sommaire N° 10, janvier 2009

Editorial

• En ce début d’année 2009 … p.3 Les Chroniques frontalières sont publiées en français et en anglais. Disponibles sur www.oecd.org/sah Dans ce numéro, www.afriquefrontieres.org En partenariat éditorial et financier avec le Club du vous trouverez une série de focus... Sahel et de l’Afrique de l’Ouest-OCDE

Responsable : Marie Trémolières CSAO-OCDE Une vision transfrontalière pp.4-15 2 rue A. Pascal 75116 Paris-France [email protected]

pp.16-19 Production : Guy-Michel Bolouvi Un fonds commun de ressources Sud Communication BP 145 Fada N’Gourma - Burkina Faso T: +226 70 33 24 16 F: +226 78 83 80 53 [email protected] Un pays frontière pp.20-25

Ont participé à ce numéro Guy-Michel Bolouvi, Marie Trémolières. Point de vue sur... l’Initiative Karakoro pp.26-40 Traduction Leslie Diamond • La parole aux acteurs et élus locaux Impression OCDE

Le contenu de cette publication n’engage que les seuls auteurs. • Questions au Directeur Afrique du GRDR © Copyright : Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit sans l’autorisation écrite du propriétaire du copyright. Toute demande doit être envoyée à l’éditeur. EDITORIAL

Chers amis lecteurs,

En ce début d’année 2009, que souhaiter de plus, que de grandes réussites pour chacun, qu’une fructueuse poursuite du programme engagé dans le Karakoro, qu’une bonne continuation à notre bulletin. Cette année marque également quelques départs ou déménagements : Arezki Harkouk désormais en poste à Paris après un long séjour en Mauritanie ; Aguibou Diarrah aux commandes du Programme Frontière de l’Union africaine à Addis Abeba ; Michel Bolouvi notre journaliste encore plus près des frontières à Fada N’Gourma et non plus à Niamey. Ce numéro est consacré au Bassin du Karakoro où les populations de part et d’autre des frontières affichent un fort engagement en faveur du développement frontalier qu’ils soient acteurs locaux ou institutionnels : un rapprochement, comme tous le soulignent, renforcé par l’action du GRDR. •

Bonne lecture ! La rédaction

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 3 focus sur... le Karakoro

La coopération transfronta- lière peut-elle générer des miracles ?

On ne lui demande pas tant. Dans le bassin du Karakoro, seulement de travailler à un changement de comporte- ment des populations riverai- nes.

D’un environnement socio économique particulièrement fragile, du fait de la préca- rité de ses ressources natu- relles soumises à de fortes pressions, il est attendu une évolution des tendances à la faveur d’une gestion concer- tée, transfrontalière.

Décloisonner, évoluer d’une culture de coopération fron- talière vers une dynamique de coopération transfronta- lière ; impulser la jonction et l’intégration des initiatives des acteurs locaux, rendre crédible et effectif le concept de «pays frontière» ou l’intégration de proximité.

Une vision transfrontalière

e 17 janvier 2008 marque rainage du Général Kafougouna Koné, projet. Une étape, car le projet est en une date importante dans le ministre malien de l’Administration et marche depuis plus longtemps. Si elle processus de mise en œuvre des Collectivités locales et de Yahya ne constituait pas la mise en route du du PIT dans le bassin du ould Kebd, ministre mauritanien de la projet, cette rencontre de lancement Karakoro. Cette date est une Décentralisation et de l’Aménagement. officiel lui apporte une caution stimu- étape.L Avant, il y a eu la conception Etaient également présents le ministre lante : elle est l’occasion d’une mise opérationnelle du projet, après, doit malien de la Sécurité intérieure et de à niveau de l’information sur le projet suivre sa réalisation. Le 17 janvier la Protection civile, l’ambassadeur de en préparation depuis des années. Elle 2008 s’est tenue à l’hôtel Olympe de Mauritanie au et un représentant donne surtout à ses concepteurs une Bamako au Mali, la rencontre de vali- du ministère des Affaires étrangères opportunité de soumettre le projet à la dation du document de projet sur du Mali : une très forte représentation contradiction et de favoriser son adop- l’«aménagement concerté du Bassin du politique des deux pays se partageant tion par tous. Karakoro». Cette rencontre officialisait le lit du Karakoro pour illustrer le Comme pour la mise en route des autres le projet à la faveur du double par- cachet le plus officiel au lancement du chantiers du Programme d’initiatives

4 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 transfrontalières (PIT) de la Cedeao, Karakoro, sur l’ensemble de la fron- la démarche admet que le projet, dans tière entre le Mali et la Mauritanie : un sa phase d’élaboration, peut se suffire pas vers la réalisation de l’intégration d’un nombre réduit d’acteurs pour des régionale. Le lancement du PIT dans raisons d’efficacité ; en revanche, elle le Karakoro est l’occasion d’une affir- lui impose une appropriation à grande mation de la volonté de faire de cette échelle parce que le PIT est fondamen- intégration à petite échelle une autre talement l’affaire des acteurs locaux : à plus grande échelle : la démonstra- les populations, les élus, les adminis- tion surtout que l’intégration n’est pas trations, les gouvernants. un terrain vierge dans cette partie de Au-delà du caractère routinier des allo- l’Afrique de l’Ouest. Il lui manque juste cutions qui portent le sceau de l’offi- d’être révélée. cialisation, les deux ministres sont por- Ce 17 janvier 2008 donc, le profes- teurs de la déclaration d’implication seur Moctar ould El Hacen, Conseiller politique, au moins, des deux pays. du ministre mauritanien de la Aguibou S. Diarrah Ils reconnaissent nombre de vertus au Décentralisation et de l’Aménagement projet parmi lesquelles, la promotion montre des preuves de cette intégra- la coopération transfrontalière qu’il prône, Aguibou S. Diarrah, Directeur national des frontières du Mali était aussi présent pour plaider, encore et toujours, en faveur des « regroupe- ments régionaux viables », aussi bien au niveau de la région que du continent. Il a participé aux lancements des ini- tiatives PIT respectivement en 2005 à Sikasso (Burkina-Côte d’Ivoire-Mali) et à Ziguinchor (Sénégal, Gambie, Guinée Bissau) et en 2007 à Katsina (Nigeria- Niger). Il est, avec Laurent Bossard du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO), l’optimisme de la coopération Les deux ministres : le Mauritanien Yahya ould Kebd (à gauche) et le Malien transfrontalière, celui qui a été de tous le Général Kafougouna Koné. les combats pour que naisse le PIT. A la tête de l’unité «Développement du bon voisinage et du développement tion depuis longtemps en construction local et intégration régionale» du local, l’instauration d’une paix et entre le Mali et la Mauritanie et sanc- CSAO, ce dernier est bien indiqué pour d’une sécurité durables le long de leur tionné par des «Accords de coopération rappeler les enjeux du programme. La frontière commune, l’encouragement et de bon voisinage» (Cf. fac similé coopération transfrontalière «outil» à la solidarité et aux échanges. «Accord sur la transhumance», 19 sep- d’une ambition majeure, vision politi- Le programme concerté d’aménage- tembre 1989). ment du Karakoro est reçu comme un Le Mali et la Mauritanie sont liés par des outil de développement économique et cadres de coopération transfrontalière social, et donc d’intégration. depuis les indépendances. Le handicap En effet, ce projet qui implique une est que les nombreux instruments juri- cohérence des politiques sectoriel- diques qui les sous-tendent sont peu, les entre les deux pays, peut susci- voire méconnus par les communautés ter d’autres initiatives, en deçà du locales. Le professeur Moctar ould El Hacen, l’a dit, «l’ancienneté de la coo- pération entre la Mauritanie et le Mali est continue, progressive et touche divers domaines (…)». Entre les deux pays, s’inscrit de fait la dimension géographique. Il revient à l’homme cependant de détecter, extraire et développer les complémen- tarités entre les deux pays. Selon le professeur, l’homme n’a pas failli. En témoigne l’existence d’un «cadre Laurent Bossard juridique de coopération entre les deux pays et des domaines de coopé- que et stratégique de la construction ration directe entre autorités adminis- d’un espace ouest-africain. Un édifice tratives, collectivités locales et société à 3 pylônes : le «financement» pour Moctar ould El Hacen civile». Infatigable missionnaire de lequel il faudra réfléchir à la mise en

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 5 focus sur... le Karakoro

place d’un fonds régional pour la coo- renforcement de la compétitivité ter- Les participants ont eu des éléments de pération transfrontalière ; les «capa- ritoriale» et vers une «mutualisation réponse avec Arezki Harkouk, directeur cités régionales ouest africaines» qu’il des infrastructures, des services, des Afrique du Grdr, à qui il est revenu de faudra pourvoir car la coopération ressources, etc.» Pour confirmer cet présenter cette initiative qui, à peine transfrontalière est dynamisée par des élan, les représentants des gouverne- énoncée, suscite une boulimie. Un ressources humaines actives et enga- ments du Mali et de la Mauritanie ont devoir de présentation qui lui incom- gées ; un «nouveau partenariat» afro- promis des engagements budgétaires bait d’autant plus que, dans le cadre européen avec notamment les régions directs et les apports des programmes de ses interventions dans le bassin du frontalières européennes (ARFE). indicatifs nationaux du Xeme FED. Le fleuve Sénégal, le Grdr a été le maître Plus qu’une banale rencontre pour projet d’aménagement concerté du d’oeuvre du processus. discourir autour de la traditionnelle bassin peut également compter sur les • pause-café, le lancement du PIT dans acteurs de la région de : gouver- le Karakoro a permis de confirmer les neur, collectivité locale, coopération adhésions : implication des ministères française et coopération décentralisée concernés par le processus et, au-delà, Nord Pas de Calais se proposent d’insé- tout l’appareil administratif des deux rer l’initiative Karakoro dans le plan de pays ; une plus forte présence de la développement régional de Kayes. Déjà Cedeao qui doit fournir le ciment régio- partenaire de la mise en œuvre du PIT nal ; appropriation de la réalisation par en zone S.K.Bo (Sikasso-Bobo-Korhogo), les populations et la société civile… le PNUD Mali a, ici aussi, manifesté un La prochaine étape…. Joindre l’acte intérêt de principe. Avec le Csao et le au projet d’agir, réussir «la conver- Grdr en renfort pour la mobilisation gence des politiques sectorielles des d’autres partenaires, le tuteurage du deux pays notamment les politiques projet de développement concerté du liées à l’économie, le développement bassin du Karakoro autorise un grand local, les législations, etc.» : la voie optimisme. Les participants à la ren- royale vers la «valorisation du prin- contre souhaitent des actions dès cette cipe de subsidiarité notamment dans le année 2008 et un programme effectif domaine de la paix et de la sécurité; le dans son ensemble en janvier 2009. Arezki Harkouk

L’initiative Karakoro

e directeur Afrique du Grdr, le projet de développement concerté administrations centrales, acteurs du Arezki Harkouk explique du bassin du Karakoro ou «Initiative Karakoro, partenaires techniques et qu’avant la rencontre pour Karakoro» a été minutieusement éla- financiers et, d’autre part, la mise en la validation institutionnelle boré avec, d’une part, la consultation débats pour validation des données du Lde ce 17 janvier à Bamako, de l’ensemble des parties prenantes,

