UNIVERSITÉ DE LAUSANNE

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES

INSTITUT DES SCIENCES DU SPORT

SESSION D’AUTOMNE 2020

Jeux de pouvoir autour de l’institutionnalisation du MMA en

Power games around the MMA institutionalization in France

PRÉSENTÉ PAR LOUISE SEPPEY

DIRECTEUR : FABIEN OHL EXPERT : BERTRAND FINCOEUR

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont apporté leur soutien et leur aide durant l’élaboration de ce travail.

Je remercie tout d’abord toutes les personnes qui ont accepté de participer aux entretiens oraux menés dans le cadre de cette étude. Un grand merci également à monsieur Bertrand Fincoeur, coordinateur du projet de recherche sur le MMA en France auquel j’ai pu prendre part, et à mes collègues étudiants et chercheurs qui y ont également participé et avec qui il a été très agréable de collaborer.

Enfin, je remercie tout particulièrement mon directeur de mémoire, monsieur Fabien Ohl, pour sa disponibilité et ses conseils avisés, ainsi que les personnes qui ont, à travers la relecture de ce travail, apporté un regard extérieur précieux et constructif.

Résumé Depuis le début des années 2000 et la popularisation de sa pratique, le Mixed (MMA) fait l’objet d’une attention grandissante, non seulement de la part des médias, mais aussi de la part de la communauté scientifique. Il ressort de différentes études à propos du développement de ce sport de combat, de l’évolution de sa régulation et de son organisation, que le MMA a suivi un schéma tout à fait particulier. Née de la rencontre entre l’élite de différents arts martiaux populaires au 20ème siècle et de leur hybridation, cette discipline semble systématiquement avoir d’abord connu un engouement populaire avant de voir sa pratique en compétition légalisée, État par État. La France était l’une des dernières nations, jusqu’en 2020, à interdire les combats de MMA en compétition sur son territoire. Ce travail s’intéresse justement à la plus récente institutionnalisation de ce sport de combat hybride ainsi qu’à l’écosystème dans lequel ce processus s’est inscrit afin d’analyser les jeux de pouvoir qui se sont mis en place entre les différents acteurs impliqués. L’étude se base sur une enquête qualitative regroupant différents types de données récoltées auprès d’acteurs du milieu, en 2019 et 2020, par le biais d’entretiens semi-directifs menés en France, d’interviews menées par une chaîne télévisée française spécialisée dans le MMA (MMA TV) et d’autres déclarations publiques disponibles via différents canaux médiatiques. Il a été observé qu’au sein de cet écosystème mêlant des acteurs commerciaux à but lucratif et des acteurs fondateurs du mouvement sportif traditionnel à l’identité associative, des jeux de pouvoir se mettent en place à propos de la définition, du contrôle, de la défense et de la conquête de juridictions au sein du champ sportif, mais aussi au sein de champs qui y sont connexes, ainsi qu’à propos du contrôle de la définition des pratiques sportives légitimes au niveau national et international. Ainsi, les acteurs les plus influents au sein de l’écosystème étudié et jouant de leur influence dans le cadre de l’institutionnalisation de cette pratique en France sont le Ministère des Sports, la Fédération Française de Boxe (FFB) délégataire du MMA, l’Ultimate Fighting Championship (UFC) et les médias.

Abstract Since the early 2000s and the popularization of its practice, (MMA) has been the subject of growing attention, not only from the media, but also from the scientific community. Various studies on the development of this combat sport, the evolution of its regulation and its organization show that MMA has followed a very particular trend. Born from the meeting between the elite of different popular martial arts in the 20th century and their hybridization, this discipline seems to have systematically experienced first a popular craze before seeing its practice in competition legalized, state by state. France was one of the last nations, until 2020, to ban competitive MMA fighting on its territory. This work focuses on the

I most recent institutionalization of this hybrid combat sport and on the ecosystem in which this process took place in order to analyze the power games that were set up between the different actors involved. The study is based on a qualitative survey gathering different types of data collected from actors in the field, in 2019 and 2020, through semi-directive interviews conducted in France, interviews conducted by a French television channel specialising in MMA (MMA TV) and other public statements available via different media channels. It has been observed that within this ecosystem, which mixes commercial for-profit actors and founding actors of the traditional sport movement with associative identity, power games are being played over the definition, control, defence and conquest of jurisdictions within the sport field, but also within related fields, as well as over the control of the definition of legitimate sport practices at the national and international level. Thus, the most influential actors within the studied ecosystem and playing their influence within the framework of the institutionalization of this practice in France are the Ministry of Sports, the Fédération Française de Boxe (FFB), the Ultimate Fighting Championship (UFC) and the media.

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Table des matières

Résumé ...... I

Abstract ...... I

I. Lexique ...... 1

1. Introduction ...... 2

2. Revue de la littérature ...... 3

2.1. État de l’art ...... 3 2.2. L’utilisation des termes « sportivisation » et « sportification » par les sociologues .. 10 2.3. Perspectives de l’étude ...... 11 3. Problématique et méthodologie ...... 12

4. Cadre théorique ...... 15

5. Bref historique de l’institutionnalisation du MMA en France ...... 19

5.1. Le Ministère des Sports face à la question du MMA ...... 19 5.2. Genèse de la FMMAF ...... 22 5.3. Les promoteurs du MMA et l’évolution de leurs stratégies ...... 23 6. L’écosystème du MMA français...... 26

6.1. Les acteurs sociaux concernés par l’institutionnalisation de la pratique...... 29 6.1.1. Caractéristiques des écologies ...... 30 6.1.2. Les écologies liées ...... 31 6.1.3. Grille d’analyse des principaux acteurs ...... 34 7. Enquête qualitative ...... 39

7.1. Analyse des entretiens oraux et interviews ...... 39 7.1.1. Typologie des acteurs interviewés ...... 39 7.1.2. Description, caractéristiques et attraits de la discipline ...... 41 7.1.3. Pratiquer le MMA en France avant son institutionnalisation ...... 45 7.1.4. Image et réputation du MMA ...... 49 7.1.5. Légalisation des combats de MMA et délégation à la FFB ...... 52 7.1.6. L’avenir du MMA en France et ailleurs ...... 58 7.1.7. MMA féminin ...... 63 7.2. Analyse de prises de position publiques ...... 65 7.2.1. La Ministre des Sports ...... 65 7.2.2. La FFB et les Assises du MMA ...... 68

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7.2.3. IMMAF ...... 71 7.2.4. UFC ...... 74 8. Discussion ...... 76

8.1. Limites et perspectives de l’étude ...... 83 9. Conclusion ...... 84

10. Bibliographie ...... 86

11. Annexes ...... 93

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I. Lexique

AFLD : Agence Française de Lutte contre le Dopage

AMI : Appel à Manifestation d’Intérêt

CFAMSC : Confédération Française des Arts Martiaux et des Sports de Combat

CFMMA: Commission Française de MMA

CIO : Comité International Olympique

CNDS : Centre National de Développement du Sport

CNMMA: Commission Nationale de MMA

CNOSF: Comité National Olympique et Sportif Français

FFB: Fédération Française de Boxe

FFKMDA: Fédération Française de Kick-, Muay Thaï et Disciplines Associées

FFLDA : Fédération Française de Lutte et Disciplines Associées

FFSCDA : Fédération Française de Sports de Contact et Disciplines Associées

FI : Fédération Internationale

FILA: Fédération Internationale de Luttes Associées

FMMAF: French Mixed Martial Arts Federation

FN: Fédération Nationale

FSGT : Fédération Sportive et Gymnique du Travail

GAISF: Global Association of International Sports Federations

GIP : Groupement d’Intérêt Public

IMMAF: International Mixed Martial Arts Federation

ISSUL: Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne

MMA : Mixed Martial Arts

NJSACB: New Jersey State Athletic Control Board

UFC : Ultimate Fighting Championship

WMMAA: World Mixed Martial Arts Association 1

1. Introduction Sport de combat ultime, succès populaire mondial, développement commercial et médiatique exponentiels : le Mixed Martial Arts (MMA) est aujourd’hui synonyme de tous les superlatifs. Alors que la plupart des pratiques sportives institutionnalisées, olympiques ou non, sont nées du jeu ou d’une activité physique ludique, le MMA a quant à lui connu un développement par la compétition (Ramirez, 2015, p. 104). Née de la rencontre entre l’élite de différents arts martiaux et de sports de combat populaires au 20ème siècle sur différents continents et de leur hybridation, cette discipline a connu, depuis le début des années 2000, grâce notamment à l’impulsion de l’actuelle plus importante ligue privée internationale de MMA, l’Ultimate Fighting Championship (UFC), un engouement sans précédent. D’après une étude, il s’avère qu’il existe un point commun à tous les pays où se pratique le MMA en compétition, à savoir que l’essor de la discipline ainsi que l’augmentation de ses pratiquants a toujours précédé le processus de légalisation des compétitions sur les territoires concernés. Dernière nation en date à avoir entrepris ce processus de légalisation des combats, la France ne semble pas être une exception (Ramirez, 2015, p. 166). Alors que le MMA n’est pour ainsi dire pas reconnu par le mouvement sportif international traditionnel, notamment par le fait que ce ne soit pas une discipline olympique, par l’absence de l’International Mixed Martial Arts Federation (IMMAF), sa fédération internationale, au sein de la Global Association of International Sports Federations (GAISF) (GAISF, s. d.), ou encore par le fait que cette fédération ne soit pas signataire du Code mondial antidopage (AMA, 2013), il est intéressant de s’attarder sur le phénomène de régulation nationale de cette pratique décriée qui prend racine dans des écosystèmes complexes mêlant champ sportif, champ politique, champ économique, ou encore champ médiatique, et au sein desquels différents systèmes de gouvernance du sport sont implantés. L’étude présentée ici s’intéresse à la plus récente institutionnalisation du MMA, celle de la France, ainsi qu’à l’écosystème dans lequel ce processus a eu lieu. Nation olympique reconnue et État au système de gouvernance du sport hybride, la France, via son Ministère des Sports, a décidé, le 21 janvier 2020, d’officiellement déléguer la régulation du MMA à la Fédération Française de Boxe (FFB) et de légaliser sa pratique en compétition sur son territoire. Après des années de prohibition des combats d’arts martiaux mixtes, que représente l’institutionnalisation tardive de cette discipline pour les différents acteurs concernés ? Quelles positions occupaient et occuperont ces derniers au sein de l’écosystème du MMA français ? Et enfin, quels jeux de pouvoir se sont mis en place durant le processus d’institutionnalisation et pour répondre à quels enjeux ? Voilà quelques questions que ce travail se propose d’aborder.

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2. Revue de la littérature Parallèlement à l’essor mondial de la discipline elle-même, l’intérêt de la communauté scientifique pour les arts martiaux mixtes grandit rapidement. Ainsi, un corpus de littérature est en pleine expansion et couvre différentes thématiques d’analyse et de recherche.

2.1. État de l’art La pratique du MMA en compétition se déroulant dans un espace octogonal appelé « cage », combinant diverses techniques martiales et de full-contact, mais aussi des techniques de soumission et autorisant les frappes au sol, l’image d’une certaine violence a longtemps poursuivi et est encore étroitement liée à cette discipline. C’est ce qui a particulièrement intéressé le milieu académique. En effet, la thématique du rapport à la violence, du débat public à cet égard et du traitement médiatique de cette apparente composante du MMA a fait l’objet de plusieurs recherches (Blin, 2013; Brent & Kraska, 2013; Gaarenstroom et al., 2016; Masucci & Butryn, 2013; Santos et al., 2013; Quidu, 2019; Ramirez, 2015; Seungmo et al., 2008).

Aux analyses sociologiques de la violence dans le MMA se sont ajoutées plusieurs analyses de sciences dites « dures » à propos des potentielles conséquences de celle-ci, des risques perçus et avérés pour la santé, des blessures et de la traumatologie liée à cette pratique (Bledsoe, 2009; Bledsoe et al., 2006; Jensen et al., 2017; Lystad et al., 2014; Rainey, 2009).

Sur un plan microsociologique, la question du genre, les motivations et expériences des pratiquants et pratiquantes de MMA sont aussi des thématiques qui ont été abordées par la communauté scientifique (Abramson & Modzelewski, 2011; Andreasson & Johansson, 2019; Channon & Jennings, 2014; Channon et al., 2018; Cunningham & Turner, 2016; Green, 2011; Jakubowska et al., 2016; Massey et al., 2013; Mierzwinski et al., 2014; Spencer, 2009; Vaccaro et al., 2011; van Bottenburg & Heilbron, 2009; Weaving, 2014).

Pour rester à un niveau plutôt macrosocial, celui qui nous intéresse justement dans ce travail, quelques auteurs se sont penchés sur la croissance exponentielle et mondiale du MMA ou dans certains pays plus particulièrement (Acevedo & Cheung, 2012; Bishop et al., 2013; Ramirez, 2015). D’autres encore se sont intéressés à la problématique de la régulation de cette discipline. La présente recherche s’articulant autour de cette dernière thématique, plus particulièrement sur le territoire français, ce chapitre s’arrêtera plus longtemps sur la littérature existante à propos de la régulation ou l’institutionnalisation du MMA ou d’autres sports de combat, en France et ailleurs.

Dans son travail de recherche très vaste sur les arts martiaux mixtes, Ramirez (2015) traite de la sportivisation de la pratique. L’auteur traite de cette thématique pour en amener une autre : 3 la standardisation du MMA comme conséquence de la sportivisation de la discipline. Par ailleurs, il ne discute pas du processus de sportivisation en tant que tel et ne définit pas le terme « sportivisation ». Ce terme sera défini plus loin dans ce chapitre.

Vertonghen et al. (2014) ont mené une étude sur la gouvernance des arts martiaux de « full contact » dans le but d’identifier les principales problématiques existant autour de la régulation de ces pratiques martiales « dures ». Les auteurs ont choisi de prendre comme cas d’étude la Flandre (région néerlandophone de la Belgique) où, durant la période de l’étude (entre 2012 et 2014), la régulation des arts martiaux de « full contact » n’était pas claire, voire problématique. Cet article met également en avant les mesures engagées par les autorités sportives et politiques flamandes pour s’attaquer aux préoccupations médicales, éthiques et organisationnelles qui entourent les pratiques sportives en question et les discute. Les auteurs soulignent ainsi la nécessité de développer une politique solide et saine en matière d'arts martiaux qui puisse fournir une base de légitimation pour la régulation et l'organisation de ces arts martiaux de « full contact » (p. 654). Parmi les observations faites dans le cadre de cette recherche scientifique, il est intéressant de souligner les résultats obtenus grâce à un questionnaire sur l’organisation et la régulation des arts martiaux de « full contact » envoyé à différents experts à travers le monde, dans un but de comparaison avec le cas flamand qui a intéressé Vertonghen et ses co-auteurs. Quelques similitudes ont ainsi pu être identifiées dont, premièrement, la fragmentation des structures organisationnelles de ces pratiques, reconnues ou non, mises en place indépendamment et sans collaboration. La variété des organisateurs/promoteurs d’évènements d’arts martiaux et les problèmes de contrôle qui en découlent sont également un point commun de toutes les nations concernées par ces pratiques sportives. Des nations où, par ailleurs, une coordination (gouvernementale ou non) semble exister pour ce qui est de la formation des coachs et enseignants d’arts martiaux, mais celles-ci restent très générales et non-spécifiques à chaque type d’art martial, ce qui les rend également peu attractives. Enfin, d’après la liste des éléments empêchant une régulation claire des arts martiaux de « full contact » en Flandre établie par Vertonghen et al. (2014), il semble possible d’identifier le nœud du problème, à savoir la fragmentation, ou plus simplement la non-fédération des structures organisationnelles de ces pratiques martiales. Le fait que ces pratiques ne soient pas fédérées crée de nombreux obstacles à une régulation nationale : des obstacles organisationnels, éthiques et médicaux (entre autres). Néanmoins, les auteurs concluent qu’il ne suffit pas de s’attaquer à ces problématiques au niveau local ou national car cela laisse toujours la possibilité aux organisations et aux pratiques d’arts martiaux de « full contact » de fuir les pays où les réglementations sont plus dures pour se réfugier dans d’autres où elles sont bien plus souples. Par conséquent, la gouvernance des arts martiaux de « full contact » doit être considérée comme une question transnationale (p. 667).

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Dortants, Knoppers et van Bottenburg (2016) ont mené une étude sur les défis de la régulation des sports de combat, du full-contact et autres arts martiaux mixtes aux Pays-Bas dès l’apparition de ces pratiques sur le sol néerlandais, et particulièrement dès l’apparition de compétitions. En introduction à leur travail, les auteurs distinguent deux premières étapes dans le débat autour de la régulation de ces sports. La première a été inspirée par les recommandations découlant d’un premier travail de recherche de van Bottenburg (van Bottenburg & Heilbron, 2006) à l’attention du Ministère des Sports néerlandais. Celles-ci suggéraient d’abandonner la politique de « laissez-faire » d’alors, car les différentes organisations indépendantes de sports de combat avaient échoué dans l’organisation et la régulation de leur pratique. Le gouvernement national n’a pas considéré ces recommandations et choisi, au contraire, de se distancer encore davantage de ce milieu et d’en minimiser les problèmes et leurs conséquences. La deuxième étape observée par les auteurs s’établit à partir de 2010, lorsque plusieurs incidents violents sont enregistrés dans le cadre d’évènements de dans différentes villes des Pays-Bas. Alors que les médias se chargent de relater ces épisodes violents à un large public, quelques figures politiques prennent la parole, dont le maire de la ville d’ qui interdit la tenue d’évènements de sports de combat, de full-contact et d’arts martiaux mixtes, convaincu de leurs liens avec des organisations criminelles. Contrairement à cela, au niveau local, les gouvernements commencent à promouvoir ce type de pratiques sportives, allant jusqu’à en faire des instruments d’intégration et de sécurité au sein de communautés ou groupes minoritaires réputés violents. La popularité de ces sports grandissant aux Pays-Bas comme ailleurs, les gouvernements locaux étant déjà impliqués dans une certaine mesure dans leur promotion ont donc poussé les acteurs et représentants des diverses organisations d’arts martiaux mixtes et de sports de combat à s’impliquer plus avant dans leur régulation. Malgré de nombreuses initiatives, les auteurs ont constaté que rien ne bougeait au niveau national et ont ainsi cherché à en étudier les raisons, mais aussi le contexte dans lequel une telle situation perdure et pourquoi la régulation des sports de combats mixtes ou de full-contact est tant remise en question (p. 474-475). Pour mener à bien leur étude, Dortants, Knoppers et van Bottenburg (2016) ont choisi, dans un premier temps, de cartographier le milieu des sports de combat, de full-contact et autres arts martiaux mixtes aux Pays-Bas. Parmi les parties prenantes identifiées, deux groupes principaux se distinguent : le secteur des pratiques martiales et de combat, composé de nombreuses fédérations nationales et internationales, une pour chaque discipline, et celui des organisations gouvernementales, à savoir principalement le Ministère des Sports et de la Justice. Les auteurs soulignent plusieurs caractéristiques du milieu des sports de combat et arts martiaux néerlandais, à savoir :

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- Les entraînements se déroulent dans les très nombreuses petites salles ou clubs à travers le territoire et dont on ne connaît pas le nombre exact ; - Les profils des pratiquants sont très variés, on retrouve des combattants des deux sexes, de tout âge et de toute classe sociale, mais seulement une très petite partie de ceux-ci s’engagent en compétition, à différents niveaux ; - Les entraîneurs cumulent les fonctions, à savoir celle de préparateur/entraîneur d’athlètes, mais aussi celle de manager, de promoteur, voire de membre/cadre/représentant d’une fédération sportive correspondante. En conséquence, leurs rôles et responsabilités sont facilement confondus, voire ambigus ; - La pratique (des différentes disciplines de combat aux Pays-Bas) étant complètement éclatée et représentée par de trop nombreuses petites organisations indépendantes et ne voulant reconnaître l’autorité d’aucune fédération nationale, le secteur ne tient pas un discours unique et uniformisé (p. 475). Les auteurs identifient diverses causes à la difficulté de réguler de tels sports au niveau national et qui sont communes à différents pays, c’est-à-dire le nombre de fédérations différentes et propres à chaque discipline, le nombre de disciplines ou de style de combat ainsi que les conflits qui perdurent entre les parties concernées (p. 476).

Dans leur étude « Regulating the emerging : a policy discourse analysis of mixed martial arts legislation », Berg et Chalip (2013) analysent trois contextes politiques et leur évolution dans le temps afin d’illustrer le processus de régulation des arts martiaux mixtes aux États-Unis. Dans cet environnement très particulier où l’organisation dominante de la discipline au niveau international évolue, les auteurs ont examiné les efforts de lobbying de l’Ultimate Fighting Championship (UFC) et démontré comment une organisation sportive peut travailler de manière proactive avec les gouvernements plutôt que de résister à leur volonté de s’impliquer dans ce business sportif. La régulation du MMA aux États-Unis a également représenté une occasion pour les auteurs d’analyser les efforts délivrés par l’UFC pour travailler l’opinion publique à propos de ce sport de combat réputé violent et dont les compétitions ont été interdites dans de nombreux États durant les années 1990. Cette recherche s’est principalement basée sur l’analyse de discours politiques à propos de la régulation du MMA dans trois États qui, ensemble, selon les auteurs, étaient représentatifs de l’évolution des législations sur le MMA et des discours politiques à ce propos aux États-Unis à partir du moment où l’UFC, avec l’aide du New Jersey State Athletic Control Board (NJSACB), a créé ses « unified rules » (2001). Ainsi, les données analysées dans cette étude consistaient en des documents de différentes natures : des auditions de commissions, des présentations aux commissions législatives ou encore des rapports des commissions législatives des États du Texas, du Maine et du Tennessee. Il en résulte plusieurs constats généraux, bien que les

6 discours politiques aient évolués entre la première régulation au Texas en 2005, puis celle du Tennessee en 2008 et enfin celle du Maine en 2009 (p. 28). Premièrement, le MMA semble avoir toujours été lié à la boxe dans la question de sa régulation, soit dans l’idée que cette discipline puisse relancer la boxe, soit plus tard comme substitut à part entière, car économiquement viable. Deuxièmement, l’opposition au MMA s’est toujours basée sur une argumentation à propos de la violence perçue de la discipline et de la problématique de la protection de la santé des combattants. Enfin, bien que les arguments sanitaires et de sécurité étaient de plus en plus présents, ils n’ont jamais fait le poids face à l’argument économique présenté par les partisans d’une régulation étatique du MMA aux États-Unis. En effet, l’impact économique grandissant du MMA et son exposition médiatique ne laissaient plus le loisir aux gouvernements d’ignorer ou minimiser l’intérêt de s’impliquer dans sa régulation. Selon les auteurs, le fédéralisme américain a également joué un rôle important dans le changement de position des États américains, les uns après les autres, en cela que ceux-ci évoluent dans un climat compétitif, particulièrement pour ce qui est de leur croissance économique. Ainsi, Berg et Chalip (2013) concluent que le statut d’une problématique, telle que la régulation du MMA, et l’influence que certaines parties prenantes, telles que les médias, la politique et l’économie, ont à ce propos, ne sont pas statiques, mais bien dynamiques. Ils en déduisent également que la capacité de tout groupe ou organisation à définir la question politique concernée et à obtenir une législation favorable à leur cause représente une forme importante de pouvoir sociopolitique (p. 34).

Van Bottenburg et Heilbron, dans les publications (2006, 2009) de leur étude sur les « combats ultimes », leur genèse et leur dynamique, ont remis en question l’utilisation du modèle théorique de Norbert Elias et Eric Dunning (1994) sur « les processus de sportivisation » pour analyser et expliquer l’évolution des combats en cage. En effet, au lieu de parler de « sportivisation » au sens qu’Elias lui a donné, c’est-à-dire « un processus d’émergence des organisations ayant acquis le pouvoir de définir les règles du divertissement sportif de façon plus stricte et explicite, prenant en compte un ethos du fair-play et réduisant ou contrôlant au plus près les possibilités de contact physique violent » (van Bottenburg & Heilbron, 2009, p. 35), ceux-ci utilisent le terme de « para-sportivisation ». Par cette nouvelle appellation, ils prennent en compte la standardisation des règles des « combats ultimes » et autres arts martiaux par des organisations nationales et internationales afin de permettre l’organisation de championnats et de compétitions nationales et internationales, mais ils sous-entendent également que ces tournois se sont développés sur des circuits hors du mouvement sportif traditionnel et reconnu. Selon ces deux auteurs, l’organisation et la régulation des « free fights » à la fin du 20ème siècle ont été soumises à un changement de dynamique dans le rapport de forces entre trois groupes d’acteurs : les pratiquants, les spectateurs et les

7 téléspectateurs. Si au début et pendant longtemps, les arts martiaux et autres sports de combats étaient organisés selon les intérêts et les demandes du premier groupe, c’est bien au cours des années 1990 que le rapport de forces a basculé en faveur du deuxième groupe, puis finalement du troisième, grâce, notamment, à la montée en puissance des médias. Dans leur rapport, ils affirment ainsi : « Ce sont les entreprises de médias qui ont exercé la plus grande influence sur l’organisation des combats en cage. » (van Bottenburg & Heilbron, 2009, p. 37). Alors que ce processus de « para-sportivisation » semble illustrer l’évolution de la plupart des sports de combat, van Bottenburg et Heilbron (2009), ont identifié une autre stratégie dite de « dé-sportivisation » qui a eu lieu à un certain moment de l’évolution des « combats ultimes » ou « free fights », dont les plus reconnus et prospères, organisés par l’UFC. Par « dé-sportivisation » il faut comprendre une tendance opposée à la sportivisation, c’est-à-dire qui prend forme par une simplification des règles, une adaptation des sports existants afin de s’approcher au maximum du « combat réel », mais aussi l’absence de structuration des évènements sportifs, ce qui ne permet ni les comparaisons, ni l’établissement ou le dépassement de records, ou encore le désintérêt pour une optimisation de l’équilibre entre tension sportive et maîtrise des risques encourus par les pratiquants (van Bottenburg & Heilbron, 2009, p. 37). Cette stratégie ayant permis une montée de la violence perçue des combats, après avoir été bénéfique en termes de revenus télévisuels, n’a pas tardé à être la cible de vives critiques de la part du monde politique, médical, médiatique et même sportif. Les campagnes de prohibition des combats en cage qui ont suivi dans de nombreux pays à travers le monde ont amené une certaine catégorie d’acteurs du milieu à prendre le contre- pied de cette « dé-sportivisation » en initiant un effort de réglementation plus stricte des combats dans le but de les faire accepter en tant que « sports ». Les auteurs ont identifié là une « double stratégie de re-sportivisation et promotion du spectacle et du divertissement », particulièrement de la part des nouveaux propriétaires de l’UFC (en 2001) (van Bottenburg & Heilbron, 2009, p. 44). Cependant, ils affirment qu’une telle stratégie ne sera valable que « tant que la télévision et la pay-per-view restent du domaine de la régulation publique […] ; d’un autre côté, si la pay-per-view s’autonomise du contrôle politique, un commercialisme déchaîné s’installera et les combats connaîtront sans aucun doute d’autres formes de dé-sportivisation » (van Bottenburg & Heilbron, 2009, p. 44).

