qui étaient, pour elle, des entraves à la participation au progrès. D’autres modernistes considéraient aussi le voile comme une barrière à l’affranchissement des femmes et un symbole d’arriération. Cette position n’était pas partagée de tous. En effet, certains modernistes n’y étaient pas opposés.

En 1936, Rezah Shah abolit le port du voile et ce fut la réforme la plus controversée. Une police des mœurs fut déployée à l’époque pour vérifier le respect de la loi. Actuellement, une police des mœurs patrouille aussi, mais pour faire respecter l’obligation du port du voile. Concernant les tenues vestimentaires, le tchador a été rendu illégal et les femmes étaient incitées à s’habiller de manière plus occidentale. Ce changement brutal et trop rapide eut aussi des conséquences néfastes sur la liberté des femmes. Ainsi, certaines plus conservatrices n’osèrent plus sortir de chez elles trop honteuses de sortir sans le voile et inquiétées d’être poursuivies si elles sortaient couvertes.

La révolution islamique de 1979 réinstaura le port obligatoire du voile. D’ailleurs durant celle-ci, certaines femmes se couvrirent de foulards en vue de créer une entente cordiale avec la masse de femmes voilées ainsi que d’éviter des conflits dans les stades précoces encore sensibles de la révolution. Ce comportement conciliant a par la suite été interprété comme l’acceptation unanime d’une dimension idéologique. Une conséquence positive notable de l’obligation du port du voile vu l’accès massif à l’éducation. En effet, beaucoup de familles

160 traditionnelles furent rassurées d’envoyer leurs filles à l’école ainsi couverte et donc plus protégées. Le taux d’éducation et d’alphabétisation augmenta ainsi durant la période postrévolutionnaire.

La position de l’imam Khomeini à propos des tenues vestimentaires imposées à la femme fut à l’opposé de Rezah Shah qui imposait des tenues occidentales. D’après le guide suprême, suivre la mode occidentale, toujours changeante, en plus de pousser à la consommation diminue l’estime de soi. Les tendances occidentales prônent, d’après lui, une société où l’apparence détermine la valeur. En conséquence, la femme qui copiait le mieux le style occidental recevait le plus d’admiration de ses consœurs et ceci poussait à une course au matériel et au superficiel. Ce système de valeur basé sur le matériel était une entrave à l’indépendance. C’est pourquoi il préférait imposer une tenue modeste, le tchador, qui ne détournait pas et empêchait toute séduction.

Depuis, l’ouverture à l’extérieur après l’accord nucléaire a engendré une recrudescence de la police des mœurs dans les rues de Téhéran. Ceux-ci restent à l’affût pour sanctionner un mauvais hijab : un foulard qui dévoile trop de cheveux ou un excès de maquillage trop visible. Chaque saison, les femmes se voient contraintes de respecter de nouvelles directives : par exemple, l’interdiction du port de bottes sur un pantalon ou encore de leggings. À noter que les lieux de cultes des autres religions sont considérés comme des endroits privés et le port du voile n’y est dès lors plus obligatoire. Il en va de même pour certains cafés où la limite entre privé et public est très ténue.

Actuellement, dans les postes officiels, les femmes doivent porter le tchador qui reste, par exemple la tenue obligatoire pour siéger dans une cour de justice. Le port du tchador n’est pas obligatoire dans les mosquées ou lieux de culte exceptés quelques endroits notamment dans le sanctuaire de Fatima Masoumeh à Qom.

161 Femme au sanctuaire de Fatima Masoumeh à Qom – Photographie d’Elisabeth Nagy

L’habillement reste une manière de douce protestation. En effet, la loi existe, mais les limites de l’application sont à l’appréciation de chacune ce qui engendre une forme de souplesse. Les femmes jouent donc un constant jeu d’équilibre entre le respect et la limite de l’acceptable. Et c’est pourquoi fleurissent des manteaux plus courts, plus colorés, plus serrant au profit des anciens tchadors qui restent omniprésents surtout en dehors de Téhéran. Il reste évidemment encore impensable de tenter de se promener dans la rue avec des manches courtes ou sans le voile. Cependant, il existe une grande différence entre vie publique et vie privée. En effet, ces contraintes ne s’appliquent pas dans le cadre privé et, dès lors, les femmes s’habillent comme elles l’entendent dès qu’elles poussent le pas de leur porte.

Les réseaux sociaux sont aussi considérés par les jeunes comme un espace privé, car les sites comme Instagram sont assez peu contrôlés. Ainsi, sur la page Instagram “Rich kids of Téhéran” suivies par plus de 100.000 personnes, des jeunes filles se dévoilent sur certaines photos et s’affichent avec des tenues moulantes, courtes et pouvant être jugées comme indécentes d’après les lois islamiques en vigueur.

162 Exemple de tenue jugée indécente d’après les lois islamiques.

Source : https://www.instagram.com/p/BJU0DZsB kDO/?hl=fr&taken- by=therichkidsoftehran

Pourtant le gouvernement n’est pas dupe comme le rappelle le rapport récent d’Amnesty qui souligne que des gardiens de la révolution ont bloqué plusieurs centaines de comptes Télégram et Instagram. Ils ont d’ailleurs soumis à interrogatoire des stylistes et employés de boutiques de modes jugés comme « menaçants pour la sécurité morale ». Ensuite, une nouvelle forme de contestation qui a démarré après la réélection du président Hassan Rohani et qui s’est propagée grâce aux réseaux sociaux par le hashtag #whitewednesdays, consiste à se couvrir d’un voile blanc chaque mercredi. Cette parade permet de concilier protestation et respect de la loi.

En ce qui concerne le domaine du sport, sa pratique est rendue difficile pour les femmes à cause du port d’une tenue islamique qui complique la plupart des mouvements. Effectivement, elles doivent respecter les codes vestimentaires stricts de la République islamique, notamment se couvrir entièrement le corps et porter un voile. Malgré ces contraintes, de plus en plus d’Iraniennes se servent du sport de haut niveau comme d'un tremplin pour gagner une place dans la société.

163 Finalement, les contraintes vestimentaires sont souvent perçues négativement et l’histoire de l’Iran reste caractérisée par l’obligation du port du voile. La seule période d’interdiction fut durant le règne de Rezza Shah. Elles engendrèrent néanmoins une augmentation de l’éducation dans les zones rurales durant la période postrévolutionnaire. Par la suite, elles entravèrent majoritairement la liberté des femmes notamment dans le domaine du sport et restent actuellement le signe de l’oppression des femmes. Enfin, le rôle du touriste et des étrangers dans le respect strict de ses lois reste questionnable. Ceci notamment depuis la polémique entourant les hôtesses d’Air France qui refusèrent de porter le voile à l'atterrissage. Ce mouvement a d’ailleurs été félicité sur twitter par Maryam Radjavi, dirigeante de la Résistance iranienne. Ainsi la question se pose : la touriste doit-elle participer à lever les interdits ou au contraire a-t-elle le devoir de respecter scrupuleusement les diktats religieux inscrits dans la loi ?

164 5. Focus sur Shirin Ebadi

Portrait de Shirin Ebdadi Source : http://www.grands-avocats.com/wp-content/uploads/2015/03/ebadi_portrett_1.jpg

Shirin Ebadi (1947-...), avocate iranienne, fut récompensée à de nombreuses reprises pour sa lutte pour sa lutte pour la défense des droits humains et plus particulièrement ceux des femmes. Elle reçut en 2001 le prix Rafto, puis le prix Nobel de la paix en 2003 et en 2009 le prix Manhae pour la paix. L’obtention du prix Nobel de la paix a eu une série de conséquences sur sa vie privée : confiscation de biens et notamment de la médaille et du diplôme du Nobel, gel de ses comptes bancaires, emprisonnement de proches, et elle a été contrainte à l’exil en 2009. Et c’est en ces termes que Shirine Ebadi décrit le contexte menaçant régnant dans son pays natal : « Toute personne œuvrant pour les droits de l’homme en Iran doit vivre avec la peur de sa naissance à sa mort, mais j’ai appris à surmonter ma peur».

En 1974, elle fut la première juge en Iran, poste qu'elle a dû abandonner au moment de la révolution de 1979, car cette position fut interdite aux femmes. Après cela, elle s’engagea politiquement et mobilisa par exemple l’électorat féminin durant les élections de 1997 en

165 soutenant le réformateur Mohammad Khatami. Elle devint aussi l’avocate des dissidents à côté de son poste de professeur de droit à l’université de Téhéran.

Cette militante est un modèle d’émancipation et sa notoriété lui permet d’être une porte-parole écoutée. D’après elle, c’est la culture patriarcale qui est « le plus grand adversaire des droits des femmes dans les pays orientaux ». Elle est également l’auteure de deux livres autobiographiques : La cage dorée, roman sorti en 2010, et Pour enfin être libre qui décrit de manière intime les difficultés qu’a subies son couple à cause du régime iranien.

166 6. Conclusion

Le parcours des droits et des libertés des femmes en Iran, aux vues de ses avancées et reculs à travers l’histoire, peut se conceptualiser à travers l’image d’un accordéon. Tantôt opprimées, tantôt soutenues, les femmes iraniennes n’ont eu de cesse d’avoir un rôle actif et d’être leur propre porte-parole dans l’obtention de leurs droits. Lors de notre rencontre à Qom, la capitale religieuse du pays, l’ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, a d’ailleurs souligné que « … la plus grande partie se trouve entre les mains des femmes et elles peuvent exercer ce pouvoir en s’exprimant et en devant plus actives notamment en étudiant à l’université. C’est par leur implication qu’elles peuvent devenir des modèles… ». Comme partout ailleurs, le combat pour la reconnaissance et l’amélioration du droit des femmes reste un processus qui est en marche.

167 7. Bibliographie

Chafiq S., Les femmes en Iran : enjeux et perspective, Géostratégiques n°10, Décembre 2005

Kar M., Women’s Political rights in Iran since the Revolution, The Iranian journal of international affairs, Vol VII, No 3, Fall 1995, Tehran

Le petit futé, Iran. (2017). Paris : Nouvelles éditions de l’Université

Lonely Planet, Iran. (2012). Paris : Lonely Planet, Place des éditeurs

http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/en-iran-les-etudes-c-est-pour-les- 121631 https://www.amnesty.org/fr/countries/middle-east-and-north-africa/iran/report-iran/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_femmes_en_Iran http://www.huffingtonpost.fr/leila-alikarami/egalite-hommes-femmes-iran_b_8284606.html http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/05/31/97001-20170531FILWWW00170-iran-des- femmes-sans-voile-a-la-television.php http://www.liberation.fr/planete/2016/09/22/en-iran-les-femmes-interdites-de-se-mettre-en- selle_1504129 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/05/19/la-bise-d-une-actrice-iranienne-a- cannes-critiquee-par-le-gouvernement-de-son-pays_4420988_3218.html

168 169 170 Le role de l’Iran au Moyen Orient et ses relations avec les pays voisins

Zakaria El Mokhtari

171 172 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 173

1. LE RÔLE DE L’IRAN AU MOYEN-ORIENT ...... 174

1.1. INTRODUCTION ...... 174

1.2. L’IRAN, UN CONTEXTE PARTICULIER ...... 175 1.2.1. Aspect culturel/religieux ...... 175 1.2.2. Aspect politico-économique ...... 176

1.3. L’IRAN, UN AOUT MAJEUR DE STABILITÉ DANS LA RÉGION ?...... 177 1.3.1. Une puissance régionale sur plusieurs plans...... 177 1.3.2. Tensions dans la région ...... 180

2. RELATION POLITIQUE ÉTRANGÈRE...... 181

2.1. INTRODUCTION ...... 181

2.2. LES RELATIONS ENTRE L’IRAN ET L’IRAK...... 181

2.3. LES RELATIONS ENTRE L’IRAN ET ISRAËL...... 182

2.4. LES RELATIONS ENTRE L’IRAN ET L’ARABIE SAOUDITE ...... 183

2.5. LES RELATIONS ENTRE L’IRAN ET L’AFGHANISTAN ...... 185

3. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 187

173 1. Le rôle de l’Iran au Moyen-Orient

1.1. Introduction

L’Iran, du fait de sa position géographique particulière, s’inscrit dans un contexte culturel, politique et économique particulier.

Sa situation au Moyen-Orient en témoigne à suffisance et l’on comprendra pourquoi il joue un rôle majeur dans la région.

Acteur intournable sur la scène internationale, l’Iran a dû faire face et fait encore face à des situations empreintes de tensions d’instabilité quasi propre à la région dans laquelle il s’insère. A titre d’exemple, on ne dénombrera pas assez les nombreux défis en matière économique qui se présentent à lui. A cet égard, on songe à l’embargo qu’a subi le pays pendant de nombreuses années au point que les Iraniens même s’en étaient accommodés.

Toutefois, l’investiture du président des Etas Unis, à savoir Donald Trump, a refait surgir de fortes craintes à l’égard de la République Islamique Iranienne, son administration ayant pris la décision en mai dernier de sortir l'accord nucléaire avec l'Iran et de réinstaurer un embargo pour de nouveau isoler ce pays1 (Cf. Chapitre I. Section III).

On comprend dès lors les défis titanesques auxquelles l’Iran est confrontée, pourtant deuxième puissance économique au Moyen-Orient, faisant de lui le grand rival de l’Arabie Saoudite.

Eu égard à un contexte spécifique, l’analyse de la question importe d’avoir une grille de lecture propre à la place que l’Iran occupe dans la région. Pour illustrer ce propos, on ne saurait penser la question de la politique Iranienne en faisant fi notamment du contexte culturel, où l’Iran fait partie de ces nombreux pays au Moyen-Orient qui comporte une population à très grande majorité musulmane, de courant chiite.

1 https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-182679-embargo-des-etats-unis-sur-liran-un-acte-de-guerre- php

174 1.2. L’Iran, un contexte particulier

1.2.1 Aspect culturel/religieux

Riche d’une culture ancestrale, l’Iran porte en elle l’héritage de la mythologie persane vieille de bientôt plus de mille ans. La langue, l’architecture, la littérature, la poésie et autant d’autres domaines sont imbibés de cette culture.

C’est à cela que l’on doit d’ailleurs les magnifiques vers provenant d’un des plus célèbres poètes mystiques persan : Djalâl ad-Dîn Rûmî !

Pour comprendre les différentes évolutions et les interactions qui font de l’Iran un pays à part entière, attardons-nous sur une chose essentielle : sa population.

L’Iran a selon les récents recensements, une population avoisinant les 76 923 300 habitants 2. La position géographique particulière de l'Iran, sa démographie et sa situation économique en font à la fois un pays d'origine, de transit et de destinations pour les migrants 3. Bien que le pays accueille une des plus grandes populations de réfugiés au monde, il est aussi un pays d'émigration.

En plus d’être une terre d’accueil pour les pays où la guerre civile, les attentats terroristes font partie du quotidien da la population locale (on songe notamment à la Syrie ou encore à l’Afghanistan, limitrophe à l’Iran), l’Iran doit aussi composer avec les nombreuses minorités 4 qui compose le pays.

89 % de sa population est de confession musulmane et partage l’islam chiite duodécimain faisant ainsi d’elle la religion officielle de la République Islamique. Ce faisant, l’Iran est, avec l'Azerbaïdjan, l'Irak et Bahreïn, un des seuls pays du monde musulman à avoir plus de la moitié de sa population majoritairement chiite. Les sunnites, majoritaire dans le reste du monde ne représentent par contre que 9%.

2 https://population.un.org/wpp/ 3 http://www.iom.int/countries/iran 4 Les autres minorités incluent les juifs, les baha’is, les chrétiens, les zoroastriens, les sabéens (ou mandéens) ou d’autres.

175 1.2.2. Aspect politico-économique

Outre la spécifié du régime en place, l’aspect politique de la question sera abordé selon une autre approche bien spécifique : comment politiquement, l’Iran peut faire jouer son influence dans la région.

A ce titre, un bref retour en arrière permet de situer les marges de manœuvres d’un pays que l’on penserait isoler économiquement.

Brièvement, l’OPEAP est une organisation internationale inter-gouvernementale fondée en 1968 qui trouve son siège au Koweït. Elle a pour but de coordonner les politiques énergétiques des pays arabes dans le but de promouvoir leur développement économique. En octobre 1973, durant la guerre de Kippour, le Koweït organise des réunions avec la ligue arabe et l’OPEP (dont l’Iran fait partie) et décide de réduire sa production de pétrole de 5 % par mois « jusqu'à ce que les forces israéliennes soient complètement évacuées de tous les territoires arabes occupés lors de la guerre de 1967 » 5. On parlera dans la décennie qui suivra du premier choc pétrolier tant les effets des mesures prises par l’OPEAP ont été retentissantes dans le reste du monde.

Membre de l’OPEP et crée à l’initiative du Chah d’Iran en 1960, elle affirme donc sa place de négociateur dans l’échiquier régionale. Bien entendu, si nous nous basons sur le PIB, il faut reconnaître que l’Iran est la deuxième économie de la région du Moyen-Orient mais également de l’Afrique du Nord avec 412,2 milliards de dollars en 2016 après l’Arabie Saoudite. Avec un poids démographique de plus de 80 millions d’habitants en 2016, des ressources pétrolières et gazières mais aussi sa situation géographique, ce pays représente un élément clé de la région. En 2017, l’Iran était d’ailleurs classé 4ème plus gros producteurs de pétrole dans le monde. C’est dire le point qu’il occupe dans les négociations.

Comme déjà répété plus haut, l’Iran apparait comme un acteur incontournable dans la région, et ceci, l’Union Européenne l’a très vite compris en usant des moyens juridiques pour lever l’embargo qui pesait sur l’Iran. A l’époque même où le Président Donald Trump décidait de sortir de l’accord Iranien et de lui imposer comme sanction l’embargo, l’Union Européenne par l’entremise de la commission et de son Président ont usé d’un mécanisme qui a permis de protéger les entreprises européennes sur le sol iranien. Ainsi, à Sofia en mai dernier, Jean

5 De André Giraud, Xavier Boy de La Tour : Géopolitique du pétrole et du gaz, p. 244.

176 Clause Juncker tenait les propos suivants: “The European Commission will launch on Friday the process of activating a law that bans European companies from complying with U.S. sanctions against Iran and does not recognise any court rulings that enforce American penalties”.6

1.3. L’Iran, un aout majeur de stabilité dans la région ?

1.3.1. Une puissance régionale sur plusieurs plans

Il est important de revenir quelques années en arrière afin d’élaborer une analyse d’actualité concernant le rôle géostratégique, économique et politique de l’Iran dans la région moyenoriental et de comprendre au mieux les enjeux énormes dans la région.

En effet, au 20ème siècle l’Iran comme la Turquie ont été deux pays clés de la région dans les stratégies des nations une fois que la victoire du communisme en Russie ait eu lieu. Suite à la Première Guerre mondiale, l’Angleterre a tenté d’utiliser ces deux pays pour faire rempart au bloc soviétique. Le plan de l’Angleterre fut d’instaurer des régimes collaborant en Turquie avec le régime d’Atatürk et en Iran avec la prise de pouvoir de la dynastie Pahlavi. L’importance stratégique de la Turquie venait du fait qu’elle contrôlait le passage de la mer Noire vers l’Europe de l’Est alors que l’Iran longeait toutes les frontières sud du territoire asiatique de la Russie, ayant également à sa portée l’Irak, la Syrie, le golfe Persique ainsi que toute l’Arabie jusqu’au canal de Suez et la péninsule indienne.

A la suite de la Seconde Guerre mondiale, l’Iran fût surnommé le « pont de la victoire » grâce notamment à sa situation stratégique. De surcroit, il est à noter que le pétrole iranien aida davantage les alliés lors de cette guerre, bien plus que lors de la première. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Iran a gardé le même rôle stratégique. Les deux blocs, de l’ouest et de l’est, se sont laissés emporter dans une rivalité encore d’actualité afin d’attirer l’Iran dans leurs camps respectifs alors que ce dernier fût plus attiré par l’Occident. Une rude compétition fût menée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne dans le but d’avoir la primauté sur l’Iran.

6 https://www.reuters.com/article/iran-nuclear-eu-response/eu-to-start-iran-sanctions-blocking-law-process- onfriday-idUSL5N1SO4W2

177 En 1951, la lutte des Iraniens se cristallisa dans le mouvement pour la nationalisation du pétrole et le pays réussit à empêcher la reconduction de la concession des ressources pétrolières et à mettre un terme à la mainmise de la compagnie British Petroleum sur ses réserves d’hydrocarbures. Il obtint, pour cela, la bénédiction des organisations internationales.

Dans cet exposé, je vais également tenter d’analyser les relations de l’Iran avec ses voisins arabes en m’appuyant sur deux périodes clés, c’est à dire depuis 1951 à nos jours : une période pré révolutionnaire et une autre période qui démarre avec la révolution islamique de1979 que j'ai nommé par période post révolutionnaire.

De nos jours, il est important de souligner que l’Iran est très présent en Irak, étant donné que ce pays instable est au cœur de la stratégie régionale iranienne. Pour le régime iranien, qui se veut être le protecteur de millions de chiites à travers le monde, la majorité chiite d’Irak constitue un levier naturel d’action chez le voisin irakien. Profitant de la guerre américaine en Irak, de la victoire de l’alliance chiite unifiée aux élections législatives, de l’éclatement de la scène politique irakienne, Téhéran excelle à jouer des divisions irakiennes.

En effet, l’invasion américaine de l’Irak a créé un gigantesque boulevard pour les ingérences iraniennes et lui a permis de disposer de plusieurs pions jusqu'au nord de l'Irak qui, elle, est à majorité kurde, après avoir infiltré notamment le groupe islamique kurde (GIK), implanté dans la région d’Halabe.

La Syrie est le seul Etat arabe à avoir entretenu des relations très étroites avec l’Iran. Depuis l'avènement de la révolution islamique de 1979, alors que la plupart des pays arabes majoritairement sunnites, se sont montrés très réservés face aux potentiels de déstabilisation grâce au charisme de Khomeiny, la Syrie et presque a apporté son soutien à la destitution du Schah. Mieux encore, la Syrie a pris fait et cause pour l’Iran

Historiquement, les fondations du programme nucléaire très controversé ont été posées dans les années 1950, sous l’égide des États-Unis, pendant le règne du Shah. La Révolution iranienne de 1979 a marqué un véritable tournant dans la coopération internationale quant au programme nucléaire du pays: les différents pays qui devaient livrer des éléments permettant l’établissement du programme se sont rétractés (États-Unis, France, Allemagne, etc.).

Cependant, le conflit contre l’Irak entre 1980 et 1988, ainsi que les tensions avec Israël, relancent la motivation de Téhéran à se doter de l’arme nucléaire à partir de 1985. Si d’un

178 point de vue du droit international, l’Iran peut avoir recours nucléaire civil, il lui est interdit de disposer d’une arme nucléaire.

En 2002, la communauté internationale soupçonne le pays de mettre en place un programme nucléaire militaire. Même si l’Iran n’était obligé de prévenir les organisations internationales de ses activités nucléaires, les tensions géopolitiques ont fortement augmenté à partir de cette date, puis ont été exacerbées entre 2005 et 2013, sous la présidence de M. Ahmadinejad. Depuis 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté un certain nombre de résolutions exigeant que l’Iran cesse d’enrichir de l’uranium à des fins de prolifération nucléaire.

En parallèle, les États-Unis et l’Union européenne ont mis en place des sanctions économiques sans précédent pour dissuader l’Iran de continuer l’enrichissement en uranium. L’Union européenne a mis en place des mesures restrictives relatives au commerce des armes, au secteur financier, au secteur des transports, au secteur pétrolier et gazier, à la pétrochimie, aux métaux précieux. Les États-Unis vont en encore plus loin en appliquant le principe de l’extraterritorialité : si une entreprise étrangère commerce avec l’Iran, elle enfreint de ce fait le régime de sanctions des États-Unis est donc également sanctionnée par les États-Unis. Ces sanctions ont fortement bridé l’économie du pays malgré un fort potentiel dans les exportations de matières premières.

En effet, entre le 28 décembre 2017 et le 1er janvier 2018, l’Iran a été en proie à des manifestations massives. Contrairement à 2009, la colère de la rue tient davantage à un malaise socio-économique qu’à des revendications purement politiques. La lutte contre la corruption, le rejet du chômage et de l’inflation, sont au cœur de la frustration des manifestants.

Après quelques années de crise, l’économie iranienne se porte mieux : après une croissance moyenne de 0,8 % entre 2010 et 2015, la croissance du PIB est passée à 3,3 % en 2017 d’après les estimations de Banque Mondiale. La levée partielle des sanctions des Nations Unies et surtout des États-Unis et de l’Union européenne en 2016 a permis à l’économie iranienne de respirer.

En proie à de très fortes tensions géopolitiques avec les puissances occidentales et du Golfe, le pays est au cœur des relations diplomatiques et économiques. L’embargo subi entre 2005 à 2016 a mis à mal le potentiel économique du pays. Aujourd’hui, si l’économie iranienne

179 semble se relever, elle reste vulnérable tant au niveau domestique qu’à l’international.

1.3.2. Tensions dans la région

Le retour sur la scène internationale et régionale ainsi que la montée en puissance de la République Islamique d’Iran sont les principales raisons de regain de tensions au sein de la région moyen orientale.

A la sortie du conflit avec l’Irak en 1990, et ce malgré l’isolement diplomatique subit, l’Iran parvient tout de même à réussir un coup de maitre sur le plan géostratégique: établir une barrière entre elle et Israël. En effet, la République Islamique développa ses relations et son influence au Liban et en Syrie, une mesure dissuasive à l’égard d’Israël qui représente pour le régime une menace. Pendant ce temps-là l’influence en Irak et en Afghanistan resta des moindres sous le régime de Sadam Hussein et la présence des . Quelques années plus tard, le voile se leva sur ces deux pays lorsque les talibans ont été délogés et le régime de Sadam Hussein réduit à néant, permettant ainsi à l’Iran d’élargir son réseau d’influence et d’accroitre sa position régionale.

Le Printemps arabe de 2011 offrit également de nouvelles opportunités d’expansion pour l’Iran qui y voyait une chance de développer des régimes beaucoup plus favorables à l’égard de la République islamique. Mais encore, la décision du président américain Barack Obama de se désengager de la région afin de se concentrer sur le pivot asiatique permit à l’Iran de considérablement augmenter son influence au sein de la région. Enfin, en 2015, l’accord sur le nucléaire ouvre des perspectives plus grandes pour la république islamique tant au niveau régional qu’au niveau international.

Qualifié de superpuissance régionale aujourd’hui, l’Iran représente dès lors une grande menace pour les principaux acteurs de la région à savoir l’oligopole composé des pétromonarchies arabes et d’Israël. De ce fait, afin de conserver leur hégémonie au Moyen- Orient il devient urgent pour les acteurs puissants régionaux d’endiguer le développement de cette Iran très conversé.

180 2. Relation politique étrangère

2.1. Introduction

Au-delà de l’argument religieux qui occupe une place non sans équivoque dans les décisions politiques étrangères, il serait imprudent de ne voir que la logique confessionnelle dans les interventions de la République Islamique. C’est pourquoi, mieux comprendre les objectifs de l’Iran dans un contexte régional aussi complexe que celui du Moyen-Orient ne peut se faire sans une analyse distincte de chacune de ses relations avec les acteurs régionaux sur place.

2.2. Les relations entre l’Iran et l’Irak

Issu d’une culture commune, la République Islamique d’Iran et son voisin l’Irak avec lequel elle partage une frontière de près de 1500km entretient une relation aujourd’hui vieille de plus de mille ans.

Alliés d’antan avec le pacte de Bagdad, cela changea avec la montée au pouvoir du parti Baas en Irak. De surcroit, en 1979, Saddam Hussein, profitant de l’instabilité qui règne en Iran suite à la révolution islamique, entre en guerre avec la République islamique et ce afin de pouvoir bénéficier des gisements pétroliers iraniens. Cependant, cela fut en vain et huit années plus tard l’Irak n’est pas parvenu à ses fins et c’est son économie qui en pâtit.

En 2003, c’est seulement lors de la chute du régime du parti Baas et le changement de gouvernement sur place que les relations s’harmonisent entre ces deux voisins régionaux. Dès lors, la République islamique se positionne comme un allié de taille dans l’après-guerre s’opposant ainsi au monde arabe sunnite. Ce fut Mahmoud Ahmadinejad qui a été le premier président à visiter l’Irak en mars 2008 et ce depuis la révolution islamique. Malgré quelques différents territoriaux entre ces deux pays en décembre 2009, les visites officielles n’en demeurent pas régulières entre les deux pays. Le premier ministre irakien a d’ailleurs visité à plusieurs reprises Téhéran depuis 2006. Lors du printemps arabe 2015 et plus précisément lors du conflit en Syrie, l’Iran et l’Irak ont tous deux fait partie de la coalition avec la Russie.

L’Iran a de plus eu un rôle majeur dans le processus de reconstruction irakien. L’Iran est un partenaire économique important pour l’Irak, elle exporte pour près de 2,3 milliards de dollars

181 de produits non-pétroliers à savoir : des matériaux de constructions, des produits médicaux, des véhicules ainsi que des produits alimentaires. En 2010, plus de 100 accords de coopération économique ont été signés entre les deux « Républiques ».

2.3. Les relations entre l’Iran et Israël

En 1948, lors de la création de l’Etat hébreu, l’Iran abrite la plus grande communauté juive du Moyen-Orient et la relation avec Israël est optimale sous le régime du Chah. L’Iran échange alors son pétrole contre des armes et technologies israélienne.

C’est en 1979 que la relation bascule entre les deux Etats, suite à la révolution Islamique le nouveau régime ne reconnait pas l’Etat d’Israël qu’il désigne plutôt comme un « occupant » ou le responsable du génocide des palestiniens. Cependant leur relation reste ambiguë, quelques liens commerciaux persistent entre les deux pays et lors de la guerre du Golfe en 1980, c’est Israël qui fournit pas moins de 1500 missiles à la République Islamique. En 1982, lorsqu’Israël décide de lancer une offensive au Liban afin de mettre à bas les attaques palestiniennes, les Gardiens de la Révolution donnent naissance au Hezbollah qui s’oppose à l’Etat hébreu. C’est dans une tentative vaine d’éradiquer le Hezbollah qu’Israël lance une seconde offensive au Liban en 2006.

L’Iran a commencé à représenter une menace existentielle pour Israël en 2000, après avoir annoncé un test fructueux de mise à disposition d’une capacité nucléaire militaire.

En 2006, l'armée israélienne lance une vaste offensive dévastatrice au Liban sans toutefois arriver à neutraliser le Hezbollah.- Les tensions ne cessent de croitre entre les deux pays avec la montée au pouvoir de Ahmadinejad, fervent défenseur de la cause palestinienne, qui multiplie les déclarations à l’égard de l’Etat hébreu et qui déclare en 2005 « Israël doit être rayé de la carte ». Lors de cette même année, Israël interpelle l’ONU ainsi que l’Agence Internationale de l’Energie Atomique afin d’empêcher la République Islamique de développer l’arme nucléaire.

Ce n’est qu’au terme de deux années de négociations que l’Iran décide de signer un accord sur son programme nucléaire avec les grandes puissances internationales en juillet 2015.

Cependant, les tensions ne baissent pas et Israël rétorque à cet accord « Israël n'est pas lié par

182 cet accord (...) car l'Iran continue à vouloir notre destruction. Nous saurons toujours nous défendre »

A partir de 2013, la Syrie devient le théâtre de la querelle entre ces deux Etats. Israël mène plusieurs raids contre des positions de l’Iran allié du régime Syrien. "Nous ne permettrons pas que la Syrie devienne une tête de pont de l'Iran" contre Israël, ne cessent de proclamer les dirigeants israéliens.

En mai dernier après avoir apporté son soutien total aux Etats Unis qui décide de se retirer de l’accord sur le nucléaire, Israël engage plusieurs attaques meurtrières en Syrie affirmant défendre sa position territoriale sur le plateau du Golan sujet à des attaques iraniennes.

2.4. Les relations entre l’Iran et l’Arabie Saoudite

L'Iran manifeste la volonté de devenir un état puissant et stable bien qu’elle affiche, d’un point de vue géographique, une position assez particulière. En effet, l’Iran est entourée d’une série d’états dont les régimes mis en place sont régulièrement perturbés par des crises ou des conflits civils qui ne font qu’accroitre une atmosphère d’instabilité dans cette partie du Moyen-Orient, ce qui ébranle de plus en plus cette volonté iranienne notamment à cause des interventions étrangères synonymes d'encerclement pour ceux-ci. A partir de 1979, l’Iran instaure un régime islamique et la question du pèlerinage à la Mecque et à Médine pose problème étant donné qu’il demeure encore et toujours des tensions entre les deux puissances respectivement chiites et sunnites, l’Iran et l’Arabie Saoudite, provoquant systématiquement à l’occasion des altercations entre pèlerins iraniens et police saoudienne.

Le conflit entre ces deux pays voisins prend ses racines dans des questions politiques, économiques mais aussi religieuses qui remontent à l’origine de l’Islam. Les relations entre l’Arabie Saoudite et l’Iran ont connu un nouveau tournant depuis que Téhéran a accusé la monarchie saoudienne, d’ignorer l’ordre religieux en s’alliant aux Américains et à Israël. Cette situation eu comme conséquence la rupture des relations diplomatiques avec la République islamique en 1988. Il est à noter que l’Arabie a toujours eu comme intérêt d’endiguer la révolution islamique. C’est d’ailleurs durant la guerre du Golfe que le Conseil de Coopération du Golfe est né avec comme membre : les Emirats Arabes Unis, le Koweit, Qatar, Bahrein, et Oman. Ce dernier fut perçu par l’Iran comme une coalition militaire visant

183 à empêcher la révolution islamique dans la région. Au-delà du conflit ancestral entre Arabes et Perses et de la compétition économique au sein de la région, se cache en réalité un enjeu bien plus grand qui dépasse les frontières du Moyen-Orient. Celui d’affirmer sa légitimité en tant que leader de toute la communauté musulmane.

A la suite de la seconde guerre du golfe, l’Iran prend conscience qu’elle devient de plus en plus écarté de la scène internationale, ce qui, aux yeux des dirigeants iraniens, serait non profitable pour les intérêts nationaux. La réinsertion du pays sur la scène internationale fut dès lors le seul moyen pour combler cette faille et cela constituera la politique iranienne de 1990 jusqu’à l’arrivée du président iranien Ahmadinejad en 2000.

Cette politique de rapprochement avec les pays voisins arabes a débuté avec le président Rafsandjani, prolongé par le président réformateur Khatami qui a tenu une politique plus ouverte que ses prédécesseurs.

Même si cette nouvelle politique a permis un arrangement dans le domaine pétrolier, notamment pour la gestion des quotas au sein de l'OPEP, celle-ci n’a pas forcément servi à trouver un accord sur le pétrole entre les différents pays, l’Iran étant toujours suspecté par ses voisins.

Cette politique de rapprochement a continué de s’émanciper à d’autres pays du Golfe, Koweït, Oman ou le Qatar et a permis de cette manière de conserver de bonnes relations. Pour preuve, l’Iran a su trouver un terrain d’entente avec Bahreïn et récemment avec l’Arabie Saoudite.

L’Iran compte pourtant tenir sa position sur plusieurs points. Premièrement, elle souhaite sa souveraineté sur les trois îles (petite et grands Tomb et Abou Moussa) qui est cependant également revendiqué par les Emirats Arabes Unis depuis 1971. Deuxièmement, le régime iranien conteste toute présence militaire étrangère à l’intérieur de son sol. Consciente de son encerclement que ce soit au sud par la prise de Bagdad ou au nord par l’influence russe et américaine, les Iraniens revendiquent leur indépendance face à l’intrusion des différentes puissances économique dans leur pays.

Avec le Pakistan, la Turquie et l’Arabie saoudite, l’Iran s’estime enfermer par ces trois puissances sunnites au Moyen-Orient.

184 2.5. Les relations entre l’Iran et l’Afghanistan

Les relations entre l’Afghanistan et l’Iran sont historiquement liées que ce soit au niveau culturel, linguistique ou géographique. Celles-ci ont été établies dans un premier temps entre le roi Mohammad Zaher Shah et la dynastie perse en 1935. Depuis, cette relation a fait face à des nombreux conflits que nous allons brièvement analyser.

Au cours du XXème siècle les relations entre l’Iran et l’Afghanistan se caractérisent par une méfiance de la part des deux pays, influencée en grande partie par la guerre froide menée entre les Etats-Unis et la Russie. L’Afghanistan faisant partie du bloc soviétique et l’Iran apportant un soutien pétrolier aux Etats-Unis, les deux pays étaient davantage des acteurs secondaires prenant part à un conflit entre grandes puissances.

Cependant, la situation bascule complètement en 1978 lors de la Révolution Islamique en Afghanistan. En dehors de la rupture des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Afghanistan, plus de 3 millions de réfugiés afghans se retrouvent accaparés dans les frontières iraniennes. En outre, la Révolution Islamique aura également comme conséquence la rupture des relations entre l’Iran et les Etats-Unis.

Ainsi, à partir de 1993, l’Afghanistan est sous le contrôle des Talibans qui se déclarent hostiles au chiisme. C’est en 2001, lors des attentats du 11 septembre, que la relation Iran- Afghanistan prend une toute autre ampleur. En dehors des condamnations, l’Iran va jusqu’à offrir son aide aux Etats-Unis dans le cadre de l’invasion militaire en Afghanistan. Cependant, cette aide est refusée par le président Bush qui condamne également l’Iran de terrorisme.

Progressivement, avec la chute des talibans, les relations commerciales entre l’Iran et l’Afghanistan reprennent même si elles font face à des nombreux défis. En effet, l’héritage laissé par la guerre de 2001 ne semble pas pouvoir faciliter le développement entre les deux pays. Diplomatiquement isolé, l’Iran n’aura guère d’autre choix que de relancer les relations bilatérales avec l’Afghanistan. C’est ainsi qu’en 2008, les exportations iraniennes vers l’Afghanistan atteignent le montant record de 800 millions de dollars.

Aujourd’hui, les relations entre ces deux pays semblent se rapprocher notamment suite à l’accord portant sur le nucléaire iranien. En effet, l’Iran ne faisant plus face aux sanctions internationales et reprenant ses activités dans l’économie mondiale pourrait représenter une grande opportunité de développement pour l’Afghanistan.

185 Dernièrement, nous assistons également à la signature d’un accord bilatéral majeur entre l’Iran et l’Afghanistan. Celui-ci prévoit d’élargir les liens commerciaux et logistiques entre les deux pays, en vue de relations économiques sur le long terme. En outre, l’Iran se présente comme étant un allié majeur pour l’Afghanistan dans la lutte contre le terrorisme, la drogue et les réfugiés.

186 3. Bibliographie / Bibliografie

Ali Rastbeen, L’Iran et les enjeux géostratégiques au XXIe siècle

Bernard Hourcade, Géopolitique de l'Iran

François Colcombet, Où va l'Iran ? : Regards croisés sur le régime et ses jeux d’influence

Mohamed Reza Djalili, L’Iran en 100 questions

Yann Richard, L'Iran au XXe siècle

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187

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188 189 190 Geopolitieke macht: olie en gas in Iran

Jan Ritzen

191 192 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 193

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 194

2. ONDERZOEKSVRAAG ...... 195

3. GEOPOLITIEKE IMPLICATIES VAN IRAANSE OLIE EN GAS ...... 196

3.1. OLIE...... 196

3.2. GAS...... 197

3.3. GEOPOLITIEKE GEVOLGEN...... 198

4. MACHTSVERHOUDINGEN ...... 199

4.1. IRAN-RUSLAND ...... 199

4.2. EUROPESE ENERGIEZEKERHEID EN IRAANS GAS ...... 200

4.3. IRAN-AZIË ...... 202

5. CONCLUSIE ...... 204

6. SAMENVATTING - SUMMARY - RÉSUMÉ...... 205

7. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 208

8. OVER DE AUTEUR ...... 210

9. SLOTWOORD ...... 211

193 1. Introduction / Inleiding

La crainte et l'espérance sont les deux ressorts les plus puissants du gouvernement. - Proverbe persan ; Proverbes et dictons persans (1822)

IRAN - Iran is de verbinding tussen Oost en West. Geografisch gelegen op de kruising van het Midden-Oosten, Centraal-Azië en Zuid-Azië, grenzend aan de Perzische Golf en de Kaspische Zee, maakt van zijn positie een belangrijke troef. De belangrijkste troef van het land is echter zijn energievoorraden. Iran bezit 10% van de wereldwijde bewezen oliereserves, 16% van de natuurlijke energiebronnen van de wereld en heeft de grootste natuurlijke gasreserve in de wereld. Kortom, door zijn centrale ligging in Eurazië en zijn rijke olie- en aardgasreserves is Iran een van de cruciale landen met betrekking tot energie geopolitiek.

GROTE ENERGIERESERVES – In het algemeen beschouwd behoort Iran tot 's werelds top drie van bewezen olie- en aardgasreserves. Het heeft 136 miljard vaten bewezen oliereserves. Met zijn 40 producerende velden en een 3,9 miljoen vaten per dag (bbl / d) productie capaciteit behoort Iran tot de top 10 van olieproducenten wereldwijd.7

Olieproductie: # vaten Land per dag

1 Rusland 10,551,497

2 Saudi-Arabië (OPEC) 10,460,710

3 Verenigde Staten 8,875,817

4 Irak (OPEC) 4,451,516

5 Iran (OPEC) 3,990,956

6 China 3,980,650

7 ABBAS MALEKI, “Energy Supply and Demand in Eurasia: Cooperation between EU and Iran”, The China and EuroAsia Forum Quarterly, Vol. 5, No 4, 2007, p. 106; Energy Information Administration, Country Analysis Briefs: Iran, October 2007.

194 7 Canada 3,662,694

8 Verenigde Arabische Emiraten (OPEC) 3,106,077

9 Kuwait (OPEC) 2,923,825

10 Brazilië 2,515,459

GROOTSTE GASRESERVES – Na de ontdekking van een groot gasveld in de Kaspische Zee (het Sardar Jangal-gasveld) in 2011, geschat op 50 biljoen kubieke voet (ongeveer 1,4 biljoen kubieke meter), is Iran naar schatting gerangschikt als eerste ter wereld met de meeste gasreserves.8 De marktwaarde van de totale aardgasreserves van Iran bedraagt dus ongeveer US $ 4 biljoen.

2. Onderzoeksvraag

De combinatie van de groeiende energievraag vanuit Azië en de zoektocht van de EU om hun aardgasleveranciers te diversifiëren, geven aanleiding tot een felle concurrentie voor de Iraanse energiebronnen. Vanuit dit perspectief bespreekt dit studierapport de mogelijkheid dat Iran, inzake energie, in de toekomst een supermacht op regionale en mondiale geopolitiek vlak wordt.