Vue d’une rive du Karakoro

6 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 terrain, notamment à Nouakchott et à Kayes. Discipliner la migration Il a rappelé que l’initiative Karakoro est ême si l’émigration y est plus prononcée, le bassin du Karakoro reste un la mise en projet réalisable des «témoi- espace important d’immigration. gnages ainsi que d’une forte demande M Une des caractéristiques des populations du bassin du Karakoro est d’avoir consi- des acteurs locaux d’une coopération déré la migration comme une alternative à la pauvreté, à l’enclavement et à la transfrontalière plus approfondie et marginalisation que connaissent nombre de zones transfrontalières en Afrique de mieux soutenue par les Etats, de l’en- l’Ouest. gagement politique fort des Etats à Le phénomène est ancien dans le bassin du fleuve Sénégal en général et dans celui encourager les initiatives locales trans- du Karakoro en particulier. Les populations de la zone, Mauritaniens, Maliens ou frontalières et enfin de la disponibilité Sénégalais s’illustrent dans ce domaine depuis le XIXeme siècle. Dans le milieu des partenaires au développement à des années 1990, on estimait à environ 500 000 le nombre de migrants issus de accompagner la réflexion, l’action et centaines de villages de la région du fleuve et du bassin du Karakoro, soit à l’in- la dissémination des expériences de térieur de la zone ouest africaine, soit vers l’Europe (Union européenne) et dans coopération transfrontalière». une moindre mesure l’Amérique du Nord. Les migrants jouent un rôle très important dans le financement d’actions de déve- loppement de leurs localités d’origine. Dans les années 80, les transferts mensuels des migrants originaires de Guidimakha s’élevaient à 300 millions d’Ouguiya, soit dix fois plus que les transferts de l’Etat. Mais, les modes opératoires de leurs investissements se sont longtemps cantonnés dans des solidarités villageoises Mauritanie voire familiales (écoles, postes de santé, mosquées, etc.). L’initiative Karakoro devrait réorienter les objets et modalités de ses actions directes et de celles et Cedeao, notamment qui visent la promotion des partenariats de coopération décentralisée Nord-Sud. nouvelles noces ? A l’échelle régionale, la politique de partenariat entre l’UE et la Cedeao intègre la promotion d’une stratégie de l’emploi et migration. Parmi les mesures qui a Mauritanie y était, n’est plus, pour- seront prises dans ce sens figurent l’appui à l’intégration des questions de migra- rait revenir ? Entre la Mauritanie et L tions dans les politiques communautaires et la mise à disposition de la Cedeao et la Cedeao le politique peine à enterrer des États, de moyens et capacités propres à amoindrir les aspects néfastes des les liens historiques. migrations. L’UE compte aussi soutenir la gestion de flux migratoires internes à Si la Mauritanie s’est retirée depuis le la région et au-delà. Le dispositif en vue devra cependant trouver une cohérence 1er janvier 2002 de la Cedeao - organi- entre la politique fortement affichée de la Cedeao : de la libre circulation des sation sous régionale regroupant l’en- biens et des personnes comme facteur d’intégration régionale et celle de son semble des pays de l’Afrique de l’Ouest partenaire l’Union européenne qui recule de plus en plus les frontières de la - ce retrait n’a presqu’en rien modi- migration. fié les rapports politiques, humains, • sociaux, économiques avec les autres pays. Pour preuve, la Mauritanie béné- L’initiative se présente ainsi «comme la migration, le directeur Afrique du ficie d’un statut d’observateur à la un processus de construction d’un Grdr y voit «une alternative pour une Cedeao, singulièrement avec les Etats cadre de cohérence et d’une régulation large majorité de ceux qui n’ont plus partenaires dans l’OMVS. collective des coopérations transfron- de choix que de partir de chez eux sans Au plan de la coopération avec l’Union talières dans le bassin du Karakoro, au être sûr de pouvoir y revenir et pour européenne, l’Accord de Cotonou bénéfice des populations de la zone». ceux qui sont ailleurs, de revenir chez dans le but de former un bloc régional Les collectivités locales ou territoria- eux avec de nouvelles perspectives». constitutif d’une zone de libre échange les y ont donc un rôle primordial. Ceci A bien y voir, le directeur Afrique du euro africaine a arrimé la Mauritanie à implique, «une meilleure intégration Grdr est bien optimisme lui qui présente la Cedeao. A la faveur du changement des hommes, des ressources et des ter- l’espace Karakoro comme «un environ- démocratique intervenu récemment ritoires dans une perspective de déve- nement socio économique particuliè- en Mauritanie, depuis l’avènement loppement, de paix, de sécurité et rement fragile du fait de la précarité du processus de transition en 2007, le d’amélioration de l’environnement». prononcée de ses ressources naturelles régime actuel envisagera-t-il le retour A terme, Arezki Harkouk, entrevoit un subissant de fortes pressions». Mais, du pays au sein de la Cedeao ? La nomi- projet Karakoro qui agirait en précé- il croit au possible renversement des nation d’un représentant spécial de la dent incitatif pour d’autres initiatives tendances. La vertu du développement Mauritanie auprès de la Cedeao et les «en d’autres espaces frontaliers liant concerté se trouve certainement au déclarations des plus hautes autorités le Mali et la Mauritanie». L’histoire de centre de ce défi de contestation d’un mauritaniennes abonderait-il dans ce la zone du Karakoro collant à celle de contexte au bord de la désolation. sens ?•

disponible sur le site

www.oecd.org/csao

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 7 focus sur... le Karakoro

C’est dans l’alliance des forces de deux pays et la participation des popu- Accord sur la Transhumance lations des deux rives du bassin qu’il faudra puiser la première énergie de Entre cette initiative dont l’objectif princi- pal est de «contribuer à l’amélioration La République du Mali des conditions de vie des communautés Et vivant dans le bassin, au renforcement des politiques de bon voisinage et de La République Islamique de Mauritanie l’intégration de proximité». La concer- tation multi actorielle se pose donc en épicentre de l’initiative. Le Grdr a • Conformément aux dispositions de l’accord zoo-sanitaire signé le 20 Juillet conçu un programme d’une durée de 1968 et amendé le 2 Février 1986 entre la République du Mali et la République quatre ans, sur la base d’une démarche Islamique de Mauritanie, participative en quatre axes : concer- • Considérant l’importance que revêt le phénomène de transhumance des trou- tation locale et gestion concertée des peaux entre les deux pays, ressources naturelles ; amélioration de • Considérant les facteurs qui motivent cette transhumance et les divers autres l’environnement infrastructurel fron- mouvements du bétail dans les zones frontalières entre les deux pays dont prin- talier ; consolidation des dynamiques cipalement la recherche de pâturages et de points d’eau, économiques transfrontalières ; et la • Considérant les problèmes écologiques, sanitaires, socio-économiques et juridi- capitalisation et production d’outils ques qui peuvent découler de ces vastes mouvements de bétail. méthodologiques. Attention cependant, selon le direc- Les deux parties sont convenus de ce qui suit : UN ACCORD SUR LA TRANSHUMANCE teur Afrique du Grdr «une coopération entre la République du Mali et la République Islamique de Mauritanie. transfrontalière dynamique, sous-ten- due par une volonté politique forte et • Ainsi que, un cadre institutionnel adéquat reste encore un défi à relever dans la pers- LES MODALITES PRATIQUES DE CETTE TRANSHUMANCE ont été établies et signées pective d’une atténuation substantielle par la commission mixte Mali Mauritanie tenue à Nouakchott du 13 au 20 Septembre du poids de la frontière dans la vie des 1989 ; populations». Les textes étant joints au présent document. Arezki Harkouk fait remarquer que «de nombreux obstacles, de multiples CHAPITRE I contraintes sont à lever et des problè- mes majeurs sont à résoudre pour faire MODALITES PRATIQUES DE LA TRANSHUMANCE du bassin du Karakoro, un bassin de vie». La réalité sur le terrain montre en effet un quotidien des populations et Article 1 : - La durée de la transhumance dans les deux (2) pays est de six (6) à usagers des frontières fait de frustra- neuf (9) mois durant l’année. Sa période sera déterminée d’accord partie par les tions et brimades : «malgré les volontés autorités compétentes frontalières. affichées des États de la Cedeao plus Article 2 : - L’effectif animal à transhumer pour une durée donnée sera fonction la Mauritanie, la frontière demeure des disponibilités fourragères des régions. encore un lieu de tracasseries.

8 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Article 3 : - La limite Sud de la transhumance est fixée par la ligne , La multiplicité des postes de sécurité, Bafoulabé, Kolokani, Banamba, Ségou, Djénné, Bankass, Koro pour les troupeaux qui sont en fait des postes de contrôle mauritaniens. Pour les troupeaux maliens la limite est fixée au Sud de la ligne qui donne à voir des pratiques officieuses va de Timbédra à Djiguéni. de prélèvements, d’amendes et autres Les camelins auront comme limite-Sud une ligne passant par , Koussané, contraventions…, qui constituent une Sandaré, Diéma, Dioumaran Mourdiah, Sokolo, Dioura. entrave lourdement ressentie par les Article 4 : - Les zones de mise en défense, les périmètres de protection ou les populations frontalières». domaines forestiers de collectivités ou de particuliers ne pourront être exploités Arezki Harkouk est donc revenu sur le que conformément aux dispositions du code forestier du pays hôte. préalable, engagement politique, afin Article 5 : - L’exploitation des mares, puits et rivières est soumis aux dispositions de garantir des conditions propices à du code forestier en vigueur dans le pays hôte. une meilleure circulation des person- Article 6 : Dans la zone de transhumance, l’ébranchage est soumis aux disposi- nes et des biens. De la responsabilité tions du code forestier du pays hôte. des Etats, dans le cadre des politiques Article 7 : - Tout troupeau transhumant doit obligatoirement passer par l’un des d’intégration régionale avec l’appui postes d’entrée et de sortie de chacun des pays désignés ci-dessous : des partenaires bilatéraux et multila- téraux, dépendent tous les mécanismes Côté malien : concertés de gestion des ressources et Diboli Ballé Sokolo des conflits, désenclavement, amélio- Melgué Nara Nampala ration des circuits d’échanges commer- Bilikouaté Guiré Léré ciaux, aménagement du territoire. Les Tambakaray Yélimané Kaselma acteurs locaux, véritables porteurs des Tourougoumbé dynamiques transfrontalières, ayant Dily pour leur part la mise en œuvre de Gogui cette coopération. Justement, Arezki Harkouk, fonde son Côté mauritanien : optimisme sur les liens communautai- Kabou Gogui Abdel Bagrou res remontant très loin dans l’histoire Melgué Kobony Tiky de la région entre populations des deux Ould Yenjé Gleibatt Bassikounou rives du Karakoro : «la coopération Hamoud Djéguéni Fassala transfrontalière est une réalité dans Tafara Mabrouk le bassin du Karakoro. Les populations Toull Boustella échangent et interagissent au quotidien Kankhossa Jégui dans des secteurs aussi divers que la santé, l’éducation, le commerce, l’éle- Les transhumants doivent se conformer à l’accord zoo-sanitaire existant entre vage, la gestion des conflits, le partage les deux pays. des ressources naturelles, etc.». Pour Article 8 : - En cas de non respect des dispositions de l’accord zoo-sanitaire, le dire que «l’homogénéité, la solidarité, troupeau sera mis en quarantaine et vacciné. les échanges et complémentarités qui Article 9 : - Les vaccinations dans le pays hôte sont à la charge des éleveurs sous-tendent la vie dans le bassin trans- cendent la frontière».•

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 9 focus sur... le Karakoro

CHAPITRE II Article 15 : En cas de conflits, les transhumants doivent s’en CONDUITE ETGARDIENNAGE DES ANIMAUX remettre aux autorités locales compétentes et éviter de se faire justice. Article16 : A la fin de la transhumance, les transhumants Article 10 : - Tout éleveur transhumant doit : doivent regagner leur pays d’origine conformément aux dis- - Assurer effectivement le gardiennage de ses animaux ; positions de l’article 7. - Respecter la réglementation officielle en matière de pacage dans le pays hôte. Les divagations d’animaux sont punies par la loi. CHAPITRE IV DISPOSITIONS FINALES CHAPITRE III FORMALITES ADMINISTRATIVES Article 17 : Toute infraction aux présentes dispositions sera sanctionnée conformément aux lois en vigueur dans le pays hôte. Article 11 : - Les éleveurs transhumants doivent se soumet- Article 18 : Le présent accord entrera en vigueur provisoi- tre aux fins de statistiques, aux opérations de recensement, rement dès sa signature et définitivement après ratification espèce par espèce et catégorie par catégorie de leur trou- par les deux parties. peau. Ce recensement doit se faire par les agents de l’éle- vage qui notifient à l’autorité administrative l’arrivée des Fait à Nouakchott, le 19 Septembre 1989 transhumants concernés. Article 12 : Les transhumants peuvent formuler des deman- Pour le Gouvernement de la République du Mali des d’approvisionnement de leur bétail en médicaments MAMADOU SISSOKO vétérinaires et en vaccins à leur charge. Dans ce cas, le ser- Ministre de la Justice vice de l’élevage prend toutes les dispositions en vue de leur Garde des Sceaux donner satisfaction. Article 13 : - Les éleveurs transhumants doivent observer Pour le Gouvernement de la République Islamique de la réglementation en matière de circulation des person- Mauritanie nes et des biens. Dans ce même ordre d’idées le pays hôte Commandant CHEIKH SID’AHMED doit assurer la sécurité des transhumants et de leurs biens OULD BABE conformément à la convention d’assistance mutuelle exis- Ministre des Affaires Etrangères tant entre les deux (2) pays. et de la Coopération Article 14 : Pendant la transhumance, la chasse, la muti- lation des arbres, les feux de brousse, sont rigoureusement proscrits.

10 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Le bassin transfrontalier du Karakoro avec localisation des villages

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 11 focus sur ...les neuf riverains

Les neuf riverains

Les populations riveraines du Karakoro entre le nord-ouest du Mali et le sud-est de la Mauritanie ont presque tout pour vivre heureux : une assez bonne pluviométrie, de nombreux cours d’eau, des ressources naturelles relativement importantes. Seulement voilà, la zone ne béné- ficie pas d’infrastructures routières et subit les assauts de l’ensablement et d’une érosion hydrique prononcée. Vivre en vase clos, rien de mieux pour asseoir la pression sur les ressour- ces naturelles et alimenter les tensions communautaires.

u plan administratif, la zone Un bassin de vie de concentration géographi- que retenue dans le cadre e Karakoro, ou grand lac en langue soninké, est un oued qui prend sa source de l’initiative Karakoro com- Ldans les contreforts de l’Assaba (centre de la Mauritanie) pour se jeter, quel- prend un ensemble de neuf que 150 km plus loin, dans le fleuve Sénégal, près de Khabou. Ce bassin fluvial Acommunes bordant l’oued de part constitue, sur les trois derniers quarts de son parcours, la frontière naturelle et d’autre, dont quatre communes entre le Mali et la Mauritanie avec sur sa rive droite les communes maliennes du maliennes et cinq mauritaniennes. cercle de Kayes et sur la rive gauche les communes mauritaniennes de la Wilaya du Guidimakha, dont la capitale est Sélibaby. Les communes maliennes relèvent Le climat de type soudano-sahélien au niveau du bassin est rythmé par trois administrativement du cercle de Kayes saisons : la saison sèche de novembre à février, période de cultures maraîchères tandis que les communes mauritanien- ; la saison chaude, de mars à juin, période de soudure où les réserves en eau nes dépendent des départements ou s’épuisent et, la saison pluvieuse ou hivernage, de juillet à octobre, moment où «moughataas» de Sélibaby et de Ould se concentrent les précipitations de l’année qui viennent « enrichir » les sols du Yengé dans la région ou «wilaya» du bassin. Guidimakha. Le bassin du Karakoro, n’est plus aujourd’hui l’oasis de verdure qu’il était, avec Les neuf communes couvrent une super- une eau de surface en quantité, des pâturages abondants, des terres naturelle- ficie de 6 900 km2 pour une population ment fertilisées par les crues, des forêts et palmeraies, une faune et flore impor- d’environ 143 000 habitants, soit une tantes. Il reste cependant une zone agro-pastorale de référence. densité humaine de 20 habitants/km². L’agriculture et l’élevage, de type sédentaire et transhumant constituent l’acti- vité principale des populations sur les deux rives. Elle est soutenue par les pro- Les Soninkés, les Peuls, les Khassonkés, duits de cueillette qui alimentent les marchés locaux en pain de singe, gomme les Maures et dans une moindre arabique, jujube, etc… Elles nourrissent surtout les échanges commerciaux sur mesure, les Bambaras, constituent les les deux rives du bassin. La coopération transfrontalière est surtout sociale dans principaux groupes humains peuplant le bassin du Karakoro quotidiennement franchi à pied ou en pirogue, pour les cette zone. Cette population est inéga- mariages, baptêmes, décès, pour se soigner et pour bien d’autres raisons, tant

lement repartie dans 140 villages dont les liens sont multiples entre les populations riveraines. Le Karakoro est un bas- 33 maliens et 107 mauritaniens. sin de vie pour des Maliens• et des Mauritaniens un fonds commun de ressources exploitées solidairement.

