Troisième partie

Les années de la victoire: 1918 et 1919 Annexes

Année 1918

Début Août, l'espoir change de camp !

Hector BONNAFOUX , de maladie, en Octobre à PARIS

Félix BONNET, de maladie, en Août, à BAYONNE

Léon CHAILLAN, de maladie, en Septembre, à SAINT-MANDRIER

Denis GOS, tombé début Août devant ROSNAY (Marne)

Pierre PUGET, de maladie, en Février, à PARIS

Augustin SABATIER, tombé en Octobre devant MARVAUX (Ardennes)

Charles SALVAN, tombé en Mai devant MISSY-aux-Bois (Aisne)

1918, en Août, l’espoir change de camp !

uand commence l'année 1918, tous, pays de l'Entente et Empires Centraux, savent que l'entrée en guerre des États-Unis d'Amérique a profondément modifié à terme la balance des forces en faveur de l'Entente. Mais ils savent aussi que, dans l'immé- Q diat et pour quatre à six mois au moins, les Empires Centraux peuvent capitaliser sur leurs succès de 1917, défaite italienne de Caporetto et surtout effondrement du front de l'Est suite à la révolution russe d'Octobre et la paix roumaine. Les états-majors de l'Entente at- tendent donc avec la plus grande inquiétude de savoir où et quand les Empires Centraux vont exploiter leur supériorité temporaire.

Le 21 Mars, une première offensive allemande frappe le front anglais devant AMIENS et en- traîne une avancée de 60 km (90 000 prisonniers) ; le 9 Avril, une deuxième offensive est lan- cée contre les Anglais en Belgique : Elle obtient des résultats limités (prise du mont Kemmel) mais ne réussit pas la percée vers les ports de la Manche. Le 27 Mai, une troisième offensive bouscule nos forces sur le Chemin des Dames et ramène les Allemands sur la Marne (une avancée de 60 km, 50 000 prisonniers) ! Le 15 Juillet, une quatrième offensive allemande est lancée en Champagne mais celle-ci, suite à la contre-attaque du Général MANGIN à partir de la forêt de VILLERS-COTTERETS le 18 Juillet, doit être arrêtée rapidement: La situation des troupes allemandes sur la Marne est si aventurée que leur repli s'impose en urgence sur les positions de départ du .. 27 Mai !

Début Août, l'espoir d'une victoire militaire disparaît pour les Empires Centraux car 19 divisions américaines sont maintenant prêtes à être engagées et les renforts arrivent au rythme de 250 000 hommes par mois ! Le 8 Août, « jour de deuil pour l'armée allemande » selon les mots même du Général LUDDENDORF, une première contre-offensive franco-anglaise devant Amiens annule rapidement toutes les avancées allemandes du Printemps en Picardie. Le 15 Septembre, c'est le début de l'offensive générale lancée simultanément par les Américains contre le saillant de SAINT-MIHIEL, par des forces franco-américaines en Argonne vers Mé- zières et au Nord de l'Oise entre Cambrai et Saint-Quentin vers Valenciennes, britanniques en Flandres vers Bruges mais aussi dans les Balkans (la vallée du Vardar) contre la Bulgarie et en Palestine contre les Turcs ! Partout les Empires Centraux s'effondrent et vont demander rapidement un armistice, de Moudros pour les Turcs fin Octobre, de Villa Giusti début No- vembre pour l'Autriche-Hongrie, de Rethondes enfin pour l'Allemagne.

Le 11 Novembre , la guerre est finie mais six de nos concitoyens sont encore tombés pour arri- ver à ce résultat :  Hector BONNAFOUX, de maladie en Octobre, à Paris ;  Félix BONNET, de maladie en Août à Bayonne;  Léon CHAILLAN, lui aussi de maladie, en Septembre, à Saint-Mandrier;  Denis GOS, début Août devant ROSNAY (Marne) ; Pierre PUGET, début Février, de maladie, à Paris ;  Augustin SABATIER, en Octobre à MARVAUX (Ardennes);  Charles SALVAN, en Mai, devant Missy-aux-Bois (Aisne).

C'est maintenant l'heure de la libération du territoire occupée, de l'occupation de la rive gauche du Rhin, des festivités et de la démobilisation des classes les plus anciennes. BONNAFOUX Hector

(Tavernes 1892 — Paris 1918)

ils de Jean, Pierre, Fabien et de Anna, Louise, Madeleine TAVERA, Hector, Lucien, Jo- seph BONNAFOUX naît le 27 Janvier 1892 à Tavernes , où son père est percepteur. En 1912, il est recensé dans le canton de GAMACHES () où résident ses parents. F Étudiant en médecine à Paris (déclaré « dentiste »sur sa fiche matricule), il rejoint la 2e Section d'Infirmiers Militaires à AMIENS le 8 Août 1913 pour effectuer sa formation initiale. Il est nommé Caporal le 2 Mai 1914. C'est donc en soldat qualifié qu'il participe à la mise sur pied de son unité d'affectation « guerre » au début Août, le Groupe de Brancardiers Division- naires de la 52e Division d'Infanterie ( GBD52).

Le GBD52 est une unité sanitaire importante en volume (3 officiers dont le Médecin-Major, son Chef, 4 médecins auxiliaires, 138 infirmiers militaires dont 6 sous-officiers du Service de Santé, un détachement du Train hippomobile à 150 conducteurs). Elle l'est aussi en responsabilité car il lui incombe d'assurer, en liaison avec les régiments, la relève des blessés sur le terrain et leur portage (cas général) vers le(s) Poste(s) de Secours où ils recevront les premiers soins, puis leur transport (le plus souvent par moyen hippomobile) jusqu'à une Ambulance division- naire. Celle-ci, autre unité sanitaire de la Division, plus légère (5 médecins, 60 hommes de troupe), située à environ 10 km en arrière, est chargée de leur mise en condition d'évacuation vers les Hôpitaux de l'arrière.