8 A. R. KARBASSI et al, “Sustainability of Energy Production and Use in Iran”, Energy Policy, Vol. 35, 2007, p. 5174.

195 3. Geopolitieke implicaties van Iraanse Olie en Gas

ENERGIEPOTENTIEEL – Sinds het begin van de twintigste eeuw zijn de grote reserves aan fossiele brandstoffen van Iran het brandpunt van regionale en wereldwijde geopolitiek. De geopolitieke situatie van een land is een van de belangrijkste determinanten van de machtspositie van staten. Toegang tot energiebronnen is een onmisbaar onderdeel van de geopolitieke overwegingen van een staat.

3.1. Olie

ISOLERING VAN IRAN – Het isoleringsbeleid dat gevoerd wordt – voornamelijk door de VS – vindt zijn oorsprong in de recente geschiedenis en heeft vooral betrekking op de controle over gas en olie. In 1951 werd de Anglo-Iraanse oliemaatschappij, die de oliereserves van het land controleerde, genationaliseerd. Als reactie hierop zette Groot-Brittannië een embargo op Iraanse olie. Samen met de Verenigde Staten wierpen ze de regering omver en richtte men in 1953 een VS-vriendelijke monarchie op, die Iran regeerde tot de Iraanse revolutie in 1979. Na de Islamitische Revolutie van 1979 voerden de opeenvolgende Iraanse regeringen beleid tegen het Westen in het algemeen en tegen de VS in het bijzonder. De VS reageerden op de Iraanse vijandigheid door een containment beleid te voeren dat gericht was op het isoleren van Iran en het verbreken van zijn banden met de internationale gemeenschap.9

ISOLERINGSTRATEGIE WERKT NIET – Dankzij de rijke energiebronnen en ondanks de inspanningen van de VS, belandde Iran niet volledig in internationaal isolement zoals voorop werd gesteld door de VS. Vanwege Amerikaanse sancties tegen Iraanse activiteiten in de regio, kan Iran zijn exploratie- en productieactiviteiten in en rond de Kaspische Zee niet vergroten. Iran is echter voortdurend op zoek naar wegen en routes om te ontsnappen aan de druk van de VS.

9 PATRICK CLAWSON en MICHAEL RUBIN, Eternal Iran: Continuity and Chaos, New York, Palgrave MacMillan, 2005, p. 58.

196 EXPORT VERGROOT – In 2012 was Iran, dat ongeveer 1,5 miljoen vaten ruwe olie per dag exporteert, de op één na grootste exporteur van de Organisatie van Olie-exporterende Landen.10 In hetzelfde jaar werden de jaarlijkse olie- en gasinkomsten van Iran in 2015 op $ 250 miljard geschat11. De industrie werd echter verstoord door een internationaal embargo van juli 2012 tot januari 2016.12

CHINA ALS ALTERNATIEF – Door deze sancties haalde Iran zijn betrekkingen met China aan. Het partnerschap tussen de twee landen is in de loop der jaren sterk verdiept. De langdurige vijandige retoriek tussen Iran en het Westen maakt van Iraanse olie een strategische troef voor China. Toegang tot Iraanse olie wordt steeds belangrijker voor China, omdat Iran toegang biedt tot oliereserves zonder concurrentie van westerse bedrijven. Ter illustratie werd in 2007 voor 7 miljard dollar Iraanse olie naar China geëxporteerd. 13

WESTERSE INVLOED BEPERKEN – Iran, aan de andere kant, is evenzeer een grote voorstander van de handel met China. Voor Iran wordt deze nauwe relatie met China, een permanent lid van de VN-Veiligheidsraad, beschouwd als een poging om de Westerse invloed op internationale acties tegen Iran in evenwicht te brengen.

3.2. Gas

GROOTSTE GASRESERVES – Iran heeft - na Rusland - de grootste aardgasreserves ter wereld, met naar schatting 974 biljoen bewezen aardgasreserves.14 Bijna 62% van de Iraanse aardgasreserves bevindt zich echter in velden die nog niet ontwikkeld zijn.15 Daarvoor zijn er buitenlandse investeringen nodig.

POTENTIËLE MACHTSPOSITIE – De offshore-velden van South Pars zijn officieel de

10 "Sanctions reduced Iran's oil exports and revenues in 2012". EIA. april 26, 2013. 11 Mehr News Agency: Iran eyes $250 billion annual revenue in 5 years december 22, 2010 12 NASSERI LADANE "Iran Won't Yield to Pressure, Foreign Minister Says; Nuclear News Awaited". Bloomberg News, 14 april 2016; E. CHUCK, (16 januari 2016). "Iran Sanctions Lifted After Watchdog Verifies Nuclear Compliance". Reuters, 14 April 2016. 13 ABBAS MALEKI, “Energy Supply and Demand in Eurasia: Cooperation between EU and Iran”, The China and EuroAsia Forum Quarterly, Vol. 5, No 4, 2007, p. 106; Energy Information Administration, Country Analysis Briefs: Iran, October 2007. 14 Energy Information Administration, Country Analysis Briefs: Iran, October 2007, http://www.eia.doe.gov/emeu/cabs/Iran/pdf.pdf 15 Energy Information Administration, Country Analysis Briefs: Iran, October 2007, http://www.eia.doe.gov/emeu/cabs/Iran/pdf.pdf

197 grootste gekende aardgasreserves ter wereld. Het groeiende belang van aardgas voor zowel geïndustrialiseerde als industrialiserende landen maakt Iran tot een potentiële mogendheid, (als er de nodige buitenlandse investeerders gevonden worden).

SOUTH-PARS PROJECT – De exploratie van het offshore aardgasveld South Pars in de Perzische Golf is een belangrijk onderdeel van het ontwikkelingsplan van de Iraanse energiesector. Zoals aangehaald in de analyse van de energie administratie over Iran, zal de Iraanse aardgasexport desalniettemin minimaal zijn omdat de binnenlandse vraag stijgt en dit zet zich zo door zelfs met toekomstige uitbreiding van de productie van het South Pars- project.16

BUITENLANDSE INVESTERINGEN – Toch hebben buitenlandse bedrijven ook belang bij de ontwikkeling van gasprojecten in Iran. Op 18 juli 2017 (tijdens onze studiereis naar Iran) berichte de Iran Daily over investeringen vanuit Azië en vanuit Rusland om olievelden te ontginnen. The National Iranian Oil Company tekende een contract met het Russische Zarabezhneft en het Japanse Toyo om een offshore olieveld te ontginnen in de Perzische Golf.17 Deze investering is een voorbeeld van een reeks grote investeringen van buitenlandse bedrijven in de olie- en gasindustrie in Iran.

3.3. Geopolitieke gevolgen

GROEIENDE ENERGIEBEHOEFTEN – De aardgasreserves en het exportpotentieel van Iran zijn vooral belangrijk om te voldoen aan de groeiende energiebehoeften van de industrialiserende Aziatische staten zoals China en India. Van fundamenteel belang voor de EU is om voordeel te halen uit de Iraanse gasvoorraden om de Russische overheersing van de Europese energiemarkten binnen de perken te houden.

OVERZICHT – In de volgende paragrafen worden de zorgen en de belangen van de verschillende actoren besproken ten aanzien van het Iraanse energiebeleid, met name Rusland, de EU, China worden achtereenvolgens beschreven.

16 MERT BILGIN, “New Prospects in the Political Economy of Inner-Caspian Hydrocarbons and the Western Energy Corridor through Turkey”, Energy Policy, Vol. 35, No. 12, December 2007, p. 6383. 17 “Iran signs MoUs with Japan, Russia on oil, gas fields”, Iran Daily 18 juli 2017, p. 1.

198 4. Machtsverhoudingen

4.1. Iran-Rusland

EURAZIË – Aangezien Rusland en Iran samen bijna de helft van de aardgasreserves ter wereld hebben, staan de Russisch-Iraanse relaties centraal op geopolitiek vlak in Eurazië. Deze dynamiek strekt zich uit tot ver buiten de Euraziatische ruimte, tot China en India in het oosten en tot Europa in het westen.

GECOÖRDINEERDE STRATEGIE – Het is waarschijnlijk dat de Russische en Iraanse zoektocht naar een gecoördineerde strategie over gas- en olie-export hen ertoe kan brengen hun energiebeleid te coördineren in het kader van hun strategische samenwerking. In dit opzicht lijkt het rationeel voor Rusland en Iran om samen te werken en te vermijden om met elkaar te concurreren, ongeacht de mogelijke betrokkenheid van Iran bij Europese markten.18

RUSSISCHE INVESTERINGEN – Iran zou een belangrijke energiepartner voor Rusland kunnen worden. De Iraanse upstream 19 in de olie- en gassector en de Iraanse energievormen, zoals pijplijnprojecten, zijn zeer aantrekkelijk voor Russische oliemaatschappijen die meer investeringen in het buitenland zoeken. De geografische locatie van Iran is ideaal als afzetpunt voor de uitbreiding van de Russische energie-export, met name voor de ontwikkeling van de vloeibaar aardgasindustrie.

GASINVOER DIVERSIFIËREN – Sommige Midden- en Oost-Europese landen nemen momenteel bijna 100% van hun totale gasimport uit Rusland.20 Europa is op zoek naar andere mogelijkheden om zijn gasinvoer te diversifiëren, waardoor Iran op de voorgrond trad. Iran verschijnt als een van de belangrijkste potentiële leveranciers van gas die bedoeld is om de Europese energievoorzieningszekerheid te versterken door de absolute afhankelijkheid van Russisch gas te verminderen.

RUSLAND EN IRAN VERDELEN IN OOST EN WEST – Voor verdere samenwerking

18 M.K. BHADRAKUMAR, “Russia, Iran and Euroasian Energy Politics”, Japan Focus, 23 December 2007, http://japanfocus.org/_M_K_Bhadrakumar-Russia__Iran_and_Eurasian_ Energy_Politics, 19 Met upstream worden alle werkzaamheden bedoeld die te maken hebben met het zoeken naar en winnen van delfstoffen, zoals olie of gas. 20 A. KOVACEVIC, The impact of the Russia–Ukraine gas crisis in South Eastern Europe, 2009; F. HOLZ, CHRISTIAN VON HIRSCHHAUSEN, en CLAUDIA KEMFERT, "A strategic model of European gas supply (GASMOD)." Energy Economics 30.3 (2008): 766-788; LISE, WIETZE, BENJAMIN F. HOBBS en FRITS VAN OOSTVOORN. "Natural gas corridors between the EU and its main suppliers: Simulation results with the dynamic GASTALE model." Energy Policy 36.6 (2008): 1890-1906.

199 tussen Iran en Rusland is het de belangrijkste overweging voor het Kremlin dat het energiebeleid van Iran niet in conflict mag komen met zijn vitale belangen. Rusland is positief over de huidige oriëntatie van de Iraanse energietransport op de Aziatische markt. Hierdoor wordt de concurrentie vanuit China voor toegang tot Centraal-Aziatische energieproducenten verlicht en het potentieel voor Iraanse gasuitvoer naar Europa wordt verkleind.

4.2. Europese energiezekerheid en Iraans gas

GESCHILLEN TUSSEN RUSLAND EN EUROPA – Rusland levert momenteel aan Europa 33% van zijn olie en 40% van zijn aardgas. Toen Rusland in januari 2006 en januari 2007 de gasstroom naar Oekraïne en Wit-Rusland stopzette, werd de noodzaak om de energiezekerheid te waarborgen benadrukt. Aangezien zowel Oekraïne als Wit-Rusland door veel landen in Europa als doorvoerlanden worden beschouwd, hebben hun geschillen met Rusland geleid tot bezorgdheid in Europa. Deze geschillen over aardgasprijzen wezen verder op het risico van afhankelijkheid van enkele energieleveranciers. Deze incidenten waren een soort wake-up call voor de EU.

ENERGIEZEKERHEID – Aan de vraagkant van de energievergelijking is de EU de op een na grootste energiemarkt ter wereld na de VS met meer dan 450 miljoen consumenten. Aldus wordt duurzame, concurrerende en veilige energie beschouwd als een van de basispijlers van de Europese energiezekerheid. Hoewel het uitgangspunt van het Europese energiezekerheidsbeleid betrekking heeft op het beheer van de vraag, is diversiteit in de energievoorzieningsbronnen de tweede pijler van de Europese strategie voor energiezekerheid.21

EUROPESE STRATEGIE: DIVERSITEIT – Diversiteit betekent zowel diversiteit in energieleveranciers als diversiteit in energietransport, distributie en importroutes. Aan de aanbodzijde, zoals voorspeld in het Groenboek van 2006 getiteld "Een Europese strategie voor duurzame, concurrerende en continu geleverde energie", zal in de komende 20 tot 30 jaar ongeveer 70% van de energiebehoeften van de EU extern worden gerealiseerd.22 De

21 P. BELKIN, The European Union’s Energy Security Challenges, Congressional Research Service Report for Congress, 30 January 2008, http://www.fas.org/sgp/crs/row/RL33636.pdf. 22 A European Strategy for Sustainable, Competitive and Secure Energy, European Commission Green Paper, Brussels, 8.3.2006 COM (2006) 105 final, http://ec.europa.eu/ energy/green-paper- energy/doc/2006_03_08_gp_ document_en.pdf.

200 toenemende afhankelijkheid van de EU van externe leveranciers onderstreept de afhankelijkheid van de Unie ten aanzien van haar energievoorziening.

DIPLOMATIE MET IRAN – De EU-lidstaten hebben energie-investeringen en samenwerking met Iran geïnitieerd ondanks de door de VS opgelegde beperkingen met betrekking met de handel met Iran. Europa en Iran worden steeds afhankelijker van elkaar door de pijplijn tussen Turkije en Iran die Iraans gas rechtstreeks naar Europa brengt. De EU heeft moeite om een samenhangend beleid te formuleren. Tegelijkertijd blijft het handhaven van een open politieke en strategische dialoog met Iran cruciaal. Dit zorgt ervoor dat Iran niet wordt geïsoleerd en dat de spanningen tussen het Westen en de Islamitische Republiek niet verder escaleren.

AKKOORD TUSSEN P5+1 EN IRAN – Het resultaat van deze diplomatieke inspanningen was het akkoord tussen China, VS, VK, Frankrijk, Duitsland, Rusland en Iran. Het gezamenlijk alomvattend actieplan (JCPOA), waaraan 12 jaar diplomatiek werk met de EU als facilitator voorafging, is een cruciaal onderdeel van de wereldwijde regeling inzake non- proliferatie van kernwapens en is essentieel voor de geopolitieke stabiliteit van de regio. De EU is eraan gehecht dat alle onderdelen van het gezamenlijk alomvattend actieplan verder volledig en daadwerkelijk worden uitgevoerd. De EU onderstreept dat het opheffen van sancties die verband houden met nucleaire aangelegenheden, positieve gevolgen heeft voor de handel en de economische betrekkingen met Iran, waaronder voordelen voor de Iraanse bevolking. De samenwerking wordt intensiever en er is ruimte voor voortdurende dialoog met Iran.

STRATEGISCHE PARTNERS – De EU wijst erop dat uit de 8 controles die de Internationale Organisatie voor Atoomenergie volgens een uitgebreid en streng monitoringsysteem verrichtte, is gebleken dat Iran zich houdt aan al zijn verbintenissen op nucleair gebied. Iran is zich immers terdege bewust van zijn strategische situatie en ziet de EU als strategische partner, niet alleen in de energiesector, maar ook in andere internationale veiligheidskwesties. Tijdens een sessie van het Europees Parlement op 23 januari 2008 in Brussel, heeft Saeed Jalili, de belangrijkste nucleaire onderhandelaar van Iran en de secretaris van de Supreme National Security Council, opgeroepen tot samenwerking op energiegebied tussen Iran en de EU, met de woorden: "De grote energiereserves van Iran en de enorme vraag van de wereld voor energie maakt een samenwerking tussen Iran en de EU mogelijk.”23

201 Bovendien is Iran, zoals herhaaldelijk door Iraanse deskundigen en ambtenaren wordt onderstreept, een belangrijke speler en werken sancties met betrekking tot Iran tegen de EU- strategie voor energiezekerheid.24

CONCURRENTIE OP INTERNATIONAAL VLAK – Een bijkomende bezorgdheid voor de EU met betrekking tot Iran is niet alleen of Iran gas aan Europa zal verkopen, maar ook of Iran gas aan andere landen zou kunnen verkopen. Het is duidelijk dat de aardgasexport markt van Iran niet beperkt is tot Europa, maar onder meer industrialiserende Aziatische landen zoals India, Pakistan en China zijn potentiële markten. De groeiende vraag vanuit Azië naar aardgas baant de weg voor een intense concurrentie om de Iraanse gasvoorraden veilig te stellen.

4.3. Iran-Azië

AS NAAR HET OOSTEN – Een van de belangrijkste factoren die de positie van Iran als energiemacht bepaalt, is de toekomstige richting van de as Iran-Pakistan-India-China-Rusland die Iran met het oosten verbindt.

INDIA EN CHINA – Parallel aan zijn groeiende economie is de energievraag in India enorm gegroeid. De eigen voorzieningen schieten te kort. Momenteel importeert India 70% van zijn olie en gas.25 Dientengevolge heeft India zijn zoektocht naar andere energiebronnen geïntensiveerd, maar ondervond de concurrentie van China. Het energieverbruik in Azië is het afgelopen decennium enorm toegenomen en deze ontwikkeling maakt Iran tot een geschikte partner.

INVESTERINGEN – De energiebehoefte van India, samen met het beleid van de Iraanse leiders om prioriteit te geven aan Aziatische markten, hebben de weg geëffend voor de ontwikkeling van het IPI-pijplijnproject. IPI verschijnt als het meest controversiële

23 ANDRIS PIEBALGS, Energy Commissioner, European Energy Security Policy, Speech at the European Business Summit, Brussels, 21 February 2008, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=SPEECH/08/96&format=HTML&aged=0&langua ge=EN&gu iLanguage=en, 24 “Iran Ready for Energy, Security Cooperation with EU”, Tehran Times, 24 January 2008, http://www.tehrantimes.com/index_View.asp?code=161863. 25 Shiv Kumar Verma, “Energy Geopolitics and Iran-Pakistan-India Gas Pipeline”, Energy Policy, Vol. 35, 2007, p. 3283.

202 pijplijnvoorstel om Iraans aardgas te transporteren naar het Indiase subcontinent. Het is een $ 7,5 miljard-investering die loopt van het Iraanse gasveld South Pars over Pakistan en India.26

TEGEN DE BELANGEN VAN DE VS – Rusland heeft zijn interesse en steun voor de IPI bekendgemaakt en brengt zo de geopolitieke opstelling van de VS in gevaar. Rusland beschouwt ook IPI als een gelegenheid om zijn energie-investeringen in Iran te stimuleren. De VS zijn sterk gekant tegen IPI, dat zijn beleid tart om Iran te isoleren. Het IPI project helpt Rusland immers om Iran buiten de Europese markten te houden.

26 Voor de details van het IPI project zie: SHIV KUMAR VERMA, “Energy Geopolitics and Iran-Pakistan-India Gas Pipeline”, Energy Policy, Vol. 35, 2007, p. 3280-3301; S. PANDIAN, “The Political Economy of Trans- Pakistan Gas Pipeline Project: Assessing the Political and Economic Risks for India”, Energy Policy, Vol. 32, 2005, p. 659-670; ELIZABETH MILLS, “Chasing Pipeline Dreams”, The World Today, Vol. 64, No. 7, 2008, p. 23-24.

203 5. Conclusie

GEOPOLITIEKE CONCURRENTIE – De grote reserves aan olie en gas hebben geleid tot een geopolitieke concurrentie tussen Azië en Europa om de olie- en gasexport en de routes van pijpleidingen veilig te stellen. Europese staten hebben te maken met hevige concurrentie. Deze concurrentie geeft Iran een strategische hefboomwerking ten opzichte van de VS, die hard heeft geprobeerd om Iran binnen de internationale gemeenschap te isoleren.

GEOPOLITIEK POSITIE IRAN VERSTERKT – Het insluitingsbeleid van de VS dat gericht was op het isoleren van Iran en het verbreken van de banden met de internationale gemeenschap is niet gelukt dankzij de rijke energiebronnen van Iran. Integendeel, de geopolitieke positie van Iran is de afgelopen jaren versterkt.

BUITENLANDSE INVESTERINGEN – Iran is een van de grootste exporteurs van ruwe olie in de wereld. In het licht van de ontginning van de oliereserves, heeft Iran zelf behoefte aan buitenlandse investeringen om zowel onshore als offshore oliereserves te ontwikkelen, met name in de Kaspische Zee. Ondanks dat de VS-sancties grote hoeveelheden buitenlandse investeringen in de Iraanse oliesector verhinderden, hebben Iraanse leiders manieren gevonden om aan de druk van de VS te ontsnappen en buitenlandse investeerders aan te moedigen.

NIEUW INTERNATIONAAL EVENWICHT – Kortom, de toenadering van Iran tot Rusland en China, zijn uitnodiging aan Russische en Chinese bedrijven om te investeren in Iran, weerspiegelt het voornemen van Iran om zijn geopolitieke opstelling te consolideren en de VN-Veiligheidsraad te verdelen. Dit gaat ten koste van Amerikaanse belangen. Als Iran, Rusland en China erin slagen hun samenwerking in de energiesector te verdiepen, komen ze dichter bij een nieuw evenwicht waar de huidige dominante invloed van de VS plaats maakt voor een machtssysteem met meerdere globale spelers.

204 6. Samenvatting - Summary - Résumé

Samenvatting

GEOPOLITIEKE CONCURRENTIE – Dit studierapport handelt over de geopolitieke belangen van Iran met betrekking tot de olie- en gasindustrie. Iran is een van de grootste exporteurs van ruwe olie in de wereld. De grote fossiele brandstoffen reserves van het land veroorzaken een geopolitieke concurrentie tussen Azië en Europa. Anderzijds heeft Iran zelf behoefte aan buitenlandse investeringen, met name in de Kaspische Zee om deze fossiele brandstoffen te ontginnen.

ISOLEMENT – Ondanks dat de VS-sancties grote hoeveelheden buitenlandse investeringen in de Iraanse oliesector verhinderden, hebben Iraanse leiders manieren gevonden om aan de druk van de VS te ontsnappen en buitenlandse investeerders aan te moedigen. Europese landen hebben te maken met concurrentie om hun toegang tot Iraans gas veilig te stellen. Deze concurrentie geeft Iran een strategische hefboomwerking ten opzichte van de VS, die hard heeft geprobeerd om Iran binnen de internationale gemeenschap te isoleren.

NIEUW INTERNATIONAAL EVENWICHT – De toenadering van Iran tot Rusland en China, de uitnodiging aan Russische bedrijven en Chinese bedrijven om te investeren in Iran, weerspiegelt het voornemen van Iran om zijn geopolitieke opstelling te consolideren en de VN-Veiligheidsraad te verdelen. Dit gaat ten koste van Amerikaanse belangen. Dit studierapport argumenteert dat als Iran, Rusland en China erin slagen hun samenwerking in de energiesector te verdiepen, komen ze dichter bij een nieuw evenwicht waar de huidige dominante invloed van de VS plaats maakt voor een machtssysteem met meerdere globale spelers.

205 Summary

GEOPOLITICAL COMPETITION – This study report deals with the geopolitical interests of Iran in relation to the oil and gas industry. Iran is one of the largest exporters of crude oil in the world. The country's large fossil fuel reserves are creating geopolitical competition between Asia and Europe. On the other hand, Iran itself needs foreign investment, especially in the to extract these fossil fuels.

ISOLATION – Despite the US sanctions preventing large volumes of foreign investment in the Iranian oil sector, Iranian leaders have found ways to escape US pressure and encourage foreign investors. European countries are faced with competition to secure their access to Iranian gas. This competition gives Iran a strategic leverage against the US, which has been trying hard to isolate Iran within the international community.

NEW INTERNATIONAL BALANCE – The rapprochement of Iran to Russia and China, the invitation to Russian companies and Chinese companies to invest in Iran, reflects Iran's intention to consolidate its geopolitical stance and to divide the UN Security Council. This is at the expense of US interests. This study report argues that if Iran, Russia and China succeed in deepening their cooperation in the energy sector, they will come closer to a new power balance where the current dominant influence of the US will make way for a global power system with several global players.

206 Résumé

CONCURRENCE GEOPOLITIQUE – Ce rapport d'étude traite des intérêts géopolitiques de l'Iran par rapport à l'industrie pétrolière et gazière. L'Iran est l'un des plus grands exportateurs du pétrole dans le monde. Les grandes réserves de combustibles fossiles du pays créent une concurrence géopolitique entre l'Asie et l'Europe. D'un autre côté, l'Iran a besoin d'investissements étrangers, en particulier dans la mer Caspienne pour extraire ces combustibles fossiles.

ISOLEMENT – Malgré les sanctions américaines empêchant d'importants investissements étrangers dans le secteur pétrolier iranien, les autorités iraniennes ont trouvé des moyens d'échapper à la pression américaine et d'encourager les investisseurs étrangers. Les pays européens sont confrontés à une concurrence croissante pour sécuriser leur accès au gaz iranien. Cette compétition donne à l'Iran un avantage stratégique contre les Etats-Unis, qui avaient des difficultés à isoler l'Iran au sein de la communauté internationale.

NOUVEL EQUILIBRE INTERNATIONAL – Le rapprochement de l'Iran à la Russie et à la Chine et l'invitation aux entreprises russes et chinoises à investir en Iran, reflètent l'intention de l'Iran de consolider sa position géopolitique et de diviser le Conseil de Sécurité de l'ONU, ceci au détriment des intérêts américains. Ce rapport d'étude conclut que si l'Iran, la Russie et la Chine réussissent à approfondir leur coopération dans le secteur de l'énergie, l'influence dominante des États-Unis fera place à un système énergétique mondial avec plusieurs acteurs mondiaux.

207 7. Bibliographie / Bibliografie

A. R. KARBASSI et al, “Sustainability of Energy Production and Use in Iran”, Energy Policy, Vol. 35, 2007, p. 5174.

A. KOVACEVIC, The impact of the Russia–Ukraine gas crisis in South Eastern Europe, 2009;

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209 8. Over de auteur

Jan studeerde dit jaar af met een Master in de Rechten. Tijdens de laatste twee jaar van zijn studie, besloot hij bewust dat hij ook een graad in filosofie wil volgen voordat hij overstapt naar een master in Management.

Beginnend met zijn Bachelor in Rechten met een minor in economie en management en in de loop van zijn specialisatie in ondernemingsrecht, werd zijn passie voor management gewekt. Bovendien maakte zijn ervaring met LCM Student Association (Leuven Center of Collaborative Management), het Olivaint Genootschap en als stagiair bij sommige advocatenkantoren hem duidelijk dat het leveren van een oplossing in deze complexe wereld, vaak binnen een beperkte tijdspanne, een uitdagende taak is.

210 9. Slotwoord

Dit studierapport is het resultaat van mijn onderzoek naar de geopolitieke situatie van Iran ter afronding van de studiereis naar Iran met Olivaint Genootschap.

Ik betuig daarbij mijn dank aan de heer PH. LAMBRECHTS, voorzitter van het Olivaint Genootschap, die mij heeft geholpen bij het kiezen van mijn onderwerp en die de studiereis grondig heeft voorbereid en begeleid.

Bovendien zou ik ook het Egmont Instituut willen bedanken voor het ontlenen van ondersteunende documentatie over het energiebeleid en de geopolitieke situatie van Iran.

Een goede analyse van mijn onderwerp was niet mogelijk zonder een degelijk bezoek aan Iran zelf. Bij deze zou ik het de raad van bestuur van het Olivaint Genootschap en het ministerie van buitenlandse zaken een bijzondere vermelding willen geven voor hun zeer bereidwillige inzet om deze studiereis tot een succes te maken. Zoals het Perzisch spreekwoord luidt:

Le sage, tout en s'abandonnant à la fortune, se méfie continuellement d'elle : il ne sait si le jour qui luit se prolongera pour lui jusqu'au soir ; mais dans sa résignation, il prend les événements comme ils se présentent, et les choses pour ce qu'elles valent.

Tot slot zou ik ook nog alle deelnemers aan de reis willen bedanken om deze reis tot een onvergetelijke ervaring te maken.

211 212 Les relations Etats-Unis - Iran : entre confrontation et perspective de rapprochement

Laura Van Lerberghe

213 214 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 215

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 216

2. HISTOIRE DES RELATIONS : GRANDS ENJEUX GÉOPOLITIQUES ...... 217

2.1. LA RÉVOLUTION ISLAMIQUE ...... 217

2.2. APRÈS LA RÉVOLUTION ISLAMIQUE ET CRISE DES OTAGES AMÉRICAINS...... 218

2.3. LA CRISE EN SYRIE ET LA LUTTE CONTRE L’ÉTAT ISLAMIQUE...... 221

2.4. LA CRISE DU NUCLÉAIRE IRANIEN...... 222

3. FREINS ET LIMITATIONS À L'AMÉLIORATION DES RELATIONS BILATÉRALES ...... 225

3.1. ISRAËL ...... 225

3.2. L'ARABIE SAOUDITE...... 229

4. INTÉRÊTS GÉOPOLITIQUES CONVERGENTS ...... 231

5. LE NOUVEAU PRÉSIDENT DES ETATS-UNIS : DONALD TRUMP...... 233

6. CONCLUSION ...... 235

7. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 236

215 1. Introduction / Inleiding

Depuis la Révolution islamique de 1979 et la crise des otages américains de Téhéran en 1980, les Etats-Unis et l'Iran ont des relations conflictuelles et des idéologies diamétralement opposées. Les relations diplomatiques, en ligne directe, ont été interrompues depuis ces évènements. Les contentieux à la fois géopolitiques et diplomatiques qui s'en sont suivis ont par ailleurs rendu la perspective d'un rapprochement assez faible. Parmi ceux-ci, on peut citer à titre d'exemple le fait que l'Iran a été accusé par les Etats-Unis de faire partie des pays soutenant les actes terroristes et en particulier de soutenir des groupes palestiniens assez violents. Les Etats-Unis ont également accusé l'Iran de poursuivre un programme de développement d'armes de destruction massive. Il n'est dès lors pas étonnant de constater que l'amélioration de leurs relations a été remise en question à plusieurs reprises. Avec l'élection du président Obama en 2008, Washington a néanmoins fait preuve de plus d'ouverture envers le régime iranien. En effet, une tentative de rapprochement du côté américain a été entreprise. Il faudra néanmoins attendre l'élection du nouveau président Hassan Rohani en 2013 pour que celle-ci porte des fruits. Ce nouveau président a notamment permis la signature de l'accord nucléaire en 2015 qui témoigne d'un apaisement des relations entre les Etats-Unis et l'Iran. Il reflète également la capacité des deux Etats à communiquer ensemble sans que la variable culturelle n'ait de caractère décisif. Cet accord aurait pu devenir un grand tournant dans les relations Iran – Etats-Unis. Toutefois, l'optimisme qui était [permis à travers l'accord s'est vite dissipé avec l'élection du président américain Donald Trump, qui décrit l'Iran de « dictature corrompue » et « d’État voyou ».

L'objectif principal de cette contribution au rapport de session en Iran est de dresser un tableau global et chronologique des relations américano-iraniennes, permettant à cet effet d'évaluer au mieux les possibilités d'un rapprochement entre les deux Etats à l'heure actuelle. Dans un premier temps, j’aborde l'historique des relations entre les deux puissances en reprenant les événements les plus marquants. Dans un second temps, les limitations et les freins à leur relation seront étudiés. Ensuite, nous soulignerons les intérêts convergents des deux Etats. Enfin, la situation actuelle des relations américano-iraniennes sera brièvement abordée.

216 2. Histoire des relations : grands enjeux géopolitiques

2.1. La Révolution islamique

Avant la révolution islamique en 1979, l'Iran était considéré comme un allié stratégique des Etats-Unis au Moyen-Orient. Les deux pays coopéraient dans des domaines stratégiques tels que militaire ou énergétique. Il est par 'ailleurs important de distinguer 3 grandes périodes dans la relation américano-iranienne. Une première débutant de 1953 et se poursuivant jusqu’au milieu des années 1960 où l'on observe une forte dépendance économique entre les deux puissances ; une seconde qui commence au milieu des années 1960 jusqu'au milieu des années 1970 et démontre l'autonomie grandissante de Téhéran face aux Etats-Unis et enfin une troisième période qui illustre l'impuissance des Etats-Unis à peser sur la politique intérieure du Shah d'Iran27.

Au départ, les iraniens voyaient leur relation avec les Etats-Unis, considérés comme une puissance anti-colonialiste, comme un moyen de contrer l'influence de la Grande Bretagne et de l'URSS. Toutefois, cette image s'est vite ternie avec la participation de la CIA au coup d’État faisant tomber le gouvernement du Dr Mossadegh en 1953. Ce putsch a été organisé afin de préserver les intérêts américains. Tout a commencé, en 1951, lorsque premier ministre iranien décide de nationaliser la compagnie pétrolière l’Anglo-Iranian Oil Company. Au départ, les USA ont tenté de prêcher la modération aux Britanniques pour qui la nationalisation représente un échec pour leurs intérêts économiques. Toutefois, cette voie de la médiation échoue suite au refus de Mossadegh d'accorder la moindre concession aux Anglais. En outre, les USA craignent alors que cette politique de nationalisation ne serve de modèle à d'autres pays et que la libéralisation du régime du Shah n'ouvre la voie à l'influence du parti communiste. Le président Eisenhower prend donc la décision d'intervenir pour destituer le Dr Mossadegh à travers ce coup d’État et de rétablir le Shah. Dès lors commence une première période de présence et d’influence américaine croissante tant au niveau politique qu'économique. Une coopération active se développe entre les USA et le Shah dans de nombreux domaines et plusieurs sociétés américaines viennent s'implanter en territoire iranien. Ils soutiennent aussi le Shah dans son rôle de « gendarme » du golfe Persique28.

27 ZARIFIAN J., « Entretien avec Pierre Melandri », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.13-29.

217 L'administration Kennedy qui suit l’élan donné sous la présidence de D. Eisenhower va d'ailleurs pousser le leader iranien à effectuer un projet réformiste ambitieux, la « révolution blanche », afin de conduire l'Iran vers la modernité.

Cette politique aura cependant des conséquences néfastes pour l'image à la fois des USA et du Shah qui est considéré comme trop proche de ceux-ci. De plus, quelques nuages viennent obscurcir la relation. On peut citer la question des droits de l'homme qui suscite quelques critiques dans le rapport annuel du département d’État. Les ventes d'armes sont également jugées comme exagérées et les ambitions nucléaires du Shah restent ambigües. Il est à noter à ce propos que les USA n'ont pas accepté de fournir de réacteur nucléaire à l’Iran. Cela incitera l'Iran à se tourner vers d'autres partenaires notamment pour la construction de plusieurs centrales nucléaires. C'est là que débute dès lors la deuxième période des relations Iran- USA où on peut observer que l'Iran cherche progressivement à jouer un jeu propre et à développer une politique plus indépendante et affirme sa volonté d'étendre son influence au Moyen- Orient. Concomitamment, le Shah est progressivement critiqué par sa population du fait de sa mégalomanie. L'ayatollah Khomeiny accuse le Shah d'autocratie et de complicité avec Washington et Tel-Aviv. Il perd à la fois le soutien à l'intérieur et à l'extérieur du territoire. La Révolution islamique qui a lieu en 1979 se réalise sur fond de forte hostilité envers les Etats- Unis.

2.2. Après la révolution islamique et crise des otages américains

Après la révolution islamique, les Etats-Unis ont voulu maintenir des relations avec l'Iran en raison de ses intérêts à la fois économique, politique et militaire. Cependant, après la chute du Shah les relations entre les deux puissances n'ont jamais été normalisées et un sentiment anti- américain s’est ancré au sein de la société iranienne. De plus, sous l'administration Carter, un certains nombres d'événements ont pu être interprétés comme reflétant l'hostilité croissante des USA envers l'Iran : la non reconnaissance du nouveau régime, l'intervention de la CIA dans les affaires internes iraniennes ou encore l'accueil de Mohammad Reza Shah sur le territoire américain29. Ces politiques de confrontation américaines ont contribué à nourrir la

28 BAUCHARD D., « Etats-Unis-Iran : Du Grand Satan au Grand Bargain », in Confluence Méditerranée, 2014/1, n°88, pp.91-112. 29 SIMBAR R., « Iran and the US : Engagement or Confrontation », in Journal of International and Area Studies, 2006, vol.13, n°1, pp.73-87.

218 haine des révolutionnaires qui ont réagi notamment par la prise d'assaut de l'ambassade des USA à Téhéran par des éléments proches du régime. En effet, le 4 novembre, l'ambassade américaine est occupée par surprise par des « étudiants islamiques ». S’en suit la détention de diplomates américains pendant 444 jours. L’Ayatollah Khomeini avait alors déclaré que le destin des otages dépendait de la politique américaine. En effet, la République d'Iran souhaitait l'extradition du Shah afin qu'il soit jugé en Iran. Cet événement, connu sous le nom de « crise iranienne des otages » a eu pour conséquence la chute du gouvernement modéré de Bazargan et la perte de prestige des USA suite à l’échec d’une opération commando lancée par le président Carter pour libérer les otages. Cet échec contribua en partie à la défaite du président Carter lors du vote pour un second mandat présidentiel. Progressivement, l'Iran passa du statut d'allié au statut d’ennemi pour les Etats-Unis. La crise des otages a nourri la colère et l'hostilité du peuple américain et a amené les USA et ses alliés occidentaux à instaurer un blocus contre l'Iran aggravant les effets de la révolution islamique en accentuant l’isolement politique international de l’Iran.

La guerre Iran-Irak en 1980 illustrera par la suite bien les relations tendues entre Washington et l'Iran. De fait, les politiques menées par l'administration Reagan ont creusé davantage le niveau d'antagonisme entre les deux pays. En effet, les USA n'ont jamais condamné l'invasion irakienne en Iran à cause de la crise des otages à Téhéran et de leur incapacité à construire des relations diplomatiques constructives avec l'Iran. Aussi, les USA ont soutenu diplomatiquement, militairement et économiquement l'Irak pour empêcher toute victoire iranienne. Ils ont utilisé leur influence pour exercer une certaine pression sur leurs alliés afin que ceux-ci cessent de fournir des armes à l'Iran et n'achètent pas du pétrole iranien. Bien que l'objectif des américains fut de contenir l'Iran en fournissant des armes à un gouvernement allié dans la région, leurs actions eurent pour résultat la militarisation de la région et l’ouverture de la voie aux ambitions de Saddam Hussein dans la région et dans le monde Arabe en général. On peut à cet effet évoquer l'invasion de l'Irak au Koweït en 1990, qui n'aurait probablement pas été possible sans le soutien antérieur des américains.

A partir de 1979 et dès la prise des otages, la première des sanctions américaines contre l'Iran est imposée et formalisée. Elle est suivie de plusieurs autres sanctions contre le gouvernement iranien durant la crise des otages. En 1987, les USA décrétèrent l'interdiction d'importer des biens iraniens. En 1995, le président Clinton signe un décret interdisant l'investissement

219 américain dans le secteur énergétique iranien. Un autre décret suit quelques semaines plus tard et supprime tout commerce, investissement et interactions virtuelles entre les USA et l'Iran. La levée de ces sanctions était soumise à conditions américaines. Il s'agissait pour l'Iran d'arrêter de soutenir les organisations radicales comme le Hezbollah libanais, le islamique palestinien ou encore le ; d'arrêter de s'opposer à tout processus de paix entre Israël et la Palestine ; et enfin de suspendre son programme de développement d'armes de destruction massive30.

Du point de vue de l'Iran, Washington devait avant tout cesser d'essayer de renverser le régime à Téhéran ; d'arrêter de soutenir les activités anti-régime à l'étranger et stopper la propagande hostile envers l'Iran31. Téhéran souhaitait également la fin du soutien américain à Israël pour tout ce qui était en lien avec la violence. Selon l'Iran, ces politiques américaines empéchaient le bon développement de son économie. Dans de telles conditions, la discussion est difficile à rétablir tant les demandes des uns et des autres sont nombreuses et divergentes.

Le sentiment d'insécurité de l'Iran s'est d'autant plus accru avec les politiques anti-Iran de l'administration du président George W. Bush. Ce dernier a continué la politique des sanctions de ses prédécesseurs contre l'Iran et a stigmatisé le pays à partir de 2002 en l'associant aux pays constitutifs de « l'Axe du Mal ». Il plaidait pour un changement de régime en Iran et a menacé à plusieurs reprises ce dernier d'une intervention militaire afin d'enrayer les ambitions régionales iraniennes, ce qui renforçait l'insécurité des iraniens. Les USA ont placé progressivement leur espoir dans les mouvements populaires iraniens qui soutenaient le modèle démocratique occidental. En Mai 2002, le Département d’État américain déclarait même que l'Iran « restait l’État le plus actif à sponsoriser le terrorisme »32. De son côté, la République islamique considérait les USA comme « le Grand Satan », puissance arrogante qui l'a trahi lors du mouvement national inspiré par le premier ministre Mossadeq33. Elle se perçoit dès lors comme victime des politiques américaines. L’Iran critique en outre l'approche des américains pour combattre le terrorisme. Toute intervention américaine est vue par certains comme une excuse pour perpétuer sa domination dans les affaires mondiales. Ces images se sont construites et ancrées dans la pensée des deux puissances dans la foulée de la

30 SIMBAR R., « Iran and the US : Engagement or Confrontation ». 31 Ibidem. 32 GHORBANI SHEIKHNESHIN A., « Iran and the US : Current Situation and Future Prospects », in Journal of International and Area Studies, 2009, vol.16, n°1, pp.93-113. 33 Ibidem

220 Révolution islamique. La compréhension mutuelle ne pouvait qu’être difficile dès lors que les deux pays n'entretenaient pas de relation diplomatique et que les intérêts américains étaient représentés en Iran par l'intermédiaire de la Suisse et les intérêts iraniens étaient représentés par l'ambassade du Pakistan34aux USA.

2.3. La crise en Syrie et la lutte contre l’État islamique

La guerre en Syrie, qui a débuté en 2014, est un devenu un véritable bataille rangée reflétant une lutte indirecte entre Téhéran et l'Occident. Washington et Téhéran partagent le même point de vue concernant la stabilité de l'Irak et la lutte contre l’État islamique. Tous deux ont comme ennemi principal : le fondamentalisme et les groupes djihadistes sunnites35 (comme Al Quaïda ou l’État islamique). L'Iran représente donc, de par sa situation au Moyen-orient, un partenaire essentiel dans la lutte contre le djihadisme sunnite. Toutefois, ils utilisent des moyens différents pour lutter contre cet ennemi et ont des visions distinctes en ce qui concerne le futur de la Syrie et de l'Irak.