À la suite d’un symposium thématique sur l’état des lieux des recherches menées sur le Mixed Martial Arts comme objet sociologique, plusieurs auteurs français (Delalandre, Quidu, Delfavero et Ramirez) qui y ont participé, ont publié un rapport sous la forme d’une revue d’articles traitant de différentes thématiques autour de la recherche sur le MMA en France. Les articles qui nous intéressent tout particulièrement dans le cadre de ce travail sont celui de Matthieu Delalandre (s. d.) qui traite de la difficulté à mener des recherches empiriques sur les

8 discours des acteurs politiques impliqués dans la campagne de prohibition du MMA en France, et celui de Thibault Delfavero (s. d.) qui s’intéresse au « terroir associatif de Mixed martial arts ». Le premier est intéressant en cela qu’il pointe l’absence d’un pan d’analyse sociologique sur le processus décisionnel politique concernant la pratique des arts martiaux mixtes en France à cause d’une certaine inaccessibilité des données. Par ailleurs, de nouvelles perspectives de recherche semblent s’ouvrir grâce, notamment, à un corpus médiatique qui s’étoffe, mais aussi à une parole peut-être plus libérée des acteurs suite à la légalisation des combats de MMA en France en janvier 2020. L’article de Delfavero s’articule quant à lui autour de la question suivante : « Comment le tissu associatif local se structure, s’organise et donne un sens à la pratique en dépit de toute forme de régulation fédérale ? » et se base sur les résultats d’une enquête menée en amont. Les principaux résultats démontrent ceci : l’exercice de la pratique du MMA au sein d’un espace associatif local et l’inexistence d’une régulation fédérale en France ne représentent pas une configuration propice à la surenchère de la violence sans règle aucune, mais au contraire à la surenchère de la règlementation dans un but de légitimation et de reconnaissance institutionnelle et sportive. Par ailleurs, le chercheur conclut que les clubs de MMA français « préfèrent se tourner vers les organisations étrangères pour exister » (Quidu et al., s. d., p. 10).

« Le mixed martial arts et les ambiguïtés de sa sportification en France » (Delalandre & Collinet, 2012) est un article qui s’intéresse au processus de structuration du MMA en France à un moment où la discipline y est très fortement décriée, particulièrement par le monde politique. Ses auteurs y citent également le travail de van Bottenburg et Heilbron de 2006 et leur théorie sur la stratégie de « dé-sportivisation » des arts martiaux mixtes aux États-Unis. Selon eux, cette analyse doit être rejetée en ce qui concerne l’évolution du MMA en France dans les années 2010 car on y observe au contraire un réel effort de « sportification » de la discipline de la part de ses promoteurs et partisans. Les stratégies utilisées dans le but d’organiser et réguler le MMA en France, mais également d’en rendre la pratique légitime, sont justement analysées par Delalandre et Collinet (2012) et les conclusions sont reprises dans ce travail, au chapitre 5.2 Les promoteurs du MMA et l’évolution de leurs stratégies, afin de présenter un bref historique de l’institutionnalisation du Mixed Martial Arts en France. En outre, l’article de Delalandre et Collinet est intéressant en cela qu’il confronte les avis des pratiquants de MMA à ceux, exprimés dans la presse, de ses détracteurs. On comprend alors où se situe le premier obstacle à la « sportification » du MMA en France : la méconnaissance de cette discipline à la réputation sulfureuse. De la même façon, en présentant les différentes voies empruntées par les acteurs concernés dans le but de structurer la pratique, les auteurs présentent un état des lieux de l’écosystème du MMA en France empreint de tensions et de concurrences entre les structures existantes, reconnues ou non, ce qui représente un autre

9 obstacle à la « sportification » de la discipline. La conclusion de cette enquête souligne le caractère singulier du cas français de l’institutionnalisation du MMA. Ainsi, « le processus de sportification du MMA en France s’accompagne d’une lutte contre une globalisation qui tiendrait à en faire un pur produit commercial et spectaculaire pour défendre une définition locale du sport répondant aux critères du ministère des Sports français. » (Delalandre & Collinet, 2012, p. 312).

2.2. L’utilisation des termes « sportivisation » et « sportification » par les sociologues Parallèlement à l’objectif d’établir un état des lieux de la recherche sur la thématique des arts martiaux mixtes et de sa régulation, ce chapitre de revue de la littérature a également pu mettre en avant l’utilisation de deux termes très similaires : « sportivisation » et « sportification » par différents auteurs cités. Se pose alors la question de leur signification respective.

Le terme « sportivisation », comme décrit plus haut dans le résumé du travail de van Bottenburg et Heilbron (2009), semble avoir été utilisé pour la première fois en français par le sociologue allemand Norbert Elias, en 1976, dans un article scientifique sur le sport. La définition du « sport » et la portée du concept de « sportivisation » d’Elias ont été discutées, entre autres, par Loudcher et Aceti (2018) dans un article intitulé « MMA, procès de civilisation et sportivisation : repenser la théorie éliasienne pour mieux s’en émanciper ? ». Dans cet article, les auteurs présentent les termes « sportivisation » et « sportification » comme deux synonymes censés retranscrire « la trajectoire du sport en tant que processus participant au procès de civilisation » (Loudcher & Aceti, 2018, p. 372). Pourtant, c’est bien le terme « sportivisation » qui est préféré tout au long du texte.

Selon Borzakian (2012), ces deux termes ne sont pas réservés aux mêmes usages. Il écrit d’ailleurs que la « sportification », devenant synonyme d’ « institutionnalisation », représente le « processus qui marque une rupture fondamentale entre les sports dits ‘modernes’ et des jeux dits ‘traditionnels’ » (p. 341). On comprend alors que ce concept est à la base de la comparaison entre le sport et les jeux, thématique qui a intéressé de nombreux sociologues, dont notamment Elias et Bourdieu pour ne citer que les plus célèbres. Dans son effort de définition des concepts de jeux et de sport, Borzakian (2012) distingue les « jeux institutionnels » des « sports ». Bien que les deux catégories rassemblent des caractéristiques communes, à savoir des règles fixées par une fédération, l’existence de clubs et l’existence de compétitions instituées, les « sports » se distinguent par leur « pertinence motrice » (p. 353). L’auteur ne s’essaie par ailleurs pas à une définition différenciée du terme « sportivisation ».

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P. Bordes (2009) est quant à lui très clair à propos de la différence de sens des deux termes en question et les définit de la manière suivante. Selon lui, et prenant en compte les règles grammaticales de la langue française, le terme « sportification » a été construit à partir du substantif « sport » auquel on a ajouté le suffixe « ification » et représente donc le « processus qui consiste à transformer de façon sélective une pratique ludomotrice en sport, autrement dit à lui attribuer des caractéristiques socio-institutionnelles particulières » (Bordes, 2009). Il explique ensuite que le terme « sportivisation » est quant à lui construit à partir de l’adjectif « sportif », ou sa version féminine « sportive », et définit le « processus qui consiste à ce qu’un individu, une population, voire par extension un domaine social, adoptent ou s’adonnent aux pratiques sportives, sans pour autant s’inscrire dans le cadre d’une organisation de type sportif, dépendante d’une fédération de tutelle ou fonctionnant selon des modalités organisationnelles identiques » (Bordes, 2009).

Ainsi, la différenciation ou la non-différenciation des termes « sportivisation » et « sportification », tant en français qu’en anglais, ne semble pas faire l’unanimité au sein de la communauté scientifique. Un certain flou sémantique persiste donc à ce niveau-là. Par ailleurs, le présent travail n’ayant pas pour but de discuter le processus par lequel une activité sportive s’institutionnalise, ni de déterminer quel terme y attribuer, mais plutôt d’examiner les enjeux et jeux de pouvoir qui s’articulent autour de l’institutionnalisation d’un sport au sein d’un territoire défini, à savoir ici les arts martiaux mixtes en France, la discussion autour de l’utilisation des termes « sportivisation » et « sportification » s’arrêtera aux quelques constats présentés ci-dessus.

2.3. Perspectives de l’étude Au vu de l’état de la recherche et de l’analyse sociologique du MMA en France aujourd’hui, il est intéressant, dans le cadre de ce travail, de tester certaines conclusions rapportées dans cette revue de la littérature en les confrontant au cas singulier de la France, ou encore de poursuivre et compléter certaines réflexions entamées durant « l’ère de prohibition du MMA » dans l’Hexagone. Ainsi, il s’agit d’identifier les acteurs du MMA français, leurs intérêts et leurs enjeux, d’analyser les jeux de pouvoir qui ont lieu afin, par exemple, de tester l’hypothèse formulée par Vertonghen et al. (2014) à propos du caractère transnational de la problématique de la régulation et de la gouvernance des arts martiaux mixtes. Comme Dortants et al. (2016) dans leur travail, une schématisation de l’écosystème du MMA en France est donc nécessaire, mais ne se limitera pas à la simple énumération des parties prenantes à l’institutionnalisation du MMA en France. La schématisation présentée dans ce travail a également pour but d’éclaircir quels liens existent entre ces parties, comment ceux-ci sont utilisés et dans quels buts, pour répondre à quels enjeux. Le travail de Berg et Chalip (2013) présenté plus haut

11 pose quant à lui la question de l’influence des politiques américaines sur la régulation du MMA aux États-Unis qu’il s’agit de mettre en perspective sur la base du cas de la France, pays dont le contexte politique est tout à fait différent, ne reposant pas sur un système fédéraliste. La question de l’influence des médias sur l’organisation des combats en cage a été relevée par van Bottenburg et Heilbron (2009) et est évaluée ici à propos de l’organisation du MMA en France. Finalement, ce travail s’inscrit dans un esprit de continuation de l’analyse sociologique du MMA en France, et tente de combler une petite partie de ce pan d’analyse qui manque, à savoir l’étude du discours des acteurs politiques impliqués dans l’institutionnalisation de la pratique. La légalisation des combats de MMA ayant eu lieu en France en janvier 2020, à savoir au début de cette recherche, le timing semble plus favorable à la récolte de données qu’auparavant, lorsque Delalandre faisait état de la quasi-impossibilité de mener une recherche empirique à ce sujet (Quidu et al., s. d.).

3. Problématique et méthodologie Comme formulé brièvement dans le chapitre précédent 2.3. Perspectives de l’étude, ce travail s’articule autour de la problématique de l’institutionnalisation d’une pratique sportive moderne et au développement singulier. Plus précisément, il s’agit de répondre à la question de recherche suivante : sur l’exemple du MMA en France, quels jeux de pouvoir se mettent en place entre les acteurs sociaux concernés par l’institutionnalisation d’une pratique sportive ? Par institutionnalisation il faut comprendre ici « le passage d’une organisation implicite à une haute spécificité d’organisation » (Allamano-Kessler & Mione, 2018, p. 88). L’institutionnalisation est donc un processus et nous considérons ici que les concepts de codification, de bureaucratie, de rationalisation, d’organisation et de légitimation y sont centraux (Allamano-Kessler & Mione, 2018, p. 88). Dans le cas des arts martiaux mixtes en France, l’institutionnalisation de la pratique doit donc être comprise comme le passage d’une pratique dérégulée, désorganisée et éclatée à une pratique dont la régulation, l’organisation et la fédération sur le sol français sont confiées à un acteur du mouvement sportif traditionnel, à savoir une fédération sportive nationale délégataire, par une décision du gouvernement français, ici représenté par le Ministère des Sports.

Ainsi, ce travail consiste principalement en une analyse de l’écosystème du MMA en France. Quels acteurs sociaux en font partie ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Quels liens existent entre ces derniers ? De quelle nature sont ces liens ? Qui détient quel type de pouvoir ? Quels sont les enjeux de chacune des parties de cet écosystème quant à la question de l’institutionnalisation du MMA en France ? Comment ces enjeux ont-ils influencé et continuent-ils d’influencer le processus d’institutionnalisation dont il est question ? Et comment

12 l’écosystème se réorganise-t-il en conséquence ? Toutes ces questions permettent de structurer l’analyse macrosociale entreprise ici et de formuler quelques hypothèses de départ :

1. Compte tenu de l’évolution singulière de la discipline, l’institutionnalisation du MMA en France ne s’est pas déroulée selon un schéma « traditionnel » d’institutionnalisation d’une pratique sportive a priori dominée par le secteur du sport associatif français. 2. L’écosystème du MMA français présente les acteurs sociaux dominants suivants : les médias, la fédération délégataire, le Ministère des Sports et l’UFC. 3. Les pratiquants de MMA français ne détiennent aucun pouvoir ni aucune influence sur l’organisation de la pratique en France. 4. La problématique de la régulation des arts martiaux mixtes présente un caractère transnational. 5. Le caractère hybride du système français d’organisation du sport, à savoir la cohabitation de régulations étatiques et de régulations sportives (dictées par le CIO) (Legrand, 2010, p. 82), est à l’origine de l’intérêt des acteurs du MMA français à être reconnu par le mouvement olympique.

Ce travail de recherche s’appuie sur une enquête qualitative composée de différentes sources de données. Premièrement, une enquête sur le terrain a été menée à , au cours de deux déplacements entre décembre 2019 et février 2020. Cette première récolte de données s’est faite auprès de divers acteurs du MMA français : des pratiquants (compétiteurs ou non), des anciens combattants de haut-niveau, des entraîneurs, des managers de combattant, des gérants de club, un organisateur de combats, des acteurs impliqués dans la Commission Française de MMA (CFMMA), un acteur impliqué dans la direction de l’International Mixed Martial Arts Federation (IMMAF), un acteur impliqué dans la Fédération Française de Boxe (FFB), et un journaliste sportif spécialisé dans le MMA. Des entretiens semi-directifs ont été menés avec ces derniers, les échanges pouvant durer entre vingt minutes et près de deux heures. En effet, ce format d’entretien, tout en suivant un agenda de thématiques à aborder selon un guide d’entretien (cf. chapitre 11. Annexes) mis en place en amont, a permis des échanges plus libres entre l’interviewer et les interviewés qui, selon leur expérience du MMA et leur position quant à sa régulation en France, ont pu raconter leur histoire, exprimer leurs opinions et leurs idées quant à l’avenir de ce sport de combat. Il est important de préciser que cette enquête qualitative a été menée conjointement à un travail de recherche de l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne (ISSUL) sur le dopage dans le MMA en France et financé par l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD). Il a en effet été possible de rejoindre l’équipe de recherche travaillant sur la thématique du dopage et de mener de nombreux entretiens oraux portant sur plusieurs thématiques autour des arts martiaux mixtes, dont son institutionnalisation en France comme expliqué plus haut. La possibilité de rejoindre 13 une équipe de chercheurs et d’ajouter une thématique supplémentaire à celle qui faisait l’objet de l’étude a présenté plusieurs avantages. Premièrement, tant pour ce travail que pour l’étude sur le dopage dans le MMA en France, présenter le sujet de l’enquête comme étant très global et portant sur divers aspects de l’évolution du MMA en France a certainement facilité les premiers contacts avec les personnes interviewées. Pour ce travail plus précisément, pouvoir ajouter la thématique de l’institutionnalisation du MMA en France au guide d’entretien commun utilisé par tous les interviewers a permis une récolte de données plus large et plus rapide. Il a également été possible de bénéficier de l’effort de plusieurs membres de l’équipe de recherche pour la retranscription des entretiens oraux enregistrés. Enfin, cette enquête pluri-thématiques a logiquement abouti à un éventail d’informations récoltées plus large, ce qui a permis une compréhension plus globale de la pratique des arts martiaux mixtes en France, et ainsi une meilleure appréhension de la complexité de cet écosystème et des interactions qui y ont lieu. Par ailleurs, comme dans toute interaction sociale, certains biais ont forcément été provoqués lors des interviews, du côté de l’interviewer dans sa façon de poser certaines questions, ou du côté de l’interviewé dans sa façon de gérer cet exercice particulier et de sélectionner, consciemment ou non, les informations délivrées, sachant qu’il s’agit d’une étude académique portée par des représentants d’une université à la réputation sérieuse.

L’analyse des entretiens oraux ne consiste pas en une analyse de discours à proprement parler et se limite à atteindre les objectifs suivants : premièrement, identifier tous les acteurs sociaux concernés par l’institutionnalisation du MMA en France, deuxièmement, identifier les intérêts et enjeux de ces acteurs dans l’institutionnalisation de cette pratique sportive en France et, troisièmement, positionner ces acteurs au sein de l’écosystème du MMA français. Cela permet ensuite de présenter visuellement, sous forme de schéma, l’écosystème du MMA français.

Afin de compléter les données récoltées grâce aux 24 entretiens oraux menés avec les différents acteurs du MMA français cités ci-dessus, des prises de position publiques et autres interviews d’acteurs concernés, relayés par les médias, ont également été pris en compte dans cette étude. Cette deuxième source de données s’est avérée tout aussi riche que la première car il a été possible de s’appuyer, entre autres, sur une douzaine d’interviews d’acteurs du MMA français et international diffusés sur la chaîne française spécialisée MMA TV. De plus, il a été possible de participer aux « Assises du MMA en France » présentées par la FFB sous forme de visioconférence, le 17 avril 2020. Ces assises ont en effet consisté en une étape importante de l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France puisque les quatre thématiques qui y ont été présentées et discutées relevaient de la codification, de la rationalisation et de l’organisation de la pratique, à savoir, pour reprendre les termes utilisés par les organisateurs de ces assises, « les règles techniques de sécurité, les grades, les 14 formations et l’organisation des compétitions » (FMMAF, 2020b). L’agenda de cet évènement en ligne prévoyant un temps d’échange entre les présentateurs et les spectateurs, il a été possible de poser plusieurs questions par écrit aux représentants de la FFB en charge du dossier MMA, mais aussi, après la présentation en ligne, de lire les différentes questions posées par divers acteurs intéressés et/ou concernés par la régulation du MMA sur le sol français et de prendre connaissance des réponses apportées par la FFB, également publiées après les assises. La fédération délégataire a également mis à disposition le support de présentation utilisé lors de l’évènement en ligne où figurait notamment un schéma présentant la typologie des 280 participants à ces assises et leur proportion (FMMAF, 2020c).Tout cela a ainsi contribué à compléter ou confirmer l’identification des acteurs concernés par l’institutionnalisation du MMA en France et l’identification de leur position sur cette question. Afin d’interpréter de façon consistante toutes les données récoltées, un cadre théorique, exposé ci-après, a été défini.

4. Cadre théorique Dans la formulation de la problématique et de la question de recherche de ce travail, le terme « écosystème » s’est imposé de lui-même. En effet, le mot « écosystème », signifiant dans la langue française une « unité fondamentale d’étude de l’écologie, formée par l’association d’une communauté d’espèces vivantes et d’un environnement physique en constante interaction » (Larousse, 2008, p. 349), est souvent utilisé en sociologie ou en économie pour décrire « des systèmes d’acteurs entretenant des relations » (Koenig, 2012, p. 209) de différentes natures. Ainsi, de nombreux sociologues ont utilisé et utilisent encore cette métaphore écologique pour traiter de questions à propos d’environnements dynamiques composés d’acteurs qui interagissent entre eux, dont Andrew Abbott, sociologue et théoricien social américain, ancien professeur à l’Université de Chicago. Ce dernier a en effet mobilisé pour la première fois une approche écologique dans son ouvrage « System of Professions », publié en 1988, dans lequel il traite des diverses formes d’interdépendance et de concurrence qui existent entre les professions (« Un texte, un auteur », 2015, p. 5). Plus tard, il énoncera les limites des arguments présentés dans ce premier ouvrage et présentera une analyse permettant, selon lui, de les dépasser. C’est ainsi que le concept « d’écologies liées » est né (Abbott, 2003, p. 29). Ce concept traduit la représentation que se fait Abbott du monde social et sert de cadre théorique à ce travail.

Dans sa théorie des « écologies liées », Andrew Abbott mobilise différents éléments théoriques qui sont également utilisés dans l’analyse des jeux de pouvoir autour de l’institutionnalisation du MMA en France qui suit. Tout d’abord, il s’agit de définir ce que l’on doit comprendre par « écologie ». Selon Abbott :

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Une écologie est un système d’éléments aux interactions multiples, et pour la plupart indépendants. […] Le mot ‘écologie’ désigne une structure sociale moins unifiée que ne l’est une machine ou un organisme, mais beaucoup plus solidaire, unifiée, que ne le sont les unités atomiques du libéralisme classique ou de l’interaction quasi probabiliste que l’économie politique a empruntée à la thermodynamique afin de comprendre les variations des marchés. (2003, p. 43)

Une écologie est ainsi composée d’acteurs, de lieux et de liens (Abbott, 2003, p. 45). Les écologies forment quant à elles des « systèmes écologiques ». Il existe par exemple le système écologique de la profession, celui de l’État, ou encore, dans le cas de cette étude, le système écologique des arts martiaux mixtes français. C’est ce qu’il faut également comprendre par « écosystème » dans ce travail. Afin de comprendre le fonctionnement de ce système écologique concurrentiel, ou écosystème concurrentiel, il faut également prendre en compte les écologies des secteurs qui l’entourent et qui l’influencent, dont, les plus importants : le gouvernement, le secteur commercial, le mouvement sportif traditionnel (mouvement olympique), le secteur du sport associatif français, ou encore les médias. Dans l’analyse des écologies concernées par l’institutionnalisation du MMA en France, il est nécessaire de considérer différentes variables : la taille des acteurs qui les composent (car elle influence les possibilités d’alliances), les chevauchements avec d’autres écologies, le degré de concurrence au sein de l’écologie (s’agit-il d’un monopole, d’une concurrence parfaite, etc.), le mode d’adhésion à l’écologie (une certaine exclusivité existe-t-elle ou non) et le rythme de l’écologie (les cycles temporels qui la caractérisent).

Comme l’explique Abbott, « il ne se passe rien tant qu’un projet particulier ne met pas en œuvre un ensemble d’acteurs par-delà toutes les écologies. » (2003, p. 31) Si l’on se représente l’institutionnalisation du MMA en France comme un projet, il faut être conscient qu’il n’a pas pu se réaliser sans impliquer des acteurs de différentes écologies et sans les faire interagir. Ces interactions peuvent, comme l’explique le sociologue, résulter en des alliances entre plusieurs acteurs de différentes natures qui agissent contre d’autres alliances créées entre d’autres acteurs. Chaque acteur de chaque alliance a ses propres intérêts et buts et espère la « victoire » de son alliance pour satisfaire ces mêmes intérêts. Dans le cas du MMA français, il s’agit d’identifier les alliances créées, mais aussi de repérer les intérêts et buts de chaque acteur dans ces alliances afin, dans un deuxième temps, de comprendre les stratégies de chacun et ce qui les a motivées. Il s’agira d’enjeux locaux, propres à chaque écologie, dont la réussite ou l’échec aura par ailleurs des effets dépassant le niveau local, impactant toute l’alliance en question et donc toutes les écologies concernées (Abbott, 2003, p. 31).

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Ainsi, analyser les jeux de pouvoir autour de l’institutionnalisation du MMA en France selon l’approche des écologies liées veut dire analyser les liens qui se sont créés entre les acteurs des écologies concernées par ce projet. Cela implique, notamment, de retracer les alliances et les relations de concurrence qui se sont formées entres ces acteurs durant une période définie. Cette période, dans le cas de cette étude, correspond à la durée qui a été nécessaire à l’aboutissement du projet en question, depuis sa naissance. Ainsi, on considère ici que le processus d’institutionnalisation du MMA en France a débuté en 2002 et est arrivé à un premier résultat, plus précisément à la légalisation des combats sur le sol français et la délégation de la pratique à la FFB, en 2020.

Le cas pratique du permis médical à New York à la fin du 19ème siècle, illustrant la théorie des écologies liées d’Andrew Abbott, trouve un écho avec le cas de l’institutionnalisation du MMA en France. En effet, comme l’explique le théoricien social, « le permis médical ne pouvait voir le jour que dans la mesure où, d’une part, il s’imposait dans la sphère interprofessionnelle et où, d’autre part, il servait les intérêts de tel ou tel acteur dans l’écologie politique. » (Abbott, 2003, p. 39) Dans notre cas, il est possible d’affirmer que la légalisation des combats de MMA en France n’a pas pu voir le jour avant que ce projet s’impose dans le milieu du sport associatif français, mais surtout avant que ce projet ne serve les intérêts d’acteurs de la sphère politique. Reste à comprendre pourquoi ce processus de légalisation n’a été possible qu’entre 2019 et 2020, pourquoi le Ministère des Sports ne s’est saisi de cette problématique qu’à ce moment- là et pour servir quels intérêts ou répondre à quels enjeux ?

À propos d’enjeux, dans l’optique d’une analyse des jeux de pouvoir se mettant en place entre des acteurs d’un écosystème complexe et concurrentiel, il s’agit d’en définir les types afin de mieux appréhender les relations d’alliances ou de concurrences naissant au cours du processus d’institutionnalisation du MMA en France. À ce sujet-là, Pierre Bourdieu, dans son ouvrage « Questions de sociologie » (1984), plus précisément dans le chapitre « Comment peut-on être sportif ? », propose quelques pistes intéressantes sur lesquelles cette étude peut s’appuyer. Afin de bien saisir ce cadre théorique supplémentaire, il faut comprendre que Bourdieu considère les pratiques sportives comme un phénomène social particulier et le sport comme un champ social spécifique qu’il nomme « champ sportif ». Dans l’ouvrage précédemment cité, l’auteur s’interroge sur « les conditions sociales qui ont rendu possible la constitution du système des institutions et des agents directement ou indirectement liés à l’existence de pratiques et de consommations sportives […] » (Bourdieu, 1984, p. 174). Considérant le champ sportif comme étant « un champ de concurrence dans lequel s’affrontent des agents ayant des intérêts spécifiques liés à la position qu’ils y occupent » (Bourdieu, 1984, p. 174), il pose la question suivante :

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À partir de quel moment (il ne s’agit pas d’une date précise) on peut parler de sport, c’est-à-dire à partir de quand s’est constitué un champ de concurrence à l’intérieur duquel s’est trouvé défini le sport comme pratique spécifique, irréductible à un simple jeu rituel ou au divertissement festif. (Bourdieu, 1984, p. 175)

Bourdieu propose alors l’hypothèse d’une rupture entre le « sport moderne » et des activités que l’on peut considérer comme ses « ancêtres », qui serait fondatrice de la définition actuelle du sport. Une définition qui prendrait en compte les enjeux et les règles propres à ce champ de pratiques spécifiques « où s’engendre et s’investit toute une culture ou une compétence spécifique » (Bourdieu, 1984, p. 175). Le champ sportif, selon Bourdieu, est rationalisé et auto- administré en cela que des organismes bien précis jouissent de droits et de pouvoirs bien précis et exclusifs, comme par exemple le pouvoir disciplinaire d’une fédération nationale sur ses athlètes. Il est également doté d’une philosophie propre qui, selon l’auteur, est « une philosophie politique du sport » (Bourdieu, 1984, p. 178). Bourdieu souligne alors que la définition moderne du sport « est partie intégrante d’un ‘idéal moral’ » (1984, p. 180). Définir une pratique sportive comme « sport » sous-entend donc se plier à la satisfaction de plusieurs conditions sociales bien établies par le champ sportif, dominé par le mouvement sportif traditionnel. La volonté de s’y plier traduit alors un fort enjeu de légitimité pour les acteurs concernés. Dans le cas de cette étude, l’analyse porte justement sur le processus dit « d’institutionnalisation » des arts martiaux mixtes en France, autrement dit sur le processus de rassemblement des conditions sociales historiquement nécessaires à l’obtention du statut de « sport » comme défini par le mouvement sportif traditionnel. On comprend alors que l’enjeu de ce processus d’institutionnalisation ne se limite pas à un niveau organisationnel ou de régulation, mais porte également sur la question de la légitimation de cette pratique, ou de sa définition légitime en tant que sport. À nouveau, il convient de citer Pierre Bourdieu à ce sujet lorsqu’il écrit : « Le champ des pratiques sportives est le lieu de luttes qui ont, entre autres choses, pour enjeu le monopole de l’imposition de la définition légitime de la pratique sportive et de la fonction légitime de l’activité sportive […] » (1984, p. 181). Dans le cas présenté ici, on comprend que dans l’effort de régulation d’une pratique sportive pour le moment non-affiliée au mouvement sportif traditionnel, ou autrement dit non-reconnu par le mouvement olympique, une lutte pour le contrôle de la définition légitime des arts martiaux mixtes se met en place entre différents acteurs de cet écosystème en pleine mutation. D’un autre côté, en tant que préposé nouvel entrant au champ sportif, le MMA se confronte à l’histoire de ce champ en France et aux caractéristiques qui en découlent et qu’il faut accepter car, selon Bourdieu,

[…] chaque nouvel entrant doit compter avec un état déterminé des pratiques et des consommations sportives et de leur distribution entre les classes, état qu’il ne lui appartient pas de modifier et qui est le résultat de toute l’histoire antérieure de la 18

concurrence entre les agents et les institutions engagées dans le « champ sportif ». (1984, p. 189)

À nouveau, la volonté de faire entrer une pratique nouvelle dans ce moule, la volonté d’appartenir à ce champ social particulier et exclusif, met en lumière un enjeu de légitimation fort pour les acteurs concernés.

