Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe No. 45, décembre 2012

Programme Augmentation de La tendance Les gorilles de dʼActions Con­ la population des mouvante du Bambidie servatoires dans gorilles de Bwindi trafic des grands le Congo singes en Afrique BERGGORILLA & REGENWALD DIREKTHILFE

Table des matières Auteurs dans l’ONG The Last Great Orga- nisation (LAGA). R. D. Congo 3 Dr. Tammie Bettinger est biologiste Dr. Prince K. Kaleme est chef du Activités de FZS dans le dossier des en chef pour la recherche au Disney’s projet Parc National de Maïko pour la Simba du Parc National de la Maїko 3 Animal Kingdom et préside le Direc­ Société Zoologique de Francfort (FZS). Effectuer les Stratégies du Pro­ toire ainsi que le Comité d’Education Il a travaillé en tant que chercheur à la gramme dʼActions Conservatoires à la Conservation de la PASA. Elle station CRSM de Lwiro qui s’occupe de dans le nord-est du Congo 5 a collaboré avec la PASA et le DFG­ et d’autres mammifères. Il a Le Programme pour le Gorille de FI, contribuant à la mise en place du également dirigé les projets de Kahu­ Grauer de DFGFI 8 Centre GRACE. zi-Biega et d’Itombwe pour la Wildlife Rwanda 10 Don Cousins s’est intéressé toute Conservation Society. L’Eucalyptus, une nourriture sa vie aux grands singes. Il a travaillé Thirza A. C. Loffeld a étudié et mis médicinale introduite chez les dans les zoos de Twycross et de Ches­ en pratique la formation de person­ gorilles? 9 sington, et en 1957 il a visité le Gabon nel au cours de son Master of Science Ouganda 11 pour voir les gorilles. Il a mené des re­ (MSc) de Conservation à l’Université Augmentation de la population cherches et a abondament publié sur Brookes d’Oxford et est en train d’ac­ des gorilles de Bwindi 11 le sujet. Il était un collègue et ami de quérir de l’expérience pratique par le Cross River 12 . biais d’activités de conservation en In­ Mise à jour du programme Debby Cox est Conseillère Tech­ donésie. « Gorilla Guardian » 12 nique pour les programmes africains Dario Merlo est le coordinateur du Gorilles 15 de l’Institut et également projet de Conservation Centré sur le La tendance mouvante du trafic membre de la PASA. Elle travaille avec Communautés de l’Institut Jane Goo­ des grands singes en Afrique 15 de nombreux refuges en Afrique, et a dall en Congo. Il a également lancé le La confiscation d’un gorille orphelin accumulé plus de 18 ans d’expérience programme Promo Jeune Basket. en Guinée Equatoriale 16 dans la région des grands lacs. Urbain Ngobobo a acquis une Efficacité d’une formation continue Dr. Alison Grand est membre du vaste expérience en travaillant dans et de perfec­tionnement pour les Disney’s Animal Kingdom et travaille les parcs nationaux du Congo, en par­ guides 18 pour le Centre GRACE ainsi que pour ticulier pour y établir une gestion effi­ Les gorilles de Bambidie 21 l’Institut Jane Goodall en R. D. Congo, cace des parcs. Il a travaillé pour les où elle participe à l’évaluation des pro­ Sociétés Zoologiques de Londres et de grammes de développement et de for­ Francfort et travaille maintenant pour Gorilla Journal 45, décembre 2012 mation à la conservation. Elle colla­ le compte du Dian Fossey Gorilla Fund Editeur : Angela Meder bore également avec 8 refuges dans le International (DFGFI). Il a plus de 12 Augustenstr. 122, 70197 Stuttgart, cadre d’une initiative appelée Commu­ ans d’expérience dans la gestion des ­Allemagne nautés pour la Conservation des Pri­ ONGs internationales de conservation. Fax +49-711-6159919 mates. Florence Perroux est responsable E-mail [email protected] Chris Jameson est le Directeur du de la Communication, de la Formation Traduction : Yves Boutelant, Jean- Projet Takamanda-Mone de la Wildlife et de la Conservation in situ au zoo de Pascal Guéry, Erik Mager, Julia Conservation Society au Cameroun. La Palmyre, en France. Elle est l’une Peguet, Florence Perroux Eric Kaba Tah est le chef de dépar­ des auteures du Kit d’Education sur Réalisation : Angela Meder tement média et relations extérieures les Gorilles publié par WAZA en 2009 Couverture : Afangui avant sa confis­ à l’occasion de l’Année du Gorille et a cation. Photo : Tomo Takagi écrit pour des publications zoologiques Relation bancaire : internationales de nombreux articles. Addresse de l’organisation : Numéro de compte 353 344 315 Juliet Wright est depuis juin 2011 Berggorilla & Regenwald Direkthilfe Stadtsparkasse Muelheim, Allemagne Chef du Projet « Alternatives à la c/o Rolf Brunner Code bancaire 362 500 00 viande de brousse () » de Lerchenstr. 5 IBAN DE06 3625 0000 0353 3443 15 la Société Zoologique de Londres en 45473 Muelheim, Allemagne SWIFT-BIC SPMHDE3E Guinée Equatoriale. Elle s’occupe de E-mail [email protected] Suisse : Postscheckkonto conservation des gorilles depuis 2006, Site web : http://www.berggorilla.org no 40-461685-7, Postfinance principalement au Cameroun.

2 Gorilla Journal 45, décembre 2012 R. D. CONGO

Activités de FZS dans Centre et le Sud qui sont sous la super­ vision d’une Direction de Site à Lubutu. le dossier des Simba du Chacun de ces trois secteurs du parc Parc National de la Maїko est sous la responsabilité de postes de patrouille qui ne sont plus opération­ Le Parc National de la Maїko (PNM) est nels compte tenu des incidents entre l’un des 7 parcs nationaux que compte les combattants Simba et les gardes la République Démocratique du Congo de parc d’une part et des moyens dont (RDC), créé le 20 novembre 1970 par dispose le site d’autre part. Actuelle­ l’Ordonnance Loi N° 070/312 et possé­ ment, avec le projet de réhabilitation de Rencontre de représentants de dant une superficie de 10 830 km2. Il se ce site, le PNM est en train de relancer l’ICCN, de militaires et du FZS avec situe au nord-est de la RDC et s’étend les activités de surveillance dans tous les Simba Photo: Eugene Izinga sur trois provinces à savoir la province les secteurs. du Nord-Kivu en territoires de Lubero La présence des Simba dans le sidentielle. Les Simba n’ont pas été et de Walikale, la province Orientale en Parc National de la Maїko est très an­ inquiétés et les autorités congolaises territoire de Bafwasende et la province cienne. Ils y habitaient et, à une cer­ (zaïroises à l’époque) n’ont rien fait de Maniema en territoire de Lubutu. taine époque, ont été ramenés vers la pour les évacuer ou prendre des me­ La création de ce Parc National de route par les Belges. Ils vivaient des sures pour les faire sortir de cette aire la Maїko traduit la volonté du gouver­ produits de la chasse et de la pêche. devenue protégée. nement de la RDC de protéger l’im­ Lors de la rébellion de Mulele qui a Au fur et à mesure que les choses mense forêt ombrophile et de garantir embrasé tout le pays en 1964, étant avançaient, des problèmes entre le la survie des espèces phares et en­ guerriers, ils ont réintégré la forêt afin parc et les Simba ont commencé. Il démiques comme le gorille de plaine de se mettre à l’abri des représailles du était difficile pour les gardes de s’ac­ de l’est, l’okapi, le chimpanzé, le paon gouvernement, et parce qu’ils étaient quitter de leur mission de protection congolais ainsi que de celles mena­ furieux à cause de la mort de leur idole du parc car ils avaient systématique­ cées d’une extinction locale à l’instar Lumumba (ils n’ont jamais accepté qu’il ment des accrochages avec les Simba. de l’éléphant et des primates. ait été tué). Cette situation a perduré jusque dans Pour une gestion efficace, le PNM En 1970, le Parc National de la les années d’après guerre (vers 2000). est subdivisé en 3 secteurs : le Nord, le Maїko a été créé par ordonnance pré­ Tout le monde savait que leur présence dans le parc était un problème sérieux, mais personne ne pensait à une solu­ tion quant à leur sortie. Pour organiser les patrouilles ou d’autres travaux dans le parc, les res­ ponsables du parc se sont arrangés avec les Simba. Ils les ont laissés tra­ vailler et un compromis a été trouvé dans ce sens. En avril 2009, dans le but de les faire sortir de force de la fo­ rêt, l’armée a réquisitionné les gardes pour une opération contre les Simba. Par malheur, un garde a été tué dans les combats et en voyant son corps, les Simba ont considéré les gardes comme des traîtres pour avoir accep­ té de conduire leurs ennemis. Le bras de fer a commencé et les activités des gardes se sont arrêtées. La Frankfurt Zoological Society (FZS) est arrivée fin 2009 mais elle a Un village de Simba dans le parc Photo: FZS débuté ses activités en 2010. Il s’est

3 Gorilla Journal 45, décembre 2012 R. D. CONGO

avéré important de prendre des me­ ainsi des garanties d’emploi pour sures pour une sortie pacifique du ces candidats. parc, du fait que des groupes opérant en son sein se faisaient passer pour Ainsi, vers la fin de l’année passée, un des Simba et de ce fait, la distinction plan sommaire était mis sur pied com­ devenait difficile. Des stratégies ont été prenant certaines activités : élaborées afin de voir comment amor­ cer cette procédure et qui contacter – lobbying au niveau de la province, pour une solution durable. La stratégie – visite de leur site afin de s’entretenir devait tenir compte de certaines réa­ avec eux dans leur campement, lités et notamment, ne pas sortir les – sensibilisation pour une sortie paci­ Une aile de la nouvelle école Simba pour laisser un vide qui pourrait fique et une intégration dans la so­ destinée à l’intégration des Simba être comblé par un autre groupe armé ciété. Photo: FZS comme les FDLR ou des groupes Maї- Maї. La FZS voulait une solution du­ Le lobbying a commencé au début du ment et que ceux armés puissent éga­ rable et non pas résoudre un problème mois de janvier 2012 : une équipe de lement être réorientés, dans l’armée et en créer un autre (peut-être plus dif­ la FZS et de l’ICCN est allée rencontrer ou dans la vie civile. C’est ainsi que la ficile encore). les autorités politico-militaires à Kindu FZS a commencé des contacts avec Cette approche n’était pas facile et pour avoir une autorisation de négocier les missions diplomatiques, les minis­ nécessitait beaucoup de lobbying et de avec ce groupe armé. De manière in­ tères impliqués, l’armée et la Direction sensibilisation tant au niveau politique formelle, le Gouverneur de la province générale de l’ICCN pour que les uns et et diplomatique, que pour les autres a donné une autorisation. les autres s’impliquent effectivement à couches sociales (comme les chefs Une équipe de la FZS et de l’ICCN trouver une solution durable, chacun à coutumiers qui du reste ont joué un a programmé une descente dans le son niveau. rôle très important). La stratégie de la parc pour rencontrer les Simba. Cette Sur proposition du Directeur Géné­ FZS est de sortir les Simba tout en leur rencontre a été facilitée par plusieurs ral de l’ICCN une équipe a été consti­ offrant de l’assistance : contacts par l’intermédiaire des chefs tuée pour effectuer une seconde mis­ coutumiers après une autorisation du sion de sensibilisation en vue d’une – Une école est en train d’être con­ chef des Simba qui a été d’accord pour sortie pacifique des Simba. Cette struite pour améliorer la qualité de que cette mission de rencontre s’effec­ équipe était composée d’un émis­ l’éducation dans les milieux où ces tue. saire venu de Kinshasa, qui a une très gens devront sortir (deux autres ont La première rencontre avait pour ob­ longue expérience dans la négociation été inaugurées par Fauna and Flora jectif de renouer des relations qui exis­ avec les groupes armés. Ce dernier est International). taient entre les gardes du parc et les allé à Kindu pour rencontrer les auto­ – 25 tôles (pour construire des habita­ Simba, et qui permettraient que les pa­ rités militaires de la province concer­ tions) seront données aux 100 pre­ trouilles soient de nouveau effectuées. née. Comme à Kinshasa l’affaire était miers ménages sortis. A l’issue de cette première rencontre, connue du haut commandement mili­ – Pour éviter de faire d’eux des per­ le chef Simba avait donné son accord taire, la 7ème Région militaire de la pro­ sonnes dangereuses ou un pro­ pour que les gardes recommencent à vince de Maniema s’est aussi vite im­ blème pour la société, il est prévu effectuer des patrouilles (chose qu’ils pliquée en envoyant comme émissaire une assistance en matériel agricole ont déjà commencé à faire, parfois le Colonel en charge de la sécurité et afin de les aider à s’intégrer dans sous forme de patrouilles mixtes avec du renseignement militaire au niveau la société civile et leur assurer une des Simba). D’autres questions avaient provincial, accompagné d’un Lieute­ formation pour que leurs activités aussi été abordées lors de cette ren­ nant de renseignement. Le rendez- agricoles soient productives et ren­ contre : notamment leur sortie paci­ vous était pris pour que la rencontre ait tables. fique, leur réinsertion dans la vie, etc … lieu dans le parc, à environ 8 heures – 30 éléments seront engagés comme Les contacts initiés au niveau du site de marche à pied, et était composée gardes de parc (l’ICCN voudrait par l’ICCN et FZS nécessitent main­ des délégués de la Direction Général même voir ce nombre revu à la tenant une implication à un plus haut ICCN, de la Région militaire, du chef de hausse pour en diriger certains vers niveau car il est indispensable que les site ainsi qu’un délégué de la FZS. La d’autres aires protégées) donnant Simba puissent se réinsérer sociale­ mission avait essentiellement comme