En effet, lorsque le président Obama déclare qu'il est temps pour le président Assad de partir, les USA se rapprochent considérablement de l'opposition syrienne tandis que l'Iran et le Hezbollah se rapprochent davantage du côté du régime syrien. L'Iran soutient le président Bachar el-Assad en Syrie aussi bien politiquement que financièrement et militairement, ce que les USA condamnent fermement36. Il s'oppose également à toute influence américaine en Irak. De leur côté, les USA craignent que le soutien iranien aux chiites d'Irak n'accentue la décomposition nationale du pays. Aussi, ils ne souhaitent pas collaborer avec l'Iran dans le domaine sécuritaire. Ils s'étaient d'ailleurs opposés à la participation de l'Iran dans la résolution du dossier syrien. Aujourd’hui, cependant, avec la signature de l'accord sur le nucléaire, on peut observer un changement d'attitude de la part de l'administration américaine, celle-ci invitant l'Iran à prendre part aux discussions liées à la Syrie. La nouvelle administration Trump voit également de manière positive le rôle que joue l'Iran en Syrie pour combattre l’État islamique.

34 Ibidem. 35 ZARIFIAN J., « Le dossier du nucléaire iranien et la question du rapprochement Etats-Unis-Iran », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.31-47. 36 ZARIFIAN J., « Le dossier du nucléaire iranien et la question du rapprochement Etats-Unis-Iran ».

221 2.4. La crise du nucléaire iranien

En août 2002, un programme de recherche nucléaire non déclaré aux institutions chargées de la non-prolifération des armes nucléaires, en plus de deux sites secrets développés par l'Iran sont découverts. Ceci a pour effet d'entacher davantage l'image de l'Iran aux yeux des Etats- Unis et de dégrader leur relation. En effet, le développement du programme nucléaire iranien constitue une violation au traité de non prolifération nucléaire, entré en vigueur en 1970. Celui-ci avait pour objectif de « prévenir la diffusion des armes nucléaires et leur technologie, de promouvoir la coopération dans le domaine de l'usage pacifique de l'énergie nucléaire avec le but lointain d'atteindre le désarment nucléaire ainsi qu'un désarmement complet et général».

Deux remarques doivent être émises dans le contexte du traité de non-prolifération. Premièrement, il faut noter que ce traité fut rédigé dans le contexte de la guerre froide. Durant cette période, la lutte d’influence à laquelle se livraient les USA et l'URSS, avec son lot d'arrangements sécuritaires entre certains Etats et l'une ou l'autre superpuissance, réduisait la nécessité ressentie pour ces derniers de développer leur propre système d'armement nucléaire. La fin de la bipolarité et l'incertitude sécuritaire qui en résulte, incite plus d'Etats à considérer l'arme nucléaire comme nécessaire à leur sécurité, ainsi qu'à l’’élargissement de leur influence régionale37.

Deuxièmement, la lecture que font certains Etats non nucléaires de ce traité, notamment l'Iran est loin d’être uniforme. L’Iran par exemple considère que l'objectif du traité est en réalité d'assurer la domination de ceux possédant déjà l'arme atomique afin de garantir leur propre sécurité et supériorité miliaire ; ces Etats ayant bien plus intérêt à maintenir la non- prolifération que les Etats non nucléaires38.

Au vu du contexte régional dans lequel il est situé, l'objectif de l'Iran à travers le développement du programme nucléaire est tout d'abord sécuritaire mais aussi économique. On peut croire que le fait que la relation plutôt tendue avec les USA, puissance nucléaire, a pu

37 AZARAN A., « NPT, Where Art Thou ? The Nonproliferation Treaty and Bargaining : Iran as a Case Study », in Chicago Journal of International Law, 2005, vol.6, n°1, p.421. 38 AZARAN A., « NPT, Where Art Thou ? The Nonproliferation Treaty and Bargaining : Iran as a Case Study ».

222 constituer un moteur supplémentaire pour le développement de l'arme atomique. Certains voyaient la possession de l'arme nucléaire comme le seul moyen de pouvoir contourner le pouvoir des USA et ses alliés39.

Face à cette interprétation du traité, les Etats-Unis ont adopté une position dure. Pourtant, les USA avaient encouragé par le passé le développement de centrales nucléaires pendant le régime du Shah et avaient incité les étudiants iraniens à étudier dans ce domaine d'étude. Des tentatives de déstabilisation politique du régime iranien ont même été envisagées et des menaces à peine voilées d'intervention militaire (voir de frappes nucléaires préventives) ont été prononcées40. Aussi, des sanctions unilatérales ont été adoptées car la finalité du programme nucléaire iranien restait suspecte. De son côté, le régime iranien affirmait qu'il développait son programme nucléaire à des fins civiles et non militaires et qu'il respectait par conséquent le TNP. Le processus diplomatique a donc été plusieurs fois figé, en particulier entre 2006 et 2009, lors des présidences parallèles de George W. Bush aux USA et de Mahmoud Ahmadinejad en Iran.

Sous la présidence d'Obama, le dossier a quelque peu avancé grâce à sa politique de la main tendue envers Téhéran. En effet, le dossier nucléaire iranien est vite devenu une priorité dans la politique étrangère du président américain et on a pu observer une certaine volonté de se rapprocher de Téhéran. Le président Obama n'hésite pas à l'occasion du nouvel an persan à adresser un message d'ouverture au peuple et dirigeants iraniens et tente de relancer les négociations sur le nucléaire. Toutefois, ce n'est seulement qu'en 2013 avec l'élection du président Hassan Rohani, plutôt progressiste, qu'une solution va progressivement voir le jour. Celui-ci, prêt à poursuivre « des négociations sérieuses », ouvre la voie à une approche de négociation différente.

La signature de l'accord sur le nucléaire iranien le 14 juillet 2015 entre l'Iran et le « groupe des 5+1, constitue dès lors un succès important malgré les nombreux obstacles rencontrés lors des négociations. Il montre la capacité des acteurs concernés à pouvoir dialoguer ensemble, et en particulier celle des deux puissances clés, l'Iran et les Etats-Unis. Bien que ne satisfaisant pas l'ensemble des parties impliquées, il a permis d'atteindre les objectifs principaux.

39 SIMBAR R., « Iran and the US : Engagement or Confrontation ». 40 Ibidem.

223 Premièrement, il constitue une garantie pour les Occidentaux que l'Iran ne deviendra pas une puissance nucléaire pour au moins 15 ans. En effet, l'Iran a consenti à limiter ses capacités d'enrichissement d'uranium et de production de plutonium, à réduire ses stocks pour la fabrication d'une bombe atomique et a accepté une surveillance accrue de la part de l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie Atomique. Deuxièmement, en contrepartie, l'Iran obtenait la levée de la majorité des sanctions économiques et financières mises en place depuis de longues années. Il s'agissait à la fois de sanctions adoptées par l'ONU mais également de celles des Etats-Unis et de l'UE. Celles-ci empêchaient clairement l'Iran de prospérer économiquement et affaiblissaient le développement économique du pays. Le succès de cet accord laissait donc entrevoir la possibilité d'un réchauffement des relations bilatérales entre les USA et l'Iran.

Néanmoins, les négociations furent longues et difficiles. De plus, les déclarations des hautes autorités de chaque Etat après la signature de l'accord ont entaché quelque peu le succès de celui-ci. Le président Obama a par exemple souligné que « [l] e régime en place [à Téhéran était] dangereux et répressif [...] » et précisait que les États-Unis continueront « [...] d’avoir de nombreuses différences avec le régime iranien »41. Du côté de l'Iran, le guide suprême Khamenei déclarait quant à lui dans une allocution télévisée : « Notre politique envers l’arrogant gouvernement des États-Unis ne changera pas »42.

41 ZARIFIAN J., « Le dossier du nucléaire iranien et la question du rapprochement Etats-Unis-Iran ». 42 Ibidem.

224 3. Freins et limitations à l'amélioration des relations bilatérales

Il existe donc des possibilités de rapprochement entre les deux Etats et la signature du JCPOA a été un facteur contribuant à cela. Toutefois, un climat de méfiance règne toujours suite à leur passé qui a profondément marqué les populations iranienne et américaine. En outre, de nombreux différends géopolitiques persistent entre eux. Premièrement, le facteur israélien impacte énormément leur relation. Deuxièmement, « le paramètre saoudien » rend leurs rapports complexes. Ci-après quelques considérations et éléments d’analyse :

3.1. Israël

Pour comprendre la politique américaine vis-vis de l'Iran et la politique iranienne envers les USA, il faut prendre en considération à la fois la relation israélo-américaine et la relation entre Israël et l'Iran. Tout d'abord, il faut savoir que le rapport que les USA entretiennent avec Israël constitue l'obstacle le plus difficile à surmonter entre les deux Etats. La relation entre les trois Etats était autrefois relativement bonne de par leur convergence sur de nombreux dossiers. Il existait une certaine forme de coopération entre l'Iran et l'Etat d'Israël pour la poursuite de leurs propres intérêts. Ce dernier était même reconnu dès 1950 par l'Iran. Du côté iranien, ce rapprochement avec les israéliens pouvait constituer un rapprochement in fine avec les Etats-Unis43. Du côté israélien, cela signifiait la mise en œuvre de la doctrine de « la périphérie » énoncée par Ben Gurion dans les années 50. Cette doctrine de politique étrangère stipule la création d'alliances avec sa périphérie eurasienne (dont la Turquie et l'Iran font partie) pour contrebalancer la menace de ses pays limitrophes et par conséquent, éviter son isolement totale au sein de la région. Enfin du côté américain, ce rapprochement représentait un atout principal: deux points d'ancrage pour la stabilité de la région44.

A partir de la présidence de l'Ayatollah Khomeini, un retournement de situation s'opère. En effet, un anti-sionisme dure émerge au sein de la République d'Iran et Israël devient son ennemi. L'Iran accuse Israël d'occuper des terres qui appartiendraient aux palestiniens et lui reproche d'opprimer les populations palestiniennes45. Ses leaders critiquent tout processus de

43 SAMAAN J-L., « La variable israélienne de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.69-84. 44 SAMAAN J-L., « La variable israélienne de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran ». 45 Ibidem.

225 paix comme injuste. Ils estiment que le premier pas serait tout d'abord de reconnaître le droit des Palestiniens d'avoir leur propre pays. Ils n'hésitent d'ailleurs pas à soutenir des groupes radicaux anti-israéliens en Palestine, ce dont les américains les accuseront. Toutefois, pour l'Iran, les palestiniens ont un droit de légitime défense et d'indépendance et le soutien à la cause palestinienne n'est de nature que morale46. En outre, Israël représente à leurs yeux la continuité de la politique des USA aux Proche et Moyen Orients. Il est qualifié d'ailleurs de « petit Satan », faisant référence à la dénomination iranienne des USA, le « Grand Satan ». Celui-ci mène des actions violentes et agressives dans les territoires occupés et est soutenu par les USA. Selon l'Iran, ce soutien unilatéral des américains ne fait qu’accroitre les risques d’affrontement et contrecarrer les tentatives de paix dans la région47. De plus, en soutenant des politiques agressives israéliennes, les USA sont accusés de mener des politiques à double standard au regard des droits de l'homme.

Néanmoins, les liens ne sont pas complètement et immédiatement abandonnés entre l'Iran et Israël. On tente de maintenir les liens avec le nouveau régime. Un événement reflétant cela est la négociation d’achat d'armes avec les Israéliens au moment où l'Iran rentre en guerre avec l'Irak. Cela ne va pas plaire aux USA qui se retrouvent à ce moment là en pleine crise des otages de l'ambassade américaine à Téhéran.

La coopération Iran – Israël décline considérablement avec l'émergence du Hezbollah. En effet, à la suite d'une tentative d'assassinat de l'ambassadeur israélien par un groupe palestinien se situant au Sud Liban, Israël décide de lancer l'opération « Paix en Galilée » le 3 juin 1982. Celle-ci consiste à riposter dans le Sud pays, voire même jusqu'à Beyrouth. En réponse et par solidarité avec la communauté chiite libanaise, un contingent d'environ 150 gardiens de Pasdaran est envoyé par Téhéran sous l'autorité de l'Ayatollah Khomeini48. L'objectif est d'encadrer les miliciens chiites libanais luttant contre Tsahal. Une branche dissidente d'Amal (mouvement politique chiite) va alors voir le jour. Elle prend le nom de Hezbollah qui signifie le « Partie de Dieu » en arabe. Pour le régime iranien, il s'agit d'une certaine forme d'exportation de son modèle politique au Liban49.Au même moment, dans le cadre des forces internationales chargées de rétablir la paix au Liban, les Etats-Unis interviennent en envoyant un contingent militaire important. L'Iran est persuadé qu'ils agissent

46 GHORBANI SHEIKHNESHIN A., « Iran and the US : Current Situation and Future Prospects ». 47 SIMBAR R., « Iran and the US : Engagement or Confrontation » 48 SAMAAN J-L., « La variable israélienne de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran ». 49 Ibidem.

226 en vue de soutenir l'armée israélienne.

En 1983 survient l'attentat visant l'ambassade américaine à Beyrouth ainsi que l'attaque à l’explosif du quartier général des forces américaines et de la base militaire française par deux kamikazes. Dès ce moment les Etats-Unis condamnent fermement le Hezbollah, celui-ci ayant revendiqué les opérations et l'Iran est listé comme un des « Etats soutiens du terrorisme » en janvier 198450. Israël et les Etats-Unis partagent dès lors les mêmes vues concernant le Hezbollah, considérant celui-ci comme le bras armé de l'Iran. Cela va conduire les USA à soutenir ou du moins accepter les campagnes militaires israéliennes contre le mouvement libanais. De plus, sous l'influence de la pensée néo-conservatrice, l'administration américaine va considérer comme essentielle la redéfinition des équilibres politiques à Beyrouth pour assurer une stabilité permanente dans le pays51. Ainsi, le conflit de 33 jours qui opposait Israël et le Hezbollah en 2006 va donc être perçu comme une opportunité pour mettre en œuvre cette priorité. Toutefois, le Hezbollah ne sera pas mis en échec. Les USA vont alors tenter de renforcer l'armée libanaise en leur fournissant des munitions et équipements afin de contrecarrer le Hezbollah et au travers lui, l'Iran. Bien que cette méthode ne satisfasse pas amplement Israël, ce dernier et les USA ont clairement l'objectif d'enrayer les ambitions régionales de l'Iran et sont en accord sur ce dossier.

La tension s'élève particulièrement dans les années 2000 lorsque la droite israélienne monte en puissance à Tel-Aviv et que le conservateur Mahmoud Ahmadinejad est élu président de la République islamique. Ce dernier nie l’existence de la Shoah. En outre, tous les deux se considèrent mutuellement comme source de menaces pour leur propre sécurité et pour la stabilité du Moyen-Orient en général. L'Iran s'oppose en permanence à tout processus de paix imposé aux Palestiniens, et inquiète les USA ayant l'impression que l'Iran ne souhaitait pas faire de compromis. Israël, quant à lui, condamne fermement le développement nucléaire iranien et s'oppose au JCPOA, rendant difficile la mise en œuvre de la politique d'ouverture du président Obama.

En effet, le fait que l'Iran puisse se munir d’ armes nucléaires représente une réelle menace pour Israël et en particulier depuis les déclarations alarmantes du régime iranien qui a annoncé à plusieurs reprises sa volonté de remettre en question l’existence de l’État hébreu.

50 Ibidem. 51 SAMAAN J-L., « La variable israélienne de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran ».

227 L'acquisition par l’Iran d'un tel arsenal nucléaire remettrait en cause la logique sécuritaire, socle de la politique de défense d’Israël : maintenir une supériorité militaire lui permettant de dissuader ses ennemis. En effet, l’État d'Israël étant situé dans une région où la paix avec de nombreux pays arabes était rendue impossible, l'insécurité est permanente et la défense de ses intérêts une question de survie. L'acquisition de l'arme nucléaire par l'Iran signifierait la perte du monopole nucléaire d'Israël au Moyen-Orient. Il est important de souligner que l’avancement du programme nucléaire iranien a toujours été assez opaque et n'a jamais été déclaré officiellement52. Les Etats-Unis ont contribué à cela, convaincus que les conséquences ne seraient réelles qu'une fois connues du grand public. Mais avec l'Iran doté d'un arsenal nucléaire, il se pourrait qu'Israël change de position et qu'il existe une sorte jeu de dissuasion nucléaire entre les deux acteurs. Pour éviter cela, Israël s'est positionné en faveur d'une diplomatie coercitive envers l'Iran via l'imposition de sanctions et la menace de frappes aériennes sur les sites nucléaires iraniens. Cette position s'est heurtée plusieurs fois à la position américaine en particulier sous la présidence de Barack Obama. Aux yeux des israéliens, le président Obama ne se montre pas assez ferme envers l'Iran. Leurs manières respectives de répondre à la crise divergent sur de nombreux points et cette problématique provoque la détérioration de la relation politique Israël – USA à la fin de la présidence Obama

Enfin, il est important d'évoquer la crise syrienne pour comprendre la situation actuelle entre les 3 acteurs, à savoir les USA, Israël et l'Iran. Pour Israël, la crise au début ne servait en rien à ses intérêts. Lorsqu'il voit la position des iraniens se renforcer sur le terrain, il change de posture et décide d'exécuter des raids aériens. Une escalade s'en suit avec les forces d'Assad, de ses alliés iraniens et du Hezbollah. Ceci est d'autant plus problématique pour ce qui est de la relation entre les USA et Israël. D'une part, pour les américains, toute tentative visant l’État islamique est jugée positive car l'EI représente une menace depuis 2014. Ils approuvent les actions entreprises par l'Iran et le Hezbollah pour lutter contre l'EI. D'autre part, les israéliens sont conscient du danger que représente l'EI mais craignent également que l'Iran ait une influence trop grande dans le pays et puisse les menacer depuis le Golan53. Il y a donc une divergence d'opinion entre les deux alliés, Israël et les USA, concernant la place que l'Iran peut jouer dans la région. Toutefois, aucune critique ouverte n'a été émise du fait qu'Israël souhaite rester le plus prudent possible.

52 Ibidem. 53 SAMAAN J-L., « La variable israélienne de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran ».

228 3.2. L'Arabie Saoudite

L'Arabie Saoudite a longtemps été l'allié historique des USA au Moyen-Orient. Leur relation a été un facteur freinant l'amélioration des relations entre l'Iran et les USA. Jusqu'à présent, aucun événement du Moyen-Orient n'a pu ébranler de manière significative l'alliance entre Washington et Riyad. Celle-ci a toujours été basée sur une convergence objective d'intérêts plutôt que sur un partage de valeurs54. Il existe une très bonne coopération militaire et économique.

Avec la crise du nucléaire iranien, leur relation évolue différemment. En effet, pour Riyad, un Iran détenant l'arme nucléaire est inacceptable. Il représenterait une menace existentielle pour la région. L'Arabie Saoudite se sentant en insécurité pourrait alors avoir pour ambition de développer un arsenal nucléaire. En réalité, le Royaume « a maintenu une stratégie nucléaire militaire secrète »55 basée sur deux options : la première consiste à développer son propre programme grâce au transfert de technologie d'un pays allié et la deuxième repose sur l'acquisition de l'arme nucléaire auprès d'un pays vendeur56. Le Pakistan semble à cet égard le partenaire idéal pour ces deux types d'options. Le Royaume a d'ailleurs manifesté son intérêt à plusieurs reprises pour le renforcement de l'engagement pakistanais à la sécurité saoudienne57. La possibilité que Riyad puisse se doter de missiles nucléaires n'est dès lors pas à écarter et cela inquiète d'autant plus Washington car la totalité des accords de non-prolifération internationaux n'ont pas été signés par Riyad, ni le traité concernant les inspections strictes de l'AIEA. En outre, face à cette possibilité, l'Iran pourrait être tenté de poursuivre ses recherches nucléaires et ne pas respecter l'accord conclu avec la communauté internationale.

Il est important de noter que les relations entre l'Iran, pays chiite et l'Etat saoudien, pays sunnite traditionaliste, ont longtemps été synonymes de rivalité. Alors que l'Arabie Saoudite perçoit l'Iran comme un potentiel rival au niveau régional et une menace pour la stabilité des régimes sunnites, l'Iran étant un pays à majorité chiite. Les accrochages ne cessent de croître entre les deux puissances surtout depuis le renversement de Saddam Hussein en 2003. L'amélioration des relations entre les USA et l'Iran, depuis novembre 2013, inquiète

54 WESSER S., « La relation américano-saoudienne à l'épreuve du rapprochement entre Washington et Téhéran », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.85-101. 55 WESSER S., « La relation américano-saoudienne à l'épreuve du rapprochement entre Washington et Téhéran ». 56 Ibidem. 57 Ibidem.

229 considérablement l'Arabie Saoudite. Cette dernière craint en particulier l'accord conclu en juillet 2015 avec Téhéran car il pourrait signifier un risque pour la pérennité des régimes sunnites en place et des conséquences pour les pétromonarchies. C'est la raison pour laquelle elle a mis en place « la résistance arabe » par l'intermédiaire du Conseil de coopération du Golfe pour contrecarrer l'influence perse58.

58 Ibidem.

230 4. Intérêts géopolitiques convergents

Encore aujourd'hui, les USA et l'Iran se perçoivent comme des ennemis en puissance. On peut toujours observer dans les discours de l'un et l'autre une méfiance certaine. Pour l'Iran, les USA incarnent toujours « le Grand Satan », puissance capitaliste et impérialiste. Pour les USA, le régime iranien est vu comme « forcément irrationnel, agressif et conquérant »59. Avec l'élection du nouveau président américain, les choses s’enveniment et ce sujet sera abordé dans un paragraphe plus avant.

Pourtant si l'on regarde de plus près leurs politiques étrangères respectives, on peut discerner plusieurs positions géopolitiques convergentes. L'Afghanistan et le Pakistan constituent par exemple deux territoires d'une grande importance pour les deux puissances. Le dossier afghan en particulier montre de manière particulière cette convergence. Pour des raisons sécuritaires, l'Iran souhaite la stabilité de se son voisin afghan. De même, les USA, considérant l’Afghanistan comme la plaque tournante du terrorisme depuis le 11 septembre, cherche à empêcher la réémergence du djihadisme transnational en stabilisant le régime. Pour ce qui concerne l'Iran, trois enjeux principaux structurent la relation avec son voisin : la migration afghane, la lutte contre le trafic de drogues venant d'Afghanistan et celle contre le djihadisme sunnite. Un Afghanistan stable pour l'Iran pourrait permettre la résolution de tous ces enjeux qui cesseraient d’être source de déstabilisation. La fin du trafic de drogues en Afghanistan par exemple diminuerait la consommation de drogues en Iran et moins de dépenses seraient consacrées à la protection de la frontière. C'est un enjeu qui peut également préoccuper les USA si le trafic de drogues devient une source de financement pour des groupes terroristes transnationaux60. La lutte contre l'extrémiste sunnite est aussi un objectif pour Washington. Les deux pays partagent les mêmes objectifs sur la question sécuritaire après le 11 septembre 2001.

En ce qui concerne le dossier pakistanais, on peut également observer une convergence d'intérêts entre les USA et l'Iran. En effet, tous deux entretiennent des relations plutôt tendues avec Islamabad en raison de leur rapprochement avec l'Inde. Malgré cela, ils ont néanmoins besoin du Pakistan pour combattre djihadisme sunnite, notamment en Afghanistan.

59 BEEMAN W., The Great Satan vs. The Mad Mullahs. How the United States and Iran Demonize Each Other, Chicago, Chicago University Press, 2005. 60 CHAUDET D., « Les Etats-Unis et l'Iran face à l'AFPAK » : des alliés naturels ? », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.103-127.

231 Washington est conscient que la paix en Afghanistan ne sera possible qu'avec l'entraide du Pakistan. L'Iran a également besoin du Pakistan pour ses propres luttes sécuritaires. Une rebellion anti-chiite à la fois séparatiste et djihadiste agite la province du Sistan-Baloutchistan, au sud-est de l'Iran61. Celle-ci s'est transformée en un groupe à partir des années 2000, et le Jundallah et a mené des actions terroristes de grande envergure dans la région et à la frontière irano-pakistanaise. Il existe donc une coopération assez importante entre les autorités centrales de Téhéran et d'Islamabad mais également entre celles des USA et du Pakistan sur le sujet. Tous les deux reprochent toutefois au Pakistan de ne pas assez se préoccuper du dossier du djihadisme, le Pakistan voyant les difficultés à la frontière indo-pakistanaise comme prioritaire. Les Iraniens et Américains se retrouvent donc dans la même situation face au Pakistan avec les mêmes demandes concernant la lutte contre les groupes terroristes62.

Si Washington commençait à replacer l'Iran dans l'ensemble de son contexte géopolitique et ne pas seulement le voir dans son environnement moyen-oriental, une possible entente pourrait émerger entre les deux puissances. En effet, on peut observer que pour la situation en « AfPak », il existe un certain parallélisme marquant leurs politiques respectives. Il est important également de noter que l'Iran représente un marché important sur le plan commercial. C'est un pays avec un potentiel énergétique et gazier considérable. Selon le BP Statistical review de 2012, l'Iran se situe à la seconde place pour les réserves prouvées de gaz et à la troisième pour le pétrole63. Ainsi, une entente entre les deux puissances sur le plan économique pourrait s’avérer très favorable pour les deux parties.

61 CHAUDET D., « Les Etats-Unis et l'Iran face à l'AFPAK » : des alliés naturels ? ». 62 Ibidem. 63 BAUCHARD D., « Etats-Unis-Iran : Du Grand Satan au Grand Bargain »

232 5. Le nouveau président des Etats-Unis : Donald Trump

Le 8 novembre 2017, Donald Trump est élu nouveau président des Etats-Unis. Son élection compromet à la fois l'avenir du Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) mais également les relations entre l'Iran et les USA en raison des nombreuses déclarations qu'il a faites à ce sujet. En outre, les deux pays choisis pour les premiers voyages d'Outre-Mer du président ne sont autres que l'Arabie Saoudite et Israël, deux ennemis pour l'Iran et tous deux critiques de l'attitude de l'administration Obama envers l'Iran. Lors de son voyage à Riyadh, Trump a signé un contrat de vente d'armes de 100 milliards de dollars et a déclaré lors d'un sommet que « toutes les nations de conscience devaient travailler ensemble pour isoler l'Iran »64. Il a également accusé la République islamique d'attiser « les feux du conflit confessionnel et du terrorisme ». Son élection amène une fois de plus les deux pays sur la voie de la confrontation, Trump considérant que seule une politique de pression pourrait rendre l'Amérique plus en sécurité65. Cela renforce également l'image des Etats-Unis comme « le Grand Satan » et nourrit l'hostilité du peuple iranien envers les USA. On peut d'ailleurs observer une série de caricatures représentant et humiliant le président Trump dans la ville de Téhéran et des discours antiaméricanistes reflétant une défiance certaine face à « l'impérialisme américain ».

De son côté Donald Trump remet en question l'accord nucléaire négocié par son prédécesseur, la communauté internationale et les hauts responsables iraniens. Pendant sa campagne électorale, le démantèlement de l'accord figurait même dans l'une de ses priorités en politique étrangère et il n'hésitait pas à le qualifier « du pire accord jamais négocié »66. A l'heure actuelle, il considère toujours cet accord comme d'un « embarras » et continue de menacer de se retirer de l'accord. Dans ce climat très tendu entre les deux pays, Téhéran a de plus annoncé qu'il renforcerait ses capacités balistiques. Un nouveau missile d'une portée de 2000 kilomètres a en effet été testé fin septembre. Il pourrait atteindre en théorie Israël et certaines bases américaines dans ce périmètre. Bien que l'accord n'interdise pas les activités balistiques

64 LE POINT, « A Riyad, Donald Trump appelle à lutter contre l'extrémisme islamiste », in Le Point, [en ligne] www.lepoint.fr/monde/trump-en-arabie-saoudite-un-discours-tres-attendu-21-05-2017-2129165_24.php (Page consultée le 17/09/2017). 65 PARSI T., « War with Iran is back on the table, thanks to Trump », in The Guardian, [en ligne] https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/jul/17/war-with-iran-possible-donald-trump-foreign-policy (Page consultée le 16/09/2017). 66 LASSERE I. « L'accord sur le nucléaire iranien dans la ligne de mire du président Trump », in LE FIGARO, [en ligne] http://www.lefigaro.fr/international/2016/11/22/01003-20161122ARTFIG00313-l-accord-sur-le- nucleaire-iranien-dans-la-ligne-de-mire-du-president-trump.php (Page consultée le 17/09/2017).

233 de l'Iran, ce dernier est tenu de ne pas mener d'activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir porter des têtes nucléaires selon la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a entériné l'accord67.

En réponse à cela, le président américain a fait des déclarations au sujet de l'Iran de nature à ne pas apaiser les relations entre les deux puissances mais à les refroidir davantage. Celui-ci a qualifié l'Iran de « dictature corrompue » et « d'Etat voyou ». Le 16 octobre, le président américain devra se prononcer sur le respect ou non de l'accord par Téhéran. Si le président considère que Téhéran coopère, une période d'observation de 90 jours s'ouvrira68. Dans le cas contraire, des possibles sanctions pourraient encore être prononcées à l'égard de l'Iran69. (ndlr : ce texte a été écrit avant la dénonciation de l’accord par Washington)

Dès lors, un rapprochement entre l'Iran et les Etats-Unis ne se fera probablement pas dans l'immédiat tant l'antagonisme entre les deux acteurs ne cesse de s'aggraver sous la présidence de Donald Trump.

67 Résolution 2231 (2015), [en ligne] http://www.un.org/fr/sc/2231/restrictions-ballistic.shtml 68 PARIS G., « Donald Trump continue de menacer l'accord nucléaire avec l'Iran », in Le Monde, [en ligne] http://www.lemonde.fr/international/article/2017/09/15/donald-trump-continue-de-menacer-l-accord-nucleaire- avec-l-iran_5185912_3210.html (Page consultée le 17/09/2017). 69 LE PARMENTIER A., « L'Iran s'inquiète d'une éventuelle annulation de l'accord sur le nucléaire », in Le Monde, [en ligne] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/10/02/l-iran-s-inquiete-d-une-eventuelle- annulation-de-l-accord-nucleaire_5194798_3218.html (Page consultée le 02/10/2017).

234 6. Conclusion

La relation américano-iranienne est dotée d'un lourd héritage du passé. Depuis la révolution islamique de 1979 et la crise des otages américains, les relations diplomatiques des deux puissances sont quasi inexistantes. En outre, plusieurs points de crispation existent dans leur relation : l'appui donné par l'Iran au Hezbollah, l'alliance de l'Iran avec le régime Syrien et enfin l'alliance des Etats-Unis avec l'Arabie Saoudite et Israël, deux ennemis de l'Iran. Ces affrontements sur divers dossiers continuent à faire obstacle à toute normalisation de leurs relations.

Avec la signature de l'accord sur le nucléaire, dont les Etats-Unis ont été les principaux leaders, un rapprochement américano-iranien aurait pu être envisagé sur le moyen-terme. Cela témoignait d'une réelle volonté des deux pays à pouvoir travailler ensemble et à pouvoir coopérer sur un sujet aussi délicat que le nucléaire. A cet égard, l'élection d'Obama semblait augurer une nouvelle direction dans les relations avec l'Iran. Toutefois, il aura fallu attendre l'élection du président Rohani, plus modéré que son prédécesseur, pour qu'il y ait un véritable changement.

La probabilité qu'un tel rapprochement se réalise sous la présidence de Trump est toutefois moindre tant il suscite l'hostilité du régime iranien. Du côté de la population des deux pays, on peut également observer un certain rejet de l'autre. Les Iraniens perçoivent négativement l'administration Trump et les américains perçoivent l'Iran comme un potentiel ennemi. Néanmoins, on peut tout de même entrevoir au moment de la session d’étude Olivaint en juillet 2017 un terrain favorable dans l'opinion publique iranienne à une amélioration des relations. En effet, il existe un certain attrait chez les jeunes iraniens pour « l'American way of life ». De plus, il existe certains points de convergence entre les deux puissances : la lutte contre le terrorisme, la stabilité de l'Afghanistan, leur relation avec le Pakistan ou encore des intérêts économiques communs. L'Iran représente également un acteur incontournable de par sa position sur le golfe Persique et de son alliance avec la Syrie pour toute stabilité au Moyen- Orient. Dès lors, si les deux pays se focalisaient uniquement sur leur point de convergence, un rapprochement pourrait être possible. Toutefois, cela doit se faire dans un climat de confiance, préalable à toute normalisation des relations, et cela est encore loin d'être acquis. Une défiance existe de part et d'autre et cela se reflète à travers les nombreuses déclarations des autorités iraniennes et américaines.

235 7. Bibliographie / Bibliografie

Ouvrages cités :

 BEEMAN W., The Great Satan vs. The Mad Mullahs. How the United States and Iran Demonize Each Other, Chicago, Chicago University Press, 2005.  DASSA KAYE D., NADER A. and ROSHAN P., Israël and Iran. A Dangerous Rivalry, RAND Corporation, 2011.

Articles scientifiques :

 AYATI A., ZARAFI J., « Introduction », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.9- 12.  AZARAN A., « NPT, Where Art Thou ? The Nonproliferation Treaty and Bargaining : Iran as a Case Study », in Chicago Journal of International Law, 2005, vol.6, n°1, p.421.  BAUCHARD D., « Etats-Unis-Iran : Du Grand Satan au Grand Bargain », in Confluence Méditerranée, 2014/1, n°88, pp.91-112.  CHAUDET D., « Les Etats-Unis et l'Iran face à l'AFPAK » : des alliés naturels ? », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.103-127.  FARHANG M., « The Iran-Israël Connection », in Arab Studies Quartely, 1989, vol.11, n°1, pp.85-98.  GHORBANI SHEIKHNESHIN A., « Iran and the US : Current Situation and Future Prospects », in Journal of International and Area Studies, 2009, vol.16, n°1, pp.93- 113.  MICHEL S., « Iran et Israël, de très bons ennemis », in Revue des Deux Mondes, 2009, pp.148-152.  SAMAAN J-L., « La variable israélienne de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.69-84.  SIMBAR R., « Iran and the US : Engagement or Confrontation », in Journal of International and Area Studies, 2006, vol.13, n°1, pp.73-87.  TAROCK A., « USA : Iran Relations : Heading for Confrontation ? », in Third World Quartely, 1996, vol.17, n°1, pp.159-167.

236  WESSER S., « La relation américano-saoudienne à l'épreuve du rapprochement entre Washington et Téhéran », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.85-101.  ZARIFIAN J., « Entretien avec Pierre Melandri », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.13-29.  ZARIFIAN J., « Le dossier du nucléaire iranien et la question du rapprochement Etats- Unis-Iran », in Politique américaine, 2015/2, n°26, pp.31-47.

Articles en ligne :

 ANDELMAN D., « Trump's anti-Iran aggression couldn't come at a worse time », in CNN, http://www.cnn.com/2017/05/22/opinions/trump-iran-middle-east-andleman- opinion/index.html (Page consultée le 15/09/2017).  LASSERE I. « L'accord sur le nucléaire iranien dans la ligne de mire du président Trump », in LE FIGARO, [en ligne] http://www.lefigaro.fr/international/2016/11/22/01003-20161122ARTFIG00313-l- accord-sur-le-nucleaire-iranien-dans-la-ligne-de-mire-du-president-trump.php (Page consultée le 17/09/2017).  LE MONDE, « Après le test de missile de l’Iran, Trump remet en cause l’existence de l’accord nucléaire », in Le Monde, http://www.lemonde.fr/international/article/2017/09/24/apres-le-test-de-missile-de-l- iran-donald-trump-remet-en-cause-l-existence-d-un-accord_5190320_3210.html (Page consultée le 14/09/2017).  LE PARMENTIER A., « L'Iran s'inquiète d'une éventuelle annulation de l'accord sur le nucléaire », in Le Monde, [en ligne] http://www.lemonde.fr/proche- orient/article/2017/10/02/l-iran-s-inquiete-d-une-eventuelle-annulation-de-l-accord- nucleaire_5194798_3218.html (Page consultée le 02/10/2017).  LE POINT, « A Riyad, Donald Trump appelle à lutter contre l'extrémisme islamiste », in Le Point, [en ligne] www.lepoint.fr/monde/trump-en-arabie-saoudite-un-discours- tres-attendu-21-05-2017-2129165_24.php (Page consultée le 17/09/2017).  PARIS G., « Donald Trump continue de menacer l'accord nucléaire avec l'Iran », in Le Monde, [en ligne] http://www.lemonde.fr/international/article/2017/09/15/donald- trump-continue-de-menacer-l-accord-nucleaire-avec-l-iran_5185912_3210.html (Page consultée le 17/09/2017).

237  PARSI T., « War with Iran is back on the table, thanks to Trump », in The Guardian, [en ligne] https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/jul/17/war-with-iran- possible-donald-trump-foreign-policy (Page consultée le 16/09/2017).  Résolution 2231 (2015), [en ligne] http://www.un.org/fr/sc/2231/restrictions- ballistic.shtml  SANGER D. « The Contradiction Burried in Trump's Iran and North Korea Policies », in The New York Times, [en ligne] https://www.nytimes.com/2017/09/20/world/asia/trump-iran-north-korea-.html (Page consultée le 14/09/2017).

238 239 240 L'impact des sanctions internationales liées au nucléaire iranien sur l’Iran et son économie

William-James Kettlewell

241 242 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 243

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 244

2. L’IRAN ET LES SANCTIONS INTERNATIONALES...... 245

3. LES SANCTIONS LIÉES AU PROGRAMME NUCLÉAIRE ET LEURS IMPACTS ...... 247

3.1. POINT DE VUE INTERNE ...... 247 3.1.1. L’économie intérieur...... 247 3.1.2. La science...... 248 3.1.3. La santé ...... 249

3.2. POINT DE VUE EXTERNE ...... 250 3.2.1. Le commerce extérieur...... 250 3.2.2. Le pétrole et les énergies fossiles...... 250 3.2.3. Les relations diplomatiques ...... 252

4. CONCLUSION ...... 253

5. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 254

243 1. Introduction / Inleiding

Les sanctions économiques d’une nation contre une autre sont une forme de force politique qui n’a rien de nouveau. Déjà au 5ème siècle avant Jésus-Christ, la cité-état d’Athènes avait interdit aux citoyens de Megara l’accès aux ports et marchés de la cité.

Dans le cas de la République islamique d’Iran, l’année 2016 sera marquée par la fin de l’attrition économique causée par les sanctions internationales dû à son programme d’enrichissement nucléaire. La conclusion de l’accord de Vienne, aussi appelé « Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) » concernant le programme nucléaire iranien, signé par l’Iran et le groupe dénommé 5+1, composé des 5 membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU et de l’Allemagne, a permis la levée des sanctions économiques imposée par l’ONU, l’EU et les USA en échange de limitation à son programme nucléaire et d’une mise sous surveillance de celui-ci. La levée de ces sanctions aura des conséquences au niveau national, régional et global. L’effet au niveau global se ressentira surtout via leurs conséquences pétrolières.

244 2. L’Iran et les sanctions internationales

Depuis quarante ans, les sanctions économiques sont une forme de force politique avec laquelle la République islamique d’Iran doit composer. A la suite de la prise en otage de l’ambassade américaine qui a suivi la révolution islamique de 1979, les Etats-Unis d’Amérique (USA) ont rapidement imposé des sanctions économiques sur la nouvelle république. Dans les années nonante, les sanctions américaines furent augmentées par l’implémentation d’une interdiction, sous peine de lourdes amendes pour toute compagnie américaine d’investir en Iran et pour toute compagnie étrangère d’investir plus de 20 millions de dollars par an dans le secteur énergétique iranien. Les justifications de la kyrielle de sanctions économiques imposées par les USA jusque-là étaient de deux ordres principaux : son soutien au terrorisme international, ses violations des droits de l’Homme.

Toutefois, c’est au milieu des années deux-milles que les sanctions économiques concernant le développement du programme nucléaire iranien, qui font l’objet de ce rapport, commencèrent à apparaitre. Ces sanctions sont notables surtout parce qu’elles firent l’objet d’un bien plus large consensus dans la communauté internationales que les sanctions unilatérales américaines des décennies précédentes.

Tout d’abord, l’Organisation des Nations Unies (ONU), commença par interdire tout échange commercial avec l’Iran ayant trait aux technologies nucléaires ainsi que la prohibition de lui vendre certain type d’arme. Ces sanctions furent élargies d’année en année afin de décourager l’Iran de poursuivre son programme nucléaire. Les USA augmentèrent également une fois de plus leurs sanctions. Ils interdire l’accès au système financier américain à trois banques iraniennes ainsi qu’à d’autres organisations liées à la Garde Révolutionnaire d’Iran, un groupe paramilitaire très influent économiquement et mirent en place des amendes visant toute compagnie fournissant l’Iran en produit pétrolier raffiné. L’Union Européenne (UE) commençant par imposer des contrôles particulièrement long et rigoureux des importations et exportations de et vers l’Iran, ainsi que des amendes liées aux commerces de gaz naturel.

Au début de la décennie suivante, l’ampleur des sanctions grandit avec l’imposition de nouvelle sanction. Les USA et le Canada, d’une part, accrurent les difficultés pour le commerce iranien lié à l’industrie de l’énergie et, d’autres parts interdire toutes institutions financières de faire du commerce avec la banque centrale iranienne. L’UE contribua

245 grandement à l’affaiblissement de l’Iran en sanctionnant toute importation pétrolière iranienne, allant jusqu’à sanctionner les compagnies fournissant des assurances à des bateaux transportant du cargo iranien.

246 3. Les sanctions liées au programme nucléaire et leurs impacts

3.1. Point de vue interne

3.1.1. L’économie intérieur

D’un point de vue interne, l’impact de ce cycle de sanctions internationales s’est ressenti sur de nombreuses facettes de l’économie et de la vie iranienne, malgré les dénégations du pouvoir central iranien et de la presse nationale.

3.1.1.1. Le système financier

Les sanctions imposées aux banques privées et celles concernant les banques centrales européenne ont eu de graves conséquences sur le système financier iranien. Tout d’abord, cette exclusion du système financier international et l’incapacité des banques iraniennes de faire des affaires en euros ou dollars accrue fortement l’instabilité du système bancaire iranien, selon le FMI. Ensuite, la Banque centrale fut également incapable d’arrêter la dépréciation du rial qui chuta de 50% de sa valeur sur les marchés de devises. Cette dépréciation fut combinée à une inflation forte, annoncé, par exemple, à 22.2% par la Banque centrale d’Iran en juin 2012. Ce chiffre déjà élevé est remis en question par un grand nombre d’économistes, considérant ce chiffre comme une sous-estimation grossière et avançant des chiffres allant jusqu’à 40%.