12 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Au plan géographique, le bassin du Communes et villages se situant dans un rayon de 5 km Karakoro est globalement situé dans la du Karakoro et leur population zone pré sahélienne et bénéficie d’une pluviométrie favorable à l’agro pasto- ralisme avec 300 à 600 mm en année Du côté du Mali normale. Nom Population Population Nom de la Outre un couvert végétal herbacé du en 1998 en 2003 commune fourni et par endroit boisé, la nature Village pédologique des sols est propice aux Serenaty 2005 2439 Djélébou cultures, essentiellement, sous pluie. Leya 2134 2596 Djélébou Si la zone est moins exposée à l’érosion Nahaly 1316 1397 Djélébou éolienne, elle enregistre, cependant Tichy 1592 1690 Djélébou une forte érosion hydrique du fait de Bouillagui 1023 1086 Guidimakha Kery Kafo l’inclinaison des sols selon un axe Est Goussala 1879 1994 Guidimakha Kery Kafo - Ouest en direction du lit du Karakoro Sansangue 1835 1948 Guidimakha Kery Kafo et du Fleuve Sénégal. Boké Diamby 563 598 Guidimakha Kery Kafo L’érosion causée par les nombreux Souena Touckouleur 395 419 Karakoro cours d’eau strie la zone et la rend Kalinioro 2593 3155 Karakoro impraticable pour une circulation per- Teichibe 2615 3182 Karakoro manente. Chwera Gandega 299 317 Karakoro Conséquence, la quasi-totalité des Bilikoite 710 754 Sahel localités restent enclavées sur de lon- Selifely 2332 2837 Sahel gues périodes en saison de pluies, que ce soit entre localités au sein de cha- Sources : les données de population sont issues du Recensement Général de la que pays ou entre localités des deux Population et de l’Habitat (RGPH) au Mali, avril 1998 et du Recensement A Caractère pays. A certaines périodes de l’année, Electoral (RACE) au Mali, 2000. les interventions d’urgence dans la Les villages = Diagnostic transfrontalier, janvier 2007 zone sont pénibles, voire impossibles. Les évacuations sanitaires d’urgence sont délicates : le transport des mala- des se fait par traction animale dans des conditions périlleuses, dans cer- tains cas, cela est impossible pour cause d’enclavement total périodique. Mais il n’y a pas que l’aspect sanitaire, pendant l’hivernage, les approvision- nements sont également interrompus.

Le Karakoro recèle de ressources natu- relles relativement importantes : agri- culture, élevage, foresterie, pêche… Mais elles sont d’une abondance rela- tive et subissent une forte pression tant humaine qu’animale.

Outre, la pression démographique, les changements climatiques accélè- rent la dégradation du couvert végétal et des sols, notamment, en raison de l’ensablement. Les ressources, en eau, terre et couvert végétal, se raréfient induisant une forte augmentation des conflits pendant que les rendements diminuent et que s’installe une sécu- rité alimentaire latente.

Le Karakoro constitue, à la fois, une destination finale en période de sou- dure et/ou de transit des troupeaux mauritaniens venus de l’ouest, du cen- tre, de l’est et souvent du nord du pays en direction du Mali ou du Sénégal. La zone ne bénéficie pas d’infrastructures routières

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 13 focus sur ...les neuf riverains

Communes et villages se situant dans un rayon de 5 km L’abondance relative des pâturages du Karakoro et leur population et le développement de l’agriculture vivrière posent dans toute leur acuité les enjeux fonciers dans une zone où la Du côté de la Mauritanie terre fait encore l’objet d’une appro- priation lignagère. Nom Population Population Nom de la du en 1998 en 2003 commune Une telle pression sur les ressources Village naturelles, on s’en doute, favorise les Baediam 1900 2500 Baediam tensions sociales liées aux difficultés Chiyé 1 248 250 Baediam d’accès à la terre, à la sécurisation des Chiyé 2 364 400 Baediam cultures, au pacage des animaux, à la Melgue 1266 1700 Baediam surexploitation des produits naturels, Darsalam 370 400 Baediam cueillette, bois de chauffe, paille de Kankou 630 400 Baediam chaume, foins… Masgoul 186 300 Baediam Les processus de décentralisation Chacata 309 320 Baediam récemment intervenus aussi bien au Hel Soukabe 100 200 Baediam Mali qu’en Mauritanie rendent com- Keleila 200 200 Baediam plexe la situation en fragmentant les M’Baghde 99 250 Baediam modes de régulation traditionnels du Boully 500 Boully foncier sans poser des règles substitu- Doubel 180 Boully tives ayant l’adhésion entière des com- Aweinatt Sidre Peul 100 Boully munautés. Chalkha dakhna 1100 Boully Chalkha yero 140 Boully Ainsi, une sécheresse ou toute autre Gombana1/Nahaile 370 Boully catastrophe naturelle, inondation ou Saidou Ehel Sidi 900 Boully invasion acridienne installent rapide- Tayibatt/Lemkainez 450 Boully ment les populations dans une préca- Wouro Soule 100 Boully rité dangereuse, une situation de crise Kalinioro 2875 alimentaire sévère voire une famine

Arkaw 600 600 Khabou grave. Tel est le Karakoro entre abon- Mouslim 1 400 400 Khabou dance et précarité parce que très• vul- Nenethiou 100 150 Khabou nérable en beaucoup de points. Slakha Khabou Chilekha 1200 1300 Khabou Digogni 60 70 Khabou Khabou Kothie 70 70 Khabou Mouslim 2 300 150 Khabou Saboucire 2300 3300 Khabou Boké Diamby 2000 2600 Khabou Khabou 4500 6500 Khabou Guelewol 2 70 100 Ould Yenge Hel Abeidy 100 250 Ould Yenge Oued Eljrid 110 200 Ould Yenge Ould Yenge 2158 3500 Ould Yenge Le bassin du Karakoro, n’est plus aujourd’hui Tashorte Souffi l’oasis de verdure qu’il était.

Sources : données monographiques des communes, estimation des populations (nbre de ménages * par la moyenne/ménage).

14 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 La zone de concentration géographique retenue dans le cadre de l’initiative Karakoro comprend un ensemble de neuf communes bordant l’oued de part et d’autre, dont quatre communes maliennes et cinq mauritaniennes.

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 15 focus sur... les ressources du Karakoro

Un fonds commun de ressources

Le fait constant est que la zone a été généreuse et qu’elle s’essouffle à le rester pour de multiples raisons humaines et naturelles. Ce n’est pas par hasard que le bassin du Karakoro connaît une forte pression humaine.

Lieu de refuge des sinistrés des sécheresses de 1974 et 1983 ainsi que des victimes du conflit sénégalo-maurita- nien de 1989, le bassin est une destination de premier choix dans cette contrée désertique.

L’initiative Karakoro ne pro- met pas le retour à l’abon- dance du passé. Le présent a ses contraintes. Il peut cependant réorienter la gestion de l’existant, ten- ter de régénérer là où cela sera possible.

Il pourra s’appuyer sur la conscience déjà agissante des populations du Karakoro.

Le baobab, cet arbre dont on dit que « tout est bon ».

Ressources naturelles La pression démographique et la de l’homme et la surexploitation liée à générosité décroissante du climat ses activités menacent le renouvelle- ont depuis, installé la précarité mais, ment et la permanence des ressources orgho, maïs, jujube, gomme ara- dans cette zone frontalière entre le naturelles du bassin fluvial. bique, pain de singe, jus de fruits, Nord-Ouest du Mali et le Sud-Est de la Les échanges sont ainsi devenus com- Snattes, vans, tiges de bambou, Mauritanie, l’économie est “naturelle- merciaux et parfois conflictuels. latte de bois… Un échantillon des nom- ment” organisée autour des ressources La nouvelle dynamique, heureusement, breux produits locaux disponibles sur du cru. est celle de la coopération pour proté- les marchés du bassin du Karakoro. Le climat, l’avancée du désert, la raré- ger et gérer. Les populations riveraines L’endroit alimente le rêve. faction des pluies, mais surtout l’action ont établi, de manière plus ou moins

16 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 officielle, des règles pour l’accès aux de rachitisme du fait de la trop grande En Mauritanie, une association de ges- ressources afin de les préserver. sollicitation, connaît également une tion locale collective (AGLC) réfléchit réglementation à Bokédiambi au Mali. à la mise en place de régimes particu- Ainsi, à Sélifély, au Nord du bassin, le liers pour certaines ressources. bétail malien et mauritanien y com- De cet arbre dont on dit que « tout est pris en transhumance peuvent pâtu- bon », tant les utilisations possibles de Avant donc le projet concerté de mise rer librement, sans contrepartie. En ses produits sont variées (pain de singe en valeur du bassin, les populations revanche, le prélèvement de paille est pour la fabrication de boissons, feuilles locales y vont de leurs réponses ponc- interdit. pour aromatiser le couscous, écorces tuelles à la pression accrue sur les res- Une mesure restrictive de préservation pour la fabrication de cordes) il est sources naturelles. des ressources en fourrage. Des mesu- désormais interdit toute cueillette de L’initiative Karakoro devrait pouvoir res similaires sont en vigueur dans la juin à août. mieux coordonner et canaliser ces ini- partie sud du bassin. C’est la période où l’eau se fait rare, tiatives pour que la gestion des ressour- et pendant laquelle tout prélèvement ces naturelles sur le bassin du Karakoro L’exploitation du baobab qui pousse à de feuilles peut fragiliser l’arbre et se fasse de manière concertée et rai- profusion dans la zone mais qui souffre entraîner sa disparition. sonnée.•

Culture de maïs au bord du Karakoro

Elevage

e bassin du Karakoro est une zone naturelle de pâturage pour les Lvillageois éleveurs des deux rives mais également un espace de transhu- mance où, vers les mois de novembre et décembre, le cheptel venant de l’intérieur de la Mauritanie épuise très tôt le tapis herbacé et les reliquats des cultures de décrues avant de migrer vers la région de Kayes au Mali à la recherche de nouveaux pâturages.

A l’inverse, les éleveurs provenant de l’intérieur du Mali, n’investissent le bassin que durant l’hivernage. Les éle-

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 17 focus sur... les ressources du Karakoro

veurs des deux pays exercent donc une Ce mouvement pendulaire Nord-Sud et est fort heureusement discipliné (Lire pression sur le bassin. Sud-Nord dans le bassin du Karakoro encadré : Formalités exigées des éle- veurs). La Mauritanie et le Mali sont Côté Mauritanien, l’accentuation du Formalités exigées des éle- par ailleurs liés par des accords sur la phénomène de la transhumance dans transhumance qui comptent parmi les le bassin s’explique à la fois par l’in- veurs (cas des Mauritaniens) éléments du quotidien des populations suffisance de la pluviométrie et la réo- qui veulent transhumer riveraines du Karakoro. rientation de manière générale des flux au Mali de transhumance suite aux évènements Le côté positif est que la présence des sénégalo-mauritaniens d’avril 1989. 1- L’éleveur doit saisir le responsable animaux garantit l’approvisionnement Du Guidimakha, Gorgol, Assaba et par- du poste vétérinaire de l’arrondisse- des villages en viande et autres pro- fois du Brakna et Tagant, les animaux ment de Khabou pour faire vacciner duits de l’élevage. Le pendant négatif (ovins, caprins, bovins, anins et came- ses animaux (ce qui lui donne droit, à est la dégradation de l’environnement. lins), investissent le bassin dès la sai- un certificat de vaccination) ou pour Outre les feux de brousse et les cou- son froide, y séjournent toute la saison lui délivrer un certificat zoo sanitaire pes abusives de bois par les pasteurs, la chaude jusqu’au début de l’hivernage. prouvant que ses animaux sont sains. transhumance épuise le pâturage tout 2- Le chef de poste vétérinaire doit autour du Karakoro. Coté malien, la transhumance des également lui délivrer un certificat D’autre part, la divagation des animaux ovins, caprins et bovins permet de de transhumance qui met en évidence cristallise les conflits entre éleveurs fuir la résurgence au Mali des parasi- l’identité du pasteur, la composition et agriculteurs. Enfin, la présence des toses en saison pluvieuse et de béné- exacte des animaux, les maladies troupeaux, attire les voleurs, sans ficier des cures salées notamment des contre lesquelles ces animaux ont été compter que certains villageois accu- localités mauritaniennes de Chalkha et vaccinés et leur destination au Mali. sent les transhumants de ramener Kankossa. 3- Un laisser passer délivré par la pré- expressément à leur retour dans leur L’élevage, dans les pays du Sahel, ne fecture de Khabou. terroir des animaux qui ne leur appar- peut exister sans transhumance. Mais tiennent pas. le déplacement des animaux n’est pas Ces dernières sont valables aussi bien La gestion concertée de la relation sans impact sur la vie de ceux qui pra- pour les transhumants maliens que entre éleveurs et agriculteurs dans le tiquent l’agriculture, notamment les ceux de la Mauritanie.• bassin s’invitera sans doute dans l’ini- villageois riverains du Karakoro. tiative Karakoro.•

Commerce

e bassin offre un grand nombre de produits mais ne regorge pas de Ltout. Pour certaines denrées, les populations doivent compter sur com- merçants qui, eux, ont besoin de rou- tes pour approvisionner les marchés.