4 Gorilla Journal 45, décembre 2012 R. D. CONGO

objectif principal la signature d’un ac­ été vus en quantité importante. Ceci alarmante et l’on trouve des histoires cord entre l’ICCN et ses partenaires confirme l’intérêt que la FZS a donné à de confiscations même dans la presse d’un côté, et les combattants Simba de ce site en s’investissant et en oeuvrant nationale. Avant l’année 2000 un seul l’autre pour une sortie pacifique et une pour sa conservation à long terme. gorille de l’est a été confisqué par les réinsertion sociale. Prince K. Kaleme autorités dans l’est de la RDC. Pendant A la fin de la mission, ils ont donné les derniers 10 ans pas moins que 17 leur accord pour toutes les propositions Nous remercions la BMZ pour avoir co-financé gorilles de l’est et plus que 50 orphelins ce projet qui est en train de donner une image et proposent que cela se passe gra­ à ce parc. chimpanzés ont été confisqués dans duellement. Les 30 éléments intégrés à le territoire nord-est de la RDC seule­ l’ICCN devaient être disponibles dès la ment. On suppose qu’une autre tren­ mise en place de patrouilles conjointes Effectuer les Stratégies taine de chimpanzés qui sont retrouvés ICCN-Simba. Cette patrouille a eu lieu du Programme dʼActions finalement dans un sanctuaire dans le et les candidats gardes sont attendus sud-est de la RDC (selon des données pour le mois d’octobre. En outre, une Conservatoires dans le de l’Alliance Africaine des Sanc­ liste de 250 élèves à scolariser (ce nord-est du Congo tuaires, PASA) sont aussi de la même nombre peut être revu à la hausse) a origine. été fournie et un comité de suivi des Les territoires de Walikale et de Lubutu Une grande partie de ces rescapés engagements qui s’étalent sur une pé­ figurent parmi les plus grands des do­ ont été confisquées dans la capitale riode de 3 mois a été mis en place. maines boisés dans l’est de la Répu­ provinciale de Goma et aux villages si­ Déjà, trois ménages sortis ont été ser­ blique Démocratique du Congo. Bien tués le long de la route principale entre vis en tôles. que ces forêts ne sont pas considé­ les Parcs Nationaux de la Maïko et Comme dans l’équipe il y avait un rés comme des réserves officiellement de Kahuzi-Biega (voir le plan). Suite à représentant de l’armée, les combat­ protégées par le gouvernement, les une confiscation les autorités confient tants Simba ont eu la garantie qu’il n’y communautés les ont désigné comme l’orphelin aux soins d’un de ces trois aurait aucune poursuite après la signa­ zones naturelles protégées et on y tra­ sanctuaires pour les grands singes qui ture de ces accords. La présence du vaille avec le gouvernement, afin d’y existent dans le nord-est de la RDC, représentant de l’armée a été d’une im­ établir des réserves naturelles formel­ notamment : GRACE (Centre de Ré­ portance capitale pour convaincre les lement reconnues. Les forêts de Wali­ habilitation et d’Éducation Conserva­ combattants Simba de sortir et on peut kale et de Lubutu incluent des corridors toire pour Gorilles) pour les gorilles déjà sentir leur intérêt à cette activité. importants entre les Parcs Nationaux de Grauer; Senkwekwe pour les go­ Ce dernier est passé dans toutes les Kahuzi-Biega et Maïko et actuellement rilles de montagne et pour les chim­ positions de l’armée afin de les préve­ ils hébergent des populations valides panzés le Centre pour la Réhabilitation nir de ne pas déranger ceux qui sorti­ de gorilles de Grauer, de chimpanzés, des Primates à Lwiro. Bien qu’ils dé­ ront de la forêt. léopards et éléphants. Bien que la den­ passent bientôt leur capacité à cause Entre-temps, le Chef Simba s’est sité du population humaine à l’intérieur des nombreuses confiscations des engagé avec leur notable à aller sen­ des forêts de Walikale et de Lubutu soit grands singes, pour le moment ces sibiliser ses troupes et à inciter tout le encore relativement basse, leur bords sanctuaires sont des éléments essen­ monde à accepter de sortir de la forêt par contre sont comptés parmi les ré­ tiels dans la lutte contre le braconnage. et ainsi, choisir de mener sa vie dans gions les plus peuplées et appauvries les villages comme tout citoyen normal. de la RDC entière. Le Programme d’Actions Conserva­ Nous croyons et sommes convain­ Malheureusement la combinaison toires cus que la sortie de ces gens du parc de la pauvreté, la proximité du gibier, Avec l’aide de la Fondation ARCUS pourra améliorer la protection de ce site l’existence d’une route principale ainsi ainsi que la Fondation The World We d’intérêt pour la conservation et offrira que la présence intensifiant de l’indus­ Want, l’ICCN (l’Institut Congolais pour des possibilités pour les équipes de re­ trie minière a contribué au fait que les la Conservation de la Nature) et l’Ins­ cherche et de monitoring que la FZS se forêts de Walikale et de Lubutu sont titut Jane Goodall (IJG) ont organisé propose de monter et de coordonner. ciblés par le commerce illégal de la un atelier PAC (Programme d’Actions Les informations de la patrouille mixte viande de brousse et des animaux Conservatoires) au début de l’année font état d’une importante biodiversi­ vivants. Malheureusement il y a des 2011 afin de pouvoir définir le statut té : des gorilles, des chimpanzés, des preuves que ces pratiques prennent actuel des gorilles et des chimpanzés okapis, sans oublier des ongulés ont nettement de l’ampleur à une vitesse dans lʼest de la RDC. Au cours de cet

5 Gorilla Journal 45, décembre 2012 R. D. CONGO

Butembo Opienge atelier le braconnage illégal était recon­ nu dʼêtre la menace principale pour les Lubero grands singes dans le nord-est du pays REGOLU RNT Lake et les territoires de Walikale et de Lu­ Parc National Kasugho Edward butu étaient désignés aires ciblées cri­ Bando de la Maïko RGU Parc tiques pour des actions conservatoires. Osele Twabinga National UGANDA En outre les conservateurs ont qualifié Lubutuubutu Mukingiti REGOUWA RPKI des Virunga la sensibilisation et le maintien des lois Mungeleg Kalembe Bitule Ossoss Bisie comme une des cinq stratégies pour la Pinga Sarambwe REGOMUKI protection des gorilles et des chimpan­ NdjingalNdNdjingN a zés dans les communautés du Wali­ Biruwe RECOPRIFOL Rutshuru Mubi kale et du Lubutu et dans les autres Walikale Masisi régions avec un taux surélevé de bra­ Punia Kasese COCREFOBA connage de grands singes. RGPU IteberoIteb Goma Lake RWANDA Parc National Kivu Études sur la notion de la conser­ de Kahuzi-Biega vation des grands singes Bunyakiri Basé sur les priorités définies au cours de lʼatelier PAC lʼIJG sʼest mis D. R. CONGO ensemble avec les conservateurs du Disneyʼs Animal Kingdom® afin de dé­ Bukavu velopper et implémenter un vaste pro­ Shabunda gramme dʼéducation conservatoire Carte géographique du nord-est du Congo. Les cercles indiquent les pour les territoires de Walikale et de endroits où des confiscations de grands singes ont eu lieu. Les territoires Lubutu. Afin de pouvoir développer ce Walikale et Lubutu comprennent les communautés le long de la route programme une étude de définitions entre Lubutu et Itebero. des besoins était effectuée pour dé­ terminer les thèmes-clés qui devraient de Walikale et de Lubutu dans les com­ 2. Bien quʼun pourcentage considé­ être abordés dans ce programme munes qui suivent ci-après : Lubutu, rable des personnes interrogées af­ dʼéducation conservatoire. Ces études Biruwe, Bisie, Ndjingala, Mubi, Wali­ firme de manger régulièrement de comprenaient 21 questions sur la kale Centre, Itebero, Kasese, Pinga la viande de brousse, personne ne connaissance des gens concernant la Centre et Kalembe (voir le plan). Les disait de manger des grands singes. conservation des grands singes, leur résultats de ces études montrent mani­ Toutefois il est évident par les résul­ attitude et leur pratiques vis-à-vis ce festement la sévérité du problème de la tats des études que la chasse aux sujet. La questionnaire était distribuée viande de brousse ainsi que le manque grands singes et leur consommation aux 350 gens résidents aux territoires de conscience des lois conservatoires constituent des problèmes majeurs et leurs sanctions en cas dʼinfraction. aux territoires de Walikale et de Lu­ Qui révèle clairement le potentiel dʼune butu. Il est intéressant que quelques éducation conservatoire. répondants indiquent viande de vache, mouton et chèvre comme Les résultats des études viande de brousse. Ici nous présentons quelques observa­ 3. Une majorité écrasante des per­ tions-clés de ces études sur la notion sonnes interrogées étaient favo­ de la conservation. rable à lʼidée des initiatives conser­ vatoires pour les grands singes 1. Il existe un manque de conscience dans leur communautés, mention­ des lois conservatoires pour les nant notamment la potence des pro­ grands singes et les sanctions en grammes conservatoires de créer Un instituteur fait la démonstration cas de violation de ces règles. Cette une changement positive aux terri­ dʼune des activités éducatives au conscience varie exceptionnelle­ toires de Walikale et de Lubutu. cours dʼun atelier dʼentrainement ment par communauté.