Le 13 Août, mobilisation terminée, le GBD52 est en gare de LAON. Le lendemain, la halte à HAN-le-Moine est mise à profit pour une séance d'instruction certainement bien nécessaire, comme le note le Journal des Marches et Opérations (JMO) du GBD52 : « instruction intensive des brancardiers (brancards, cacolets, brouette roulante ) ». La suite, c'est d'abord le baptême du feu le 28 à HANNOGNE Saint Martin (08160): « canonnade. Évacuation précipitée du can- tonnement vers SAINT AIGNAN. Nombreux blessés. Retour ultérieur pour les ramasser dans une accalmie » (JMO). C'est ensuite la retraite, longue et pénible sous la chaleur d'Août 1914, confuse pour une unité logistique comme le GBD, avec son lot d'ordres et de contre-ordres en matière de cantonnements, d'embouteillages d'itinéraires mais aussi d'informations sur l'enne- mi, enfin amère car le GBD52 est dans la pire des situations pour exécuter sa mission sani- taire : Chaque jour ou presque, quelle que soit l'issue des combats locaux, il faut abandonner à l'ennemi le terrain et ...donc les blessés ! Emblématique est la situation rencontrée le 30/8 à JUNIVILLE par le Commandant du GBD52 : en l'absence « d'ambulance déployée, (il fait) ins- taller la cinquantaine de blessés recueillis sur les routes à la maison d'école et annexes » ; Le général commandant le XIe CA le fait appeler et « lui confie 2 à 300 blessés de tous les Corps ...Fort probablement vous serez fait prisonniers. Personnellement je vous demande de me dégager la route de REIMS » ; Enfin il est arrêté par le Chef d’État-major du 9e Corps d'Ar- mée qui « lui signale la présence de la cavalerie allemande à 2 km et lui donne ordre de battre en retraite le plus vite possible vers REIMS » ! Le 2/9, le GBD52 marche encore « en direction du Fort de La POMPELLE, où l'on suppose être la 52eDI ».

C'est sur la Marne, dans les marais de Saint Gond, que le Caporal Hector BONNAFOUX va con- naître ses premières vraies missions sanitaires, d’abord les 8 et 9 où il faut relever les blessés de La FERE CHAMPENOISE et de LINTHES, puis surtout les 11, 12 et 13 où le GDB52 doit, en liaison avec l'Intendance (état-civil) et le Génie (creusement des tranchées d'enfouissement) ramasser les corps des soldats tombés devant CONNANTRAY (51230).

Le 18/9/1914, le GBD52 rejoint REIMS. C'est le début d'un long séjour qui, à partir d'un dé- ploiement en deux sections, initialement « l'une au Sud de la Place Dieu Lumière, l'autre Place de Bétheny », puis dans les caves MUMM et malgré l'omniprésence d'une artillerie allemande prodigue en obus explosifs ou incendiaires, verra petit à petit le GBD52 mettre en place une organisation sanitaire plus sereine. Le caporal H.BONNAFOUX et ses camarades vont ainsi as- sister le 19 à l'incendie de la Cathédrale et à l'évacuation difficile des blessés allemands qui y avaient été déposés, tant était grande ce jour-là l'hostilité de la foule, pouvoir le 1er Octobre (en profitant) pour la 1ère fois d un peu de calme, faire une lessive complète des brancards souillés de sang » ou soutenir, courant Octobre, les combats de la Division dans le secteur de CERNAY-lès-Reims et La Neuvillette. Le 18/8, lors d'une attaque des positions allemandes des Cavaliers de COURCY par le 245e RI, le Caporal Hector BONNAFOUS se met en évidence, en pansant et en ramenant sous le feu en- nemi, un chef de Bataillon blessé, ce qui lui vaut une citation à l'ordre de la 52eDI: « Malgré un feu très vif qui venait d'infliger de très lourdes pertes à une compagnie du 245e RI, a don- né un bel exemple d'énergie et de courage en dirigeant sous le feu même avec les infirmiers du 245e RI le relèvement et l'évacuation des blessés ». Les activités opérationnelles ralentissant avec la mauvaise saison, le GBD52 pourra ainsi, dès le 26/11, mettre en place un service régulier de voitures (hippomobiles) entre les PS régimen- taires et les ambulances divisionnaires, ouvrir dans la villa Houlon le 20 /2/1915 un cabinet dentaire où sera affecté le Caporal H.BONNAFOUX, percevoir le 24 Mars ses deux premières voitures automobiles « l'une pour blessés assis, l'autre pour blessés couchés », mettre l'accent tout au long de l'année sur les vaccinations anti-typhoïde, l'hygiène générale des cantonne- ments et surtout la lutte contre les gaz (expérimentation des pulvérisateurs VILMOREL, essais des masques et des lunettes, distribution de tampons et de solutions de 1er soins, etc. . ). Si le cabinet dentaire ferme en Novembre 1915, c'est parce que la 52e DI quitte REIMS pour le Camp de MAILLY-en-Champagne. A son retour sur Reims au Printemps 1916, le Caporal H. BONNAFOUX voit quant à lui ses compétences reconnues par le Directeur du Service de Santé du 38e CA en étant nommé au grade de« Dentiste militaire » (= grade d'Adjudant ) le 23 mars 1916 et officiera dès lors dans un local obtenu et équipé sur réquisition au 23, rue de Courlan- cy. Le cabinet doit donner satisfaction car il est renforcé le « 10 Mai, par 1 caporal et 1 homme comme mécaniciens dentistes ». Le séjour touche cependant maintenant à sa fin car le 1er Juin 1916, la 52eDI et son GBD embarquent à OIRY, direction REVIGNY et VERDUN. La tâche est immense. Le 6 Juin, le GBD52 occupe le fort de SOUVILLE et prend en charge la relève des blessés dans le secteur de VAUX. Agissant en tandem avec le GBD de la 6e DI et « renforcé de 100 à 200 territoriaux pour alléger la charge des brancardiers porteurs, il assure le transport des blessés entre les Postes de Secours (PS) de la Redoute, des Carrières, de la Poudrière et des deux PS installés au fort de SOUVILLE (vers) le PS de la Citerne de Souville, où aboutissent les voitures automobiles de la SSA18 (Section Sanitaire Automobile), chargée de leur évacuation vers les hôpitaux de l'Arrière, .. tout le transport ne peut être effectué qu'à dos d'homme et de nuit ». Le Dentiste militaire H.BONNAFOUX va connaître cet enfer pendant trois semaines. Le 8 juin, les bombardements allemands mêlant obus explosifs et toxiques sont si intenses qu'ils interdi- sent presque les évacuations, qu'ils détruisent le PS n°1 du fort de Souville et rendent irrespi- rable l'atmosphère du PS de la Citerne ; le 9, il faut prendre le risque de faire des relèves de blessés de jour tant les pertes annoncées sont importantes. Le même jour, directement mena- cé par la chute du fort de VAUX, le fort de Souville doit être évacué par les unités sanitaires. En quittant le fort, le Médecin-Chef du GBD52 évoque « une sensation de soulagement infini » et en décrit ainsi les abords : « un amalgame sur plusieurs mètres de matières triturées, où tout se mélange, cadavres, voitures, vivres, matériaux de constructions, fils de fer, vêtements, équipements », avant d'ajouter : « entrés à 6 officiers du service de Santé des Armées, nous en sortons à 2 ». On peut raisonnablement penser que, sous l'effet de la fatigue et de la ten- sion, notre compatriote H.BONNAFOUX devait aussi partager ces sentiments, tout comme ses plaintes ultérieures contre le cantonnement de la Caserne Marceau à Verdun (« nous ne lo- geons que dans des ruines »), contre les Territoriaux qui sont souvent en nombre insuffisant, contre le Commandement qui devant l'urgence de la situation prolonge le séjour du GBD52 (« nous avons fait ici un séjour double de tous les GBD passés avant nous »), contre la SSA18 qui le 24 Juin « nous lâche, car entre 18 heures et 2 heures, trois de ses voitures seulement apparaissent...Des blessés sont étalés le long de la route, attendant vainement l'heure bénie de leur chargement ». La relève arrive enfin le 29 Juin, précédée de l'ordre du jour du général commandant la 130e DI: « .. Soyez mon interprète, .. auprès des gradés et brancardiers de votre Groupe qui... ont montré dans l'accomplissement de leur tâche, un zèle, un dévouement et une abnégation dignes d'éloges....ls ont en outre fait preuve d'un courage et d'un sang froid admirables lors des attaques allemandes des jours derniers en assurant, avec calme, le transport des blessés au milieu des tirs de barrage intenses et malgré des nappes de gaz asphyxiants gênant consi- dérablement leur marche. C'est un réconfort pour les blessés et une garantie pour les combat- tants que de pouvoir compter sur des secours rapides apportés par des camarades aussi em- pressés ».