S’il est vrai que le gouvernement du président Rouhani a réussi à ramener l’inflation sous contrôle, mais au coût d’une récession de l’économie iranienne pour deux années de suite. La chute du prix du pétrole de 2014, s’ajoutant à la difficulté susmentionnée, fut un coup particulièrement dure qui fit passer le déficit public de 1.2% jusqu’à 2.7% du PIB en une année. En effet, l’exportation pétrolière représente entre 50 et 60% du budget étatique iranien.

3.1.1.2. L’emploi et la consommation

L’inflation et la dévaluation massive du rial a entrainé de nombreuses conséquences pour la vie quotidienne des iraniens, augmentant notamment un chômage déjà important, surtout chez les jeunes, rendant la vie de l’iranien moyen plus difficile. S’il est souvent difficile d’estimer l’état réel des indicateurs, les statistiques officielles étant souvent peu représentatives de la réalité, le taux parfois avancé pour le chômage en 2012 était de 35% de la

247 population active.

Les prix des produits de consommations ont aussi fortement augmenté. En 2011, le prix du litre d’essence a quadruplé (passant de 0.1$ à 0.4$), celui du pain a doublé sur la même période et dans les pires semaines, le prix d’un poulet pouvait augmenter de 30% et celui des légumes de 100%. Ceci fut rendu encore plus difficile par l’arrêt des subsides gouvernementaux des denrées de premières nécessités telles que le pain, l’électricité ou l’eau, que le président Mahmoud Ahmadinejad avait commencé subsidiés en 2010. Ces effets inflationnistes n’ont néanmoins pas durée toute la période de sanction, grâce aux mesures du gouvernement, et les effets des sanctions sur les prix et la consommation ont diminué pour finir par pouvoir être considéré comme de second plan par rapport aux conséquences budgétaires de ces dernières.

3.1.1.3. Les marchés noirs

La période d’inflation de 2012 a également vu la création d’un marché noir de la devise, les différents acteurs iraniens voyant dans le dollar une stabilité qui faisait défaut à leur propre monnaie. Ce marché noir a mené à une divergence entre le taux officiel de la Banque centrale d’Iran, approximativement 13000 rials par dollar, et du marché, plus proche de 20 000 rials par dollar. Après avoir tenté des mesures drastiques (telles que la menace de la peine de mort pour les spéculateurs), l’Iran a ensuite laissé le taux officiel rejoindre celui du marché noir pour finir revenir sur sa politique d’interdiction de la conversion rial-dollar à un autre taux que le taux officiel.

3.1.2. La science

Les sanctions économiques ont également eu des effets sur des domaines d’activités qui n’étaient pas couvert par les embargos. En effet, la science iranienne a subit un retard conséquent dû aux effets parfois indirectes et subtils des sanctions sur les chercheurs, scientifiques et étudiants iraniens. Par exemple, en essayant de se plier aux directives des USA qui interdisent l’interaction d’employé américain avec le gouvernement iranien, l’éditeur Elsevier a ordonné à ses éditeurs de ne plus accepté de manuscrits ayant un lieu quelconque

248 avec un scientifique iranien, étant donné que les universités sont souvent affilié au gouvernement. Bien que Elsevier ait, quelque temps plus tard, revu sa politique d’édition vis- à-vis de l’Iran, d’autres publications (tel que the American Journal of Cardiology, the Journal of Ocular Pharmacology and Therapeutics ou Dove Medical Press), par peur des amendes américaines ou européennes, ont maintenu ou adopté des attitudes similaires, préférant refuser de traiter des manuscrits pour raisons politiques et non scientifiques.

En plus des refus de traitement opposés par des maisons d’éditions sur bases des sanctions internationales, les scientifiques font faces a de nombreux défi pour pouvoir assister à des conférences ou d’autres types d’évènement scientifiques de nature internationales : de la difficulté de pouvoir payer les frais d’inscription ou d’obtenir des visas à temps pour pouvoir y assister. Les étudiants souffrent également des mêmes genres de problème pour étudier à l’étranger ou participer à des compétitions internationales.

3.1.3. La santé

Bien que les produits médicaux et pharmaceutiques n’aient pas, en tant que telle, fait l’objet des sanctions internationales, celle-ci ont néanmoins eu une influence non négligeable sur le secteur de la santé.

En raison, principalement, de l’isolement bancaire iranien rendant impossible le payement pour l’achat des médicaments, l’Iran a fait face à une réduction de la quantité de médicaments liés au traitement d’une trentaine de maladies: cancer, maladie respiratoires et cardiovasculaires, etc. Plus de 85000 cancers auraient nécessités des produits de chimiothérapie et radiothérapie en pénurie, sans même aborder les médicaments « à double utilisation potentielle » (civil et militaire) qui font eux directement l’objet d’embargo. Plus de 20 000 patients atteints du HIV seraient également dans l’incapacité de se procurer les antirétroviraux nécessaires. Approximativement 40 000 hémophiles auraient également subi la pénurie de médicament améliorant la coagulation, menant à la mort d’au moins un adolescent.

Au-delà des « anecdotes » liée à une maladie spécifique, un rapport du Woodrow Wilson International Center for Scholars estime à 30% la baisse des importations de médicaments américains et européens le prix des médicaments vers l’Iran. En sus se rajoute, comme pour le

249 reste des biens iraniens, l’effet de l’effondrement du rial et de l’inflation sur le prix des médicaments.

Enfin, même lorsque les médicaments sont présents, les patients iraniens sont également sujets à un plus grand nombre d’effets secondaires car une plus grande proportion des médicaments viennent de Chine ou d’Inde, pays dont la production pharmaceutique n’est pas l’égal à celle des pays occidentaux en termes de qualité. Tout ceci a bien sûr pour conséquence la détérioration de l’état général de santé de l’iranien moyen.

3.2. Point de vue externe

3.2.1. Le commerce extérieur

En plus d’un ralentissement considérable de leur programme nucléaire par la difficulté accrue d’obtenir le matériel spécialisé nécessaire à son avancement, la complexité des sanctions (interdisant le commerce avec plusieurs centaines de compagnies iraniennes) a induit de nombreuses compagnies multinationales à arrêter simplement leur commerce avec toutes compagnies iraniennes, étant donnés les risques associés. En effet, séparer les entreprises sanctionnées ou non, en prenant en compte l’évolution journalière du sujet et l’identification des compagnies « écrans », qui agissent pour le compte de compagnie sanctionné, n’est généralement pas rentable.

D’un point de vue macroéconomique, la Banque Mondiale estime que les exportations iraniennes ont décru d’un peu plus de 17 milliards de dollars entre 2012 et 2014 soit approximativement 13.5% de la totalité des exportations. Les exportations se sont également portées nettement plus vers l’Asie, surtout la Chine, l’Inde et la Russie.

3.2.2. Le pétrole et les énergies fossiles

Le pétrole fut, bien sûr, la denrée sur laquelle les sanctions internationales se firent le plus sentir, étant donnée la dépendance de l’Iran vis-à-vis de son exportation. En effet, et comme déjà mentionné, le budget étatique iranien est, entre 50 et 60%, directement dépendant des exportations pétrolières, certains chiffres allant jusqu’à quantifier la dépendance directe et indirecte à 80%.

250 3.2.2.1. Les exportations

Une très grande partie des sanctions internationales visait le secteur de l’énergie de l’Iran, avec une emphase particulière sur le pétrole.

De toutes les mesures prises par la communauté internationale pour entraver la bonne conduite du commerce pétrolier iranien, c’est l’interdiction faite aux compagnies européennes d’assurer les superpétroliers transportant du pétrole iranien à leur bord qui a conduit même les vaisseaux non européens à déclarer qu’ils arrêteraient d’embarquer du cargo iranien. En conséquence, l’Iran eut du mal à vendre pour approximativement un quart de son exportation pétrolière annuelle. L’exportation iranienne a d’ailleurs chutée de 2.5 millions de barils par jour en 2011 à 1.1 million en mi-2013.

En cause, le fait que la majorité des grands clients habituels de l’Iran (le Japon, la Corée du Sud, l’Union européenne et même, partiellement, la Chine) ont changé de fournisseur pour compenser l’arrêt des relations commerciales pétrolières avec l’Iran. Beaucoup de ces pays se sont tourné vers les pays du Conseil de coopération du Golfe, à savoir, l'Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar.

3.2.2.2. Les projets pétroliers

L’industrie du pétrole iranienne est vieillissante et en grand besoin d’investissement, particulièrement pour le renouvellement des infrastructures. A supposer que l’Iran souhaite maintenir ses capacités de productions actuelles, les besoins s’estime à plusieurs milliards de dollars. Or, les sanctions ont également rendu difficile l’acquisition du matériel nécessaire au commencement de nouveaux projets à visées pétrolières ou énergétiques ainsi que fortement réduit les investissements étrangers liés au pétrole, alors même que la vétusté des infrastructures les rend de plus en plus nécessaire. Un rapport du congrès américain attribue à cet état des faits la légère diminution de production de baril de pétrole (de 3.9 millions de barils par jour en 2011 alors qu’elle était de 4.1 millions quelques années auparavant).

En plus de l’industrie pétrolière, un projet d’une immense importance stratégique du point de vue de la géopolitique de l’énergie fut également entravé par les sanctions internationales, à savoir, l’exploitation du gisement de gaz de South Pars, la partie iranienne du plus grand gisement de gaz au monde. L’Iran partage

251 ce gisement avec le Qatar. Toute compagnie occidentale (par exemple Shell, Total ou Halliburton) impliquée dans un tel projet (du point de vue technique ou financier) se verrait directement imposée une amende sur base des sanctions et celles-ci se sont donc retiré du projet. Cela a pour conséquence que, alors que le Quatar et L’Iran partage le gisement, le Qatar a déjà pu exporter, en 2012, pour 62 milliards de produit gaziers (par exemple, du gaz naturel liquide) tandis que l’exportation iranienne de gaz s’élevait à la même période 6 milliards.

3.2.3. Les relations diplomatiques

Comme déjà mentionné plusieurs fois, l’Iran s’est fortement tourné vers l’Asie afin de tenter de gérer les effets des sanctions internationales. D’un point de vue strictement militaire par exemple, les sanctions ont accru la dépendance de l’Iran vis-à-vis de la Russie et de la Chine, augmentant en même temps sa difficulté à se procurer de l’équipement militaire à jour. Mais la dépendance de l’Iran vis-à-vis de la Chine peut également se retrouver au niveau du médicament et d’autres types de commerces.

Il peut également être avancé que la Chine a réellement joué le rôle de bouclier économique pour l’Iran durant la période de sanction. Cela reste vrai malgré le fait que la réduction de 25% de son importation de pétrole en provenance de l’Iran à cause du risque économique que cela représente (une tendance qui s’est d’ailleurs confirmée indépendamment de la levée des sanctions internationales liées au nucléaire iranien). En effet, on peut tout d’abord noter que la Chine a accéléré et accru ses liens économiques avec l’Iran après chaque cycle de sanction Onusienne. Mais la partie de la relation Iran-Chine qui fut capital dans la réduction de l’impact des sanctions à l’encontre de la Banque centrale iranienne et de l’économie iranienne en générale fut le système de troc mis en place par la Chine et l’Iran pour contrer l’isolement des banques iraniennes du système financier international et qui fut capital. Bien sûr, ce système permet également à la Chine d’obtenir le pétrole iranien à bas coût.

252 4. Conclusion

L’efficacité réelle des sanctions internationales est souvent remise en doute dans le discours économique et politique, notamment parce qu’il est souvent difficile d’obtenir une réelle coalition de partenaire commerciaux dont la volonté réelle est d’imposer les sanctions en question. Dans le cas de l’Iran, ce furent surtout ses particularités, tel que son fanatisme supposé ou la possibilité pour les élites dirigeantes d’échapper à la majorité des effets desdites sanctions, qui furent misent en avant et souvent invoqués à l’appui de l’argument de l’inutilité des sanctions.

Toutefois, au vu de ce qui précède, il est probable que la sévérité de l’impact économique des sanctions ait, au moins partiellement, contribué à la volonté des autorités de négocier l’accord de Vienne sur le nucléaire Iranien, signé le 14 juillet 2015. En effet, si les sanctions n’ont certainement pas dissuadé l’Iran de continuer son programme nucléaire, qui continue toujours bien que sous la surveillance de la communauté internationale, elles en ont tout de même clairement augmenté le coût économique, social et diplomatique ce qui a forcément dû inciter l’Iran à négocier.

Heureusement, depuis celui-ci, l’économie iranienne semble se rétablir avec notamment une croissance exemplaire à 6.4% du PIB en 2016, selon la Banque mondiale.

253 5. Bibliographie / Bibliografie

A. Articles scientifiques ou d’institutions internationales (ordre chronologique décroissant)

1. MAJIDI, A., ZAROUNI, Z., « The Impact of Sanctions on the Economy of Iran », Forum for research in Empirical Trade, September 2016. Consulté sur http://www.freit.org/WorkingPapers/Papers/Other/FREIT1140.pdf, le 7 octobre 2017.

2. WORLD BANK, « Lifting Economic Sanctions on Iran: Global Effects and Strategic Responses », World Bank Policy Research Working Paper No. 7549, 20 avril 2016. Consulté sur https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2726341 le 10 Septembre 2017.

3. WORLD BANK, « Economic Implications of Lifting Sanctions on Iran », MENA Quarterly economic brief, 5 avril 2015. Consulté sur http://documents. worldbank.org/curated/en/575391468187800406/pdf/98389-REVISION-BRI-PUB LIC-Box393170B-QEB-issue-5-FINAL-7-27-15.pdf le 10 Septembre 2017. 4. PETERSON, S., « Iran’s Deteriorating Economy: An Analysis of the Economic Impact of Western Sanctions », International Affaire Review, 2 Juillet 2014. Consulté sur http://www.iar-gwu.org/node/428 le 7 octobre 2017.

5. SAEIDNIA, S., ABDOLLAHI, M., « Consequences of International Sanctions on Iranian Scientists and the Basis of Science », International monthly journal in the field of hepatology, 20 September 2013. Consulté sur https://www.ncbi.nlm.nih. gov/pmc/a rticles/PMC3830517/ le 7 octobre 2017. 6. Gal, Y., Minzili, Y., « The Economic Impact of International Sanctions on Iran », The Eleventh Annual Herzliya Conference, 9 Fevrier 2011. Consulté sur http://www.herzliyaconference.org/eng/_Uploads/dbsAttachedFiles/YitzhakGalYai rMinzili.pdf le 7 octobre 2017.

B. Entrée sur Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Sanctions_against_Iran, dernière consultation le 7 octobre 2017.

254 255 256 Relations bilatérales entre la Russie et l’Iran

Blanche de Posch

257 258 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 259

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 260

2. HISTORIQUE ...... 261

2.1. LES GUERRES RUSSO-PERSANES...... 261

2.2. SECONDE GUERRE MONDIALE ET DÉBUT DE LA GUERRE FROIDE ...... 261

2.3. POST-RÉVOLUTION : AFGHANISTAN ET GUERRE DU GOLFE...... 262

3. POLITIQUE ...... 263

3.1. PERCEPTION DE L’ALLIANCE RUSSO-IRANIENNE : LE POINT DE VUE DE L’IRAN...... 263

3.2. PERCEPTION DE L’ALLIANCE RUSSO-IRANIENNE : LE POINT DE VUE DE LA RUSSIE ...... 263

3.3. RAPPORT AVEC LES ETATS-UNIS ...... 264

4. ECONOMIQUE ...... 266

5. LE CONFLIT SYRIEN ...... 267

5.1. ENJEUX ...... 267 5.1.1. Iran...... 267 5.1.2. Russie ...... 268

5.2. DÉVELOPPEMENTS...... 268

6. CONCLUSION ...... 270

7. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 271

259 1. Introduction / Inleiding

Une alliance qu’on peut voir à l’œuvre sur le terrain, leurs intérêts communs se retrouvent autour d’un même conflit : la Syrie. Mais cette alliance est-elle basée sur le court terme, uniquement due à un alignement de certains intérêts et d’interdépendance mutuelle ? Elle est faite pour durer ou sera-t-elle toujours ternie par l’ombre de la méfiance mutuelle ?

Afin de comprendre plus en profondeur les relations qui lient la Fédération de Russie à la République Islamique d’Iran, parcourons tout d’abord l’histoire des relations entre les deux pays à travers une série d’événements clefs qui ont marqué l’évolution de leurs rapports, nous nous concentrer ensuite sur les enjeux actuels de cette relation répartis en plusieurs domaines : politique, économique, pour enfin nous pencher sur le cas de la Syrie des enjeux de ce conflit pour les deux pays ainsi que les perspectives d’avenir des liens russo-iraniens.

260 2. Historique

Si un rapprochement récent entre l’Iran et la Russie est aujourd’hui indéniable, les choses n’en ont pas toujours été ainsi. A travers leur histoire, les relations diplomatiques datant de 1521 ont en effet été marquées par de nombreux conflits.

2.1. Les guerres russo-persanes

Entre les 17ème et 19ème siècles, une série de guerres opposent la Perse et la Russie. La première d’entre elles (1651-1653) est initiée par une Perse forte sous la dynastie des Safavides. Elle sera cependant la seule des 5 principales guerres russo-persanes (1651-1653, 1722-1723, 1796, 1804-1813, 1826-1828) à se solder par une victoire perse. La Perse subit donc de larges défaites militaires, et perd une grande partie de son territoire, au profit d’une Russie qui ne cesse de gagner en pouvoir.

2.2. Seconde Guerre Mondiale et début de la guerre froide

En 1941, au cœur de la deuxième guerre mondiale, l’URSS et le Royaume-Uni envahissent l’Iran en vue de sécuriser les champs pétroliers d’Abadan détenus par l’Anglo-Iranian Oil Company et d’établir une route de ravitaillement, le corridor perse, vers l’URSS. Ils craignaient en fait que l’Allemagne, qui entretenait des liens économiques étroits avec l’Iran, ne s’approprie Abadan. Reza Shah est contraint d’abdiquer en faveur de son fils Mohammed Reza. En 1943, la conférence des alliés prend place à Téhéran avec la présence de Staline. Ce sera son unique voyage en dehors de l’URSS ! A la fin de la guerre, les troupes britanniques quittent le pays mais les Russes restent implantés au Nord, et les républiques fantoches soviétiques d’Azerbaidjan et de Mahabad voient le jours. Celles-ci ne feront pas long feu et s’effondreront après que les Russes quittent enfin l’Iran en mai 1946, cédant à la pression diplomatique américaine. C’est le début d’une période d’influence américaine sur l’Iran, la transformant en un bloc anti-communiste lors de la guerre froide. Les relations URSS-Iran sont amoindries, un phénomène qui se renforce encore après le coup d’Etat initié par les Etats-Unis en 1953.

261 2.3. Post-Révolution : Afghanistan et Guerre du Golfe

Après le renversement du Shah, l’URSS est intéressée par la tournure anti-américaine que prend l’Iran. L’ambassadeur de l’URSS sera d’ailleurs le premier envoyé étranger à être reçu par l’Ayatollah Khomeini. Cependant, les relations entre l’Union Soviétique et la République Islamique ne se déroulent pas sans encombre. L’union Soviétique dont le communisme et l’athéisme sont jugés incompatibles avec les valeurs iraniennes et est rapidement catégorisé comme étant « Satan » et son ambassade à Téhéran est prise pour cible.

1980S : SU envahit l’Afghanistan et soutien l’Irak dans la guerre contre l’Iran

Lors de l’invasion de l’Afghanistan, l’Iran a du payer le prix fort et absorber plus de 2 millions de réfugiés fuyant le conflit.

1980-1988 : guerre iran irak. La Russie fournit des armes à l’Iran lors de cette guerre

La fin des années 80 amène beaucoup de changements qui donnent un nouveau souffle aux relations bilatérales. La guerre du Golfe prend fin en 1988, l’URSS se retire d’Afghanistan moins d’un an plus tard, Khomeini décède, et le communiste et l’Union Soviétique prennent fin. C’est à cette époque que la Russie devient un fournisseur en armement important pour l’Iran.

262 "L'Iran est notre bon voisin et un partenaire fiable et stable” Vladimir Poutine lors d’une rencontre avec Hassan Rohani au Kremlin 28.03.2017

3. Politique

3.1. Perception de l’Alliance russo-iranienne : le point de vue de l’Iran

Pour l’Iran, la Russie représente une puissante contre force face aux US et peut subvenir à ses besoins en armes. Si la République islamique a besoin de son alliance avec la Russie, elle n’en reste pas moins méfiante car la Russie lui a souvent fait faux bond auparavant. A plusieurs reprises, elle s’est sentie utilisée par la Russie dans les négociations avec les Etats- Unis. Par exemple, le souvenir de l’accord secret négocié entre le Premier Ministre russe Chernomyrdin et le Vice-Président américain Al Gore en 1995 reste en effet bien marqué dans les esprits. Celui-ci proposait à la Russie d’arrêter totalement la vente d’armes à l’Iran pour 1999 qui serait en échange épargnée des sanctions américaines.

Une autre expérience négative dans la mémoire iranienne En 2007, l’Iran avait commandé à la Russie des missiles de défense antiaérienne S-300. Suite à l’embargo d’armement occidental vers l’Iran, la Russie avait cédé à la pression des Etats-Unis et d’Israël et annulé le contrat. Les missiles longue portée ne furent finalement livrés qu’après la signature des accords nucléaires, illustrant l’influence des US sur la Russie et semant la méfiance auprès des Iraniens.

3.2. Perception de l’Alliance russo-iranienne : le point de vue de la Russie

La Russie, qui cherche à être reconnue comme puissance mondiale, a besoin d alliés pour contrer les puissances occidentales et l’OTAN. L’Iran, au gouvernement stable qui partage la position de la Russie sur les Etats-Unis semble être un allié de choix. De plus, situé au Nord du Golfe Persique, le pays dispose d’un accès aux mers chaudes, un avantage considérable pour la Russie.

L’Iran, qui compte très peu d’alliés dans la région, et beaucoup de pays occidentaux à dos, a besoin d’un partenaire comme la Russie. La Russie peut donc profiter de cette relation de dépendance. Si lest Etats-Unis en venaient à se rapprocher de l’Iran, l’avantage comparatif de la Russie en serait considérablement

263 diminué, c’est pourquoi il est dans l’intérêt russe que les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran sont maintenues, sans être trop fortes.

La stratégie russe étant plus globale, l’Iran ne représente pour elle qu’un parmi de nombreux partenaires, elle peut donc se permettre de tenir les rennes de cette relation. Un rapprochement trop étroit avec l’Iran risquerait cependant de menacer la relation positive qu’entretient la Russie avec Israël, l’Arabie Saoudite et l’Egypte, rivaux de l’Iran de longue date.

« Notre coopération peut isoler les Etats Unis … L'échec des terroristes soutenus par les Etats-Unis en Syrie ne peut pas être nié, mais [pourtant] les Américains continuent leurs complots » Ayatollah Khomenei, après une rencontre avec Vladimir Poutine à Téhéran en 11.2017

« En dépit de mes fortes convictions, je n'ai pas encore retiré les États- Unis de l'accord nucléaire iranien. A la place, j'ai donné les grandes lignes des deux voies possibles: soit corriger les failles désastreuses de l'accord, soit en retirer des États-Unis. » Donald Trump 12 Janvier 2018

3.3. Rapport avec les Etats-Unis

Aujourd’hui, le point de convergence principal entre les politiques étrangères russes et iraniennes est indéniablement leur opposition à la puissance des Etats-Unis. Les deux pays refusent un monde dominé par l’hégémonie américaine et veulent à la place un système multipolaire dans lequel ils auraient tous deux un rôle prédominant. Ils se positionnent fermement contre la politique de changement de régime, et d’exportation de révolutions pour instaurer la « démocratie occidentale » au Moyen-Orient. Ils soutiennent un homme d’état fort pour maintenir la stabilité.

Du côté de l’Iran ses tendances anti-américaines sont très ancrées depuis la révolution. Cependant, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2016 et de sa rhétorique fermement opposée à l’Iran n’a fait que renforcer celles-ci. Le Président américain à déclarer en 2018 vouloir revoir les accords nucléaires avec l’Iran, ce qui a eu un effet de bombe en Iran et attisé la colère des Iraniens.

La relation entre les deux pays s’est encore rapprochée en 2012 lors de la réélection de

264 Poutine. Ce moment coïncide avec la redéfinition de la Russie comme une puissance antioccidentale, se tournant davantage vers la Chine et investissant dans l’Union économique eurasiatique.

265 "Nous sommes tous deux producteurs de pétrole et de gaz, mais au lieu des compétitions malsaines, nous pouvons avoir des relations très constructives… Il y a plusieurs domaines pour les investissements russes en Iran dans les secteurs pétrolier et gazier" Hassan Rohani lors d’une rencontre avec Vladimir Poutine au Kremlin 28.03.2017

4. Economique

Tous deux confrontés aux sanctions occidentales, la Russie et l’Iran s’en retrouve liées par leur rejet des puissances de l’Ouest. Les deux pays sont également fondateurs des Pays Exportateur de Gaz d’où viennent 70% des réserves de gaz mondiales.

Initié dans les années 90, le partenariat économique russo-iranien a aujourd’hui pris beaucoup d’ampleur. En 2016, le volume des échanges commerciaux entre a Russie et l’Iran augmentent de 70%. En mars 2017, Poutine annonçait lors d’une rencontre avec Rohani un crédit de 5 milliards de dollars à l’Iran pour développer les relations commerciales entre les deux pays, ainsi que la signature de 14 contrats approfondissant la coopération dans les domaines politique, économique, judiciaire, juridique, scientifique et culturel.

Plus tard dans l’année, ils signent un accord d’une valeur de 20 milliards de dollars selon lequel l’Iran vendra de pétrole brut à la Russie en échange de produits. La Russie est également le principal fournisseur en armes de l’Iran, un atout inestimable pour l’Iran lors des sanctions militaires.

266 « Le plan à long terme des Américains est de dominer la Syrie et ensuite prendre le contrôle de la région". C'est une menace (...) en particulier pour la Russie et l'Iran. [Bachar al-Assad] est le président légal et élu par le peuple syrien […] les États-Unis n'ont pas le droit d'ignorer ce vote et ce choix" le Guide Suprême Khomenei, après une rencontre avec Vladimir Poutine, 11.2015

5. Le conflit syrien

Les deux pays partagent un but commun : maintenir le régime de Bachar Al Assad au pouvoir pour garantir leurs intérêts principaux.

Cependant, leurs objectifs ne se limitent pas au maintien du régime syrien mais englobent aussi une politique anti-terroriste importante. Il y a une réelle inquiétude quant aux mouvements radicalisés dans la région. En Iran, l’aspect anti-terroriste de la mission permet aussi de rassurer les Iraniens quant à la légitimité de ces opérations fort couteuses pour un pays comme l’Iran. Néanmoins, la définition de mouvement terroriste diverge entre l’Occident et les deux pays. La Russie et l’Iran emploient en effet ce terme avec beaucoup de flexibilité, considérant les opposants à la préservation du régime comme terroristes.

5.1. Enjeux

Le soutien à tous prix de Bachar Al Assad peut s’expliquer différemment en fonctions des intérêts domestiques de l’Iran et de la Russie.

5.1.1. Iran

Pour l’Iran, l’avenir de la Syrie est crucial dans l’établissement du nouvel ordre. Etant le plus grand représentant de l’Islam chiite, minoritaire au Moyen-Orient, la république Islamique se doit de préserver le régime afin de maintenir le pouvoir de l’Islam chiite.

Le conflit syrien représente un investissement important du coté de l’Iran. Elle y met à disposition une assistance militaire importante, envoie des conseillers et des volontaires sur le terrain, et finance la mobilisation de milliers de Chiites irakiens et afghans pour se battre.

267 Depuis le début du conflit on compte une centaine de victimes iraniennes.

Mais la Syrie a également une valeur instrumentale en tant que canal d'approvisionnement en armes et argent vers le Hezbollah, un paramètre non négligeable pour Israël et les Etats-Unis. De plus parmi les opposant à Assad se trouve le rival principal de l’Iran et meneur de l’Islam sunnite : l’Arabie Saoudite. L’Irak, le Liban, la Syrie et même le Yemen sont les terrains de cette rivalité, où les deux branches de la religion se disputent le pouvoir dans la région. L’Iran se doit d’empêcher à tous prix l’Arabie Saoudite soutenue par les Etats-Unis de devenir l’hégémonie régionale.

5.1.2. Russie

Plus orienté à l’échelle globale, l’agenda de la Russie diffère. Le pays n’a en effet pas d’intérêt pour l’Axe de résistance chiite. Elle se doit de tenir un discours plus balancé que son allié car domestiquement, la Russie compte environ 17 millions de Musulmans dont la majorité sont sunnites, et extérieurement elle ne peut se permettre d’aliéner les pays sunnites. En effet, le Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe par exemple est mené par des sunnites qui ont un poids stratégique indéniable. La Russie se doit également d’être extrêmement prudente avec Israël dans la gestion du conflit. Israël et la Russie entretiennent de très bonnes relations, et si l’Iran tentait de prendre part à des manœuvres offensives contre Israël la Russie devrait peut-être se placer entre les deux rivaux.

De façon générale, les ambitions russes sont plus globales que locales ce qui lui permet d’adopter une position plus souple et modérée et a donc plus de chance de coopérer que l’Iran, très rigide. Elle serait prête à négocier une alternative à Assad si celle-ci conviendrait à l’Arabie Saoudite et à Israël. La Russie a plus de chances d’évoluer d’une approche militaire du conflit vers une approche politique, un point de désaccord total avec l’Iran. Même s’ils sont alliés militairement, la Russie garde la main forte dans la relation.

5.2. Développements

Le 16 aout 2016 l’Iran donne l’autorisation à la force aérienne russe de décoller de shahid nojeh, une base aérienne située au Nord-Ouest de l’Iran afin de mener des frappes en Syrie. Pour comprendre le caractère unique de cette décision, il faut retourner à la stratégie de la République Islamique d’Iran. En effet, le principe cher à la révolution iranienne « pas l’Est ni

268 l’Ouest » a longtemps guidé la politique extérieure iranienne. Jamais depuis 1979, une armée étrangère n’avait obtenu l’autorisation d’utiliser le territoire iranien pour mener des missions. Voilà qui indique donc une vraie rupture avec un des fondements de la politique nationale, démontrant par la même occasion la taille de l’engagement iranien dans sa coopération militaire avec la Russie dans le conflit syrien.

269 6. Conclusion

On peut donc s’interroger quant à la durabilité du partenariat qui lie les deux pays, est-il d’origine purement opportuniste et temporaire ou bien ancré dans une relation plus profonde à long terme ?

Si cette alliance perdure, cela aura certainement des répercussions sur l’ordre global.

270 7. Bibliographie / Bibliografie

Freedman, R. (2000), Russian-Iranian relations in the 1990s, Middle East Review of International Affairs, Vol. 4, No. 2

Ellie Geranmayeh, E., Liik, K. (2016), The new power couple: Russia and Iran in the Middle East, European Council on Foreign Relations : http://www.ecfr.eu/publications/summary/iran_and_russia_middle_east_power_couple_7113 (site consulté en mars 2018)

Lecours, F. (1986). L’URSS face à la guerre du Golfe, une stratégie singulière. Études internationales, 17(4), 785–800

Lenczowski, J. (1947), The Communist Movement in Iran, Middle East Journal, no. 1 pp. 29- 45

Mamedova, N., (2009) RUSSIA ii. IRANIAN-SOVIET RELATIONS (1917-1991), Encyclopædia Iranica, édition en ligne, http://www.iranicaonline.org/articles/russia-ii-iranian- soviet-relations-1917-1991 (site consulté en mars 2018).

Milani, M. (2016) Iran and Russia's Uncomfortable Alliance : Their Cooperation In Syria In Context, Foreign Affairs : https://www.foreignaffairs.com/articles/iran/2016-08-31/iran-and-russias-uncomfortable- alliance (site consulté en mars 2018)

Therme, C. (2013 L'Iran et la Russie face aux crises du Moyen-Orient : entre connivence et divergence, Politique étrangère 2013/1 (Printemps), p. 131-143

Kozhanov, N. (2012) Russia’s relations with Iran : Dialogue without Commitments, The Washington Institute for Near East Policy, Policy Focus 120

Kozhanov, N. (2015) The Limits of Russian-Iranian Cooperation, Carnegie Moscow Center https://www.chathamhouse.org/expert/comment/limits-russian-iranian-cooperation#

271 272 L’or bleu d’Iran

« L'eau est le sang de la terre, le support de toute vie. » Viktor Schauberger

François-Guillaume Eggermont

273 274 Table des matières

TABLE DES MATIÈRES ...... 275

1. INTRODUCTION ...... 276

2. GÉOGRAPHIE...... 277

3. DÉFINITION DE LA SÉCHERESSE...... 278

4. CAUSES DE LA SÉCHERESSE ...... 279

4.1. CAUSES CLIMATIQUES ...... 279

4.2. CAUSES DIRECTEMENT LIÉES AUX ACTIVITÉS HUMAINES ...... 281 4.2.1. Gestion de l’eau dans le secteur agricole...... 281 4.2.2. Gestion de la consommation domestique...... 283 4.2.3. Gestion des infrastructures publiques...... 284

5. LES CONSÉQUENCES DE LA SÉCHERESSE ...... 287

5.1. ASSÈCHEMENT...... 287

5.2. AUGMENTATION DES TEMPÉRATURES ...... 288

5.3. AFFAISSEMENTS DE TERRAIN...... 288

5.4. TEMPETES DE SABLE...... 288

5.5. POLLUTION DE L’EAU ...... 289

5.6. TERRES CULTIVABLES ...... 290

6. SOLUTIONS...... 292

7. CONCLUSION ...... 293

8. CONCLUSIE ...... 294

9. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 295

275 1. Introduction

L’Iran est un pays de paradoxes. Rien n’est plus vrai lorsqu’il s’agit de la gestion de l’eau. A Téhéran la température peut atteindre les 40 degrés Celsius durant l’été. Pourtant, ouvriers municipaux déversent à longueur de journée des quantités invraisemblables d’eau pour entretenir les multiples espaces verts de la mégapole. Il n’est pas rare d’observer des saules pleureurs, arbres particulièrement amateurs de sols frais et humides, pousser le long de certains boulevards de la capitale. Les climatiseurs aussi imposants qu’indispensables utilisent d’immenses quantités d’eau. L’eau ne semble pas être une ressource rare dans cette ville entourée par des montagnes. Et pour cause, les glaciers du mont Elbourz fondent inexorablement et l’eau se déverse dans la mer Caspienne sans être stockée.

Ailleurs en Iran d’autres paradoxes sont observables. Ainsi, dans le désert entourant le site archéologique de Persepolis, d’importantes plantations de riz sont cultivées. Ces cultures doivent être en permanence immergées dans l’eau.

Derrière ces apparences se cache une sécheresse sans précédent, dont les conséquences sur l’économie, la santé, et la paix sociale se font de plus en plus ressentir au point de devenir une priorité stratégique pour le gouvernement, autant que le nucléaire civil.

Ce rapport d’étude a pour but de faire la lumière sur les enjeux de la sécheresse en République Islamique d’Iran. Après avoir dressé un bref portrait de la situation géographique du pays et défini la sécheresse, les causes et conséquences de cette pénurie seront étudiées. Enfin, certaines solutions seront examinées dans la dernière partie.

276 2. Géographie

La République islamique d'Iran couvre une superficie totale d'environ 1,75 million de km2. Le pays est bordé par l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la mer Caspienne et le Turkménistan au nord, l'Afghanistan et le Pakistan à l'est, le golfe d'Oman, le détroit d'Ormuz et le golfe Persique au sud et l'Irak et la Turquie à l'ouest. Environ 52% du pays est constitué de montagnes et de déserts et environ 16% du pays a une altitude de plus de 2 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le plus grand massif montagneux est celui des Zagros, qui s'étend du nord-ouest du pays vers le sud jusqu'aux rives du golfe Persique, puis continue vers l'est jusqu'à la province la plus au sud-est. D'autres chaînes de montagnes s'étendent du nord-ouest à l'est le long de la bordure sud de la mer Caspienne. Enfin, il existe plusieurs chaînes de montagnes dispersées le long de la frontière orientale du pays. Le plateau central ou intérieur est situé entre ces chaînes de montagnes et couvre plus de 50% du pays. Il est en partie recouvert d'un marais salant (kavir) et en partie par des zones de sable meuble ou de pierres avec des étendues de terres meilleures près des contreforts des montagnes environnantes.

Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, la superficie des terres arables est passé de 16,8 millions d’hectares en 2007 à 14,6 millions d’hectares en 2014. En 2003, 72,5% des propriétaires cultivaient moins de 5 hectares, 22,5% entre 5 et 20 hectares et seulement 5% plus de 20 hectares.70

70 http://www.fao.org/nr/water/aquastat/data/query/results.html?lang=fr&cntIds=102&showValueYears=true& newestOnly=false&categoryIds=- 1&YAxis=VARIABLE&yearRange.fromYear=1960&hideEmptyRowsColoumns=true&showCodes=true&q uery_type=CP®ionQuery=false&XAxis=YEAR&varGrpIds=4100%2C4101%2C4102%2C4103%2C410 4%2C4105%2C4106%2C4107%2C4108%2C4109%2C4110%2C4150%2C4151%2C4449%2C4470%2C44 72&yearRange.toYear=2015

277 3. Définition de la sécheresse

Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la sécheresse est « une absence prolongée ou une insuffisance marquée des précipitations », « une insuffisance des précipitations entraînant une pénurie d’eau pour certaines activités ou certains groupes » ou « une période de temps anormalement sec suffisamment longue pour que le manque de précipitations cause un déséquilibre hydrologique sérieux » (Heim, 2002).

La sécheresse est définie de plusieurs façons. La sécheresse agricole désigne un déficit hydrique dans la couche supérieure (1 mètre environ) du sol (la zone radiculaire), qui affecte les cultures; la sécheresse météorologique est essentiellement un manque prolongé de précipitations; quant à la sécheresse hydrologique, elle se caractérise par un débit des cours d’eau et un niveau des lacs et des nappes souterraines inférieurs à la normale. Une mégasécheresse est une sécheresse persistante et étendue, d’une durée très supérieure à la normale (en général une décennie ou plus).71

En juin 2016, l’Organisation de Météorologie iranienne a déclaré que 72% de la population faisait face à une sécheresse prolongée72.

71 https://www.ipcc.ch/publications_and_data/ar4/syr/fr/annexessannexes-2-4.html 72 http://www.tehrantimes.com/news/403843/72-of-Iran-s-population-struggling-with-long-term-drought-official

278 4. Causes de la sécheresse

Les causes de la sécheresse sont diverses. Si le climat et le dérèglement de celui-ci joue un role important, la pénurie d’eau douce dont souffre l’Iran résulte en grande partie de l’activité humaine.

4.1. Causes climatiques

Le climat de la République islamique d'Iran est l'un des plus extrêmes en raison de son emplacement géographique et de sa topographie variée. L’été y est extrêmement chaud avec des températures pouvant atteindre des records mondiaux. En hiver, cependant, la haute altitude de la majeure partie du pays et sa situation continentale se traduisent par des températures beaucoup plus basses que ce à quoi on pourrait s'attendre dans un pays aux basses latitudes. Des températures de -30° C peuvent être enregistrées dans le nord-ouest et - 20°C est habituel en de nombreux endroits.

Les précipitations annuelles vont de moins de 50 mm dans les déserts à 2 275 mm à Rasht près de la mer Caspienne. Les précipitations annuelles moyennes sont de 228 mm et environ 90% du pays est aride ou semi-aride. Environ 23% des pluies tombent au printemps, 4% en été, 23% en automne et 50% en hiver. Les précipitations ont diminué de 40% en vingt ans.

Sur le volume moyen des précipitations de 376 km3 / an, on estime que 66% s'évaporent avant d'atteindre les rivières. Le ruissellement de surface représente un total de 97,3 km3 / an, dont 5,4 km3 / an proviennent du drainage des aquifères, et la recharge des eaux souterraines est estimée à environ 49,3 km3 / an, dont 12,7 km3 / an proviennent de l'infiltration dans le lit de la rivière, ce qui donne un chevauchement de 18,1 km3 / an. La République islamique d'Iran reçoit 6,7 km3 / an d'eau de surface en provenance de l'Afghanistan à travers la rivière Helmand. Le débit de la rivière Araks, à la frontière avec l'Azerbaïdjan, est estimé à 4,63 km3 / an. Le ruissellement de surface vers la mer et vers d'autres pays est estimé à 55,9 km3 / an, dont 7,5 km3 / an en Azerbaïdjan (Araks) et 10 km3 /

279 an des affluents du Tigre en Irak. Environ 24,7 km3 / an s'écoulent des Karoun en Irak, mais puisque c'est juste avant qu'il ne se jette dans la mer, il ne compte pas comme entrant en Irak.

La République islamique d'Iran est divisée en 6 bassins principaux et 31 bassins secondaires. Les 6 principaux bassins sont : le Plateau Central au centre (Markazi), le bassin du lac d’Urmia au nord-ouest, le golfe Persique et le golfe d'Oman à l'ouest et au sud, le bassin du lac Hamoon à l'est (Mashkil Hirmand) , le bassin de Kara-Kum au nord-est (Sarakhs) et le bassin de la mer Caspienne au nord (Khazar). Tous ces bassins, à l'exception du golfe Persique et du bassin du golfe d'Oman, sont des bassins intérieurs. Près de la moitié des ressources en eau renouvelables du pays se trouvent dans le golfe Persique et dans le bassin du golfe d'Oman, qui ne couvre qu'un quart du pays. D'un autre côté, le bassin de Markazi, couvrant plus de la moitié du pays, a moins d'un tiers des ressources en eau renouvelables totales. Avec une superficie de 424 240 km2, la mer Caspienne est la plus grande étendue d'eau enclavée du monde et sa surface se situe à environ 22 mètres sous le niveau de la mer.

Le manque d'eau est la principale cause de la sécheresse. Lorsque l'hiver ou le printemps n'ont pas été suffisamment pluvieux, les réserves d'eau ne sont pas assez remplies. Le manque d'eau accompagné de températures élevées va accentuer le phénomène de sécheresse car il y aura davantage d'évaporation et de transpiration des plantes (évapotranspiration) ce qui assèche les sols.

Pour être dans des configurations de sécheresse, il faut donc qu'un certain type de temps persiste. Les dépressions sont des phénomènes climatiques (des masses d'air froides et humides ascendantes) qui engendrent des précipitations. Les anticyclones (masses d'air descendantes) vont favoriser l'apport d'air chaud et sec, donc pas de précipitations. Ainsi, pour être dans un état de sécheresse, il faut qu'un anticyclone soit présent pendant une certaine période de temps.