6 Gorilla Journal 45, décembre 2012 R. D. CONGO

Pourcentage des réponses données Pourcentage des réponses données La mise au point du Programme à chacune des assertions à la question « Quelle sanction y Conservatoire pour les grands a-t-il pour la possession d'un grand singes et son implémentation Assertion % singe chez soi? » Avec ces travaux de base d’une si­ Il est légal d’acheter un 12,3% gnification inestimable les conserva­ grand singe Assertion/options des % teurs de lʼIJG et du Disneyʼs Animal sanctions Kingdom® ont élaboré un programme Il est légal de capturer des 9,4% dʼéducation conservatoire pour les grands singes Emprisonnement 36,3% adultes comme pour les enfants dans J’ignore 27,4% Il est légal de tuer des 7,4% lʼâge de lʼécole primaire. Des institu­ grands singes Arrestation de la personne 16,9% teurs de 10 communautés aux terri­ et confiscation de l’animal toires de Walikale et de Lubutu ont été Punition conformément à la 11,1% élus afin de transmettre le programme Pourcentage des réponses posi­ loi du Congo d’éducation. Il était considéré de gran­ tives données à la question si la de importance d’associer ces institu­ Pas de sanctions 6,6% personne interrogée croit connaître teurs locaux au programme et alors les lois conservatoires du Congo S’arrange entre le 1,7% de renforcer leur qualité et d’assurer chasseur et le garde qu’ils soient des membres respectés Communauté % forestier de leurs communes et connaisseurs de Ndjingala 85,7% première main des défis de la conser­ vation dans leurs régions. Walikale Centre 77,8% Pourcentage des réponses données Les instituteurs locaux recevaient Itebero 68,4% à chacune des assertions sur la des cours intensifs donnés par les édu­ Biruwe 64,4% consommation de différentes cateurs conservatoires de lʼIJG et du sortes de viande Disney sur des thèmes comme « com­ Pinga Centre 61,9% ment transmettre le message », « com­ Lubutu 60,9% Type de viande % ment exécuter des évaluations avant et Kalembe 59,1% Antilope, singe 67,7% après les leçons » et « comment prési­ der les débats dans la communauté ». Bisie 50,9% Porc-épic 21,6% En outre les instituteurs recevaient les Kasese 39,1% Eléphant, okapi, léopard 9,5% matériaux éducatifs du programme Mubi 30,8% Autre viande de brousse 0,9% comme des puzzles, des bandes des­ sinés des scènes relevances, des pos­ Moyenne 61,7% Vache, mouton, chèvre 0,3% ters éducatifs et bien sûr les moyens financiers pour des frais de transport pour aller présenter le programme. Pourcentage des réponses données à chacune de ces assertions Par juillet 2012 les instituteurs ont transmis le message du programme Assertion % dʼéducation conservatoire en 95 écoles Il est normal de manger de la viande des grands singes 40,3% aux 27 803 enfants. En coopération avec lʼUGADEC (Union dʼAssociations Dans ma communauté l’on chasse les grands singes 50,9% pour la Conservation des Gorilles et du Développement dans lʼEst du Congo) Pourcentage des réponses données à chacune de ces assertions les instituteurs ont aussi convoqué 90 rassemblements avec un total de 2400 Assertion % membres et chefs de communes. La sensibilisation sur la conservation des grands singes est d’une 96,0% Avec ces leçons et ces rassemble­ grande importance ments interactifs lʼIJG a aussi redressé 10 panneaux dʼaffichage dans la­ ré Jʼaimerais participer aux activités conservatoires pour les grands 98,0% gion et ils y ont distribué des centaines singes dans ma communauté de posters. En plus des programmes

7 Gorilla Journal 45, décembre 2012 R. D. CONGO

thématisés sur la conservation pour ra­ Le Programme pour le nationaux et elles sont décrites comme dio et film étaient répartis aux commu­ hébergeant une population significa­ nautés. Par ces outils non seulement Gorille de Grauer de tive de gorilles de Grauer. les informations aux participants du DFGFI Au cours de l’année 2011, le Fonds programme conservatoire ont été ren­ Dian Fossey a franchi des étapes signi­ forcées mais aussi des centaines de Le Dian Fossey Gorilla Fund Interna- ficatives dans la construction des in­ milliers de personnes de passage dans tional (DFGFI) a renforcé ses efforts en frastructures du programme, de même la région de Walikale et de Lubutu ont République Démocratique du Congo que dans la collecte de données sur été atteints par ce message dʼaction (RDC) afin de bâtir un nouveau Pro­ la présence et la composition des conservatoire. gramme de Conservation et de Re­ groupes de gorilles de Grauer dans les Bien que nous avons déjà reçu de cherche pour le Gorille de Grauer, qui réserves. Trois équipes de techniciens nombreux réactions positives sur le serait dédié à la recherche, au suivi et de terrain du Programme de Conserva­ programme nous comptons rediffu­ à la protection des Gorilles de Grauer tion et de Recherche pour le Gorille de ser la questionnaire sur la notion de (anciennement appelé gorille de plaine Grauer ont complété les 30 patrouilles la conservation des grands singes afin de l’est). Contrairement aux gorilles de dans les réserves au cours de l’année, de pouvoir évaluer lʼeffet que le pro­ montagne, qui ont été étudié au Centre la dernière patrouille étant revenu de gramme exerce sur la conscience des de Recherche du Fonds Dian Fossey sur le terrain à la fin du mois de sep­ gens de la conservation des grands de Karisoke, au Rwanda, pendant plus tembre. En se basant sur les preuves singes et leur attitude dans ce cadre. de 45 ans, il y a moins de groupes de la présence des gorilles comme Nous aspirons à continuer notre travail de gorilles de Grauer habitués que les des sites de nids, des crottes et des avec nos partenaires afin dʼencourager chercheurs peuvent observer dans les restes de nourriture consommée, les le respect pour les grands singes et les vastes forêts de l’est de la RDC. En équipes de terrain pensent avoir trouvé lois qui les protègent ainsi que leurs conséquence, on en sait beaucoup un groupe d’environ 35 gorilles dans la habitats. moins sur cette sous-espèce de gorille. réserve REGOUWA. Alison Grand, Tammie Bettinger, Il n’y a pas de recensement à jour de En plus des patrouilles, le Pro­ Dario Merlo et DebbyCox leur population, et selon certaines esti­ gramme pour le Gorille de Grauer du mations, ils pourraient n’être plus que Fonds Dian Fossey a également éta­ Ce programme nʼaurait pas été possible sans 4000 individus dans la nature. bli la Base de Recherche de Biruwe, le support de : lʼICCN, lʼUGADEC, le Minis- tère de lʼEnvironnement du Nord de Kivu, le Ce nouveau Programme de Conser­ l’installation opérationnelle centrale du Ministère dʼÉducation du Nord de Kivu, les vation et de Recherche du Fonds Dian programme, ainsi que trois postes de Inspections dʼEducation de Walikale, Lubutu, Fossey pour les Gorilles de Grauer monitoring (suivi) biologique : un dans and Goma, le Parc National de Kahuzi-Bie- en RDC va permettre d’évaluer leur chaque réserve. Les habitants de la ga, le Parc National de Maïko, la Fondation Arcus, Coopera, Conservation International, nombre et la stabilité de la population région ont été embauchés comme as­ Disney’s Animals, Science and Environment, actuelle, ainsi que de les étudier et de sistants de terrain et pour construire Flora and Fauna International, Frankfurt Zoo- les protéger. Ce programme est fon­ la Base de Recherche de Biruwe, ce logical Society, Gorilla Organization, Institut dé grâce à la générosité de la Fonda­ qui a renforcé un peu plus encore les Jane Goodall (IJG) Pays-Bas, Institut Jane Goodall (IJG) Espagne, Institut Jane Goodall tion Turner, de la Fondation Daniel K. liens entre le programme et les com­ (IJG) Roots & Shoots, Prince Bernhard Funds Thorne, ainsi que celle d’autres dona­ munautés de la région où il opère. for Nature Foundation; Wildlife Conservation teurs et membres du DFGFI. C’est important non seulement parce Society, World Wildlife Fund, Zoological So- ciety of London, Zoos Victoria, Centre pour la Le Fonds Dian Fossey pour les Go­ que cela rend durables les efforts pour Réhabilitation de Primates à Lwiro, ainsi que le rilles travaille en collaboration avec la Conservation, mais cela développe Stella Matutina Hotel. trois réserves communautaires locali­ également le réseau d’information de En outre nous aimerions féliciter les conserva- sées entre les Parcs Nationaux de Maï­ manière informelle, ce qui est essen­ teurs de l’IJG-RDC de leur accomplissements formidables et nous voulons exprimer notre ko et de Kahuzi-Biega : ce sont La Ré­ tiel pour obtenir et échanger les der­ reconnaissance pour leur engagement remar- serve de Gorilles de Utunda et Watsa nières nouvelles sur la sécurité dans quable pour la conservation à : Kitima Anaclet, (REGOUWA), la Réserve de Gorilles la région. Adukako Amita, Barthelemy Tchangwi, Ara- jabu Kukay, Zaina Mboasu, Apolina Misingi, de Punia (RGPU) et la Conservation La Base de Recherche de Biruwe Abapolo Molisho, Samamba Misanda, et Mis- Communautaire de la Réserve Fores­ est équipée avec du matériel de pointe honya Mirimo. tière de Bakano (COCREFOBA) (voir qui permet de transmettre directement carte p. 6). Ces réserves forment un les données collectées sur le terrain corridor important entre les deux parcs au Centre Principal de Recherche

8 Gorilla Journal 45, décembre 2012 R. D. CONGO

politique pour parvenir à atteindre tous le Fonds Dian Fossey pour les Gorilles, les objectifs fixés pour l’année. le zoo de Dallas, le zoo de Denver et Une autre raison qui fait que le le zoo de Houston. A l’avenir, GRACE programme en faveur des gorilles de doit devenir une organisation sans but Grauer est essentiel à la conservation lucratif indépendante, enregistrée aux des gorilles dans cette région, c’est de Etats-Unis et en République Démocra­ combattre le continuel problème du tra­ tique du Congo. fic illégal de gorilles. En septembre, le Octobre 2012 a été le moment que Fonds Dian Fossey s’est impliqué dans le Fonds Dian Fossey a choisi à la fois la confiscation de deux jeunes gorilles pour réfléchir sur ses réalisations et de Grauer. Il semble qu’ils proviennent également faire le bilan des défis ­ac tous deux de la province du Nord Kivu, tuels, et tout spécialement à la lumière là où est située la réserve communau­ des deux orphelins gorilles qui ont été Techniciens de terrain à Biruwe taire dans laquelle travaillent les em­ confiés aux soins de l’organisation le Photo : DFGFI ployés du Fonds, région considéré mois précédent. Le DFGF espère que comme la plaque tournante du trafic de le programme double, d’une part tra­ du Fonds Dian Fossey de Ruhenge­ gorilles dans la région. Actuellement, vaillant à la recherche, au suivi et à la ri, au Rwanda. Le Fonds Dian Fossey le DFGF soutient financièrement les protection, en s’appuyant sur ce qui a cherche à mettre en place un circuit soins apportés à ces deux petites fe­ été appris au cours de 45 ans de re­ efficace et transparent qui transforme melles, aujourd’hui dénommées Bara­ cherche et de protection du gorille de les efforts des pisteurs sur le terrain, ka et Isangi, en prenant en charge les montagne au Rwanda, et d’autre part en matière de suivi, de collecte de don­ salaires des deux soigneurs, la nour­ œuvrant à la réhabilitation de gorillons nées et de protection des gorilles, en riture des orphelines et les provisions victimes du braconnage, sera la clef connaissances scientifiques d’avant- pour le sanctuaire pour gorilles de pour conserver et apprendre sur les garde qui puissent être utilisées et montagne de Senkwekwe. Les deux gorilles de Grauer. mises en pratique dans la gestion et la petites gorilles resteront en quaran­ Urbain Ngobobo conservation. Même si le DFGF est en­ taine à Senkwekwe jusqu’à ce qu’elles core loin d’être capable d’habituer des puissent être transférées en sécurité groupes de gorilles de Grauer pour les au Centre de Réhabilitation pour Go­ L’Eucalyptus, une étudier, il envisage de commencer à rilles et d’Education à la Conservation nourriture médicinale identifier des groupes de gorilles à par­ (GRACE). introduite chez les tir desquels il pourra collecter des don­ GRACE a été créé sur l’insistance gorilles? nées sur les patterns de distribution et de l’Institut Congolais pour la Conser- la démographie. Entre temps, le travail vation de la Nature (ICCN) sur un ter­ Au cours de ces 10 dernières années fourni par l’organisation pour bâtir l’in­ rain offert par le Centre pour la Biologie et peut-être davantage, des milliers frastructure du programme a été une de la Conservation de Tayna, à côté de de plants et de jeunes arbres ont été étape fondamentale de l’expansion de la Réserve Naturelle de Tayna, dans plantés en République Démocratique ses activités en RDC. l’est du Congo. Le centre a été initié du Congo et au Rwanda, dans un ef­ Le paysage de RDC est difficile en par le Fonds Dian Fossey pour les Go­ fort de réduire la destruction des forêts soi, et les trois postes de monitoring rilles, avec un financement du Minis­ indigènes par les sociétés de bûche­ biologique et le Base de Recherche de tère américain de la Pêche et de l’Envi­ ronnage et également de promouvoir Biruwe sont localisées dans des zones ronnement; son design et sa construc­ l’agroforesterie. Le Grevillea robustus extrèmement reculées qui sont diffi­ tion ont été réalisés avec l’aide des (Chêne argenté d’Australie), le Callian- ciles, voire impossibles, à atteindre en programmes en faveur des animaux de dra, le Leucaena, le cyprès, le Maesop- voiture. Le DFGFI a aussi dû faire face la Walt Disney Company; la PASA (Pan sis, le Markhamia, l’Acacia mearnsii à d’autres problèmes liés à l’actuelle African Sanctuary Alliance) a apporté (acacia noir), l’Erythrina absyssinica et crise au Congo, qui s’est déclarée en son expertise technique. GRACE est l’Eucalyptus maideni (nom commun en mai 2012. Néanmoins, le personnel un projet de conservation du Conseil du anglais : Maiden’s gum) y ont tous été de terrain expérimenté du Fonds Dian DFGFI, supervisé par les membres du introduits (Sikubwabo Kiyengo 2011; Fossey a navigué efficacement entre Conseil d’Administration de GRACE, Vhosi & Sikubwabo Kiyengo 2010). les obstacles logistiques et l’instabilité ce qui inclut la Walt Disney Company, Au Rwanda tout particulièrement, les