Le 8 Juillet, la 52e DI assure la relève de la 66e DI dans les Vosges. Le secteur, au Sud-Est de KRÜTH (68820), dans la vallée de la THUR, est plutôt calme et les cantonnements de qualité (« des baraques en planches, .. Tout est largement prévu et aménagé »). Le Dentiste H.BONNAFOUX va dès-lors pouvoir reprendre son activité dans le cabinet dentaire ouvert par ses prédécesseurs du GBD66 à WILLER-sur-THUR, participer au fonctionnement d'un deu- xième à WESSERLING (début Août) et même se déplacer (le 5/9) à BITSCHWILLER-lès-Thann pour « examiner des malades susceptibles de recevoir des appareils dentaires ». Relevé début Janvier 1917 et envoyé au camp du VALDAHON (Jura) pour une phase d'ins- truction, la 52eDI et son GBD retourne fin Janvier sur les mêmes lieux. Le secteur a été éten- du à la vallée de la FECHT (METZERAL) et couvre maintenant aussi bien l'HILSENFIRST au Nord que le Grand Ballon d'Alsace et l'HARTMANNSWILLERKOPF à l'Est ou les débouchés de la vallée de la Thur, au Sud, ce qui oblige le GBD à renforcer en cet hiver 1917 son déploiement de postes relais et de postes de réconfort (où blessés et brancardiers peuvent trouver un peu de chaleur et de nourriture). : On ne sait pourquoi, souci du Commandement de renforcer les moyens Santé d'un régiment de 1ere ligne avec un cadre de qualité ou réponse à l'expression d'une certaine lassitude, le 11 Juin 1917, le Dentiste militaire H. BONNAFOUX, qui avait repris son activité au cabinet de WILLER, est muté au .. 348e RI , Corps de la 52e DI !.

A part un court séjour opérationnel dans la région de BELFORT (secteur de SEPPOIS), l'été 1917 de la 52e DI sera surtout consacré à l'instruction avant de retourner à la mi-Septembre à Verdun, prendre la responsabilité du secteur des Chambrettes (Bois des Fosses-Bois de Chaume, en avant de DOUAU- MONT). Les 24 et 25 Septembre, les Alle- mands lancent une violente at- taque accompagnée de nombreux obus asphyxiants qui est repous- sée par la belle conduite du 348e RI (« on nous avait annoncé une division de travailleurs, ils nous ont contre-attaqué comme des tigres » selon les mots d'un lieu- tenant allemand fait prisonnier). A partir de son PSR (Poste de Secours Régimentaire) de LA CHARNIERE (~côte 336), Hector BONNAFOUX, de son coté, s'est employé avec ses brancardiers à relever ses camarades blessés ou intoxiqués, à les regrouper et leurs donner les premiers soins avant de les confier aux bons soins de ses anciens camarades Dispositif Santé de la 52e DI devant du GBD52 qui les ont évacués Verdun à l’Automne 1917 vers l'Arrière. Atteint lui aussi, il est évacué, comme 780 autres soldats, le 25 Septembre pour « conjonctivite par gaz ». Hector BONNAFOUX ne rejoint son régiment que le 20 Novembre 1917 devant SAINT-MIHIEL (55300) et reprend sa place au PSR 348 dans les différents sous-secteurs de défense que ce régiment va tenir au Nord de Saint-Mihiel, le plus souvent sur la rive Est de la Meuse, comme à AMBLY/Meuse, LACROIX/Meuse, ROUVROIS/Meuse ou RANZIERES.

Le 348e RI étant dissous le 12 Mai 1918, il est muté « pour administration » à la 14eme Sec- tion d'Infirmiers Militaires et « pour emploi » au 7eme Régiment d'Infanterie Coloniale qu'il re- joint devant ... REIMS ! Initialement secteur plutôt calme, la situation devient rapidement cri- tique en ce Printemps 1918 après la percée allemande du 29 Mai sur le Chemin des Dames, Reims devenant une menace directe sur la progression allemande vers la Marne (Fère-en- Tardenois, Château-Thierry). En dépit de la violence des attaques allemandes, souvent accom- pagnées d'obus toxiques, les « Marsouins » vont se cramponner à leurs positions et ne céde- ront que peu de terrain.

Le Dentiste militaire H.BONNAFOUX va quant à lui arpenter entre fin Mai et début Septembre tous les lieux de combat du 7e RIC, tant à l'Ouest (passages de la Vesle/Moulin Compensé/ Gueux les 31 et 1er Juin) qu'au Sud-Est (secteur du Fort de la Pompelle/ Sillery fin Juillet- début Août) pour ramasser ses camarades blessés: le 11 Août, le PSR du 7e RIC évacuera plus de 300 soldats, français du 7e RIC et sénégalais du 61e Bataillon de Tirailleurs Sénégalais, in- toxiqués par des vésicants type Ypérite !

En Septembre, en permission à Paris, il tombe malade le 19 et est évacué sur l'Hôpital Tempo- raire du Panthéon (5e arr.) où il décède le 11 Octobre 1918 d'une « grippe à forme as- phyxique ».