Là est le problème récurrent du Karakoro, zone enclavée parce que dépourvue de routes pour relier les villes les plus proches, Sélibaby et Nouakchott côté Mauritanie et, Kayes et Bamako côté malien.

Le problème d’accès aux centres d’ap- provisionnement est crucial pour les villages du bassin. Problème de route entre les localités situées de part et d’autre du bassin, bien que très pro- ches les unes des autres. Problème de route surtout pour relier les très éloignés centres d’appro- visionnement que sont Nouakchott

18 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 et Sélibaby du coté mauritanien et Les échanges locaux Bamako et Kayes du coté malien. L’absence de route n’ôte pas tout charme aux marchés locaux tout au long du Le problème d’inaccessibilité est plus Karakoro. Autant qu’ils peuvent se déplacer, Maliens et Mauritaniens entretien- sérieux pendant la saison des pluies nent des échanges d’import-export. Les Maliens se ravitaillent par exemple en lorsque les pistes qui sillonnent la doum qu’ils se chargent d’acheminer à bord de camions à Kayes où existe une région sont quasiment impraticables. unité de transformation d’aliments bétail. Les Mauritaniens se fournissent en Les commerçants locaux réalisent donc céréales, produits d’artisanat (fourneaux, ustensiles de cuisine…) mais aussi de des prouesses pour assurer une dispo- produits dérivés de l’exploitation des ressources naturelles. nibilité relative des produits de base, Ainsi, ils se rendent le plus souvent au Mali pour exploiter les fruits de baobab, la sucre, thé, tissus, produits locaux ou gomme arabique et des fibres végétales pour la confection de nattes, éventails, manufacturés, sur les marchés locaux vans, etc… ainsi que pour garnir les petites bou- Les femmes des villages de Leya et de Nahali sur la rive malienne du bassin, vont tiques. vendre le surplus de leurs légumes au marché de Baediam sur la rive maurita- nienne et y achètent en même temps des produits d’artisanat mauritanien. Les L’enclavement est tel que l’activité femmes de Baediam traversent le bassin quand leur vient l’envie de renouveler commerciale se concentre sur l’impor- leur garde robe. tation de denrées de première néces- Le commerce de bétail est également transfrontalier avec un regain de l’ex- sité et, le commerce réduit aux petites portation de bétail mauritanien depuis la dévaluation du franc CFA favorable à boutiques, aux ‘’tables’’ exposées en l’ouguiya, la monnaie mauritanienne (1 CFA = 1/2 UM environ). plein air et aux « boutiques ambulan- Ici également, l’initiative Karakoro est attendue pour appuyer l’économie du tes », charrettes et cyclistes itinérants bassin, renforcer le commerce local, et ainsi consolider les relations entre les qui transportent des produits de toutes deux pays. sortes, de porte en porte, sur les deux • rives du bassin. Le drame de l’enclavement Le commerce alimente à lui seul le trafic et les moyens de transport sont L’enclavement qui renchérit la valeur des produits sur les marchés, prend une adaptés au contexte : charrettes, vélos tournure tragique dans le domaine sanitaire. Il faut en temps favorable, une et portages là où 4x4 et camions ne demi-journée, pour une évacuation vers les hôpitaux de Kayes ou de Sélibaby peuvent passer. depuis l’une des structures de santé du bassin du Karakoro. Quand la pluie s’in- vite, c’est le drame. Ces difficultés liées au transport ren- Dans le Karakoro, c’est un euphémisme de dire que l’accès aux soins est diffi- chérissent évidemment de façon très cile. forte les prix des produits et rendent Les structures de santé des deux rives du Karakoro ne respirent pas la santé : peu aléatoire le développement d’un com- de moyens humains et matériels, électricité et eau potable difficilement disponi- merce de grande importance en volume bles. Les agents de santé ont à peine de quoi prendre en charge les patients pour autour du Karakoro. Dans le domaine les soins de base. de la santé, cet enclavement est plus La pratique alors pour les patients est de naviguer par-delà la frontière en quête dramatique (Lire encadré : Le drame du mieux disponible. Les centres de santé prennent indifféremment en charge les de l’enclavement). patients des deux rives. • Faute de moyens, les centres de santé communiquent moins bien que leurs patients. Une épidémie tourne vite à la catastrophe sanitaire faute de moyens de communication entre les centres du bassin. L’initiative Karakoro peut y apporter remède : harmoniser les politiques de santé, définir une aire de santé sur les deux pays, établir une gestion partagée des coûts pour améliorer les conditions de vie des soignés et soignants, etc. La charrette, premier moyen de transport •

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 19 focus sur... un pays frontiere

Un pays frontière

Un bassin fluvial n’a jamais tant rythmé la vie des populations que dans cette partie fron- talière du Mali et de la Mauritanie, où le Karakoro confère la pleine légitimité aux belles et tristes heures, selon qu’on se réfère au passé ou au présent. Mis à part les tentes maures à Ould Yenge, au Nord du bassin, difficile de faire la part entre localités maliennes et mauritaniennes au bord du Karakoro. Les moyens sans doute, mais sur- tout l’absence de route, permet de passer d’un village à l’autre pour ne pas dire d’un pays à l’autre, loin de tout poste de contrôle d’immigration. La vérification parfaite de la libre circulation par défaut.

ahaly, à la porte ouest du font la concurrence aux maisons en Viennent ensuite les charrettes et les Karakoro du côté malien, banco et que la mosquée est une splen- motos, autres signes de notoriété éco- est un village comme tout deur. C’est la signature des migrants, nomique. A part cela, les villages déga- autre. A la différence que bien en apparence dans les villages gent une forte impression de désoeu- les constructions en ciment bordant le Karakoro. vrement. N20 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Ce «xara xoré» ou eau qui descend des traditionnelles prérogatives de ména- hauteurs, a permis une vie paisible et gères. entretient encore l’espoir. La mode est en effet au groupement et association pour, en commun, affronter Pour le chef sexagénaire, la notion du l’adversité. A Nahaly, les femmes ont Karakoro, barrière naturelle entre deux leur groupement, du nom bien inspiré territoires, «c’est de la politique». de «Mergemou» qui associe «entente Et il explique : «autrefois, il n’y avait et entraide». pas de division, aucune différence Le groupement n’est ouvert qu’aux entre les populations autour du bassin, femmes mariées, avec un effectif de parce qu’il n’y avait qu’un seul pou- 115 femmes lors de notre passage. La voir, celui du colon. Il n’y avait ni Mali secrétaire générale, madame Bintou ni Mauritanie autour du bassin. C’est Soumaré, souhaiterait les moyens d’en- après la colonisation que le blanc a fait treprendre d’autres activités que celle la division, en prenant le cours d’eau principalement de maraîchage qui les comme la marque naturelle entre deux occupent aujourd’hui. pays et, au-delà, avec le Sénégal.» Le village leur doit aussi sa salubrité puisque le groupement procède hebdo- Le chef Aladji Camara Les liens entre les populations ont-ils madairement à son nettoyage. tout de même survécu ? Les femmes ne se lamentent pas spé- Le Karakoro se languit. Pourtant, Aladji cialement, les produits de leur jardin Camara, chef du village de Nahaly, a «Les liens de familles sont restés mais, «s’arrachent» au niveau du marché l’accent chantant lorsqu’il décline le il y a quelque chose qui s’est installé, nom du Karakoro : les noms soninké la division : le bassin n’est plus un bien «xara» qui signifie élévation, hauteur commun, un lieu commun, il est la et fait référence à une montagne et marque de la différence.» «xoré» qui désigne le cours d’eau. Pour le chef Aladji Camara, l’initia- tive de développement concertée du bassin est la bienvenue «c’est intéressant, car nous étions un au départ et serons de nouveau réunis.»

Kadiatou Camara local y compris par des grossistes qui alimentent d’autres villages. Elles attendent cependant beaucoup de ce projet dont elles ont entendu parler.

A Aourou chef lieu de la commune Bintou Soumaré rurale de Djélébou, un village un peu Il en attend surtout des travaux plus éloigné du bassin mais non moins d’infrastructures de désenclave- dépendant, les femmes attendent ment car «la priorité pour mon également l’initiative transfrontalière village, ce sont les routes. Cela avec optimisme. va nous faciliter la vie.» Leur association «Sobe kafo» (celui qui travaille dur) constituée depuis 10 ans, La vie autour du bassin, est a donné une autre dimension à leur entretenue par les femmes. vie. Dans un contexte où les bras Teinturières à l’occasion, elles se sont robustes ont la bougeotte, elles surtout épanouies dans le maraîchage sont au centre des activités et ont doté le village d’un superbe jar- quotidiennes, au-delà de leurs din potager dont les tomates, salades et La vie autour du bassin, est entretenue par les femmes. oignons se vendent bien localement.

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 21 focus sur... un pays frontiere

le faire indéfiniment et, les parties de Mais elles ont un espoir inassouvi football le soir sont une piètre conso- comme le dit Kadiatou Camara, la lation. présidente : «nous avons été appro- «Mais que faire ?» interroge Telly chées par des Ongs et d’autres groupe- Camara, «il n’y a pas beaucoup d’acti- ments, nous avons reçu des arrosoirs, vités dans un coin comme le nôtre». du grillage pour clôturer le jardin, une moto pompe pour l’arrosage. Nous savons cependant que nous pouvons mieux avec davantage d’outils».

La hantise de l’oisiveté est aussi pesante à Aourou. Telly Camara, prési- dent de l’association du peu de jeunes encore présents dans le village, maudit leur vie de «débrouille ». Fabriquer des briques est leur princi- pale occupation. La seule occupation tout le long des 9 mois de saison sèche. Ils ne peuvent Telly Camara

Asta Mariko

Autant dire que la migration reste le débouché le plus sérieux, même si les conditions sont devenues plus difficiles. Telly Camara le sait.

«Maintenant, l’aventure c’est dur. Moi, j’ai été au Gabon de 1986 à 1993. Je conseille aux jeunes de ne pas partir mais, comme il n’y a rien à faire sur place c’est difficile de dire aux jeunes Nahaly et son joyau, son centre dit «secondaire» de santé, à la fois dispensaire et mater- «ne partez pas». nité. On ne peut pas les empêcher d’aller chercher. Les jeunes préfèrent l’Eu- rope et surtout la France, mais l’im- migration devient très dure, alors on se débrouille à la maison. Mais beau- coup sont partis et d’autres vont partir encore. Il y a beaucoup de gens d’Aou- rou en France. Ceux qui peuvent nous aider nous aide, surtout pour le sport avec des ballons».

Les infrastructures sociales portent l’or- gueil des villages riverains du Karakoro, comme à Nahaly et son joyau, son cen- tre dit «secondaire» de santé, à la fois dispensaire et maternité. Depuis 2006 ce centre a considéra- blement réduit les préoccupations de santé du village et des campements peuls alentour. Le centre est très fréquenté comme le dit sa responsable, madame Kéita Asta Mariko, technicienne supérieure de A Aourou les femmes se sont surtout épanouies dans le maraîchage et ont doté le village d’un santé, «à cause de la compétence des superbe jardin potager.

22 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009

• agents et la disponibilité des médica- ments». L’approvisionnement en médi- caments se fait à moto par un aller- retour à Kayes. Un exercice pénible. Mais comme le dit Asta Mariko, «nous faisons notre programmation des appro- visionnements par rapport aux patho- logies et la fréquentation, et mettons tout en œuvre pour ne pas être en rup- ture de médicaments essentiels». La saison des pluies est celle des gran- des affluences avec la recrudescence du paludisme. Les autres pathologies courantes étant la diarrhée «par man- que d’eau potable», les problèmes de dermatose et les accidents de moto.

Le complexe scolaire de Boully

matrone, le gérant de la pharmacie, et le gardien. La maternité, avec ses 2 tables d’accouchement et 6 lits est le grand pourvoyeur de fonds de roulement : Des fonds qui pour les familles, proviennent pour l’essentiel davantage des transferts d’argent des émigrés que du revenu local. C’est dire combien la régénérescence des ressources naturelles du Karakoro est attendue par ces populations. Côté mau- ritanien, le gros village de Boully, pratiquement logé Doulo Fofana dans le Karakoro, exhibe également ses infrastructu- Le centre de santé, dispensaire et res, école, fontaine publi- Batoumatou M. Mohammed maternité ont une coquette installa- que, centre de santé. La société civile, tion d’énergie solaire, malheureuse- très organisée est garante de la bonne Il travaille en concertation avec Moussa ment inutile «à cause d’un problème gestion et de la coordination avec les Bakary Coulibaly, responsable adminis- de batteries et d’incompatibilité des autorités communales. Une sorte de tratif et financier de la commune et ampoules installées». parlement de la société civile dénom- Diawara Siré, président de la section Le centre fonctionne cependant et mée Comité de concertation communal Abdi, association boullienne pour le la recette des soins assure le salaire (Ccc) et dont le président est Diawara développement et l’insertion. du personnel : la chef de centre, la Sikhou. Lors de notre passage à Boully, à la mi- janvier, ils profitaient de la présence de Doulo Fofana, président de l’asso- ciation des ressortissants de Boully en France. La participation de la société civile dans la gestion des affaires communa- les est telle que le Ccc est domicilié dans les locaux de la mairie de Boully.