9 Gorilla Journal 45, décembre 2012 RWANDA

plantations de la très productive es­ de nombreuses parties du monde pour vasion d’Eucalyptus spp. et d’Acacia pèce Eucalyptus sont bien installées des usages domestiques et commer­ mearnsii s’est étendue de manière in­ et ont fourni aux gorilles une source ciaux variés. En Afrique tropicale, l’eu­ contrôlée (Karlowski & Weiche 1997). de nourriture inattendue. Les grands calyptus fut introduit au Nigéria au dé­ L’une des caractéristiques intéres­ singes adorent la gomme qui suinte but du 20ème siècle, alors que des plan­ santes des eucalyptus est leur rythme des arbres entaillés, allant jusqu’à tra­ tations s’établirent en Angola dans les de croissance rapide, certaines es­ verser des terrains à ciel ouvert pour années 1930 pour fournir du bois aux pèces atteignant des hauteurs inouïes accéder aux plantations. locomotives du chemin de fer de Ben­ et absorbant de vastes quantités d’eau, Alors que les gorilles apprécient guela. Le Malawi et le Mozambique, ce qui peut sérieusement perturber l’écorce et la sève de certains arbres, quant à eux, créèrent dans les décen­ l’écologie de certains biomes. La défo­ leur utilisation de l’Eucalyptus (Myrta­ nies récentes des plantations d’Euca- restation et les usages impropres des ceae) peut sembler surprenante. En ef­ lyptus spp. et de Pinus spp. (Sayer et terres ont créé des problèmes, y com­ fet, certaines espèces sont potentielle­ al. 1992), tout comme d’autres pays du pris avec les espèces indigènes. ment toxiques, elles peuvent contenir continent ainsi que Madagascar. Le côté positif de ce phénomène de dangereux acides hydrocyanique Certaines parties du Bassin du met en valeur la contribution de cer­ et prussique. Certaines des huiles Congo ont été colonisées avec des tains eucalyptus à l’ethnomédecine essentielles et volatiles, cependant, plantations d’Eucalyptus sp. et de Pi- africaine locale. Les guérisseurs du contiennent des propriétés thérapeu­ nus sp., couvrant 320 km2 et 10 km2 Parc National de Gorilles de Mgahin­ tiques. L’un des agents primaires est respectivement, ayant été démarrées ga exploitent les feuilles de l’une des le cinéole, un antimicrobien puissant près de Pointe Noire en République espèces pour produire des inhalations que l’on peut trouver chez la majorité du Congo dans les années 1970, avec contre les congestions nasales et les des espèces d’eucalyptus, bien qu’à 100 autres kilomètres carrés plannifiés congestions de poitrine, alors que ces des degrés d’intensité différents. E. en région côtière et l’assignation de mêmes feuilles s’utilisent aussi, avec la maideni, par exemple, contient 50% de larges zones additionnelles de savane. Targeta minuta (Yauhtli des Aztèques) cinéole ainsi que du pinène. D’autres Le Gabon voisin s’est également établi et l’Hypericum revolutum, pour traiter éléments chimiques à propriétés ger­ en hôte, bien que le projet de conver­ la grippe, le rhume et la coqueluche micides et que l’on trouve dans les dif­ tir 227 km2 en plantations d’eucalyp­ (Hord 1996). De même, les peuples du férents eucalyptus incluent le cuminal­ tus supplémentaires fut abandonné en sud du disctrict du Nil Bleu au Soudan déhyde, le phallandra, le crytone et le 1982 en faveur de cultures plus tradi­ utilisent les feuilles de E. camaldulen- phénol (Penfold & Willis 1961). tionnelles (Sayer et al. 1992). Selon sis dans le traitement de maladies res­ Le potentiel de ces agents théra­ Penfold & Willis (1961), une petite zone piratoires et appliquent des feuilles peutiques était reconnu par les Abori­ de 500 ha fut plantée d’Eucalyptus spp. fraîches sur les zones affectées par gènes australiens et introduit très tôt sur une période de 25 ans dans les le rhumatisme (El-Kamali & El-Khalifa dans la médecine traditionnelle. Les hautes terres de Bamenda, au Came­ 1999). colons européens se rendirent rapide­ roun, dont le E. maideni, le E. robusta L’E. maideni, une espèce d’Euca­ ment compte des avantages de ces et le E. saligna qui produisent les meil­ lyptus établie au Rwanda, se caracté­ nouvelles huiles thérapeutiques. Mal­ leurs résultats. rise par son écorce lisse et sa résine heureusement, les Aborigènes ne par­ Il est intéressant de noter qu’au Ga­ « gommeuse ». Lorsque l’écorce est tagent plus les secrets des ingrédients bon, les feuilles de E. robusta sont retirée, des huiles volatiles pénètrent et préparations de leur médecine an­ transformées en tisane pour calmer la dans l’incision sous la forme d’une cestrale, cette information ayant été fièvre paludéenne (Raponda-Walker & gomme qui se solidifie pour former une malmenée dans le passé. Sillans 1961). résine antiseptique protectrice. C’est Les feuilles d’eucalyptus possèdent L’impact, favorable ou non, des es­ cette sève que les gorilles recherchent, des glandes huileuses que l’on peut pèces introduites dans les systèmes écorçant de nombreux arbres au pas­ aussi trouver dans les bourgeons, les écologiques régionaux mérite d’être sage. pétioles, les fleurs et les fruits verts de pris en considération. Depuis des Malheureusement, les gorilles ne nombreuses espèces. siècles, de nombreuses plantes étran­ se contentent pas de dégats sur les Avec environ 450 espèces, les Eu- gères ont pris racine dans le sol afri­ écorces des arbres : certains mâles calyptus montrent dans leur majorité cain, certaines plus bénéfiques que imposants peuvent aller jusqu’à briser une grande robustesse et adaptabilité, d’autres. Dans le Parc National des en deux des arbres de moyenne épais­ ayant été introduits avec succès dans Gorilles de Mgahinga en Ouganda, l’in­ seur, causant du désordre et obligeant

10 Gorilla Journal 45, décembre 2012 OUGANDA

le gouvernement rwandais à rembour­ Références 500 ser les propriétaires des plantations. El-Kamali, H. H. & El-Khalifa, K. F. (1999): Folk medicinal plants of riverside forests of 400 Les hommes ont toujours apprécié southern Blue Nile District, Sudan. Fitoterapia l’eucalyptus pour son arôme agréable, 70, 493–497 300 son efficacité anti-bactérienne et ses Hord, A. L. (1996): Guide Handbook Mgahin­ ga Gorilla National Park (Kisoro, Uganda, East 200 propriétés antiseptiques en application. Africa) Medical Plants. University of Oregon Les gorilles de montagne au Rwanda Karlowski, U. & Weiche, I. (1997): Mgahin­ 100 ont « découvert » une nouvelle source ga Gorilla National Park. Gorilla Journal 15, de nourriture végétale qui a été intro­ 15–16 Nugent, R. (1993): Drums along the Congo. 1997 2002 2006 2011 duite sur leur domaine à une période New York, Houghton Mifflin traditional method relativement récente et qui pourrait être Penfold, A. R. & Willis, J. L. (1961): The Euca­ genetic census aussi bénéfique pour eux qu’elle l’est lypts. London, Leonard Hill pour les humains. Raponda-Walker, A. & Sillans, R. (1961): Les plants utiles du Gabon. Paris, Paul Leche­ Résultats du comptage de gorilles Beaucoup d’espèces de primates valier de Bwindi se sont adaptées à l’exploitation de Sayer, J. A. et al. (1992): The conservation at­ plantes cultivées, certaines d’entre las of tropical forests. Africa. New York. Simon deux passages dans la zone de Bwin­ + Schuster elles contenant des composés médici­ Sikubwabo Kiyengo, C. (2011): Sarambwe Re­ di, les équipes de Bwindi ont repéré naux ou même psychoactifs. Lorsque serve integrated management support project. plus de gorilles quʼau cours de leur les gorilles furent réintroduits dans la Gorilla Journal 42, 5–8 unique passage en 2006. Il est donc région de la Léfini en République du Vhosi, J. & Sikubwabo Kiyengo, C. (2010): probable quʼun certain nombre de go­ School tree nurseries to save the of Congo, 5 mâles, qui ne parvinrent pas Mount Tshiaberimu. Gorilla Journal 40, 9–11 rilles nʼavaient pas été recensés en à s’intégrer socialement au groupe, se 2006, mais tout indique également que rassemblèrent en un groupe d’insa­ la population des gorilles est en réelle tisfaits. Ils quittèrent la réserve pour Augmentation de la augmentation. Les 400 gorilles du Parc ravager les plantations avoisinantes, population des gorilles de National de la Forêt Impénétrable de y compris des cultures de marijuana Bwindi Bwindi sont divisés en 36 groupes so­ (Cannabis) (John Aspinall Foundation ciaux distincts auxquels sʼajoutent 16 Online 2006). Un comptage des gorilles du Parc Na­ mâles solitaires. Parmi ces groupes, il Bien que la recherche volontaire de tional de la Forêt de Bwindi, effectué en y en a 10 qui ont été habitués aux fins l’ébriété par les animaux, qui de ce fait 2011, a recensé au moins 400 gorilles, de tourisme ou de recherche, ce qui se rendent vulnérables aux accidents ce qui augmente la population mon­ représentait au moment du comptage et blessures ou se transforment en diale de la sous-espèce Gorilla berin- 168 gorilles, soit 42% de la population proies faciles pour des prédateurs, soit gei beringei et la fait passer à 880. de Bwindi. contraire à toute logique, des rapports Au départ, il était prévu dʼinclure éga­ Extrait d’une communication de l’IGCP suggèrent que, tout comme les hu­ lement dans le comptage la Réserve mains, ils méprisent parfois les règles Naturelle de Sarambwe, mais ceci nʼa Le comptage a été effectué sous lʼégide de lʼUganda Wildlife Authority, avec le sou- de prudence pour se laisser aller aux malheureusement pas été possible à tien de l’Institut Congolais pour la Conserva- sensations d’altérations de l’esprit. Au cause de lʼinsécurité qui règne dans tion de la Nature et du Rwanda Development nord de la République du Congo, un cette zone. Les résultats du comptage Board. Il a également bénéficié du soutien cercocèbe très décontracté a été ob­ nʼavaient pas été publiés immédiate­ du Programme International de Conservation des Gorilles (PICG), de lʼInstitut Max Planck servé par Nugent (1993) alors qu’il mâ­ ment afin de permettre lʼanalyse préa­ dʼAnthropologie Evolutionnaire, de Conserva- chait des branches et des feuilles de lable des échantillons recueillis, ce qui tion Through Public Health, du Mountain Go- plants de cannabis, alors qu’au Parc nécessite un certain temps. rilla Veterinary Project, de l’Institute of Tropical National du Petit Loango, au Gabon, Depuis le dernier comptage effec­ Forest Conservation et du Dian Fossey Gorilla Fund International. Il a été financé par le WWF un éléphant s’est rendu célèbre pour tué à Bwindi, la population de gorilles de Suède, avec la participation de la Berggoril- son comportement agressif après avoir est passée de 302 en 2006 à 400 en la & Regenwald Direkthilfe, la Wildlife Conser- ingurgité du Tabernanthe iboga (V. Stir­ 2011. Cette augmentation sʼexplique vation Society, et de l’Institut Max Planck d’An- thropologie Evolutionnaire. ling comm. pers.). dʼune part par lʼamélioration des tech­ Don Cousins niques de recensement, dʼautre part par lʼaugmentation réelle du nombre dʼindividus. Ayant effectué cette fois-ci