Par décision en date du 22 Octobre 1914, le Général de PELACOT, Commandant la 52e divi- sion de Réserve cite à l’ordre de la division le Caporal Hector BONNAFOUX du 52e Groupe de Brancardiers Divisionnaires: « Malgré un feu très vif qui venait d’infliger de très grandes pertes à une compagnie du 245e (RI), a donné un bel exemple de courage et d’énergie en diri- geant, sous le feu même, avec les infirmiers du 245e, le relèvement et l’évacuation des bles- sés ». Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre 1914-1918 avec étoile d’ar- gent. BONNET Félix

(Tavernes 1881— Bayonne 1918)

ils de Pascal Célestin BONNET et de Marie Louise Joséphine Philomène PHILIBERT, Marius Félix Roger Léon BONNET naît à Tavernes le 14 janvier 1881. Cultivateur comme son père, il est appelé au titre de la classe 1901 à faire son service militaire au F 9e Régiment de Hussards (9e RH) en garnison à MARSEILLE. Incorporé le 16 No- vembre 1902, Hussard de 1ère classe le 2 novembre 1904, il est renvoyé dans ses foyers le 23 Septembre 1905. Après deux période de réserve, la première au 9e RH du 21 Avril au 13 Mai 1909, la deuxième au 111e Régiment d'Infanterie (ANTIBES) du 4 au 20 Novembre 1911, il est finalement affecté, dans la Réserve, au 363e Régiment d'Infanterie à NICE, comme quatre autres tavernais, Léon BLANC, Maximilien DAUPHIN, Augustin SABATIER et Gon- zague ARNAUD. Rappelé à l'activité par l'ordre de mobilisation générale du 2 Août, il rejoint son corps dès le 3 Août 1914 : Le 363e RI, régiment de réserve dérivé du 163 °Régiment d'Infanterie, est en me- sure dès le 8 Août de relever celui-ci dans ses forteresses sur la frontière franco-italienne, puis de commencer une intense période d'entraînement opérationnel dans l'arrière-pays niçois. Bien lui en prend car le 14 Septembre, c'est un beau régiment de 2 bataillons, chacun à 4 com- pagnies, soit 43 officiers et 2080 sous-officiers et soldats, qui quitte Nice en train pour SAINT- DIE, dans les Vosges pour participer au sein du Groupement des Vosges, à l'action de la 152° Brigade / 41° Division dans la vallée du RABODEAU, affluent de la Meurthe. Affecté au 5° bataillon/19 Compagnie, le soldat Marius Félix BONNET va connaître le baptême du feu le 24 septembre 1914 au Sud du Rabodeau , à la cote 631, devant LA FONTENELLE, sur la croupe au Nord-Ouest de LAUNOIS (5 km S-E SENONES 88210) : « Après un violent bom- bardement exécuté par plusieurs batteries allemandes (77 et 105 mm) entre 11.30 et 16.30 », la 19 Compagnie est attaquée dans l'après-midi par des reconnaissances allemandes « qui se sont avancées en différents endroits jusqu'à 20 m ». C'est le début d'une lutte particulièrement longue et difficile, contre un adversaire tout aussi déterminé que nous, qui a su se doter d'une rigoureuse organisation défensive, blockhaus, tranchées soigneusement et abondamment pro- tégées par des barbelés, mais surtout qui bénéficie, au Nord du Rabodeau, quasiment toujours d'une situation dominante, ce qui lui donne donc des vues sur nos activités et de grandes faci- lités pour régler ses tirs d'artillerie.

Les trois premiers mois seront particulièrement difficiles : Dé- ployé sur la face Sud de la crête de SENONES dès le début Oc- tobre 1914 (ferme Margotte , des Fossés ou hameau de Lamdebe- hay et dans les vallées au Nord (foret de Senones), le 5e Batail- lon du 363 °RI pourra s'avancer sur la crête jusqu'au blockhaus 300 m à l'Est de la cote 641, conquérir la cote 673 sur la Roche de Vaccon, demander le 31 Octobre à la 17° compagnie de s'enfoncer le plus possible vers l'Est, en remontant vers la source du ruisseau de Malfosse ou à la 19e Compagnie de forcer le passage de la ligne de crête sous la Croix du Pelé, jamais le 363°RI n'arrivera à forcer le pas- sage des 4-Bancs ou à s'emparer de la cote 675 (Roche Mère Henry) qui domine SENONES.

C'est à juste titre que l'Historique du 363°RI parle, pour cette période, « d'école d'endurance, d'énergie et d'esprit de sacrifice » : 8 officiers et 300 soldats sont tombés pour en témoigner, dont notre compatriote Célestin BLANC sur la cote 641 le 26 Novembre 1914. L'année 1915 ne connaîtra pas une activité opérationnelle aussi intense : chacun des belligé- rants semble avoir compris que le terrain et son organisation ne permettent pas d'espérer un succès décisif. En témoignent le ton des comptes-rendus du journal des marches et opérations du 363°RI. Le plus souvent, comme ici le 6 Juillet, le rédacteur note : « Journée calme. Dans la nuit du 5 au 6, les Allemands ont tiré de nombreux coups de fusils et lancé des bombes sur nos travailleurs qui posaient des chevaux de frise en avant des tranchées de la cote 641 ».Parfois même, comme le 28 Août, la seule annotation est : « à 18.00, par ordre du Commandant de la 7° Armée, manifestation sur tout le front à l'occasion de la défaite navale allemande devant RIGA (Lettonie). A la cote 351, la manifestation est appuyée d'un bombarde- ment auquel ripostent les Allemands. Aucune perte». En fait, petit à petit, la ligne de front va se figer de façon quasi définitive, les seules activités étant les changements de sous-secteur, au Nord ou au Sud du Rabodeau, quelques tirs ou bombardements sporadiques sur les pre- mières lignes, des patrouilles pour chercher le renseignement et l’aménagement de positions défensives ou la construction d'abris. Relevé à la mi-Décembre, le 363°RI se voit accorder une période de repos à ARNOULD et GERBERAL.