Ce Ccc, au centre des activités de développement dans la communauté rurale de Boully, est une idée du Grdr de mettre en place un cadre de concer- tation pour l’ensemble des acteurs de la commune. On y retrouve les coopé- ratives, masculines et féminines, les Le Comité de concertation communal de Boully

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 23 focus sur... un pays frontiere

organisations de jeunes, les organisa- deuxième adjointe au maire en attend tions de femmes, etc. beaucoup pour les coopératives de Au départ, le Ccc de Boully regroupait maraîchères et, la nouvelle équipe jusqu’à 50 entités, représentées cha- communale est impatiente. cune par un délégué mais, pour des La connexion avec les émigrés en raisons d’efficacité indique, Diawara France est ici aussi le principal revenu. Sikhou, «nous avons procédé à des On en donne pour illustration la récente regroupements qui ont permis de rame- visite du maire en France à l’invitation ner cet effectif à 31 délégués». des migrants de la région. Le Ccc est un outil de réflexion et de délibération des activités concernant Il n’est pas attendu de l’initiative la commune. «Nous sommes des élé- qu’elle rende aux populations le ments actifs dans tout ce qui concerne Karakoro d’hier mais qu’elle produise le développement de la commune» des conditions favorables à un réel précise Diawara Sikhou. épanouissement. C’est dire si le Ccc est enchanté par le projet de développement concerté du Les anciens de la région, Cheikhna Karakoro. Babacar, notable de Ould Yenge, Cheikhna Babacar Le temps de ses vacances au pays, Doulo Fofana a pu prendre le pouls de la commune. Il apprécie : «pour nous les migrants, ce projet est très important et nous souhaitons surtout être régulièrement bien informés sur la question».

Les migrants vont certainement accom- pagner l’initiative. Leur seule préoccu- pation est la circulation de l’informa- tion. «L’information est capitale pour nous qui allons suivre cela de loin. Nous faisons partie des bailleurs de fonds et, pour nous, le projet Karakoro est aussi capital que les autres activités qui nous Diawara Ansoumane, ancien maire de Boully mobilisaient jusqu’à présent et restent Sidi Mohammed El hadj, président du Ccc toujours des priorités : récupération de Ould Yenge de terres, retenue d’eaux de surface, enclavement, gestion des conflits fon- Diawara Ansoumane, ancien maire de Ils sont bien nostalgiques mais restent ciers, gestion et même régénérescence Boully et président du collectif des mai- lucides. Une chose est sûre, l’initiative des ressources forestières, etc.» res du Guidimaxa et Sidi Mohammed El est attendue pour commencer par com- hadj, président du Ccc de Ould Yenge, battre l’oisiveté des populations dans Un peu plus au Nord de Boully, à Ould ont connu une vie exclusivement sou- le Karakoro en leur apportant une plus Yenge, l’initiative fait aussi rêver. mise à l’exploitation des ressources grande diversité d’activités. Madame Batoumatou Mint Mohammed, naturelles du Karakoro. •

Puits et jardin à Boully

24 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Le thé omniprésent dans le rituel d’accueil Les deux visages du Karakoro : nostalgie et espoir

L’école et la scolarisation de la jeune fille, un des fondements du développement à Baediam

Le luxe du transport dans le Karakoro

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 25 point de vue... sur l’initiative karakoro

Mamadou Thiam (Kayes/Mali), député URD (Union pour la République et la démocratie)

« Occuper les populations est capital car les frictions sont liées à la pauvreté mais surtout à l’oisiveté »

Le bassin du Karakoro est-il impor- important le problème sécuritaire dans lisation. Nous avons des textes et des tant pour la région de Kayes ? le bassin. Si en plus de la paix et de la conventions mais les populations n’en sécurité, il y a un projet fédérateur, un savent rien. Le Grdr serait un guide et Le bassin du Karakoro est d’une impor- projet d’intégration, les populations organisateur efficace puisqu’il s’est tance capitale pour Kayes parce qu’il vont dominer leurs petites querelles. déjà fait une place au sein des popula- constitue une charnière naturelle entre tions. La bonne chose est que les pro- le Mali et la Mauritanie, suscite beau- Comment le Grdr est-il perçu dans la jets d’exploitation des ressources du coup d’enjeux et peut être source d’in- zone ? bassin occuperont les populations pen- cidents malheureux dans son exploita- dant les 12 mois de l’année. Occuper tion, sans compter les problèmes de C’est une Ong qui est déjà bien inté- les populations est capital car les fric- sécurité. C’est pour cela que ce projet grée et nous pensons qu’elle peut ser- tions sont liées à la pauvreté mais sur- vient fort opportunément. Nous appré- vir de tremplin pour l’implantation tout à l’oisiveté. cions l’initiative et sommes disposés à d’activités transfrontalières de déve- l’appuyer. loppement. C’est, selon nous, sa mis- Un projet implique des moyens, com- sion la plus cruciale. ment les politiques pourraient-ils En quoi le projet de développement contribuer à ce niveau ? du bassin peut-il résorber le pro- Le Grdr pourra-t-il compter sur l’ap- blème de sécurité ? pui des hommes politiques de la Les politiques doivent inciter les popu- région ? lations à adhérer au projet. Les moyens Le problème de sécurité peut venir attendus ne sont pas seulement finan- autant en amont qu’en aval du projet. Les politiques que nous sommes, avons ciers. Il y a aussi les moyens humains. Le projet peut servir à pacifier la zone le devoir de participer à la sensibilisa- Avec leur volonté, les populations peu- tout comme l’insécurité peut empê- tion des populations pour les aider à vent beaucoup apporter à la réalisation cher la bonne marche du projet. Le s’approprier le projet. Je pense qu’à du projet. Il revient à nous les hom- vol d’une seule vache peut engendrer ce niveau, les radios au niveau de la mes politiques de les mobiliser autour un conflit entre deux villages fronta- frontière, doivent être mises à contri- de cette opportunité qu’est le projet liers. C’est pour cela que je tiens pour bution pour l’information et la sensibi- d’initiatives transfrontalières. • 26 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Brahima Samba Soumaré, maire de la commune de Khabou (Mauritanie) Gaye Gandega, maire de la commune rurale de Djélébou, cercle de Kayes (Mali)

Brahima Samba Soumaré Gaye Gandega

« Nous avons commencé depuis longtemps ce qui est en train d’être dit sur le papier »

Pouvez vous nous présenter vos loca- sanitaires, notamment les écoles et Ce sont de petits problèmes du quoti- lités ? centres de santé, à nos migrants. dien qui se règlent dans la fraternité. Nous sommes une même communauté, Brahima Samba Soumaré : La com- Quelles sont les principales ressour- nous sommes des parents. Par exem- mune de Khabou est la plus grande ces de votre commune ? ple, j’ai une sœur, même père même des 18 communes du Guidimaxa. mère, mariée à Sanssané, une localité Khabou fait également frontière avec Brahima Samba Soumaré : Ce sont de l’autre côté de la frontière, au Mali. le Sénégal puisque c’est là que le principalement les ressources naturel- Y’a la frontière mais ce sont les mêmes Karakoro fait la jonction avec le fleuve les, les produits de cueillettes, jujube, personnes. Sénégal. Khabou est située au Sud-Est baobab, gomme arabique. Les gens de ma commune traversent de la Mauritanie et compte près de 32 sans problème la frontière pour aller 000 habitants. Connaissez-vous des problèmes de dans le village voisin faire des cueillet- cohabitation dans le bassin ? tes de jujube, de baobab et de gomme Gaye Gandega : Le chef lieu de la com- et même de bois mort. Souvent même mune de Djélébou est l’ex-arrondissement Brahima Samba Soumaré : Même au les gens des deux rives se mettent de Aorou, subdivisé avec la décentralisa- sein d’une famille, il survient des pro- ensemble pour cultiver le champ d’un tion en 3 communes ; Djélébou, Karakoro blèmes, à plus forte raison au niveau ami ou parent sur l’autre rive. Nous et Sahel. Elle est située à 67 km de Kayes de milliers de familles appartenant à sommes sans frontière. au Nord et à 6 km du premier village mauri- deux administrations différentes mais tanien à l’Est. La commune compte environ se côtoyant tous les jours. Les problè- Gaye Gandega : Avec Demba Thioye, 21 000 habitants. mes de cohabitation, nous les gérons le précédent maire de la commune La décentralisation nous a fait du pacifiquement. mauritanienne voisine de la mienne, bien parce que nous sommes dans Il n’y a pas encore eu de problème qui a nous avons eu à cogérer un problème une grande zone de migrants et nous dépassé les compétences des autorités survenu entre des campements maures devons toutes nos infrastructures socio communales, des comités villageois. et deux de mes villages. Nous avons

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 27 point de vue sur... l’initiative karakoro

commencé depuis longtemps ce qui est C’est grâce au Grdr que nous avons une en train d’être dit sur le papier. monographie qui est la pièce d’identité de la commune et aussi un plan d’ac- Que pensez-vous du Grdr ? tions prioritaires.

Gaye Gandega : Nous sommes avec Quelle peut être la nature de votre le Grdr depuis maintenant une bonne contribution à la réalisation de ce vingtaine d’années, soit depuis sa projet Karakoro ? création (le GRDR aura 40 ans en 2009, Ndlr). Il a été créé en France par une Brahima Samba Soumaré : Nos popula- association de migrants et agronomes tions peuvent et sont disponibles pour français, et est en plein dans son élé- fournir la main-d’œuvre locale. Le ment puisqu’il s’agit toujours d’inté- Grdr sait que cette ressource humaine gration et du transfrontalier. lui est acquise. Le Grdr a été créé pour nous appuyer, accompagner les communes et nous lui Gaye Gandega : La contribution physi- «Y’a la frontière mais ce sont les mêmes per- devons beaucoup en matière d’enquê- que des populations est incontournable sonnes. (...) Nous sommes sans frontière.» tes monographiques, de mise en place puisqu’elles sont les principales béné- de cadre de concertation et soutien ficiaires de ce projet. convoqué les responsables du campe- dans toutes nos activités de dévelop- Elles peuvent également contribuer au ment, mon collègue maire est venu pement. plan financier et ce plan financier pré- avec ses conseillers, nous avons ensem- Il ne faut pas oublier que le Grdr est le voit une contribution des communes à ble identifié le nœud du problème et concepteur de ce projet de développe- hauteur de 3 000 Euros. Elles ont solli- régler cela en famille. ment concerté du bassin dans le cadre cité ce projet, elles ne vont pas se défi- En tant que zone enclavée notre pre- du PIT. ler maintenant que leur souhait peut mier centre d’approvisionnement en C’est dire que son implication n’est pas être réalisé. Le programme répond à denrées de première nécessité, ce sont mise en question. Ce qui reste à faire nos besoins et le développement ici ne les villages mauritaniens en face. maintenant, nous incombe à nous les peut se faire sans les populations. Par exemple, au lieu d’aller jusqu’à bénéficiaires, à savoir, aider le Grdr à • Kayes, à 67 km, pour prendre le sucre aller au concret dans l’intérêt de nos à 17 000 F CFA, avec les frais de trans- populations. port, il faut compter un peu plus de La valeur d’appréciation des popu- 20 000 F pour le prix de revient de ce lations, c’est le concret et le Grdr a sucre ; nous préférons aller chez nos toujours été dans la région, un parte- parents à côté, c’est à 6 km et c’est à naire privilégié parmi 15 000 F CFA. toutes les Ong qui y Il y a plein d’autres exemples d’échan- interviennent. Le Grdr ges que nous entretenons. Les gens de et le Karakoro, c’est l’autre côté fréquentent notre centre plus d’une vingtaine de santé communautaire. Chez nous, d’années de partage. la santé n’a pas de frontière. Lors des Le Grdr est porteur de campagnes de vaccination, nous ne fai- ce projet transfronta- sons pas de distinguo entre Malien et lier et nous sommes Mauritanien, les gens sont là, on les en confiance. vaccine. Point ! Il est le mieux placé pour gérer nos besoins Brahima Samba Soumaré : Je corrobore de route, d’accès à les propos de mon homologue malien l’eau potable, radio avec l’exemple de Gakora, un village communautaire, etc. malien situé à 30 km de Khabou. Tous les mercredis, une pirogue motorisée Brahima Samba qu’on a fini par baptiser la «pirogue de Soumaré : Le Grdr est Gakora» transporte beaucoup de mala- également bien perçu des au centre de santé de Gakora. et intégré chez nous Pourtant, nous avons un centre de d’autant plus que sa santé au niveau de Khabou mais, les présence est concrète gens préfèrent l’expérience des agents avec déjà, pour illus- de santé et le coût plus faible à Gakora. tration deux barrages, Çà, c’est côté Est. notamment à Melgué A l’Ouest, il y a aussi les centres de et Sabouciré. santé maliens de Tapsirga, ou de Kotéra C’est le partenaire qui reçoivent beaucoup de patients de tout indiqué pour ma commune. C’est dire que nous avons conduire ce projet. «Nous ne faisons pas de distinguo entre Malien et Mauritanien»

28 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Diadje Samba Gandega, maire de la commune de Baediam, département de Sélibaby, Willaya (région) de Guidimakha, République islamique de Mauritanie.

Connaissez vous cet autre maire, qui se nomme également Gandega et se trouve de l’autre côté de la frontière ?

(Rires) : Il s’agit sans doute du maire de Djélébou. C’est mon frère, la même famille et c’est çà tout l’inté- rêt du transfrontalier par ici. Les liens de parentés n’ont jamais été touchés par les frontières. L’identité adminis- trative fait de nous un Malien ou un Mauritanien, nous distingue sur la base d’une frontière séparant deux pays dis- tincts, mais la famille étymologique demeure et ce lien de sang se consolide tous les jours par le mariage. La fron- tière n’a aucune influence sur le lien communautaire. Ce lien est au-delà du papier qui fonde les frontières.

Le Karakoro est donc un espace sans frontières ?