11 Gorilla Journal 45, décembre 2012 CROSS RIVER

Mise à jour du programme « Gorilla Guardian » Le gorille du Cross River (Gorilla go- rilla diehli) est en danger critique d’ex­ tinction, avec une population de peut- être moins de 250 individus dans leur domaine vital qui comprend une petite zone forestière à la frontière entre Ni­ géria et Cameroun. Avant 2008, l’inté­ gralité de la population de gorilles du Cross River du Cameroun vivait en de­ hors de toute aire protégée, et malgré les succès récents ayant conduit à la création de nouvelles aires de protec­ tion (Parc National de Takamanda et Sanctuaire pour Gorilles de Kagwene), il y a encore une part significative de leur population qui ne vit pas dans des aires protégées. Des enquêtes ont révélé que peut- être jusqu’à la moitié des gorilles du Cameroun vivait dans des zones fores­ tières ne bénéficiant d’aucune protec­ Le chef de Takpe recevant le WCS dans sa communauté tion formelle. Il est donc urgent qu’une Photo : WCS/TMLP stratégie de gestion de la conservation soit mise en place afin d’apporter à au­ nues pour abriter des gorilles; mais la distribution des gorilles sur chaque tant de groupes de gorilles que pos­ aussi de collaborer avec les chasseurs site. Ils ont également un rôle de liaison sible une protection de quelque forme locaux, de récolter des informations sur entre leurs communautés et le Gou­ que ce soit. Cependant, plusieurs de la distribution des gorilles du Cross Ri­ vernement pour obtenir des données ces sites soient difficiles d’accès, par ver, leur nombre et les menaces. Les vitales et former un réseau afin de par­ leur éloignement ou la rudesse du ter­ données collectées sont ainsi utilisées tager les informations et sensibiliser. rain, et cela pose un problème pour pour soutenir la conservation des go­ Le programme a été formellement mener à bien le travail d’enquête et rilles du Cross River et la sensibilisa­ établi en janvier 2009 par la sélection poursuivre le monitoring. Le Gouver­ tion. Les Gorilla Guardians sont sé­ et la formation des six premiers Go­ nement a également une capacité limi­ lectionnés par leurs communautés rilla Guardians issus des communau­ tée pour renforcer les efforts de protec­ et suivent ensuite une formation sur tés (Ashunda, Bachama, Awuri, Takpe, tion dans beaucoup de ces zones. Né l’écologie des gorilles, l’identification Mbu, et Nga) dans trois zones princi­ de la constatation de ces problèmes, des nids, le monitoring et la collecte pales de forêt adjacentes à d’impor­ le « Gorilla Guardian » (Garde de Go­ de données, ainsi que sur la législation tants sites pour les gorilles du Cross rilles), un réseau de monitoring effec­ environnementale camerounaise. River (Forêt de Mbulu, le nord de tué par les communautés, a été initié Ils servent d’ambassadeurs de la la forêt de Mone, et les Collines de en 2008 en tant que moyen de stimu­ conservation dans leurs communau­ Mawambi). En 2011, deux communau­ ler l’engagement des communautés lo­ tés, et mènent à bien la surveillance tés supplémentaires ont rejoint le pro­ cales et de les enrôler dans la conser­ des gorilles et des activités illégales. gramme en incluant Eshobi et Kunku, vation et le monitoring des gorilles. Depuis le lancement du programme, qui sont localisées entre les forêts de L’objectif principal du programme les Gorilla Guardians qui travaillent en Mbulu et de Mone, ce qui comble un Gorilla Guardian est d’engager des collaboration avec les chasseurs lo­ vide dans ce paysage. L’intérêt continu chefs de communautés qui possèdent caux ont enregistré des observations et pour le programme de la part d’autres des droits traditionnels sur certaines collectées des données qui ont permis communautés a permis d’étendre le zones forestières non protégées con­ de mettre à jour les informations sur programme à la partie Est de la forêt

12 Gorilla Journal 45, décembre 2012 CROSS RIVER

vivant près de l’habitat de ce gorille en danger critique d’extinction. Grâce au monitoring communau­ taire conduit par le réseau de Goril­ la Guardian, un total de 661 sites de nids, cumulant 3667 nids de gorilles du Cross River sevrés, ont été enre­ gistrés depuis le démarrage du pro­ gramme. Les détails de ces observa­ tions, combinés à des observations supplémentaires réalisées sur le ter­ rain nous permettent d’élaborer de meilleures estimations du nombre de gorilles qui vit dans ces forêts et de mieux comprendre comment ils sont distribués dans cette partie du paysage (landscape). Le résultat du monitoring Gorilla Guardian, c’est que nous avons énormément gagné en précision des estimations du nombre de groups et de leurs déplacements. Les estima­ Distribution des sites de nids de gorilles du Cross River enregistrés dans tions actuelles indiquent qu’il pourrait y les forêts des communautés de Gorilla Guardian de janvier 2009 à juin avoir 29 gorilles vivant dans la forêt de 2012 Mone, 22 dans les Collines Mawambi, et 14 dans la forêt Mbulu. Dresser la de Mone. En janvier 2012, les Gorilla avant la fin de l’année en sélectionnant carte des sites de nidification en la cou­ Guardians d’Amebishu et Batambe ont et en formant un autre Gorilla Guardian plant avec les rapports des chasseurs été formés et ils ont commencé à col­ du village de Mantoh, dans la partie est a démontré que les gorilles se dépla­ lecter des données en mars. Il est pré­ de la forêt de Mone, et en évaluant l’in­ çaient dans des zones qui ne figuraient vu de renforcer encore le programme térêt pour rejoindre le réseau d’autres pas dans les aires de distribution pré­ cédemment décrites. Un monitoring Sites de nidification de gorilles du Cross River enregistrés dans les forêts des communautés de Gorilla Guardian, de janvier 2009 à juin 2012

Communautés/ 2009–2010 2010–2011 2011–2012 Totals zones forestières Nbre Nbre Nbre de Nbre Nbre Nbre Nbre Nbre Nbre Nbre Nbre Nbre de de de nids de de de nids de de de nids de sites de nids nids sites nids dans sites nids dans sites nids dans de nids au sol dans les de au les de au les de au les à ce à ce arbres à nids sol arbres nids sol arbres nids sol arbres jour jour ce jour Takpe/Awuri 74 340 140 – – – 58 256 128 132 605 268 Mbu/Nga 86 272 285 86 288 211 88 309 132 260 869 628 Ashunda/ 91 324 226 60 196 76 84 224 93 235 744 395 Bachama Eshobi/ Kunku – – – 7 15 11 10 18 18 17 33 29 Amebishu – – – – – – 11 38 25 11 38 25 Batambe – – – – – – 6 18 15 6 18 15 Total 251 936 651 153 499 298 257 872 411 661 2307 1360

13 Gorilla Journal 45, décembre 2012 CROSS RIVER

mateurs sur les menaces pesant sur nous permettra de mettre en place de les gorilles (et les chimpanzés); 3) de façon plus complète la stratégie que sensibiliser au sein de leurs commu­ nous avons élaborée pour cette éduca­ nautés et de servir de source d’infor­ tion à la conservation, dans les années mation sur les problématiques liées à qui viennent. Le Gorilla Guardians ont la conservation. Le réseau de Gorilla aussi exprimé la volonté de se soute­ Guardian s’est révélé être un moyen nir les uns les autres afin de dévelop­ très efficace de collecter des données per et de disséminer des messages de et d’impliquer les communautés dans conservation dans chacune des com­ le monitoring des gorilles du Cross Ri­ munautés de Gorilla Guardian. Un des ver. En regard des deux premiers ob­ résultats de ces mesures est qu’aucun jectifs, le réseau a permis d’acquérir gorille du Cross River n’a été chassé un savoir très riche sur le statut et la depuis le démarrage du programme en Collecte de données concernant les distribution de groupes de gorilles qui janvier 2009. nids à Mbu/Nga étaient moins connus que d’autres. Le Le monitoring par le réseau de Go­ Photo: WCS/TMLP réseau s’est révélé être un outil ren­ rilla Guardians et son expansion conti­ table et efficace pour suivre les popu­ nuelle à des villages supplémentaires continu devrait nous permettre de dé­ lations de gorilles les plus vulnérables a créé un vrai programme de conser­ terminer de savoir si ces déplacements et les plus isolées. vation communautaire dans lequel les dans ces zones sont temporaires ou Au fil de l’évolution du programme, communautés locales participent acti­ bien si les gorilles commencent à reve­ nous avons aussi constaté les pro­ vement aux actions de conservation. nir dans des aires forestières qui fai­ gress en matière de sensibilisation à la Ces actions visent à assurer un fu­ saient partie de leur aire de répartition conservation du gorille dans les com­ tur aux gorilles du Cross River et aux historique. munautés de Gorilla Guardians. En autres espèces ainsi qu’aux forêts dont A l’origine, les objectifs du pro­ mai 2012, avec la nomination d’un res­ dépendent à la fois les hommes et la gramme étaient 1) de collecter des don­ ponsable de l’éducation à la conserva­ faune. nées plus régulières sur le nombre et la tion, des activités basiques d’éduca­ Chris Jameson distribution des gorilles; 2) de servir de tion à la conservation ont été mises en lien entre les Autorités de la Conser­ place auprès de membres des commu­ Nous sommes reconnaissants du soutien fi- nancier passé et actuel reçu par le programme vation et les communautés, particuliè­ nautés et d’écoles. Malgré tout, nous de la part du Ministère américain de l’Environ- rement en agissant en tant qu’infor­ espérons recevoir plus d’argent ce qui nement (US Fish and Wildlife Service), de la Fondation Margot Marsh pour la Biodiversité et de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe.

Références Ikfuingei, R. (2012). Gorilla Guardian: A Com­ munity-based Monitoring Network progress re­ port for July 2011 to June 2012. Unpublished report submitted to the Wildlife Conservation Society, the US Fish & Wildlife Service, the Margot Marsh Biodiversity Foundation, Bergo­ rilla & Regenwald Direkthilfe, and the Came­ roon Ministry of Forestry and Wildlife. Edits: A. C. Nchanji & C. M. Jameson (in draft) Nicholas, A. (2008): A New Approach to Go­ rilla Conservation: Gorilla Guardians. Gorilla Journal 37 Nicholas, A. (2009): Gorilla Guardians Gain Momentum. Gorilla Journal 39 Oates, J. et al. (2007): Regional Action Plan for the Conservation of the Cross River Gorilla (Gorilla gorilla diehli). IUCN/SSC Spe­ cialist Group and Conservation International, Arlington, VA, USA Une équipe de Gorilla Guardians traversant un pont de lianes dans la communauté d’Eshobi Photo : WCS/Albert Ekinde

14 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

La tendance mouvante du reconnu comme étant de la cocaïne. dans le crime organisé, tel qu’il est ty­ Le trafiquant de drogues et de grands pique pour les cartels de drogue. trafic des grands singes singes employait au moins 5 bracon­ Ce haut niveau d’organisation a en Afrique niers et, avant son arrestation, il ven­ été observé dans beaucoup d’autres dait régulièrement d’autres espèces cas fauniques. Les opérations de ren­ Dans les années récentes, le trafic des protégées de primates. forcement de la loi faunique au Ca­ grands singes d’Afrique a évolué vers La capacité organisationnelle né­ meroun, suivant l’intensification de la une grande activité criminelle organi­ cessaire pour mener ces activités a lutte contre le trafic de la faune dans sée, mais la situation est restée large­ souligné ce qu’elle requiert pour réa­ le pays, a dévoilé une activité crimi­ ment ignorée. Le renforcement de l’ap­ liser avec succès une affaire, le com­ nelle organisée et déterminée. Quatre plication des lois à travers le continent merce faunique illégal dans ce cas. Le jeunes gorilles avaient été sortis en a joué un rôle important dans la décou­ trafic des grands singes aurait évolué contrebande du Cameroun en 2006 à verte et la révélation de ce qui s’est vers une activité professionnelle illé­ travers le Nigéria pour le zoo de Tai­ avérée être la dernière paille autant gale de haut niveau sur le continent ping en Malaisie. Les animaux avaient que la préservation des grands singes africain. Ceci s’est démontré par la ma­ fini dans un zoo en Afrique du Sud. Il soit concernée – le professionnalisme nière avec laquelle de puissants trafi­ a fallu les efforts combinés des gou­ des trafiquants. quants utilisent des aptitudes opéra­ vernements camerounais et sud afri­ En janvier 2006, les responsables tionnelles perfectionnées, pour gérer le cains et des organisations non gouver­ de l’application de la loi faunique ont commerce illicite à côté d’autres activi­ nementales de protection des animaux arrêté un trafiquant, à quelques 130 km tés professionnelles illégales tel que le pour ramener les gorilles à leur terre de la capitale Yaoundé. Il a été arrêté commerce des drogues. La connexion natale, le Cameroun. Sortir en contre­ en possession d’un jeune chimpanzé entre les drogues et le trafic faunique, bande quatre gorilles, voyager à tra­ à côté de 4 grands sacs de marijua­ et les prix croissants pour les pro­ vers plusieurs pays, des milliers de ki­ na, pesant chacun au moins 50 kg, et duits fauniques, attirent les syndicats lomètres de l’autre côté et à travers d’une autre qualité de drogue qu’il a de crimes avec une vaste expérience plusieurs check points, nécessitait une logistique et une organisation sophisti­ quée; ça nécessitait un groupe de tra­ fiquants organisés avec de ressources financières substantielles. Les trafi­ quants de grands singes ont visible­ ment tout cela et même plus, comme beaucoup d’opération au Cameroun le révèleront. Une bonne partie du trafic est menée en utilisant une stratégie et une tactique différente mais avec un égal sérieux – un impact dévastateur. L’arrestation d’un cyber-trafiquant dans la province du Sud Ouest au Ca­ meroun en janvier 2009 était signifi­ cative en ce qu’elle a révélé des stra­ tégies et des tactiques changeantes. L’homme avait précédemment de sa base convoyé par bateau 22 expédi­ tions de crânes de primates vers les Etats Unis en utilisant Internet. Il avait admis d’avoir réalisé un chiffre d’affaire estimé à la somme de 22 000 dollars US et d’avoir mené le trafic faunique sur Internet pendant 2 ans. Cette opé­ Une opération d’application de la loi dans l’est du Cameroun a conduit à ration soulignait l’extension du com­ l’arrestation des trafiquants des parties de gorille. Photo: LAGA merce illégal des primates à des lieux