Le 13 Janvier 1916, le 363e RI est désigné pour prendre en charge un autre secteur quelques kilomètres plus au Nord, celui du Col de la Chapelotte. Formant un saillant entre la vallée de la Plaine qui descend du col du Donon et le ravin d'ALLENCOMBE au Nord, la position est parti- culièrement difficile, encore plus qu'à SENONES : En fait, c'est un cirque de hauteurs (Hauts de Faîte cote 521, Hauts des Roches cotes 575-578), où l'ennemi tient les hauts, avec ses tran- chées et ses observatoires tandis que le 363e RI, en contrebas, sur les pentes, est en perma- nence soumis à ses vues et aux feux de ses mortiers (« minenwerfers ») ou de son artillerie lourde ! Le 5°Bataillon a hérité initialement de la partie gauche, au Nord-Ouest, du dispositif régimentaire, en particulier du sous-secteur Schirrer (sous la cote 521 Haut de Faîte), le plus difficile (« très rapproché des lignes allemandes, .. propice à la guerre des mines, .. toutes les 1°lignes sont soumises aux balles rasantes des mitrailleuses ennemies,.., position excessive- ment dangereuse en raison de l'avancée en éperon de cette position dont les abords ont été bouleversés et sont bordés de nombreux entonnoirs allant jusqu'aux lignes ennemies »). Tout l'hiver se passera donc au rythme de nos travaux de construction ou de reconstruction d'abris, de tranchées, de cheminements, etc.., des tirs allemands quasiment journaliers pour les dé- truire, parfois de canonnades de plus grande ampleur comme le 21 Février, .. bien évidemment avec des pertes, certes légères chaque jour mais conséquentes sur la durée.

C'est l'explosion d'une mine allemande la veille, sous notre 1°ligne du s/secteur Schirrer qui va lancer l'attaque allemande du 25 Avril : Dès 08.00, tout le secteur du 363°RI est soumis à un intense bombardement (70 canons, 40 minenwerfers, 40 000 obus !) qui écrase en particulier la 1°ligne du 6° ba- taillon en charge de ce s/secteur ce jour- là, qui enterre beau- coup d'hommes dans les abris et permet aux troupes d'assaut allemandes d'envahir à partir de 17.30 nos premières tranchées. La réaction rapide de nos réserves, la pré- cision et la puissance de notre artillerie qui barre l'accès à nos tranchées et surtout la propre réaction du 6°Bataillon qui contre-attaque avec la plus grande détermination arrêtent l'attaque allemande avant la nuit. Au petit matin, le 363°RI aura récupéré et réorganisé l'inté- gralité de son dispositif. Relevé par le 133°RI dans la nuit du 30 Avril au 1°Mai, le 363°RI aura vu tomber dans ce sec- teur de la Chapelotte 3 officiers et 313 sous-officiers et soldats dont 3 officiers et 159 hommes le seul 25 Avril. Au repos autour de RAON l'étape (Saint-Blaise), il participe aux travaux de construction d'une 2°ligne de défense dans le massif du REPY, sur la rive gauche de la Meurthe, avant d'être en- voyé au camp de SAFFAIS (16 Juin) pour se reconstituer (création d'un troisième bataillon, le 7°à partir d'un bataillon du 373° RI dissous) et s'entraîner en vue d'un engagement ultérieur sur .. la SOMME. Réserve du 7°Corps d'armée à Bray-sur-Somme (80340) jusqu'au 1° août, le 363° RI relève le 133°RI sur ses positions devant le Bois de HEM (8-10km N-E BRAY) : l'objectif immédiat du 363e RI est d'aménager ses positions de départ sur la croupe de la Malacquette (Nord HEM- MONACU), quasiment à hauteur de la D146 pour, attaquant ensuite vers l'Est, entre la cote 63 et le Bois de HEM, conquérir la 1ère ligne alle- mande qui s'appuie sur une voie fer- rée (« le tortillard ») FEUILLERES- MAUREPAS, aujourd'hui en cet en- droit … la ligne TGV ! De ses posi- tions dominantes au Nord et à l'Est, l'artillerie allemande tente de pertur- ber nos travaux : Le 5 Août, « grande activité d'artillerie de part et d'autre, rendant très pénible pour nos travail- leurs l'aménagement et la réfection des boyaux. Aucune action d'infante- rie. Pertes: 34 hommes dont 8 tués » ; Le 6 Août, « L'artillerie alle- mande a bombardé avec une très grande intensité nos positions de 1ère et 2e ligne et a causé d'impor- tants dégâts à nos boyaux de com- munication. Pas d'action d'infante- rie...Pertes : 69 blessés » dont 14 à la 19e Compagnie ! Le soldat Félix BONNET est du nombre « Commotion cérébrale par suite d'ensevelissement. Contusions multiples » . Relevé et immédiatement brancardé ou porté (peut-être par son ca- marade tavernais, le musicien-brancardier Maximilien DAUPHIN ?) vers le Poste de Secours Régimentaire (PSR), il est ensuite évacué vers les hôpitaux de l'Arrière.

1917 – 1918

On ne sait pas grand chose aujourd'hui sur le parcours du soldat Félix BONNET dans ces for- mations sanitaires, qu'elles soient de campagne ou d'infrastructure, seulement que la commo- tion et les contusions ont dues être sévères car pendant plus d'un an encore il sera en congé de convalescence (dites de « Courte Durée Blessé »). En fait une étude rapide des différentes positions administratives du soldat Marius BONNET montre que : a) après le 6 Août 1916, il n'est plus retourné « aux Armées » c'est-à-dire dans la zone de combats des armées. Sa muta- tion au 252e RI est donc purement administrative ; b) à l'issue de la phase hospitalière, s'est ouverte une longue période de convalescence « à l'Intérieur » (du territoire national, c'est-à- dire en-deçà de la zone des armées). Durant celles-ci, les Armées vont perdre peu à peu es- poir de retrouver un soldat à un moment où elles sont confrontées à une grave crise d'effec- tifs. Elles jouent en fait leur dernière carte le 18 Juin 1917 en le plaçant « en sursis d'appel jusqu'à nouvel ordre au titre des mines salines de BRINDOS (Basses Pyrénées) par décision ministérielle du 18 Juin 1917 »: Mécaniquement un tel emploi devait en effet rendre aux ar- mées un homme, (« planqué » ou blessé maintenant guéri), apte pour sa part à servir dans les Armées !

On peut raisonnablement penser que Félix BONNET a dû être appelé à rejoindre ces mines de sel de BRINDOS. Mais ce travail, s'il explique sa présence dans la région de BAYONNE, a dû être de très courte durée car dès le 14 Novembre 1917, il est « renvoyé dans ses foyers » ce qui signifie que sa santé ne lui permettait pas ou plus de l'assumer.