280 Les prévisions des climatologues n'incitent pas à l’optimisme : les chutes de pluie au Moyen-Orient devraient diminuer de 20% d'ici la fin du siècle et les températures pourraient augmenter de 5°C, selon les estimations du Giec. Les pics de chaleurs se multiplient. Cet été, la ville d'Ahvaz a connu un record mondial de chaleur avec 53,7°C.73

4.2. Causes directement liées aux activités humaines

En Iran, l’activité humaine accentue cette sécheresse. En effet, tant le secteur agricole, que la consommation domestique, et que la gestion des infrastructures publiques y contribuent.

4.2.1. Gestion de l’eau dans le secteur agricole

En 2007, le produit intérieur brut (PIB) était de 270,9 milliards de dollars américains. L'agriculture représentait environ 9% du PIB, contre 23% en 1992. La population économiquement active est d'environ 27,6 millions (2005), dont 70% d'hommes et 30% de femmes. Dans l'agriculture, 6,7 millions d'habitants sont économiquement actifs, dont 56% d'hommes et 44% de femmes. Si la part que représente le secteur agricole dans le PIB est relativement faible, il représente toutefois 92% de la consommation annuelle d’eau douce.

L'agriculture est principalement pratiquée dans de petites unités agricoles. De 1960 à 1993, le nombre d'unités agricoles est passé de 1,8 à 2,8 millions d'unités, la superficie moyenne par unité passant d'un peu plus de 6 ha à moins de 5,5 ha. Plus de 80% de ces unités agricoles ont une taille totale inférieure à 10 ha et même ces 10 ha sont dispersés en moyenne sur cinq sites différents. Environ 5% des terres agricoles sont utilisées par des sociétés

73 https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/iran-derriere-la-contestation-le-fleau-de-la- secheresse-et-de-la-pollution_1975312.html

281 coopératives, composées de systèmes traditionnels et modernes. Habituellement, chaque coopérative compte 8 membres d'une taille moyenne de 40 ha. Les entreprises commerciales couvrent environ 14% des terres agricoles, principalement situées dans la province de Khozestan, dans le sud-ouest du pays.

Pays semi-aride, l'Iran est pourtant célèbre pour son ancestral système de régulation de l'eau et son infrastructure d'irrigation souterraine, les qanats, qui transportaient l'eau des montagnes sur des dizaines de kilomètres sans risque d'évaporation. Mais la réforme agraire menée par le Shah en 1963 a désorganisé la gestion de cette ressource vitale. Puis, après la révolution de 1979, la république islamique a mis l'accent sur l'autosuffisance alimentaire, considérée comme une priorité dans un pays confronté à huit ans de guerre avec l'Irak et aux sanctions internationales.74 Cette politique d’autosuffisance alimentaire s’est accompagnée d’une politique de protectionisme soumettant les rares produits alimentaires importés à d’importants droits de douane.

L’isolement international et le manque d’investissement sont la cause d’un équipement vétuste, tel que des systèmes d’irrigation à ciel ouvert favorisant fortement l’évaporation.

A coté de la petite taille des exploitations agricoles et du manque d’équipement moderne, la grande consommation d’eau s’explique également par le choix de cultures moins appropriées mais plus profitables à court terme, comme le riz ou la pistache par exemple.

74 https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/iran-derriere-la-contestation-le-fleau-de-la- secheresse-et-de-la-pollution_1975312.html

282 Autrefois les cultures étaient plus diversifiées et nécessitaient de moins grandes quantités d’eau.

Lorsque la quantité d’eau subsidiée et fournie par les pouvoirs publiques ne suffit pas, les agriculteurs puisent l’eau directement dans les napes phréatiques en utilisant des forages individuels. Il y en aurait une centaine de milliers à travers le pays, ceux-ci exercent sur les eaux souterraines une pression intenable.75

4.2.2. Gestion de la consommation domestique

Cette situation critique est aussi le résultat du développement urbain non contrôlé et de l’explosion démographique : en 35 ans, la population urbaine a augmenté de 30 millions de personnes, et la population rurale de 9,5 millions.76

La population totale est d'environ 82,8 millions (2018), dont 32% vivent dans les zones rurales. Cela signifie que le rapport entre la population urbaine et rurale a été inversé au cours des 50 dernières années, la population urbaine étant d'environ 31% en 1955 (Mahmoodian, 2001). La densité moyenne de la population est de 40 habitants / km2, mais varie de moins de 10 dans la partie orientale du pays à plus de 150 dans la province de Gilan, située dans la plaine de la mer Caspienne au nord, qui est de loin la région la plus densément peuplée dans le pays après la province de Téhéran où se situe la capitale et où la densité de population atteint 400 habitants / km2. Le taux de croissance démographique annuel a été estimé à 3,7% au cours de la période 1980-1990 et a été ramené à 0,9% au cours de la période 2000-2005.

En cinquante ans, la population de l’Iran a presque quadruplé passant de 23 millions en 1962 à 82,8 millions en 2018. Cette augmentation démographique va de paire avec une

75 http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/03/19/l-eau-enjeu-strategique-en- iran_4597073_3232.html#9cpxGbAE6QkTl81I.99. 76 ibidem.

283 amélioration des conditions de vie et un accès plus grand à l’eau potable : 92,2% 1990 et 96,2% 2015 selon la Banque Mondiale.77

Malgré les signes manifestes de la pénurie d’eau potable, les mentalités ne semblent pas favoriser la préservation de cette ressource précieuse. En effet, un iranien consomme presque le double de la moyenne mondiale avec 250 litres d'eau par personnes par jour contre 137 en France.78

Le prix dérisoire de l’eau est sans doute la source de ce gaspillage. En 1995, le prix moyen de l'eau fournie aux agriculteurs par les pouvoirs publics était de 0,2 à 0,8 USD / m3, tandis que le coût du prélèvement des eaux souterraines était de 5 à 9 USD / m3. Cette lourde subvention du gouvernement est probablement l'une des principales raisons de la faible efficacité de l'irrigation dans tout le pays.

L'eau de surface est actuellement vendue au prix de US $ 1-2 / m3 mais l'eau souterraine est gratuite pour les détenteurs de puits. Dans le passé, les détenteurs de puits ont dû payer environ 0,25-0,5% de la production agricole, mais cela s'est maintenant arrêté.

Le prix de l'énergie ne favorise pas non plus la préservation de l'eau. Bien que le coût de l'énergie soit d'environ 0,77 $ US / kWh, la population ne paie que entre 0,015 et 0,15 $ US / kWh. En d'autres termes, le prix de l'énergie pour le pompage de l'eau est inférieur à 2% du coût réel.

4.2.3. Gestion des infrastructures publiques

Enfin, la mauvaise gestion de l’eau, qui résulte d’une incompréhension de la

77 https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.H2O.SAFE.ZS?end=2015&locations=IR&start=1990 78 https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/iran-derriere-la-contestation-le-fleau-de-la- secheresse-et-de-la-pollution_1975312.html

284 complexité du problème, se manifeste également au travers des politiques publiques. D’abord par la construction de multiples barrages, souvent inutiles et favorisant l’évaporation, ensuite par un système de conduites d’eau défaillants, par un manque de recyclage des eaux usées et par une mauvaise gestion des cours d’eau trans-frontaliers79, et enfin par une politique de subsides résolument néfaste.

Les barrages ont toujours joué un rôle important dans l'exploitation des précieuses réserves d'eau iraniennes et l'objectif à long terme du plan de développement des ressources en eau de la République islamique d'Iran repose sur le contrôle et la régulation des ressources en eau à travers les barrages. En 2006, 94 grands barrages de stockage d'une capacité totale de 31,6 km3 étaient en exploitation et 85 grands barrages d'une capacité de 10 km3 étaient en construction. Mis à part l'hydroélectricité, les barrages jouent également un rôle important dans le contrôle des inondations par l'acheminement des inondations. Toutefois, il y a trop de barrages et ceux-ci sont parfois inutiles et provoquent une importante évaporation, accélérant ainsi l'épuisement des ressources, asséchant les zones humides ce qui entraine une augmentation de la salinité des sols.

Ensuite, les taux de fuite des conduites d’eau sont estimés à 30 %, ce qui est sans doute en dessous de la réalité.80

En ce qui concerne le recyclage, en 2001, il y avait 39 stations d'épuration d'une capacité totale de 712 000 m3 / jour, traitant les eaux usées produites par une population de 3,8 millions d'habitants. Les eaux usées traitées étaient d'environ 130 millions de m3 / an (Mahmoodian, 2001). Quelque 79 stations d'épuration d'une capacité totale de 1,917 million m3 / jour étaient en construction et 112 stations d'épuration d'une capacité totale de 1,590 million m3 / jour étaient à l'étude en 2010. C’est très peu en comparaison des 5 milliards m3 /

79 https://financialtribune.com/articles/environment/76621/absence-of-water-diplomacy-leads-to-ecological- disasters 80 http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/03/19/l-eau-enjeu-strategique-en- iran_4597073_3232.html#9cpxGbAE6QkTl81I.99

285 an en France et environ 18 830 stations en 2010.81

En ce qui concerne les problèmes internationaux de l’eau, avant le régime des Taliban en Afghanistan, il y avait un débit convenu de 27 m3 / s (850 millions m3 / an) pour la rivière Helmand qui entre en République islamique d'Iran. Cependant, sous le régime taliban en Afghanistan (1995-2001), cet accord est tombé aux oubliettes, ce qui a entrainé un désastre économique et environnemental dans les provinces du Sistan et du Baloutchistan à la frontière de l'Afghanistan et du Pakistan (Bybordi, 2002). La rivière Helmand est la plus longue rivière d'Afghanistan. Elle s'étend sur 1 150 km des montagnes de l'Hindu Kush à environ 80 km à l'ouest de Kaboul et traverse le désert vers les marais du Seistan et la région des lacs Hamun- i-Helmand autour de Zabol à la frontière afghano-iranienne.82

81 https://www.planetoscope.com/consommation-eau/622-traitement-des-eaux-usees-par-les-stations-d- epuration-en-france.html 82 https://financialtribune.com/articles/environment/76621/absence-of-water-diplomacy-leads-to-ecological- disasters

286 5. Les conséquences de la sécheresse

l’Assèchement lacs, rivières et nappes phréatiques engendrent des conséquences sur l’environnement, concomitamment sur l’économie, la santé et la paix sociale.

5.1. Assèchement

Ces assèchements n’ont rien d’anecdotiques, ainsi, la superficie du lac le plus célèbre d’Iran à diminué de 90% depuis 1970. Le lac d’Urmia qui faisait jadis la taille du Luxembourg pourrait être à sec d’ici trois ans. La concentration de sel est devenue tellement élevée que celui-ci est devenu rouge. Le sel qui n’est plus captif de l’eau s’envole et rend les terres avoisinantes infertiles.

Un autre emblème de l’Iran, le fleuve de Zayandeh qui traversait la ville d’Isphahan est aujourd’hui a sec.

Les marais s’assèchent les uns après les autres comme c’est le cas à Ahvaz, à la frontière iraqienne, provoquant d’importante tempêtes de sable.

Le niveau des nappes phréatiques baisse constamment du fait des forages individuels. A certains endroits, comme dans la plaine de Sirjan, dans le sud de l'Iran, cette baisse est de 0,66 mètres par an. Certains estiment que 70% des ressources des nappes phréatiques sont déjà épuisées.

287 5.2. Augmentation des températures

Les surfaces d’eau jouent un rôle crucial dans l’équilibre météorologique puisqu’elles reflètent une partie des rayons du soleil dans l’atmosphère permettant ainsi de limiter le réchauffement. La disparition des surfaces que constituent les grands lacs et les fleuves entrainent donc un réchauffement de la température qui à son tour accélère le phénomène d’évaporation et d’assèchement, comme un cercle vicieux.

5.3. Affaissements de terrain

Dans certains cas, l'abaissement du niveau des nappes phréatiques entraîne des affaissements de terrain. Ces affaissements provoquent des dégâts importants dans les zones résidentielles, les complexes industriels tels que la centrale de Hamadan, ainsi qu’à certaines routes. D'importants oléoducs et gazoducs sont également touchés, comme le grand pipeline qui traverse le nord-est du pays. Bien que difficilement chiffrable, ces affaissement progressifs ou soudains sont très néfastes pour l’économie du pays et la sécurité de sa population.83

5.4. Tempetes de sable

Une autre conséquence désastreuse de l’assèchement des marais et cours d’eau est la survenance de tempêtes de sables. Celles-ci peuvent plonger des villes dans le chaos. Des milliers de personnes sont ainsi privé d’électricité, les écoles, universités et organisations gouvernementales sont contraintes

83 http://www.groundwatergovernance.org/fileadmin/user_upload/groundwatergovernance/docs/Country_studie s/Iran_Synthesis_Report__Final_Groundwater_Management.pdf

288 de fermer leurs portes.

En juin 2014, 5 personnes sont décédées et 30 autres ont été blessés lors d’une violente tempête de sable qui a touché Teheran.

L'ouest de l'Iran souffre également de tempêtes de poussière causées par le dessèchement des marais irakiens. Ces tempêtes sont l'une des principales causes de la pollution de l'air à Téhéran, bien qu'elle se trouve à 550 km de la frontière.

5.5. Pollution de l’eau

La surexploitation des nappes phréatiques commence à avoir un impact sur la qualité de l'eau, en particulier à cause de l'intrusion d'eau salée dans les aquifères. L’augmentation du taux de salinité est également observable dans la plaine de Kashan située dans le centre de l'Iran. En 20 ans (1980-2000), la conductivité de l'eau est passée de 2.000 à 10.000 µS/cm et la terre est maintenant impropre à l'agriculture. Dans certaines régions, la conductivité de l'eau est passée de 4 000 à 20 000 µS/cm. Des conditions similaires se produisent dans la plaine de Mashhad où, sur une période de 10 ans, l la conductivité de l'eau a augmenté à 500 µS/cm.84

En plus de la salinité de l'eau, des augmentations des concentrations de nitrate sont signalées dans plusieurs des principaux aquifères du pays à Mashhad, Ispahan, Qazvin, Téhéran et le long des côtes de la mer Caspienne.

84 http://www.groundwatergovernance.org/fileadmin/user_upload/groundwatergovernance/docs/Country_studie s/Iran_Synthesis_Report__Final_Groundwater_Management.pdf

289 5.6. Terres cultivables

Le manque d’eau pour irriguer, la piètre qualité de celle-ci, et surtout la haute teneur en sel ainsi que les tempêtes de sable ont pour effet de compliquer considérablement la production agricole. 15% des pistachiers, deuxième produit d’exportation en République Islamique d’Iran après le pétrole, ont disparus en 10 ans, forçant les habitants à quitter leurs maisons. A ce rythme, la moitié des provinces d’Iran pourraient devenir inhabitables d’ici 15 ans.85

Cette catastrophe économique engendre un malaise social qui s’extériorise à travers des mouvements de contestations de plus en plus fréquents. C’est le cas des contestations de janvier 2018. L'une des principales surprises de cette vague de contestation a été le nombre de villes concernées, entre 70 et 80, de jamais vu depuis la révolution de 1979. Le vent du mécontentement ne surgissait pas du néant. Il s'enracine dans un malaise local, souvent lié à des facteurs environnementaux, observe Ali Reza Esragi, spécialiste de l'Iran à l'Institute for War and Peace Reporting: piètre qualité de l'eau dans la province du Khouzistan, mauvaise récolte dans celle de Hamadan. Beaucoup de ces villes ont accueilli des paysans chassés de leurs villages désertés après 14 années de sécheresse, souligne pour sa part Barbara Slavin, spécialiste de l’Iran.

Si aucune solution durable n’est entreprise pour pallier cette pénurie d’un bien aussi vital que l’eau, c’est la stabilité de l’Etat qui est directement en jeu. A l’instar de nombreux autres conflits dans le monde, c’est également une pénurie d’eau qui se trouve à l’origine de la guerre en Syrie. Un scénario similaire en Iran n’est pas à exclure. Le Pacific Institute recense déjà plusieurs incidents causés par le manque d’eau.86

85 https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/iran-derriere-la-contestation-le-fleau-de-la- secheresse-et-de-la-pollution_1975312.html 86 http://www2.worldwater.org/conflict/map/

290 Ainsi, en 2013, des centaines de fermiers de la ville de Varzaneh, dans la province iranienne d'Ispahan, se sont opposés aux forces police lors d'une manifestation contre la décision du gouvernement de détourner l'eau de la région vers une autre province. Les médias iraniens prétendent que les fermiers ont détruit un pipeline transportant l'eau de la rivière Zayandeh Rood à la province voisine de Yazd dans le but d'empêcher le transfert d'eau. Des dizaines de personnes auraient été blessés et arrêtés.

Ces conflits peuvent parfois prendre une dimension internationale comme au cours d'une sécheresse en 2001, où les autorités talibanes avaient interrompu le cours de la rivière Helmand entre l'Afghanistan et le Sistan-Balouchistan, en Iran, dont le Helmand est la seule source d'irrigation. Le gouvernement iranien aurait répondu en entrant en Afghanistan et en construisant une série de canaux de dérivation pour rétablir les flux. L’accord sur l'eau de 1973 entre les deux pays n'a jamais été ratifié et l'Iran et l'Afghanistan ont tous deux signalé des violations à plusieurs reprises.

Plus récemment, un différend sur l'attribution et le droit à l'eau de la rivière Hari Rud entre l'Afghanistan et l'Iran a entraîné au moins dix morts lorsque les gardes-frontières iraniens ont ouvert le feu sur des villageois afghans qui tentaient de collecter l'eau de la rivière. La rivière fournit de l'eau pour la production agricole dans la province de Herat, en Afghanistan, et dans la ville iranienne en aval de Mashhad, la deuxième plus grande ville d'Iran.

Issa Kalantari, un ancien ministre de l’agriculture du président Rafsandjani et proche conseiller de l’actuel président, a récemment affirmé que la principale menace pour la sécurité nationale n’est pas Israël, mais le manque d’eau.87 D’autres encore, comme Mohammad Hossein Papoli Yazdi qui dirige l’Association Iranienne de Géopolitique, affirment que l’eau est devenue une ressource aussi précieuse que le pétrole et cristallisera les guerres à venir.

87 http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/03/19/l-eau-enjeu-strategique-en- iran_4597073_3232.html#9cpxGbAE6QkTl81I.99

291 6. Solutions

Il existe de multiples remèdes pour luter contre le manque d’eau chronique. Qu’il s’agisse de la formation des agriculteurs, de politiques coercitives, d’investissements publics ou d’incitants financiers, d’éducation ou de diplomatie internationale, les autorités iraniennes disposent d’une panoplie d’outils qui permettrait d’éviter la catastrophe qui s’annonce si rien n’est fait.

Il faudrait tout d’abord former les agriculteurs. Les initier aux techniques modernes d’agriculture, telles que l’arrosage au goute-à-goute, les inciter à cultiver certains types de plantations plutôt que d’autres. Il faudrait également, par une réforme du droit des sociétés favoriser la création de plus grandes unités agricoles, plus efficaces et donc plus économes.

A côté de cela, les autorités devraient trouver une façon efficace de lutter contre la construction de forages individuels et tout type de prélèvement dans les nappes phréatiques.

En plus d’une politique de formation et de coercition, d’importants investissements devraient être fait tant au niveau des infrastructures publiques que pour moderniser l’outillage privé. Ainsi les canalisations publiques devraient être rénovées pour pallier les fuites importantes que connait le réseau actuellement. Parallèlement, l’Etat devrait investir massivement dans les stations de traitement des eaux usées et dans les installations de dessalement de l’eau. Bien que les sanctions internationales aient été levées, celles-ci semblent subsister dans le chef des banques américaines qui rendent difficile tout type d’investissement.

Il faudrait également inciter la population à la conservation de l’eau. Cela peut d’abord se faire par le biais d’une tarification appropriée, mais également par des campagnes de communication ou d’éducation.

292 Enfin, pour lutter efficacement contre le blocage de certains fleuves comme en Turquie, ou l’écoulement des nappes phréatiques dans les pays voisins tels que l’Arménie ou l’Iraq, l’Etat ne devrait pas hésiter à user plus efficacement de l’outil diplomatique.88

Le gouvernement de Hassan Rohani semble avoir pris conscience de l'enjeu: il a adopté un programme d'interdiction des puits illégaux et de modernisation du système d'irrigation et commencé à augmenter le prix de l'eau. En septembre 2017, il a nommé un expert connu de l'eau au ministère de l'environnement, Kaveh Madani. Celui-ci devra également coopérer avec les organisation nationales et internationales tels que le programme des Nations Unies pour le développement ou encore l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ainsi qu’avec les pays voisins.

7. Conclusion

Il n’est à l’heure actuel pas d’enjeu plus important, en Iran, que de savoir s’il y aura demain suffisamment d’eau potable et de l’eau douce en quantité suffisante pour la culture et pour tempérer le climat. C’est crise sociale et économique a déjà engendré une vague de contestation si bien qu’il n’est pas exagéré de prétendre que la stabilité de l’Etat et la paix au moyen orient sont en jeu.

Cette crise trouve principalement son origine dans la mauvaise gestion des ressources et un boom démographique. Cette crise n’est pas sans issue pour autant que des politiques efficaces soient rapidement mises en oeuvre tels que la formation des agriculteurs, des politiques coercitives, d’investissements publics ou d’incitants financiers, l’éducation ou encore la diplomatie internationale.

88 https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/iran-derriere-la-contestation-le-fleau-de-la- secheresse-et-de-la-pollution_1975312.html

293 Le gouvernement Rohani a conscience de ces problématiques et implémente déjà certaines solutions.

La crise de l’eau affecte toute la région du Moyen Orient, elle est ce qui divise et crée des conflits, mais elle peut aussi être ce qui rassemble.

8. Conclusie

Er is momenteel geen groter belang in Iran dan te weten of er voldoende water zal zijn om te drinken, voor het gewas en om het klimaat te temperen. Deze sociale en economische crisis heeft al een golf van protest veroorzaakt, zodat het niet overdreven is om te beweren dat de stabiliteit en de vrede in het Midden-Oosten op het spel staan.

Deze crisis wordt voornamelijk veroorzaakt door slecht beheer van water en een demografische boom. Deze crisis is niet zonder oplossing, zolang effectieve beleidsmaatregelen snel ten uitvoer worden gelegd, zoals de opleiding van landbouwers, dwangmaatregelen, openbare investeringen of financiële prikkels, onderwijs en internationale diplomatie.

De Rohani-regering is zich van deze problemen bewust en implementeert reeds bepaalde oplossingen.

De watercrisis treft het hele Midden-Oosten, water is wat mensen verdeelt, maar het kan ze ook samenbrengen.

294 9. Bibliographie / Bibliografie

Ouvrages cités :

BINDOFF, N. L., STOTT, P. A., « Climate Change 2013: The Physical Science Basis », Chapter 10 - Detection and Attribution of Climate Change: from Global to Regional, IPCC WGI TSU, 2014, 1522 p.

HEIM R., « A Review of Twentieth- Century Drought Indices Used in the United States », american meteorological society, 2002, 1165 p.

KIRTMAN, B., POWER, S., « Climate Change 2013: The Physical Science Basis », Chapter 11 - Near-term Climate Change: Projections and Predictability, IPCC WGI TSU, 2014, 1522 p.

SEMSAR YAZDI, A. A., LABBAF KHANEIKI, M., « Qanat Knowledge Construction and Maintenance », Springer Netherlands, 2017, 179 p.

Sites Web :

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- 20-3-2018: https://www.ipcc.ch/publications_and_data/ar4/syr/fr/annexessannexes-2- 4.html

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296 297 298 De verschillen tussen soennieten en sjiieten

Louise Vanden Bussche

299 300 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 301

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 303

2. HISTORISCHE ACHTERGROND BREUK...... 304

3. KERNWAARDEN EN GEMEENSCHAPPELIJKE PRAKTIJKEN ...... 306

3.1. DE BELANGRIJKSTE GELOOFSPUNTEN...... 306 3.1.1. Geloven in God ...... 306 3.1.2. Geloven in de boeken en de boodschappers van God...... 306 3.1.3. Geloven in de engelen van God ...... 307 3.1.4. Geloven in de wederopstanding (en het laatste oordeel)...... 307

3.2. RELIGIEUZE GEBRUIKEN EN RITUELEN...... 307

3.3. TRADITIE EN RECHT ...... 308

4. DEMOGRAFISCHE SPREIDING SOENNIETEN-SJIIETEN...... 309

5. SOENNIETEN: EVOLUTIE EN BASISPRINCIPES...... 310

5.1. RELIGIEUZE OVERTUIGING EN GODSDIENSTBEOEFENING ...... 310

5.2. ISLAMITISCHE WETGEVING ...... 310

5.3. SEKTARISCHE VERDEELDHEID/SUBSTROMINGEN ...... 311 5.3.1. Ibadisme ...... 311 5.3.2. Wahabisme ...... 311

6. SJIIETEN: EVOLUTIE EN BASISPRINCIPES...... 313

6.1. VERSPREIDING...... 313

6.2. LEIDERSCHAP EN DE GEMEENSCHAP...... 313

6.3. SJIITISCHE GODSDIENSTBEOEFENING EN KERNWAARDEN...... 314

6.4. SEKTARISCHE VERDEELDHEID/SUBSTROMINGEN ...... 314 6.4.1. Jafari ...... 314 6.4.2. Ismailisme of de zeveners...... 315 6.4.3. Andere sjiitische substromingen ...... 315

7. RELATIE SOENNIETEN-SJIIETEN EN IMPACT VAN HET SCHISMA TUSSEN SJIIETEN EN SOENNIETEN OP DE ISLAM ...... 316

7.1. ISLAMITISCHE REVOLUTIE IN IRAN (1979)...... 316

7.2. INVASIE IN IRAK (2003)...... 317

7.3. WERELDWIJDE GEVOLGEN...... 318

301 8. CONCLUSIE ...... 320

9. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 321

302 1. Introduction / Inleiding

De meerderheid van de moslimgemeenschap is aanhanger van de soennitische stroming. Van alle moslims is slechts 10-15% sjiiet. Deze sjiieten hebben een meerderheid in Iran, Irak, Bahrein en Azerbeidzjan. Hoewel soennieten en sjiieten grotendeels een gemeenschappelijke religieuze basis delen, zijn hun verschillen toch de aanleiding geweest voor religieuze intolerantie, politieke conflicten en gewelddadige confrontaties. Hoe verhouden deze gebeurtenissen zich tot de breuk tussen soennieten en sjiieten? Hier volgt een historische achtergrond van de breuk tussen soennieten en sjiieten, de verschillen tussen de twee stromingen in religieuze overtuiging en bijhorende godsdienstbeoefening alsook hun gelijkenissen. Verder wordt er kort een licht geworpen op de invloed van de breuk tussen de twee stromingen op de huidige problematiek rond islamitische terreurbewegingen.

303 2. Historische achtergrond breuk

De verschillen tussen soennieten en sjiieten vinden hun wortels in onenigheid over de opvolging van de profeet Mohammed en over de aard van politiek leiderschap binnen de moslimgemeenschap. Het historische debat draait rond de vraag of het leiderschap toekomt aan een individu volgens de gebruiken van de profeet Mohammed of aan een bloedverwant van de profeet Mohammed.

Aanvankelijk werd deze vraag opgelost toen de gemeenschapsleiders een dichte compagnon van de profeet, genaamd Abu Bakr aanstelden om de eerste kalief (Arabisch voor “opvolger”) te worden. Hoewel de meeste moslims deze aanstelling accepteerden, waren er toch die het kandidaatschap van Ali Abi Talib prefereerden. Hij was namelijk zowel de neef als de schoonzoon van de profeet Mohammed. Ali was dus een bloedverwant en had een prominente rol gespeeld in het leven van de profeet. Hij miste echter anciënniteit binnen de Arabische gemeenschap en werd overgeslagen als directe opvolger.

Deze situatie was voor velen van de Ali-volgers onaanvaardbaar. Ze beschouwden Abu Bakr en de twee volgende kaliefen (Umar en Uthman) dan ook als onrechtmatige opvolgers. De volgers van Ali waren in de overtuiging dat de profeet Mohammed Ali had benoemd tot zijn opvolger en dat de status quo een schending was van het goddelijke gebod. Met dit gedachtegoed voor ogen bewerkstelligden enkele Ali-partizanen in 646 v.C. de moord op de derde Kalief Uthman. Hierdoor werd Ali alsnog tot kalief benoemd. Ali werd echter op zijn beurt vermoord in 661 v.C. en zijn zonen Hassen (ca. 670 v.C.) en Hussein (680 v.C.) stierven in een gevecht tegen de troepen van de soennitische kalief.

Zij die Ali’s kalifaat steunden, kregen later de naam “sjiieten”, een woord dat afgeleid is van de term “shi’at Ali” (vertaling: “aanhangers van Ali” of “helpers van Ali”).

Er waren er uiteraard ook die de legitimiteit van de soennitische kalief respecteerden en aanvaarden. Ze waren in het algemeen tegen een politieke opvolging op basis van aanverwantschap met Mohammed. Deze groep, die de meerderheid van de moslims vormde, kwam later bekend te staan als “soennieten” (vertaling: “volgers van de (profeets) gebruiken (sunna)”. In theorie geloven de soennieten dat de leider (imam) van de moslimgemeenschap verkozen moet worden op basis van een consensus binnen de gemeenschap, op basis van het bestaande politieke systeem en op basis van individuele verdiensten. Deze premisse werd helaas in de loop van de islamitische geschiedenis inconsistent uitgeoefend binnen de

304 soennietengemeenschap.

Na de 13de eeuw nam het kalifaat als religieuze en politieke instelling in kracht af. In de eeuwen die volgden bleef de term “kalief” in omloop totdat hij in 1924 afgeschaft werd door de eerste Turkse president, Mustafa Kemal Atatürk. Tijdens de negentiende en twintigste eeuw werd het verval van het kalifaat een religieuze en politieke drijfveer voor soennitische activisten. Deze activisten stelden dat de leiders in de islamitische wereld het kalifaat hadden ondermijnd door af te wijken van het “ware pad” van de islam.

Geïnspireerd door deze figuren verdedigen sommige meer hedendaagse soennitische extremisten, zoals wijlen Osama bin Laden en andere moslimleiders, het herstel van een nieuw kalifaat op basis van de “pure” islamitische principes. De regionale en theologische diversiteit die bestaat binnen en tussen de multinationale terroristen groepen zoals Al Qaeda en zijn afgeleiden maken het helaas moeilijk om definitieve motieven en overkoepelende beweegredenen te vinden.

305 3. Kernwaarden en gemeenschappelijke praktijken

Alhoewel er heel wat nuanceverschillen zijn tussen soennieten en sjiieten, hebben de twee islamitische groepen in het algemeen een gelijklopende lijn qua tradities, overtuigingen en doctrines. Hier volgen de kernwaarden van de soennieten met eronder de eventuele nuanceverschillen met de sjiieten. Op deze manier kan men het gedeelde skelet goed belichten.

3.1. De belangrijkste geloofspunten

3.1.1. Geloven in God

De eenheid van god

“Er is geen God dan Allah.” De theologische term voor dit concept is “tawhid” (eenheid). God is één omdat er geen andere god bestaat en zich niet in de vorm van andere wezens manifesteert. De islam verwerpt aldus het christelijk concept van de drie-eenheid (vader, zoon en heilige geest). Hij is ook één omdat hij geen verwanten heeft; geen vrouw, kinderen of ouders. Iets wat in polytheïstische religies wel vaak voorkomt.

3.1.2. Geloven in de boeken en de boodschappers van God

Mohammed is de profeet

Iedere moslim gelooft dat de profeet Mohammed de boodschapper van Allah (Arabisch woord voor God) was. Ze geloven allemaal dat ze moeten leven volgens de openbaringen van God aan de profeet (zoals vermeld in de Koran) en volgens de “hadith” (overleveringen van de profeet en zijn metgezellen). Vergiffenis, streven naar het goede en sociale rechtvaardigheid zijn fundamenteel voor het islamitische geloof en de uitoefening ervan.

De geopenbaarde boeken van God

In de allereerste plaats wordt hierbij gedacht aan de Koran, maar ook onder andere de Wetten van Mozes, het Evangelie van Jezus en de psalmen van Koning David vallen daaronder. Toch bestaat er een consensus binnen de islam dat de Koran de perfecte, definitieve versie is van Gods woord en worden de Thora en het evangelie als minder betrouwbaar bestempeld.

306 3.1.3. Geloven in de engelen van God

Engelen worden meer dan 80 keer genoemd in de Koran. Engelen hebben drie belangrijke functies: (1) God prijzen, zijn berichten verspreiden en zijn troon dragen; (2) als instrument van God optreden in het leven van mensen; (3) belangrijke invloed uitoefenen op wat er gebeurt tussen iemands dood en diens wederopstanding op de dag des oordeels.

3.1.4. Geloven in de wederopstanding (en het laatste oordeel)

A. Mohammed waarschuwde zijn tijdgenoten dat op een dag, na de dood, de wederopstanding zou plaatsvinden. Alle daden van een persoon werden genoteerd in een boek en op basis van die gegevens werden ze naar de hemel of de hel gestuurd. Het laatste geloofspunt gaat erover dat dat God uiteindelijk verantwoordelijk is voor alles wat er gebeurt. Vandaar de uitdrukking “inshallah” (als God het wil) die door veel moslims wordt gebruikt na elke uitspraak over de toekomst.

B.

3.2. Religieuze gebruiken en rituelen

De Vijf Zuilen van de islam

Er wordt van alle moslims verwacht dat ze leven volgens de Vijf Zuilen van de islam: (1) shahada - geloofsgetuigenis “Er is geen God, behalve Allah en Mohammed is zijn profeet.” ;

(2) salat”- vijf verplichte gebeden per dag ;

(3) zakat - aalmoezen geven aan de armen ; (4) sawm - vasten van zonsopgang tot zonsondergang gedurende de maand van de ramadan ; (5) hadji - eenmaal in een mensenleven een pelgrimstocht maken naar Mekka indien men er fysiek en financieel toe in staat is.

De Vijf Zuilen van de islam vormen een minimumvereiste voor een gelovige, belijdende moslim. Een pas bekeerde moslim vindt in de Vijf Zuilen aldus een eenvoudige handleiding om een leven volgens de islam op te bouwen. Deze Vijf Zuilen vormen vanzelfsprekend nog maar het begin. Elke Zuil biedt namelijk de toegang tot meer spiritualiteit. Kortom, zij

307 vormen de aanzet, niet de eindmeet.

3.3. Traditie en recht

In de islam ligt een grote prioriteit bij het bepalen van welke handelingen juist zijn. Hiervoor wordt inspiratie geput uit de vier bronnen van het islamitisch recht. Deze vier bronnen zijn de Koran, de sunna (gebruiken van de profeet Mohammed) zoals doorgegeven in de Hadith, qiyas (analogie), ’ (consensus), en ijtihad (individuele ratio). De primaire functie van de geleerde religieuze leiders is een interpretatie van de islamitische wet (sharia). Er zijn hierbij geen gecodificeerde wetten bij de soennieten en sjiieten. Er zijn echter wel bronnen voor de interpretatie van de wet.

Deze bronnen zijn bij zowel de soennieten als de sjiieten grotendeels gelijkaardig. Er is hierbij wel een licht nuanceverschil op te merken op vlak van de Hadith. Bij de sjiieten omvatten ze ook de overleveringen van sjiitische imams die als goddelijk geïnspireerd worden. De sjiitische wettelijke interpretatie laat ook meer ruimte voor menselijke redenering dan bij de soenitische interpretatie van de bronnen.

308 4. Demografische spreiding soennieten-sjiieten

De sjiitische halve maan of “Shiite Crescent” is een politieke term die gebruikt wordt om de regio aan te duiden waar de sjiieten een meerderheid hebben en de soennieten dus in de minderheid zijn. Deze meerderheid is te vinden in Iran, Irak, Bahrein en Azerbeidzjan. Met een beetje fantasie ziet men een halve maan in de vorm van deze landen samen. Er is ook een significante hoeveelheid sjiieten terug te vinden in Afghanistan, Kuwait, Libanon, Pakistan, Saudi-Arabië, Syrië en Jemen.

309 5. Soennieten: evolutie en basisprincipes

5.1. Religieuze overtuiging en godsdienstbeoefening

Ook vandaag de dag zijn de meerderheid van de moslims soennieten. Ze aanvaarden de eerste vier kaliefen (inclusief Ali) als heersers die de profeet Mohammed opvolgden.

Ze verwerpen de idee dat de sjiitische imams goddelijk geïnspireerde leiders zijn die vereerd moeten worden. Soennieten oordelen dat imams nooit de verheven status zouden moeten krijgen zoals deze van de profeten in de Koran.

Soennieten hebben een minder complexe en betwistbaar minder machtige religieuze hiërarchie dan de sjiieten. In tegenstelling tot de sjiieten, staan het aantal soennitische religieuze leraars historisch gezien onder de controle van de staat. Soennisme is ook meer flexibel in de zin dat ze leken toelaten om te dienen als gebedsleiders en prekers.

In hun dag tot dag godsdienstbeoefening verschillen soennieten en sjiieten op een subtiele manier in de uitoefening van hun verplichte gebeden (salat). Zoals eerder vermeld blijven beide groepen in grote lijnen dus een gelijkaardige interpretatie van de basis van het islamitische geloof vertonen.

5.2. Islamitische wetgeving

Er zijn vier soennitische rechtsscholen. Deze bieden alternatieve interpretaties van de juridische beslissingen die het leven van de moslims raken. Traditioneel gezien werd recht gestudeerd aan islamitische onderwijsinstellingen gekend als madrasas. De vier scholen van jurisprudentie steunen voornamelijk op analogie als een manier om juridische uitspraken te formuleren en hun beslissingen geven elk op hun manier een verschillend belang aan de toepassing van de uitspraken van de profeet en zijn metgezellen (Hadith).

In sommige seculiere landen zoals Turkije worden de meningen van religieuze geleerden gezien als morele en sociale richtlijnen voor hoe moslims hun religie zouden moeten uitoefenen. Deze zijn echter niet juridisch verbindend.

De vier scholen verschillen dus elk in hun optiek in juridische interpretatie, variërend van een strikte tot een brede juridische interpretatie.

310 De vier scholen zijn (1) Hanafi: de oudste school van het recht. Ze werd in Irak gesticht door Abu Hanafi in 797 AD. Deze leer is ook terug te vinden Turkije, Centraal-Azië, de Balkan, Syrië, Libanon, Jordanië, Afghanistan, Pakistan, Indië en Bangladesh; (2) Maliki: werd gesticht in het Arabisch Peninsula door Malik ibn Bahrain in 795 AD. ZE komt ook voor in Noord-Afrika, Mauritanië, Koeweit en Bahrain; (3) Shaf’i: deze school werd gesticht in 819 AD door Muhammad ibn Idris al-Shafi’i. ZE komt ook voor in Egypte, Soedan, Ethiopië, Somalië, delen van Yemen, Indonesië en Malaysia; en (4) Hanbali: deze school werd gesticht door Ahmad Hanbal in 855 AD. Deze leer is ook terug te vinden in Saudi-Arabië, Qatar, delen van Oman en de Verenigde Arabische Emiraten.

5.3. Sektarische verdeeldheid/Substromingen

5.3.1. Ibadisme

De soennieten hebben minder prominente sektarische divisies dan de sjiieten. De ibadieten bijvoorbeeld worden soms foutief voorgesteld als een zuivere soennitische sekte. Toch komt het religieuze en politieke dogma van het ibadisme in het algemeen heel goed overeen met de basis van de soennitische doctrine. De ibadieten zijn er sterk van overtuigd dat een rechtvaardige moslimgemeenschap mogelijk is. Ze gaan er dan ook van uit dat de gemeenschapsleiders moeten gekozen worden op basis van hun kennis en mededogen zonder te kijken naar ras of afstamming. Het ibadisme gedijt voornamelijk in Oman, Oost-Afrika en in sommige delen van Algerije, Libië en Tunesië.

5.3.2. Wahabisme

De soennitische puriteinse beweging genaamd “wahabisme” is een gekende en wellicht een van de meest alomtegenwoordige rivaliserende bewegingen binnen de islamitische wereld. Deze beweging wordt als een zijtak beschouwd van de Habali school van het recht. Zij werd in de achttiende eeuw gesticht door de geleerde Muhammad ibn Abd al-Wahhab in Arabië. Abd al-Wahhab moedigde een terugkeer naar de orthodoxe uitoefening van de “fundamenten” van de islam zoals deze vervat zijn in de Koran en in het leven van de profeet Mohammed. In de achttiende eeuw vormde Mohammed ibn Saudi, stichter van de Saudi-dynastie, een verbond met Abd al-Wahhab en verenigde op die manier de verdeelde stammen in het

311 Arabische Peninsula. Sindsdien is er altijd een nauwe band blijven bestaan tussen de regerende Saudi-familie en het religieuze wahhabi establishment. De meest conservatieve interpretaties van wahhabi-islam zien de sjiieten en ander niet-wahhabi moslims als dissidenten. Na de Sovjetinvasie in Afghanistan in 1979 en de sjiitische Islamitische Revolutie in Iran begon de soennitische koninklijke familie van Saudi-Arabië meer actief de religieuze wahhabi doctrine te promoten in het buitenland. Sindsdien volgde ook een intense financiering voor de bouw van wahhabi-georiënteerde moskeeën, religieuze scholen en islamitische centrums in verschillende landen.

312 6. Sjiieten: evolutie en basisprincipes

6.1. Verspreiding

Historisch gezien kende de sjiitische stroming een groot aantal volgers in gebieden die nu bekend staan als Irak, Iran, Jemen en delen van Centraal- en Zuid-Azië. In de gehele islamitische wereld bleven de sjiieten echter een minderheid. Ook vandaag nog geldt deze balans. Slechts tien tot vijftien procent van de wereldwijde moslimpopulatie beoefent de leer van de sjiitische islam.

6.2. Leiderschap en de gemeenschap

Voor de sjiieten is de eerste ware leider van de moslimgemeenschap Ali. Deze kreeg de titel imam toebedeeld. Deze sjiitische term is enkel weggelegd voor degenen die een bloedverwantschap kunnen aantonen met de profeet Mohammed. Dit in tegenstelling tot de soennieten die zich voornamelijk op de leiderschapskwaliteiten van het individu baseren.

Aangezien de afstammelingen van Ali het leiderschap van de sjiitische gemeenschap op zich namen, werden de functies van een imam gaandeweg meer en meer afgelijnd. Iedere imam koos een opvolger en liet deze volgende leider een welbepaalde spirituele kennis na. Aldus luidde het in de overtuigingen van sjiieten. Imams dienden dus als beide spirituele en politieke leiders. Maar naarmate de sjiieten gradueel de politieke gevechten tegen de soennitische heersers verloren, legden de imams hun focus op de ontwikkeling van een spiritualiteit die zou dienen als kern van de sjiitische praktijken en overtuigingen.