15 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

distants et le profil du trafiquant d’au­ l’application de la loi faunique, connu le commerce et attire toutes sortes de jourd’hui qui est capable d’utiliser la sous le sigle GALF, établit que plus de personnes, du trafiquant à la petite se­ technologie moderne à son avantage. 100 chimpanzés et 10 gorilles ont été maine locale qui tue les grands singes L’usage de la technologie moderne illégalement exportés du pays depuis dans la forêt pour leur viande et pour ouvre clairement de nouveaux boule­ 2010. La destination favorite pour les leurs orphelins, aux grands syndicats vards au trafic et travaille même à com­ grands singes quittant la Guinée est la du crime qui courent généralement plimenter les méthodes traditionnelles Chine. Les investigations et les opéra­ après les grands singes vivants, fai­ de trafic. tions menées en juin et en juillet 2012 sant de grandes affaires et réalisant En décembre 2005, sur un bateau, ont conduit à l’arrestation d’un ressor­ d’énormes profits. Le commerce dé­ une flotte française en route pour la tissant chinois en Guinée qui avait im­ place son élan du simple commerce Russie quittant Kinshasa, il y avait un pliqué également deux autres dans le de la viande de brousse, impliquant Ukrainien et un Congolais ayant un trafic de 3 chimpanzés qui étaient sur les locaux uniquement, à une activité passeport français et, dans le sac qu’ils le point d’être exportés en Chine. La transnationale attirant les profession­ convoyaient, il y avait un bébé bono­ sévérité croissante du trafic des grands nels. Les conséquences seront juste bo. Ils avaient un permis du ministère singes au cours des années récentes très dures à supporter. congolais de l’agriculture, et cela sug­ a été entretenue par l’implication de la Eric Kaba Tah gérait que cela était quelque chose de Chine dans le commerce. Avec l’éclo­ préparer à l’avance. Les responsables sion d’une classe moyenne en Chine, le français avaient arrêté les deux mais commerce illégal sur le continent aug­ La confiscation d’un étaient plutôt plus inquiets de la peur mente extrêmement rapidement pour gorille orphelin en Guinée de la propagation du virus de l’Ébola satisfaire la demande en Chine et dans Equatoriale que du trafic en lui-même, et les deux d’autres économies asiatiques. L’impli­ avaient été autorisés de poursuivre cation chinoise dans le commerce illé­ La Guinée Equatoriale connaît un boom leur voyage avec le . De ma­ gal de l’ivoire a longtemps été établie économique spectaculaire lié à l’ex­ nière similaire, la saisie par les res­ et ses conséquences sont largement ploitation pétrolière, ce qui, ces 10 der­ ponsables de la douane française à connues, mais aussi un commerce nières années, a entraîné l’augmenta­ l’aéroport de Paris Charles de Gaulle inquiétant des grands singes par les tion des revenus, a encouragé l’exode d’importantes quantités de viande de ressortissants chinois existe à côté du rural et, en l’absence d’autres sources brousse aux mains des passagers commerce de l’ivoire. L’accroissement de protéines animales fraîches, a en­ voyageant à bord d’un vol français en de l’importance du trafic des grands gendré une demande accrue en viande provenance de Bangui démontre la singes et son effet dévastateur sur les de brousse. portée du commerce, et l’implication populations fauniques devient graduel­ La chasse commerciale a été faci­ d’un ancien premier ministre centrafri­ lement apparent, et beaucoup com­ litée par le développement à grande cain, dont les bagages contenaient de mencent maintenant à réaliser com­ échelle des routes dans le cadre du la viande d’espèces de primates proté­ bien le commerce est dangereux et programme gouvernemental « Routes gées, témoigne du niveau élevé d’im­ important. Selon le rapport du GALF, pour tous d’ici 2020 ». Les armes à feu plication dans le trafic. Le premier mi­ le trafic du chimpanzé vivant en­ Gui étant devenues plus abordables, les nistre avait tout simplement été amen­ née est florissant et implique plusieurs chasseurs ont abandonnés les pièges dé. Les grands singes, spécifiquement, autres nationalités parmi lesquels les au profit des fusils, ce qui a permis le les chimpanzés et les gorilles, et leur libanais, les américains et les espa­ ciblage des primates, et notamment du viande constituent une proportion im­ gnols, et le cas d’un américain qui vient gorille des plaines de l’ouest. portante du commerce illégal des es­ dans le pays chaque année pour ache­ Les industries florissantes du pé­ pèces fauniques sur le continent au­ ter les chimpanzés est rapporté par les trole et de la construction, ainsi que jourd’hui. responsables du GALF. d’autres opportunités économiques, Le cas de la Guinée est très spé­ D’innombrables histoires de gravité ont conduit à un afflux de travailleurs cifique et révélatrice sur la question. similaire devrait expliquer la crise plus expatriés. Ces derniers ont un impact Le pays a été identifié comme étant que aggravante à laquelle font face les direct sur les populations de primates le centre du trafic professionnel et or­ grands singes d’Afrique. Chaque pays en créant une demande pour les bébés ganisé des grands singes vivants. Un africain a souffert, avec des marges utilisés comme animaux de compagnie rapport récent effectué par la nouvelle bénéficiaires croissantes pour les trafi­ ou attractions dans les restaurants et branche du projet guinéen d’appui à quants de grands singes. Ceci booste les bars. Les expatriés achètent éga­

16 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

pensable de faire un exemple de ce cas en organisant une opération de confis­ cation de grande envergure, afin de dissuader le public d’acheter des bé­ bés grands singes. Après une prépara­ tion minutieuse, le petit gorille et deux autres singes ont été confisqués avec succès par le Ministère de la Pêche et de l’Environnement du gouvernement, avec le soutien de la Société Zoolo­ gique de Londres (ZSL) et de Conser- vation International. La confiscation a eu lieu en présence de la presse na­ tionale et des clients du restaurant qui ont été informés de la loi et des impli­ cations négatives de l’achat de bébés primates en matière de conservation. En l’absence de structure d’accueil pour animaux confisqués en Guinée Les fonctionnaires du Ministère, les journalistes et la police au Equatoriale, l’Alliance Panafricaine des restaurant de plage lors de la confiscation. Photo: ZSL Sanctuaires de Primates (PASA) a été sollicitée. Avec la collaboration du gou­ lement fréquemment des bébés pri­ En juin, certaines personnes ont si­ vernement camerounais et le soutien mates en pensant agir pour leur bien, gnalé qu’un bébé gorille était gardé il­ logistique d’une compagnie pétrolière, les acheteurs ne réalisant pas qu’en légalement dans le restaurant de plage les primates confisqués ont été trans­ payant pour « sauver » un individu, ils d’un expatrié. En raison de la populari­ portés dans des sanctuaires camerou­ alimentent la demande et par consé­ té de ce restaurant, il est apparu indis­ nais. La femelle gorille de 2 ans, dont le quent encouragent l’abattage d’autres animaux. En l’absence de restrictions sur la chasse ou le commerce appli­ quées à l’intérieur ou à l’extérieur des zones protégées, les gorilles et les autres primates subissent de fortes pressions. En réponse à l’ampleur de la me­ nace que la chasse fait peser sur les primates et au risque de transmission d’une zoonose, le Décret Présidentiel n° 72/2007, entré en vigueur en oc­ tobre 2007, interdit la chasse, la vente, la consommation et la possession de toute espèce de primate en Guinée Equatoriale. Les premiers efforts de sensibilisation ont eu un impact sur le nombre de carcasses de primates re­ trouvées sur les marchés de viande de brousse, mais le manque d’application sur le terrain a rapidement conduit à la reprise de la chasse et du commerce au grand jour des espèces en danger Afangui faisant connaissance avec les autres gorilles orphelins au sanctuaire (BBPP 2010). d’ au Cameroun. Photo: ZSL

17 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

nom « Afangui » signifie « une forêt de sentiel de développer des partenariats ford Foundation, Mohamed bin Zayed Species gorilles » en langue locale Fang, a été avec des experts capables de diminuer Conservation Fund, SeaWorld Busch Gardens Conservation Fund et de Hess Equatorial Gui- transportée au sanctuaire d’Ape Action ce problème. Profitant de l’élan engen­ nea Inc. Africa et a intégré le programme de ré­ dré par cette confiscation, des finan­ habilitation en forêt avec d’autres go­ cements sont recherché pour faciliter Références BBPP (2010): Opportunities lost: the rapidly rilles. Les autres primates confisqués, les rencontres entre les experts régio­ deteriorating conservation status of the mon­ un mandrill et un moustache bleu, naux et le Ministère de la Pêche et keys on Bioko Island, Equatorial Guinea. Bio­ ont été recueillis par le Centre pour la de l’Environnement afin d’aider au dé­ ko Biodiversity Protection Program faune sauvage de Limbe. veloppement du cadre nécessaire de Kümpel, N. F. et al. (2008): Impact of gun-hun­ ting on diurnal primates in continental Equato­ La confiscation a servi de catalyseur procédure. Il est urgent de revoir le rial Guinea. International Journal of Primato­ pour une campagne de sensibilisation cadre juridique existant et de propo­ logy 29 (4), 1065–1082 initiée par le gouvernement autour de ser des modifications appropriées, de la Guinée Equatoriale continentale. s’entendre sur une stratégie pour le Les fonctionnaires du gouvernement placement des animaux confisqués, de Efficacité d’une formation ont distribué des tracts sur le Décret et poursuivre la sensibilisation autour du continue et de perfec­ ont détruit les carcasses des primates Décret et des autres lois concernant la tionnement pour les saisies au cours de la tournée préli­ faune sauvage au niveau national et de minaire de deux districts, tandis que former les forces de l’ordre à la mise en guides la campagne se poursuit. Les efforts oeuvre de ces lois pour garantir l’appli­ Le Programme d’Habituation des Pri­ de collaboration entre les gouverne­ cation de sanctions appropriées. mates (PHP) en République Centra­ ments, les organisations non gouver­ Il ne faut pas sous-estimer le rôle fricaine est partie intégrante des acti­ nementales et le secteur privé indis­ du délégué régional de la Pêche et de vités de conservation de la Zone Pro­ pensables à la réalisation de la confis­ l’Environnement, Elias Ondo Edjo, qui tégée de Dzanga-Sangha et a pour cation mettent en lumière le besoin fut essentiel à la réussite de la procé­ objectif la conservation d’une espèce urgent de renforcer les capacités, de dure de confiscation du gorille. Exploi­ en danger critique d’extinction, les go­ développer des infrastructures et d’ins­ ter la volonté politique des leaders au rilles des plaines de l’ouest (Gorilla go- taurer un cadre procédural pour per­ sein du gouvernement est essentiel. Il rilla gorilla), grâce à des activités de mettre au Ministère de renforcer la loi faut espérer que grâce à ce processus recherche et de tourisme. A ce jour, et de confisquer les primates vivants de collaboration, nous parviendrons à le PHP a grandement contribué à la de façon indépendante à l’avenir. La conserver les gorilles et les 8 autres conservation des gorilles des plaines richesse des compétences régionales, espèces de primates considérées en de l’ouest en protégeant leur habitat et tant en terme d’application de loi sur la risque d’extinction en Guinée Equato­ en permettant de nombreuses études faune sauvage qu’en élevage de pri­ riale. sur leur écologie et leur comportement. mates doit être mise à profit pour dé­ Juliet Wright Le PHP a été lancé en 1998 dans la velopper une stratégie de renforce­ De nombreuses personnes ont été impliquées zone de recherche de Bai Hokou si­ ment de la loi et fournir une protection dans la confiscation puis la prise en charge tuée dans le Parc National de Dzan­ adéquate pour les primates en Guinée ultérieure d’Afangui et des autres primates. ga-Ndoki. Cette zone forestière com­ Equatoriale. Dans la mesure où il s’agit de la première porte de nombreuses clairières appe­ confiscation de ce type en Guinée - Equato ZSL est l’une des seules organisa­ riale, les efforts de ces personnes pour faire lées « bais », qui attirent de nombreux tions de conservation présente en Gui­ de cette confiscation un succès ont été- par animaux sauvages et abritent des po­ née Equatoriale. Son but est de tra­ ticulièrement appréciés. Je tiens à remercier pulations importantes de mammifères vailler avec les communautés locales l’implication de Santiago Francisco Engonga, tels que les éléphants de forêt, les bon­ Elias Ondo Edjo and Santiago Biyang Mba du pour développer des alternatives du­ Ministère de la Pêche et de l’Environnement, gos, les buffles de forêt et les cerco­ rables à la viande de brousse. S’im­ de Heidi Ruffler de Conservation International, cèbes agiles, en plus d’une multitude pliquer dans la confiscation d’animaux de Rachel Hogan et Caroline McLaney d’Ape d’espèces d’oiseaux. Les gorilles sont Action Africa, de Julie Sherman de PASA et Ai- vivants dépasse le cadre de son ac­ nare Idoiaga du Centre pour la faune sauvage l’espèce la plus remarquable et attirent tion. Cependant, avec si peu de pré­ de Limbe, ainsi que de Miila Kauppinen sta- de ce fait l’attention internationale sur sence sur le terrain et étant donné la giaire de ZSL. Le projet ZSL en Guinée Equa- les activités de conservation de cette gravité du problème, il est nécessaire toriale travaille en étroite collaboration avec zone. le gouvernement par le biais de INDEFOR- de soutenir de telles interventions en AP et est soutenu par des subventions de l’ Aujourd’hui, le PHP dispose de cas de besoin. Aujourd’hui il est es­ USFWS Great Ape Conservation Fund, Ruf- deux stations de recherche à Bai Ho­