Remontant à la genèse de certains sports d’équipe, comme le football et le rugby en Angleterre, soit à leur « invention » comme moyens simples et économiques d’encadrement de jeunes adolescents, Bourdieu définit également le sport comme « un instrument et un enjeu de luttes entre toutes les institutions totalement ou partiellement organisées en vue de la mobilisation et de la conquête politique des masses […] » (1984, p. 186). On comprend bien ici quel enjeu politique il peut également exister dans l’institutionnalisation d’une pratique sportive pour différents acteurs politiques et économiques concernés. À première vue, le cas de l’institutionnalisation du MMA en France ne semble pas se présenter comme une exception à cette théorie.

Enfin, selon le sociologue français, la constitution du champ sportif a sa propre logique et ne peut se comprendre qu’à partir de sa propre histoire (Bourdieu, 1984, p. 176). Il en va de même pour ses parties, à savoir les pratiques sociales acceptées comme « sports » et donc légitimées à entrer dans ce champ social concurrentiel et exclusif. Le cas du MMA en France n’échappe pas à cette logique et afin d’asseoir l’analyse de son institutionnalisation et des jeux de pouvoir qui se sont mis en place à cette occasion entre les acteurs sociaux concernés, le chapitre suivant est dédié à l’historique de l’institutionnalisation du MMA en France, entre le début des années 2000 et le printemps 2020.

5. Bref historique de l’institutionnalisation du MMA en France

5.1. Le Ministère des Sports face à la question du MMA Le processus de légalisation des combats de MMA et d’institutionnalisation de la pratique en France a été rythmé par les changements de position du Ministère des Sports français. Si l’on remonte à l’essor international des arts martiaux mixtes, soit à la fin des années 1990 et au début des années 2000 (van Bottenburg & Heilbron, 2006), on retrouve notamment Jean- François Lamour à la tête de ce ministère entre 2002 et 2004 (Historique du/des ministre(s) en charge de la jeunesse et/ou des sports - Liste des ministres, s. d.). Or, il semblerait que celui-ci, tout comme Chantal Jouanno et Valérie Fourneyron, deux de ses successeurs, n’ait « jamais osé s’attaquer au problème », selon les propos de Patrick Vignal (Festor, 2016). Bien que ces derniers ne semblaient pas vouloir engager d’initiative pour réguler la situation d’une pratique en plein essor mais totalement fragmentée et désorganisée, cela ne les empêchait

19 pas de tenir des propos très clairs quant à leur avis sur le sujet, à l’image de Mme Jouanno, ancienne karatéka, qui déclarait en 2010 : « il n’y aura pas de légalisation du MMA. C’est contraire à toute éthique, contraire à toutes les valeurs du sport que l’on essaie de défendre, à toute forme d’art au sens propre. Cela n’a rien à voir avec le sport. » (Delalandre & Collinet, 2012, p. 293). Son successeur, l’ancien champion olympique de , David Douillet a ensuite représenté un nouvel élan d’espoir pour les adeptes de MMA en France. En 2011, il a même accepté le rôle de membre d’honneur au sein de la Commission Nationale de MMA (CNMMA, actuelle Commission Française de MMA ou CFMMA), présidée par Bertrand Amoussou (Bouteiller, 2011). Par la suite, en 2015, alors que Patrick Kanner est à la tête du Ministère des Sports, l’hebdomadaire L’Express écrit : « Le ministère des Sports prépare une mesure anti-MMA » (Daniez, 2015). C’est d’ailleurs sous le « régime » de M. Kanner et de Thierry Braillard, secrétaire d’État aux Sports de 2014 à 2016, qu’un arrêté ministériel interdisant les compétitions de MMA en France voit le jour en octobre 2016. De plus, le Ministère des Sports d’alors n’a pas attendu de connaître, ni de pouvoir prendre en considération les conclusions d’un rapport gouvernemental sur le MMA qui était attendu pour le mois de novembre de la même année (Seguin, 2016).

La situation à partir de ce moment-là se présente donc de la manière suivante : le MMA était interdit en compétition en France, il n’existait pas de fédération reconnue et agréée pour réguler et organiser la pratique, ni de formateurs diplômés, mais la pratique à l’entraînement existait bel et bien dans de nombreux clubs à travers le pays.

Le fameux rapport gouvernemental à propos des arts martiaux mixtes arrivait bien en novembre 2016 et son auteur, le député de l’Hérault Patrick Vignal, expliquait au contraire que « laisser les choses se faire sans contrôle » était la pire chose à faire et qu’il était souhaitable de labelliser des clubs afin de permettre la formation d’enseignants, d’arbitres, mais aussi d’organiser des compétitions pour observer leur déroulement (Rebilas, 2017). Il faudra attendre le printemps 2017 et l’arrivée de Laura Flessel à la tête du Ministère des Sports pour à nouveau trouver une potentielle alliée au MMA (Pereira, 2018). Celle-ci se prononcera publiquement en octobre 2017 et fera savoir qu’il lui semble « impossible de rester dans le statu-quo » étant tout à fait consciente du problème, mais aussi que le Ministère des Sports attendra de pouvoir s’appuyer sur les résultats d’un observatoire de la pratique coordonnée par la Confédération Française des Arts Martiaux et des Sports de Combat (CFAMSC) (Rebilas, 2017). Or celui-ci, composé des présidents des fédérations de judo, de karaté, de lutte, de kick boxing, muaythaï et disciplines associées (FFKMDA), de sociologues, de médecins et d’autres experts, ne donnera aucun résultat avant la fin de l’été 2018 (Pereira, 2018). Finalement, Mme Flessel aura certes permis de préparer le terrain, mais ne se sera pas plus impliquée que ses prédécesseurs sur la question de la régulation du MMA en France 20 durant son mandat. Elle est d’ailleurs remplacée, en septembre 2018, par celle qui actera la légalisation du MMA en France, Roxana Maracineanu. Ainsi, se basant sur les conclusions de l’observatoire mis en place par sa prédécesseur, la nouvelle Ministre des Sports et ancienne nageuse officialise au printemps 2019 son intention de légaliser les compétitions de MMA sur le sol français, à condition que la pratique s’affilie à une fédération déjà existante et bien structurée (L’Express, 2019).

C’est donc en juin 2019 que le Ministère des Sports lance un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) auprès des fédérations pour intégrer dans son giron cette pratique jusqu’alors décriée. Au début, les cinq fédérations « délégataires » suivantes étaient candidates pour accueillir le MMA : la FFKMDA, la fédération de judo, la fédération de lutte, la fédération de karaté et la fédération de savate-boxe française. Une autre fédération, celle-ci « affinitaire », l’était également, à savoir la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT) (Le Monde, 2019). À partir de là, les fédérations intéressées disposaient d’un délai de trois mois pour remettre leur dossier de candidature au ministère (sports.gouv.fr, 2019), puis une décision était prévue pour le 31 décembre 2019, après consultation du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), pour finalement légaliser les combats de MMA sur sol français le 1er janvier 2020. Néanmoins, un retard dans le processus est annoncé au début décembre 2019, causé par l’exclusion de la FSGT en raison de sa qualité de fédération multisport, qui a déposé un recours et a finalement pu réintégrer les rangs des fédérations candidates au « mariage » avec les arts martiaux mixtes français. La liste de celles-ci comptait alors toujours 6 organisations, mais la fédération de judo n’en faisait plus partie, alors que la fédération de boxe anglaise s’y ajoutait. La nouvelle date butoir pour la légalisation du MMA en France était alors fixée au mois de février 2020 (francsjeux.com, 2019). Les six fédérations candidates ont été auditionnées par une commission consultative du Ministère des Sports les 18 et 19 décembre 2019. Leur dossier, ainsi que leur présentation, devaient traiter des thèmes suivants : - Conditions d’accueil du MMA au sein de la fédération délégataire et de sa gouvernance ; - Règles et conditions de pratique et d’encadrement ; - Projet sportif (ce volet devant à terme évoluer en véritable projet de performance fédéral) ; - Règles techniques et de sécurité (avec notamment la mise en place d’un « protocole commotion ») ; - Articulation sport amateur et sport professionnel (chaque candidat devant présenter un plan visant à structurer un secteur professionnel) ; - Suivi de l’activité (et notamment de la santé des pratiquants). (sports.gouv.fr, 2019)

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Finalement, ce report très frustrant pour tous les Français adeptes des arts martiaux mixtes s’est avéré bien moins décisif puisque la Ministre des Sports annonça publiquement le mardi 21 janvier 2020 que la fédération française de boxe anglaise encadrerait la pratique du MMA durant plusieurs mois au moins, un bilan de la délégation étant prévu pour la fin de l’année (Guillas, 2020). La réponse du CNOSF à la proposition du Ministère des Sports fut rendue publique le 30 janvier 2020 et relayée, entre autres, par le site internet Boxemag.com qui titra « MMA – Le CNOSF a émis un avis ‘très réservé’ concernant la délégation du MMA à la FFB » (Boxemag.com, 2020). L’article citait justement la réponse complète transmise par le CNOSF mais n’apportait aucune explication quant aux raisons de cette déclaration d’avis défavorable. Bien que l’avis du CNOSF ne soit que consultatif, il est indispensable avant l’octroi par arrêté ministériel de cette délégation, par application de l’article R. 131-25 du code du sport (Bl., 2020).

Malgré l’avis défavorable du CNOSF, la Ministre des Sports a confirmé et officialisé la désignation de la FFB comme fédération délégataire du MMA sur le sol français, le 7 février 2020. Plus tard, elle s’est exprimée quant à sa décision d’opter pour une délégation de la pratique et a déclaré ceci :

Si j’ai fait le choix de lancer une procédure de délégation du MMA, c’est pour sa reconnaissance ; c’est pour libérer, encadrer et développer sa pratique mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix. Rien ne passera au-dessus de l’intérêt des pratiquants, amateurs et professionnels. Rien ne passera au-dessus de leur intégrité physique et morale. (FMMAF, 2020a)

Elle a également expliqué pourquoi le Ministère des Sports s’était tourné vers la FFB plutôt qu’une autre fédération candidate à la délégation des arts martiaux mixtes en France. Selon elle, la FFB « répondait de la manière la plus robuste et structurée à un grand nombre de critères. » (FMMAF, 2020a) De leur côté, les représentants de la fédération délégataire se sont exprimés publiquement pour souligner que cette démarche « n’est nullement opportuniste ni vitale » (FMMAF, 2020a) pour la FFB. Son directeur administratif, Jean-Baptiste Marsaud a d’ailleurs déclaré : « Si la FFBoxe s’est portée candidate, c’est d’abord parce qu’elle s’estime en capacité de le faire et qu’elle possède les atouts pour cela » (FMMAF, 2020a) et le président de la Ligue nationale de boxe professionnelle, Arnaud Romera, a ajouté : « Nous ne sommes pas dépendants du MMA et nous n’en avons pas besoin. Financièrement, structurellement, techniquement, tout va bien pour la boxe. » (FMMAF, 2020a)

5.2. Genèse de la FMMAF Nouvel acteur de l’écosystème du MMA français arrivé en avril 2020, la Fédération de MMA Française (FMMAF) est un organe interne à la FFB, créé par son Comité Directeur avec 22 l’accord de l’Assemblée Générale. Celle-ci doit « assurer la représentation, la gestion et la coordination des activités du MMA » conformément et en application des statuts et règlements de la FFB (FMMAF, s. d.). Bien que se limitant officiellement à un organe interne de sa fédération délégataire, la FMMAF est déjà nommée « fédération », a son propre logo, a déjà son propre site internet où figure notamment la liste de ses compétences et dispose de ses propres outils de communication digitale (page Facebook, compte Twitter et adresse e-mail) dès la mi-avril 2020. L’adresse postale de la FMMAF reste certes commune à celle de la FFB, mais la création d’une identité fédérale propre au MMA laisse penser que sa fédération délégataire ne cherche pas à s’approprier la discipline, ni à laisser naître un amalgame entre les deux sports de combat en France. La volonté de la FFB de communiquer à propos du MMA français au nom de la FMMAF et non pas au nom de la FFB permet également aux acteurs du MMA français de mieux s’identifier à leur organe fédéral dirigeant et facilite donc certainement l’approbation et l’acceptation des décisions prises par la fédération délégataire. Si la clause de divorce est bel et bien déjà négociée dans le contrat de mariage entre la FFB et le MMA français, la création de la FMMAF peut représenter une preuve rassurante pour les promoteurs du MMA en France que la discipline ne sera que temporairement sous tutelle et obtiendra son indépendance dans un futur plus ou moins proche. L’illusion d’une « coupure de cordon » anticipée est également donnée par le site internet de la FFB sur lequel, à moins de faire une recherche avec le mot clé « MMA », on ne peut trouver aucun lien avec le site internet de la FMMAF. Quelles que soient les réelles intentions de la FFB vis-à-vis des arts martiaux mixtes et de leur contrôle sur le sol français, la création de la FMMAF aura été une démarche stratégique bien pensée.

5.3. Les promoteurs du MMA et l’évolution de leurs stratégies Le processus d’institutionnalisation du MMA en France ne s’est pas fait comme aux États-Unis en suivant une logique purement commerciale, mais plutôt en suivant une logique hybride, entre para-sportification et logique sportive traditionnelle (Delalandre & Collinet, 2012, p. 310). Par sportification, il faut comprendre ici « la transformation d’une activité physique en un sport régulé par un ensemble de règles et de normes, légitimées par des institutions de tutelle » (Lebreton et al., 2010, p. 293).

Dès les premières tentatives de sportification de la pratique, les promoteurs du MMA en France s’évertuaient à présenter leur discipline sous un autre jour que celui imaginé par un public réticent. Delalandre et Collinet (2012) expliquent que les arguments des défenseurs du MMA en France face au rejet de leur discipline s’organisaient autour de trois pôles :

1. Un pôle technique qui s’applique à répondre aux critiques et idées reçues à propos de l’espace de combat, souvent appelé péjorativement « cage », à propos de l’autorisation

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des frappes au sol, souvent considérées comme dangereuses, et de la permissivité des rencontres. Les éléments cités, souvent faussement interprétés, représentent ainsi, selon les experts des arts martiaux mixtes, un intérêt technique ; 2. Un pôle sécuritaire qui s’attache à démontrer que le MMA n’est pas plus traumatisant que d’autres sports de combat ou de contact, au contraire, selon ses défenseurs ; 3. Un pôle moral qui s’emploie à prouver que les combattants de MMA respectent un code moral bien défini et qu’il n’y a rien d’immoral à s’affronter dans une « cage » ou à frapper un adversaire au sol (p. 304).

Or, la relativisation de la violence et la construction d’une éthique de la pratique n’ont pas suffi à changer l’image ancrée dans l’esprit des pouvoirs publics français qui ont fini, comme expliqué plus haut, par en interdire la pratique en compétition en 2016. De plus, comme le souligne Ramirez (2015) dans son travail, quelques acteurs gravitant autour du MMA français en particulier, les médias, les équipementiers, ou encore les promoteurs d’évènements, faisaient en sorte qu’il règne toujours une certaine logique commerciale autour de la discipline et jouaient des représentations négatives du MMA (violence, pas de limite, pas de règles, etc.) pour vendre leurs produits et tirer profit de la situation, alors que le milieu du MMA français était plutôt à la recherche d’une plus grande tolérance envers la pratique, ou une meilleure compréhension de sa dimension sportive, afin de dépasser ces représentations négatives qui avaient mené à une interdiction des combats (p. 400). Ainsi, les promoteurs du MMA en France ont dû emprunter une autre voie pour tenter d’aboutir à l’entière légalisation de la discipline, mais aussi à son acceptation.

Cette autre voie est celle de la structuration et de l’organisation de la pratique (Delalandre & Collinet, 2012, p. 302‑304). Parmi les structures qui se sont très tôt mises en avant afin de tenter de structurer et organiser le MMA, Delalandre et Collinet (2012, p. 306‑307) citent premièrement la Fédération Internationale de Luttes Associées (FILA), avec la collaboration de la Fédération Française de Lutte et Disciplines Associées (FFLDA). Deux figures de la FILA, Raphaël Martinetti, son président de l’époque, et Anne Pellaud, anciennement chargée du développement des disciplines non-olympiques au sein de la fédération, avaient fait connaître leur avis sur la question du MMA en France. Pour l’un comme pour l’autre, l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes relevait de la nécessité de ne pas laisser cette discipline historiquement développée selon des logiques commerciales, sous le seul joug d’organisations privées qui ne fonctionnent que selon les lois du marché et qui sont peu soucieuses des normes sportives (Delalandre & Collinet, 2012, p. 307). La FILA avait donc initié une démarche auprès des instances gouvernementales sportives françaises pour les convaincre du rôle qu’elle pouvait jouer dans la réglementation du MMA en France, notamment au travers de l’organisation de combats amateurs aux règles bien précises, mais aussi dans 24 le développement de cette discipline. Le Ministère des Sports de l’époque n’avait pas donné suite à cette démarche spontanée et, comme indiqué plus haut, avait campé sur ses positions concernant l’interdiction de la pratique en compétition sur le sol français.

Avant l’interdiction officielle, une autre organisation dont la vocation était de structurer le MMA en France avait vu le jour en 2008 : la Commission Nationale de MMA (CNMMA, actuelle Commission Française de MMA ou CFMMA), composée d’experts de différents sports. Sans reconnaissance étatique, cette organisation avait pour objectif premier la reconnaissance et la gestion du MMA en France, mais sans l’organisation de quelque compétition que ce soit. Au contraire, le cheval de bataille de la commission reposait sur la formation de coachs et moniteurs de MMA. Comme l’expliquent Delalandre et Collinet (2012) dans leur travail, cette démarche avait une double finalité : la première étant pratique puisque la formation de moniteurs permettait le recensement de clubs et d’enseignants et leur affiliation à un mouvement, la deuxième étant symbolique puisqu’il s’agissait de prouver au gouvernement que les arts martiaux mixtes pouvaient être encadrés de manière responsable et en toute sécurité (p. 308). Il semblerait même que le Ministère des Sports avait laissé entendre aux dirigeants de la CNMMA, de manière officieuse, qu’il était possible que le cas du MMA soit réévalué en vue d’une potentielle reconnaissance si ceux-ci parvenaient à former des moniteurs et fédérer la pratique en France en deux ans.

Une troisième voie a été empruntée par les pratiquants de pancrace, discipline très proche du MMA, bien que moins permissive, parmi lesquels un groupement associatif constitué en France dans les années 1990. Les cadres de ce groupement cherchaient ainsi à proposer une pratique du MMA reconnue par l’État, c’est-à-dire sous forme de pancrace, sans frappe au sol et dans un ring. Une reconnaissance qu’ils ont obtenu en intégrant la Fédération Française de Sports de Contact et Disciplines Associées (FFSCDA) en 2009. Ainsi, les compétitions de pancrace organisées en France à partir de ce moment-là étaient un compromis entre l’autorisation d’utiliser un large éventail de techniques de combat et la demande pour une pratique moins violente et soucieuse de l’intégrité physique des athlètes (Delalandre & Collinet, 2012, p. 306).

Enfin, il est important de souligner que le monde du MMA français a lui-même « retourné sa veste » au moins une fois durant ce long processus de reconnaissance et d’institutionnalisation de la pratique. En effet, lorsque le CNMMA a vu le jour, ses dirigeants affirmaient vouloir garantir l’autonomie de leur organisation et ne dépendre d’aucune fédération sportive déjà existante, par peur d’être « manipulés », comme l’écrivent Delalandre et Collinet (2012, p. 308). Or, l’issue de ce processus d’institutionnalisation est maintenant connue et s’articule justement autour d’une dynamique de dépendance en raison de la

25 délégation totale des compétences d’organisation et de structuration de la pratique des arts martiaux mixtes à une fédération nationale déjà existante, à savoir celle de la boxe anglaise, bien que ce contrat de mariage contienne déjà une clause à propos d’un futur divorce.

6. L’écosystème du MMA français Le processus d’institutionnalisation des arts martiaux mixtes doit être compris et considéré comme ce qu’il est, c’est-à-dire un processus dynamique. La même logique doit ainsi s’appliquer à l’écosystème dans lequel ce projet a pris vie. Par ailleurs, il est très difficile de se représenter un écosystème dynamique, c’est pourquoi, dans le cadre de ce travail, plusieurs représentations visuelles statiques de l’écosystème du MMA français sont présentées. Pour des raisons de simplification nécessaire à l’analyse qui suit, trois périodes ont été identifiées. La première correspond à la situation qui était valable depuis le début du processus étudié ici, soit en 2002, comme indiqué au chapitre 3. Problématique et méthodologie, jusqu’en 2019, c’est-à-dire avant la délégation de la pratique à la FFB et la légalisation officielle des combats de MMA. La deuxième période représente une situation intermédiaire durant le processus d’institutionnalisation de la pratique, soit au printemps 2020, au moment où toutes les données nécessaires à ce travail ont été rassemblées et analysées. La troisième période correspond à une projection dans le futur, c’est-à-dire à la situation qu’il sera possible d’observer lorsque le MMA sera bel et bien institutionnalisé en France.

Les deux premières représentations de l’écosystème étudié, proposées aux pages suivantes sous forme de schémas, servent notamment à souligner les premiers effets d’un évènement clé dans le processus d’institutionnalisation, à savoir l’annonce officielle de la délégation du MMA à la FFB et de la légalisation de cette pratique en compétition sur le sol français. Ainsi, la première période, de 2002 à 2019, présente l’écologie des acteurs émergents non-affiliés ainsi que celle des entrepreneurs du MMA hors du champ sportif car ceux-ci n’étaient tout simplement pas reconnus par le système de gouvernance du sport français. Suite à l’évènement clé de janvier 2020, il est considéré ici que les acteurs de ces deux écologies, forts d’une nouvelle reconnaissance de la part du Ministère des Sports, ont intégré ce champ sportif. Cette situation intermédiaire est la base de l’analyse présentée dans ce travail. La troisième représentation de l’écosystème étudié intervient seulement à la fin de cette étude.

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Schéma 1 : Ecosystème du MMA français de 2002 à 2019 27

Schéma 2 : Ecosystème du MMA français au printemps 2020 28

6.1. Les acteurs sociaux concernés par l’institutionnalisation de la pratique La revue de la littérature exposée plus haut, le bref historique de l’institutionnalisation du MMA français présenté au chapitre 5, ainsi que l’enquête qualitative menée sur le terrain ont permis d’identifier de nombreux acteurs concernés par l’institutionnalisation du MMA en France. Tous ces acteurs font donc partie de différentes écologies, comme illustré plus haut, elles-mêmes composant l’écosystème concurrentiel du MMA en France au sein duquel des alliances ou des relations de concurrence se forment et des relations de pouvoir apparaissent. Tout type de relation entre écologies et/ou types d’acteurs est représenté comme « lien » sur les schémas proposés.

Voici ci-après une première liste non-exhaustive des acteurs sociaux concernés par l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France. De manière cohérente avec les représentations visuelles présentées, elle est premièrement organisée en deux grands ensembles : « Champ sportif » et « Hors champ sportif », selon la théorie de Bourdieu exposée précédemment, ce qui permet de mettre en avant un premier niveau structuré de cet écosystème. Ce premier niveau de classement souligne également le principe considéré dans ce travail selon lequel le champ sportif doit être compris en tant que champ social très singulier qui a sa propre histoire, sa propre doxa et fonctionne selon des principes et des règles qui lui sont propres. Puis, les acteurs, identifiés ici par types d’acteurs, sont classés selon une logique d’écologies basée sur la théorie d’Abbott présentée elle aussi au chapitre 4. Ce deuxième niveau de classement permet de considérer les espaces sociaux composant les deux champs de manière moins structurée, mais aussi de mieux appréhender les relations ou liens entre ces espaces sociaux et les acteurs qui les composent. Pour rappel, cela correspond à un état des lieux observé en printemps 2020, comme illustré sur le schéma 2 ci-dessus.

Champ sportif Hors champ sportif

Acteurs émergents non-affiliés Acteurs politiques • Pratiquants de MMA • Ministère des Sports • Entraîneurs de MMA Acteurs économiques Entrepreneurs du MMA • Sponsors • Clubs de MMA Médias • Ligues privées de MMA • Organisateurs d’évènements • Équipementiers

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Champ sportif Hors champ sportif

Mouvement associatif • Organes dirigeants • Groupements sportifs • Régulateurs

6.1.1. Caractéristiques des écologies Comme indiqué dans le cadre théorique présenté au chapitre 4, l’analyse des écologies identifiées ci-dessus nécessite de considérer différentes variables qui influencent le fonctionnement de l’écosystème étudié. Puisque ce travail se penche plutôt sur les relations, autrement dit les jeux de pouvoir, qui se mettent en place entre les écologies considérées, et moins sur l’analyse profonde de chacune d’elles, seules quelques caractéristiques particulières sont relevées.

Taille des acteurs

Cette première variable permet de mettre en avant la domination d’un acteur particulier au sein de l’écologie des entrepreneurs du MMA, plus particulièrement dans l’ensemble des ligues privées de MMA : l’UFC. En effet, plus grande organisation privée américaine d’arts martiaux mixtes, il faut savoir que l’UFC, en 2008, alors que sa valeur marchande était estimée à 1 milliard de dollars américains, absorbait déjà 90% des revenus de l’industrie internationale du MMA (Miller, 2008). En 2016, la ligue a été rachetée pour 4 milliards de dollars américains, ce qui a constitué un record historique (Smith, 2019).

Chevauchements avec d’autres écologies

La question des chevauchements entre écologies est particulièrement délicate en ce qui concerne le système de gouvernance du sport en France. Plus particulièrement, déterminer la position du Ministère des Sports s’avère être un exercice très complexe. En effet, cet acteur, par sa fonction, se trouve à la frontière du champ sportif tel que défini précédemment. Selon la définition de sa mission générale par le gouvernement français, « le ministère des Sports a pour mission la préparation et la mise en œuvre de la politique gouvernementale relative à la promotion et à l'organisation des activités physiques et sportives. » (Gouvernement.fr, s. d.). Ainsi, on parle bien de politique gouvernementale, et bien que celle-ci concerne la promotion et l’organisation du sport en France, donc un objet qui, théoriquement, appartient au champ sportif tel que défini dans ce travail, il semble que la place du Ministère des Sports se trouve bien au sein de l’écologie des acteurs politiques en premier lieu. Cependant, ne pas tenir 30 compte du fait que ce ministère met à disposition des fédérations nationales sportives de nombreux cadres d’État serait une erreur. Dans le cadre de ce travail, ce rapport très important et très étroit entre le Ministère des Sports et les fédérations nationales, qui appartiennent à l’écologie du mouvement associatif, est représenté visuellement comme un lien (cf. Schéma 2 : Ecosystème du MMA français au printemps 2020).

Degré de concurrence au sein de l’écologie

Concernant la variable du degré de concurrence au sein d’une écologie, il est intéressant de relever l’importante différence qu’il existe dans l’écosystème étudié entre des écologies très concurrentielles comme celles des acteurs économiques, des médias ou encore des entrepreneurs du MMA, et des écologies au fonctionnement plutôt monopolistique comme, par exemple, le mouvement associatif au sein duquel un très petit nombre d’acteurs sont dominants.

Mode d’adhésion à l’écologie

Le mode d’adhésion à l’écologie du mouvement associatif est intéressant à souligner car il est fortement exclusif. Particulièrement dans le cas de la France, une organisation sportive ne peut se targuer d’appartenir à ce mouvement sans l’approbation officielle, autrement dit la reconnaissance officielle, de la part du Ministère des Sports. Au niveau international, cette même exclusivité est valable, notamment pour l’adhésion au mouvement olympique dominé et gouverné par le CIO.

Rythme de l’écologie

Deux écologies sont particulièrement rythmées par des cycles temporels réguliers : les acteurs politiques et le mouvement associatif. Alors que les premiers fonctionnent au rythme des cycles électoraux, le deuxième s’organise depuis très longtemps autour des cycles olympiques.