Sjiieten geloven dat wanneer de lijn van imams die afstamden van Ali eindigde, religieuze leiders, gekend onder de naam mujtahids, het recht verwierven om religieuze, mystieke en juridische kennis te vergaren en te verspreiden binnen de sjiitische gemeenschap. De meest geleerden onder hen zijn tegenwoordig gekend als ayatollahs (letterlijke betekenis “teken van god”).

313 6.3. Sjiitische godsdienstbeoefening en kernwaarden

De sjiitische godsdienstbeoefening wordt gekenmerkt door twee belangrijke gebeurtenissen: de martelaarsdood van Ali en later van diens zoon Hussein. De herinnering aan Ali’s jonge zoon, Hussein, die martelaar werd in de stad Karbala in Irak omstreeks 680 door de soennitische troepen, vormt tot op heden een belangrijke drijfveer binnen het sjiisme. Zijn dood wordt elk jaar herdacht op de tiende dag van de islamitische maand Muharram via een sombere en soms gewelddadige herdenking beter bekend als “ashura”. Sommige sjiieten doen dit zelfs via het ritueel van de zelfkastijding. Als een minderheid die vaak opgejaagd werd door de soennieten vinden de sjiieten troost in het ashura-ritueel. Dit, gecombineerd met het verhaal van het martelaarschap van Hussein en de eraan gelinkte morele lessen, levert een sterke basis op voor de sjiitische tradities en praktijken.

6.4. Sektarische verdeeldheid/Substromingen

6.4.1. Jafari

Jafari is de dag van vandaag de meest voorkomende vorm van sjiisme. Ze is onder meer terug te vinden in Iran, Irak, Lebanon en Bahrein. Die jafari’s, ook wel gekend als imamieten of twaalvers, aanvaarden een lijn van twaalf imams die afstammen van Ali en geloven dat zij op goddelijke wijze aangesteld worden vanaf de geboorte. De twaalf imams worden gezien als ankers van het geloof en zijn de aangewezen interpretatoren bij uitstek van de wet en de theologie.

Twaalvers geloven dat de twaalfde en laatste van deze imams “verdween” aan het einde van de negende eeuw. Van deze “verstopte imam” wordt verwacht dat hij terugkeert om de gemeenschap te leiden. In navolging van de verdwijning van de twaalfde imam kwam een pacifistische trend op til onder de twaalvers. Deze kozen ervoor om zich te onttrekken aan het politieke leven en in stilte te wachten op zijn komst. In de twintigste eeuw kwam een activistische trend in Iran en Libanon op gang ten gevolge van veranderingen in het politieke landschap in het Midden-Oosten. Een voortrekker van deze golf was de wijlen Iraanse religieuze leider Ayatollah Khomeini.

314 6.4.2. Ismailisme of de zeveners

De isma'ilieten vormen de tweede grootste sjiitische substroming. Alhoewel de meeste sjiieten het eens zijn met de basispremisse dat Ali de eerste en rechtmatige imam was, zijn ze het toch oneens over zijn opvolging. De isma’ilieten splitsten af in de achtste eeuw daar ze enkel de eerste zeven imams erkenden. De zevende imam droeg de naam Ismail, vandaar de namen “isma’ilieten” en “zeveners”. Aanvankelijk waren de isma'ilieten veel meer uit op militaire en territoriale macht dan de twaalvers. Dit bleef duren tot de zestiende eeuw. In het verleden bouwden de isma’ilieten machtige staten die een prominente rol speelden in de ontwikkeling van de islamitische geschiedenis. Tegenwoordig zijn de isma'ilieten verspreid over de hele wereld. Ze zijn voornamelijk aanwezig in Afghanistan (onder de Naderi clan), India en Pakistan. Daarnaast zijn er ook een paar isma'ilitische gemeenschappen in Oost- en Zuid- Afrika.

6.4.3. Andere sjiitische substromingen

De Zaidieten zijn een minderheid binnen het sjiisme en zijn voornamelijk terug te vinden in Yemen. Ze wijken af doordat ze slechts de eerste vijf imams erkennen en het niet eens zijn met de identiteit van de vijfde imam. Ze verwerpen bovendien het concept van de imams onfeilbaarheid en de “verstopte imam”. Andere sektes zoals de alawieten en de druzen worden in het algemeen als afgeleiden van het sjiisme beschouwd. Niettegenstaande dat hun religieuze praktijken heimelijk zijn. Sommigen beschouwen hen hiervoor niet als moslims.

Alawieten gedijen voornamelijk in Syrië en Libanon. De familie Assad die sinds 1971 de staf zwaait in Syrië is alawiet. Vele alawieten interpreteren de 5 Zuilen van de islam veeleer als symbolische streefdoelen dan als cumulatieve voorwaarden voor een volwaardig uitoefening van het geloof. Ze vieren zelfs een brede groep van christelijke en islamitische feestdagen. In Turkije zijn de alevieten een aftakking van het sjiisme dat vaak verward wordt met de Syrische alawieten. De meeste Turkse alawieten zijn goed geïntegreerd in de Turkse gemeenschap en spreken zowel Turks als Koerdisch. Daarnaast heb je ook de druzen- gemeenschap die in de elfde eeuw een zijgroep werd van de isma’ilieten en geconcentreerd is in Libanon, Jordanië, Syrië en Israël.

315 7. Relatie soennieten-sjiieten en Impact van het schisma tussen sjiieten en soennieten op de islam

Soennieten en sjiieten hebben een verschillende visie over de hadith, de tradities rond Mohammed en wat zijn volgers hebben gezegd en gedaan in hun leven… Toch hebben ze sinds de dood van de profeet Mohammed 1400 jaar geleden niet altijd in vijandigheid geleefd. Meer zelfs, ze lieten het niet toe dat hun theologische verschillen vijandigheid creëerden. Soms steekt deze vijandigheid toch de kop op. De sjiitische minderheidsgroep werd hierbij veelal brutaal en genocidaal vervolgd en opgejaagd. Zo beval de Ottomaanse sultan in 1514 de massaslachting van 40.000 sjiieten (een schrikaanjagend cijfer gezien de toenmalige wereldbevolking). De geschiedenis levert voer voor zijn nakomelingen. Fanatiekelingen van al-Qu’adi zien een grote inspiratiebron in deze wahhabi ideologie. Sommigen van hen beschouwen sjiieten niet als ketters maar als afvalligen. De straf voor geloofsafval, aldus hen, is de dood.

In onze huidige maatschappij hebben twee grote ontwikkelingen opnieuw gezorgd voor een dramatische escalatie van de spanningen tussen soennieten en sjiieten: de islamitische revolutie in Iran (1979) en de invasie in Irak (2003).

7.1. Islamitische revolutie in Iran (1979)

De eerste ontwikkeling was dus de Islamitische Revolutie in Iran in 1979. De heerschappij van de prowesterse Sjah werd toen neergemaaid en vervangen door een sjiitische theocratie met aan het hoofd ervan Ayatollah Khomeini.

Alhoewel Khomeini in het algemeen zijn best deed om goede relaties te onderhouden met de soennieten en op zijn manier een brug trachtte te bouwen tussen soennisme en sjiisme, waren er toch ook vele religieuze en seculiere leiders die meer resoluut waren.

Bovendien was Khomeine van het begin af aan een tegenstander van de soennitische aristocraten die de leiding hadden in Saudi-Arabië. Zo noemde hij hen onder meer Amerikaanse dienaren en “onpopulaire en corrupte” dictators. Dit hielp natuurlijk niet voor de diplomatieke banden.

Sindsdien hebben de Iraniërs en de Saudi’s een oorlog bij volmacht gevoerd in het Midden-

316 Oosten. Vandaag de dag hebben miljoenen soennieten in Teheran geen eigen (lees: soennitische) moskee, dit in tegenstelling tot de katholieken voor wie kerken wel toegelaten zijn.

Daarnaast zijn er ook geen soennieten betrokken bij de top van de regering.

Bovendien hebben soennitische businessmannen hebben het er moeilijk om import- en exportvergunningen te verkrijgen. De doorsnee soenniet is er veelal werkloos. Dit staat in schril contrast met Saudi-Arabië waar het de sjiieten zijn die gediscrimineerd worden.

Van tijd tot tijd zijn er pogingen om de buitenwereld te overtuigen dat de spanningen tussen Saudi-Arabië van niet-religieuze aard zijn. Zo spraken koning Abdullah van de Saudi- dynastie en de toenmalige Iraanse president Mahmoud Ahmadinejad in 2007 over een ontdooiende relatie tussen de twee regionale machten. Om hun woorden kracht bij te zetten ondersteunden ze hun uitspraken met non-verbale knuffels aan elkaar. Dit gebeurde natuurlijk onder het luide geklik van de camera’s. Ze veroordeelden hierbij luidop degenen die trachten om olie trachten op het vuur te gooien tussen de soennieten en de sjiieten. Dit nobele gebaar veranderde helaas niets in de realpolitik. De twee olieproducerende reuzen zien elkaar als een enorm obstakel voor de desbetreffende nationale belangen.

7.2. Invasie in Irak (2003)

In 2003 ontstond de tweede grote factor die de verbastering van de soennieten-sjiietenrelatie heeft bespoedigd. Dit was meer bepaald de invasie in Irak aangedreven door George Bush en Tony Blair.

Saddam Hoessein leidde een soennieten elite die de Iraakse sjiitische meerderheid overheerste met een state terreur. De Verenigde Staten stonden achter Saddam in Iraks oorlog met Iran in de jaren 80. In deze oorlog stierven een half miljoen manschappen. Maar na 9/11 wijzigde de situatie compleet. De V.S. steunden hem niet langer en brachten democratie in Irak. De verkiezingen die hierop volgden brachten sjiitische leiders aan de macht. Zodoende werd de soennitische minderheid uitgesloten. Deze hebben gereageerd met geweld. Autobommen hebben al duizenden onschuldige burgers gedood in Baghdad en elders. Al-Qa’ida jihadisten zijn het land binnengestroomd om de soennitische terroristen te vervoegen en de sjiitische regering aan te vallen. Nu is het sektarische conflict overgewaaid naar Syrië.

317 Wanneer de Arabische Lente Syrië bereikte in 2011 begon het aanvankelijk als een protest tegen corruptie, nepotisme en schending van de mensenrechten door de regering van Assad. In twee jaar tijd is deze situatie volledig geëscaleerd naar een gewapende opstand tegen het regime. Rebellen die gedreven werden door politieke overtuigingen werden langzamerhand in de minderheid gebracht door rebellen met extreme islamitische drijfveren. Deze laatste vechten in volle overtuiging voor de stichting van wat zij de Islamitische Staat van Irak en Syrië (ISIS) noemen.

Deze soennitische jihadisten komen van over heel de islamitische wereld, maar ze worden gesponsord door geld van de Saudi’s. Bovendien zijn er nu ook sjiitische militanten van de Libanese paramilitaire groep Hezbollah die het alawieten-leger van het Assad regime steunen. Het resultaat is verpletterend: een ware burgeroorlog.

7.3. Wereldwijde gevolgen

Uit het voorgaande volgt dat de soennieten en sjiieten vervlochten zitten in een conflict over de hele sjiitische halve maan. Naarmate de ene flank zijn activiteiten opdrijft, voelt de andere zich meer in een hoek gedreven en zet het zijn stekels overeind als antwoord. Een uit de hand gelopen voorbeeld van actie-reactie, een vicieuze cirkel.

Als resultaat zijn de soennieten-sjiieten spanningen ook wereldwijd aan het stijgen. Dit is onder meer het geval in Afghanistan, Pakistan, Turkije, Koeweit, Libanon, Bahrein, Libië, Maleisië, Egypte en zelfs binnen onze westerse wereld.

De spanningen hebben wereldwijd diepe wortels in de economische en geopolitieke concerns. Gezien de lange geschiedenis van scheiding en spanningen tussen de soennieten en sjiieten zou de voorspelling van een transnationale burgeroorlog tussen soennieten en sjiieten wel eens werkelijkheid kunnen worden.

De negatieve impact van de breuk tussen de soennieten en de sjiieten binnen de islam kan modus ontredderde gevolgen met zich meedragen. Het geeft helaas een zeer negatieve insteek over de toekomst en de huidige IS oorlog. In de loop van de geschiedenis is deze breuk al vaak wreed geweest. Zo is zij ouder en dieper dan de spanningen tussen protestanten en katholieken. Een bittere vaststelling als men nagaat dat de spanningen tussen deze laatste groepen Europa voor eeuwen geteisterd hebben. 1400 jaar geleden werd de eerste vonk

318 aangestoken van een haast onoverbrugbare haat tussen de soennieten en sjiieten. Nu lijkt deze haat harder dan ooit te branden. Veel experten beweren dan ook dat een volledige burgeroorlog over het hele Midden-Oosten onvermijdelijk is.

319 8. Conclusie

Wat is nu de impact van het schisma tussen soennieten en sjiieten? Kort samengevat kan men stellen dat een historische mastodont zich niet laat lezen over een tijdvak van 100 jaar. Deze breuk telt al 1400 jaren. Jaren van vrede, jaren van oorlog. Toch valt niet te ontkennen dat in het huidige klimaat deze impact een zeer negatieve is. Een minder rooskleurige toekomst ligt in het verschiet. De (islamitische) wereld loopt op de toppen van zijn tenen. Een uitbarsting tussen beide groepen lijkt onvermijdelijk. De continuïteit van de geschiedenis leert echter dat dit geen permanent stadium zal zijn.

320 9. Bibliographie / Bibliografie

Abou El Fadl, K. M. (2006). The Great Theft: Wrestling Islam From the Extremists. March/April: Foreign Affairs.

Benhaddou, K. (2016). Is dit nu de islam? Gent: Borgerhoff & Lamberigts.

Blanchard, M. C. (2005). Islam: Sunnis and Shiites. Washington D.C.: CRS Report for Congress.

Catherine, L. (2004). Islam voor ongelovigen. Berchem: EPO.

Clark, M. (2016). Islam voor dummies. Amersfoort: BBNC Uitgevers.

Omidi, C. (2009). Standplaats Teheran. Amsterdam: KIT.

Shomali, M. A. (2014). Discovering Shi'i Islam. Qom: Centre for Cultural and Ethical Studies.

Sunnier, T. (2016). Islam. Amsterdam: AUP.

321 322 Les droits LGBTQI en Iran

Amélie Dopchie

323 324 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 325

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 326

2. LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME ...... 327

2.1. LES DROITS DE L’HOMME EN IRAN...... 327

2.2. LA PROTECTION DES MINORITÉS SEXUELLES ET DE GENRE EN DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE

L’HOMME ...... 328

3. RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN ET MINORITÉS SEXUELLES...... 331

3.1. HOMOSEXUALITÉ DANS L’ISLAM CHIITE ...... 331

3.2. LGBTQI ET CULTURE PERSANE...... 332

4. ÊTRE LGBTQI EN IRAN...... 335

4.1. L’HOMOSEXUALITÉ DANS LE CODE PÉNAL IRANIEN ...... 335

4.2. HOMOSEXUALITÉ AU QUOTIDIEN...... 337

4.3. TRANSIDENTITÉ EN IRAN ...... 340

5. CONCLUSION ...... 342

325 1. Introduction / Inleiding

S’il y a un mot qui ressort de notre expérience de la session d’étude en Iran, c’est bien le mot « paradoxe », ou alors avec un petit jeu de mots d’un goût douteux, « voilée ». En effet la société iranienne tient un double discours, celui officiel des autorités d’une part, et celui de sa population d’autre part. Vie publique et vie privée s’opposent radicalement, et à l’abri des regards, si les apparences sont sauves, les tchadors font place aux mini jupes. Les chants « Marg bar Āmrikā » (mort à l’Amérique) du prêche du vendredi font place aux innombrables « Welcome ! Welcome ! » d’anonymes dans la rue.

Les droits de l’homme ne font pas exception à ce paradoxe, et le discours officiel ne correspond pas à la situation telle que présentée par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU et les grandes ONG internationales que sont Amnesty International et Human Rights Watch. La position de l’Iran quant aux droits des homosexuels, bisexuels, transgenres, intersexes et « queers » traduit en outre un autre paradoxe, qui découle d’une vision binaire et rigide des relations entres genres. Là aussi, la société impose à ses membres de préserver les apparences, et de vivre caché.

Ce rapport a vocation à présenter la situation juridique et sociale de ces minorités dans la République islamique d’Iran.

Dans une première partie de l’exposé, nous traiterons du droit international des droits de l’Homme qui s’applique à l’Iran, et de la façon dont la protection des LGBTQI s’intègre dans ce système juridique déterminé par les Etats.

Dans une deuxième partie, et afin de comprendre les dynamiques qui sous-tendent le climat hostile à leur égard, il nous a semblé pertinent de tout d’abord nous pencher sur la position de la religion musulmane sur ces questions, l’Iran étant une République islamique qui suit les préceptes de l’Islam Chiite. Bien entendu, la culture et l’histoire jouent également un rôle prépondérant dans l’acceptation de ces hommes et femmes. Dans une troisième partie, nous tâcherons de présenter de façon plus concrète la place de ces minorités dans la société. Tout d’abord nous aborderons le régime pénal à l’égard des homosexuels et son application par les autorités. Ensuite nous nous pencherons sur les difficultés liées à la vie quotidienne de ces personnes. Nous consacrerons le dernier point de ce travail aux personnes transgenre.

326 2. Le droit international des droits de l’homme

2.1. Les droits de l’homme en Iran

Le droit international des droits de l’homme est une discipline relativement jeune qui ne dépend d’aucun pouvoir centralisé. Le droit opposable aux Etats est très largement déterminé par ces mêmes Etats par le biais de traités qu’ils sont libres de ratifier ou non. Il existe néanmoins un noyau dur de droits fondamentaux qui, en raison du consensus des Etats à leur égard, font partie des principes généraux du droit international et sont indivisibles, intimement liés et interdépendants. Il s’agit des droits énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme et dans les deux pactes de 1966.

L’Iran a ratifié les Pactes internationaux sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels le 24 juin 1975. Le pays s’est en outre soumis le 29 aout 1968 à la convention pour l’élimination de toute forme de discrimination raciale, le 13 juin 1994 à la convention sur les droits de l’enfant puis au second protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution infantile et la pornographie infantile et enfin, le 23 octobre 2009 à la convention sur les droits des personnes souffrant d’un handicap 89.

Le Pacte international sur les droits civils et politiques met en place un Comité des droits de l’homme chargé d’assurer l’application de ses dispositions. L’article 40 établit une procédure spéciale obligatoire pour toutes les parties au traité en vertu de laquelle chaque Etat est tenu de remettre au secrétaire général des Nations Unies un rapport périodique sur le respect des droits de l’homme. Celui-ci est examiné par le comité qui émet ensuite ses observations finales, accessibles au public. La dernière mise en place du mécanisme par l’Iran date de 2011 et n’avait plus eu lieu depuis 1993, fait qui avait été critiqué par le Comité.

Un mécanisme similaire existe pour le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le dernier rapport de l’Iran date de 2013.

Il est important de noter que l’Iran n’a pas souscrit aux protocoles additionnels des deux Pactes qui prévoient des mécanismes légèrement plus contraignants par lesquels des Etats ou des individus peuvent soumettre des réclamations au Comité, engendrant un processus de conciliation.

89 http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/TreatyBodyExternal/Treaty.aspx?CountryID=81&Lang=EN

327 L’Iran n’est pas non plus partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants, ni à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ni à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Cela ne veut pourtant pas dire que torture, disparitions forcées et discrimination envers les femmes sont légales en droit international. L’interdiction de la torture, par exemple, est expressément prévue par l’article 7 du Pacte de droits civils et politiques.

2.2. La protection des minorités sexuelles et de genre en droit international des droits de l’homme

Il n’existe pas à ce jour de traité prévoyant une interdiction internationale spécifique des discriminations basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Les autorités iraniennes se défendent d’ailleurs de toute violation du droit international des droits de l’homme à cet égard. Pour elles, les droits LGBTQI ne font pas partie des droits universels de l’homme. Le discours consiste à dire que la protection internationale des droits de l’homme provient d’un consensus des Etats. Or, les droits des minorités sexuelles ne sont pas reconnus par une majorité d’Etats. En conséquence, on ne peut les considérer comme une source d’obligations légales opposables aux Etats.

Au sens strict du terme, ce raisonnement est cohérent. En effet, dans son état actuel, le droit international a des sources bien définies, les traités, la coutume, et les principes généraux, et de nouvelles normes ne peuvent être créées sans l’adhésion des Etats.

Cependant, les personnes LGBTQI sont des êtres humains, et bénéficient donc à ce titre du système existant et accepté des droits fondamentaux. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » est d’ailleurs le premier article de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme. De plus, ces dernières années, la nécessité d’assurer une protection spécifique aux LGBTQI se fait de plus en plus ressentir sur la scène internationale. Par exemple, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adoptée depuis 2003 sept résolutions condamnant les exécutions pour raison d’orientation sexuelle et le Conseil des droits de l’Homme, trois résolutions.

Le haut-commissariat aux droits de l’hommes a défini cinq obligations des Etats envers les LGBTQI90.

328 Premièrement, ils se doivent de protéger les gens contre la violence homophobe et transphobe et de fournir un refuge aux personnes fuyant des persécutions liées à leur orientation sexuelle ou identité de genre. Cette obligation se déduit des articles 6 et 9 du Pacte International des Droits civils et politiques relatifs respectivement au droit à la vie et au droit à la liberté et à la sécurité et de l’article 33 de la convention relative au statut des étrangers.

En second lieu, les Etats ont l’obligation de prévenir la torture et le traitement cruel, inhumain et dégradant des LGBTQI en détention, en interdisant et en punissant de tels actes et en veillant à ce que les victimes obtiennent réparation. L’article 7 du Pacte est la source de cette obligation.

Troisièmement, et cette obligation est tout particulièrement pertinente pour l’Iran, le Haut- Commissariat demande l’abrogation des lois faisant de l’homosexualité un crime, et en particulier toutes les lois qui interdisent un comportement sexuel en privé entre des adultes consentants du même sexe. Cette obligation peut se détruire de la lecture groupée de toute une série de dispositions du pacte (articles 2.1, 6.2, 9, 17.1 et 26 ). Notablement, le Comité des Droits de l’Homme a considéré en 1994 dans l’affaire Toonen c. Australie que « la sexualité consentante, en privé, est couverte par la notion de “vie privée” ». Ainsi, l’existence même d’une loi pénale dans ce domaine constitue une immixtion arbitraire dans celle-ci.

Le fait que la sodomie soit punie de mort viole en outre l’article 6 du Pacte, qui prévoit que faute d’abolition de la peine de mort, « […] une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis et qui ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du présent Pacte […] ». Or, un acte sans violence ne constitue manifestement pas un crime des plus grave.

En outre la peine de mort pour les personnes de moins de 18 ans est interdite en droit international par la Convention sur les droits de l’enfant.

La quatrième obligation prévue par le Haut-Commissariat consiste à interdire toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. La non-discrimination est un fondement du droit international des droits de l’homme. Il est vrai que l’orientation

90 Haut commissariat aux droits de l’homme, « Born free and equal : Sexual Orientation and Gender Identity in International Human Rights Law», juin 2012

329 sexuelle et de l’identité de genre ne figurent pas dans la liste des dispositions pertinentes, mais cette liste n’est nullement exhaustive et doit être interprétée de façon souple afin d’y inclure les groupes les plus vulnérables. L’accès aux soins de santé et à l’éducation en particulier doivent être garantis et respectés sans discrimination.

Enfin, les LGBTQI doivent, comme tous leurs concitoyens, pouvoir bénéficier de la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique prévue par l’article. Les limitations à ce droit ne peuvent être discriminatoires et doivent être proportionnées, c’est-à-dire nécessaires à la poursuite d’un objectif législatif légitime tout en étant le moins intrusives possible.

Human Rights Watch rappelle en outre que l’article 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques garantit l’accès à un procès équitable91. Bien qu’ils ne soient pas obligatoires en droit, les principes de Yogyakarta sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre constituent également un outil important pour déterminer les droits dont doivent pouvoir bénéficier les minorités sexuelles. Ceux-ci sont le résultat d’une réunion de 29 experts de 25 pays différents orchestrée par la Commission internationale de juristes et le Service international pour les droits de l’homme en 2006 à Yogyakarta en Indonésie92.

91 Human Rights Watch, « “We Are a Buried Generation” Discrimination and Violence against Sexual Minorities in Iran« , rapport du 15 décembre 2010 92 Pour plus d’informations, consulter le site http://www.yogyakartaprinciples.org/

330 3. République islamique d’Iran et minorités sexuelles

3.1. Homosexualité dans l’Islam Chiite

Avant de pouvoir traiter de la situation actuelle des minorités sexuelles en Iran et des violations des droits humains qui en découlent, il faut pouvoir redéfinir les concepts liés à l’homosexualité et à la transidentité au vu de la culture persane et de la religion musulmane.

Dans le Coran, les pratiques homosexuelles sont condamnées au travers de l’histoire du peuple de Lot, en particulier dans la Sourate 26, versets 165-166 : « Accomplissez-vous l'acte charnel avec les mâles de ce monde ? Et délaissez-vous les épouses que votre Seigneur a créées pour vous ? Mais vous n'êtes que des gens transgresseurs93 ». Les Hadith, c’est-à-dire les actions et sermons du Prophète, réprouveraient également l’homosexualité féminine comme masculine, et la pratique de la sodomie est considérée comme menant fatalement à l’enfer. La logique qui sous-tend cette interdiction consiste dans l’idée, présente également dans le Judaïsme et le Christianisme, que l’acte sexuel est un acte sacré destiné à la procréation94.

Il est néanmoins nécessaire de tempérer la rigidité de ces propos : un courant minoritaire en théologie développe de nouvelles interprétations du Coran, le considérant comme compatible avec l’homosexualité. En effet, l’histoire du peuple de Lot porterait sur le fait que le prophète Lot a invité des anges dans son village, et les villageois les ont attaqués et violés. Ainsi, ce ne serait pas l’homosexualité en tant que telle qui serait condamnée mais plutôt le viol d’un homme à l’encontre d’un autre. De plus, les hadiths mentionnés ci-dessus seraient d’une authenticité contestable. A partir de ces éléments, se développe une doctrine qui veut que des relations respectueuses et librement consenties entre personnes de même sexe ne soient donc pas reprouvées par la religion musulmane.95

Dans le cas de l’Iran, cependant, et plus généralement de l’Islam Chiite, les interprétations du Coran sont moins laissées à l’interprétation de chacun et les dires des Imams et des Ayatollahs ne peuvent être contestés.

93 Traduction trouvée sur le site https://coran.oumma.com/ 94 Nicole Kligerman, “Homosexuality in Islam: a difficult paradox”, in Macalester Islam Journal, Volume 2, 28 mars 2007 95 Gibson Ncube, “Review of Scott Sijaj al HaqqKugle’s “Homosexuality in Islam Critical Reflection on Gay, Lesbian and Transgender Muslims””, in CJR: Volume 2, Issue 2

331 En plus de considérer l’homosexualité comme un péché, un courant de doctrine de la Charia en a aussi fait un crime, dont la punition est à déterminer par les autorités au pouvoir. Il est néanmoins prévu une possibilité pour les accusés de se repentir. La jurisprudence islamique est en outre extrêmement protectrice de la vie privée et soutient que le moindre doute doit toujours bénéficier à l’accusé.

3.2. LGBTQI et culture persane

Lorsqu’on parle d’homosexualité en Iran, on ne peut mettre hommes et femmes dans la même catégorie. Le lesbianisme n’est mentionné que très rarement et est condamné avec moins de sévérité.

Cela est notamment dû au fait que depuis le Moyen-âge, les relations sexuelles sont liées à la stratification hiérarchique de la société. Ainsi, la personne « active » dans la relation est vue comme affirmant sa domination sur l’autre, passive. La pratique de la pédérastie, soit le fait d’entretenir des relations homosexuelles de type pédagogique entre un homme mur et un jeune homme, n’était pas rare. Le jeune homme, passif, jouait ainsi le rôle de la femme, alors même que dans la société, il occupait une position de subordonné. Les cas de prostitution masculine sont aussi relativement fréquents.

La littérature persane est, de façon assez surprenante, relativement riche en allusions homosexuelles. Autour du 11ème siècle PCN, à partir de la période Ghaznavid on observe l’émergence d’une tradition littéraire homo-romantique présente dans le champ de la poésie lyrique perse pour près d’un millénaire. Sans surprise, elle s’exprime principalement sous la forme d’amour envers de jeunes éphèbes. Si l’on ne représente pas de relations entre hommes partageant le même statut social, il n’est pas exclu que l’objet d’affection s’élève dans la société. C’est le cas de l’histoire d’amour, classique dans la littérature persane, entre le sultan Mahmoud et Ayaz, un jeune soldat96.

Cet élan de la poésie lyrique pour l’amour envers un autre homme, s’explique notamment par une certaine misogynie due aux influences grecques de Platon et Aristote d’une part, et par certaines valeurs et traditions islamiques d’autre part. Philosophiquement parlant, la femme était considérée comme mentalement et psychologiquement inférieure et donc seulement

96 Anahita Hosseini-Lewis, “Persian Literature from Homoeroticism to representations of the LGBT Community”, Sheffield, December 2015

332 digne de servir à la reproduction. Les hommes ne pouvaient donc rechercher de véritable compagnie qu’auprès d’un autre homme. Ainsi, même certains musulmans parmi les plus conservateurs, affirmaient aimer un homme plus jeune, tout en s’opposant, bien entendu, à une consommation charnelle de cet amour97.

Il est important de noter que ce type de relation n’est pas considérée par la doctrine actuelle comme de l’homosexualité ni même de la bisexualité, mais plutôt comme de l’homoérotisme. L’homosexualité est vue comme une invention moderne, le relations égales et librement consenties entre deux membres du même sexe n’étant pas socialement concevables à l’époque. De même, il existe des controverses sur la question de savoir si ces poésies faisaient référence à un amour mystique ou charnel98.

Dans ce contexte d’une société largement dominée par les hommes, où les femmes étaient effacées de la voie publique, il n’existe que de très rares sources pour documenter l’histoire du lesbianisme dans le monde musulman, et encore moins en Iran.99

En Occident, cet homoérotisme était extrêmement mal perçu et le monde musulman était considéré comme porteur de corruption morale. A partir de la montée au pouvoir de Reza Shah Pahlavi, l’Iran met en place un programme de modernisation et d’occidentalisation forcée de l’Iran. Aussi, on constate une stigmatisation des relations amoureuses entre personnes de même sexe et même une disparition de l’homoérotisme et de la pédérastie dans la littérature et les manuels scolaires. Vers la fin de la dynastie Pahlavi, l’homosexualité devint peu à peu plus acceptable dans les milieux proches du Shah, notamment parmi les artistes. La communauté LGBTQI devint proche du régime en place100.

En même temps que le régime du Shah devient plus tolérant envers les minorités sexuelles, les mouvements intellectuels du pays s’opposent de plus en plus fermement à l’occidentalisation de l’Iran. Un nouveau discours émerge : l’homosexualité est une déviance morale dérivée de l’impérialisme occidental. Un évènement en particulier a suscité l’indignation de ces mouvements : la couverture médiatique accordée à un simulacre de mariage homosexuel.

97 Ibid. 98 Ibid. 99 http://telquel.ma/2017/07/28/lhistoire-insoupconnee-lerotisme-en-terre-dislam_1555652 100 Anahita Hosseini-Lewis, op.cit

333 En janvier 1978, sous l’influence de l’Ayatollah Ruhollah Khomeini alors en exil, de nombreux étudiants d’écoles religieuses descendirent dans les rues pour protester contre les abus du régime du Shah, bientôt suivis par de nombreux autres jeunes. Un an plus tard, le Shah et sa famille fuirent l’Iran et en avril 1979, suite à un referendum, Khomeini proclama l’émergence de la république islamique d’Iran. Très vite, le nouveau régime écarta ses branches les plus progressistes pour suivre une ligne très conservatrice.101

La position des communautés LGBTQI était loin d’être au cœur des préoccupations des révolutionnaires, et était entièrement subordonnée à la priorité révolutionnaire de combattre l’impérialisme occidental. Or comme indiqué ci-dessus, l’homosexualité est alors considérée comme une déviance occidentale et va donc être criminalisée. De nombreux gays, lesbiennes et bi vont alors quitter l’Iran. Face à l’autoritarisme du nouveau régime, une vague de contestation d’activistes de gauche va se soulever. En répression, des milliers d’individus sont exécutés, certains pour cause de sodomie, alors même qu’ils n’étaient pas nécessairement homosexuels, dans le but d’obtenir un soutien plus important de la part de la population religieuse.

Après la révolution, les personnes transgenres étaient persécutées de la même façon que l’étaient les homosexuels. De façon assez surprenante, cependant, l’Ayatollah Khomeini, émit en 1987 une fatwa, c’est-à-dire une décision religieuse, considérant la transidentité comme une maladie et permettant ainsi les opérations de réassignation sexuelle102.

101 Janet Afary, “ of 1978-79”, in Encyclopaedia Brittanica, 12 juillet 2017 102 Iranian Queer Organization, Report on « Repression, homophobia and trangender policies in Iran », consulté sur le site http://www.irqo.org/english/?p=256

334 4. Être LGBTQI en Iran

4.1. L’homosexualité dans le code pénal Iranien

En 2013, la République Islamique d’Iran a refondu son code pénal, cependant, le livre second, portant sur des crimes dérivés de la Charia, les hudud, souvent accompagnés de sanctions sévères, reste très controversé du point de vue des droits de l’homme. Ces crimes concernent en les relations sexuelles hors mariage (zina), les relations homosexuelles (livat pour les hommes et mosahaqa pour les femmes), les insultes au Prophète (sabb-e-nabi) et consommation de drogues ou d’alcool (shorb-e-khamr).

Les articles pertinents du Code sont les articles 233 à 241103. Ils détaillent de façon systématique et complète les différentes infractions et les sanctions qui y sont attachées.

Il est important de noter qu’en Iran, ce n’est pas l’orientation sexuelle en tant que telle qui est condamnée, mais bien les actes que celle-ci supposent.

Les pratiques correspondent à différents degrés de gravité : les simples baisers ou caresses (« contacts physiques à caractère lubrique ») entre deux hommes ou deux femmes sont punis par entre 31 et 74 coups de fouets. Ensuite vient le tafkhiz, défini comme le fait de mettre l’organe sexuel masculin entre les cuisses ou les fesses d’un autre homme, qui est puni par 100 coups de fouet. Enfin, l’infraction la plus importante est le livat, c’est-à-dire la pénétration au-delà de l’anneau de circoncision en tant que telle. Les peines prévues dans ces cas-là font la distinction entre la partie active et la partie passive. En cas de livat, la partie passive est condamnée à mort tandis que la partie active recevra 100 coups de fouet. La partie active sera néanmoins également condamnée à mort si elle est mariée, en cas de viol, ou si elle est non-musulmane et en relation avec un musulman. Dans ce dernier cas, la partie musulmane sera considérée comme victime. Cette distinction résonne avec la conception ancienne de la pédérastie et la notion de domination.

Pour les femmes, en cas de rapport sexuel ou Musaheqeh, la peine prévue est de 100 coups de

103 Traduction en anglais du code pénal effectuée par l’organisation Iran Human Rights Documentation Center disponible sur le site http://www.iranhrdc.org/english/human-rights-documents/iranian-codes/1000000455- english-translation-of-books-1-and-2-of-the-new-islamic-penal-code.html#45

335 fouets pour chacune des parties, indépendamment du statut matrimonial des parties. Le viol ne donne pas lieu à un traitement différent.

Les récidives multiples sont également punies de mort.

L’article 241 prévoit néanmoins des garanties de protection de la vie privée. En effet, faute des preuve admissibles légalement et en cas de déni de l’accusé, l’enquête ne pourra pas se poursuivre pour essayer de découvrir d’éventuelles affaires privées. Cette disposition ne s’applique pas s’il y a eu viol. Par ailleurs, la torture est interdite pour obtenir des aveux et de telles confessions ne seraient de toute façon pas admissibles devant les tribunaux. Un aveu doit par ailleurs être répété 4 fois pour pouvoir être retenu. En outre, pour qu’un livat puisse être établi, il faut que 4 hommes sages puissent en témoigner.

Avant même que débute le procès, les inculpés, sous le conseil de leurs avocats, signent fréquemment un acte de repentance, afin d’éviter une condamnation.

Dans la pratique, cependant, ces garanties sont peu respectées. D’une part, l’article 120 du code pénal prévoit également la possibilité de preuve basée sur la connaissance du juge, ce qui permet que les préjugés du juge prennent le pas sur la vérité et que les faits soient établis base de preuves douteuses. Human Rights Watch dénonce en outre que les dispositions de preuve du code pénal sont peu respectées ou interprétées de manière abusive. Les aveux arrachés sous la torture sont bien souvent acceptés comme preuve dans les tribunaux. Enfin, les droits à l’accès aux documents incriminants et à la défense sont bien souvent refusés à l’accusé, et les procès sont sommaires, ainsi qu’en témoignent les récits repris dans le rapport d’Human Rights Watch.

Les autorités s’infiltrent en outre sur les réseaux sociaux et surveillent des sites de rencontre homosexuels. De faux rendez-vous sont parfois organisés, afin d’arrêter la personne s’y présentant. Il arrive également que la police accomplisse des descentes dans les fêtes privées, arrêtant à l’occasion tous les invités. Ces pratiques demeurent cependant relativement isolées.

Les exécutions pour motifs de Livat sont très rares, ou plutôt, sont rarement attribuées à cette infraction seule. Souvent, d’autres charges sont soulevées. Ainsi, actes homosexuels, adultères, viols, et deal de drogue figurent très souvent dans la condamnation. Cela s’explique en partie par la mobilisation internationale que soulèvent en général ces exécutions, alors que l’Iran souhaiterait nier l’existence de l’homosexualité sur son territoire104. L’ancien président

336 Ahmadinejad est d’ailleurs déclaré lors d’une visite à l’université de Columbia qu’en Iran, il n’y avait pas d’homosexuels contrairement à ce qui se passe aux Etats Unis.105 Par conséquent, la presse est contrôlée très strictement à cet égard. Les procès pour mœurs se font en outre à huis-clos, ce qui ne facilite pas l’étude des causes des condamnations.

Il existe néanmoins de multiples rapports de violations des droits de l’homme durant la détention des personnes homosexuelles. Coups, traitements inhumains et dégradants, agressions sexuelles figurent dans de nombreux témoignages recueillis par Human Rights Watch. La menace de condamnation et les multiples autres violations de leurs droits forcent de nombreux homosexuels à s’exiler.

4.2. Homosexualité au quotidien

Au-delà des condamnations pénales, les lesbiennes, gays et bi sont également victimes de violations des droits de l’homme au quotidien. Bien que ce genre d’abus existe dans de très nombreux pays, le fait qu’il soit impossible à ces individus de recourir à un soutien officiel dans ces cas-là rend leur situation davantage précaire.

L’homosexualité étant considérée comme une honte par de nombreux iraniens, les homosexuels se retrouvent bien souvent dans des situations familiales extrêmement difficiles lorsqu’ils sont découverts. Certains parents battent leurs enfants, les menacent de mort ou les chassent, ou les dénoncent aux autorités. Il arrive aussi que les frères ainés fassent preuve de violence ou collaborent avec la police (Sepah). D’autres essayent de guérir leur enfant en les soumettant à divers traitements médicaux, plus ou moins dangereux, tels que les hormones ou même la thérapie des chocs électriques, engendrant des conséquences désastreuses sur la santé physique et mentale de ce dernier106.

Au-delà de la famille, les homosexuels rapportent avoir souffert de nombreuses humiliations à l’école, dès les primaires, à l’université, au travail ou encore dans le cadre de leurs déplacements privés. Une personne rapporte avoir fait l’objet de chantage et de harcèlement suite à une vidéo prise sans son consentement. Une autre personne du même cercle, suite à

104 Témoignage recueilli à Teheran 105 BBC News, Iran president in NY campus row, 25 septembre 2007 106 Human Rights watch, « we are a buried generation” Discrimination and violence against sexual minorities in Iran, 15 decembre 2010

337 une rencontre en ligne, a été emmené dans un lieu isolé et battu, ses agresseurs ont ensuite tenté d’appeler ses parents.107

L’absence d’éducation sanitaire et sexuelle est source de comportements à risque. En effet, si le préservatif est disponible dans toutes les pharmacies, peu de gens savent que sont utilité est autre que de prévenir les grossesses non désirées. Beaucoup d’homosexuels ne voient donc pas d’utilité à se protéger contre les maladies sexuellement transmissibles. Au sein même du corps médical, la menace des MST n’est pas toujours prise avec sérieux. Un témoin rapporte avoir un jour été renvoyé de chez le médecin avec une prescription d’antidépresseurs alors qu’il souhaitait faire un test de dépistage pour des infections sexuellement transmissibles108. Il serait faux néanmoins de nier le rôle primordial de certains médecins dans l’amélioration de la vie des minorités sexuelles, et le rôle éducatif pris par certains, notamment auprès des familles109.

Malgré tout, il existe, au moins à Téhéran, des lieux de rencontre et de drague pour les homosexuels. Les moins privilégiés se retrouvent dans un parc ou draguent dans les taxis, tandis que les classes plus aisées de Téhéran se retrouvent dans des cafés et autres lieux de restauration aux signes distinctifs discrets. Internet est également très prisé pour les rencontres.

En raison de la honte intériorisée associée à toute orientation sexuelle autre qu’hétérosexuelle et du climat peu propice à des relations saines, il est extrêmement difficile pour les homosexuels de mener une vie sexuelle et affective épanouissante. S’il n’est apparemment pas difficile de trouver des partenaires d’un soir, les relations amoureuses de longue durée sont difficiles à envisager. car difficiles à garder secrètes, en particulier en cas de cohabitation. Dans de nombreuses familles, les jeunes vivent chez leurs parents jusqu’au mariage. Certains homosexuels recourent à des mariages pour couvrir se auprès de la société.110

De façon surprenante mais cohérente par rapport à la culture persane, le concept de « SMSM (= straight men who have sex with men) » c’est-à-dire des hommes entretenant des relations sexuelles avec des hommes sans pour autant s’identifier comme homosexuels est relativement répandu en Iran. Parmi eux, de nombreux « top » ou « actifs » se considèrent comme supérieurs et méprisent leurs partenaires. Vol et extorsions voire violences entre

107 Témoignage recueilli à Téhéran 108 Ibid. 109 Outright Action International, “Human Rights report: being lesbian in Iran”, 2016 110 Témoignage recueilli à Téhéran

338 partenaires ne sont pas rares.