18 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

kou et à Mongambe. On y trouve deux groupes de gorilles habitués, dénom­ més Makumba et Mayele, d’après leurs dos argentés respectifs. Deux autres groupes sont en cours d’habi­ tuation. Grâce au suivi quotidien de ces groupes, les guides locaux n’ont pas leur pareil pour surveiller les gorilles, guider les visiteurs et faire respecter les règles de visite. Afin de renforcer les connaissances au sujet de cette espèce et assurer à long terme le bien-être des gorilles, les guides sont chargés de recueillir pour le projet des données sur les niveaux d’habituation et l’écologie comporte­ mentale. De plus, les équipes de PHP étudient la santé des gorilles habitués dans le cadre d’un programme de suivi Angelique Todd dispense aux guides une formation portant sur la collecte sanitaire. Ce programme collecte les de données de localisation le 11 juin 2011 à Bayanga. Durant cette partie données permettant de définir un état de la formation, les guides ont procédé à une évaluation pratique des de santé « standard », ainsi que les modèles de localisation, qui est l’une de leurs activités quotidiennes. risques sanitaires par rapport à celui-ci Photo : Thirza A. C. Loffeld (Todd, pers. comm.). Il est de ce fait ca­ pital de régulièrement évaluer les per­ tion des objectifs institutionnels (Stone bituation des Primates comprend formances du personnel par le biais de 1997). presque 60 membres originaires de la formations continues ayant pour but un Par ailleurs, de nombreuses études République Centrafricaine, à côté d’un meilleur suivi des protocoles du PHP et rapports montrent qu’il est important nombre variable de chercheurs et de et à une amélioration des méthodes de d’assurer une formation régulière et de volontaires locaux et étrangers. Du fait collecte de données. qualité aux membres des programmes de l’augmentation récente des effec­ Malgré les mesures mises en œuvre d’habituation de grands primates pour tifs du PHP, il est primordial pour les pour la préservation de l’espèce et de assurer le respect des règlementations zones protégées de Dzanga-Sangha son environnement, le rôle des projets et un suivi proche des espèces mena­ (DSPA) d’organiser des formations sur le terrain tels que celui du PHP de­ cées (p. ex. Hanes 2012; Homsy 1999; poussées et des contrôles de connais­ meure essentiel, étant donné l’accrois­ Macfie & Williamson 2010; Sandbrook sance aussi bien pour les guides no­ sement continu de la pression anthro­ & Semple 2006). Dans le numéro pré­ vices que pour le personnel expéri­ pologique, afin d’atteindre l’objectif à cédent de Gorilla Journal, l’étude de menté. C’est dans ce but qu’Angélique long terme qui est d’éviter une baisse Hanes (2012) décrivait le risque de Todd, conseillère en tourisme du Pro­ de la population des gorilles en-deçà transmission de maladies aux gorilles gramme d’Habituation des Primates du de sa valeur actuelle. Des formations de montagne habitués à des fins touris­ WWF pour la DSPA, a conçu et dis­ de qualité et un niveau de connais­ tiques dans le Bwindi Impenetrable Na­ pensé en juin 2011 une formation des­ sances élevé sont les conditions né­ tional Park, en Ouganda, dû principa­ tinée aux 9 guides du PHP, divisés en cessaires pour l’obtention de données lement au non-respect de la distance 2 groupes pour l’occasion. Afin de sus­ correctes et fiables sur l’évolution et le de sécurité de 7 m, et à la proximité citer l’envie d’apprendre, qui est l’une développement d’individus précis par­ entre gorilles et humains qui en résulte. des conditions de la réussite d’une for­ mi la population des gorilles, ainsi que Hanes recommande entre autres de mation, un questionnaire a été distri­ pour favoriser le tourisme. La forma­ dispenser au personnel des formations bué aux guides deux semaines avant tion du personnel est le moyen cité le continue plus fréquentes et de meil­ celle-ci. Les questions portaient sur plus fréquemment pour améliorer son leure qualité afin de mieux faire respec­ 1) la façon dont les guides interprètent efficacité. Elle joue donc un rôle de ter le règlement. les règles de pistage des gorilles et plus en plus important dans la réalisa­ Le personnel du Programme d’Ha­ les méthodes de collecte de données,

19 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

2) l’opinion des guides à propos des as­ pects de leur travail liés à la conserva­ tion, et 3) la satisfaction ressentie pour leur travail, par le moyen de questions sur les enjeux qu’ils y perçoivent. Pour conclure, les guides étaient incités à faire des suggestions relatives aux su­ jets et à la fréquence de leurs futures formations. Les résultats du question­ naire ont été utilisés pour concevoir de nouveaux programmes de formation adaptés aux besoins des guides. Un aspect primordial des formations est la mise en œuvre des connaissances et techniques apprises (Jacobson et al. 2006; Stone 1997). De ce fait, la forma­ tion PHP met l’accent sur l’expérience pratique et les techniques interactives. Les activités d’observation et d’éva­ luation devraient être parties inté­ grantes de toute formation (Kopylo­ va & Danilina 2011). Une observation bien menée permet de déterminer et de mettre en place, si nécessaire déjà pendant la formation, des modifications portant sur les sujets, les techniques de présentation et les supports utilisés, afin de tenir compte des besoins des participants. L’évaluation, quant à elle, permet de développer, ajuster et amé­ liorer les plans de formation et donc d’optimiser les programmes grâce à une minimisation des coûts et une augmentation de la crédibilité auprès des donateurs et des fondations. De Le dos argenté Makumba traversant un bai en position debout plus, l’évaluation des formations per­ Photo: Thirza A. C. Loffeld met d’identifier les programmes ­ cou ronnés de succès et de transmettre (c.-à-d. Makumba et Mayele) et 2) d’un lecte de données. La vérification des des informations à leur sujet à des bé­ bilan de connaissances par le biais connaissances théoriques a consisté néficiaires potentiels (Jacobson & Ro­ d’un questionnaire utilisé pendant en un test écrit portant sur la biolo­ binson 1990). et après la formation afin de mesu­ gie, le comportement et l’écologie des Dans le cas de l’évaluation mention­ rer l’acquisition de connaissances par gorilles, les lois et règlements, et les née dans notre article, nous avons me­ les 9 guides. Les données destinées à méthodes de collecte de données. Les suré l’efficacité de la formation de per­ l’évaluation pratique ont été recueillies questions étaient dérivées du résultat fectionnement dispensée aux guides entre mai et juillet 2011 pendant une du questionnaire initial et les répéti­ en juin 2011. La formation a été jugée durée totale de 8 semaines, avant et tions d’informations données pendant au moyen 1) d’une évaluation pratique après la formation. Nous avons com­ la formation avaient pour but de raffer­ comprenant l’observation des 9 guides paré les compétences pratiques des mir les compétences des bénéficiaires. pendant une collecte de données de guides au moyen de tests portant sur Pour mieux juger de l’efficacité de la base concernant deux groupes habi­ la cohérence des observations effec­ formation, les participants eux-mêmes tués de gorilles des plaines de l’ouest tuées par chacun d’eux lors de la col­ ont été invités à donner leur opinion,