Le nom Karakoro est de mon patois, le Soninké et se dit «Xara koré», la grande mare. Et elle prend sa source pour partie tout au Nord de Baediam, dans la région de l’Assaba plus précisé- ment dans la ville de Kankossa et coule Cette coopération n’est pas nouvelle pour nous, elle a toujours existé sur cette partie de la jusqu’au fleuve Sénégal à quelques frontière entre le Mali et la Mauritanie. Mêmes peuples, mêmes activités, des populations centaines de mètres de Khabou. contraintes à tout faire ensemble. «La frontière n’a aucune influence sur le lien communautaire. Ce lien est au-delà du papier qui fonde les frontières.»

Avant les indépendances, on ne peut existé sur cette partie de la frontière comme grand producteur de légumes. pas dire qu’elle constitue une fron- entre le Mali et la Mauritanie. Mêmes Ces légumes sont très consommés ici tière parce qu’elle traverse un pays, peuples, mêmes activités, des popula- parce que des gens de Baediam vont pas deux pays, en l’occurrence le tions contraintes à tout faire ensem- s’y approvisionner régulièrement sans pays soninké. C’était une entité «pays ble. besoin de formalités et sans intention soninké», une population installée sur aucune de contourner un quelconque les deux rives d’un cours d’eau. Une Est-ce que dans la réalité les popu- poste de contrôle. entité donc avec ses coutumes et ses lations ignorent le phénomène fron- C’est tout naturellement que les gens traditions qui demeurent. tière ? vont et viennent entre les deux villa- ges. Dans le domaine de la santé égale- La promotion de la Coopération Au niveau administratif, lorsque le ment les populations passent d’un dis- transfrontalière y est donc la bien- contact des populations a lieu sans pensaire à l’autre sur les deux rives, la venue ? passage au poste administratif de maladie n’a pas de frontière, les locali- contrôle, on parle de fraude, on dit tés de prestation de soins également. Je suis partisan de l’idée qu’il faut qu’elles contournent la douane, la C’est ainsi aussi que les tradithérapeu- redynamiser cet acquis et même s’il y police. Cela est quotidien et, aller et tes vont d’une rive à l’autre. La fron- avait séparation, il faut briser les bar- venir d’une rive à l’autre est quotidien tière, c’est une aberration. La fron- rières, concrétiser la libre circulation et tout le monde l’accepte comme un tière est purement administrative et des hommes et des biens par-delà les fait inhérent à la réalité de ces peu- n’a aucune influence sur les relations frontières. Cette coopération n’est ples. Par exemple, le village malien en des populations. pas nouvelle pour nous, elle a toujours face de nous, c’est Nahaly qui est connu •

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 29 point de vue sur... l’initiative karakoro

Mme Habou Sylla, député de Sélibaby et membre de la Commission nationale des droits de l’homme à Nouakchott.

Qu’est-ce-que le Guidimakha ?

Le Guigimakha est une région bordée par le Karakoro, entre le Mali et la Mauritanie. Les commu- nes mauritaniennes frontalières du Karakoro sont celles de Ould Yenge, Boully, Baediam, Khabou et Soufi.

Quelles sont les principales activités des populations du Guidimakha ?

Le Guidimakha est une région d’agriculture avec la plus grande pluviométrie en Mauritanie. C’est le grenier du pays puisque, après les cultures de pluie, il y a le maraîchage, généralement pra- tiquée par des femmes organisées en coopératives.

Que savez-vous du Grdr ?

C’est une Ong qui est dans la région depuis longtemps et tra- vaille beaucoup avec les coopéra- tives et organisations féminines et masculines. Son contact est bon avec les populations et à l’origine de la nais- sance de nombreuses activités. « Les populations sont consentantes et ne peuvent qu’appuyer le Grdr »

Pensez-vous que les populations L’initiative du projet émane des popu- leur apporter les éléments qu’il faut sont prêtes pour un développement lations. C’est dire que les populations pour les convaincre de s’engager à conjoint ? sont consentantes et ne peuvent qu’ap- fond. puyer le Grdr puisqu’il s’agit d’un pro- On se trouve face à des populations jet qui va renforcer leur union d’une La question transfrontalière a-t-elle qui ont presque tout en commun et qui rive à l’autre. une place dans vos débats à l’Assem- cohabitent depuis très longtemps, se Je crois qu’elles seront capables de se blée nationale ? fréquentent et ont développé une cer- mobiliser autour de ce projet qui est le taine solidarité. leur et qui a été porté au niveau insti- Nous sommes présentement en plein Je sais que les populations mauritanien- tutionnel. dans le transfrontalier au Parlement nes au bord du Karakoro fréquentent avec le problème des déportés de 1989 les centres de santé du côté malien, et Quel serait le rôle de la femme au Sénégal. Les populations riveraines des populations du côté malien vien- politique que vous êtes ? ont les mêmes droits que les autres et nent cultiver des terres sur la rive mau- on ne peut les ignorer quand le moment ritanienne. D’abord assister à tous les débats qui est venu de renforcer les liens qui ont concernent les populations et écouter. toujours uni les populations au-delà Quelle peut être la contribution des Ensuite leur apporter les informations d’une frontière par ailleurs totalement populations du bassin au besoin de précises les concernant car ce sont artificielle pour les populations fronta- moyens du projet ? elles qui m’ont élue. C’est à nous de lières.• 30 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Lieutenant-colonel Mamadou Diallo, Gouverneur de la région de Kayes (Mali).

Comment situez-vous la région de avons en charge de Kayes par rapport au bassin du promouvoir la bonne Karakoro ? condition de vie, donc nous partageons des Le bassin est dans la région de Kayes objectifs communs. elle-même composée de 7 cercles. Nous devons savoir ce Toute la région pense que le nom que font les Ong et Karakoro est d’origine malienne, de essayer de travailler Kayes. en collaboration au niveau de la région Peut-on dire que la vie des popula- jusqu’au niveau des tions de la région dépend du bassin élus locaux en faisant du Karakoro ? jouer la décentralisa- tion. Ce serait un peu exagéré car le seul Nous collaborons avec cercle de Kayes compte environ 29 le Grdr au-delà de communes et la région 129 communes. leur intervention au Au Mali, le Karakoro n’intéresse que 4 niveau du Karakoro. communes de l’ensemble. Pour ses 4 communes ou davantage, le Karakoro est un bassin de vie pour lequel il faut trouver une solution. Il importe que Maliens et Mauritaniens puissent bien tirer profit de ce bassin et cela en parfaite symbiose. « En faisant de la frontière une zone de Tout le monde sait que, pour le moment, cette partie de la frontière n’est pas convergence, d’échanges d’informations, matérialisée et entraîne beaucoup de frictions. de promotion économique, sociale et Il y a eu beaucoup de rencontres et de propositions et nous avons la convic- culturelle, bref l’aménagement du bassin tion qu’en faisant de la frontière une peut être très promoteur pour l’intégra- zone de convergence, d’échanges d’in- formations, de promotion économique, tion… ». sociale et culturelle, bref l’aménage- ment du bassin peut être très promo- teur pour l’intégration, pour l’accal- Le développement concerté est-il pourrait être la contribution du gou- mie. bien indiqué dans le cas du bassin du vernorat ? L’atout est que, de part et d’autre de Karakoro ? la frontière, il s’agit de la même popu- Le fondamental est que nous voulons lation, des mêmes familles, des mêmes Il existe déjà une tradition d’échanges ce projet, nous voulons qu’il se réalise parents. entre les populations autour du bassin. et donc nous allons y faire face. Ce sont les mêmes peuples, le grand D’ailleurs, nous n’avons pas attendu Comment se portent les relations de frère est là, le cousin est de l’autre son avènement, nous avions inclus l’administration avec le Grdr ? côté. Quelle que soit la difficulté, les l’aménagement du bassin du Karakoro uns et les autres sont obligés de se voir, dans notre plan stratégique de déve- Pour nous, d’une manière générale, de s’entendre, de se comprendre. loppement de la région. les Ong sont des partenaires de déve- Si le projet apporte une condition Nous allons donc entreprendre un lob- loppement et il faut faire en sorte que meilleure ce sera en améliorant l’exis- bying auprès de nos partenaires parce le courant passe et que nous ayons les tant, les échanges, l’intégration, la que le plan stratégique de la région mêmes objectifs. solidarité agissante. doit être exposé à nos partenaires qui Avec le Grdr, comme avec tout autre sont fort multiples. partenaire, nous faisons en sorte d’être Le refrain de l’administration face Ensuite nous pensons que pour le fortement liés parce que leur apport au chantier du développement est Karakoro, c’est la population, qui par est en faveur des populations. que tout est prioritaire et que les des contributions modestes ou pas, Nous y sommes favorables en tant moyens manquent. Il faudra bien fera des gestes. L’aménagement du qu’administrateur parce que nous toutefois pousser ce projet. Quelle Karakoro est un projet fédérateur. • Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 31 point de vue sur... l’initiative karakoro

Demba Thiam : Coordinateur de l’association «Guidimaxa Jikvé», tous en matière de compétences pour ou «espoir du Guidimaxa», président du comité d’orientation la réalisation de programmes de déve- loppement. stratégique du Grdr à Kayes. Croyez-vous à la gestion concertée du bassin entre Maliens et Mauritaniens ?

Ce n’est pas une question de choix. Les relations entre les populations du bassin sont telles qu’elles prévalent également entre les migrants maliens et mauritaniens de la zone Karakoro. Même loin du pays, en France, ils se retrouvent et s’entendent sur nombre de questions de développement du bassin.

Où se situe la différence entre l’asso- ciation et le Grdr dans les interven- tions ?

Le Grdr a surtout travaillé au départ avec les migrants depuis la France, notamment dans la conscientisation et la formation des premiers leaders Qu’est-ce-que l’association «Guidimaxa Comment expliquez-vous cette tenta- associatifs parmi les migrants, orga- Jikvé» ? tion de l’étranger chez les jeunes ? nisation associative et conception de plans d’intervention dans le bassin. Le L’association date de 1988. Elle a été Je dirais que cette tentation est liée à point de départ de cette dynamique, créée suite à une recommandation de nos us et coutumes. Le Soninké a tou- vient donc du Grdr et, nous venons en migrants basés en France, en Seine- jours été un grand voyageur. Ensuite,

«Le projet Karakoro devrait pouvoir s’appuyer sur les femmes et les jeunes qu’il faudrait pouvoir retenir.»

Saint-Denis. Cette année 1988 marque il y a eu les situations de calamité de accompagnement. C’est vrai qu’avec la également le début des activités des 1973-74, puis de 1983-84 qui ont un peu décentralisation, le Grdr a eu tendance migrants avec le Grdr. Les domaines exacerbé cette frénésie de départ. Les à trop s’orienter vers les communes. privilégiés d’intervention des migrants grands départs ont eu lieu à ces deux Nous avons rappelé qu’il ne fallait pas étaient alors la santé, l’éducation et périodes, à partir de Dakar. oublier la société civile. l’hydraulique. Pour coordonner cela au niveau local, il s’est avéré néces- De quoi vivent les populations du Que pensez-vous du projet trans- saire de mettre en place une asso- bassin ? frontalier ? ciation, en l’occurrence l’association «Guidimaxa Jikvé» qui signifie «espoir D’abord, de l’apport des migrants. Nous maintenons simplement que la du Guidimaxa». N’eut été cet apport, la région du bas- société civile et les associations, ne Le Guidimaxa est la zone géographique sin, à la porte du désert, avec rien pour doivent pas rester à la traîne. EIles du Karakoro malien et mauritanien. retenir les jeunes, serait vide. restent essentielles dans ce projet, Notre association travaille en tandem même si nous sommes un peu mainte- avec les migrants et couvre 3 com- Les autorités administratives sont- nus à l’écart dans son processus de for- munes maliennes au Nord-Ouest de la elles plus impliquées dans la gestion mulation et de réalisation. Nous avons région de Kayes : celles de Djélébou, de cet apport des migrants avec la l’impression que les politiciens ont ten- du Karakoro et du Sahel. décentralisation ? dance à s’en accaparer. Nous avons été, L’association intervient également par exemple, ni informés ni conviés au pour la promotion du travail des fem- Il faut dire que l’essentiel des inves- lancement du projet à Bamako. mes, notamment à travers des actions tissements des migrants, dispensaires, • de maraîchage. Le projet Karakoro écoles, aménagements hydrauliques, NB : Le bureau du Grdr soutient que « Toutes les étapes devrait pouvoir s’appuyer sur les fem- a eu lieu avant la décentralisation de l’initiative ont fait l’objet d’une large diffusion à travers mes et les jeunes qu’il faudrait pouvoir et, maintenant, avec l’appui du Grdr, l’organisation de rencontre à différents niveau : institution- nels, acteurs locaux et, la diffusion des comptes rendus à retenir. l’accent est mis sur la coopération de toutes les communes concernées par l’initiative ».

32 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 «Il y a un intérêt de fond interne à l’UE pour le transfrontalier.»

Anne Simon : chargée de programmes, Délégation de la Commission de l’Union européenne en Mauritanie.