6.1.2. Les écologies liées En France, le système d’organisation du sport explique que des écologies du champ sportif et hors champ sportif, comme catégorisé ci-dessus, soient liées par les interactions qui ont lieu entre des acteurs qui les composent. À nouveau, la situation décrite et analysée dans cette section correspond à un arrêt sur image à un certain moment durant le processus d’institutionnalisation du MMA en France, c’est-à-dire au printemps 2020, comme précédemment illustré sur le schéma 2.

Le premier cas évident de liaison entre deux écologies différentes, l’une appartenant au champ sportif et l’autre non, est celui provoqué par les interactions entre le Ministères des Sports

31 français et chacune des fédérations sportives nationales en France. En effet, comme a pu l’expliquer un participant à l’enquête qualitative menée, qui est employé par la FFB et impliqué dans la gestion de la délégation du MMA, en France, le Ministère des Sports détient le pouvoir exclusif de choisir à quelle fédération sportive nationale la délégation, donc la régulation et l’organisation d’une pratique sportive, revient exclusivement. Cela montre bien que l’écologie des acteurs politiques (hors champ sportif) et l’écologie du mouvement associatif (champ sportif) sont liées et que la position de force, en ce qui concerne la délégation d’une pratique sportive sur le sol français, semble plutôt se trouver du côté des acteurs politiques et donc hors du champ sportif. Pour mettre le doigt sur un deuxième cas d’écologies liées au sein de l’écosystème dont il est question dans ce travail, il faut savoir que le système sportif français a subi une réforme à partir de février 2019, qui vise notamment à renforcer le soutien à la performance sportive en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris. L’ancien modèle reposant sur le Centre National de Développement du Sport (CNDS) a ainsi été abandonné pour laisser place à la création d’un nouveau Groupement d’Intérêt Public (GIP) appelé Agence Nationale du Sport dont la gouvernance est partagée entre quatre collèges de représentants de l’État, du mouvement sportif, des collectivités territoriales et des acteurs économiques (agencedusport.fr, s. d.). Cette agence étant présidée par le Délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques et étant qualifiée de Groupement d’Intérêt Public qui, comme son nom l’indique, est une entité de droit public, appartient de prime abord à l’écologie des acteurs politiques (hors champ sportif) comme nommé dans l’écosystème présenté ici, et met en avant des liens clairs avec l’écologie des acteurs économiques (hors champ sportif) et l’écologie du mouvement associatif (champ sportif) sur des questions de sport. Les médias quant à eux entretiennent des liens avec deux écologies du champ sportif, le mouvement associatif et tous les acteurs qui le composent, ainsi que les entrepreneurs du MMA pour ce qui est de la médiatisation de cette discipline hybride puisque, jusqu’à la légalisation officielle des combats de MMA en France et la délégation de la pratique à la FFB, celle-ci n’était pas représentée au sein du mouvement sportif associatif. Le schéma concernant le sponsoring du MMA avant l’institutionnalisation de la discipline sur le sol français est similaire et résulte donc en deux liens existants entre les acteurs économiques (hors champ sportif) et, premièrement les acteurs émergents non-affiliés, deuxièmement les entrepreneurs du MMA.

Au sein du champ sportif de l’écosystème du MMA français, on trouve également des liens évidents entre l’écologie des acteurs émergents non-affiliés que sont les pratiquants et entraîneurs de MMA, et l’écologie des entrepreneurs du MMA que sont les clubs de MMA, les organisateurs d’évènements de sports de combat, les équipementiers ou encore les ligues privées de MMA. Ainsi, jusqu’à l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France, c’est

32 le seul lien qui existait entre deux écologies du champ sportif de l’écosystème du MMA français. L’institutionnalisation du MMA représente alors l’outil visant, dans un premier temps, à créer un lien entre les acteurs émergents non-affiliés et le mouvement associatif, puis, à intégrer ces mêmes acteurs émergents au mouvement sportif dominant, par délégation, l’organisation et la régulation du sport en France.

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6.1.3. Grille d’analyse des principaux acteurs

Type d’acteurs Ecologie Juridiction Hypothèses sur les enjeux de l’institutionnalisation du MMA en France Pratiquants MMA Acteurs émergents Performance sportive Légitimation de la pratique non-affiliés Professionnalisation de la pratique Visibilité de la pratique Entraîneurs MMA Acteurs émergents Enseignement de la pratique Légitimation de la pratique non-affiliés Professionnalisation de la pratique Visibilité de la pratique Clubs de MMA Entrepreneurs du Lieux et prix de l’enseignement de la Légitimation de la pratique MMA pratique Visibilité de la pratique Économiques Ligues privées Entrepreneurs du Pratique compétitive professionnelle Légitimation de la pratique MMA Visibilité de la pratique Économiques Organisateurs Entrepreneurs du Organisation d’évènements Visibilité de la pratique évènements MMA Économiques Équipementiers Entrepreneurs du Production et offre d’équipements Visibilité MMA Économiques Organes dirigeants Mouvement Pratiques sportives affiliées et leur Contrôle de la pratique associatif définition légitime Contrôle de la définition légitime de la pratique Économiques

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Type d’acteurs Ecologie Juridiction Hypothèses sur les enjeux de l’institutionnalisation du MMA en France Politiques

Groupements Mouvement Certains niveaux des pratiques affiliées Contrôle de certains niveaux de la pratique sportifs associatif (par délégation) Économiques Politiques Régulateurs Mouvement Régulation des pratiques affiliées (par Contrôle de la régulation de la pratique associatif délégation) Économiques Politiques Ministère des Sports Acteurs politiques Reconnaissance des pratiques et aides Contrôle de la pratique étatiques Contrôle de la définition légitime de la pratique Politiques Agence Nationale du Acteurs politiques Aides financières, humaines et Économiques Sport organisationnelles aux pratiques Politiques reconnues Sponsors Acteurs Offres de sponsoring Visibilité économiques Économiques Médias Médias Information sportive et visibilité des Économiques pratiques Politiques

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Dans le tableau ci-dessus, ce qu’il faut comprendre par « juridiction » est, selon le modèle théorique des écologies liées de Andrew Abbott (2003), un contrôle légitime (p. 30). Au sein de l’écologie des acteurs émergents non-affiliés (au mouvement sportif associatif), l’étendue des juridictions n’est pas très importante. Les pratiquants de MMA en France ont uniquement un contrôle légitime de leurs performances sportives. Leurs entraîneurs ne maîtrisent quant à eux « que » l’enseignement de la discipline et détiennent un savoir-faire qui a une certaine valeur car il intervient indirectement sur la performance sportive.

Dans une autre écologie, les clubs de MMA touchent également à une juridiction autour de l’enseignement du MMA, à savoir celle des lieux d’entraînement et de leur prix. Parmi les entrepreneurs du MMA, les plus puissants, autrement dit les acteurs dont la juridiction est importante au sein de l’écosystème concerné, sont très clairement les ligues privées et, parmi celles-ci, l’UFC en est le leader incontesté. En effet, ces ligues privées ont le contrôle légitime de la pratique compétitive professionnelle du MMA. Elles en maîtrisent la composition des combats, leur mise en scène et leurs résultats, autrement dit le classement mondial de l’élite du MMA. À côté des ligues privées, on retrouve les organisateurs d’évènements de MMA qui ont le contrôle des évènements qu’ils organisent. Les équipementiers de leur côté contrôlent la production et l’offre des équipements de MMA.

Au sein de l’écologie du mouvement associatif, les juridictions s’organisent de manière hiérarchique. Au sommet se trouvent les organes dirigeants, par exemple le CIO, qui contrôlent, de manière globale, les pratiques affiliées au mouvement sportif traditionnel. Leur juridiction s’étend donc non seulement à l’organisation de ces pratiques, aux compétitions de haut-niveau et donc aux classements mondiaux de l’élite des sports affiliés, mais aussi à la définition légitime de ces sports. En effet, si l’on reprend l’exemple du CIO, celui-ci a le contrôle de la définition légitime d’un « sport olympique », statut qui a historiquement beaucoup de valeur dans le champ sportif. À un niveau hiérarchique inférieur, on retrouve par exemple les Fédérations Internationales (FI), puis les Fédérations Nationales (FN) ou d’autres associations sportives, regroupées ici dans l’ensemble appelé « groupements sportifs », et à qui les organes dirigeants ont délégué le contrôle légitime, à des niveaux définis, des pratiques affiliées. Le troisième type d’acteur de l’écologie du mouvement associatif, les « régulateurs », représentent les organisations à qui les organes dirigeants ont délégué le contrôle de la régulation des pratiques affiliées, à savoir le contrôle légitime des règles imposées aux membres de ce mouvement et le contrôle de leur application.

Hors du champ sportif, au sein de l’écologie des acteurs politiques, deux types d’acteurs ont été considérés : le Ministères des Sports et l’Agence Nationale du Sport. Le premier peut se targuer d’avoir le contrôle légitime de la reconnaissance étatique des pratiques sportives et

36 des aides étatiques qui peuvent leur être accordées. La deuxième est un type d’acteurs hybride, comme expliqué plus haut, dont la juridiction s’étend à l’octroi d’aides financières, humaines et/ou organisationnelles aux pratiques sportives reconnues par l’État français et le mouvement olympique puisque l’un des buts avoués de cette nouvelle agence est l’amélioration des performances sportives françaises en vue des Olympiades de 2024 qui se dérouleront dans la capitale française. Parmi les acteurs économiques concernés par la question de l’institutionnalisation du MMA en France, les sponsors, ou potentiels sponsors, occupent une position importante dans l’économie de cette pratique peu soutenue par des financements publics, ce qui leur octroie un certain pouvoir. Enfin, les médias, formant une écologie à eux seuls, étendent leur juridiction à l’information sportive et à la visibilité des pratiques sportives, bien que celle-ci soit de plus en plus contestée ; par exemple par les réseaux sociaux ou par l’apparition de canaux de médiatisation développés par ces mêmes acteurs qui maîtrisent les pratiques médiatisées, notamment le CIO et sa web TV Olympic Channel.

La dernière colonne du tableau ci-dessus propose des hypothèses sur les enjeux de l’institutionnalisation du MMA en France pour les différents types d’acteurs de l’écosystème considéré. Chez les deux types d’acteurs de l’écologie des acteurs émergents non-affiliés, on retrouve les mêmes hypothèses. À priori, pour les pratiquants de MMA comme pour leurs entraîneurs, des enjeux de légitimation du MMA en tant que sport en France, des enjeux de visibilité de la pratique en France et ailleurs, ainsi que des enjeux de professionnalisation tant des athlètes que des entraîneurs se cristallisent autour du processus d’institutionnalisation de la pratique. Du côté des entrepreneurs du MMA, des enjeux de visibilité existent pour tous les types d’acteurs, même si l’objet de cette visibilité peut différer quelque peu, comme c’est le cas avec les équipementiers pour qui une visibilité doit être atteinte sur les équipements qu’ils offrent et leur marque, mais cela passe forcément par une meilleure visibilité du contexte dans lequel ces équipements apparaissent et donc par une meilleure visibilité de la pratique du MMA. De manière similaire, tous les entrepreneurs du MMA sont animés par des impératifs économiques et l’institutionnalisation du MMA en France, particulièrement la légalisation des combats de MMA sur le sol français représente pour ces acteurs une potentielle expansion de leur marché. L’hypothèse d’enjeux de légitimation de la pratique n’a été formulée que pour deux types d’entrepreneurs du MMA, à savoir les clubs de MMA et les ligues privées de MMA, car l’existence de leur activité économique semble en dépendre davantage que l’activité économique d’un équipementier ou d’un organisateur d’évènements.

Au sein de l’écologie du mouvement associatif, les choses se complexifient et les enjeux se multiplient. Premièrement, du côté des organes dirigeants, comme par exemple le CIO ou la GAISF, le contrôle global d’une pratique attractive et lucrative représente, à priori, un très 37 grand enjeu. Puisque le MMA a prouvé être une pratique sportive rentable pour d’autres acteurs non-affiliés au mouvement sportif traditionnel, des enjeux économiques sont également bien présents pour les organes dirigeants comme pour les groupements sportifs à qui ils délèguent une partie de leurs pouvoirs. L’hypothèse d’un enjeu de contrôle de la définition légitime à donner aux arts martiaux mixtes en France est formulée pour deux types d’acteurs intégrés dans deux écologies différentes : les organes dirigeants du mouvement associatif et le Ministère des Sports, classé comme acteur politique dans l’écosystème analysé. En effet, en France, le Ministère des Sports reconnaissant le mouvement sportif traditionnel, est amené à s’entendre avec ses organes dirigeants sur la définition légitime de « sport » sur son territoire. Ainsi, au sommet de la hiérarchie du champ sportif français, ces deux types d’acteurs détiennent le « pouvoir légitime » de définir ce qui est considéré comme « sport » ou non, et si ce contrôle venait à leur échapper, l’étendue de leur juridiction sur ce domaine s’en verrait remise en question. On comprend alors que des enjeux politiques en découlent pour le Ministère des Sport comme pour les acteurs de l’écologie du mouvement associatif. Concernant les régulateurs du mouvement associatif, comme par exemple, en France, l’AFLD à qui incombe la régulation de la lutte anti-dopage, l’hypothèse d’enjeux politiques, économiques et de contrôle de la régulation du MMA est formulée selon une réflexion tout à fait similaire à celle faite autour des enjeux existants pour les organes dirigeants. L’institutionnalisation du MMA en France peut représenter une source de redéfinition ou de remise en question de l’étendue de la juridiction des régulateurs et donc en découlent des enjeux politiques (quant à leur poids au sein de l’écosystème considéré) et économiques (quant à l’étendue de leur activité, bien qu’à but non-lucratif). Enfin, pour ce qui est de l’écologie des acteurs économiques et celle des médias, les hypothèses sur les enjeux économiques, politiques et de visibilité sont proposées de manière très intuitive considérant le type d’activités menées par les sponsors et les médias autour d’une pratique sportive institutionnalisée.

Ainsi, en tant que projet susceptible de provoquer plusieurs changements profonds de l’écosystème étudié et de sa dynamique, l’institutionnalisation du MMA en France porte, hypothétiquement et de manière résumée, d’importants enjeux autour du contrôle de la pratique dans l’Hexagone (qui en aura/auront le pouvoir effectif ?), ainsi qu’autour du contrôle de la définition légitime de la pratique (par qui et à quel niveau le MMA sera-t-il adoubé ?). Ces enjeux sont économiques, politiques, ou encore symboliques selon le type d’acteurs considéré et en fonction du type de profit qu’il serait en mesure de tirer des changements provoqués par le processus d’institutionnalisation dont il est question.

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7. Enquête qualitative

7.1. Analyse des entretiens oraux et interviews Dans cette première partie d’analyse, les données prises en compte sont celles obtenues grâce aux entretiens oraux semi-directifs menés sur le terrain et au visionnage des interviews menées dans le cadre du magazine hebdomadaire consacré au MMA français sur MMA TV durant le deuxième semestre de l’année 2019. Les résultats sont présentés par thématique afin, dans un premier temps, de comparer les discours tenus par les différents types d’acteurs, puis dans le but de mettre en perspective les hypothèses sur les enjeux des acteurs concernés formulées au chapitre précédent. Au niveau temporel, il faut savoir que l’annonce de la légalisation des combats de MMA sur le sol français et de la délégation de la discipline à la FFB est intervenue entre les deux récoltes de données faites sur le terrain, à Paris. Ainsi, le guide d’entretien utilisé se voulant évolutif, les questions concernant la légalisation du MMA en France et son institutionnalisation étaient formulées de manière cohérente avec l’actualité et l’état du processus d’institutionnalisation valable au moment des échanges. De plus, les interviews du MMAG analysées ont toutes été enregistrées en 2019, soit avant la légalisation officielle du MMA français. Les thématiques traitées ci-après ne sont donc pas tout à fait égales en termes de données récoltées, ni en termes d’informations à disposition des personnes interviewées.

7.1.1. Typologie des acteurs interviewés Avant de débuter l’analyse des entretiens oraux et interviews, une brève analyse de la typologie des acteurs concernés par ces entretiens et interviews est nécessaire afin de mettre en perspective les résultats obtenus et les biais existants autour de ceux-ci, causés par les caractéristiques de l’échantillon d’acteurs qu’il a été possible de rencontrer ou d’écouter. Cet échantillon est composé de 39 individus issus de l’écosystème du MMA français.

Sur les deux diagrammes ci-dessous, on observe que l’échantillon de personnes interviewées est largement dominé par un type d’acteurs : les pratiquants. Les entraîneurs étant eux aussi nombreux, l’écologie des acteurs émergents non-affiliés représente plus de la moitié des écologies qu’il a été possible de découvrir au travers des discours tenus par des acteurs qui en font partie. L’écologie des acteurs politiques et celle des acteurs économiques sont absentes de l’échantillon analysé. Il faut également souligner que, pour 39 individus interviewés, 62 types d’acteurs ont été comptés car la majorité de ces personnes cumulent plusieurs fonctions au sein de l’écosystème considéré. Beaucoup d’entraîneurs sont des pratiquants actuels ou anciens, ce qui a été pris en compte dans la typologie puisque leurs discours laissaient transparaître une double vision ou une double position par rapport aux sujets abordés. 39

Écologies

Acteurs émergeants non-affiliés Entrepreneurs du MMA Mouvement associatif Acteurs politiques Acteurs économiques Médias

Diagramme 1 : Représentation de l’échantillon par écologies

Types d'acteurs

Pratiquants MMA Entraîneurs MMA Clubs MMA Ligues privées Organisateurs événements Équipementiers Organes dirigeants Groupements sportifs Régulateurs Ministère des sports Agence nationale du sport Sponsors Médias

Diagramme 2 : Représentation de l’échantillon par types d’acteurs

Parmi les pratiquants, comme le montre le diagramme correspondant ci-dessous, une écrasante majorité de compétiteurs ou d’anciens compétiteurs ont été interviewés. Concernant cette caractéristique en particulier, l’échantillon de personnes interviewées se trouve ne pas être représentatif de la réalité. Au contraire, comme l’ont souligné plusieurs acteurs rencontrés, le pourcentage de pratiquants compétiteurs en MMA en France, comme ailleurs au fur et à mesure de la démocratisation de cette pratique née de l’élite et de la compétition, semblerait être plus faible que le pourcentage de pratiquants loisir. Finalement, la proportion d’hommes et de femmes interviewés, issus de l’écosystème du MMA français, semble quant à elle plus proche d’une réalité qui veut que ce milieu reste aujourd’hui encore très masculin.

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Pratiquants Genre

Pratiquants loisir

Compétiteurs ou anciens compétiteurs Hommes Femmes

Diagramme 3 : Proportion de pratiquants Diagramme 4 : Proportion d’hommes et de loisir et de compétiteurs ou anciens femmes dans l’échantillon analysé compétiteurs dans l’échantillon analysé

Le détail de cette typologie est présenté sous forme de tableau à la fin de ce travail, au chapitre 11. Annexes.

7.1.2. Description, caractéristiques et attraits de la discipline Afin de contextualiser le discours tenu par les différents types d’acteur interviewés, il est intéressant d’analyser comment ceux-ci décrivent la discipline des arts martiaux mixtes et de comprendre quels attraits elle a à leurs yeux, ce que cette discipline représente pour eux et donc quelle importance elle revêt.

Pratiquants et entraîneurs de MMA

Parmi les pratiquants et entraîneurs de MMA français, plusieurs thématiques reviennent lorsque ceux-ci expliquent comment et pourquoi ils se sont lancés dans la pratique de cet art martial hybride. La majorité des pratiquants et anciens pratiquants interrogés pratiquaient d’autres sports de combat ou d’autres arts martiaux avant de connaître et de s’essayer au MMA. Pour la plupart de ces personnes, un intérêt martial et technique est à l’origine de leur envie ou de leur volonté de pratiquer le MMA régulièrement. Certaines personnes y ont également vu une opportunité de développement personnel (physique et mental). D’autres encore ont été attirées par l’image permissive que renvoie cette discipline, par l’impression d’être moins limité dans ses mouvements grâce à la très large palette de techniques utilisables et utilisées dans les arts martiaux mixtes. Quelques pratiquants ou anciens pratiquants avouent avoir été attirés par la violence, le danger et le côté « bagarre » que dégage cette discipline. Le MMA semble donc contenir un aspect transgressif attirant pour ces personnes. Enfin, au contraire, certains pratiquants disent y avoir trouvé un cadre ou un moyen de canaliser leur énergie et leur colère.

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« Il y a aussi un côté vachement instinctif, pas animal mais vraiment un peu… le sol par exemple moi je trouve ça super instinctif, c’est des trucs tu te roules au sol… [...] Il y a tellement de filtres dans la société qui t’empêchent d’avoir accès à ça que là tu te retrouves à pouvoir exprimer des trucs qui sont là quoi, et que le cadre permet que ce soit légitimé, valorisé et toi- même ça te met dans une sphère positive de transformer ces émotions et ces sensations en quelque chose de productif et c’est ça en fait qui est génial, d’avoir vraiment trouvé le sport qui permette ça ... » Athlète de MMA française (compétitrice) – Interview 17 – 12.12.19, Paris

« Ce qui me plaisait c’est que c’est une discipline qui se rapprochait le plus d’un combat réel. La discipline me plaisait beaucoup car plusieurs aspects du combat : lutte, boxe, … tout en même temps mélangés ça donne une impression de combat plus réel que genre la boxe parce qu’ils se servaient pas de tout leur corps, de toutes leurs capacités. » Athlète de MMA français (pratiquant loisir) – Interview 15 – 11.02.20, Paris

« C’est magnifique parce qu’on peut tout faire dans ce sport-là. On peut faire des coups de coude, des coups de genou, des kicks, de la boxe, ... » Athlète de MMA française (compétitrice pro) – Interview 19 – 13.02.20, Paris

« Pour moi c’est le sport qui regroupe tous les sports de combat donc c’est le meilleur sport de combat en fait. » Mansour Barnaoui, combattant français au Road FC (champion Lightweight Road FC 54) – MMAG #3 (MMATV, 2019)

Un seul pratiquant (loisir) a mentionné la cherté de la pratique du MMA en club en France. Pour celui-ci, cet élément a constitué un frein à son initiation aux arts martiaux mixtes pour lesquels il nourrissait déjà un grand intérêt. Ce genre de pratiquants pourraient donc tirer profit financièrement de l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France et d’un accès facilité aux structures de formation, d’une démocratisation plus importante de cette discipline qui pourrait en découler.

Lorsque les compétiteurs et entraîneurs décrivent le fonctionnement de leur discipline en compétition et expliquent l’évolution qui est possible pour un athlète entre le circuit amateur et le circuit professionnel, ils relèvent le problème de définition et de valeur du statut d’athlète « professionnel » de MMA. En effet, l’adjectif « professionnel » dans le cas des arts martiaux mixtes, en France comme ailleurs, est utilisé dès le moment où un athlète combat pour de l’argent, c’est-à-dire pour une prime de match. Or, selon les explications des acteurs concernés, à moins de combattre au sein d’une importante organisation privée tel l’UFC, ces primes de match sont peu élevées et ne permettent pas aux athlètes qui les gagnent d’en vivre. Il existe donc, au sein du circuit dit « professionnel », un important fossé entre les superstars des organisations privées très médiatisées et les autres combattants

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« professionnels ». Ainsi, pour les combattants et les entraîneurs interrogés, l’appellation « combattant professionnel de MMA » n’a aucune valeur.

« Là on est pros, mais c’est des conneries, on a tous un taff à côté. » Athlète de MMA français (compétiteur pro) – Interview 16 – 12.02.20, Paris

Enfin, un élément souvent relevé par les anciens compétiteurs aujourd’hui entraîneurs de MMA est l’évolution de leur discipline durant la dernière décennie. Tous les acteurs ayant suffisamment d’expérience dans le milieu pour en témoigner parlent d’une évolution réglementaire importante et sécurisante pour les athlètes. Tous précisent également que l’appellation « MMA » est relativement récente et qu’auparavant, on parlait de « free fight », ce qui sous-entendait effectivement peu, voire pas de règles. L’apparition des règles unifiées du MMA, mises en place par l’UFC, est vue d’un bon œil car elle permettrait aujourd’hui aux pratiquants compétiteurs d’envisager une carrière sportive plus longue. Par ailleurs, certains parlent avec un peu de regret d’un assagissement de la discipline, voire d’un appauvrissement des techniques utilisées dus à la médiatisation des combats présentés par les organisations privées influentes, particulièrement l’UFC. Ainsi, l’UFC est systématiquement présenté comme un acteur qui a permis, mais aussi orienté l’évolution du « free fight » vers les arts martiaux mixtes tels qu’on les connaît aujourd’hui. Bien que cette évolution, synonyme d’assagissement du MMA pour certains, ne se soit pas déroulée sous la coupe des acteurs dominant le champ sportif, mais plutôt sous l’impulsion d’un acteur privé commercial puissant, dans les faits, la codification et l’euphémisation de la violence sont des processus classiques de régulation d’un sport, ou de « sportivisation » comme l’ont défini Elias et Dunning (1994). S’agissant plus précisément de l’évolution de la pratique du MMA en France, les anciens compétiteurs parlent tous d’un environnement très fragmenté et de plus en plus concurrentiel puisque régi par les clubs de manière individuelle et indépendante. Ils mentionnent également une démocratisation et une augmentation de la demande pour cette discipline depuis quelques années déjà.

« Il n’y a pas un sport qui est figé donc si on revient en arrière, on a des vidéos de MMA, on a la naissance du sport, vous avez accès aux débuts et on voit qu’on avait des espaces non délimités, ni de temps limité donc pas de logique sportive car pas de logique interne au sport du MMA. Maintenant y’a une notion régulée d’arbitrage, des codes clairs en termes de victoire (K.O., autres, ...), protéger les mains et le visage des combattants. » Entraîneur de MMA – Interview 2 - 10.02.20, Paris

« La fan-base du MMA en France n’a fait que grandir. C’est aussi grâce aux gens qui étaient en France et qui faisaient du MMA, qui avaient des écoles de MMA, des sections de MMA… » Ancien athlète de MMA français (compétiteur pro) et entraîneur – Interview 13 – 12.02.20, Paris 43

Clubs de MMA et organisateurs d’évènements

Au sein de l’écologie des entrepreneurs du MMA, les acteurs avec lesquels il a été possible de s’entretenir sont des propriétaires et/ou managers de club de MMA et un organisateur d’évènements de sports de combat français. Les caractéristiques de la discipline et plus précisément de sa pratique en France sont les mêmes que celles relevées par les acteurs émergents non-affiliés car, comme il est possible de le voir dans le tableau présentant la typologie des interviewés, ce sont en général les mêmes personnes. Parmi ces mêmes éléments relevés, la fragmentation et la concurrence qui caractérisent l’écosystème du MMA français ont particulièrement été soulignées par un entrepreneur du MMA qui a tout simplement affirmé : « on s’entend pas. »

« C’était énorme parce que voilà, il y a des noms qui résonnent depuis longtemps et c’est pas forcément les meilleurs, c’est pas forcément les gens qui étaient sur le terrain, qui sont en- haut de l’affiche et ça nous on trouve ça quelque part déplorable. Ils ont leur place, y a rien à dire, y a rien à dire, ces gens-là ils ont leur place mais il faut pas oublier les autres acteurs parce qu’il y en a eu beaucoup des acteurs. » Manager d’un club de MMA et organisateur d’évènements de sports de combat en France – Interview 11 – 13.02.20, Paris

Cette dernière citation permet de mettre le doigt sur l’existence d’avantages économiques, politiques ou symboliques détenus par certains acteurs précurseurs du MMA en France, peut- être au détriment d’une autre partie de ces acteurs. Vraisemblablement, l’institutionnalisation de la pratique aura pour conséquence l’accentuation de ces positions d’influence ou alors, au contraire, la diminution, voire la disparition de ces profits autrefois auto-octroyés.