20 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

comme le recommandent les directives résultats de formations pendant une reuse contribution du Zoo de Chester, de la de l’UICN pour la formation du person­ période s’étalant entre 3 et 12 mois FONA (Foundation for Nature Conservation), du Hendrik Muller Fund, de la Foundation of nel des zones de protection (Kopylova après celle-ci, afin de mieux s’assurer Renswoude, et de l’Oxford Brookes University. & Danilina 2011). des résultats à long terme (Kopylova & Les résultats du contrôle de connais­ Danilina 2011). Le PHP souhaite donc Références sances ont confirmé que la formation aussi bien poursuivre l’évaluation des Caro, T. M. et al. (1979): Interobserver reliabi­ lity. Behaviour 69, 303–315 avait permis de renforcer les connais­ formations que diffuser les leçons ap­ Hanes, A. C. (2012): The 7-metre gorilla trac­ sances de 7 des guides interrogés. Ce­ prises en effectuant ces évaluations. king regulation. Gorilla Journal 44, 9–11. pendant, contrairement à nos attentes, Cette étude nous a permis d’at­ Homsy, J. (1999): Ape tourism and diseases; how close should we get? A Criti­ on a constaté chez 3 guides seulement teindre notre objectif, qui était de créer cal Review of the Rules and Regulations Go­ une amélioration des méthodes de col­ une méthode standardisée d’évalua­ verning Park Management & Tourism for the lecte de données, ce qui pourrait s’ex­ tion de formation des guides au PHP, Wild Mountain Gorilla, Gorilla gorilla beringei. pliquer par le petit nombre d’échantil­ ainsi que d’avoir des résultats de base Rwanda: Report of a Consultancy for the In­ ternational Gorilla Conservation Programme. lons recueillis pour chacun des guides auxquels on pourra comparer les for­ [Online]. Retrieved on April 21nd 2011 from: du fait de la brièveté de la période d’ob­ mations à venir. Nous recommandons http://www.igcp.org/wp-content/themes/igcp/ servation, ainsi que par les différences d’intégrer ce type d’évaluation à tous docs/pdf/homsy_rev.pdf d’expérience entre les observateurs les programmes d’habituation de pri­ Jacobson, S. K. et al. (2006): Conservation Education and Outreach Techniques. Oxford (qui variait entre 6 mois et 10 ans). On mates afin de garantir à long terme University Press, Oxford, UK constate aussi que, si l’on ne tient pas un suivi précis des primates habitués Jacobson, S. K. & Robinson, J. G. (1990): Trai­ compte des valeurs des « cas aber­ ainsi qu’un bien-être durable de ces ning the New Conservationist: Cross-discipli­ nary Education in the 1990s. Environmental rants » (N = 2), il y a aussi bien chez animaux, ce qui permettra des pro­ Conservation 17, 319–327 les guides expérimentés que chez les grammes de conservation durables. Kopylova, S. L. & Danilina, N. R. (eds) (2011): guides novices une augmentation de la Comme le processus d’évalua­ Protected Area Staff Training: Guidelines for cohérence des observations. En réa­ tion est essentiel pour le succès des Planning and Management. IUCN, Gland, Suisse lité, l’obtention de résultats hautement formations, notre but est d’attirer l’at­ Macfie, E. J. & Williamson, E. A. (2010): Best cohérents n’est qu’une condition parmi tention sur le manque criant de don­ Practice Guidelines for Great Ape Tourism. d’autres pour s’assurer de la validité nées relatives à l’évaluation des for­ IUCN/SSC Primate Specialist Group (PSG), Gland, Suisse des recherches (Caro et al. 1979), ce­ mations liées aux programmes d’ha­ Sandbrook, C. & Semple, S. (2006): The rules pendant elle permet de démontrer que bituation des grands singes. Tout en and the reality of mountain gorilla Gorilla be­ la collecte de données par les guides continuant à veiller sur l’avenir de nos ringei beringei tracking: how close do tourists PHP se standardise suite aux forma­ proches parents, les gorilles, nous vou­ get? Oryx 40 (4), 428–433 Stone, R. (1997): What’s your role? Training tions continues. drions continuer à partager les leçons or Organisational Impact. A Guide for Trai­ Des gorilles des plaines de l’ouest apprises lors des évaluations de forma­ ning Officers in Protected Area Management. ont été habitués avec succès dans tion qui se mettent petit à petit en place African Biodiversity Series No. 5, Biodiversity les 2 stations de recherche du PHP, au PHP et dans la communauté s’oc­ Support Programme: Washington D. C., USA [Online]. Retrieved on 3 August 2011 from Bio­ ce qui a contribué à la protection de cupant de conservation. diversity Support Program publications data­ cette espèce aussi bien grâce au tou­ Thirza A. C. Loffeld base: http://www.bsponline.org/publications/ risme qu’aux recherches sur le terrain. L’un des principaux objectifs du PHP Nous souhaitons remercier le Ministère des est d’évaluer régulièrement les compé­ Eaux & Forêts, de la Chasse et de la Pêche Les gorilles de Bambidie tences de son personnel afin de main­ de la République Centrafricaine qui nous a accordé la permission de mener notre étude. tenir un haut niveau de qualité dans la Je voudrais adresser mes remerciements Initié en 2008, le BGP (Bambidie Go­ collecte des données, et de faire res­ sincères aux personnels de Bai Hokou et de rilla Project), vise à préserver une pecter de manière appropriée les lois Mongambe. Ma gratitude va en particulier à population de gorilles des plaines et règlements en usage. L’évaluation Angelique Todd et Anna Feistner pour leur de l’ouest évoluant au sein d’une soutien et leur remarquable contribution. Je de 2011 a eu lieu entre 1 et 4 semaines souhaite adresser une mention spéciale à Te- concession forestière localisée dans après la formation, selon la disponibi­ rence Fuh et à l’ensemble des guides. Leur l’est du Gabon entre les villages de lité des guides due à leurs emplois du aide a été primordiale pour la réalisation de Lastourville et Okondja, et exploitée temps respectifs. Il faut cependant no­ cette étude. Merci aussi à Vincent Nijmann et à Susan Cheyne de l’Oxford Brookes Uni- par la Compagnie Equatoriale des ter que des recommandations récentes versity pour avoir supervisé mes recherches. Bois (CEB), l’un des leaders du sec­ préconisent maintenant d’évaluer les Je souhaite mentionner également la géné- teur forestier au Gabon.

21 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

légèreté et sa facilité à être transfor­ mé). Le camp principal de Bambidie centralise les activités d’exploitation (coupe) et de transformation (scierie et séchoirs). Il emploie 450 travail­ leurs et concentre sur son site en­ viron 2000 personnes (forestiers et leurs familles). En 2007, la compagnie suisse « Precious Wood » est devenue l’ac­ tionnaire principal de la CEB. En 2008, la concession a obtenu l’éco- certification FSC Forest( Stewardship Council) qui garantit une exploitation durable des ressources forestières, celle-ci s’effectuant selon des règles environnementales, sociales et éco­ nomiques très strictes. Ce système permet à la forêt de se régénérer grâce à une rotation régulière des Bâche expliquant l’attitude à adopter en cas de rencontre avec des parcelles où sont opérées les coupes gorilles en forêt Photo: M. Hurdebourcq (sélectives) et oblige l’exploitant à mettre en œuvre des actions en fa­ La zone abrite une faune sauvage La concession veur du développement des commu­ diversifiée et abondante (composée Elle s’étend sur 600 000 ha et pro­ nautés locales et de la préservation notamment de grands mammifères duit annuellement environ 220 000 de l’environnement. La CEB favorise tels que les gorilles, les éléphants m3 de bois rond (principalement de notamment l’apport en eau potable de forêt et les chimpanzés), mais l’Okoumé, un arbre réputé pour sa et en électricité, la création de dis­ victime de pressions classiques en Afrique et désormais bien connues : destruction et fragmentation de l’ha­ bitat, braconnage pour la viande de brousse et le commerce illégal des espèces. Afin de sécuriser à long terme les gorilles évoluant dans la concession, le BGP s’est fixé plusieurs objectifs, en accord avec la CEB :

– identifier les sites d’évolution et de nourrissage favoris des gorilles et les préserver de toute activité fo­ restière, – éduquer les communautés locales afin de diminuer le braconnage, – initier une activité d’écotourisme susceptible de générer un revenu alternatif pour les populations et les incitant à préserver leur envi­ ronnement. Programme de sensibilisation dans une école de la CEB Photo: M. Hurdebourcq

22 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

pensaires et d’écoles, la lutte contre jol de l’Université de Barcelone. Au­ Protection de l’habitat : Les in­ la pollution, la création d’une pépi­ jourd’hui, beaucoup de populations cursions successives en forêt ont nière pour la reforestation, la préser­ de grands singes vivent en dehors permis l’identification d’un site de vation des zones riveraines, la sensi­ des parcs nationaux et des réserves. nourrissage majeur pour les gorilles bilisation des populations aux « bons Evaluer leur capacité à s’accommo­ de la concession. Il s’agit d’un bai de gestes » quotidiens permettant de der des contraintes liées à l’exploi­ 16 ha, particulièrement apprécié et protéger la nature ... Pour préser­ tation forestière permet de dévelop­ régulièrement fréquenté par les ani­ ver la faune sauvage, la concession per des plans de conservation adap­ maux qui viennent y consommer des contrôle les voies d’accès en forêt, tés à cette situation particulière et de plantes aquatiques riches en sels mi­ interdit la chasse commerciale et la déterminer si la préservation de la néraux. Suite à cette identification, chasse des espèces protégées. Elle faune sauvage est compatible avec la CEB a décidé d’entourer la saline approvisionne également les popula­ une exploitation forestière raisonnée d’une zone tampon de 96 ha qui ne tions en protéines animales pour limi­ et durable. sera pas exploitée, préservant ainsi ter les activités de braconnage. un site d’alimentation et d’échange Pourtant, même si l’attribution du Les principales réalisations entre social indispensable aux gorilles. label FSC et l’application par la CEB 2008 et 2011 Education : Plus de 2000 enfants d’un « Système de Gestion Environ­ Le responsable du programme, Max ont été sensibilisés à la cause des nementale » rigoureux traduisent Hurdebourcq, a mené une dizaine de gorilles, lors de différentes présen­ de bonnes pratiques d’exploitation missions d’une durée de 3 à 4 mois tations organisées dans les écoles forestière et un souci de préserver chacune au sein de la concession, de la concession. Le programme a l’écosystème global, les gorilles sont en saison sèche et en saison des d’abord utilisé la malle pédagogique confrontés à plusieurs difficultés : pluies. Il a pu observer de nombreux Grands Singes élaborée par Sabrina groupes de gorilles et organiser des Krief et le Muséum National d’Histoire – malgré les efforts de la CEB pour campagnes de sensibilisation régu­ Naturelle de Paris, avant d’acheter un surveiller les pistes d’accès à la lières auprès des travailleurs et des groupe électrogène et un vidéo pro­ forêt afin d’empêcher l’extraction écoliers. CENTRALjecteur qui AFRICAN ont permis la diffusion de illégale de bois et la chasse d’es­ REPUBLICfilms et de photographies montrant pèces protégées, des camps de à la fois des gorilles sauvages évo­ CAMEROON braconniers sont régulièrement luant dans la concession mais aussi trouvés en forêt; des gorilles vivant au Zoo de La Pal­ – les travailleurs de la concession myre en France. Dans les villages craignent les gorilles et ne savent de la concession, le gorille est per­ pas comment réagir lorsque sur­ EQUATORIAL çu comme une source de protéines vient une rencontre impromptue GUINEA (sa viande est préférée à celle du en forêt, ce qui peut générer des chimpanzé considéré trop proche de accidents; GABON l’homme) mais aussi comme un ani­ – de nombreux gorilles présentent mal dangereux et féroce. En mon­ des malformations physiques et CEB trant son comportement très similaire des dépigmentations de la peau, Lastourville à celui des humains (notamment les dénotant la présence probable femelles avec leurs bébés) et qu’il d’un problème sanitaire. est possible de l’observer en forêt sans danger, ces séances ont per­ L’intérêt du Bambidie Gorilla Pro­ REPUBLIC mis de lutter contre l’image négative ject OF CONGO du gorille et de faire évoluer les men­ Ses activités se déroulent au cœur talités àDEMOKRA son égard.TIC d’une zone non protégée qui comp­ D’autresREPUBLIC séances OF de sensibilisa­ tabilise de nombreux gorilles, comme tion ontTHE été CONGOorganisées avec les tra­ en témoignent les observations ré­ CABINDA vailleurs de la concession. Un pos­ gulières effectuées en forêt et un ter expliquant l’attitude à adopter en recensement réalisé en 2008 par cas de rencontre avec des gorilles le primatologue Alexandre B. Pu­ Carte du Gabon, concession CEB en forêt a été réalisé par le Zoo de

23 Gorilla Journal 45, décembre 2012 GORILLES

chargé de mettre en œuvre les acti­ Aujourd’hui le BGP bénéficie du vités de sensibilisation. seul soutien de Precious Wood et Le volet socio-économique du du Zoo de La Palmyre. Le dévelop­ BGP doit enfin permettre le déve­ pement de ces différentes actions loppement de l’écotourisme comme requiert de trouver de nouveaux source de revenu alternative pour les contributeurs prêts à s’engager fi­ populations. Le bai situé au cœur de nancièrement aux côtés des parte­ la zone de protection intégrale consti­ naires fondateurs ou souhaitant par tue un excellent site d’implantation exemple participer à la création des pour une plateforme d’observation outils pédagogiques. Protéger les pouvant accueillir les touristes. Le re­ gorilles dans une forêt exploitée re­ crutement de pisteurs chargés d’en­ présente un vrai challenge et une cadrer les visiteurs est également in­ belle aventure. dispensable. Florence Perroux

Dépigmentation de la face chez un dos argenté Photo: M. Hurdebourcq

La Palmyre et 8 exemplaires ont été affichés dans les écoles et les lieux fréquentés par les travailleurs de Bambidie.

Quelles perspectives d’avenir pour le BGP? Aujourd’hui le programme est à un carrefour : des actions à long terme doivent être développées pour ga­ gner en efficacité et assurer la du­ rabilité du projet. La création d’une structure locale de type fondation im­ pliquant l’ensemble des acteurs du BGP (autorités et communautés lo­ cales, concession forestière, coor­ dinateur, sponsors ...) semble in­ dispensable pour fournir un cadre au programme et l’aider à lever les fonds nécessaires à la conservation des gorilles. Des études scientifiques (étude sanitaire et recensement des pathologies, rôle des gorilles dans la régénération de la forêt, impact de l’exploitation forestière sur les pri­ mates ...) doivent être menées. Il est également nécessaire de créer de nouveaux outils pédago­ giques et de recruter un éducateur Femelle et son jeune dans le bai Photo: M. Hurdebourcq

24 Gorilla Journal 45, décembre 2012