En plus de toutes les difficultés rencontrées par les hommes, les lesbiennes et les femmes bisexuelles doivent en plus évoluer dans une société ou les droits de la femme, bien qu’infiniment plus développés que dans les pays limitrophes, restent limités. Traditionnellement et légalement, la femme est subordonnée à l’homme. La société exerce sur elle une forte pression pour que celle-ci se marie et malgré le haut niveau d’éducation que la plupart des femmes reçoivent, leur indépendance financière et leur présence dans le monde du travail restent limitées. Notons néanmoins que des femmes, particulièrement dans les milieux sociaux élevés, font exception à ces tendances, certaines d’entre elles occupant même des postes à responsabilité. De très nombreuses lesbiennes se retrouvent mariées de force à un homme, parfois à un très jeune âge, le mariage des femmes étant légal à partir de 9 ans. Elles seront bien souvent victimes de viol marital.111

De par leur orientation sexuelle, les lesbiennes remettent en question les normes de genre à l’échelle de la société et de la famille. Les lois sociales et d’accès au travail donnent par exemple priorité aux hommes en général, puis aux mères et en tout dernier lieu aux femmes n’ayant pas d’enfant. En effet, il relève du devoir de l’homme de pourvoir aux besoins de sa famille, la femme n’ayant donc pas un besoin premier de travailler. Cette dépendance de la femme vis-à-vis de sa famille la rend en outre particulièrement vulnérable à des abus, et leur résistance par rapport à ce modèle est susceptible d’être à l’origine de violences. Malgré ces difficultés, de nombreuses femmes et de nombreux hommes témoignent être parvenus à développer autour d’eux un réseau protecteur de proches qui respectent leur orientation sexuelle et parvenir à mener des vies épanouissantes112.

4.3. Transidentité en Iran

Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, suite à une Fatwa de l’Ayatollah Khomeini, l’Iran autorise et même subsidie113 les opérations de changement de sexe. Cela ne signifie

111 Outright Action International, “Human Rights report: being lesbian in Iran”, 2016 112 Ibid. 113 La Fondation d’aide de l’Imam Khomeini, gérée par l’Etat, offre des aides aux populations les plus

339 néanmoins pas que les transgenres et autres personnes ayant une identité de genre non conforme à leur sexe ne subissent aucune difficulté.

La société iranienne est une société binaire dans laquelle hommes et femmes doivent répondre à des normes conventionnelles associées à leur sexe. Ainsi, chacun se doit de rentrer dans une des deux cases. La transidentité est perçue comme un trouble psychiatrique et sexuel. Dès lors, l’opération de réassignation de sexe, est vue comme une cure nécessaire à une maladie. Le travestissement n’est autorisé que pour les personnes en attente de chirurgie, suite à une confirmation par un médecin d’une « dysphorie de genre ». A partir de ce moment, un certificat est délivré à l’individu, lui permettant de se soumettre aux normes sociétales associées à son genre. Suite à l’opération, tous les documents légaux, tels que les certificats de naissance et passeport, seront modifiés en conséquence. Les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas se soumettre à ces traitements, ou qui ne s’identifient pas exclusivement à un de ces genres ne sont pas reconnus comme transgenres114.

Cependant, culturellement, la transidentité est très peu acceptée et comprise par la société iranienne. Souvent, les transgenres sont confondus avec les homosexuels ou les travestis. Il est d’ailleurs intéressant de noter que de nombreux homosexuels sont encouragés à suivre une opération de réassignation de sexe par les autorités politiques et le corps médical.115

En droit comme en fait, ces personnes sont victimes de nombreuses discriminations et victimes de nombreux abus. Il n’existe pas de loi visant à protéger les minorités de genre contre les discriminations. En 2005, néanmoins, la Commission islamique des droits de l’Homme de l’Iran a reconnu ces manquements. Depuis lors, le gouvernement a travaillé sur plusieurs propositions. Le texte de celles-ci n’a pas été rendu public et aucune proposition n’a été soumise au vote.

Au quotidien, il n’est pas rare que les transgenres soient moqués, insultés, voire même physiquement et sexuellement agressés. Le rapport de Human Rights Watch offre à cet égard de nombreux témoignages. Entre autres exemples, de nombreux hommes transgenres sont arrêtés pour ne pas porter le hijab et inversément, les femmes transgenres, pour se travestir.

défavorisées, notamment en accompagnement de leur transition. 114 Outright Action International, “Being transgender in Iran”, 2016 115 Human Rights watch, « we are a buried generation” Discrimination and violence against sexual minorities in Iran, 15 décembre 2010

340 Le corps médical est également responsable de nombreuses difficultés vécues par les personnes transgenres : l’accès à l’information est difficile et de nombreux médecins vont jusqu’à prescrire des médicaments ou des injections à leurs patients. Les personnes qui se sont soumises à une opération de changement de sexe ne sont pas non plus protégées contre des licenciements dus à leur identité. D’après le docteur Rostami, un sociologiste qui enseigne à l’Université Tabatabai de Téhéran, septante pourcent des personnes transgenres ont commis une tentative de suicide. De nombreux problèmes se posent également en relation avec la famille. Un mariage contracté avant une opération de réassignation de sexe sera considéré comme nul et la garde des enfants sera en général donnée à l’autre partenaire. Des violences domestiques de la part de parents sont également très fréquemment subies par les minorités de genre. Les mariages forcés, particulièrement dans les cas d’hommes transgenres sont aussi utilisés pour « redresser » leur enfant.116

116 Voir les nombreux témoignages repris dans le rapport d’Outright Action International.

341 5. Conclusion

La dignité de l’être humain dans toute sa complexité est au cœur de la protection internationale des droits de l’homme. Or, en Iran, alors même que les autorités se présentent comme favorables aux droits de l’hommes, voire même comme étant un modèle pour la région, ceux-ci semblent exclure les LGBTQI du nombre des bénéficiaires de ceux-ci.

Au-delà du cadre légal, les minorités sexuelles se retrouvent dans des situations intolérables dues au manque de compréhension de ce qu’est l’orientation sexuelle ou l'identité de genre. Les LGBTQI sont bien souvent mis dans un même panier et considérés comme des pervers, des malades ou des criminels. En conséquence, la société ne peut se permettre de les accepter et doit punir, corriger ou guérir ces individus.

A l’exception de quelques particuliers issus de milieux plus progressistes ou entourés d’un cercle d’amis soudé, la vie des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, s’apparentent souvent à de la survie. Nombreux sont ceux contraints de s’exiler.

342 343 344 De Perzische gastronomie als rode draad doorheen Iran

Pauline Hellemans

345 346 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 347

1. INLEIDING ...... 348

2. BELANG EETCULTUUR IN IRAN...... 349

3. DE GESCHIEDENIS WORDT WEERSPIEGELD IN DE PERZISCHE KEUKEN...... 350

3.1. GRIEKSE INVLOEDEN IN KEUKEN ...... 351 3.1.1. Inleiding ...... 351 3.1.2. Perzische oorlogen...... 351 3.1.3. Invloeden in gastronomie...... 352

3.2. INDISCHE INVLOEDEN IN DE PERZISCHE KEUKEN...... 352 3.2.1. Darius de Grote ...... 352 3.2.2. Uitwisseling van cultuur ...... 353

3.3. ARABISCHE INVLOEDEN IN GASTRONOMIE ...... 353 3.3.1. Arabische verovering van Perzië in 651 ...... 353 3.3.2. Perzen onder Arabische overheersing ...... 353 3.3.3. Uitwisseling van culturen...... 354

3.4. WESTERSE INVLOED IN KEUKEN ...... 354 3.4.1. 18de en 19de eeuw ...... 354 3.4.2. Verwestering onder invloed van Reza Shah in de 20ste eeuw ...... 354

4. WIJN EN ALCOHOL IN IRAN...... 356

5. WATER...... 358

5.1. QANATS ...... 358

5.2. WATERVERBRUIK EN WATERSCHAARSTE ...... 359

5.3. GEVOLGEN VAN DE WATERSCHAARSTE...... 359

5.4. OPLOSSINGEN (EN KRITIEK)...... 360

6. DIEET VAN DE HUIDIGE IRAANSE BEVOLKING: GROEIENDE PROBLEMATIEK ...... 361

7. CONCLUSIE ...... 362

8. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 363

347 1. Inleiding

De Perzische keuken vertelt een verhaal over het reilen en zeilen van Perzië (of Iran, zoals het vandaag gekend is) doorheen de jaren. In de rijke Perzische keuken vinden we sporen van oorlog, geopolitiek en cultuur terug, omdat deze gebeurtenissen telkens een invloed uitoefenen op de gastronomie. Voedsel staat centraal in de Perzische cultuur: Perzen zien betekenis in alles wat ze eten. Duizenden jaren oude mythologie en traditie gaan vooraf aan een ‘gewone’ maaltijd.

De keuken is in Iran een belangrijk deel van het leven, je bent namelijk wat je eet. De keuken van Perzië is bijzonder interessant, omdat het land een rijke geschiedenis kent en vandaag nog steeds fascinerend is. Door naar de Iraanse keuken te kijken sta ik in dit rapport stil bij enkele onderwerpen. De Iraanse keuken zal dienen als een rode draad.

Als eerste zal ik uiteenzetten waarom de gastronomie zo belangrijk is in Iran. Daarna zal ik de invloeden die we terugvinden in de Perzische gastronomie bespreken. Deze invloeden getuigen namelijk van de rijke geschiedenis van het Perzische rijk. Vervolgens zal ik spreken over de belangrijke rol die wijn gespeeld heeft in de Perzische cultuur. Ten derde zal ik spreken over het tekort aan water dat dreigt door klimaatverandering en de toename van de bevolking. Ten slotte zal ik spreken over een aantal welvaartsziekten, die veroorzaakt worden de stijgende urbanisering, die deels te wijten is aan dat tekort aan water. De link met de Iraanse keuken is op dit moment misschien nog niet helemaal duidelijk, maar als u verder leest zal dit alles helder worden.

348 2. Belang eetcultuur in Iran

Omdat het publieke- en het privéleven in Iran zo gecontroleerd worden door de overheid, hebben de Iraniërs zich meer en meer op de gastronomie toegewijd. Andere manieren van ontspanning worden verboden of streng gereguleerd door de Islam en de religieuze voorschriften.

Die controle hebben we tot vervelens toe aan den levende lijve kunnen ondervinden tijdens onze studiereis. Het echte leven, het leven vrij van de invloed van het regime, vrij van sociale controle speelt zich achter gesloten deuren af117. Dit zorgt ervoor dat eten een van de enige ontspanningen is, die iedereen deelt en die bijna steevast achter gesloten deuren gebeurt. Tijdens het eten kan men vrij praten. Het bereiden van een maaltijd is een van de enige momenten in het leven waar men creatief kan zijn, zonder gevaar van het toekijkende regime. Een gelimiteerd aantal restaurants in Iran is hiervan getuige. Het is algemeen geweten dat als men goed wilt eten dat men niet op restaurant moet gaan, maar dat men bij iemand thuis moet eten. Daarenboven is voedsel veel meer dan brandstof. Het heeft culturele, filosofische en medische dimensies (zie infra).

117 bron afbeelding: Ali Farboud, http://www.saveur.com/gallery/Iran-Land-of-Bread-and-Spice/#page-4

349 3. De geschiedenis wordt weerspiegeld in de Perzische keuken

Het Perzische rijk bestond op z’n grootst uit het huidige Iran en uit Turkije, Irak, Afghanistan, Pakistan, delen van India en Griekenland en uit voormalige sovietlanden: Azer- beidzjan, Armenië en Turkmenistan. De eetcultuur in Iran werd beïnvloed door die verschillende culturen en heeft ook een invloed gehad op de keuken van die landen. Daarnaast zijn de Perzen verschillende keren veroverd geweest in hun rijke geschiedenis. Ik bespreek een aantal invloeden en de geschiedenis die eraan voorafgaat.

De zijderoute

De zijderoute was een netwerk van karavaanroutes door Azië, waarlangs eeuwenlang handel werd gedreven. Het was de belangrijkste verbinding tussen het Oosten en het Westen. De zijderoute bestond, in tegenstelling tot wat de naam doet vermoeden, uit meer dan één route. De Zuidelijke- en de Noordelijke route liepen dwars doorheen Perzië. Handelaars brachten via de zijderoute kruiden, rijst en andere voedingsmiddelen mee uit China, India en andere landen. De zijderoute introduceerde zo vreemde elementen in de Perzische keuken. We vinden verschillende Chinese en Indische kruiden terug, zoals bijvoorbeeld kerrie, een kruidenmengeling bestaande uit: fenegriek, kurkuma, komijn, … Perzië had via de zijderoute ook haar invloed. Er werden saffraan, dadels, e.a. via de zijderoute uitgevoerd. De zijderoute zorgde niet enkel voor een uitwisseling van goederen, maar ook voor een uitwisseling van culturen en ideeën. Marco Polo, die de route als eerste volledig zou hebben afgelegd spreekt in z’n dagboeken uitgebreid over Perzië (zie infra).

350 3.1. Griekse invloeden in keuken

3.1.1. Inleiding

De Grieken en de Perzen vochten verschillende conflicten uit. Een deel van het huidige Griekenland was ooit deel van het Perzische rijk. Griekse invloeden in de Perzische keuken getuigen hier vandaag nog van. Oudgriekse teksten prijzen meermaals de Perzische keuken (zie infra).

3.1.2. Perzische oorlogen

De Griekse stadstaten, die hun krachten bundelden (iets wat voordien nooit vertoond was), traden verschillende keren in conflict met het Perzische rijk, toen onder het Achamenidische regime. De eerste Perzische oorlog speelde zich van 492 tot 490 v. Chr. af. De tweede Perzische oorlog vond plaats van 480 tot 479 v. Chr. De verovering van Ionië door Cirrus de Grote in 547 v. was de oorsprong van deze oorlogen. Ionië is een streek langs de westkust van Klein-Azië, die ligt in hedendaags Turkije. Cirrus was de toenmalige Perzische machthebber. Cirrus stelde verschillende tirannen in plaats om over de verschillende delen van Ionië te heersen. De acties van deze despoten veroorzaakte grote ontevredenheid en rebellie tegen Perzische overheersers in Grieks Klein Azië in 499 v.Chr. Dit was de aanzet tot de Ionische revolte, die zou duren tot 493 v. Chr. De revolte zou zich gedurende deze jaren uitbreiden naar andere streken van Klein Azië. Een van de toenmalige despoten schakelde hulp in van Griekse stadstaten Athene en Eritrea om deze opstanden neer te slaan. In dit proces brandden ze de Perzische regionale hoofdstad plat. Uiteindelijk versloegen de Perzen de Ioniërs in de slag van Lade.

Om verdere opstanden te voorkomen en het Perzische rijk te beschermen tegen verdere Griekse inmenging, plande Darius de Grote de Griekse stadsstaten te veroveren. Darius was een opvolger van Cirrus de Grote. De Perzen kenden verschillende overwinningen, maar werden uiteindelijk verslagen door stadstaat Athene in de slag van Marathon. Darius plande later opnieuw de verovering van Griekenland, maar stierf in 486 v. Chr. Zijn zoon Xerxes nam z’n plannen over en leidde de tweede Perzische invasie van Griekenland. Hoewel ze in het begin opnieuw successen kenden, leden ze uiteindelijk verlies.

Ondanks de vele conflicten, waren er verschillende uitwisselingen van cultuur tussen de Griekse stadstaten en Perzië.

351 3.1.3. Invloeden in gastronomie

De Griekse keuken beïnvloedde de Perzische: gevulde druivenbladeren en yoghurt getuigen hiervan. De Grieken hebben niet enkel de Perzische keuken beïnvloed, de Grieken namen ook aspecten van de Perzische keuken over. Het gemarineerd vlees gegrild in het vuur, de befaamde kebab, die we tijdens de studiereis tot vervelens toe voorgeschoteld kregen, is ook wel gekend onder de naam Souvlaki. Dit typisch Perzisch gerecht is vandaag alomtegenwoordig in Griekenland.

Unani geneeskunde

De Perzen namen niet enkel gerechten over, maar ook cultuur die de maaltijd omringt. Ze namen de volgorde van het consumeren van de maaltijd over, omdat sommige gerechten als koud (sardi) of warm (garmi) beschouwd worden. De temperatuur van het voedsel is niet pertinent voor dit onderscheid, maar de energie die men ervan krijgt. Eten waar men veel energie van krijgt is warm. Munt, lam en walnoten zijn klassieke voorbeelden van warm voedsel. Eten waar men loom en slaperig wordt, wordt bestempeld als koud voedsel. De classificatie van bepaald voedsel als warm of koud verschilt van streek tot streek in Iran.

Deze ideeën komen uit de traditionele Griekse geneeskunde en wetenschap. Ziektes zouden veroorzaakt worden door een onevenwicht van verschillende tegenstellingen, zoals warm en koud. Dit is een emanatie van de ideeën van Hippocrates (460- 377 v.Chr.) die stelde dat in het lichaam een evenwicht moet bestaan tussen de vier humeuren, analoog aan de vier natuurelementen. Voedsel is een belangrijk instrument om dit evenwicht te behouden of te herstellen. Ziektes worden genezen door het volgen van een speciaal dieet. Dokters schrijven fruit en groenten als geneesmiddel voor. Veel Iraniërs geloven heden ten dage nog steeds in deze ideeën.

3.2. Indische invloeden in de Perzische keuken

3.2.1. Darius de Grote

Darius de Grote breidde het Perzische rijk onder zijn heerschappij sterk uit. Hij veroverde een groot deel van West- en Noord-India. De Achameniden heersten dus over India tot 330 v. Chr. In dat jaar verloor Darius de derde van Alexander de Grote, wat de val van de Perzische macht met zich meebracht. Op die manier verloor Perzië ook de macht over India.

352 3.2.2. Uitwisseling van cultuur

Deze eeuwenlange overheersing zorgde voor een uitwisseling van culturen. De Perzen ontwikkelden een eigen keuken met het gebruik van kerrie. Daarnaast werd rijst een van de hoofdingrediënten van de Iraanse keuken. De gebruikte Basmati rijst wordt ingevoerd vanuit India. De hedendaagse Perzische en Noord-Indische keuken gelijken vandaag het meest op elkaar van alle keukens in het Midden-Oosten en Centraal-Azië.

3.3. Arabische invloeden in gastronomie

3.3.1. Arabische verovering van Perzië in 651

De Islamitische verovering, ook wel gekend als de Arabische verovering, werd het einde van het Sassaniden regime en betekende de val van het Zoroastrische geloof in Perzië. Het Perzische leger was verzwakt door tientallen jaren oorlog met Byzantium. Daarenboven was de interne macht verdeeld door conflicten om de troon. Van 633 tot uiteindelijk 651 waren er verschillende aanvallen van de Arabische moslims op Perzië, gecoördineerd vanuit Medina door kalief Umar. Deze strategische aanvallen, aangestuurd vanop lange afstand, werden de kaliefs grootste triomf.

3.3.2. Perzen onder Arabische overheersing

Opstanden bleven lang rijzen onder de Arabische overheersing. Het was niet zeldzaam dat Arabische gouverneurs afgezet of vermoord werden. De Arabieren dwongen de Perzen zich te bekeren tot de Islam op gewelddadige manier door tekenen van Zoroastrianisme te verbranden en priesters te executeren. Zoroastrianen werden gedwongen een extra taks te betalen. Zoroastrische krijgsgevangen werden vrijgelaten, wanneer ze zich bekeerden tot de Islam. Veel Perzen bekeerden zich onder druk of uit overtuiging tot de Islam. Islam werd in de Middeleeuwen de dominante religie in Iran. Hoewel de Perzen zich (vaak met tegenzin) bekeerden tot de Islam, verzetten de Perzen zich door hun cultuur en taal te behouden. Iran werd geïslamiseerd, maar niet gearabiseerd.

Iran droeg haar steentje bij tot de Islam en exporteerde later deze Iraanse Islam naar andere delen van de wereld. De Islam die we vandaag kennen in Turkije en India is gebaseerd op die

353 Iraanse Islam, die ook wel Islam-i Ajam genoemd wordt.

3.3.3. Uitwisseling van culturen

Tijdens deze periode was er een uitwisseling van culturen tussen de Arabieren en de Perzen. De Perzen namen het gebruik van lam, dadels en vijgen in de keuken over van de Arabieren. De befaamde kebabs getuigen van de invloed die de Perzen hadden op de Arabieren.

3.4. Westerse invloed in keuken

3.4.1. 18de en 19de eeuw

In de 18de en de 19de eeuw onderging de Perzische keuken westerse invloeden. De Russische taal en cultuur zouden de grootste invloed gehad hebben op de Perzische keuken. Daarnaast beïnvloedde de Westerse cultuur vooral de manier waarop gegeten werd. Voor 1800 werd er steeds op de grond op een tapijt gegeten met de handen. Bestek en andere hulpmiddelen werden niet gebruikt. Door de westerse invloed werden bestek, andere kookhulpmiddelen, tafels en stoelen geïntroduceerd. Hoewel de Perzen niet beschaafd waren in de ogen van de Westerse autocratie toen, hadden de Perzen hun eigen etiquette met als doel de andere persoon niet te schofferen of te beledigen. Een voorbeeld hiervan is de tar’of.

3.4.2. Verwestering onder invloed van Reza Shah in de 20ste eeuw

In 1928 wilde Reza Shah Iran verwesteren. Hij voerde verschillende wetten in om de verwestering te bewerkstelligen. Deze wetten legden aan restaurants op voorzien te zijn van tafels en stoelen en dat elk restaurant lepels, vorken en messen, maar ook mosterd, peper en zout moest hebben op elke tafel. Het was verboden met de handen te eten. Water moest geserveerd worden in glas en moest uit een ijzeren kraan komen. Er werden daarenboven restaurants gecreëerd, aangezien die er niet waren voor de komst van de westerlingen.

Na de tweede wereldoorlog nam de invloed van de Amerikanen toe. Er waren Amerikaanse soldaten in Teheran gepositioneerd tijdens de eindjaren van de tweede wereldoorlog om een overheersing van de Duitsers of van de Sovjets te voorkomen. De eerste fastfood restaurants

354 werden geopend in de jaren ’60. Zo waren er in Teheran pizzarestaurants, KFC’s (een Amerikaanse keten die gefrituurde kip serveert), ... Na de islamitische revolutie bleven deze restaurants bestaan, ze veranderden simpelweg van naam. Onder Amerikaanse invloed steeg ook de vleesconsumptie, wat ervoor geen Iraanse traditie was.

355 4. Wijn en alcohol in Iran

Wijn was ooit een belangrijk deel van de Iraanse gastronomie. Dat is vandaag moeilijk te geloven, na de islamitische revolutie in 1979. De regering verbood in januari zelfs het woord wijn in alle boeken, want het zou getuigen van de Westerse culturele overheersing. Dit staat in contrast met de eeuwen oude Perzische traditie van het produceren en degusteren van wijn.

In de Koran wordt in verschillende passages wijn gedronken. Mohammed begint zich echter meer en meer te ergeren aan het alcoholmisbruik, dat hij rond zich ervaart. De toon omtrent wijn verandert geleidelijk aan doorheen de verzen van de Koran. In het begin wordt wijn gezien als een teken van Allahs goedheid (soera 14:69), later zegt Mohammed dat de voordelen van wijn de nadelen niet uitwegen (soera 2:216). Uiteindelijk verklaart Mohammed dat wijn een wapen is van Satan en dus strikt verboden is (soera 5:92). Dat alcohol drinken een zware zonde is, wordt gedeeld door alle Islamitische geleerden. Roesmiddelen verslappen de aandacht en de ernst voor het gebed.

Tot de Islamitische revolutie in 1979, onder de Pahlavi dynastie werd er openlijk gedronken in Iran. Het degusteren van wijn was al deel van de Perzische cultuur voor de Pahlavis. Volgens een oude Perzische legende ontstond wijn toen een wondermooie prinses uit gratie viel bij de mythische koning Jamshid. Overweldigd door verdriet, probeerde ze zich te vergiftigen door van een beker met bedorven druivensap te drinken. Door de effecten van de alcohol viel ze in slaap. De volgende dag werd ze wakker en merkte ze dat ze zich veel beter voelde door de effecten van de druiven. Ze trok met deze ontdekking naar koning Jamshid en verkreeg opnieuw zijn gratie. De koning deelde de ontdekking met z’n hofhouding en verordende dat alle druiven in Persepolis moesten worden toegewijd aan het maken van wijn.

De eerste sporen van het maken van wijn in Iran dateren van ongeveer 5400 v. Chr. in de Zagros bergen. Dat betekent dat de eerste tekenen van wijn in de wereld in Perzië te vinden zouden zijn. In de Achamenidische periode (550- 330 v. Chr.) maakte wijn een belangrijk deel van het politieke beslissingsproces uit. Herodotus, Grieks geschiedschrijver, zei hierover: “Het is hun gewoonte om over de zwaarste onderwerpen te discussiëren, wanneer ze dronken zijn… wanneer ze nuchter zijn en ze het nog steeds een goede beslissing vinden, dan ageren ze erop.” Het tegengestelde was ook waar: “Als ze nuchter over iets gediscussieerd hebben, dan beslissen ze erover wanneer ze dronken zijn.” Later verkreeg wijn een grote invloed op

356 de cultuur door de Perzische dichters, die graag schreven over die fantastische vloeistof, wijn. Iran is een land van dichters en poëzie. Elke Iraniër kent de passages van z’n favoriete gedicht van buiten. Hafez, die Goethe inspireerde, schrijft verschillende keren over wijn. Goethe schreef hierover: “Hafez… om te houden als jou, te drinken als jou, zal mijn trots zijn, zal mijn leven zijn.”

Leden van religieuze minderheden mogen nog steeds wijn produceren en consumeren in private sfeer. Het verhandelen van alcohol is daarentegen strikt verboden. Hoewel het verhandelen van alcohol verboden is, teelt de zwarte markt weeldig. In Iran wordt jaarlijks vermoedelijk 1 liter pure alcohol per bewoner boven de 15 jaar geconsumeerd. Dit lijkt veel, maar is veel lager dan het verbruik van alcohol in België dat op 13,2 liter pure alcohol per bewoner boven de 15 jaar ligt in 2016. Iran is hiermee wel het zesde land in het Midden- Oosten dat het meeste alcohol consumeert.118 Dat alcohol nog steeds redelijk makkelijk, hoewel aan de prijs, te verkrijgen is in Iran, hebben we zelf tijdens de reis kunnen ervaren. Er is ons alcohol aangeboden toen we in Yazd waren.

118 http://apps.who.int/gho/data/node.sdg.3-5-viz?lang=en

357 5. Water

5.1. Qanats

De Perzische keuken is zeer rijk en divers. Ze kent een grote verscheidenheid aan groenten, fruit, kruiden en noten. Perzië was ook befaamd in het Midden-Oosten voor haar wijn. De keuken was rijk en de wijn was goed, doordat er water was. 2000 jaar geleden had Iran al moderne irrigatiesystemen. Dit zijn de Qanats. 119 Qanats zijn een soort van viaducten, maar ze lopen onder de grond ipv boven de grond. Toen we gedurende de reis met de bus door het prachtige Iraans landschap reden, hoorde je regelmatig “Qanat!”. Dit omdat je dan in de woestijn een hoop zag die getuigde van een Qanatkanaal.

Qanats zijn licht aflopende ondergrondse kanalen die water van een hoger gelegen gebied transporteren naar landbouwgebieden, steden en dorpen. Deze kanalen lopen als aders doorheen de woestijn en brengen leven en welvaart met zich mee. Ze maken de onleefbare woestijn leefbaar. Qanats worden al gebruikt sinds de oudheid en zijn al die jaren een zeer effectief systeem geweest om water aan te brengen. In de jaren dat er minder water was en dat het grondwater bijgevolg lager stond, kwam er natuurlijk minder water via de kanalen. Op deze manier kon de mens het grondwater niet uitputten.

Vandaag is daar verandering in gekomen. Door de moderne pompen kan meer water en water van diepere niveaus worden opgepompt. Qanats daarentegen zijn compatibel met de natuur, men kan niet meer water nemen dat er is.

119 bron foto: http://www.cleanriverstrust.co.uk/qanat/

358 5.2. Waterverbruik en waterschaarste

92% Van het water in Iran wordt gebruikt voor de landbouw, met een zeer lage efficiëntie. De overige 9% worden aangewend voor de industrie (2%) en menselijke consumptie (7%). In België bedraagt het watergebruik voor landbouw maar 1%, de industrie gebruikt 88% en het overige wordt gebruikt voor diensten en huishoudens120. Landbouw maakt 15% van het bruto binnenlands product in Iran, in België is dit minder dan 1%.

Om aan deze watervraag te voldoen is het oppervlaktewater niet voldoende, boeren pompen dus grondwater uit de grond. Dit zorgt ervoor dat het peil van het grondwater daalt. Er wordt in Iran 52% meer water opgepompt dan dat het water zich natuurlijk terug kan aanvullen. Iran is op een waterstressniveau en het zal hoogstwaarschijnlijk evolueren naar een schaarsheidniveau. Mensen zullen moeten verhuizen, omdat er geen water meer is. Deze tendens is vandaag al gaande. De waterschaarste leidt tot urbanisering.

5.3. Gevolgen van de waterschaarste

In sommige gebieden is de grond niet poreus, dit heeft tot effect dat het water dat verdwijnt door het oppompen van grondwater zeer moeilijk of niet natuurlijk terugkomt. Dit veroorzaakt verwoestijning, maar ook overstromingen, want het water dat dan wel valt, kan niet weg. Het verdwijnen van het water in de grond heeft ook tot effect dat er grondverzakkingen plaatsvinden, omdat holtes waar voordien water was, leegstaan en bijgevolg instorten. Een mogelijke oplossing is het injecteren van water in de grond, maar zoals ik eerder zei is er bijna geen water meer en is dit dus maar een zeer tijdelijke oplossing. Dorpen en fabrieken zijn op deze manier in gevaar.

Deze waterschaarste heeft nog andere verregaande gevolgen. In het zuidwesten van Iran was het landschap tot tien jaar geleden nog moerassig. In 2013 is het moeras volledig droog. De lokale bevolking die leefde van vissen, artisanale rietkunst, houden van waterbuffels verliezen hun levensvoorziening. Het water dat wel achterblijft is van zo’n slechte kwaliteit dat het niet drinkbaar is. Daarenboven zijn er van de vroege lente tot de herfst sterke windstromen die zand met zich meebrengen, waardoor naar buiten gaan onmogelijk wordt.

120 http://statbel.fgov.be/nl/statistieken/cijfers/leefmilieu/water/beschikbaar_gebruik/

359 5.4. Oplossingen (en kritiek)

Om waterschaarste te voorkomen is actie nodig. Grondwater is bijna gratis en gesubsidieerd door de overheid. De overheid moet ingrijpen, maar kan dit niet alleen; er kan niets veranderen zonder de inzet van de boeren en de bevolking. Volgens M. Rajai-Moghadam ligt de verantwoordelijkheid bij de bevolking en de boeren. Dit werd nogal ironisch toen we enkele dagen later werden uitgenodigd in een gigantisch gebouw op een berg die, zo leek het wel, volledig in privébezit was van de overheid. Deze berg was helemaal groen, er groeide namelijk gras en er was een weelde aan planten en bomen. De besproeiers van de overheid die dag en nacht functioneren zijn geen goed voorbeeld voor de bevolking en de boeren die maar water blijven verspillen, dunkt me.

Om de bevolking en de boeren mee te krijgen, moeten ze bewust worden gemaakt van de problematiek en op die manier geresponsabiliseerd worden. Onderwijs is dus een deel van de oplossing.

Veranderen van economisch model is daarenboven essentieel. Iran zou geen landbouwproducten moeten uitvoeren, maar ze moeten invoeren van landen die water op overschot hebben. Het Iraanse economische model zou voor het leeuwendeel gebaseerd moeten zijn op industrieën, diensten, toerisme.

360 6. Dieet van de huidige Iraanse bevolking: groeiende problematiek

Iran kent een hoog percentage mensen die aan overgewicht of obesitas lijden. Het percentage, dat het dubbele is van het mondiale gemiddelde, is zo hoog dat het als een nationale bedreiging voor de publieke gezondheid moet beschouwd worden. De oorzaak van deze epidemie zou de urbanisering zijn. Iraniërs trekken steeds meer weg van het platteland naar de steden op zoek naar werk en op de vlucht van de effecten van de klimaatverandering, die waterschaarste veroorzaken (zie supra). In de steden is de levensstijl meer sedentair en eten mensen meer uit, deze ongezonde levensstijl veroorzaakt overgewicht.

Deze ongezonde levensstijl heeft tot gevolg dat Iran meer en meer slachtoffer wordt van wat men welvaartsziektes noemt. Welvaartsziektes treffen ironisch genoeg niet de mensen die het meest welvarend zijn, maar de laagste lagen van de samenleving in een welvarende staat. Deze mensen eten kwantitatief en niet kwalitatief. Ze hebben de kennis, de tijd, de energie en de middelen niet om op een gezonde manier te eten. Iran is een land dat grote ongelijkheden kent en hierdoor slachtoffer is van een obesitas- en diabetes type 2 epidemie.

We hebben tijdens de reis zelf ondervonden dat deze ziekten enkel de lagere lagen van de samenleving raken, want we hebben nagenoeg geen obese mensen gezien. We werden goed afgeschermd van minder mooie delen van Iran door onze reisbegeleiders. We hebben enkel de mooie buurten van Teheran gezien en wanneer we buiten kwamen werden we constant gevolgd en geleid.

361 7. Conclusie

De keuken is zoals ik aantoonde pertinent voor de hele maatschappij en wordt beïnvloed door de hele maatschappij. In de gastronomie wordt de geschiedenis van een rijk weerspiegeld. De vreemde overheersers laten hun sporen na en nemen vruchten mee. De gastronomie wordt beïnvloed door het regime, door de heersende klasse. Perzië was duizenden jaren lang een wijnland. Wijn maakte een belangrijk deel uit van de cultuur, maar is vandaag strikt verboden door de islamitische regering die strikt de Koran volgt. De rijkdom en diversiteit van de keuken is ook te danken aan innovatieve irrigatiesystemen van duizenden jaren geleden. Vandaag is er gevaar voor een tekort aan water door de klimaatverandering en de groeiende bevolking. Deze klimaateffecten hebben urbanisering tot gevolg. Deze urbanisering brengt mensen ver van huis en van tradities en verandert het dieet. Het hoge aantal slachtoffers van welvaartsziekten in Iran is te wijten aan deze urbanisering.

362 8. Bibliographie / Bibliografie

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364 365 366 Het Perzisch: enkele inzichten voor Nederlandstaligen

Gaël Lambert

367 368 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 369

1. INTRODUCTION / INLEIDING ...... 370

2. SITUERING...... 372

2.1. STAMBOOM...... 372

2.2. AFBAKENING ...... 372

3. DREMPELONDERZOEK ...... 375

3.1. FONOLOGIE...... 375

3.2. MORFOLOGIE...... 377 3.2.1. Van agglutinatie tot melodie ...... 377 3.2.2. Declinatie en evenwaardigheid...... 378 3.2.3. Verbuigen en vervoegen...... 379 3.2.4. Wijzen en aspecten - ‘naghli’ en ‘pishin’...... 380

3.3. SYNTAX ...... 383 3.3.1. Woordvolgorde...... 383 3.3.2. Ezāfe...... 383

4. CONCLUSIE ...... 386

5. BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAFIE ...... 387

369 1. Introduction / Inleiding

In deze paper willen we een idee schetsen van het Perzisch voor Nederlandstaligen Dit doen we door de voornaamste valkuilen (divergenties tussen het Perzisch en het Nederlands door te nemen en uit te leggen. Om op deze vragen (Welke,) overlopen we verschillende takken van de taalkunde die we zullen illustreren met voorbeelden en enige reflectie. We hopen hiermee niet alleen inzicht, maar ook een zekere gemakkelijkheid mee te geven aan de lezer die in de toekomst met Perzisch geconfronteerd zal worden.

We beginnen een idee te schetsen van de situering en de evolutie van het Perzisch en van de Indo-Iraanse talen vanaf het Indo-Europees tot vandaag. Op die manier kunnen we gemakkelijk overschakelen naar de afbakening en differentiatie van de termen ‘Perzisch’ en ‘Farsi’. Hierna reflecteren we kort over de invloed van geografie en volksverspreiding op de taalvariatie in Iran.

Hierna zullen we de taal vanuit een fonologisch standpunt bekijken: welke klanken zijn nieuw en zullen we moeten aanleren? Aan de hand van een aantal voorbeelden uit eigen regio’s proberen we deze te schetsen.

Na fonologie stappen we over naar Perzische morfologie, meer bepaald naar het agglutinatief karakter van het Perzisch. De taal staat bekend om haar poëzie. We zullen beter begrijpen waarom door even stil te staan bij de gevolgen van een uitgesproken agglutinatie. Verder in de morfologie hebben we het over de link tussen declinatie en het wereldbeeld dat de taal door haar woorden uitdrukt. We leggen de link tussen dat wereldbeeld en de eventuele gevolgen van de Islamitische Revolutie op de lokale taal. Het tweede morfologische luik bestaat uit het kort overlopen van enkele artikels en de beschouwing ervan in de Iraanse context. De wijd verspreide Perzische taal heeft een verleden met een behoorlijk aantal naamvallen achter zich en ook dat is iets waarmee men als leerder en/of niet-native rekening mee moet houden. In het derde deel over morfologie zullen we een idee schetsen van wat we ons moeten inbeelden bij de extra wijzen en aspecten waar het Perzisch gebruik van maakt. Omdat het termen en concepten zijn waar we niet direct mee geconfronteerd worden in de Nederlandse grammatica, is het interessant om ze door te nemen vooraleer we aan de studie van de Perzische vervoeging beginnen. We zullen ons meer bepaald verdiepen in ‘naghli’ of het ‘narrative’ aspect, in ‘pishin’of het ‘precedent’ aspect en in de aanvoegende

370 wijze.

Tot slot buigen we ons over de Perzische syntax. Door enkele grote lijnen vast te leggen, willen we de lezer zo veel mogelijk autonomie te geven om later zelf betekenis af te leiden uit context. Enkele basisprincipes zullen het begrip meteen vergemakkelijken en ons inzicht verscherpen inzake woordvolgorde en syntactische functies. We bekijken van nabij de ezāfe als illustratie van een aantal eerder besproken principes.

371 2. Situering

2.1. Stamboom

Het Perzisch heeft wereldwijd 120 miljoen sprekers, waarvan 75 miljoen moedertaalsprekers. Het is een officiële taal in Iran, in Afghanistan en in Tadjzikistan. Het behoort tot de Indo- Europese familie en is één van de oudste talen die op zo’n grote schaal nog worden gesproken in de wereld. Toen het Indo-Europees zich vijfduizend jaar geleden opsplitste, vormde zich onder andere het IndoIraans. Het Indo-Iraans heeft afstammelingen van in het westen in Turkije tot in het oosten in de Chinese regio van Xinjiang. Daarnaast worden Indo-Iraanse talen ook gesproken in Rusland, Georgië, Syrië, Irak, Pakistan, Afghanistan, Oezbekistan, Tajikistan en Kirgistan. (Indo-, 2017)

Na het proto-Iraans schakelt de taal over naar het klassieke driestappenschema dat we ook voor het Nederlands gebruiken: men spreekt over Oudperzisch, Middelperzisch en Perzisch. Merkwaardig is dat deze samenvallen met de grote periodes van het Perzisch Rijk: het Oudperzisch komt ongeveer overeen met het tijdperk van de Achaemeniden, het Middelperzisch begint na het begin van en eindigt wat later dan het einde van het Sassanidentijdperk. Het is uit het Middelperzisch dat zowel het moderne Perzisch als het Koerdisch zijn ontstaan. (Lazard, 1975).

2.2. Afbakening

De termen ‘Perzisch’, ‘Farsi’ en ‘Dari’ worden vaak door elkaar gehaald; doch er valt hier een belangrijk onderscheid te maken, even pertinent als het verschil tussen West-Vlaams en algemeen Noord- Nederlands. Farsi, of de Arabische verbastering ervan, Parsi, in het endoniem voor het Perzisch uit Iran, dat wil zeggen dat dat is hoe lokale moedertaalsprekers hun

372 eigen taal noemen. Zoals Chinezen hun eigen taal ‘Hanyu’ noemen en wij ‘het Chinees’, spreken Iraniërs over Farsi en wij over Perzisch. Het woord werd meegenomen door migranten in onze contreien in de jaren tachtig en werd al snel geaccepteerd als equivalent. Omdat Iraniërs voor het grootste deel zich nog altijd liever identificeren met het Perzisch Rijk, heeft deze ‘nieuwe’ benaming door Westerse landen even voor ophef gezorgd, waarna de Academie voor Perzische Taal en Literatuur (Harhangestan) in Teheran een uitspraak over de kwestie heeft gedaan. In deze uitspraak verwerpt ze het gebruik van de term ‘Farsi’ in Westerse landen. De eerste alinea van deze klinkt onder andere als volgt:

‘‘Perzisch is eeuwenlang in allerlei soorten publicaties, zowel in culturele, wetenschappelijke als diplomatieke documenten gebruikt, daardoor heeft het een zeer belangrijke historische en culturele connotatie. Het veranderen van Perzisch in Farsi zou deze belangrijke geschiedenis tenietdoen. Het veranderen van Perzisch in Farsi zou de indruk kunnen wekken dat het om een nieuwe taal gaat, en dat zou heel goed de bedoeling kunnen zijn van sommige mensen die Farsi gebruiken.”

Verder merkt men dat ‘Persian’ algemeen heerst als benaming van zowel radiozender als associaties die rond de taal draaien. Zo hebben we het over de Persian Service, de American Associations of teachers of Persian en het Center for Promotion of and Literature.

‘Dari’ wordt gebruikt om het Perzisch aan te duiden dat in Tajikistan en Afghanistan gesproken wordt. Het gebruik van de term kunnen we vergelijken met dat van ‘het Farsi’. Hoewel sprekers volgens sommige bronnen zich probleemloos onder elkaar verstaan, valt deze discussie vanzelfsprekend onder de vraag in hoeverre men mag variëren van een standaardtaal (en dus – uitspraak en –woordkeuze) vooraleer men gerekend wordt als aparte variant of autonoom dialect. Hier valt bovendien een andere bemerking aan toe te voegen. (PDN, 2017)

Het spreekt voor zich dat Iran, waar Frankrijk twee en een halve en België bijna vierenvijftig keer in past, letterlijk meer ruimte heeft voor lokale varianten. Vergeleken met Vlaanderen heeft Iran vanuit een dialectologisch standpunt veel meer kans op sterk ontwikkelde lokale varianten: de bevolking is zeer verspreid, vaak zelfs geïsoleerd, en leeft in omgevingen die sterk van elkaar verschillen - denk maar aan eskimo’s die een indrukwekkend aantal woorden hebben om verschillende soorten sneeuw te beschrijven. Elke omgeving genereert haar eigen

373 nuancebehoeftes. Er bestaat tevens nog een significant aandeel van wat men in de dialectologie NORM’s noemt: non-mobile, older, rural male individuals. Het zijn NORM’s die de meest ‘zuivere’ vorm van dialecten spreken.