Très vraisemblablement, comme il ne semble pas qu'il soit retourné dans sa famille à Ta- vernes, à cette date Marius BONNET était déjà à l'hôpital militaire de BAYONNE où il devait dé- céder le 19 Août 1918 . CHAILLAN Léon

(Tavernes 1884— Saint-Mandrier 1918)

ils de Gabriel CHAILLAN et de Marie AMIC, Joseph, Léon, Sylvain CHAILLAN naît à Ta- vernes le 15 Mars 1894. Au moment de la mobilisation, le 2 Août, il réside à Marseille où il exerce la profession de cuisinier. Versé dans la Marine, il est incorporé le 7 Septembre 1914 au 5e Dépôt de la Flotte à TOULON pour y faire sa formation initiale. Six mois plus F 1915 tard, le 27 Février , il est affecté comme « matelot-cuisinier » sur le Contre-torpilleur d'escadre « Commandant LUCAS », superbe bâtiment, tout neuf, encore à l'amarre dans l'Ar- senal de TOULON : Lancé en 1912, ce navire de 78 m et 800 t, équipé de 4 puissantes ma- chines développant 15000 CV lui permettant une vitesse maximum de 30 nœuds et une auto- nomie de 1950 miles à 14 nœuds, embarque 80 hommes et porte 2 canons de 100 mm, 4 de 65 mm et 4 tubes lance-torpilles de 450 mm. Durant tout le Printemps 1915, le matelot Léon CHAILLAN va donc connaître une longue et intense phase de préparation opérationnelle, mar- quée par de nombreuses sorties en mer qui, après des « essais à grande vitesse »(17 Avril), puis « essais à toute vitesse »(7 Mai) ou « lancement de torpilles » (4 Juin), se termine le 28 Juin 1915, jour où le « Commandant LUCAS » appareille pour BIZERTE (Tunisie) et sa pre- mière mission opérationnelle .

Le Commandant LUCAS et notre compatriote vont être très rapidement engagés, au sein de la 6e escadrille de la 1ère flottille de l'armée navale, dans le dispositif naval déployé aux débou- chés Sud de l'Adriatique, dans le détroit d' OTRANTE. L'objectif est simple : Interdire à la flotte autrichienne stationnée dans les bouches de KOTOR (Monténégro) d'en sortir et empêcher les « vapeurs » neutres de briser le blocus pour ravitailler les Empires Centraux. Pendant presque neuf mois, le matelot-cuisinier Léon CHAILLAN va découvrir les différents mouillages autour de LA VALETTE (Malte) puis BRINDISI (Italie), les escales dans ces deux villes pour ravitailler en vivres frais et « mazouter » (plus de 150 t à chaque fois !) ou pour quelques heures bienve- nues de détente, surtout après la tension des longues heures de patrouilles le long des côtes albanaises où règne, sournoise et permanente, la menace des mines et des sous-marins autri- chiens. Après avoir participé au recueil de l'armée serbe battue devant BELGRADE et évacuée fin Novembre 1915 à travers l'Albanie, puis par mer vers CORFOU (Grèce), Il pourra en- tendre le 29 Décembre 1915 la voix des canons du « Commandant LUCAS » ou- vrant le feu sur le croiseur au- trichien « TRIGLAR » ou parti- ciper au repêchage de deux membres de l'équipage du cha- lutier « Jean Bart » torpillé par un sous-marin autrichien le 2 Février 1916 devant DURAZZO ( DURRËS en Albanie).

Rentré sur BIZERTE fin Avril 1916, après près de 9 mois d'opérations, le « Commandant LUCAS » et son équipage vont entreprendre une grande phase de remise en condition au mouillage de SIDI ABDAL- LAH. Pour le matelot-cuisinier Léon CHAILLAN, son embar- quement sur le « Commandant LUCAS » se terminera le 10 Juin 1916. Détaché initialement à la formation en charge de la « Défense fixe de BIZERTE », il retourne à TOULON fin Août 1916 et retrouve pour un temps le 5e Dépôt .

Le 26 Octobre 1916, maintenant « Matelot de 2e classe - Cuisinier », Léon CHAILLAN est dési- gné pour embarquer sur « Le CHAMOIS », aviso de 2e classe (58 hommes ; 400 T ; 50 m ; 600 CV-12,6 nœuds; 2 canons de 65mm) qui opère au sein de la 9e escadrille de patrouilleurs en mer EGEE, à partir de l'île de MILOS et de son excellent mouillage intérieur. Pendant presque 1 an, outre une sortie vers ALGER en Octobre et PORT-SAÏD en Décembre 1916, le CHAMOIS et notre compatriote vont ainsi naviguer de jour et de nuit dans ces îles Cyclades aujourd'hui si prisées des touristes ! C'est une veille active, surtout devant la rade de MILOS, centre névralgique du trafic naval en mer Égée. De jour, il faut « veiller aux mines dérivantes pour les éviter et les canonner », identifier tous les navires marchands rencontrés et les infor- mer des dangers potentiels. De nuit, ce sont de longues heures de navigation, du cap MATA- PAN (pointe Sud-Ouest du Péloponèse au détroit de KAFIREA (pointe Sud-Est EUBEE), tous feux éteints et à allure réduite pour essayer de repérer un sous-marin traversant en surface.

Le 18 Septembre 1917, il est muté sur un navire majeur, le croiseur « La FOUDRE ». Initiale- ment croiseur auxiliaire à son lancement en 1897 (410 hommes; 116 m de long ; 6000 T ; 12000 CV-20 nœuds; 8 canons de 100mm), la FOUDRE a successivement été « croiseur porte- torpilleurs » (8 vedettes lance-torpilles de 380 mm), « navire-atelier » après 1907, « porte- avions d'essai » en 1911, « porte-hydravions » (8) qu'il a mis en place à BIZERTE et PODGO- RICA (MONTENEGRO) en 1915 mais il a aussi transporté des sous-marins en Indochine ou des troupes en 1917 ! En Septembre 1917, il opère comme bâtiment de commandement à partir de son mouillage de SKALA (île de MILOS, en mer EGEE). De cette position centrale, entre la Grèce continentale et le Crête, la FOUDRE est au cœur du trafic naval, que ce soit vers le Nord (Armée d'Orient à SALONIQUE), vers l'Est et les cotes turques qu'il faut surveiller, vers le Sud (EGYPTE et Pales- tine) et vers la (TOULON).

Matelot-cuisinier maintenant confirmé, Léon CHAILLAN a dû apprécier cette mutation, plus va- lorisante au plan professionnel mais aussi moins stressante car la FOUDRE ne quitte guère son mouillage (une seule sortie en Juillet 1918 au port du PIREE (ATHENES !) et l'ennemi n'est pas particulièrement virulent : « la nuit du 21 au 22 Mars 1918, un Zeppelin survole le mouil- lage et … disparaît vers le Nord » ! Sans nul doute il devait maintenant parfaitement maîtriser le mode de travail par quart et bordée, les horaires précis (« 06.30, envoi du vapeur aux cuisi- niers pour (aller chercher) les vivres frais ») ou les imprévus du métier, comme le jour où il a fallu réceptionner et distribuer « 40 bœufs et leur avoine pour les différents mouillages » !