Quel est l’intérêt de l’Union euro- l’UE a évolué vers l’appui aux grands des gouvernements mauritanien et péenne dans la vision du développe- axes structurants. malien. Le programme indicatif régio- ment local par la coopération trans- Dans le cas particulier de la Mauritanie, nal fonctionne comme le national, à frontalière ? l’initiative Karakoro rencontre les savoir, une programmation et une ges- priorités de l’UE sur plusieurs plans : tion conjointe. L’accord cadre du 10è La vision du développement local par la décentralisation qui est un secteur Fed dont le transfrontalier n’est qu’un la coopération transfrontalière ren- important du 10è Fed, en terme aussi petit aspect sera signé au mieux vers contre celle de l’Union européenne de gestion de la vulnérabilité des popu- la fin du 1er semestre 2008, ensuite (UE) dont l’intérêt pour le transfron- lations qui entraîne les flux migratoires l’identification des engagements finan- talier est quelque chose d’interne : et, tout simplement, en terme de lutte ciers et le financement qui n’intervien- c’est la vision du développement de contre la pauvreté. A plusieurs titres, drait qu’en fin 2009, pour être réaliste. l’UE en général. De façon constitutive cette initiative est particulièrement Il serait donc important de trouver des et structurelle, l’UE s’est construite intéressante dans le cadre de la vision solutions de financements pour démar- sur le regroupement économique puis de la coopération UE-Mauritanie. rer. social avec l’adhésion des populations et, le nœud d’articulation était les Quelle pourrait être la contribution L’UE peut-elle intervenir à ce niveau ? zones transfrontalières, souvent zones de l’UE pour cette initiative ? de méfiance, mais de toute façon fon- Il y a des mécanismes qui peuvent per- damentales dans la constitution de Le programme indicatif régional, 10è mettre le financement d’activités de l’UE. Ce sont des zones très importan- Fed en préparation prévoit, a priori, démarrages. tes en termes d’échanges et les pro- une composante transfrontalière. Ce • grammes européens de type intégré qui signifie qu’il existe une opportunité travaillent sur la dynamisation de ce de financement. Il est trop tôt pour se potentiel transfrontalier énorme. Il y a prononcer en terme de montant, mais un intérêt de fond interne à l’UE pour ce qui est important, c’est qu’il y ait le transfrontalier. Ensuite, dans ses poursuite de la priorité du transfron- relations avec l’Afrique, la stratégie de talier et de ce projet dans l’agenda

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 33 point de vue sur... l’initiative karakoro

Moctar Ould El Hacen : Enseignant à Université de Nouakchott, spécialiste en aménagement et environnement. Conseiller au ministère mauritanien de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire.

la force productive. Il n’y a plus, dans les villages, que des vieillards et quel- «La force de ce projet est que le Grdr ait ques femmes. Il se pose un problème d’encadrement social. Il nous faudrait réussi à mobiliser tous les acteurs.» un département chargé de l’encadre- ment social pour mobiliser les gens pour le travail. Le gouvernement peut mobiliser tous les fonds possibles, il Après la grand-messe de lancement la gestion des affaires que les adminis- peut même distribuer de l’argent, il y du projet Karakoro, l’optimisme est- trateurs qui doivent référer à un supé- en aura qui diront qu’ils ne veulent pas il permis ? rieur. Maintenant que tout le monde s’engager ou qui vont s’engager juste est ensemble, on ne peut qu’être opti- pour mettre l’argent en poche et dis- Une étape importante a été franchie, miste. Et je pense que cet optimisme paraître. Il y a le problème de l’immi- dans la mesure où le Grdr a maintenant n’est pas exagéré puisqu’à la rencontre gration, mais surtout celui de la disso- réussi à faire parler tous les acteurs de Bamako, il a été recommandé que lution de la solidarité, du collectif dans régionaux y compris deux acteurs impor- l’expérience soit étendue aux 2 400 km l’effort, cette unité de développement tants, l’Etat et ses services, y compris qui lient la Mauritanie et le Mali. qui a fait les beaux jours des villages. l’armée, la gendarmerie, la douane, Les projets échouent par manque de la police. Suivant le principe «pas de Il reste que le Karakoro est une répondant. C’est un échec d’appro- développement sans sécurité». L’autre grande zone de migration, pour ne priation et le phénomène est plus grave fait important, c’est d’avoir fait parler pas dire que la majorité des jeunes, en zone urbaine. Des valeurs humaines les villageois qui ne se prononcent plus donc de la population active, est africaines qui faisaient la force de nos seulement sous l’arbre à palabre. Ils partie. Quand bien même le projet sociétés ont été perdues. Or, le déve- sont très efficaces dans la gestion des mobiliserait d’importants finance- loppement local passe par l’encadre- affaires, surtout qu’ils utilisent main- ments, avec qui se fera le travail ? ment social autant que l’aménagement tenant le téléphone portable. Ils com- du territoire est la gestion combinée muniquent davantage et plus vite et Je dis toujours que notre problème de l’espace et de la société. Si les jeu- sont des acteurs incontournables. Les n’est pas la mobilisation des finance- nes migrent, y compris par des voies chefs de villages sont les premiers ges- ments, mais la gestion de ce que j’ap- clandestines vers des paradis fictifs, tionnaires du transfrontalier. On dira pelle la «crise du monde rural», une c’est parce qu’ils sont mal encadrés. que leur système est informel mais, crise de production, d’exploitation des C’est le règne du matérialisme, de l’in- ils obtiennent plus de résultats dans espaces. Il y a une crise au niveau de dividualisme et quand on dit «projet»,

34 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 les gens entendent «argent», quand on parle «développement» les gens com- prennent «argent».

Le projet est donc voué à l’échec ?

La force de ce projet est que le Grdr ait réussi à mobiliser tous les acteurs. Mais, il faut beaucoup de sensibilisa- tion villageoise pour montrer que l’en- cadrement technique et le besoin de solidarité passent avant l’aspect finan- cier.

Le projet survivra-t-il aux turbulen- ces politiques et changements de décideurs ? Quelle constance dans l’engagement des politiques ?

Je pense que l’initiative Karakoro a besoin, très rapidement, d’actions pilotes, sans attendre un financement à l’horizon 2009-2010. Je pense que le Grdr ferait bien, en attendant un quelconque bailleur de fonds, de réa- liser cette année 2008 même, avec l’appui des deux Etats, une action comme une adduction d’eau potable qui relierait deux villages de chaque côté du Karakoro, un village malien et un mauritanien qui organiseraient une fête pour inaugurer leur adduction en ouvrant le robinet en même temps de

chaque côté. Les villageois préfèrent ce qu’ils voient à ce qu’on dit vouloir faire pour eux. Quant à la survie du projet, je pense que c’est une chance que les porteurs maliens et mauritaniens de ce projet se connaissent et, qu’importe le ministre en place, les cadres adminis- tratifs et techniques seront toujours là «Un village malien et un mauritanien qui pour rappeler qu’il y a quelque chose organiseraient une fête pour inaugurer leur d’entrepris et qui doit être conduit à adduction en ouvrant le robinet en même terme au-delà des hommes et de leurs temps de chaque côté. Les villageois préfè- rent ce qu’ils voient à ce qu’on dit vouloir fonctions. • faire pour eux.» Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 35 point de vue sur... l’initiative karakoro

«Le Grdr a une expérience et est très clair dans sa façon d’opérer. Il sait tenir ses engagements.»

Arezki Harkouk, Directeur des programmes Afrique au Grdr (Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural).

36 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Avec le Grdr, le migrant politiques, elle a tou- dépasse la posture jours été connue pour d’un simple pourvoyeur être technique au point d’argent à sa famille qu’on lui a reproché, via Western Union ou à un moment, d’être autre. Comment s’est trop conciliante avec construite cette parti- les politiques gouver- cularité des migrants nementales. Sa mission de la zone Mali- a toujours été fonda- Mauritanie-Sénégal ? mentalement d’accom- pagner l’initiative des Le Grdr est une Ong qui migrants, de travailler a été initiée par des avec eux directement, jeunes coopérants vers tout en essayant de gar- la fin des années 60, der une position de neu- au début des grandes tralité « politique ». sécheresses et les grands appels de la Fao (Fonds Revenons à l’évolution des Nations unies pour du Grdr l’Agriculture), à lutter contre la faim dans les Arezki Harkouk en concertation avec Yahya ould Kebd, ministre mauritanien de Jusqu’à la fin des années pays du Sahel. la Décentralisation et de l’Aménagement. 90, les fonds souples Le Grdr a ainsi été mis soutiennent un mouve- en place par de jeunes coopérants naient dans le bassin du fleuve pour ment associatif un peu partout, des du bassin du fleuve Sénégal, avec les appuyer les associations villageoises et programmes de développement rural, migrants dont ils ont côtoyé les familles inter villageoises de migrants impliqués notamment au Sénégal et des program- sur place. De retour en France, ils ont dans le montage d’associations porteu- mes solidarité-France à Kayes au Mali rencontré les migrants et ont mis en ses d’actions de développement dans pour accompagner l’accès aux soins, la place une association. On lui connaît 6 leurs villages d’origine. Petit à petit, qualité des soins en milieu rural et, plus pères fondateurs dont trois migrants et la dynamique s’est élargie intégrant tard, la problématique du VIH/Sida. trois jeunes coopérants. Un des pères davantage de personnes. Cette démar- A la fin des 90, le Grdr entame la troi- fondateurs a continué son action jus- che a abouti à la fin 80 - début 90, à sième phase de son évolution, en allant qu’à tout récemment dans la vallée du la mise en place d’instruments finan- au-delà de l’approche coopérative, sui- fleuve Sénégal. ciers, d’organisations coopératives, de vant en cela, un mouvement d’ensem- A l’origine donc, le Grdr est une asso- renforcement de la structuration asso- ble des partenaires au développement. ciation qui accompagne les migrants ciative dans le bassin du fleuve Sénégal Le Grdr s’est adapté, prenant une pos- en France pour leur insertion dans le et en Casamance, dans la région de ture sur le développement local en ren- monde du travail. Et ils étaient en bon Ziguinchor. forcement des politiques de décentra- nombre puisque la zone du bassin du Le développement rural était la domi- lisation mais non sans peine et conflits fleuve est une zone de grande migra- nante mais, vers les années 90, il y a avec les organisations de bases. Mais, tion, en particulier le groupe soninké. eu une approche des secteurs Le Grdr accompagnait donc les migrants sociaux, notamment, la santé et en France pour ce qui touche au social l’éducation. Cela a été suivi en mais, également, par rapport à leurs France par des programmes dont villages d’origine en termes de pro- l’accompagnement des migrants jets portés. Avec les sécheresses, les au niveau des foyers qu’on appe- migrants ont eu à répondre très forte- lait soit l’intégration soit l’inser- ment à la demande de leurs familles tion. En fonction des politiques restées au village : soutien pour réa- du gouvernement français, le liser de petits ouvrages de protection Grdr s’est adapté pour apporter des terres, envois d’argent pour la sub- un appui aux associations des sistance, organisation de plaidoyers. migrants sur la reconnaissance Le Grdr a eu ensuite une deuxième de leurs droits. phase dite d’installation sur le terrain. En plus de l’organisation du foyer en Y a-t-il eu également une adap- France, il y a eu des accompagnements tation aux changements politi- de projets montés sur place en France ques dans les pays d’origine ? et envoyés au village. Vers la fin des années 70, début 80, a Le Grdr n’est pas une association été mis en place un dispositif opéra- militante qui dénonce. Elle s’est tionnel sur le terrain par une petite plus consacrée à un rôle techni- antenne : une personne, une moto que. Même si elle a eu, de temps A l’origine donc, le Grdr est une association qui accompagne les migrants en France pour leur inser- et un chauffeur mécanicien qui tour- en temps, à prendre des positions tion dans le monde du travail.

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 37 point de vue sur... l’initiative karakoro

il fallait lutter, réadapter son discours, tre des territoires. Ainsi, un migrant intégrer la lutte contre la pauvreté et qui mobilise sa commune en France continuer à exister dans le paysage ins- pour la mettre en contact avec celle titutionnel et aussi trouver les ressour- de son village dans la région de Kayes ces nécessaires pour ses programmes. (Mali), du Guidimakha (Mauritanie) ou De nombreux acteurs associatifs ont Tambacounda (Sénégal), a une valeur muté dans le politique, sont devenus ajoutée beaucoup plus forte que l’ar- des élus et ont souhaité que le Grdr gent qu’il envoie au quotidien pour un continue à les accompagner. C’était projet de développement. Au-delà de une façon d’intégrer les enjeux de la la solidarité financière, il mobilise une lutte contre la pauvreté à une échelle solidarité sur le plan de l’expérience plus grande, mais aussi, la politique de et du savoir-faire. Il génère une dyna- décentralisation des Etats auquel le mique pour le développement du terri- Grdr a adhéré : «c’est dans le local que toire dans sa globalité. Cette rencontre résidait la réussite d’une convergence entre les territoires lui donne une pos- et d’une coordination des interventions ture plus valorisante et plus simple à et la mobilisation des acteurs face à un porter que d’être un simple pourvoyeur objectif de développement à l’échelle de fonds. d’un territoire.» Depuis le début des années 2000, le Comment êtes-vous arrivé à la vision Grdr a développé un programme d’ap- transfrontalière des actions de déve- pui aux initiatives de développement loppement ? local qui a connu des moments forts en terme de méthodologie et de plaidoyer. Dans le processus de développement «Il fallait lutter, réadapter son discours, Méthodologique, car le développement local, le Grdr n’a jamais été statique et intégrer la lutte contre la pauvreté et conti- local s’exprime de plus en plus grâce il lui fallait un changement d’échelle. nuer à exister dans le paysage institutionnel une implication de plus en plus nom- Nous travaillons aujourd’hui sur 34 et aussi trouver les ressources nécessaires pour ses programmes.» breuse des acteurs et qu’également il collectivités locales dans le cadre du existait une carence dans ce domaine. Paidel (Programme d’appui aux initia- Le Grdr a contribué à travailler sur la tives de développement local) et du la réalité du rôle des migrants. Pour question des outils de mise en œuvre Codev (éducation au co-développe- nous, il fallait nécessairement chan- d’une dynamique dans le processus ment en direction des migrants vivant ger d’échelle, à la fois au niveau local, de développement local. Aujourd’hui, en Europe), un programme qui encou- c’est-à-dire passer de la commune à un on assiste, dans la sous-région, Mali, rage et accompagne le migrant pour regroupement plus large, département, Mauritanie, Sénégal, à un retour en la construction de partenariats et la cercle, région. Dans notre processus de force du concept de développement sensibilisation du public européen à développement, il y avait un besoin local. En toute modestie, je pense que le Grdr a été pour beaucoup dans le positionnement du concept de déve- loppement local à côté des politiques de décentralisation comme étant un enjeu majeur. C’est dans le cadre de ces initiatives de développement local que le Grdr a réaffirmé sa mission et son identité, en Afrique et en France sur la question de la migration. Le Grdr, dans son déve- loppement de la « citoyenneté » depuis 2003, a réaffirmé le local et l’acteur dans le local : le citoyen, le statut de migrant étant une posture flottante, non pas un état permanent, juste une étape. On quitte un pays dont on est citoyen, on arrive dans un pays où on doit devenir citoyen. Dans ce cadre, au Grdr, la rencontre sur la question de co-développement a beaucoup produit, au sens intellectuel du discours, pour la promotion du co- développement. Au-delà du migrant, qui transfère des fonds, il y a le migrant, citoyen passeur de frontières mais aussi «Dans notre processus de développement, il y avait un besoin d’élargissement géographique, acteur qui peut favoriser une rencon- de problématiques, de changement d’échelle au niveau transfrontalier.»