Groupements sportifs

Concernant l’écologie du mouvement associatif au sein de l’écosystème du MMA en France, il a été possible de récolter des données auprès d’un membre du comité directeur de l’IMMAF, également membre de la CFMMA et d’un employé de la FFB, également ancien entraîneur de MMA pour la CFMMA à l’occasion d’entretiens oraux, ainsi qu’auprès du vice-président de la Fédération de Pankration et d’Arts Martiaux Mixtes, monsieur Mohamed Temmar, et du co- président de la CFMMA, monsieur David Ducanovic, tous deux interviewés sur le plateau du MMAG en 2019. Comme les autres types d’acteurs mentionnés plus haut, ces derniers ont abordé la problématique de la définition et de la valeur de l’appellation « combattant professionnel » dans le MMA en France, le caractère fragmenté et concurrentiel d’une pratique gérée de manière hétérogène et imperméable par chaque club, ainsi que la démocratisation et l’augmentation de la demande pour le MMA en France qui se sont faites sans encadrement ni régulation étatique. Ce type d’acteurs valorise ainsi un contrôle des pratiques sportives par l’État et le mouvement sportif associatif. 44

« De plus en plus de clubs proposaient du MMA et mieux vaut une pratique encadrée qu’une pratique sauvage, on ne pouvait plus nier l’activité. » Employé de la FFB et ancien entraîneur à la CFMMA – Interview 12 – 12.02.20, Paris

Médias

Interviewé à l’occasion de la première édition du magazine hebdomadaire dédié au MMA en France, le MMAG, André de Semlyen, fondateur de la chaîne spécialisée MMA TV, définit les arts martiaux mixtes comme un bon produit télévisuel car structurés et spectaculaires ; il précise que cette discipline a pour vocation de devenir un sport olympique et qu’il souhaite contribuer, grâce à sa chaîne télévisuelle, à la réussite de cet objectif. Le deuxième représentant des médias qu’il a été possible d’entendre lors d’un entretien à Paris est un ancien combattant de MMA, aujourd’hui entraîneur, et qui a également fonctionné comme commentateur pour le MMA sur la chaîne RMC Sport 4. Celui-ci tient un discours assez controversé à propos du MMA français. Selon lui, les arts martiaux mixtes, à leur apparition en France, étaient « le refuge des nuls », c’est-à-dire une discipline pratiquée par des combattants qui n’étaient pas assez performants dans d’autres sports de combat. Néanmoins, il parle également d’un « sport à part entière » aujourd’hui. Lors de son entretien, le commentateur sportif a également souligné à de nombreuses reprises la concurrence qui fait rage entre les figures dominantes du MMA français. Il va même jusqu’à parler de querelles entre ces acteurs et affirme que la cause de celles-ci est le manque de reconnaissance pour leur discipline et donc pour leurs efforts et leur travail en France. En considérant la non- régulation qui était valable pendant longtemps dans le milieu du MMA en France, on peut également déduire que la cause de ces querelles était la défense du contrôle de juridictions qui avaient été auto-attribuées par ces figures dominantes, vraisemblablement par le biais de leur club et des performances de leurs athlètes, puisqu’aucun organe officiellement reconnu et légitime n’avait ce pouvoir d’attribution ou de validation des positions de pouvoir.

« Le MMA en France est un vrai sujet. » André de Semlyen – MMAG #1 (MMATV, 2019)

7.1.3. Pratiquer le MMA en France avant son institutionnalisation Pratiquants et entraîneurs de MMA

Du côté des compétiteurs et compétitrices professionnel(le)s, pratiquer le MMA en France représente de nombreuses difficultés dont voici celles les plus souvent abordées :

• Difficultés à concilier vie professionnelle et carrière sportive professionnelle • Manque de visibilité • Manque de reconnaissance de la discipline en France • Difficultés à obtenir des opportunités de combattre 45

• Difficultés à trouver des sponsors • Déplacements à l’étranger

Comme mentionné plus haut, puisque le circuit dit « professionnel » en MMA ne garantit pas des revenus suffisants aux combattants qui ne sont pas sous contrat avec une ligue privée professionnelle de renom, la grande majorité de ces athlètes doivent gagner leur vie autrement et, très souvent, cumulent plusieurs emplois. Certains parviennent à trouver un emploi dans le sport et dans leur discipline, par exemple en tant que coach, ce qui leur permet une plus grande flexibilité de leur emploi du temps et facilite la planification de leurs entraînements et de leurs combats professionnels. Ce problème semble intrinsèque au fonctionnement du circuit professionnel international de MMA car les primes de match peuvent certes être intéressantes mais le nombre de combats qu’il est possible de faire par année est faible (pas plus de 4 ou 5 combats en moyenne selon les acteurs interviewés) puisque chaque combat demande plusieurs semaines de préparation. Les difficultés financières qui en découlent semblent cependant être exacerbées pour les athlètes français à cause de la non- reconnaissance de leur discipline et de l’interdiction des combats de MMA sur le sol français qui était en vigueur jusqu’en 2020. De ce manque de reconnaissance en France découle forcément un manque de visibilité pour les combattants, ce qui représente un important handicap dans la recherche de sponsors et les oblige à garantir une source de revenus provenant d’une autre activité professionnelle. Par ailleurs, le cumul d’un ou de plusieurs emplois en parallèle à une carrière professionnelle en MMA provoque beaucoup de fatigue et de stress chez les combattants. Ces deux éléments ne favorisant pas la performance sportive, ces athlètes « professionnels » français ont semblé pris dans un cercle vicieux dont l’issue a été la légalisation des combats de MMA en France et la régulation de la discipline. Une autre problématique propre aux athlètes de MMA français jusqu’en 2020 était l’obligation de se déplacer à l’étranger pour combattre et entreprendre une carrière sportive dans cette discipline. De cet état de fait a résulté, pour beaucoup des combattants interviewés, un manque d’opportunités de combats et donc un réel frein à une carrière sportive internationale. En effet, contrairement à leurs homologues étrangers qui peuvent depuis longtemps combattre à domicile, les combattants de MMA français ont dû investir en temps, en argent et en énergie pour chaque déplacement à l’étranger nécessaire à la poursuite de leur carrière. À nouveau, un cercle vicieux s’était mis en place puisqu’autant d’investissements financiers et humains pour un combat à l’étranger limite la fréquence de ces opportunités, donc limite l’expérience qu’il est possible d’acquérir en compétition et ainsi freine la performance, ce qui représente encore une fois moins de primes de match gagnées, mais aussi moins de visibilité, donc toujours pas de sponsors et trop peu de ressources à investir dans ces déplacements. En cela, la légalisation des combats d’arts martiaux mixtes en France et la régulation de ce sport a

46 cristallisé pour la grande majorité des athlètes professionnels interviewés d’importants enjeux de facilitation des carrières sportives professionnelles et, avec eux, des enjeux financiers, de visibilité et de reconnaissance.

« Moi je vis en France. Pour vous donner un exemple, j’ai atterri samedi et samedi soir je travaillais déjà. J’étais déjà au boulot. J’ai un travail, j’ai une famille donc… eux il faut qu’ils aient tout ce qu’il faut pour continuer. » Ylies Djiroun, combattant français à la Professional Fighter League (PFL) – MMAG #1 (MMATV, 2019)

« Non on ne vit pas du MMA. Pour le moment on vit comme on peut avec les petits sponsors qu’on peut avoir. » Athlète de MMA française (compétitrice pro) – Interview 19 – 13.02.20, Paris

« Un gros combat c’est bien de le préparer pendant 6 à 8 semaines. » Athlète de MMA français (compétiteur pro) – Interview 21 – 12.02.20, Paris

« Le premier truc c’est que tous les combattants de MMA puissent s’entraîner sans penser comment je vais payer mon loyer, comment… parce qu’il y en a ils sont papa, des filles sont maman donc il y a ça aussi, c’est beaucoup de sacrifices ce qu’on fait. » Athlète de MMA française (compétitrice pro) – Interview 19 – 13.02.20, Paris

Parmi les combattants professionnels les plus expérimentés et les anciens compétiteurs aujourd’hui entraîneurs et/ou managers, beaucoup utilisent la comparaison afin de mieux expliquer la situation de la pratique du MMA en France. Les comparaisons les plus souvent mises en avant sont l’évaluation du niveau et de la structuration du MMA en France par rapport à d’autres pays où les combats sont autorisés depuis longtemps, et la comparaison entre la structuration du MMA et celle d’autres disciplines sportives en France. La première ne met pas tout le monde d’accord. En effet, alors que certains comparent ce qu’ils ont pu voir lors de leurs déplacements à l’étranger avec ce qu’ils vivent en France afin de souligner le retard français dû à l’interdiction d’organiser des combats de MMA, d’autres en profitent plutôt pour relativiser les différences identifiées et mettre en avant les quelques points forts qui existent dans la pratique du MMA de compétition en France, malgré la situation. Dans le discours des plus optimistes, la pratique du pancrace en compétition comme alternative aux combats de MMA interdits ou comme tremplin pour une carrière de MMA internationale est un sujet qui a souvent été abordé. Par ailleurs, bien que cette « stratégie pancrace » soit reconnue de tous, ses effets sur une carrière en MMA ne font pas l’unanimité car cette discipline reste décrite et jugée comme inférieure aux arts martiaux mixtes. Ainsi, selon une combattante professionnelle interviewée sur le plateau du MMAG, le fait d’acquérir de l’expérience en compétition de pancrace en France et d’y développer certains réflexes propres à cette discipline représente un handicap lors d’un passage en compétition de MMA à l’étranger. La perspective de la 47 légalisation des combats de MMA en France a donc encore une fois créé beaucoup d’attentes auprès des compétiteurs français concernant les possibilités de professionnalisation dans leur discipline.

« […] d’autres sont restés bloqués au niveau français avec du pancrace. » Damien Lapilus, combattant français au GMC – MMAG #6 (MMATV, 2019)

Clubs de MMA et organisateurs d’évènements

Chez les entrepreneurs du MMA, plus particulièrement pour les organisateurs d’évènements de sports de combat en France, la « stratégie pancrace » est également décrite comme provisoire. Il est également très clair dans leurs discours que cette stratégie a été mise en place à l’origine dans l’espoir de démontrer à un Ministère des Sports anti-MMA qu’il était possible de structurer la pratique de cette « sous-forme » des arts martiaux mixtes, d’en faire une discipline respectable, sécurisée et acceptée, puis d’y ajouter progressivement les quelques éléments manquants au MMA pour, à terme et de facto, faire accepter sa pratique en compétition. Bien que cela ne se soit pas déroulé comme espéré, les entrepreneurs du MMA interrogés attribuent au pancrace le mérite d’avoir permis la structuration et une certaine légitimité à ce qui se rapprochait le plus du MMA. Ils expliquent également que le pancrace est très peu pratiqué ailleurs qu’en France, ce qui confirme que sa raison d’être est intimement liée aux arts martiaux mixtes.

« Ah non mais moi si j’ai fait du pancrace c’est parce que je pouvais pas faire de MMA. » Manager d’un club de MMA et organisateur d’évènements de sports de combat en France – Interview 11 – 13.02.20, Paris

« J’ai toujours dit, ça fait à peu près 15 ans, que lorsque le MMA arriverait en France j’organiserai mon propre gala. Mais en MMA, pas en pancrace ou en sambo, ça sera du MMA. » David Ducanovic, entraîneur et manager de MMA et co-président de la CFMMA – MMAG #10 (MMATV, 2019)

Médias

Intuitivement, d’un point de vue médiatique, il paraît assez logique, au vu des caractéristiques du pancrace telles que présentées par les acteurs interviewés (c’est-à-dire du MMA sans frappe au sol), que cette discipline soit moins attractive que le MMA. Un acteur de l’écologie des médias l’a confirmé lors d’un entretien à Paris en affirmant : « Mais X le MMA c’est ça … Sinon ça s’appelle du pancrace. L’éthique du MMA c’est les coups au visage au sol. Si y a pas de coup au visage c’est du Kempo ou du pancrace. »

48

7.1.4. Image et réputation du MMA Pratiquants et entraîneurs de MMA

Le sujet de l’image et de la réputation du MMA a été vivement discuté avec tous les acteurs rencontrés. Particulièrement chez les pratiquants et entraîneurs de MMA, c’est un sujet qui a réveillé les passions et transformé certaines personnes en actifs défenseurs de la cause des arts martiaux mixtes. Lorsqu’il leur était demandé ce qu’ils pensaient de l’image et de la réputation de sport violent et dangereux que traîne le MMA depuis sa création, les réponses étaient unanimes : c’est faux. Venait ensuite tout un argumentaire pour soutenir leur réponse et défendre leur art. De manière générale, trois stratégies étaient adoptées :

• Le discours de relativisation de la violence et du danger de la pratique du MMA • Les comparaisons avantageuses avec d’autres disciplines sportives • La problématique de la méconnaissance de la discipline et de la désinformation qu’elle a subie

Pour la plupart de ces acteurs émergents non-affiliés, les médias sont en grande partie responsables de la diffusion de l’image de sport violent et dégradant qui colle encore à la peau du MMA. De leur côté, ils utilisent leurs connaissances techniques de la discipline afin de relativiser la violence qui peut être montrée à un grand public non-initié. Ils expliquent par exemple de manière très rationnelle que « la cage » dans laquelle ils combattent est un élément sécuritaire très important qui les empêche de tomber hors de la surface de combat octogonale, une fonction que les cordes d’un ring « classique » ne peuvent assurer. Un autre élément technique mis en avant est la diversité des techniques et coups permis en MMA qui limite la répétition de mêmes coups sur une même surface corporelle. C’est en suivant cette logique argumentaire qu’apparaît très souvent la comparaison entre la boxe anglaise et les arts martiaux mixtes. En effet, les pratiquants et entraîneurs de MMA insistent sur le fait que la boxe anglaise est plus traumatisante que le MMA car elle ne permet aux boxeurs que de donner et recevoir des coups répétés à la tête alors que la surface du corps qu’un combattant de MMA est autorisé à frapper est beaucoup plus importante. Les comparaisons avec d’autres sports de combat, d’autres arts martiaux, ou encore avec d’autres sports de contact, comme par exemple le rugby ou le football américain, ont très souvent été utilisées afin de relativiser les risques que peut représenter la pratique des arts martiaux mixtes. De plus, il est intéressant de remarquer que les disciplines sportives citées dans ces comparaisons sont toutes des disciplines largement acceptées, reconnues et définies légitimement comme « sport » en France et ailleurs. Ainsi, autour de ces rapprochements faits entre une discipline sportive longtemps interdite et d’autres disciplines sportives depuis longtemps institutionnalisées se

49 cristallisent de forts enjeux de légitimation et de reconnaissance dans la légalisation des combats de MMA en France et la régulation de sa pratique.

« En STAPS on avait vu que ‘le sport était la meilleure alternative à la violence que l’homme a créée’ et donc pour moi n’importe quel sport est un combat, dans la symbolique, car ça reste un affrontement avec un vainqueur qui lève les bras et un perdant complètement effondré. » Ancien pratiquant, entraîneur et manager d’un club de MMA en France – Interview 6 – 13.12.19, Paris

« Tous les sports sont dangereux. Il y a un risque dans tous les sports. » Athlète de MMA française (compétitrice pro) – Interview 19 – 13.02.20, Paris

« En fait ce qui choque c’est que quelqu’un soit au sol qu’il se fasse frapper par une autre personne debout. C’est ce qui choque. Mais en fait c’est pas violent parce qu’il y a des techniques. Le gars au sol il a des techniques pour s’en sortir. Les gens ils ont cette image de violence que quelqu’un est au sol ça touche à la dignité de l’homme. Si lui il est dans cette situation c’est parce qu’il a choisi. Je trouve que c’est juste un sport, il y a rien de violent. La boxe anglaise c’est plus violent que le MMA. Parce qu’il y a des mecs qui sortent avec une bosse dans la tête et je trouve que y a d’autres sports qui ont rien à voir avec les sports de combats qui sont plus violents. Le foot américain je trouve que c’est le sport le plus violent. Avec tous les chocs c’est 1000 fois plus violent que le MMA. Ce qui choque aussi c’est le sang. Quand quelqu’un est ouvert et il saigne bah là les gens ils disent c’est dangereux et violent. Moi je trouve qu’une coupure c’est moins grave qu’un coup. Un coup peut-être qu’il y aura une hémorragie interne et on va pas voir. Après … même la personne elle pourra décéder. La coupure on a la solution pour ça. » Athlète de MMA français (compétiteur pro) – Interview 9 – 11.02.20, Paris

« Même ceux qui connaissent, ils sont plus ou moins influencés par de la désinformation qui a duré vingt ans. » Ancien athlète de MMA français (compétiteur pro) et entraîneur – Interview 13 – 12.02.20, Paris

Clubs de MMA, organisateurs d’évènements et ligues privées

Parmi les entrepreneurs du MMA, certains acteurs pourraient, si on suit la réflexion selon laquelle le MMA répondrait à une large demande d’images violentes, profiter de sa réputation de sport violent et sans limite. Or, d’après le discours tenu par les quelques entrepreneurs du MMA interviewés, le besoin de légitimité et de reconnaissance de leur activité dans le domaine des arts martiaux mixtes domine. Puisque ces acteurs ne sont pas ceux qui pratiquent le MMA et acceptent les risques liés à cette pratique, le discours de défense du MMA est un peu différent. En effet, l’accent est plutôt mis sur les capacités formatrices de la discipline, ce qui

50 en fait un sport praticable pour les enfants et, de facto, un sport « comme un autre », pas plus violent, ni plus risqué. Paolo Boccotti, vice-président Europe du Bellator, affirme justement, lors d’une interview donnée sur MMA TV en 2019, que la ligue privée de MMA, dès la légalisation des combats en France, cherchera à y organiser des évènements dans le but, notamment, de montrer une bonne image du MMA, l’image d’un sport qui peut aider les jeunes. Il fait à ce propos une comparaison entre la boxe anglaise d’il y a quelques années et le MMA d’aujourd’hui comme des disciplines qui peuvent, selon lui, assumer ce rôle de sport d’encadrement (MMATV, 2019). Ainsi, afin de construire la légitimité des arts martiaux mixtes, ses promoteurs reprennent les codes qui définissent la doxa du sport ou, comme l’a écrit Bourdieu (1984, p. 180), son idéal moral, et particulièrement les valeurs éducatives du sport.

Groupements sportifs

Au sein de l’écologie du mouvement associatif que le MMA français a finalement réussi à intégrer grâce à la délégation officielle de l’organisation de sa pratique à la FFB en février 2020, le discours autour de l’image et de la réputation de cet art martial hybride est plutôt tourné vers l’avenir et se veut optimiste. Le co-président de la CFMMA, David Ducanovic, interviewé à l’occasion de la 10ème édition du MMAG en 2019, parlait par exemple déjà d’un changement de mentalité qui s’est opéré en France à propos des arts martiaux mixtes. En expliquant qu’il a reçu de la part du Ministère des Sports la médaille d’argent de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif pour son travail dans le MMA en France, il déclare : « C’est une très très bonne nouvelle et c’est une preuve comme quoi les mentalités changent et que le MMA a de beaux jours qui arrivent en France. » (MMATV, 2019) La valorisation de cette distinction permet encore une fois d’identifier un fort besoin de reconnaissance de la part des instances dirigeantes du sport français chez les acteurs du MMA.

Médias

Du côté des médias, il est difficile de savoir si l’image et la réputation de sport violent et sans limite du MMA leur est favorable ou non. En effet, comme mentionné plus haut dans l’analyse du discours des pratiquants de MMA français, les médias ont joué un rôle important dans la diffusion de cette idée. En outre, identifier une intention des médias dans ce que certains acteurs du MMA ont appelé de la désinformation à propos de leur discipline, semble également très compliqué. Par ailleurs, le discours d’un acteur de l’écologie des médias avec qui il a été possible de s’entretenir à Paris laisse entendre que la méconnaissance, voire l’ignorance des Français à propos de la pratique des arts martiaux mixtes est un phénomène largement connu, y compris des médias. Dès lors, il est possible d’en déduire que, plus encore que sur d’autres sujets connus du grand public, le pouvoir de l’information à propos du MMA en France a longtemps été détenu par les médias au détriment des acteurs du milieu concerné. Par ailleurs, 51 il semble qu’une tension existe entre une médiatisation du MMA qui valorise cette pratique à travers le prisme de ses caractéristiques transgressives (violence, combats dans une cage), et la présentation d’une pratique légitime aux valeurs éducatives. Cette tension existera certainement toujours au sein d’un écosystème qui mêle des organisations commerciales à but lucratif et des institutions fédérales à la tradition associative et sans but lucratif.

« Le MMA est légal mais les gens savent pas ce que c’est. C’est une assurance ? Tu ris, mais qui connaît le sens du mot MMA ? Déjà MMA c’est américain, c’est un concept mixed martial arts : américain. Y a un problème déjà. […] Mais pose la question aux gens dans la rue. Vous connaissez le MMA ? Personne connaît… un peu les jeunes et encore. Free Fight ? Ah ouais ça me dit quelque chose. » Ancien athlète français de MMA (compétiteur pro), entraîneur, journaliste et consultant spécialisé en MMA – Interview 14 – 13.02.20, Paris

7.1.5. Légalisation des combats de MMA et délégation à la FFB Cette thématique est abordée ici sous un angle bien précis, c’est-à-dire que l’analyse portera sur le processus de légalisation des combats de MMA en France qui a mené à la délégation officielle de l’organisation de la pratique sur le sol français à la FFB en janvier 2020. Puisque ce travail est rédigé en plein processus de mise en place de cette délégation, les conséquences, ou plutôt les attentes créées par l’institutionnalisation du MMA en France et formulées par les différents acteurs rencontrés seront traitées dans le chapitre 7.1.6 L’avenir du MMA en France et ailleurs.

Pratiquants et entraîneurs de MMA

Bien que peu de pratiquants loisir aient été interviewés dans le cadre de ce travail de recherche et qu’une majorité de compétiteurs professionnels figure parmi les personnes interviewées, une tendance se dégage : les compétiteurs sont mieux renseignés et plus intéressés par la légalisation des combats de MMA en France que les pratiquants loisir. Cette tendance semble d’ailleurs intuitivement très logique puisque, par définition, les pratiquants loisir ne sont pas concernés par la compétition de MMA en France ou ailleurs. Partant de cette observation, parmi les pratiquants et entraîneurs les mieux renseignés à propos du processus de légalisation des combats de MMA en France, une plus petite minorité encore s’est intéressée à la procédure d’Appel à Manifestation d’Intérêt lancée par le Ministère des Sports à toutes les fédérations sportives nationales en juillet 2019. Les personnes renseignées à ce propos ont toutes eu un discours très positif à propos de cette initiative lancée par la Ministre des Sports. En effet, pour eux, l’AMI a été une preuve tangible du sérieux avec lequel le processus de légalisation des combats en France a enfin été lancé en 2019 et Roxana Maracineanu en a été la figure de proue. Par ailleurs, les explications données par les pratiquants et entraîneurs à propos du retard qu’avait pris le processus en cours de route étaient peu claires, notamment 52 quant aux raisons de ce retard et ses conséquences. Un sujet davantage discuté par les acteurs émergents non-affiliés du MMA a été la légitimité des différentes fédérations qui avaient répondu à l’AMI quant à la délégation de la pratique. En effet, de nombreux avis ont été donnés à ce propos, particulièrement par les personnes rencontrées après l’annonce officielle de la délégation du MMA à la FFB et toutes n’étaient pas d’accord. Le principal argument avancé par les interviewés peu favorables à la délégation du MMA à la FFB était un manque de légitimité de cette dernière, dû aux différences techniques qui existent entre la pratique du MMA et celle de la boxe anglaise. En effet, pour ces derniers, la légitimité de la délégation des arts martiaux mixtes reposait principalement sur la connaissance et la maîtrise des techniques utilisées en MMA par la fédération délégataire. Pour d’autres, la FFB détient différents atouts qui en font une fédération délégataire légitime, notamment le fait qu’elle soit à la tête de l’organisation d’une pratique dont les compétitions se déroulent sur deux circuits, amateur et professionnel, tout comme le MMA.

« Vu que depuis le début c’est la FFKMDA qui font les choses pour le pancrace, qui font des trucs avec nous les combattants et tout, moi j’estime que ça aurait dû être eux car ils sont déjà proches des combattants. Ils sont dedans c’est leur truc, ils font du pieds-poings, du pancrace ça se rapproche de ce qu’on fait il manque juste les frappes au sol, c’est le même sport. » Athlète de MMA français (compétiteur pro) – Interview 21 – 12.02.20, Paris

« C’est une fédération solide qui connaît le côté à la fois amateur et professionnel (ce que nous on a, en MMA), qui a proposé des projets très sérieux, très documentés, et qui surtout n’a pas pour ambition de s’octroyer le MMA sur le long terme, qui est consciente du fait que ce soit un tremplin pour le MMA. » Ancien athlète français de MMA et préparateur physique dans un club de MMA – Interview 18 – 12.02.20, Paris

Clubs de MMA, organisateurs d’évènements et ligues privées

Interviewé sur le plateau de MMA TV en été 2019, le vice-président Europe du Bellator, Paolo Boccotti, explique que la ligue privée américaine a organisé une rencontre avec différents acteurs du MMA français à Paris, en vue de la légalisation des combats. Selon ses dires, cette rencontre avait pour but de montrer aux acteurs du MMA français le soutien de la ligue américaine, mais aussi de leur présenter son fonctionnement en vue d’une future collaboration pour l’organisation d’un évènement Bellator en France. Cet entrepreneur du MMA a aussi assuré que son organisation était prête à travailler avec n’importe quelle fédération sportive qui obtiendrait la délégation de la pratique des arts martiaux mixtes sur le territoire français. La proactivité de la deuxième plus grande organisation de MMA aux États-Unis concernant son positionnement sur le futur marché français et ses efforts de rapprochement avec les promoteurs des arts martiaux mixtes français démontrent l’existence d’enjeux économiques et 53 politiques forts pour ce genre d’entrepreneur du MMA dans la régulation de la discipline en France.

Du côté des managers de club de MMA rencontrés, le discours à propos de la procédure de légalisation des combats et de délégation de la pratique via un Appel à Manifestation d’Intérêt est également positif. Plus encore que les acteurs émergents non-affiliés, ces entrepreneurs du MMA soulignent le rôle décisif qu’a joué la Ministre des Sports dans le dossier des arts martiaux mixtes. L’adjectif « courageuse » a d’ailleurs été utilisé plusieurs fois pour qualifier Madame Maracineanu. Les managers de club interviewés après l’annonce officielle de la délégation du MMA à la FFB, tout comme les pratiquants et entraîneurs, ont évalué ce choix du Ministère des Sports sur la base du critère de légitimité et, encore une fois, ce critère portant sur les affinités techniques et sur l’expertise technique spécifique aux arts martiaux mixtes selon eux nécessaire à la régulation de la pratique, la FFB a été jugée moins légitime que d’autres fédérations candidates, particulièrement la FFKMDA et la fédération française de lutte. Un manager de club en même temps organisateur d’évènements de sports de combat, certainement plus sensible à l’élément de gestion de deux circuits de compétition, a cependant mis en perspective l’argument des affinités techniques avec celui de la maîtrise d’un système de compétition composé d’un circuit amateur et d’un circuit professionnel pour reconnaître une certaine légitimité à la FFB dans la délégation du MMA.