Le 26 Juillet 1918, il part pour la France et 20 jours de permissions. Ce sera son dernier séjour à Tavernes. Tombé malade courant Août, il ne peut rembarquer à la date prévue . Le 5 Sep- tembre 1918, il entre à l'hôpital militaire de TOULON et décède au matin du 7 Septembre 1918 , à bord du navire-hôpital « DUGAY-TROUIN » « par suite de grippe ».

Reconnu « mort pour la France », le matelot de 2e classe Léon CHAILLAN repose depuis cette date aux milieu de ses camarades, dans la nécropole militaire de SAINT-MANDRIER, rang H, tombe n°36.

GOS Denis

(Fox-Amphoux 1889— Rosnay 1918)

ils de Joseph, Pierre GOS et de Césarine, Thérèse CHABERT, Denis, Bellonis, Marius GOS naît à FOX-AMPHOUX (Var) le 27 Mai 1889. Cultivateur, initialement ajourné en 1909, il est appelé le 11 Octobre 1910 pour servir au sein du 163e Régiment d'Infante- F rie / 2e Bataillon / 6e Compagnie à CORTÉ. Caporal le 29/09/1911, il est renvoyé dans ses foyers le 29 septembre 1912. Rappelé par l'Ordre de Mobilisation Générale du 2 Août 1914, il quitte AUPS où il réside et rejoint dès le 3 Août NICE, centre de mobilisation du 163e RI. Affecté au 4e Bataillon/ 15e compagnie et après quelques jours d'intense préparation, il embarque en train pour rejoindre l'Alsace.

Arrivé à BELFORT le 17 Août, le 163e RI va immédiatement être engagé dans l'offensive en cours vers MULHOUSE. Le 19, en fin de matinée, de sa position en réserve au Nord-Ouest du Bois de TAGOLSHEIM, le caporal Denis GOS entendra certainement les premiers obus « fusants » de 77mm allemands, verra ses camarades attaquer bravement à la baïonnette les positions ennemies du Bois d'ALTENBERG, avant d'en découvrir le prix : 8 officiers dont 3 tués, 251 hommes dont 42 tués. Son baptême du feu surviendra quelques jours plus tard dans la région de SAINT DIE', à ANGLEMONT les 27 et 28 Août : malgré tous ses efforts, le 4e Ba- taillon, cette fois en tête, ne pourra emporter la décision sur un ennemi fortement retranché et appuyé par une puissante artillerie. Transporté dans la région de TOUL, il participera fin Sep- tembre aux combats de BOUCONVILLE et du Bois de GERECHAMP (26/9 au 11/10/1914) où, malgré des prodiges de vaillance, l'ardeur de la troupe ne pourra rien contre la densité et la profondeur des réseaux de barbelés ainsi que la qualité de l'artillerie allemande : en 15 jours, le 163e RI aura perdu 21 officiers dont 9 tués, 1527 hommes dont 205 tués ! Avec la saison d'hiver qui s'annonce, les combats changent de forme et chacun sait mainte- nant qu'il faut avant tout durer. Le caporal Denis GOS va devoir découvrir cet univers si parti- culier de la tranchée, où, confronté en permanence à la pluie et à la boue, à la neige et au froid, aux rats et aux poux, à l'agressivité de l'ennemi (travaux de sapes et des mines, coups de mains et bombardements), il faut aussi penser à la famille (courrier) et aux amis. Le 11 Novembre, le 163e RI forme avec ses 3e et 4e bataillons un régiment de marche et est dirigé sur la Belgique. Après avoir débarqué à POPERINGHE, il va occuper des tranchées souvent à moitié inondées sur le canal de l'YSER (« on y patauge comme dans un étang » se- lon l'Historique régimentaire), puis à VOORMEZELE, dans le secteur de SAINT ELOI, avant d'être transporté entre FURNES et NIEUPORT en vue de l'attaque de LOMBAERTZYDE : Le 15 Décembre, le 4e bataillon attaque le village de front, la 15e Compagnie en tête, à droite de la route. C'est un succès arraché à la baïonnette, qui ne peut faire oublier ni les pertes de cette courte campagne de Belgique (en deux mois, le régiment a perdu 7 officiers dont 2 tués, 794 hommes dont 109 tués), ni les souffrances comme le montre le « nombre d'évacués pour pieds gelés qui fut en moyenne de 10 à 12 par jour ».

A la mi-Mars 1915, le 163e RI reconstitué est désigné pour prendre en compte le secteur de FLIREY (54470), secteur particulièrement difficile qui va être l'objet d'une lutte acharnée contre une unité d'élite de l'armée allemande, la Garde Prussienne. De sa tranchée en lisière du Bois de Jury (Sud-Ouest de Flirey), le caporal Denis GOS et son bataillon appuieront initialement de leurs feux le 5 avril l'attaque infructueuse du 157e RI contre les tranchées allemandes des lisières Sud du Bois de MORTMARE. De la même position, le lendemain, il verra l'échec sanglant du 2e bataillon du 163e RI contre les mêmes positions (en 1 heure, le régiment perdra 11 officiers dont 8 tués et 513 hommes dont 171 tués, notre com- patriote le soldat Clovis QUINSON étant du nombre) ; même échec le 7, à chaque fois l'artille- rie allemande et de puissantes contre-attaques nous obligeant à retourner dans nos tranchées de départ avec de lourdes pertes ; un succès limité le 20 avril et une nomination au grade de sergent le 27 avril marquent encore cette période avant qu'un nouvel échec le 14 Mai ne vienne geler les positions pour de longs mois, en fait jusqu'au Printemps 1916.

Après quelques jours de repos au début Mars 1916, le 163e RI est appelé à prendre en charge le secteur HAUCOURT-MALANCOURT, sur la rive gauche de la Meuse de Verdun. Ce séjour en 1ère ligne à VERDUN, sur cette crête « MORT-HOMME / cote 304 » tant disputée, commencera le 22 Mars par une mise en place de nuit inoubliable, 10 heures de marche avec un guide dans des boyaux défoncés par l'eau et les bombardements, en particulier ces énormes entonnoirs provoqués par les minenwerfers », les mortiers lourds allemands de 240 mm, les obus à gaz, les charniers et leur odeur .. ; Peut-être, pour le Sergent Denis GOS, sera- t-il lié aussi au souvenir de cette patrouille de sa compagnie qui, partie le 1er soir chercher la liaison avec les unités voisines, tombe sur une patrouille allemande, lui tue un patrouilleur et ramène les 5 autres comme prisonniers ! Ce séjour sera certainement pour tous marqué par l'agressivité et la qualité des attaques allemandes du 28 Mars à Malancourt ( le 2e Bataillon y perd près de 2 compagnies, soit 14 officiers dont 4 tués, 411 hommes dont 96 tués) ou celle du 9 Avril devant AVOCOURT qui, repoussée avec les plus grandes difficultés, coûte encore 13 officiers dont 2 tués et 377 hommes dont 60 tués. Certainement que le 15 Août 1916, au mo- ment de quitter le 163e RI pour rejoindre sa nouvelle affectation, le Sergent Denis GOS devait être fier de lui. Il savait aussi ce qu'il en avait coûté de sang à son régiment pour arrêter l'avance allemande sur la rive gauche de la Meuse : En un peu plus d'un mois, le 163e RI avait perdu 39 officiers dont 9 tués et plus de 1500 hommes dont 200 tués !