38 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 d’élargissement géographique, de pro- disant : «nous, nous voulons construire blématiques, de changement d’échelle une intercommunalité, construire des au niveau transfrontalier. accords pour une gestion commune de Notre zone d’intervention était pro- ce territoire qui se trouve à cheval sur pice à cette démarche : Nous som- une frontière». Nous avons vu aussi une mes présents de part et d’autre, nous manifestation d’intérêt des autorités passons du Mali à la Mauritanie et au pour accompagner cette dynamique. Sénégal. Là où on ne pouvait aller plus Mais, nous avons constaté que, malgré loin sur l’action au niveau de la fron- tout ce qui existe comme protocoles tière, notamment comme le Karakoro, et les rapports des populations sur la c’était sur le plan institutionnel. frontière, il n’y avait pas de cadre de Monter des partenariats entre des formalisation des échanges, pas ques- acteurs privés ou entre associations, tion donc d’envisager des projets com- cela se faisait. Mais, entre collectivi- muns. tés, c’était le vide. C’est partant d’une demande des Pourtant, nous montons facilement des acteurs, en 2003, qu’on s’est dit, «pour- partenariats avec des collectivités du quoi pas un projet transfrontalier ?» Et Nord. Alors, nous nous sommes deman- nous avons été encouragés par la dyna- dés, pourquoi une commune malienne mique initiée par le Club du Sahel et ne pourrait pas construire un partena- de l’Afrique du l’Ouest, la Dnf et Enda riat avec une commune mauritanienne Diapol au niveau ouest-africain. Nous sur la zone du Karakoro ? Il y a eu «On va essayer de faire de notre mieux pour avons rejoint cette réflexion et donc des échanges entre les acteurs et, ils capitaliser des outils que d’autres opéra- le PIT (Programme d’initiatives trans- sont arrivés à la même conclusion en tions peuvent diffuser.» frontalières), avec cet avantage que le Grdr se trouvait de part et d’autre sur trois pays, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Grdr et Karakoro Comment gérer à présent cet élan Noces sacrées qui englobe beaucoup d’acteurs et donc plusieurs façons de voir et de ifficile de trouver meilleur guide que le Grdr pour faire connais- faire ? sance avec le Karakoro. Nous sommes partis de Kayes au Mali pour Drallier Sélibaby dans le Guidimaxa en Mauritanie, les deux capita- Dans toute opération d’aménagement, les du bassin commun. Kayes-Sélibaby, une aventure digne d’un parcours ce qui est souhaité, c’est que la majo- d’épreuves. Sélibaby est à 60 km de la frontière du Mali, à 700 km des rité y adhère et y trouve son compte. capitales Nouakchott et Bamako, à 1000 km de Dakar. La durée du trajet Le Grdr avec les Etats sont à la maî- n’est pas cependant une affaire de distance. Dans cette zone, on est loin trise d’ouvrages. L’initiative Karakoro de tout à cause du mauvais état des routes pour ne pas dire de l’absence est donc le maître d’ouvrage délégué de route. En fait de route, de Kayes à Sélibaby, le chauffeur passe où et, c’est à ce niveau, que se fera le il veut si ce n’est où il peut, suivant la clémence du terrain. C’est dans pilotage du projet. C’est un dispositif cette zone non seulement enclavée, mais surtout difficile d’accès que classique, sauf qu’il se passe sur deux le Grdr travaille. Il est dans la région du Guidimaxa depuis 1989 avec Etats et va faire intervenir des acteurs des programmes transversaux, principalement dans 2 axes : sécurité ali- des deux pays. mentaire et valorisation des ressources disponibles. Il intervient dans 12 Sur le schéma institutionnel que nous communes des 18 de la région du Guidimaxa. avons présenté à Bamako, nous avons Tout le long du Karakoro, dans la moyenne vallée du Fleuve Sénégal et essayé de définir la place de chaque notamment dans les localités de Aourou, Nahaly, Lea, Baediam, Boully, acteur afin de préserver l’unicité du Ould Yenge, tous connaisse le Grdr. En soninké, maure ou peulh, ce nom programme. Le Grdr est placé comme est le même et nul besoin de demander sa traduction. Sur les bords maître d’œuvre sur la base d’activi- du Karakoro, c’est une Ong. Point. «Une Ong qui fait beaucoup pour tés définies et pour lesquelles chaque nous». Le Grdr est en effet intégré dans la plupart des infrastructures en acteur doit s’impliquer, notamment fonction dans les villages. Le tissu associatif également se réclame du dans le gros volet de sensibilisation et Grdr, associations villageoises, organisations communautaires de bases concertation locale. et groupements de producteurs ont reçu et continuent de travailler avec Il y a également un volet sous-traitance l’encadrement technique du Grdr. important pour la réalisation des tra- Le Grdr, «groupe de recherche et de réalisations pour le développe- vaux qui demande l’implication de ment rural» a son siège à Montreuil (Paris - France), mais son identité se tous, entreprises du privé et services trouve au cœur du Karakoro. C’est là, à la porte du désert, que se célè- techniques déconcentrés. Il y a une bre la désormais heureuse histoire d’une rencontre entre des coopérants finalité d’échanges de savoir et d’ex- français et des migrants du bassin du fleuve. Ces Sénégalais, Maliens et périences entre services techniques de Mauritaniens qui, avec les indépendances en Afrique ont saisi l’oppor- part et d’autre de la frontière ; une volonté d’échanges entre acteurs des

Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 39 point de vue sur... l’initiative karakoro collectivités et de la société civile. Un Lire comme voir... certain nombre d’expertise internatio- tunité du besoin de main-d’œuvre en France. A l’origine migrants sai- nale et sous-régionale va se mobiliser. sonniers, dans le bassin arachidier au Sénégal, ils ont changé le cap pour Je pense que ce qui est recherché sur débarquer à Marseille. Mais, entre cultiver l’arachide et faire tourner des le bassin, c’est cette complémentarité, machines, il y a un monde. L’idée de départ du Grdr a été d’accompa- une coordination entre les différents gner ces migrants en les aidant à se former pour travailler en France. leviers. L’un des trois encadreurs du tout début, le coopérant français Jacques Dubois, aujourd’hui octogénaire, est encore dans le milieu associatif à Reste à gérer l’attente des popula- Bakel (Sénégal) dans l’aménagement des eaux de surface. tions qui n’est pas toujours compati- Parmi les premiers immigrés initiateurs du Grdr, nombre sont rentrés au ble avec les délais opérationnels. pays et ont acquis des galons dans la politique. On cite Ibrahima Thioye, de Melgué en Mauritanie, Ibrahim Traoré, maire de Kolimbiné au Mali, Le Grdr a une expérience et est très Moussa Cissé député à l’Assemblée nationale du Mali, Kedel Diallo, séné- clair dans sa façon d’opérer. Il sait tenir galais, maire puis député ; Banganda Sakho, maire de Kotiary et président ses engagements. Ceci dit, je pense de l’intercommunalité du département de Bakel. qu’il faut relativiser et éviter toute Après l’appui à l’insertion des migrants dans le pays d’accueil, le Grdr a démagogie. Les acteurs du Karakoro développé son idée centrale : encadrer les efforts des migrants en direc- disponible sur le site www.oecd.org/csao ont été mobilisés avec un discours clair tion des communautés villageoises dans leur pays d’origine. Dans la prati- et il n’y a pas lieu d’avoir peur que cela que, les migrants pensent leurs projets et le Grdr apporte l’accompagne- suscite de l’intérêt. Maintenant, ce ment technique. Un tournant historique va accélérer les choses et donner n’est pas l’affaire du seul Grdr. Le plai- une stature au Grdr : la sécheresse au Sahel en 1973-83. Se pose alors la doyer sur le Karakoro a démarré depuis difficulté de venir en aide aux familles qui va remobiliser les migrants vers Le bulletin très longtemps et continue et, ce les coopératives d’achats, l’eau potable, la santé, l’aménagement. n’est pas parce que nous avons monté Dès 1973-74, on assiste donc au premier retour de migrants pour faire un document, que les financements valoir leur savoir faire acquis avec le Grdr, en relation avec des agricul- viendront de suite. Je trouve un peu teurs français. Des projets sont montés et financés pour la mise en place qui vous ouvre les frontières théorique cette préoccupation posée de périmètres irrigués dans le cadre de la lutte contre la pauvreté afin de à Bamako sur l’impatience des popula- produire les céréales à domicile. Depuis, le Grdr a pris une autre stature, tions. Ma réponse est que le Grdr s’y s’adaptant chaque fois au contexte pour conserver son efficacité. Il a sur- investit à fond, qu’il travaille dans la tout grandi, avec aujourd’hui, un pôle Europe basé à Paris en France ; un zone, autant dans le Guidimaxa qu’au pôle Afrique basé à Nouakchott en Mauritanie et des antennes à Bakel au Mali et, le programme Karakoro serait Sénégal, à Kayes au Mali et à Sélibaby en Mauritanie. Recevez chez vous le dernier numéro des Chroniques frontalières en nous retournant le projet structurant pour la bande Il nous a fallu une journée de virtuosité du chauffeur pour entrer au frontalière. Et, un important travail Guidimaxa par Baediam, paisible commune rurale dirigée par le très sym- ce bon de commande. reste de faire prendre conscience aux pathique maire Diadje Samba Gandega, un intellectuel formé dans les uni- acteurs eux-mêmes de l’importance de versités de l’ex-URSS. Dans ce village, le couvert et le gîte sont toujours cette bande transfrontalière en termes assurés au Grdr et ses invités. Une nuit de repos et direction Sélibaby via Pour vous abonner ou commander des numéros, merci de nous contacter ou de nous retourner le bulletin d’aménagements. Boully et Ould Yenge. Une autre journée de traversée à travers la savane ci-dessous à : Tout le travail d’internalisation et de marquée par les traces de charrettes, de moto et du bétail. Pas de route, dynamique pose un vrai challenge au seules les pistes que laisse le passage des charrettes. Grdr davantage que le financement. Pourtant, cette région du Guidimaxa est spécifique en Mauritanie. Elle Marie Trémolières, Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest - OCDE Le projet du Karakoro n’est pas le pro- est l’une des plus riches régions du pays en ressources naturelles. Son sol Le Seine St Germain, 4 Bd des Îles, Bât A 92130 Issy-les-Moulineaux / France jet du Grdr. Loin de là ! est favorable à l’agriculture et sa pluviométrie est la plus importante du courriel : [email protected] . Le Grdr est le maître d’œuvre, pays, même si sa moyenne n’est que de 300 mm3/an. Paradoxalement, le aujourd’hui, pour faire valoir son Guidimakha est aussi la région des plus pauvres de la Mauritanie, comp- expertise à un certain niveau mais, tant jusqu’à plus de 78 % de pauvres, dont 50% sous le seuil de pauvreté quand il s’agira de mettre en œuvre ce et plus de 36 % dans l’extrême pauvreté. programme, ce sont les acteurs locaux Les revenus des populations du Guidimakha sont basés essentiellement sur Nom :...... Prénom :...... Profession : qui seront les acteurs principaux. l’élevage et l’agriculture mais vont maigrissant en raison de la dégrada- Il s’agit d’une opération pilote et l’on tion des ressources. Pas étonnant que le Guidimakha soit un foyer d’émi- ...... Institution : ...... va essayer de faire de notre mieux pour gration. capitaliser des outils que d’autres opé- On compte environ 75 000 migrants sur une population totale de 204 663 ...... Adresse : ...... rations peuvent diffuser. habitants. Leur apport financier est énorme mais difficile à chiffrer. Si N° : ...... Bte : ...... Code Postal :...... Localité :...... Je crois que c’est aussi ce qui est attendu on va de l’hypothèse que 50% de ces migrants envoient au moins 30 000 des administrations malienne et maurita- Ouguiya par mois à leurs familles (soit environ 50 000 F Cfa), on est autour ...... Pays : ...... nienne ; des outils au pluriel : production du milliard d’Ouguiya (soit 1 milliard 2 à 6 Cfa) par mois qui viennent d’outils d’administration, d’outils juri- des ressortissants de cette région basés quelque part en Europe (France, Téléphone : ...... Fax : ...... diques de conceptualisation d’actions Italie, Espagne). Leur apport occupe une part très importante dans la vie communes, d’outils de collaboration des ménages. Il est plus important que la production locale, supérieur Courriel : ...... de contractualisation entre les admi- à la monétarisation des économies locales. Sans risque de se tromper, nistrations des services techniques, Alassane Thioye, coordinateur par intérim de la cellule du Grdr à Sélibaby, de continuité de politiques sectoriels confie que «hors cet apport, la vie serait impossible au Guidimakha». • d’harmonisation…• 40 Ch r o n i q u e s Frontalières N° s p é c i a l , j a n v i e r 2009 Lire comme voir...

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