« Quelque part je suis content que ce soit la fédération de boxe qui reprend le bébé parce que le côté amateur ils le maîtrisent parfaitement. C’est très structuré, c’est très cadré, il n’y a pas d'ambiguïté avec eux. » Manager d’un club de MMA et organisateur d’évènements de sports de combat en France – Interview 11 – 13.02.20, Paris

Groupements sportifs

Au sein de l’écologie du mouvement associatif, il a été possible d’entendre plusieurs membres de la CFMMA à propos de la procédure de légalisation des combats de MMA en France, avant l’annonce de la délégation de la pratique à la FFB. Représentants du seul groupement de MMA français créé avant 2020, faute de possibilité de création d’une entité fédérale, ceux-ci ont participé plus activement que d’autres acteurs à cette procédure, plus précisément en amont de l’évaluation des dossiers de candidature des fédérations ayant répondu à l’AMI. En effet, ils ont eu l’occasion de rencontrer la quasi-totalité des fédérations candidates afin de leur expliquer leur vision de la régularisation du MMA en France, mais aussi de leur présenter ce sport de combat selon un prisme plus flatteur que celui de la réputation de sport violent et sans limite qui était à l’origine de l’interdiction de la pratique en compétition. Cette opportunité donnée par le Ministère des Sports a valorisé la CFMMA et le travail que ses membres ont accompli jusqu’à l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France, notamment face à 54 des fédérations sportives qui ne reconnaissaient pas cette discipline. Selon le co-président de la CFMMA, David Ducanovic, seule la fédération de judo n’a pas souhaité rencontrer ces représentants du MMA français. Lors de son interview pour le MMAG en automne 2019, il explique également qu’au sein de la fédération délégataire du MMA, il y aurait un comité ou une commission en charge du MMA en France. On comprend qu’un espoir, voire une attente du côté de la CFMMA existe quant à son intégration à la fédération délégataire et ainsi sa valorisation et sa reconnaissance en tant qu’organe de gouvernance du MMA en France. Le co-président de la CFMMA avoue également avoir été surpris qu’autant de fédérations s’intéressent au MMA depuis le lancement de l’AMI alors que plusieurs d’entre elles s’étaient exprimées en sa défaveur. La raison, selon lui, est financière : la fédération qui obtient la délégation du MMA verra le nombre de ses licenciés et de ses sponsors augmenter. Plus généralement, du côté des fédérations ayant répondu à l’AMI, il semble clair que d’importants enjeux économiques, de visibilité et d’augmentation du nombre de licenciés existaient autour de la possibilité d’obtenir le contrôle d’une pratique en pleine expansion. Des enjeux qui, justement, ont poussé plusieurs fédérations défavorables au MMA à revoir leur position et à entrer dans la course à la délégation. Vraisemblablement, ces dernières avaient des projets d’avenir différents pour le MMA en fonction de la menace perçue vis-à-vis de cette nouvelle discipline attractive sur le plan martial, mais aussi au niveau des possibilités de professionnalisation qu’elle présente. En effet, le MMA a plusieurs fois été qualifié « d’ascenseur social » par ses promoteurs, ce qui n’est pas, ou plus le cas d’autres sports de combat ou arts martiaux, de facto menacés par l’ascension de cette discipline hybride.

« Ça va redynamiser la fédération qui aura le MMA. » David Ducanovic, entraîneur et manager de MMA et co-président de la CFMMA – MMAG #10 (MMATV, 2019)

« Aujourd’hui les présidents des fédérations qui sont des élus, les directeurs techniques nationaux qui sont des cadres d’État, de la fonction publique et qui sont là pour faire le pont entre le Ministère et les fédérations, tout le monde, unanimement, pense que c’est le moment de légaliser. » , entraîneur, manager de la MMA Factory et membre de la CFMMA – MMAG #7 (MMATV, 2019)

Du côté de la FFB, interviewé peu après l’annonce de la délégation du MMA à la boxe anglaise, l’un de ses représentants, chargé du dossier de candidature pour l’AMI, s’est exprimé à propos des intérêts et objectifs de la fédération délégataire, mais aussi de ses atouts pour la délégation du MMA. Tout d’abord, pour qualifier les futurs rapports entre la FFB et les acteurs du MMA, différentes images sont utilisées : « colocation », « add-on », « plug-in » ou encore « mariage gagnant-gagnant ». Il insiste effectivement sur la volonté de la FFB de structurer le MMA en France et de donner à ses acteurs les outils nécessaires à une future gouvernance

55 autonome et indépendante. Conscient de ce qui se dit au sein de la communauté du MMA français, il argumente spontanément à propos de la légitimité de la FFB à assurer la délégation des arts martiaux mixtes sur le sol français : selon lui, ce qui était attendu du Ministère des Sports était la démonstration de la solidité de la fédération candidate et de l’existence d’un projet de régulation du MMA établi par celle-ci. Par ailleurs, il insiste sur le fait que les collaborateurs de la FFB, dont lui-même, qui ont travaillé sur le dossier de candidature pour la délégation du MMA n’étaient pas étrangers à cette discipline. Concernant l’AMI, le discours est encore une fois très positif, la procédure étant par exemple qualifiée de novatrice. Le collaborateur de la FFB interviewé précise que la candidature de la fédération a été approuvée par 70% des élus.

Le principal atout de la FFB mis en avant par son représentant correspond à celui identifié par les acteurs du MMA français, à savoir une solide expérience dans la gestion d’une ligue professionnelle et dans la collaboration avec des acteurs du secteur privé, notamment des promoteurs d’évènements de sports de combat. Ainsi, selon lui, bien que les promoteurs privés avec lesquels la FFB a l’habitude de négocier pour les compétitions de boxe anglaise ne représentent pas des enjeux économiques tels que ceux de l’UFC, la fédération saura établir de bonnes relations d’affaires avec ce genre d’organisation privée. Il y voit également une occasion pour la FFB d’apprendre du modèle économique du MMA qu’il dit plus abouti que celui de la boxe anglaise afin de faire évoluer ce dernier.

À propos du projet de régulation du MMA par la FFB, les éléments suivants ont été mis en avant :

• Suivi socio-professionnel des athlètes amateurs et professionnels • Attribution du statut de sportif de haut-niveau aux athlètes professionnels, mais aussi à certains athlètes amateurs • Système de formation avec possibilités de passer des diplômes d’État spécifiques à l’enseignement du MMA • Référencement et documentation des savoir-faire afin d’harmoniser la formation • Système de redistribution des revenus du circuit professionnel (ex : produits des droits télévisés, produits des taxes évènementielles) pour le développement du circuit amateur, mais aussi de projets d’inclusion, de réinsertion ou d’éducation par le MMA • Système de recensement des clubs attractif grâce à une labellisation et différentes offres de service

Ainsi, les enjeux que peut représenter l’institutionnalisation du MMA en France identifiés par la FFB sont (entre autres):

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• des enjeux de professionnalisation de la pratique et des pratiquants ; • des enjeux de reconnaissance de la pratique et des pratiquants ; • des enjeux de formation et d’éducation ; • des enjeux économiques ; • des enjeux de surveillance de la pratique.

Selon son représentant, la FFB prévoit d’impliquer tous les acteurs du MMA en France, notamment des groupements comme la CFMMA, dans le processus de mise en place de la délégation. L’organisation d’Assises du MMA est justement citée. Par la suite, la FFB a choisi de mettre en place des groupes de travail composés d’acteurs du MMA français sur une base volontaire. Conscient que la pratique était jusque-là très « éclatée » et que les échanges entre clubs étaient plutôt rares, un réel enjeu de fédération de la pratique et des acteurs concernés se cristallise autour de la régulation du MMA. Parmi les pouvoirs délégués à la FFB concernant la régulation du MMA, on identifie ici le pouvoir d’imposer aux acteurs concernés le format de cette régulation ainsi que celui de sélectionner les personnes qui y prendront réellement part. Le projet d’une régulation alimentée par les résultats obtenus au sein des groupes de travail qui rassemblent de nombreux acteurs du MMA français aurait pour but de développer un système de gouvernance de la pratique qui soit horizontal, au contraire du système traditionnel français de gouvernance du sport. Par ailleurs, le représentant de la FFB confirme la volonté de certaines personnalités fortes du MMA de se voir attribuer une fonction officielle à la tête de la future fédération nationale d’arts martiaux mixtes telle qu’il en existe selon le système traditionnel fédéral de gouvernance du sport. Une certaine tension existe donc entre les acteurs de l’institutionnalisation du MMA en France à propos de l’articulation d’une pratique sportive moderne issue d’un modèle commercial avec le mouvement associatif qui, encore aujourd’hui, domine le champ sportif ainsi que la définition jugée légitime de ce qu’est, ou devrait être, un « sport ».

Quant aux enjeux que représente la délégation du MMA pour la FFB, le discours de son représentant permet d’en identifier certains. Lorsque ce dernier parle d’un « mariage gagnant- gagnant » entre le MMA et la boxe anglaise, il affirme par exemple que si la boxe gagne en visibilité, le MMA gagne en structuration et que des possibilités de mutualisation des moyens, ou encore d’organisation d’évènement conjoints sont étudiées. Ainsi, de clairs enjeux économiques et de visibilité existent pour la fédération délégataire.

« Le but du jeu, et la boxe l’a dit clairement, on mettra pas un euro dans le MMA, il devra vivre de ses propres activités et on ne prendre pas un euro du MMA. C’est une colocation en fait. » Ancien athlète (compétiteur), ancien entraîneur de MMA et employé de la FFB – Interview 12 – 12.02.20, Paris

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« C’est un sport moderne qui a bénéficié d’une attribution avec une réflexion conforme à son temps, dans un contexte du sport qui est aussi conforme à son temps avec une inclusion du sport pro complètement différente. Là on part sur quelque chose de complètement neuf. » Ancien athlète (compétiteur), ancien entraîneur de MMA et employé de la FFB – Interview 12 – 12.02.20, Paris

“Il faut aussi que nous dans notre projet de structuration, on soit en accord avec notre temps. On fait pas de diplômes pour faire des diplômes, on le fait pour que le mec sur le marché il sache comme gérer sa structure.” Ancien athlète (compétiteur), ancien entraîneur de MMA et employé de la FFB – Interview 12 – 12.02.20, Paris

« Je n’ai pas besoin d’un président, j’ai juste besoin de brasser toutes les maisons. » Ancien athlète (compétiteur), ancien entraîneur de MMA et employé de la FFB – Interview 12 – 12.02.20, Paris

Médias

Acteur de l’écologie des médias, le journaliste et consultant spécialisé dans le MMA interviewé voit la délégation de la pratique à la FFB d’un œil très critique. Premièrement, il met lui aussi en balance la légitimité de la fédération de boxe anglaise pour « récupérer » le MMA face à d’autres fédérations qui ont œuvré au développement du pancrace en France. Deuxièmement, il ne voit dans les intérêts de la fédération délégataire que des intérêts économiques et politiques. En effet, il fait une analyse très négative de la situation de la boxe anglaise en affirmant que c’est un sport dépassé qui n’intéresse que très peu de monde et n’est médiatiquement plus aussi attractif que dans les années 1980 et 1990. Ainsi, selon lui, ce processus de régulation du MMA par la délégation de la pratique à la FFB représente principalement des enjeux économiques, de visibilité et d’augmentation du nombre de licenciés pour cette dernière.

« La boxe anglaise y a plus rien, tout le monde le sait, elle est prête à prendre n’importe qui. » Ancien athlète français de MMA (compétiteur pro), entraîneur, journaliste et consultant spécialisé en MMA – Interview 14 – 13.02.20, Paris

7.1.6. L’avenir du MMA en France et ailleurs Pratiquants et entraîneurs de MMA

Parmi les acteurs émergents non-affiliés qui se sont exprimés à propos du futur du MMA français lorsque celui-ci serait institutionnalisé et sa pratique en compétition légalisée, une majorité tenait un discours optimiste. Les trois attentes les plus souvent formulées par les pratiquants et entraîneurs de MMA sont les suivantes :

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• une meilleure visibilité de la pratique grâce à sa médiatisation en France ; • la professionnalisation de la pratique et des compétiteurs de haut-niveau ; • l’encadrement de la formation des enseignants de MMA.

À nouveau, la typologie des acteurs interviewés doit être prise en compte ici afin de bien comprendre que ces attentes sont principalement formulées par des athlètes de MMA professionnels ou des personnes qui l’ont été. Ainsi, l’attente d’une meilleure visibilité du MMA grâce à sa médiatisation en France est souvent liée à l’attente de meilleures conditions de pratique de ce sport de combat en compétition, particulièrement de meilleures conditions financières grâce aux apports de potentiels sponsors prêts à investir dans la carrière d’athlètes rendus visibles. Par ailleurs, la perspective de la médiatisation du MMA en France réjouit également ses pratiquants en manque de reconnaissance : leur sport rendu visible, celui-ci serait enfin connu du grand public et aurait enfin l’occasion de déconstruire sa réputation de sport violent. L’enjeu de professionnalisation de la pratique et des pratiquants de haut-niveau concerne également principalement les compétiteurs et futurs compétiteurs. Parmi les athlètes combattant sur le circuit professionnel à l’étranger, la plupart pense que les effets de la légalisation des combats de MMA en France sur le déroulement d’une carrière sportive dans cette discipline seront effectifs pour la prochaine génération de combattants. Ils se réjouissent de cette perspective, mais aussi de celle de pouvoir combattre à domicile. En effet, bien que pour certains le MMA représente une opportunité de voyager qui les satisfait, beaucoup sont impatients de pouvoir combattre devant un public français. À ce propos, certains mettent en avant l’aspect tactique de combattre à domicile car cela peut, selon eux, influencer l’issue d’un match, et d’autres mettent surtout en avant le plaisir de pouvoir se produire devant leur entourage, mais aussi de pouvoir représenter la France et être reconnu pour cela.

« Le premier plaisir c’est qu’on va pouvoir combattre en MMA chez nous en France avec nos proches pour nous encourager. » Damien Lapilus, combattant français au GMC – MMAG #6 (MMATV, 2019)

L’encadrement de la formation des enseignants de MMA a été un sujet vivement discuté, particulièrement par les entraîneurs car il en va de la reconnaissance de leur travail, mais aussi de leur crédibilité. Bien que le caractère bureaucratique du système de gouvernance du sport en France soit remis en question par ces acteurs émergents non-affiliés, l’obtention de diplômes décernés par l’État reste pour eux un gage de légitimité, de reconnaissance et de crédibilité. De plus, un contrôle de l’accès à ces fonctions apparaîtra avec l’institutionnalisation du MMA, phénomène qui avantagera les entraîneurs aux diplômes ou titres déjà reconnus et qui limitera fortement les possibilités de certification et de reconnaissance des personnes au

59 niveau scolaire insuffisant. Ainsi, le profil sociodémographique des entraîneurs de MMA s’en verra certainement modifié.

« Enfin ça va pouvoir être structuré. Enfin on va pouvoir former des coachs, on va pouvoir donner des diplômes, passer des grades par exemple, ce qui est très très important. Et enfin on va pouvoir aider des athlètes à se développer aussi, à donner un nom à leur discipline et surtout une reconnaissance. » Zarah Fairn Dos Santos, combattante française à l’UFC – MMAG #4 (MMATV, 2019)

« Pour un compétiteur ça va tout changer. […] ça va lui assurer un début de carrière plus structuré où il est pas tout de suite jeté aux loups. […] ça va limiter la casse au niveau des enseignants, il va y avoir forcément un diplôme d’enseignant, pour pouvoir passer ce diplôme il va falloir être compétent dans les différents domaines du MMA, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Aujourd’hui, un diplôme reconnu par l’État suffit à enseigner le MMA. Si je suis prof de kung-fu par exemple, je peux enseigner le MMA sachant que je ne maîtrise pas les projections, je ne maîtrise pas le travail au sol et ainsi de suite, donc c’est compliqué. Aujourd’hui, on a un vide, on a un flou artistique qui permet à peu près tout et n’importe quoi. Je pense que la légalisation va permettre de structurer la formation des profs et ça va limiter la casse. » Cyril Diabaté, ancien athlète français (compétiteur pro à l’UFC), entraîneur et manager de la Snake Team – MMAG #12 (MMATV, 2019)

Au-delà du cadre national, plusieurs entraîneurs ont affirmé que le positionnement international du MMA français reposerait justement principalement sur le système de formation et d’éducation qu’ils jugent déjà très fort dans certains clubs, malgré la longue absence d’encadrement institutionnel. Également au niveau de la pratique internationale du MMA, plusieurs pratiquants et entraîneurs mentionnent les Jeux Olympiques comme objectif clair pour ce sport de combat. Particulièrement auprès de combattants de MMA ayant pratiqué un autre sport de combat ou art martial reconnu comme sport olympique, l’intégration au Mouvement Olympique a une grande valeur de légitimation au sein du champ sportif. Ainsi, bien que cela ne concernerait que les combattants amateurs, les athlètes professionnels se réjouissent de la perspective de voir combattre des Français en MMA aux Jeux Olympiques.

Enfin, puisque les entretiens oraux menés sur le terrain traitaient également du thème du dopage dans le MMA en France, les acteurs rencontrés ont mentionné les enjeux de surveillance de la pratique qui existent, selon eux, autour de la régulation des arts martiaux mixtes. En effet, pour les pratiquants comme pour leurs entraîneurs, l’encadrement de potentielles dérives, comme le dopage ou le trucage de match, est une composante intrinsèque à la reconnaissance d’un sport. Ainsi, puisqu’ils désirent cette reconnaissance, ils semblent être prêts à accueillir la lutte anti-dopage à bras ouverts. 60

“Il y a beaucoup de gens forts en France et de gros potentiels qui sont pas connus mais qui grâce à la reconnaissance pourront percer donc c’est très très bien. Et il y a pas genre faut aller aux États-Unis pour progresser non… en France c’est très très fort.” Athlète de MMA française (compétitrice pro) – Interview 19 – 13.02.20, Paris

« Moi ce que je vois c’est un gros gros gros développement du MMA amateur parce que là ce qu’il se passe c’est magnifique. Le MMA olympique, moi j’y crois. 2028, Los Angeles j’y crois parce que quand tu vas là-bas et que tu vois un véritable environnement qui parle à tout le monde, une équipe en rouge, une en bleue, une cage, des règles, t’y connais rien mais tu sais qui est en train de gagner, c’est simple à comprendre, c’est dynamique et spectaculaire. » Ancien athlète français de MMA et préparateur physique dans un club de MMA – Interview 18 – 12.02.20, Paris

Clubs de MMA, organisateurs d’évènements et ligues privées

Organisateur d’évènements de pancrace avant la légalisation des combats de MMA sur le sol français, un manager de club a exprimé quelques inquiétudes quant aux conséquences de ce processus de légalisation et de régulation. En tant qu’entrepreneur du MMA, l’ouverture du marché français pour l’organisation d’évènements représente l’apparition d’une très forte concurrence, particulièrement venant de l’étranger et de grosses organisations privées telles que l’UFC ou le Bellator. Parallèlement à cela, il voit également apparaître un risque de concurrence provenant d’autres fédérations de sports de combat qui s’essaieraient à l’hybridation de leur discipline afin de proposer la pratique d’arts martiaux mixtes dans leurs structures. Ces fédérations n’auraient bien entendu pas le droit d’utiliser l’appellation « MMA », ce droit étant réservé à la fédération délégataire, mais en pratique, cette tendance pourrait bel et bien apparaître, selon plusieurs managers de club rencontrés. Ainsi, il est très clair que les enjeux économiques que peut représenter l’ouverture du marché français du MMA ne concerne pas seulement sa fédération délégataire en France ou les clubs déjà établis, mais aura aussi un impact sur l’avenir d’autres pratiques martiales dont les organisations essaieront, comme les autres, de protéger leurs intérêts.

« En France pour faire un évènement, il faut avoir les reins solides. Et nous on était un peu tout seul. Donc ça se passait bien. » Manager d’un club de MMA et organisateur d’évènements de sports de combat en France – Interview 11 – 13.02.20, Paris

« Tu as raison de penser comme ça, sauf qu’il y a des fédérations qui ont pas eu le bébé, d’accord, qui ont pas eu le bébé, je vais pas les citer, et qui vont quand même organiser… donc on parle de… ben je vais les citer indirectement et qui vont faire du pancrace avec frappes au sol. » Manager d’un club de MMA et organisateur d’évènements de sports de combat en France – Interview 11 – 13.02.20, Paris 61

Du côté des ligues privées internationales, comme mentionné plus haut, le positionnement sur le marché français semble être important. Le vice-président Europe du Bellator confirme lors de son interview que le marché européen du MMA représente un point stratégique car, selon lui, ce sport y deviendra populaire, y compris en France. Il explique également que le Bellator s’appuiera sur la notoriété et l’image d’un combattant français au parcours impressionnant au sein de la ligue américaine, Cheick Kongo, afin de s’assurer une place sur le marché français. Une stratégie qui ira de pair avec la stratégie médiatique de la deuxième plus grande organisation de MMA aux États-Unis. Diffusés sur environ 140 chaînes à travers le monde, les combats du Bellator chercheront à être diffusés en France. Ne divulguant rien à propos des contrats télévisuels négociés en France, le représentant de la ligue mentionne par contre la facilitation de l’intégration de combattants français au Bellator.

Groupements sportifs

Selon leurs discours, les acteurs de l’écologie du mouvement associatif ont développé les mêmes attentes vis-à-vis de l’institutionnalisation du MMA et de la légalisation de sa pratique en compétition en France. Avec un accent un peu plus prononcé sur les enjeux de formation et d’éducation que représente ce processus, les membres de la CFMMA interviewés conçoivent un bel avenir pour le MMA français avec la médiatisation des combats, la facilitation des carrières sportives professionnelles et, au niveau international, l’intégration des arts martiaux mixtes aux Jeux Olympiques grâce au travail de promotion des entités internationales telles que l’IMMAF ou l’UFC.

« Moi qui ai la chance de voyager, le MMA, dans beaucoup de pays, c’est un sport comme un autre. Il n’y a plus qu’en France où on a cette vingtaine d’années de retard, mais moi je pense que tout va être mis en place pour faire accepter cette nouvelle discipline comme sport amateur au Jeux… sachant qu’il y aura sans doute un championnat d’Europe à Paris de MMA amateur en 2020… donc voilà si ça va dans cette direction je pense que voilà, on aura 8 ans pour travailler sur le dossier et faire avancer et avec les appuis au niveau international je pense que voilà, ce serait légitime et ce serait le top pour nos combattants à nous, français. » David Ducanovic, entraîneur et manager de MMA et co-président de la CFMMA – MMAG #10 (MMATV, 2019)

Médias

Il n’a pas été possible d’en apprendre beaucoup à propos de l’avenir médiatique du MMA en France de la part d’acteurs de l’écologie des médias. Un élément intéressant à relever reste cependant que la position de force pour ce qui est de la médiatisation des combats de MMA professionnels se trouve chez les propriétaires des ligues professionnelles. En effet, bien que la diffusion télévisuelle de combats de MMA soit maintenant facilitée sur les chaînes nationales 62 françaises puisque la recommandation du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) de ne pas diffuser ces images n’est plus d’actualité, les combats de l’élite ne seront accessibles que sur les chaînes qui auront les moyens d’acheter les droits de diffusion des grandes organisations privées telle que l’UFC. Puisque la médiatisation du MMA amateur n’a pas du tout été mentionnée par les acteurs rencontrés, il semblerait qu’elle ne représente que peu d’intérêt pour les médias. Ainsi, la légalisation des combats de MMA en France cristallise principalement des enjeux économiques pour les médias.

7.1.7. MMA féminin Pratiquants et entraîneurs de MMA

La thématique du MMA féminin a été abordée sous différents angles par quelques acteurs émergents non-affiliés, principalement des athlètes féminines. Se basant sur leur expérience personnelle, certaines ont affirmé qu’elles rencontraient, ou ont rencontré des difficultés à pratiquer le MMA en France, parce qu’elles sont des femmes. L’une d’entre elles explique que l’image et la réputation de sport violent que le grand public peut, encore aujourd’hui, attribuer au MMA a été particulièrement difficile à gérer et à assumer, car pratiquer ce sport lui donnait l’impression d’être en décalage avec les normes sociales attribuées à la féminité. De plus, elle raconte avoir vécu des situations très ambiguës lors desquelles, portant des marques de coups reçus à l’entraînement, un œil au beurre noir par exemple, il lui était difficile de faire comprendre qu’elle n’était pas victime de violences domestiques sans pour autant nier l’existence de cette possibilité. Selon elle, l’institutionnalisation du MMA en France ainsi que la médiatisation et la reconnaissance de ce sport qui en découleront comportent des enjeux d’acceptation et de démocratisation de la pratique féminine du MMA et des sports de combat plus globalement. Une autre athlète française, combattant sur le circuit professionnel à l’étranger, a quant à elle souligné les difficultés à se faire accepter en tant que combattante de haut-niveau par ses homologues masculins. Elle confirme que le milieu du MMA est un milieu extrêmement masculin. Au contraire, Carla Ricignuolo, combattante professionnelle à l’Oktagon, interviewée dans le MMAG en été 2019, met en avant l’égalité de traitement qu’il existe dans la pratique du MMA en compétition : les règles et les temps par round sont exactement les mêmes pour les hommes et les femmes, ce qui représente pour elle un réel attrait de la discipline. Deux autres combattantes professionnelles invitées sur le plateau de MMA TV expliquent avoir été impliquées dans le processus de préparation à la légalisation des combats de MMA en étant conviées à des rencontres, soit avec la Ministre des Sports, soit avec des fédérations candidates à la délégation de la pratique, dans le but de représenter le MMA féminin français. Zarah Fairn Dos Santos, combattante à l’UFC, qui a rencontré la Ministre des Sports, affirme que cette dernière était particulièrement désireuse de comprendre l’enthousiasme d’une femme pour la pratique du MMA, et souhaitait identifier les besoins d’un 63 athlète de haut-niveau dans cette discipline. Enfin, Camila Rivalora, combattante au Bellator et ancienne athlète de kick-boxing, explique quant à elle que ses débuts sur le circuit professionnel de MMA ont été motivés par le fait que le circuit féminin offrait de belles opportunités, selon les dires de son entraîneur.

« Les combats de filles et de garçons ça n’a rien à voir. Les filles elles sont plus sauvages que les hommes. Nous les filles on est sans pitié, nous on se déchire. Mais après il y a un respect. » Athlète de MMA française (compétitrice pro) – Interview 19 – 13.02.20, Paris

« J’avais peur qu’on me colle une image un peu… ouai c’est un peu un bonhomme, les filles elles font pas ça… j’avais pas envie par la méconnaissance du sport. […] Mais là c’est cool de pouvoir dire voilà, je suis une femme, je fais ça, c’est reconnu, c’est valorisé… » Athlète de MMA française (compétitrice) – Interview 17 – 12.12.19, Paris

Groupements sportifs

D’après le co-président de la CFMMA, l’encadrement du MMA féminin en France est particulièrement en retard par rapport à ce qui est fait dans d’autres pays. Selon lui, il y a un certain laisser-aller concernant la pratique féminine, les combattantes françaises ne sont pas assez suivies ni suffisamment soutenues alors qu’elles s’investissent énormément. La régulation du MMA en France comporte ainsi des enjeux de structuration forts, particulièrement pour les athlètes féminines.

En résumé, en France et ailleurs, qu’il soit un moyen d’émancipation des normes sociales sur la féminité, une opportunité de carrière sportive, ou encore un outil de légitimation d’une pratique sportive à la réputation violente, le MMA féminin est le catalyseur de différentes voies de développement du MMA, ou par le MMA. Tantôt attirante par un traitement considéré comme égalitaire en compétition, tantôt synonyme de mise à l’écart ou de traitement particulier (au sens négatif du terme), cette discipline, dominée par la gent masculine, est apprivoisée par ses pratiquantes d’autant de façons différentes qu’il y a d’athlètes. De plus, celles-ci sont mises en avant de différentes manières dans le processus de régulation du MMA et de la légalisation de sa pratique en compétition dans l’Hexagone. Semblant dominer la définition de la pratique légitime du MMA, ses promoteurs masculins, dans leur effort de relativisation de la violence, voire de son euphémisation, ont mis en avant, consciemment ou non, la pratique féminine du MMA. La Ministre des Sports n’a d’ailleurs pas été insensible à cet élément puisque celle-ci a rencontré différentes athlètes professionnelles pour mieux comprendre les attraits de la pratique des arts martiaux mixtes. Ainsi, les combattantes françaises ont été valorisées en tant qu’avocates crédibles de la cause du MMA en France, démontrant, malgré elles et selon les critères en vigueur au sein du champ sportif, que le MMA ne va pas à l’encontre de l’intégrité physique et morale des pratiquants, et qu’il peut ainsi légitimement être 64 considéré comme un « sport » au sens que le mouvement sportif associatif lui donne. En outre, au niveau international, il est observé que le MMA féminin, qui a fait son entrée en compétition à l’UFC en 2013 (UFC, s. d.), est aujourd’hui moins concurrentiel que le MMA masculin et représente donc, pour des athlètes féminines, une opportunité de carrière sportive professionnelle plutôt rapide. Ainsi, parallèlement au pilier formation, le MMA féminin pourrait représenter un second pilier de positionnement international et de reconnaissance mondiale du MMA français. Par ailleurs, il semblerait judicieux que cela passe, dans les faits, par un traitement égalitaire des athlètes, y compris sur les plans financier et médiatique.