Tijdens onze reis hebben we wel vaker gehoord dat de jongste generatie veel van het platteland verhuisde om in steden te gaan wonen en te werken. Dit zal op kortere termijn een kleinschalige taalverschillen doen vervagen. Jongeren verhuizen op een leeftijd waar ze ten eerste meer ‘standaard’ worden aangesproken door hun ouders, familie of voogden – een natuurlijk sociologische reflex bij mensen die kinderen hebben, zelfs meer gemarkeerd bij vrouwen. Ten tweede betekent het vroegtijdig verlaten van het dorp ook dat ze vertrekken vòòr ze in grotere mate in contact komen met NORM’s en/of NORM-achtige profielen, waardoor ze niet actief en genoeg zullen kunnen verder bouwen op hun dialectenkennis. Ook al komen deze jongeren in een later stadium terug samen, zullen ze de verdiepte kennis van hun voorouders niet meer verkrijgen. Zo is Vlaanderen al een halve eeuw een prachtig levend voorbeeld van regionalisatie van dialecten: men heeft nog accenten, maar moedertaalsprekers van hoog dialectologische taalvarianten zijn zeldzaam, vaak oud of tweetalig. Ze zullen eerder een normatievere taalvariant doorgeven aan hun kinderen. (Knops, 2013)

374 3. Drempelonderzoek

3.1. Fonologie

Het Perzisch telt zes klinkers, drieëntwintig medeklinkers en klemtoonwijzigingen met een contrastief effect. Medeklinkerclusters bestaan er enkel op het einde van woorden. Dat verklaart de moeilijkheid die sommige Perzischtaligen ervaren om niet-(C)V(C)(C)- structuren121 uit te spreken.

Vaak spraken Iraniërs over ‘e-ssetjoedents’ in plaats van over students, wat ons doet denken aan het Spaans accent waar moedertaalsprekers door gelijkaardige fonologische regels in het Engels spreken over ‘especial’, ‘espanish’,’escholar’, ‘espaghetti’, ‘espeech’ en ‘esseport’. Medeklinkerclusters zullen dus enkel op het einde van woorden een potentiële moeilijkheid vormen, maar daar het Nederlands als Germaanse taal al vrij gevorderd is op dat niveau, zou het Perzisch op dat vlak voor ons mooi moeten meevallen.

We werken dus met half zo veel klinkers in het Perzisch vergeleken met het Nederlands. Op het eerste gezicht lijken ze op sommige die we al beheersen, maar wie ze wat aandachtiger bestudeert, stelt nuances vast waar men de vinger op moet leggen vooraleer we als echte natives willen klinken: - de eerste is [æ], dat vergeleken kan worden met de Belgisch Brabantse, niet-tweeklankige uitspraak van . Het is de ongeronde bijna-open voorklinker, dat wil zeggen dat de lippen zich niet in geronde positie bevinden, de tong iets meer gespannen is dan bij een open klinker en het hoogste punt van de tong zich zo ver mogelijk vooraan in de mond bevindt zonder de tanden noch het gehemelte aan te raken. In de klinkerdriehoek bevindt de openingsgraad van de mond zich tussen die van de [a] van ‘maan’ en die van de [ɛ] van ‘trompet’.

Bron: Wikipedia

121 Fonologische structuur: V staat hier voor ‘vowel’ en C voor ‘consonant’; de elementen tussen haakjes zijn optioneel.

375 - de tweede klinker is de [ɒ:]. Om het simpel te houden, kunnen we het vergelijken met de Zweedse letter <å>, of met de ’oa-klank’ van in de originele versie van ‘Skwon Meiske’ wanneer Niels Bestadsbader zingt ‘Moar zes moar zestien joar’. Het is een open geronde achterklinker. - de derde klinker is de [e̞]. We kunnen stellen dat het sterk lijkt op onze [e], die we onder andere in de geschreven taal terugvinden in het dubbele grafeem of met het enkele <é>. Toch wijkt het er licht van af: het hier toegevoegde diakritisch teken ˕ duidt op een lowering, een verlaging van de klinker, wat wil zeggen dat de mondopening iets groter is dan bij een gewone [e]. In de praktijk kunnen we het beschrijven als een plat Brabants uitgesproken [e] dat naar een trekt, zoals in het vaak voorkomende spreektaalwoord ‘neje’ (‘nee’). - de vierde klinker is de [i:], de ongeronde gesloten klinker dat ons bekend is uit het Frans. In het Nederlands vinden we hem terug in de grafemencombinatie . De dubbelpunt als aanvulling op de klank duidt hier op een verlenging van de uitspraak. - de vijfde klinker [o] is de ‘lange’ o die we in het Nederlands ook kennen en neerschreven door middel van de verdubbeling . - de laatste klinker is de [u], die we meestal met transcriberen in het Nederlands.

Het spreekt voor zich dat lokale taalvarianten de voorafgaande klanken een eigen sausje geven. Zo worden de klinkers [e] en [o] in het Afghaans Dari systematisch verlengd en heeft het Farsi in sommige gevallen de [w]-klank vervangen door een [v]. Deze fonologische verschillen gaan diep. Ook bij hoofdtelwoorden zijn ze aanwezig: sprekers van Farsi zullen ‘pinj’ zeggen voor ‘vijf’, terwijl men het in Afghanistan over ‘panj’ heeft.

Medeklinkers stellen op een paar na geen grote uitdaging voor. Degenen waar we ons toch even op zullen focussen zijn de volgende: - de glottisslag [ʔ] telt als volwaardige medeklinker. In het algemeen Nederlands komt hij weinig voor; hij houdt in dat de stembanden even volledig toeklappen. Op zich produceert hij dus weinig hoorbaars. We gebruiken het om twee gelijke klinkers van elkaar te splitsen, zoals in ‘lila-achtig’. - [g] en [G] tellen als twee verschillende klanken. Op het eerste gezicht zou men ze allebei over dezelfde kam scheren, denkend aan de eerste klank van ‘Game Boy’. Het verschil ligt in de ligging van de top van de tong: [g] is een velaire klank zoals de Franse [g] of de [X], [h] en [k] die wij kennen. [G] daarentegen is een uvulaire klank: ze wordt gevormd met de achtertong en de huig.

376 Nederlanders vormen op die manier hun typerende , Arabieren en Spanjaarden hun [X] zoals in ‘hijo de la luna’. Het resultaat is een hardere klank dat in onze oren bijna op de leunt. - verschillende geraadpleegde bronnen hebben het over een verschillende r-klanken: de r- klank [ʁ] kunnen we gelijkstellen met de Franse niet-rollende huig-r, i.e. de stemhebbende uvulaire fricatief. De tweede optie, de alveolaire tap [ɾ], kunnen we beschrijven als een rollende r-klank dat wordt uitgesproken met het tipje van de tong op het hard gehemelte net achter de tanden.

Zoals eerder beschreven is de syllabische modelstructuur van het Perzisch de volgende: (C)V(C)(C).122 Het is te vermelden dat de nucleus hier mogelijks omringd kan worden door twee halfklinkers, waardoor het vollediger zou zijn ze als volgt te noteren: (C)(S)V(S)(C)(C). (Association, 1999) (Windfuhr, 1987) (Vrzić, 2007) (Jahani, 2005)

3.2. Morfologie

3.2.1. Van agglutinatie tot melodie

Het Perzisch is een agglutinatieve taal. Het concept ‘agglutinatief’ wordt in de taalkunde aan de andere kant van het spectrum tegenover ‘synthetisch’ geplaatst. Talen zijn dus relatief veel of weinig agglutinatief en hoe meer de taal die we proberen aanleren verwijderd is van onze moedertaal in dat spectrum, hoe groter de stap kan zijn om ze aan te leren.

Agglutinatie staat in de morfologie voor het werken met affixen. Hier bekijken we het in een bredere context. In de zin ‘Wij vertrekken morgen naar Iran’ drukken we in vijf woorden heel wat informatie uit: (mogen volgende zinsdelen in lijstvorm gezet worden?) het gaat hier om een eerste persoon meervoud die eveneens het onderwerp van de zin is, het concept ‘vertrekken’ wordt verborgen in de tegenwoordige tijd in die persoon, de tijdsaanduiding ‘morgen’ duidt toekomende tijd toe, wat de lezer in staat stelt om te verstaan dat de persoonsvorm misschien grammaticaal in de tegenwoordige tijd staat, maar semantisch gezien een toekomstvorm inhoudt, het voorzetsel ‘naar’ duidt een beweging aan die vertrekt vanuit

122 Syllabische structuren noteren we als volgt: de mogelijke elementen staan tussen haakjes. C staat voor consonant of medeklinker, S voor semivowel of halfklinker en V voor vowel ofwel klinker.

377 een ander punt dan ‘Iran’, ‘Iran’ is een plaatsaanduiding die hier toch door middel van een voorzetselvoorwerp samen met ‘naar’ als een bepaling van richting mag gerekend worden, etc. Verschillende informatieonderdelen van verschillende expliciteringsniveaus worden samengebracht en verdeeld volgens regels die elke taal eigen zijn. Zo hebben we in het Nederlands een hulpwerkwoord nodig om een toekomstige tijd uit te drukken en wordt dat in het Frans verwerkt in het werkwoord zelf: het Frans is op dat vlak meer agglutinatief dan het Nederlands.

Van de Perzische taal mogen we verwachten dat er meer in één woord gezegd zal worden dan wat wij gewend zijn: de taal werkt met naamvallen. Deze vervangen voorzetsels en maken een aantal woordvolgorderegels die in onze taal een betekenisverschil uitmaken123 obsoleet. Bijgevolg zal de woordvolgorde vrijer zijn dan wat wij gewend zijn, wat op langere termijn de leerder wel de mogelijkheid zal geven om vrijer te kunnen inspelen op de esthetische kant van klankencombinaties bij het schrijven van proza of poëzie.

3.2.2. Declinatie en evenwaardigheid

Het is interessant om te noteren dat het Perzisch geen grammaticale genders gebruikt. Als we even het Perzisch als taal van een samenleving beschouwen, geeft dit een belangrijke indicatie om deze te verstaan. Omdat woorden enkel ontstaan als antwoord op de nood om een specifiek concept uit te drukken, is het interessant om bijvoorbeeld een woordenschatlijst onder de loep te nemen en te kijken welke onderscheidingen wel of niet als pertinent geacht worden door de bestudeerde groep sprekers.

We houden hierbij best in ons achterhoofd dat verschillende taalniveaus een verschillend niveau van flexibiliteit ondervinden doorheen de tijd. Zo zijn de fundamentele grammatica- elementen het minst veranderlijk doorheen de eeuwen, en als er dan toch iets verandert, zal het gaan om minder voorkomende vormen – denk maar aan zeldzame conjunctiefvormen of verdwijnende participia. In Europa merken we bijvoorbeeld op dat hoe Romaanser de taalsprekers van karakter zijn, hoe meer ze de nood aan de distinctie mannelijk-vrouwelijk voelen, terwijl Finnen daarentegen maar één persoonlijk voornaamwoord hebben voor man, vrouw én object, en deze verschillen doorheen de eeuwen steeds voelbaar zijn gebleven in de

123 Denk maar aan het verschil tussen ‘twee keer een appel eten’ en ‘een appel twee keer eten’.

378 samenleving.

Dat Perzen, zoals Finnen, nooit de behoefte hebben gehad om die distinctie uit te drukken in woorden, leert ons heel wat over de verhouding tussen mannen en vrouwen in hun samenleving. Zo leerden we tijdens onze studiereis dat Persepolis niet door slaven werd gebouwd maar door vrije burgers, en dat vrouwen er betaald zwangerschapsverlof kregen en zelfs dubbel werden betaald indien ze borstvoeding gaven. Een voorbeeld van sociale maturiteit en aanzien waar we op ons continent nog van kunnen leren.

Dit contrasteert met het beeld dat velen momenteel van Iran hebben, vooral sinds de Islamitische Revolutie. Toch was er bij aanvoelen ter plaatse weinig aan veranderd, buiten in kaders waar het religieus aspect meer aanwezig was. Het zou boeiend zijn om binnen enkele tientallen jaren de evolutie van het Perzisch onder de verschillende (patriarchale) religieuze invloeden te bestuderen: zullen woorden uiteindelijk een mannelijke of een vrouwelijke variant krijgen en indien wel, welke connotatie zullen deze hebben? Zal het opgelegd afzonderlijk bidden in de moskee evolueren naar verschillende begrippen in die terminologie of zal de onderscheiding van ergens anders komen? Of zullen Perzen integendeel dat diep verankerd deel van hun wereldbeeld standvastig behouden? (Knops, 2013) (Shahzrad, 1997)

3.2.3. Verbuigen en vervoegen

In de geschreven taal laat men het bepaald lidwoord in het enkelvoud vallen voor een woord om het onbepaald te maken. In gesproken taal doet men wel de moeite om bepaalde substantiva te markeren met de beklemtoonde suffix <–e>. Meervoudsvormen zijn herkenbaar dankzij het partikel dat geldt als meervoudsmarkeerder en bepaald lidwoord, dat is de basisregel. In de praktijk voegen zich hier nog heel wat extra regels aan toe uit fonologisch- esthetisch gemak, met nog eens een verzameling affixen 124 extra bij te leren voor zowel gesproken als geschreven taal. Ook leenwoorden krijgen soms een aparte uitgang. Opnieuw komt het klankgevoelig karakter van het Perzisch naar boven: beide originele en Perzische uitgangen worden gebruikt voor bijvoorbeeld leenwoorden uit het Arabisch.

Het onbepaald partikel is zoals in het Nederlands en in veel andere talen het equivalent van

124 Met affixen bedoelen we zowel voor- en tussenwerpsels als achtervoegsels.

379 het hoofdtelwoord één, ‘yek’, wat vaak resulteert is het afgekorte ‘ye’.

In verband met naamvallen kan men zich afvragen of constituenten met de semantische inhoud van een naamval ook als die naamvallen gerekend mogen worden. Is er in de zin ‘Loesje staat op de ladder te zingen’ een ablatief aanwezig of niet? Indien het antwoord op deze vraag ja is en we dus ook niet gemarkeerde naamvallen als dusdanig meetellen, kan men zeven naamvallen tellen die vanuit het Middenperzisch naar het hedendaagse Farsi zijn doorgegeven, meestal in de vorm van prepositionele constructies. Verschillende varianten van het Perzisch hebben verscheidene manieren om met deze om te gaan; we kunnen gemakkelijk verwachten van regionale varianten dat ze verkiezen om hun preposities te vervangen door affixen. In officiële Perzische grammatica’s heeft men het over maar. Twee gemarkeerde naamvallen: nominatief en accusatief. Verder werken ze ook met ablatief, datief, genitief, instrumentaal en locatief. Kortom werken we dus met twee ‘officiële’ naamvallen en een naamval-redenerende grammatica met een waanzinnige collectie voorzetsels. (Jahanshiri, 2017)

3.2.4. Wijzen en aspecten - ‘naghli’ en ‘pishin’

Om alle nuances van realia, potentialia en irrealia uit te drukken, schakelen talen om van wijzen en tempora.

Tempora drukken tijdsrelaties uit en geven antwoord op de vraag ‘Hoe worden de beschreven elementen in de tijd gepercipieerd door de verteller?’. In het Engels en in het Frans heeft men het over het imperfectum dat een langdurige actie of beschrijving in de verleden tijd beschrijft en daarmee zowel informatie geeft over de hiërarchie van informatie in de context – het imperfectum typerend zijnde voor achtergrondinformatie dat eventueel ondergeschikt is aan tijden zoals de passé simple, past simple of passé composé – als de duur van de actie (samenlopend, langdurig). Het Perzisch telt er vier.

In het Perzisch zullen we niet spreken over de tegenstelling tussen voltooide en onvoltooide of perfectieve en imperfectieve aspecten of tijden. Men heeft het over ‘naghli’, een narrative aspect waar we zonder al te veel moeite equivalenten van zouden kunnen vinden in het Nederlands. Dit aspect beschrijft een toestand die resulteert uit een voorgaande actie en die daarom volgens de Perzische logica enkel in de verleden tijd wordt gebruikt. Zo beschrijft

380 onze bron een past narrative dat zou overeenkomen met het present perfect in het Engels, dus het perfectum of de voltooid tegenwoordige tijd in het Nederlands. De past precedent narrative wordt op dezelfde manier gelijkgesteld met het plusquamperfectum.

Één van de meest zichtbare verschillen tussen narrative en perfecte aspecten ligt aan de constructie van de tijd: in het Nederlands bestaat de VTT125 uit een vervoegd hulpwerkwoord en een voltooid deelwoord, in het Perzisch vertrekt men vanuit het voltooid deelwoord waar men dan een verleden-tijdpersoonsuitgang aan plakt. De VVT126 of plusquamperfectum daarentegen zal in het Perzisch wel een hulpwerkwoord krijgen in het narrative aspect, voorafgegaan door het voltooid deelwoord. Hieronder een schema om een beter idee te schetsen:

Indicative past narrative van raftan (‘gaan’): Indicative past precedent narrative van raftan voltooid deelwoord + uitgang verleden tijd (‘gaan’): voltooid deelwoord van

hoofdwerkwoord + hulpwerkwoord budan (‘zijn’)

Rafte-am Ik ben gegaan Rafte bude-am Ik was gegaan Rafte-i Jij bent gegaan Rafte bude-i Jij was gegaan Rafte Hij/zij/het is gegaan Rafte bude Hij/zij/het was gegaan

Het spreekt voor zich dat door de approximatieve gelijkaardigheid van de respectievelijke aspecten, deze vertalingen te bediscussiëren vallen volgens interpretatie en context.

Het volgende aspect waar we ons over gaan buigen is het ‘pishin’ of precedent aspect. Dit valt eenvoudig uit te leggen als we denken aan de relatie tussen de volgorde van evenementen en de gebruikte tijden in context. In de zin ‘Marie had zich al aangekleed toen ik binnenkwam’ drukt men uit dat de actie van zich aan te kleden voor het binnenkomen heeft plaatsgevonden en komen we daarmee uit op de combinatie plusquamperfectumimperfectum.

125 VTT: voltooid tegenwoordigde tijd 126 VVT: voltooid verleden tijd

381 Deze verhouding noemen we in de taalkunde anterioriteit. Deze volgorde kan behouden worden in de tegenwoordige en in de toekomstige tijd: ‘Marie zal al aangekleed zijn als ik binnenkom’ en ‘Marie zal zich al aangekleed hebben als ik zal binnenkomen’. In het Perzisch zal de actie die voorafgaat met een precedent aspect worden uitgedrukt. Het drukt dus altijd anterioriteit uit.

De twee overblijvende aspecten zijn er die wij kennen van op school: het progressive en het imperfecte. Het progressive of continuous zoals we het terugvinden in het Engels is een recente toevoeging aan het Perzisch en komt momenteel nog enkel in gesproken taal voor. Ook is zijn gebruik nog onvolledig vergeleken met de continuous omdat hij bijvoorbeeld (nog) geen negatieve vormen toelaat. Deze worden dan uitgedrukt met een imperfect aspect. (Jahanshiri, 2017)

De wijze drukt de relatie uit tussen wat er uitgedrukt wordt en de realiteit. De meest voorkomende in het Nederlands zijn de indicatief en imperatief. Zo staat de indicatief universeel voor door de spreker bevestigde informatie (realis) en de imperatief voor de gebiedende wijs die via advies, bevel, verzoek of wens de realiteit tot een bepaalde toestand wenst te leiden. In het Perzisch mogen we, net als in het Frans en in het Duits, rekenen op een aanvoegende of conjunctieve wijze127. Zoals we gewend zijn, heeft deze een waslijst van gebruiken en uitzonderingen die uiteindelijk neerkomen op potentialia- en irrealiauitdrukkingen: het drukt onder andere voorwaarden uit, hypotheses, mogelijkheden, potentialia, onzekerheden, voorspellingen, verplichtingen, wensen. De aanvoegende wijze wordt dus gebruikt voor alle informatie dat door de spreker onwerkelijk of onmogelijk wordt beschouwd. (Jahanshiri, 2017)

127 In het Duits Konjunktiv of Möglichkeitsform, in het Frans subjonctif.

382 3.3. Syntax

3.3.1. Woordvolgorde

Het Perzisch hanteert een standaard SOV-structuur128, dat wil zeggen dat het vervoegde werkwoord dat overeenkomt met het syntactisch onderwerp zich op het einde van de zin bevindt. Omdat de taal aan pro-dropping doet, dus aan nulonderwerpzinnen, is het des te belangrijker om de vervoeging goed onder de knie te hebben: de grammaticale persoon van het onderwerp valt dan exclusief af te leiden uit de persoonsvorm. Denk maar aan het beroemde No pasarán. Het Perzisch is een van de weinige SOV-talen die gebruik maakt van voorzetsels. Het telt één naamvalmarkerende partikel, ‘rā’, waarmee een bepaalde lijdendvoorwerpzin wordt ingeleid. In de gesproken taal wordt ‘rā’ als ‘ro’ of ‘o’ uitgesproken. Hieronder volgt een voorbeeld:

ﮒ ﺭﻑ ﺕ ﮎ ﺗﺎﺏ ﺧﺎﻥ ﻩ ﺍﺯ ﺭﺍ ﺁﺏ ﯼ ﮎ ﺗﺎﺏ ketāb-e ābi-rā az ketābxāne gereft she got the blue book from the library

In het geval van een gespecifieerd lijdend voorwerp, wordt de standaardvolgorde van een zin (S) (O + rā) (PP)129V. Attributen volgen gebruikelijk de substantiva waar ze toe behoren met gebruik van de ezāfe, een partikel die we later zullen bespreken. Vergeleken met het Nederlands zijn bijzinnen gemakkelijker te situeren: ze komen altijd pas na de hoofdzin. Interessant om op te merken is dat het voegwoord ‘dat’ in het Perzisch ‘ke’ mag wezen, een klankencombinatie die ons doet denken aan equivalent bij onze tevens Indo- Europese zuiderburen. Waar wij inversie gebruiken om vraagzinnen te markeren, gebruikt het Perzisch een partikel in het begin van de zin om een ja-nee-vraag aan te duiden. (Huang, 1984)

3.3.2. Ezāfe

Ezāfe is interessant om te bespreken in de context van onze analyse omdat ze een mooi voorbeeld is van de moeilijke grens tussen gemarkeerde en niet gemarkeerde naamvallen en nogmaals van de fonologische esthetiek van het Perzisch. Ook in de taalkundig-comparatieve

128 SOV: ‘subject – object – verbum’, waarbij ‘verbum’ voor persoonsvorm staat. 129 (PP) : prepositie

383 geest van deze paper is ezāfe een interessant concept om aan te kaarten, omdat ze ons West- Germaans woordsamenvoegingsbuikgevoel tegenwerkt en een nieuwe graad impliciteit eist die we niet gewend zijn. Men vindt ze terug in sommige Iraanse talen en in Urdu. Het is

ﺇ ) vergelijkbaar, maar niet volledig overeenkomend, met de Arabische idaafa-constructie

.(ﺿﺎﻑ ﺓ

Het gaat om een partikel dat in de praktijk in een zeer brede vorm een genitiefvorm vervangt. Men kan het vergelijken met het verschil tussen ‘sac à main’ en ‘handtas’: in beide gevallen gaat het om een relatie tussen het concept ‘tas’ en het concept ‘hand’, met een predominantie van ‘tas’ op ‘hand’. Het Perzisch zal hier een eerder Engelse logica toepassen en samenstellingen vormen met een equivalent van het Engelse ‘of’, zoals in ‘sheet of paper’, ‘house of cards’, etc. Daar waar wij de minder belangrijke component op het einde van de samenstelling zullen plakken, schudt het Perzisch de woorden in een andere volgorde, op zulke manier dat we letterlijk zouden kunnen spreken over ’tas voor handen’, ‘doek voor handen’, ‘schoen voor handen’ in plaats van ‘handtas’, ‘handdoek’ en ‘handschoen’. Op semantisch vlak kan het verschillende relaties betekenen: bezit, aanspreektitels (zoals ‘meneer’ en ‘mevrouw’) en de link tussen een zelfstandig en een bijvoeglijk voornaamwoord.

Enkele voorbeelden zijn:

ﺗﺎﺏ ﻣﻦ ﮎ

ke'tab-e mæn

letterlijk ‘boek-van mij’: mijn boek

ﺯﯼ ﺑﺎ ﺩﺥ ﺭﺕ

dox'tær-e zī'bā

letterlijk: ‘meisje-van mooi’: mooi meisje

384 Deze constructie laat toe complexere structuren te maken waar wij even bij slikken alvorens ze systematisch te kunnen verwerken, daar de semantische hiërarchie meerdere niveaus telt dan wat wij gewend zijn:

ﺩﻭ ﺱ ﺗﻢ ﺯﯼ ﺑﺎﯼ ﺩﺥ ﺭﺕ

dox'tær-e zī'bā-ye dust-æm

letterlijk: ‘meisje-van mooi-van vriend-mij’: de bevallige dochter van mijn vriend

ﺯﯼ ﺑﺎﯼ ﻡ ﺩﻭ ﺳﺖ ﺩﺥ ﺭﺕ

dox'tær-e dūst-e zī'bā-yæm

letterlijk ‘meisje-van vriend-van mooi-mij’: de dochter van mijn bevallige vriend

In het Perzisch neemt ezāfe de vorm aan van een tussenwerpsel <-e->, <-i->, < -ye- >of <-yi> volgens de fonologische omgeving. Het verbindt letterlijk twee woorden met elkaar. Let wel, omdat het Perzisch schriftsysteem, net als het Arabische, een abjad (woordverklaring nodig?) is, bestaat het alfabet enkel uit medeklinkers en wordt het aan de lezer overgelaten om de klinkers naar eigen kennis of zin aan te vullen. Hierdoor moeten Nederlandstalige leerders extra opletten voor dit soort constructies. In andere variaties, zoals in het Tajiki, dat geschreven wordt met het cyrillisch alfabet, wordt ezāfe wel expliciet meegegeven. (Abrahams, 2005) (Moshiri, 1988)

385 4. Conclusie

Hoewel het Nederlands en het Perzisch in een ver verleden dezelfde taal waren, zullen we om het te leren op enkele vlakken in eerste instantie een beduidende denkoefening moeten uitvoeren. Fonologisch gezien zouden we Farsi met wat haar op gemakkelijk kunnen uitspreken, maar het zal een paar oefensessies duren om de klanken die wij niet hebben, te onderscheiden en te herkennen en nog een paar andere oefensessies vooraleer alle klanken er correct uit komen.

Het agglutinatief karakter van het Perzisch maakt er enerzijds een heel melodieuze en flexibele taal van op vlak van woordvolgorde, maar verplaatst de nuancegenererende taalelementen naar een naamvallensysteem met al dan niet gemarkeerde naamvallen. Het werken met korte maar significante tussenwerpsels en partikels wordt bemoeilijkt door het feit dat klinkers niet neergeschreven worden. De wijzen en aspecten vormen een van de grootste stappen van het Nederlands naar het Perzisch met de toevoeging van twee aspecten en één wijze: het narrative aspect, het precedent aspect en de aanvoegende wijze.

Qua woordvolgorde zal het ook even wennen zijn aan de werkwoorden op het einde van de zin die geen bepaalde nood hebben aan een expliciet onderwerp en aan de volgorde binnen constituenten met partikels en/of voorzetsels zoals bij ezāfe.

Op sociologisch vlak leert deze korte analyse ons dat gendergelijkheid diep verankerd is in de Perzische cultuur. Daarnaast hebben we geconcludeerd dat de algemene centralisatie van jongeren in steden niet in het voordeel is van hoog dialectische taalvarianten en dat de zeer gevarieerde fysieke omgeving hoogstwaarschijnlijk voor een rijke woordenschat zorgt.

386 5. Bibliographie / Bibliografie

Abrahams, S. (2005). Modern Persian. Routledge.

Association, I. P. (1999). Handbook of the International Phonetic Association: A guide to the use of the International Phonetic Alphabet. Cambridge: Cambridge University Press. Récupéré sur http://dictionary.sensagent.com/Farsi%20phonology/en-en/ Huang, C.-T. J. (1984, Autumn). On the Distribution and Reference of Empty Pronouns. Linguistic Inquiry, pp. 531-574. Indo-Iranian Languages. (2017). Récupéré sur Encyclopaedia Brittanica:

https://www.britannica.com/topic/Indo-Iranian-languages

Jahani, C. (2005). The Glottal Plosive: A Phoneme in Spoken Modern Persian or not? Récupéré sur Abstracta Iranica: http://abstractairanica.revues.org/10522

Jahanshiri, A. (2017). Récupéré sur Jahansiri.ir: http://www.jahanshiri.ir/#lang- en Knops, E. (2013). OPO Sociolinguïstiek. Vrije Universiteit Brussel. Lazard, G. (1975). The New of the New Persian Language. Cambridge History of Iran, 595- 632.

Moshiri, L. (1988). Colloquial Persian. Routledge.

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Vrzić, Z. (2007). Farsi: A Complete Course for Beginners. Rando House.

Windfuhr, G. (1987). The World's Major Languages. Oxford: Oxford University Press.

387 388 The storytelling of Iranian Modern Architecture through the Tabiat Bridge in Tehran.

Sigrid Vangeneugden

389 390 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 391

1. THE STORYTELLING OF IRANIAN MODERN ARCHITECTURE THROUGH THE TABIAT BRIDGE IN TEHRAN...... 392

2. A VISUAL APPENDIX – ALL PICTURES BY MOHAMMAD HASSAN ETTEFAGH...... 398

2.1. A SIDE VIEW OF THE TABIAT BRIDGE CONNECTING BOTH PARKS...... 398

2.2. THE ENTRANCE OF THE BRIDGE AS SEEN FROM THE TALEGHANI PARK ...... 399

2.3. THE LOWEST PASSAGEWAY OF THE BRIDGE, SURROUNDED BY THE STEEL STRUCTURE ...... 399

2.4. A NIGHTLY VISUAL OF ONE OF THE COSIER SITTING AREAS ON THE BRIDGE ...... 400

2.5. THE BRIDGE IS A LABYRINTH OF PASSAGEWAYS AND STAIRWELLS INTERCONNECTING THE THREE

LEVELS OF PASSAGE ...... 400

2.6. THE SKYLINE OF TEHRAN AS SEEN FROM THE HIGHEST LEVEL ...... 401

2.7. THE IMPOSING STRUCTURE OF THE BRIDGE ORGANICALLY FORMS A CONNECTION TOWARDS THE

PARKS, EMULATING TREES IN ITS SUPPORTING STRUCTURE ...... 401

2.8. A COLOURFUL VIEW OF THE STEADY STREAM OF PEOPLE, A TESTIMONY OF ITS IMPORTANCE AS A NEW

PUBLIC SPACE WITHIN TEHRAN ...... 402

391 1. The storytelling of Iranian Modern Architecture through the Tabiat Bridge in Tehran.

Tehran, 12th of july 2018. Simultaneously with the setting sun, three Belgian girls exit a vehicle down at the lighthouse in the northern part of Tehran. The swift rushing of cars in the distant highway mingles together with the background music played from a nearby café. Except the girls can only hear and not yet see where those sounds originate from. Following the flow of people they are drawn towards the illuminated entrance of the Tabiat Bridge. A stream of colors, a steady continuity of groups of people, an overview of passageways. In this moment, the momentary beauty of the Iranian sky combined with Tehran’s skyline and the architectural beauty of the bridge illuminating their face, renders them speechless.

During the month of july 2017, the Olivaint Conference consisting of 20 bilingual Belgian students went on a study session to Iran. Their days mostly compromised of important meetings with a diverse set of religious leaders, politicians and economically important businesses. Throughout their two-week stay in Tehran, they also got the privilege of visiting Iran’s beautiful historic architecture as well as some new modern additions. The Olivaint Conference prides itself in forming the thinkers and leaders of tomorrow, this by engaging students from different universities and fields of study to interact with each other and reach a better understanding of the world and the many different viewpoints. We not only learned a lot from all the welcoming Iranian students and people, but we were also able to enrich each other’s experience by our own interests and backgrounds. Naturally, being the only architect present, I enthused the most about the Iranian architecture we could see around us. This passion is something I shared with others throughout the trip, but also want to perpetrate through this paper with a reminiscence about the most impactful piece of architecture I encountered. Through this small storytelling about the Tabiat Bridge, I hope to embark any readers on a small piece of our study session; hopefully grasping a small essence of the modern Iranian architecture and its meaning both globally and locally.

392 First and foremost, an introduction to the Tabiat Bridge is needed. Tabiat means ‘nature’ and its name gets its meaning from the two parks this pedestrian bridge connects. Before the bridge existed, the Ab-o-Atash park and the Taleghani park were sharply disconnected by the Modares Highway, passing through the northern part of Tehran, known as Abbas Abad. This scarring disconnection prevented pedestrians of passing from one green area to the next without the usage of a car. This important highway wasn’t going anywhere, so to let one green space flow into the next a local competition for a pedestrian bridge was issued. Out of the 16 entries of Iranian architecture and engineering bureaus, this competition was won by a young Iranian student named Leila Araghian who was only 26 at the time. It is quite notable in Iran that such a young woman was the designer genius behind the bridge; something that is also rare in the western architectural sphere. Together with the bureau Diba Tensile Architecture, Leila Araghian finalised this project alongside Alireza Behzadi. The bridge opened in 2014 and is to this date still the biggest pedestrian bridge of its kind in Iran, being 270 metres long. In its opening year alone, more than 4 million people visited the Tabiat bridge. Showing that the bridge received an important new role in Tehran’s public space.

The concept of the Tabiat Bridge is not only to connect the two green parks, but rather to add a new place to stay. Leila Arghian words it herself as follows: “It is intended to be a place to linger rather than just one to pass through, and to act as an extension of the parks.”130 This conceptual idea of more public space was realised through a doubled passageway and even a two times along the bridge a third level is added on top of the steel supports. The two and sometimes three levels of the bridge are interconnected by passageways and multiple staircases. This diverse ways of passing through the bridge unconsciously calls every passer- by to contemplate and linger alongside it. It creates a place for mystery, for discovery. Pedestrians are invited to wander and get lost, both in thought as in its literal way.

Three different paths open up in front of the three girls. People in colourful scarves are spilling in and out of different ramps going up and down. Their first intuition is to walk alongside the bridge’s extremities, which renders a non-obstructed view of Tehran in the distance. The cars on the highway below them

130 Quote by Leila Araghian, found through a DeZeen interview, last consultation on 22th of july 2018, via https://www.dezeen.com/2016/04/08/leila-araghian-tabiat-bridge-diba-tensile-architecture-public-space- pedestrian-tehran-iran/

393 are greeted with the same view, but they’re not breathing in the freshness of the air or experiencing the freeing atmosphere. One girl closes her eyes to take it all in, another smiles at a family of at least three generations who are walking past them to sit a little bit further on a bench. But let’s not stand still! Let’s go and discover what other marvellous views the bridge has to offer! Walking down one ramp, suddenly the girls are surrounded by the steel structure, protected by it, engulfed by it. Now framing the view with its organic construction, the girls walk further along the bridge in the direction of the Taleghani Park they can discern through the steel rods. Passing elongated curved benches filled with people talking, laughing, living.

The S-shaped passageway supported by gigantic steel-structure emulates the organic forms of trees, merging effortlessly from one park into the other. The structure is very important within the design, explained by Araghian: “From the very beginning the concept was to have a spatial structure large enough to create an architectural space, while at the same time acting as the structure.”131 This attention to the fluidity of the construction is experienced (un)knowingly by the pedestrians passing through. One local Iranian man narrates his feelings towards the bridge: “Even though it is made of steel, I didn’t feel like it was made of steel. I feel like I’m walking in a forest.”132 The organic flow of the construction aided by the steady variation in width of the different passageways between six and thirteen meters, are all aspects contributing to the over-all experience.

The bridge and its design prides itself in the added public space it gives to the city. This is directly shown by the addition of cafés and restaurants directly on top of the bridge, but also by integrating varying areas of seating and vista points. Bigger family gatherings as well as more intimate areas where couples can find a little peace and a bit of romance were all effortlessly included in the curving bridge. Not only does the different levels each have their

131 Quote by Leila Araghian, found through a DeZeen interview, last consultation on 22th of july 2018, via https://www.dezeen.com/2016/04/08/leila-araghian-tabiat-bridge-diba-tensile-architecture-public-space- pedestrian-tehran-iran/ 132 Quote by a visitor of the Tabiat bridge, given in an interview for the Aga Khan Award, lastly consulted on the 23rd of july 2018, via https://www.youtube.com/watch?v=zD0l7ZUwJKw

394 very own identity and characteristic, but its usage became appropriated by the local inhabitants of Tehran. During an annual ancient tradition of outdoor picknicking, thousands of people flocked to the bridge133. In the morning, a lot of open-air sporting activities can be witnessed. Leila’s wish to design a bridge that is more than just a passage became reality. It now anchors a lot of Tehran’s youth and public space culture.

The three girls continue their wanderings along the bridge, their excited faces illuminated by the changing colors of the structure. During a photoshoot session, they are suddenly approached by a young guy and his mother and sister. Seeing us being tourists, they propose to take our picture; quickly followed by the question “What brings you to Iran?” and “How do you like the Iranian people?” – slightly anxious, but mostly curious to hear our answer to the second question. Truth be told, a lot of the Iranian people are extremely courteous and welcoming. After this short, but sweet conversation, the girls reminisce back to the Park near their housing. At night the students from the Olivaint group go enjoy their evenings in the Park, walking around fountains, playing ping-pong with Iranian grandmas who have a real knack for it,… the atmosphere of the park and the bridge are comparable. The city can breathe, the people get to mingle and share a common space. A space that is available to anyone, no matter their religion, ethnicity, age or gender…

The culture of public space and its usage at night is something to be experienced firsthand in Iran. At night, public parks and squares get filled with people. Leila Araghian stated in an interview that she thinks “what matters the most is to understand ‘what do people really need’, both psychologically and physically”134. By contributing to this public space culture in both ways, the Tabiat Bridge creates a new space – an emancipatory space. Because it is

133 Article by Saeed Kamali Dehghan for The Guardian, published on the 20th of april 2015, consulted online on the 22nd of july 2018 via https://www.theguardian.com/world/2015/apr/20/bridge-tehran-architect-iran-leila- araghian-tabiat-sanctions-iranian-designers 134 Quote by Leila Araghian, given in an interview for the Aga Khan Award, lastly consulted on the 23rd of july 2018, via https://www.youtube.com/watch?v=zD0l7ZUwJKw

395 suspended between two parks, free of any religious or gender-specific allusions, it becomes a space free to use by all. During our travels, we encountered a lot of minorities, who are intrinsically part of Iran, but not Islamic for instance. Religious buildings related to the Islam who serve public functions are therefore not inclusive of everyone. What this bridge achieves is to revive the outside public culture of Iran, without boundaries. The connection doesn’t only exist from one green space to another, it is also a bridge between the diverse inhabitants of Tehran. Many young Iranian people gladly see the Tabiat bridge as a new symbol of Iran. This image of modernity and inclusivity is one they’d like to project to the West. An image that is already celebrated within the architectural sphere. The Tabiat Bridge received a couple of renowed prizes, including one by Architizer.

The impact of the Tabiat bridge transcends religion and politics – or so it seems on the surface, now that the construction is completed and appropriated by every citizen of Tehran. Behind the scenes however, the Tabiat bridge suffered also from Iran’s sanctions. Computer software needed for the technical aspects of the bridge where first refused to Araghian and her colleagues by the Australian company who makes it. This, solely because of the international sanctions, which delayed the design process during a couple of months. Even after the completion of the bridge the sanctions remained felt, because Leila Araghian and her design were excluded from the World Architecture Festival in 2015. Paul Finch, the programme director of WAF personally reached out to Araghian to explain her exclusion. Dissapointed, the architect spoke out: “This is ridiculous, I’m an Iranian architect and this is a cultural activity, it has absolutely nothing to do with politics. This is very discriminatory.”135 The intertwinement of politics and art remain at the surface in Iran, but as Araghian says herself, should this really be the case? Architecture is a global discipline that should be celebrated inside and outside the borders of each respective country.

It is getting late. Although there are still a lot of people milling around on the bridge, the three girls decide to head homewards. They just wandered through the forest of Taleghani Park, climbing on steep stonepaths to get a higher view of the bridge from a small distance. The lights twinkle

135 Article by Saeed Kamali Dehghan for The Guardian, published on the 20th of april 2015, consulted online on the 22nd of july 2018 via https://www.theguardian.com/world/2015/apr/20/bridge-tehran-architect-iran-leila- araghian-tabiat-sanctions-iranian-designers

396 and change and fluctuate – acting like a new beacon, a hopeful sign. On their way back, they choose yet another way to cross the bridge, passing a hanging garden… One evening is not enough to fully experience everything, from the colors to the atmosphere, but their minds already yearn to come back. Another evening, another morning, maybe. Let’s bring all the other students, too! When stepping into their vehicle that is headed home, they take a small spark of the Tabiat Bridge with them.

The Tabiat Bridge is an important stepping stone in modern Iran. Its magnificent design brought a positive and innovative image of Iran to the rest of the world. Even though the sanctions are still somehow felt, this opened many doors for Iranian architects abroad. New projects emerge, like a competition won by a duo of Iranian architects in 2016 for a support center of lung cancer sufferers in Krakow, Poland. Iran remains a complex country, but by investing in projects like the Tabiat Bridge, a new narrative is created. One I am glad to pass along, because it narrates the importance of inclusive public space, which the Tabiat bridge is now a beacon for.

397 2. A visual appendix – all pictures by Mohammad Hassan Ettefagh.

2.1. A side view of the Tabiat Bridge connecting both parks.

398 2.2. The entrance of the bridge as seen from the Taleghani Park

2.3. The lowest passageway of the bridge, surrounded by the steel structure

399 2.4. A nightly visual of one of the cosier sitting areas on the bridge

2.5. the bridge is a labyrinth of passageways and stairwells interconnecting the three levels of passage

400 2.6. The skyline of Tehran as seen from the highest level

2.7. The imposing structure of the bridge organically forms a connection towards the parks, emulating trees in its supporting structure

401 2.8. A colourful view of the steady stream of people, a testimony of its importance as a new public space within Tehran

402 403 404 De impact van de evolutie van de diplomatische relaties (vooral met de VS) op de financiële wereld

Emmanuel Heinz

Sébastien Francotte

405 406 Table des matières / Inhoudstafel

TABLE DES MATIÈRES / INHOUDSTAFEL...... 407

407 408 Le sujet de ce rapport avait été confié à Emmanuel Heinz et à Sébastien Francotte. Ce rapport n’a pas été déposé.

Het onderwerp van dit verslag werd toevertrouwd aan Emmanuel Heinz en aan Sébastien Francotte. Dit verslag werd niet neergelegd

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