7.2. Analyse de prises de position publiques 7.2.1. La Ministre des Sports Afin de connaître la position du Ministère des Sports quant à l’institutionnalisation du MMA en France, à la procédure mise en place pour y parvenir, mais aussi à la pratique elle-même, il a été nécessaire de se tourner vers les déclarations publiques faites par sa principale représentante, à savoir la Ministre des Sports en poste lors de ce processus, Roxana Maracineanu. Plusieurs déclarations publiques ont été prises en compte dans cette analyse : deux déclarations faites en amont du lancement de l’AMI, l’annonce officielle de la délégation du MMA à la FFB en conférence de presse le 21 janvier 2020 et une autre déclaration à la suite de cette annonce. Ces données ont été récoltées via les canaux de la chaîne télévisuelle sportive française RMC Sport qui diffusait déjà des combats de MMA professionnels avant la légalisation de ceux-ci sur le sol français, et de Karaté Bushido, magazine français dédiés aux arts martiaux.

Avril 2019

Invitée de Réveil Matin Céline sur RMC Sport en avril 2019, la Ministre des Sports annonce sa volonté de régulariser la situation du MMA dans l’Hexagone. Les raisons qu’elle avance à propos de ce choix sont les suivantes :

• le nombre important de pratiquants en France ; • l’absence d’encadrement de la formation des enseignants de MMA ; • le risque de radicalisation dans le sport ou par le sport.

Ces motivations révèlent d’importants enjeux de surveillance de cette pratique sportive pour le Ministère des Sports dans le processus d’institutionnalisation des arts martiaux mixtes et de légalisation de leur pratique en compétition. À propos de la procédure qui sera engagée pour y parvenir, Madame Maracineanu annonce simplement qu’en accord avec les besoins formulés par des représentants du MMA rencontrés, un AMI sera mis en place par le Ministère des Sports. Ainsi, malgré le pouvoir exclusif que détient ce ministère sur la gouvernance du 65 sport en France, sa principale représentante a fait le choix de considérer la position des acteurs concernés. Enfin, cette dernière s’est également prononcée à propos de l’image et de la réputation du MMA en affirmant :

« Certes, au niveau professionnel il renvoie une image qui pourrait apparaître comme dégradante, parce qu’il y a une cage en fer et des coups donnés au sol. Mais il y a sûrement un aménagement à faire pour que ce ne soit plus une cage qui retienne les combattants sur le ring comme des animaux. » (SPORT, s. d.-a)

La comparaison entre les combattants professionnels de MMA et des animaux est plutôt parlante et laisse penser que la position du Ministère des Sports à propos de l’élément sécuritaire qu’est l’enceinte grillagée dans laquelle se déroulent les combats n’a pas vraiment évolué.

Juin 2019

Interviewée par RMC Sport à la suite d’une conférence de presse organisée pour l’annonce du lancement de l’AMI, le 24 juin 2019, Roxana Maracineanu déclare :

« Cette discipline porte de manière injustifiée cette idée de violence extrême alors que par rapport à d’autres sports… ce n’est pas plus violent que d’autres sports aujourd’hui qui sont légaux en France et dans le monde. Et d’autre part, voilà, plus on aura aussi de disciplines susceptibles de canaliser toute cette énergie de notre jeunesse, toute cette volonté aussi d’exister et toute… finalement cette possibilité d’exister, d’être mis en valeur, ce sera d’autant mieux, surtout que le MMA porte déjà en lui cette possibilité puisqu’il y a déjà des compétitions retransmises, une valorisation des sportifs donc on a déjà un modèle qui marche, qui est en avance sur d’autres modèles sportifs aujourd’hui en France et dans le monde donc ce serait dommage qu’on s’en passe et qu’on en fasse fi nous en France pour des raisons qui ne sont finalement pas justifiées. » (SPORT, s. d.-b)

Il est intéressant de noter que, tout comme les pratiquants et entraîneurs de MMA, la ministre utilise la comparaison entre le MMA et d’autres sports légaux en France afin de soutenir son discours de relativisation de la violence dans cette discipline. Cet élément semble donc également central pour le Ministère des Sports dans sa position en faveur de la légalisation des combats de MMA sur le sol français. Dans son discours, la ministre montre également qu’elle est consciente de l’ampleur qu’ont pris les arts martiaux mixtes, leur pratique, mais aussi leur médiatisation à travers le monde, y compris dans l’Hexagone. Elle met d’ailleurs en perspective la position de la France par rapport à celle d’autres États pour en déduire qu’au vu de la démocratisation du MMA, cette position n’est pas favorable. Ainsi se jouent aussi des

66 enjeux économiques et politiques autour de l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France pour son Ministère des Sports.

Janvier 2020

Lors de l’annonce officielle, en conférence de presse, de la délégation du MMA à la FFB, la Ministre des Sports formule directement quels enjeux se cristallisaient autour de cette délégation et auxquels les fédérations candidates devaient répondre :

• Fédérer les acteurs ; • Codifier la pratique et la sécuriser ; • Mieux qualifier les encadrants ; • Développer la pratique ; • Formaliser un projet sportif en direction des meilleurs pratiquants ; • Disposer d’un cadre d’organisation des manifestations et des galas ; • Articuler pratique amateure et professionnelle.

(Karaté Bushido, 2020)

Dans son discours, elle met également en avant la procédure d’AMI qu’elle qualifie d’inédite mais adaptée, selon elle, aux enjeux et attentes identifiés. Tout comme elle souligne qu’elle aurait pu, compte tenu de sa fonction, choisir seule à quelle fédération déléguer la gouvernance du MMA, la ministre précise qu’elle n’est pas tenue de suivre l’avis négatif formulé par le CNOSF. On comprend ici que les enjeux politiques, économiques et de surveillance que représente l’institutionnalisation du MMA et la légalisation de sa pratique en compétition étaient plus forts que les seuls enjeux politiques que représentent les relations entre le Ministère des Sports et le comité national olympique français. Justement, en tout début de conférence de presse, la ministre déclarait : « Très vite à mon arrivée au ministère on m’a demandé si j’allais enfin légaliser le MMA. » (Karaté Bushido, 2020). Ainsi, depuis 2016 et l’arrêté ministériel interdisant les compétitions de MMA sur le sol français, le cas du MMA était un point critique dans l’agenda du Ministère des Sports. Roxana Maracineanu a d’ailleurs démontré qu’elle était pleinement consciente de cette charge qui lui incombait en choisissant d’impliquer différents acteurs du champ sportif et de la sphère politique, non seulement dans la procédure d’évaluation des dossiers de candidature, avec la création d’une commission consultative indépendante (composée de juristes, d’une personnalité désignée par le CNOSF, d’un traumatologue et de combattants de MMA), mais aussi dans le processus de suivi de cette délégation, avec la création d’une commission spécifique de suivi de la délégation composée, comme elle l’explique, d’un haut fonctionnaire de l’État indépendant, de la direction des sports, de l’inspection générale et d’un athlète. L’implication de tous ces acteurs par le

67 biais de l’AMI a ainsi permis à la Ministre des Sports de répartir la charge et la responsabilité du choix de la délégation des arts martiaux mixtes. En procédant ainsi, cette dernière a exploité au maximum, voire renforcé, les liens déjà existants entre l’écologie des acteurs politiques et celle du mouvement associatif. De plus, cette manœuvre a contribué à créer un premier lien direct entre le Ministère des Sports et les acteurs émergents non-affiliés représentés par les athlètes impliqués dans l’AMI et le suivi de l’organisation de la pratique du MMA par la FFB, ce qui est effectivement inédit.

Au lendemain de la conférence de presse du 21 janvier 2020, la Ministre des Sports s’exprime à nouveau au micro de RMC Sport. À cette occasion, elle parle surtout de la position des athlètes de MMA qui souffraient de la situation de la France, puis, à nouveau elle formule assez clairement les impératifs de surveillance de dérives potentielles qui s’imposaient avec le développement exponentiel mais non-encadré de ce sport de combat.

« […] pour que cette pratique puisse se faire en toute sécurité, qu’on puisse éviter les dérives liées au dopage, liées à la radicalisation qu’on peut connaître dans beaucoup de sports de combat mais comme dans d’autres sports aussi. » Roxana Maracineanu, Ministre des Sports – Interview RMC Sport, 22.01.20 (SPORT, s. d.-c)

7.2.2. La FFB et les Assises du MMA Comme mentionné dans le chapitre 3. Problématique et méthodologie, il a été possible de participer aux Assises du MMA organisées en visioconférence par la FFB en avril 2020. 280 personnes, dont la typologie est illustrée ci-dessous, ont pris part à cet évènement virtuel, le premier organisé par la FFB concernant sa mission de développement du MMA en France depuis l’attribution officielle de cette délégation.

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Participants aux Assises du MMA (FMMAF, 2020c)

Selon cette typologie et selon l’écosystème du MMA français considéré dans ce travail, les écologies suivantes étaient représentées : les acteurs émergents non affiliés (~ 60%), les entrepreneurs du MMA (~ 8%) et les médias (~ 9%). Néanmoins, puisqu’une catégorie « aucune des fonctions mentionnées » existe et que celle-ci représente un peu plus de 17% des fonctions déclarées par les participants (total des fonctions = 351), on peut imaginer que des représentants d’autres écologies y figuraient. Il est également intéressant de noter que de nombreux participants ont déclaré plusieurs fonctions, car, selon le schéma ci-dessus, 351 fonctions ont été déclarées par 280 participants annoncés par la FFB. Cela confirme donc la tendance observée dans la typologie des acteurs interviewés sur le terrain ou sur le plateau de MMA TV.

Dès le début de la visioconférence, Lionel Brézéphin, cadre technique national de la FFB chargé du dossier MMA, assure que la FFB a bien entendu les reproches qui lui ont été faits à propos du manque de communication entre l’annonce officielle de la délégation du MMA et les Assises du MMA lors desquelles la fédération délégataire communique pour la première fois sur l’avancée de son travail d’organisation de la pratique. Il présente ses excuses, au nom de la FFB, en soulignant que la tâche qui leur est dévolue est complexe. À propos de la structuration des arts martiaux mixtes en France, le cadre d’État indique qu’elle se fera « en accord avec le paysage français », qu’il s’agira donc d’une structuration fédérale assez classique et traditionnelle. À plusieurs reprises, il utilise le terme de « communauté » pour

69 parler du milieu du MMA français. Il insiste également sur le fait que la présentation de la structuration faite à l’occasion de ces Assises du MMA se limite aux grandes lignes, que celles- ci ne sont pas définitives ni imposées aux acteurs impliqués dans cette pratique. Il précise que la FFB ne décidera pas seule, mais avec le concours des acteurs du MMA qui sont invités à collaborer avec la fédération délégataire, par groupe, lors de différents ateliers. Concernant la composition de ces groupes de travail, le discours des représentants de la FFB est très clair : les groupes de travail ne correspondent pas à des commissions officielles au sein de la FMMAF ; un mélange des profils est souhaité, mais les personnes avec une importante expérience dans l’encadrement du MMA seront prioritaires et, finalement, l’intégration à ces groupes se fera sur une base volontaire, c’est-à-dire par inscription, puis une sélection sera faite par la FFB. Ainsi, la fédération délégataire se dit désireuse de collaborer avec « la communauté du MMA », promet d’être à l’écoute des acteurs qui la composent et d’intégrer ces derniers aux décisions portant sur la structuration du MMA en France, mais se réserve aussi le droit de sélectionner avec quels acteurs elle souhaite le faire. Se construire une image de fédération fédératrice et inclusive tout en gardant l’exclusivité du contrôle de la pratique en question semble effectivement être une tâche complexe qui combine enjeux de fédération et enjeux de contrôle d’une juridiction fraîchement obtenue et théoriquement éphémère.

La licence MMA de la FFB, les formations de MMA en France, les grades techniques du MMA en France et les compétitions de MMA en France sont les autres thématiques abordées lors de la visioconférence animée par la fédération délégataire. Ses représentants expliquent que le système de licence ainsi que la partie théorique des formations seront assurés grâce à des outils digitaux. La réponse digitale aux impératifs de surveillance de la pratique et d’éducation présents dans le milieu du MMA français semble traduire une certaine urgence du côté de la fédération délégataire. En effet, la démonstration des résultats de la structuration du MMA est non seulement attendue, mais attendue rapidement, puisque le contrôle de la juridiction de la pratique du MMA sur le sol français par la FFB n’est que temporaire. Le système de gradation exposé, organisé par couleur et par âge et dont l’objectif avoué est la sécurité des pratiquants, est quant à lui la démonstration de l’expertise de la FFB en matière de sécurité. La fédération délégataire écrit notamment ceci dans son rapport sur les Assises du MMA : « le système contient une approche pédagogique spécifique aux différentes distances qui constituent le MMA, avec une attention particulière sur un enseignement sécuritaire du travail de frappe au sol et de combat contre la cage. » (FMMAF, 2020c). La référence aux frappes au sol ainsi qu’à la cage dans la promesse d’un enseignement sécuritaire laisse entendre un message extrêmement clair : les deux composantes du MMA qui avaient fait se lever une vague d’indignation chez les gardiens de la morale et de l’éthique sportive en France feront l’objet d’une surveillance toute particulière. Ce qui peut sembler, au premier abord, une manœuvre

70 en faveur de l’acceptation des frappes au sol et de l’espace de combat, participe néanmoins, à nouveau, à mettre en exergue deux caractéristiques propres à la pratique des arts martiaux mixtes qui ne font toujours pas l’unanimité. Cette tension entre la démonstration d’un contrôle accru de la sécurité des pratiquants et la dédiabolisation de techniques controversées existera peut-être toujours.

Finalement, en réponse au flou qui existait à propos du statut des athlètes (compétiteurs) de MMA français, les représentants de la FFB proposent une distinction entre 4 niveaux : amateur classe B, amateur classe A, promotionnel et professionnel. En parallèle à l’argument d’encadrement des compétitions, l’argument de la sécurité des pratiquants est à nouveau avancé. Par ailleurs, ce système basé sur 4 statuts indique qu’une analyse du milieu de la compétition de MMA a amené la FFB à identifier un besoin de distinction, voire de hiérarchisation des athlètes.

Les cadres de la FFB annoncent que les premières compétitions de MMA en France devraient avoir lieu entre la fin de l’année 2020 et le début de l’année 2021. Ils ne précisent par ailleurs pas s’il s’agira de combats professionnels ou amateurs. Cependant, il est précisé que les athlètes français qui souhaitent combattre à l’étranger devront obtenir une autorisation de la FFB en amont, afin que celle-ci puisse assurer le suivi médical et celui du palmarès des combattants. Bien qu’aucun détail à propos de cette mesure n’ait été donné, par exemple si cela dépend du statut de l’athlète ou de sa licence, la FFB semble s’arroger ici un certain contrôle sur la carrière sportive des combattants français de MMA. Dans l’optique d’un contrôle réel de la juridiction de la pratique du MMA sur le territoire français comme délégué par le Ministère des Sports, la FFB a en effet intérêt à s’assurer que les athlètes français combattront prioritairement en France. Le développement de l’attractivité du nouveau marché français en dépend également.

7.2.3. IMMAF Bien que l’IMMAF ne soit pas reconnue en tant que Fédération Internationale du Mouvement Olympique, cette fédération reste, suite à sa fusion avec la World MMA Association (WMMAA) en 2018, l’organisation à but non-lucratif gouvernant la pratique du MMA amateur au niveau international et représentant ses membres, qui sont des fédérations nationales de MMA (IMMAF, s. d.). De ce fait, il est intéressant d’analyser quelle position cette fédération adopte quant à l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France.

Tout d’abord, il faut noter que l’IMMAF a suivi de très près le cas de la France en ce qui concerne sa reconnaissance et son institutionnalisation. En effet, entre février 2016 et avril 2020, la fédération internationale a dédié une vingtaine d’articles au MMA français, à ses acteurs et à son développement. Il faut également souligner que Bertrand Amoussou, actuel 71 membre représentant la France au sein du comité directeur de l’IMMAF, ancien président de l’IMMAF (de septembre 2013 à juin 2015), est aussi l’un des membres fondateurs de la CFMMA. Ainsi, lorsque l’IMMAF communique à propos de la tenue de la première formation de « cutman » certifiée IMMAF à Paris en mai 2016, un autre article est dédié à la réussite de cette formation par plusieurs membres de la CFMMA. On peut lire dans cet article quelques lignes à propos de la mission de la CFMMA, à savoir la reconnaissance du MMA en France, mais aussi à propos du caractère « historique » de la formation à laquelle ses membres ont participé (IMMAF, 2016b). En effet, paradoxalement, c’est la France, à ce moment-là lieu plutôt hostile vis-à-vis du MMA, qui a été le premier pays à accueillir les cours pour la certification de « cutman » de l’IMMAF.

Suite à l’arrêt ministériel interdisant la pratique du MMA en compétition sur le territoire français, l’IMMAF publie un article à propos d’un athlète de MMA professionnel français, Karl Amoussou, qui, en réaction à cette décision du Ministère des Sports, renonce à la nationalité française (IMMAF, 2016d). Un autre article de l’IMMAF est publié le même jour, dont le titre est très explicite, puisqu’il qualifie l’arrêt ministériel interdisant les compétitions de MMA en France d’antidémocratique (IMMAF, 2016c). Le 23 décembre 2016, Kerrith Brown, président de l’IMMAF, est cité dans un article de la fédération internationale intitulé « IMMAF backs legal challenge to French state over MMA ban »1. Celui-ci avance que l’interdiction de la pratique du MMA en compétition « constitutes an unnecessary and aggressive assault on civil liberties »2 (IMMAF, 2016e), mais aussi un danger. Il argumente qu’au vu de la croissance et de la popularité du MMA, ne pas reconnaître, soutenir, ni réglementer ce sport met en danger ses pratiquants qui ne peuvent bénéficier des structures de protection ni des avantages dont bénéficient d’autres sportifs (IMMAF, 2016e). Plus tard, en avril 2019, suite à des déclarations faites par le président de la fédération française de judo, Jean-Luc Rougé, à propos de sa vision de la régulation du MMA en France, la réponse du président de l’IMMAF est publiée sur le site internet de la fédération. En réaction à l’affirmation de la volonté de la fédération française de judo de modifier certains aspects techniques du MMA, de définir librement le contenu technique et les aspects culturels et éthiques des compétitions amateures, mais aussi d’interdire certains évènements de MMA professionnels si elle venait à en hériter la délégation, mettant en avant l’argument des valeurs sportives (L’Équipe, 2019), Kerrith Brown déclare :

1 « L'IMMAF soutient la contestation judiciaire contre l'État français concernant l'interdiction du MMA » (traduction personnelle) 2 « constitue une atteinte inutile et agressive aux libertés civiles » (traduction personnelle) 72

« I do not believe that Mr. Rougé would perceive anything controversial in our progression scheme or education guidelines, or on our competition platforms should he accept our invitation to attend and inspect all aspects. »3 (IMMAF, 2019a)

Il ajoute également :

« He is right in citing variants in arbitration and safety standards across private MMA events for as long as the sport is unregulated – Indeed, top level professional promoters, such as UFC, uphold extremely high standards in medical safety and arbitration, but while the sport is outlawed it remains a Wild West at the grass roots, and our unrecognised governing bodies have not been empowered to tackle this. »4 (IMMAF, 2019a)

À nouveau, l’IMMAF souligne l’existence d’enjeux de contrôle et de surveillance de la pratique autour de la régulation et de la reconnaissance du MMA en France et ailleurs.

Selon un autre article publié à la même période, la position de l’IMMAF vis-à-vis de la candidature de la fédération française de lutte pour la délégation du MMA est tout à fait différente. En effet, le président de la fédération internationale souligne les liens étroits qui ont existé entre plusieurs fédérations nationales de MMA et la FILA, certaines étant représentées par la FILA avant la création de l’IMMAF.

Concernant le niveau des combattants français de MMA, l’IMMAF reconnaît elle aussi la qualité du développement des talents français, les qualifiant de « successful professionals in organisations such as the UFC, and as amateur contenders on the international IMMAF – WMMAA platform »5 (IMMAF, 2019b) malgré la longue impossibilité des acteurs du MMA en France de structurer ce développement. Cependant, l’IMMAF, à propos des championnats mondiaux et européens de MMA amateur, écrit aussi que « the consistency and volume of France’s successes paled in comparison to its international counterparts, in nation’s that enjoyed greater acceptance and or government support and regulation of the sport. »6 (IMMAF, 2019b). Ainsi, à l’argument sécuritaire de l’institutionnalisation et la reconnaissance

3 « Je ne pense pas que M. Rougé percevrait quoi que ce soit de controversé dans notre schéma de progression ou nos lignes directrices en matière d'éducation, ou sur nos plateformes de compétition, s'il acceptait notre invitation à assister et à inspecter tous les aspects. » (traduction personnelle) 4 « Il a raison de citer des variantes dans les normes d'arbitrage et de sécurité des événements privés de MMA tant que le sport n'est pas réglementé. En effet, les promoteurs professionnels de haut niveau, tels que l'UFC, maintiennent des normes extrêmement élevées en matière de sécurité médicale et d'arbitrage, mais tant que le sport est interdit, il reste un Far West à la base, et nos organes dirigeants non reconnus n'ont pas été habilités à y remédier. » (traduction personnelle) 5 « des professionnels couronnés de succès dans des organisations telles que l'UFC, et en tant que concurrents amateurs sur la plateforme internationale IMMAF – WMMAA » (traduction personnelle) 6 « la constance et le volume des succès de la France ont pâli par rapport à ses homologues internationaux, aux nations qui jouissaient d'une plus grande acceptation et/ou du soutien et de la réglementation du gouvernement pour ce sport. » (traduction personnelle) 73 du MMA en France s’ajoute aussi, selon l’IMMAF, l’argument de la compétitivité de la nation tricolore dans les sports de combat au niveau international.

Dans un article datant de septembre 2019, on apprend que l’IMMAF, comme d’autres organisations internationales de MMA, représentée par son président et son directeur exécutif, Densign White, a été à la rencontre de deux fédérations candidates à la délégation du MMA en France, la FFB et la FFLDA, mais aussi de politiciens français lors de réunions portant sur l’institutionnalisation de la pratique dans l’Hexagone (IMMAF, 2019c). L’intérêt de l’IMMAF dans son positionnement au sein de l’écosystème du MMA français devient encore plus clair lorsque son directeur exécutif, dans sa déclaration en réaction à l’annonce de la délégation de la pratique à la FFB, fait le lien entre la position, voire peut-être l’influence de la France au sein du Mouvement Olympique et la campagne de reconnaissance internationale des arts martiaux mixtes menée de front par l’IMMAF. Ainsi, on comprend que la fédération internationale de MMA cherche à asseoir son contrôle de la juridiction internationale de la pratique du MMA amateur en se positionnant et en travaillant sa reconnaissance et sa légitimité au sein de nations olympiques fortes. À nouveau, le Mouvement Olympique et ses représentants sont considérés ici comme détenteurs du pouvoir de légitimation d’un sport.

« This is another significant milestone for the sport of amateur MMA. France is a major sporting nation and host of the Olympic Games in 2024, so partnering with boxing will be a massive boost in the growth of MMA in France. This is a major step in the ongoing campaign by IMMAF for international recognition of MMA as a sport with Olympic values. »7 Densign White, directeur exécutif de l’IMMAF – 21.01.20, Londres (IMMAF, 2020)

7.2.4. UFC La ligue professionnelle majeure de MMA, l’UFC, organisatrice d’évènements dans de nombreux pays à travers le monde, y compris en Europe, s’est également intéressée au processus d’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France. Certes, les annonces officielles ou prises de position publiques de la part de l’UFC sont bien moins nombreuses que celles de l’IMMAF, la ligue s’étant limitée à de brèves réactions suite aux annonces officielles du Ministères des Sports français quant au développement de la régulation du MMA en France.

Selon CNEWS, à l’occasion d’une conférence de presse à Boston en octobre 2019, le président de l’UFC, Dana White, aurait annoncé que la ligue américaine organiserait un

7 « C'est une autre étape importante pour le sport du MMA amateur. La France est une grande nation sportive et accueillera les Jeux olympiques en 2024. Le partenariat avec la boxe sera donc un facteur de croissance important pour le MMA en France. C'est une étape majeure dans la campagne actuelle de l'IMMAF pour la reconnaissance internationale du MMA en tant que sport aux valeurs olympiques. » (traduction personnelle) 74

évènement à Paris en 2020. Il confirmera cette perspective plusieurs fois, notamment en novembre 2019 au micro de TMZ Sport en parlant de l’avenir de deux combattants français de l’UFC, et Cyril Gane. Lors de cette interview, il déclare (traduction du magazine mouv.fr):

« 2020 va être une grande année pour Francis, il y a de gros combats pour lui et potentiellement un combat pour le titre. On a aussi la France. On l’a enfin ! On a travaillé longtemps pour ouvrir cet endroit au MMA. On va faire un évènement là-bas et Francis va être main-event. […] Je ne sais pas si vous avez vu la carte du dernier week-end à Singapour, mais il y a Cyril Gane aussi ; un poids lourd grand et badass. Non, Gane ne sera pas contre Ngannou, mais ils seront tous les deux sur la carte. » Dana White, président de l’UFC – 02.11.2019 (mouv.fr, 2019)

Plus tard, en janvier 2020, cette fois-ci au micro de RMC Sport, Dana White affirme à nouveau se réjouir d’organiser un évènement UFC à Paris car, selon lui, (traduction de RMC Sport) « Paris est une immense destination pour les gens. Peu importe où vous habitez, c'est un évènement où vous souhaitez vous rendre. » (RMC SPORT, 2020). Il souligne encore une fois que l’UFC était impliquée dans le travail d’ouverture du marché français. Concernant les athlètes français potentiellement « sur la carte » de ce premier UFC Paris, il reconnaît que tous les athlètes sont désireux de combattre à domicile, mais il déclare aussi vouloir privilégier des têtes d’affiche mondialement reconnues (traduction de RMC Sport) : « Quand vous débarquez dans un nouveau marché comme celui-ci, les fans veulent voir des superstars. » (RMC SPORT, 2020)

Finalement, en réaction à l’annonce officielle de la délégation du MMA à la FFB par la Ministre des Sports en janvier 2020, l’UFC publie un article sur son site internet dans lequel Lawrence Epstein, vice-président exécutif senior et COO de l’UFC, est cité. Celui-ci affirme qu’il s’agit d’une étape cruciale pour la reconnaissance du MMA en France et qualifie la nation tricolore de « trend setter » et de leader dans le milieu du sport. Lui aussi confirme la perspective de la tenue d’un évènement UFC en France et affirme que la ligue se réjouit de travailler avec la FFB, la boxe anglaise et le MMA ayant, selon lui, beaucoup de valeurs en commun, mais aussi une expérience collaborative, particulièrement aux États-Unis (UFC, 2020).

Ainsi, il est clair dans la communication de la ligue américaine que son positionnement sur le nouveau marché français du MMA est stratégiquement et commercialement important. La ville de Paris, destination internationalement reconnue, semble particulièrement visée pour l’organisation d’un évènement médiatiquement important. Comme le Bellator, l’UFC utilise les noms de ses athlètes français les plus connus dans sa stratégie de communication à l’attention des fans de MMA en France. D’importants enjeux économiques et de domination de la 75 juridiction des évènements de MMA en France existent donc bel et bien pour cet entrepreneur du MMA. On peut imaginer que le marché évènementiel français du MMA deviendra rapidement très concurrentiel. Enfin, il faut savoir que des enjeux de reconnaissance et de légitimation se cristallisent également autour de la reconnaissance du MMA en France, et ailleurs, pour l’UFC. En effet, lorsque ses représentants affirment s’être impliqués dans le travail de promotion de cette pratique, il est possible qu’ils fassent notamment référence à leur implication financière importante dans l’IMMAF. L’UFC fait effectivement partie des sponsors principaux de la fédération internationale dont la mission déclarée est la reconnaissance internationale des arts martiaux mixtes en tant que sport (IMMAF, 2016a). Il faut comprendre ici que cette reconnaissance est particulièrement, voire exclusivement, recherchée auprès du Mouvement Olympique car celui-ci détient le contrôle de la définition légitime de « sport ».

8. Discussion

Dans ce dernier chapitre, les hypothèses de départ ainsi que les hypothèses formulées à propos des enjeux que peut représenter l’institutionnalisation du MMA en France pour les différents acteurs issus de l’écosystème étudié sont reprises et discutées, afin d’alimenter une réflexion plus poussée sur les éléments mis en avant dans l’analyse des résultats de l’enquête qualitative proposée précédemment.

Premièrement, comme il avait été avancé dans la première hypothèse de départ, l’institutionnalisation du MMA en France est plutôt dominée par le Ministère des Sports qui délègue ensuite une partie du contrôle de sa juridiction à une fédération délégataire, dans notre cas la FFB, donc à un acteur de l’écologie du mouvement sportif associatif. Du côté du Mouvement Olympique, en France représenté par le CNOSF, l’implication n’est que symbolique car, comme le prévoit le Code du Sport français, le comité national olympique ne peut formuler qu’un avis consultatif que le Ministère des Sports n’est pas obligé de suivre, comme cela a été le cas pour le choix de la délégation du MMA à la FFB en janvier 2020. Ainsi, la cinquième hypothèse de départ ne peut être validée car il semblerait que le système hybride de gouvernance et d’organisation du sport en France ne soit pas à l’origine de l’intérêt des acteurs du MMA français à être reconnu par le Mouvement Olympique puisque, en France, celui-ci n’a qu’un pouvoir symbolique. C’est plutôt au niveau international que se joue un contrôle réel de la reconnaissance et de la définition légitime d’un sport par le Mouvement Olympique. D’autre part, certains acteurs influents du MMA français avaient également été intégrés dans les échanges entre le Ministère des Sports et les fédérations candidates à la délégation du MMA. Ceux-ci avaient alors accédé à une position valorisante, particulièrement face à des organisations anciennement défavorables à la pratique du MMA, grâce à laquelle

76 ils avaient pu formuler leur opinion. Par ailleurs, cette position n’avait également qu’une valeur symbolique puisque, encore une fois, le Ministère des Sports a démontré être le seul maître à bord concernant ce processus de délégation. En effet, alors que les acteurs du MMA semblaient vouloir privilégier la légitimité d’une fédération délégataire selon des critères d’affinités techniques entre disciplines, les critères de sélection de la fédération délégataire pris en compte par le ministère portaient sur la robustesse financière et organisationnelle de la structure fédérale d’accueil. Enfin, il est intéressant de rappeler qu’une grande majorité des acteurs entendus valorisent ce système de gouvernance du sport, à savoir un contrôle de la régulation et de l’organisation des pratiques sportives partagé entre le Ministère des Sports et les fédérations nationales affiliées au mouvement sportif associatif. Cependant, cette valorisation n’implique pas forcément une totale acceptation de ce système d’attribution, ou de réattribution, des positions de pouvoir. Selon les résultats de l’analyse proposée et en considérant le passé fragmenté, éclaté et divisé de la communauté du MMA français, les figures dominantes de cette communauté, dont le pouvoir symbolique est remis en jeu par le processus d’institutionnalisation de la pratique, officiellement et concrètement engagé depuis la délégation du MMA à la FFB, cherchent à, au moins, conserver et, au mieux, asseoir davantage leur position de pouvoir, bien que symbolique.

Concernant la deuxième hypothèse de départ, les médias, nous l’avons compris grâce à l’analyse des entretiens et interviews des acteurs du MMA français, ont une forte influence sur la construction de l’image d’une pratique et sur le développement de l’opinion publique à son propos, mais aussi sur la visibilité offerte aux pratiquants. Par ailleurs, leur juridiction est de plus en plus contestée et leur contrôle sur celle-ci menacée par les réseaux sociaux, par exemple, ou encore par l’apparition de canaux de médiatisation développés par les mêmes acteurs privés qui maîtrisent la pratique médiatisée (ex : l’UFC et son Fight Pass). Le Ministère des Sports et, par délégation la FFB, comme mentionné plus haut, sont quant à eux effectivement des acteurs dominants au sein de l’écosystème du MMA français étant donné leur contrôle de la juridiction de la régulation et de l’organisation de la pratique sur le territoire français. Quant à l’UFC, sa position dominante au sein de l’écosystème étudié consiste en son contrôle des compétitions rassemblant l’élite mondiale du MMA. Cette juridiction s’étend d’ailleurs à de nombreux pays à travers le globe, sur tous les continents habités.

La troisième hypothèse de départ est elle aussi validée. En effet, les pratiquants, autrement dit ces acteurs émergents non-affiliés au mouvement sportif associatif (selon le cadre temporel de l’analyse proposée) et longtemps même exclus du champ sportif, ne détiennent aucun pouvoir ni aucune influence sur l’organisation de la pratique. Bien que ceux-ci soient intégrés au processus de mise en place de la structuration du MMA par la FFB, la fédération délégataire

77 garde un contrôle réel total sur la régulation de la pratique : elle sélectionne les acteurs pouvant intégrer des groupes de travail qui n’ont pas un statut officiel de commission au sein de la FFB ni au sein de la FMMAF qui est, pour rappel, un organe interne à la FFB ; elle contrôle le système de formation et le système de gradation ; elle contrôle les négociations avec les organisateurs de combats et les ligues privées ; elle soumet les athlètes à une obligation d’autorisation pour combattre à l’étranger ; etc. L’implication des pratiquants ne semble donc que symbolique.

Comme l’ont très souvent souligné les compétiteurs interviewés, jusqu’en 2020, la pratique de leur sport en compétition nécessitait de se déplacer à l’étranger. De plus, le territoire français était complètement fermé à un marché évènementiel sportif très lucratif. L’institutionnalisation du MMA présente donc effectivement, comme formulé dans la quatrième hypothèse de départ, un caractère transnational. Il faut également ajouter à cela le travail de l’IMMAF. Pour la fédération internationale, chaque institutionnalisation nationale du MMA représente une possibilité d’étendre l’harmonisation de la régulation de la pratique au niveau international. Un exemple concret très parlant est la régulation internationale de la lutte anti-dopage. Si cette régulation n’est pas harmonisée internationalement, la lutte est tout à fait inefficace puisque l’application des sanctions n’est pas transnationale : un combattant reconnu dopé et sanctionné d’une interdiction de combattre dans certains pays ne le serait pas dans d’autres et il lui suffirait de se déplacer pour continuer à pratiquer.

L’analyse des résultats de l’enquête qualitative organisée par types d’acteurs permet ici d’évaluer les différentes hypothèses formulées à propos des enjeux existant pour ces derniers autour de l’institutionnalisation du MMA en France, résumées dans le tableau du chapitre 6.1.3. Grille d’analyse des principaux acteurs.

À propos des acteurs émergents non-affiliés, des enjeux de légitimation de leur pratique, ou même de définition légitime du MMA en tant que « sport », des enjeux de visibilité de la pratique en France et ailleurs, et des enjeux de professionnalisation sont confirmés par l’analyse proposée. On peut ajouter aux enjeux de professionnalisation un enjeu de reconnaissance, ou plutôt de reconnaissance des combattants du circuit professionnel et de leurs entraîneurs en tant que professionnels du MMA. L’obtention de ce statut et des avantages économiques et symboliques qui accompagnent celui-ci est une perspective très importante pour ces acteurs émergents.

Du côté des entrepreneurs du MMA, des enjeux de visibilité de la pratique et des enjeux économiques se cristallisent effectivement autour de l’institutionnalisation du MMA en France, plus particulièrement autour de la légalisation des combats car, comme relevé par de

78 nombreux acteurs interviewés ou dont les déclarations publiques ont été analysées, l’ouverture du marché français à l’industrie très lucrative du MMA crée de nouvelles opportunités d’affaires pour tous les entrepreneurs du MMA. De plus, ces nouvelles opportunités d’affaires permettent à certains entrepreneurs d’entrer dans la course au contrôle des juridictions de la pratique compétitive professionnelle, de l’organisation d’évènements de MMA, ou encore de la production et de l’offre d’équipements, et à d’autres d’y assoir encore un peu plus leur domination (ex : UFC). L’hypothèse selon laquelle des enjeux de légitimation de la pratique autour de l’institutionnalisation des arts martiaux mixtes en France ne soient valables que pour deux types d’entrepreneurs du MMA, à savoir les clubs de MMA et les ligues privées dont l’activité économique dépend particulièrement, peut elle aussi être confirmée. De plus, les personnes à la tête de ces organisations à but lucratif assurent souvent d’autres fonctions au sein de l’écosystème du MMA, fonctions qui les y impliquent encore davantage. Ainsi, de nombreux managers et/ou propriétaires de club sont également entraîneurs et très souvent aussi d’anciens pratiquants. Pour ces mêmes acteurs, la perspective de l’ouverture du marché français à l’industrie internationale du MMA représente de futurs avantages économiques ; à cela s’ajoute que l’institutionnalisation du MMA et son affiliation au mouvement sportif associatif, c’est-à-dire la légitimation de cette pratique en tant que sport, représente des avantages symboliques non-négligeables, comme par exemple la labellisation des clubs ou encore la certification officielle des services qu’ils vendent.

Concernant le mouvement associatif, puisqu’il n’a pas été possible d’obtenir des données à propos de la position des organes dirigeants quant à la question de l’institutionnalisation du MMA en France, se prononcer sur la validité des hypothèses d’enjeux de contrôle de la pratique, de contrôle de la définition légitime de la pratique et des enjeux économiques et politiques est difficile. Par ailleurs, il est intéressant de considérer la tension qui s’est installée entre le CNOSF, représentant les intérêts du Mouvement Olympique en France, et le Ministère des Sports, acteur politique au sein de l’écosystème étudié, sur la question de la délégation du MMA à la FFB. Pour rappel, le CNOSF avait donné un avis très réservé, autrement dit négatif, à ce propos et la Ministre des Sports a choisi, en conformité avec ses droits et pouvoirs, de l’ignorer. Ainsi, bien que, selon le système français de gouvernance du sport, ces deux acteurs soient censés collaborer et s’entendre sur l’affiliation d’une pratique sportive au mouvement sportif associatif français, on remarque que le pouvoir du CNOSF n’est bel et bien que symbolique et ne représente pas un obstacle politique aux décisions du Ministère des Sports qui lui, selon la loi et dans les faits, a les pleins pouvoirs sur l’octroi du statut de « sport » et de tous les avantages structurels, économiques, administratifs et symboliques inhérents à ce statut, sur le territoire français. Reste à savoir comment, au niveau international, le Mouvement Olympique va réagir, ou non, à une reconnaissance institutionnelle nationale

79 supplémentaire du MMA. La question reste aujourd’hui en suspens et met en perspective le niveau d’influence et les intérêts du Mouvement Olympique et de ses organes dirigeants sur des questions d’ordre national. En effet, la structure hiérarchique du Mouvement Olympique explique que les questions de régulation du sport au niveau national sont secondaires. De plus, les intérêts des organisations internationales, telles les Fédérations Internationales (FI), sont parfois tout à fait contraires aux intérêts des fédérations nationales concernant une même discipline sportive. Le cas du MMA en est d’ailleurs un exemple flagrant. En France, la régulation du MMA par le biais de sa délégation à une fédération délégataire représentait, pour plusieurs fédérations nationales de sports de combat, une opportunité de gagner en visibilité, en nombre de licenciés, et donc la perspective d’avantages économiques et symboliques importants (ex : la maîtrise des compétitions sur le territoire français). Au niveau international, la perspective de l’intégration du MMA au Mouvement Olympique représente au contraire une menace pour ces mêmes sports de combat, cette fois représentés par des FI, car les places au programme olympique sont limitées, particulièrement pour un même type de sports. Ainsi, le développement de la reconnaissance et de la régulation du MMA, nation par nation, rend la possibilité de l’affiliation de cette pratique lucrative et médiatiquement très forte au Mouvement Olympique de plus en plus menaçante. Reste à savoir qui du lobby des FI ou de celui de l’industrie du MMA, accompagnée de structures fédérales reconnues dans de plus en plus d’États, saura faire pencher la balance en faveur ou en défaveur de l’affiliation des arts martiaux mixtes à ce mouvement contrôlant la définition légitime de « sport » au sein du champ sportif international. À ce propos, il faut également être conscient que si les organes dominants le sport international, notamment le CIO, venaient à refuser le MMA, ils perdraient l’opportunité de contrôler une pratique rentable.

Autres acteurs de l’écologie du mouvement associatif, les régulateurs, notamment l’AFLD en France, présentent d’hypothétiques enjeux politiques, économiques et de surveillance de la pratique dans le processus d’institutionnalisation du MMA qui sont difficiles à confirmer ou à infirmer puisqu’aucune donnée à leur propos n’a pu être analysée. Cependant, considérant, par exemple, la mission de l’AFLD, ce régulateur détient un certain pouvoir de légitimation des performances sportives, voire d’authentification de celles-ci et, bien que le MMA ait pu être ignoré car situé en marge du champ sportif, sa régulation représente aussi des enjeux de contrôle de la juridiction de l’agence et d’étendue de celle-ci car si la culture des arts martiaux mixtes n’est pas contrôlée, des risques de « contagion » à la culture d’autres sports de combat surveillés par l’AFLD existent à cause du caractère pluridisciplinaire des combattants de MMA.

Du côté des acteurs économiques, il n’y a pas de données qui permettent d’évaluer la validité d’hypothétiques enjeux de visibilité et enjeux économiques portés par les sponsors dans le

80 processus de régulation du MMA en France. Pour les médias, il est également compliqué de se prononcer à propos des enjeux économiques et politiques réellement existants, car les quelques données récoltées auprès de consultants et autres journalistes sportifs ne sont pas suffisantes. De plus, au vu du fonctionnement de l’écosystème étudié et des relations qui y sont influentes, ces deux écologies ne font à priori pas partie de son centre névralgique, leurs juridictions respectives ne se cantonnant pas à ce seul écosystème. Ainsi, il est possible d’affirmer que les sponsors et les médias ne portent aucun enjeu véritablement crucial dans le processus considéré, le MMA ne représentant qu’un potentiel nouveau marché qu’il n’est pas vital d’intégrer.

Enfin, l’analyse de l’écosystème du MMA français, des acteurs qui en font partie et des liens qui se sont formés ou déformés au fur et à mesure du processus d’institutionnalisation considéré, a permis d’établir une projection de la situation de cet écosystème intégrant les changements provoqués par ce processus dynamique. Comme annoncé au chapitre 6. L’écosystème du MMA français, cette projection future est proposée sous forme de schéma.

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Schéma 3 : Ecosystème du MMA français – projection future 82

Le schéma de la page précédente présente ainsi deux changements majeurs par rapport à la situation analysée tout au long de ce travail, à savoir la situation qu’il était possible d’observer au printemps 2020, après la légalisation des combats de MMA sur le sol français et pendant le processus de structuration de la pratique par sa fédération délégataire, la FFB. La première modification est l’évolution de la qualification des acteurs émergents qui sont passés de « non- affiliés » à « affiliés » pour la simple raison que les pratiquants et entraîneurs de MMA peuvent être considérés comme définitivement affiliés à leur fédération délégataire, la FFB, au terme de la structuration mise en place par celle-ci. Par ailleurs, considérant que ces acteurs émergents ne formeront pas tout de suite une entité fédérale indépendante reconnue au niveau national au terme de la régulation du MMA en France, il semble plus exact de ne pas les représenter comme groupement sportif appartenant à l’écologie du mouvement associatif. Leur affiliation à la FFB est donc représentée ici comme un lien avec cette écologie qu’ils cherchent, à long terme, à intégrer. Ce nouveau lien, ainsi que celui qui met en relation les entrepreneurs du MMA avec les acteurs du mouvement associatif, composent le deuxième changement majeur à observer. En effet, la FFB est considérée ici comme entretenant d’étroites relations d’affaires avec ces entrepreneurs, particulièrement les ligues privées, les organisateurs d’évènements et les clubs de MMA français, compte tenu des pouvoirs qui lui ont été délégués par le Ministère des Sports. La gestion de ces relations d’affaires, cristallisant d’importants enjeux économiques et médiatiques pour la FFB, comme pour les pratiquants de MMA en compétition, sera sans doute le point clé du suivi de la régulation de la pratique par la Ministre des Sports et par les autres acteurs de différentes sphères qu’elle a choisi d’impliquer dans cette tâche (cf. chapitre 7.2.1. La Ministre des Sports).

8.1. Limites et perspectives de l’étude Cette étude, basée principalement sur l’analyse de résultats issus d’une enquête qualitative, a permis de mieux appréhender les forces en présence au sein d’un écosystème particulier mêlant un champ sportif, dans lequel ont émergé des acteurs promoteurs d’une pratique sportive développée sur un modèle commercial, et d’autres champs qui y sont connexes en raison du système hybride de gouvernance du sport en France. L’analyse avait pour cadre un projet particulier, l’institutionnalisation du MMA en France, qui a eu pour conséquence de mettre en mouvement des jeux de pouvoir entre les acteurs concernés, de réorganiser les positions de force, de modifier certaines relations entre les acteurs et d’en créer de nouvelles. Pour des raisons de simplification nécessaire à l’analyse proposée, ce projet à la nature dynamique et évolutive a été étudié sur la base d’un état de la situation rendue statique. De plus, ce travail a été élaboré entre la fin de l’année 2019 et l’été 2020, soit en plein processus d’institutionnalisation, marqué notamment par un évènement clé, à savoir la délégation du MMA à la FFB et la légalisation des combats de MMA dans l’Hexagone en date du 21 janvier

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2020. Bien qu’il ait été passionnant de suivre « en direct » l’évolution du projet étudié et l’évolution de l’écosystème analysé, il a été difficile de prendre le recul suffisant et nécessaire à l’appréhension globale de tous les changements pouvant résulter de la régulation nationale d’une pratique sportive. La récolte des données qualitatives par entretiens semi-directifs a également été biaisée par le fait que le sujet de l’étude ait été en pleine évolution et que tous les acteurs interviewés ne se soient pas trouvés en face de la même situation au moment où ils ont été entendus. Si cela avait été possible, c’est-à-dire si la date exacte de l’annonce de la délégation du MMA à la FFB et la légalisation de la pratique en compétition sur le sol français avait été connue, il aurait été intéressant d’interviewer les mêmes personnes avant et après cet évènement. D’autre part, bien que l’échantillon d’une enquête qualitative n’ait pas pour but la représentativité, il serait également intéressant, dans le cadre d’études futures, d’obtenir davantage de données de la part de pratiquants loisir, d’acteurs politiques, d’acteurs économiques et de représentants des médias afin d’affiner la compréhension de leur position et de leurs intérêts au sein de l’écosystème du MMA français. Enfin, le traitement de la même question de recherche à la fin du temps d’essai de la FFB en tant que fédération délégataire du MMA en France, ce qui correspondrait, théoriquement, au terme de la structuration de la pratique, serait une autre perspective à envisager.

9. Conclusion Finalement, et en réponse à la question de recherche formulée en amont de l’analyse exposée, il est admis que différents objets mettent en mouvement des jeux de pouvoir exercés par les parties prenantes à l’institutionnalisation d’une pratique sportive.

D’une part, des jeux de pouvoir se mettent en place à propos de la définition, du contrôle, de la défense et de la conquête de juridictions au sein du champ sportif, mais aussi au sein de champs qui y sont connexes. Ainsi, dans le cas de l’institutionnalisation du MMA en France, le Ministère des Sports a assis encore davantage son contrôle sur la juridiction de la reconnaissance des pratiques et de leur affiliation au mouvement sportif associatif français avec qui il entretient des liens étroits. La FFB s’est quant à elle définie une nouvelle juridiction, à savoir celle de la régulation et de l’organisation de la pratique du MMA sur le sol français. De clairs avantages économiques et de visibilité accompagnent ce nouveau contrôle et renforcent donc le poids de cette fédération délégataire au sein du système de gouvernance du sport en France. Du côté des pratiquants et particulièrement des athlètes de compétition, qui sont finalement les premières personnes impactées, personnellement et professionnellement, par les décisions gouvernementales de légalisation et de régulation d’une pratique sportive, la majorité d’entre eux ne disposent toujours que d’une position très

84 faible, voire uniquement symbolique, au sein d’un écosystème qui, pourtant, s’organise autour de la production de leurs performances sportives.

D’autre part, des jeux de pouvoir se mettent en place à propos du contrôle de la définition des pratiques sportives légitimes au niveau national et international. De ce côté-là, l’analyse a révélé, ou confirmé, qu’au niveau national, du moins dans l’Hexagone, le pouvoir de définition des pratiques sportives légitimes détenu par le Mouvement Olympique n’est que symbolique et, dans le cas de la reconnaissance du MMA en France, ineffectif face au Ministère des Sports. Au niveau international se joue cependant une grande bataille entre le lobby de l’industrie du MMA, fort d’un soutien de plus en plus accru de la part du milieu sportif associatif de nombreux États, et le lobby du Mouvement Olympique et des FI chez qui le contrôle de la définition des pratiques légitimes est encore total et effectif. C’est pourquoi la reconnaissance globale de la discipline MMA est tellement désirée par tous ses pratiquants et toutes les personnes impliquées professionnellement dans ce sport.

Enfin, tout cela se cristallise autour de la recherche de différentes formes de légitimité (sportive, politique, économique, médiatique) de la part de chaque partie prenante à un projet d’institutionnalisation d’une pratique sportive qui, chacun en est conscient, mène à un remaniement et à un changement de dynamique profond de l’écosystème concerné. L’écosystème étudié dans ce travail a cela de particulier qu’il mêle très étroitement des acteurs commerciaux économiquement et médiatiquement puissants, et des acteurs fondateurs du mouvement sportif au pouvoir symbolique de légitimation (dont découlent également des avantages économiques, politiques et médiatiques) très bien implanté et encore reconnu comme exclusif. Cet écosystème a été examiné dans une perspective macrosociale et au niveau national, sur le modèle de la France. Or, comme il a été confirmé, le champ sportif traverse les frontières. C’est pourquoi il serait intéressant, dans la perspective d’une prochaine étude sur le MMA, de se pencher sur les interactions et jeux de pouvoir qui se mettent en place entre les acteurs internationaux concernés par la régulation mondiale d’un sport au développement et au succès populaire exponentiels.

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92

11. Annexes Guide d’entretien enquête Mixed Martial Arts

Socialisation sportive et engagement dans MMA Qu’est-ce qui vous a amené à faire du MMA ? Depuis quand ? Autres arts martiaux/ sports de combat avant ? Autres sports ? Famille sportive ? Scolarité ? Jusqu’où ? Formation ?

Attrait pour et regard sur le MMA Qu’est-ce qui vous plait dans ce sport ? Spécificité du MMA par rapport à d’autres sports ? Quel + ? Est-ce que le MMA est un sport à part entière ? Comment vivez-vous que le MMA ne soit pas encore pleinement reconnu par le monde sportif (pas de fédération officielle, par exemple) ? Est-ce que vous considérez le MMA comme un sport violent ? Quel regard des proches par rapport au fait que vous faites du MMA ? Vous sentez-vous soutenu ? Si oui, par qui ? Votre avis sur le MMA féminin ?

Entraînement et gestion des compétitions Avez-vous un entraîneur ? Comment l’avez-vous choisi ? Détails sur l’entraînement : fréquence/ type ? Faites-vous de la compétition ? A quel niveau ? Dans quel(s) pays ? Quels sont vos objectifs à court/ moyen/ long terme ? Comment gérez-vous la fatigue, les (risques de) blessure, la récupération ? Gagnez-vous de l’argent ? Combien ? Sous quelle forme (contrats de sponsoring, gains des combats) ? Etes-vous satisfait de ce que vous gagnez ? Quelles sont vos attentes sur un plan économique ?

Alimentation et pharmacologie Faites-vous attention à votre alimentation ? Détails. Consommez-vous des compléments alimentaires/ vitamines ? Depuis quand ? Le cas échéant, comment les obtenez-vous et êtes-vous suivi par un spécialiste ? Médecin, pharmacien, automédication, Internet, pairs, entraîneur ? Quel budget cela représente-t-il ? Avez-vous un médecin ? Quel type (généraliste, sport, autre) ? Pourquoi le consultez-vous ? Usage de produits « interdits »8 ? Dans quel but ? Depuis quand ? Quelles sensations ? Obtenus auprès de qui/ quelle catégorie d’acteurs ? Attitude à l’égard de la lutte antidopage dans le sport ? Quel niveau de connaissance ? Quel regard par rapport à d’éventuelles pratiques chez d’autres adeptes de MMA ?

8 A voir ce qui est effectivement interdit dans le MMA 93

Avenir du MMA Comment voyez-vous l’avenir du MMA ? Attentes/ craintes/ espoirs ? Suivez-vous le développement de la situation du MMA en France (légalisation des combats, institutionnalisation, AMI, délégation à une fédération) ? Qu’est-ce que la (prochaine) légalisation des combats de MMA en France représente pour vous ? Vous en réjouissez-vous ? Pourquoi ? Quel est votre avis sur la délégation du MMA à la FFB ?9

9 Question ajoutée après le 21 janvier 2020 94

Tableau typologie interviewés

N° Type d’acteur Ecologie Détails Timing

interview

s

affiliés

-

du sport du

s non s

e

évènement

émergent

Pratiquant MMA EntraîneurMMA Club de MMA Ligueprivée Organisateur Équipementier Organedirigeant Groupement sportif Régulateur Ministèredes Sports Agence national Sponsors Médias Acteurs Entrepreneursdu MMA Mouvementassociatif Acteurspolitiques Acteurséconomiques Médias légalisation Avant Aprèslégalisation 1 X X X X X Ancien compétiteur, membre du comité X directeur de l’IMMAF et membre de la CFMMA 2 X X X X X X X Ancien compétiteur, entraîneur et X X manager de club, membre de la CFMMA 3 X X X Ancien compétiteur X 4 X X Compétiteur X 5 X X X X X Ancien compétiteur X 6 X X X X X Ancien compétiteur X 7 X X X Ancien compétiteur X 8 X X Compétiteur pro X 9 X X Compétiteur pro X 10 X X Compétiteur X 11 X X X X X Ancien compétiteur en grappling X 12 X X X X X Ancien compétiteur et ancien X entraîneur, employé de la FFB

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N° Type d’acteur Ecologie Détails Timing

interview

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du sport du

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Pratiquant MMA EntraîneurMMA Club de MMA Ligueprivée Organisateur Équipementier Organedirigeant Groupement sportif Régulateur Ministèredes Sports Agence national Sponsors Médias Acteurs Entrepreneursdu MMA Mouvementassociatif Acteurspolitiques Acteurséconomiques Médias légalisation Avant Aprèslégalisation 13 X X X X X Ancien compétiteur X X 14 X X X X X Ancien compétiteur X 15 X X Pratiquant loisir X 16 X X Compétiteur pro X 17 X X Compétitrice X 18 X X X Ancien compétiteur X 19 X X Compétitrice pro X 20 X X Entraîneur de X 21 X X Compétiteur pro X 22 X X Compétitrice amateur X 23 X X Compétitrice X 24 X X Pratiquant loisir X 25 X X Compétiteur pro X X 26 X X Président et fondateur de MMA TV X 27 X X Vice-président de la fédération de X Pankration et d’Arts Martiaux Mixtes 28 X X X X Compétiteur pro et consultant pour X MMA TV 29 X X Compétiteur pro X

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N° Type d’acteur Ecologie Détails Timing

interview

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émergent

Pratiquant MMA EntraîneurMMA Club de MMA Ligueprivée Organisateur Équipementier Organedirigeant Groupement sportif Régulateur Ministèredes Sports Agence national Sponsors Médias Acteurs Entrepreneursdu MMA Mouvementassociatif Acteurspolitiques Acteurséconomiques Médias légalisation Avant Aprèslégalisation 30 X X Entraîneur de MMA et Muay Thaï X 31 X X Compétiteur pro X 32 X X X X Compétitrice pro et manager de club X 33 X X Compétitrice pro X 34 X X Vice-président Europe du Bellator X 35 X X Compétiteur pro X 36 X X Compétitrice pro X 37 X X Future compétitrice X 38 X X X X Entraîneur et co-président de la CFMMA X 39 X X Compétitrice pro X

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