Le sergent Denis GOS rejoint son nouveau régiment, le 85e RI, au Camp de SAFFAIS. Affecté au 2e Bataillon/5e Compagnie, le sergent Denis GOS va bénéficier avec son nouveau régiment d'une longue période de remise en condition (perception des premiers fusils-mitrailleurs, nou- velle organisation interne des sections en voltigeurs, grenadiers, fusiliers, etc.) et surtout nom- breux exercices d'entraînement. Début Décembre 1916, il débarque à PROYART (Somme) et s'installe dès le 16 dans les parallèles de départ, en avant de BERNY. Pour rien. L'attaque est ajournée et bientôt annulée. Fin Janvier 1917, le 85e RI est désigné pour prendre la respon- sabilité d'un secteur en ARGONNE, celui du Bois de la GRURIE. Ce sera un séjour rendu parti- culièrement difficile par les conditions météorologiques (froid intense, neige persistante, sources gelées, glace sur les parois des boyaux,..).

Fin Mars, le régiment est désigné pour participer à l'offensive « NIVELLE » en Champagne, son objectif étant un contrefort Ouest du Mont CORNILLET qui de ses 206 m domine l'ancienne voie romaine à l'Est de REIMS : En place sous la pluie et le froid dans les parallèles de départ dès la nuit du 16 Avril, le sergent Denis GOS attend, confiant, la fin de la préparation d'artille- rie commencée le 9. Le 17, à 04.45, derrière le barrage roulant, l'assaut démarre. Le franchis- sement de la 1ère ligne allemande est difficile (combats à la ) mais à 08.00 le 85eRI a conquis la « tranchée de Wahn », 3e ligne de défense allemande. Devant lui, Il y a 1200 m de glacis à parcourir pour atteindre la côte 142 et la « tranchée Léo- poldhohe ». Malheureusement il fait maintenant jour et la progression va devoir se faire sous le feu des mi- trailleuses allemandes du Bois de la Grille et de l'artillerie en position derrière les monts. Immédiatement les pertes sont terribles, surtout au 1er Bataillon mais aussi au 2e. « Se groupant autour des rares officiers survivants (8 sur 34 initialement), les débris des 2e, 3e et 5e Compa- gnies .. arrivent (en progressant par les boyaux de BISSING et de l'ODER) jusqu'à l'ouvrage B56 (sur la côte 142) où l'ennemi les at- tend » et contre-attaque. Un com- bat terrible s'engage alors vers 10.00 et les survivants du 85e RI doivent se replier, avec de lourdes pertes, sur « la tranchée de WAHN, troisième ligne ennemie » (12.00). Là, bien que soumis aux vues des observatoires allemands du CORNILLET, les soldats du 85e RI parviendront à tenir le terrain, comme demandé,« coûte que coûte » jusqu'à la relève du 25 Avril qui verra le régiment épuisé (il a perdu plus de la moitié de ses hommes et 26 offi- ciers dont 12 tués) quitter cet enfer pour un secteur plus calme dans les Hauts-de-Meuse (WATRONVILLE – HAUDIOMONT).

Fin Juin, le 85e Ri retourne en Champagne, dans un secteur qui, pour l'heure, connaît une pé- riode de calme, celui de VILLE-sur-TOURBE, MAIN-de MASSIGES, MAISONS-en-CHAMPAGNE. Le Sergent Denis GOS va vivre là le rythme classique de la vie en secteur, 20 jours dans les tranchées / 10 jours de repos à MAFRECOURT, travaux d'aménagement des tranchées et des cantonnements, priorité à la recherche du renseignement par des patrouilles et des coups de main et bien sûr défense permanente contre les actions similaires d'un ennemi qui jouit encore une fois de positions dominantes ( hauteurs de MORONVILLIERS, Mont Têtu). Le 27 Juillet 1917 une citation à l'ordre du Régiment et la Croix de Guerre viendront sanctionner la qualité du comportement de notre compatriote : « Bon sous-officier, courageux, plein de sang froid et d'entrain. S'est distingué en plusieurs circonstances difficiles ».

Avec l'arrivée de l'hiver, chacun sait qu'il est temps de creuser car tous savent que le Prin- temps sera terrible : Où et quand l'ennemi va-t-il engager les soldats qu'il a pu récupérer sur le front russe ? Du début Novembre 1917 jusqu'à Pâques 1918, le 85e RI va surtout s'atta- cher à travailler son terrain pour l'adapter à la nouvelle tactique, une 1ère ligne très réduite en volume (quelques postes) et une défense très échelonnée en profondeur, l’accent mis sur la recherche du renseignement (patrouilles, coups de main), la coopération avec l'artillerie et l'aviation, .. Ces dispositions porteront leurs fruits dès le 18 Mai 1918, où un puissant coup de main allemand déclenché à 03.15 face au 2e Bataillon sur la Croupe de la Faux, est écrasé dans l’œuf par nos tirs de contre-batterie. Mais surtout elles sont à la base de la confiance qui s'installe dans l'armée française aux jours pourtant les plus sombres. Ce sont elles qui le 7 juil- let permettent au général GOURAUD de dire à ses soldats qui attendent de contre-attaquer un ennemi (trop) engagé sur la Marne : « Vous combattrez sur un terrain que vous avez transfor- mé par votre travail en une forteresse redoutable...Le bombardement sera terrible, vous le supporterez sans faiblir … C'est pourquoi votre général vous dit : « cet assaut, vous le briserez et ce sera un beau jour ».

Le 15 Juillet, en attente au Sud de Maisons-en-Champagne, le sergent Denis GOS n'aura pas à intervenir mais il verra de beaux jours. Fin Juillet, au Sud de la VESLE, ce n'est qu'un cri parmi les poilus en voyant les Allemands se replier :« Le Boche décolle ! ».

La poursuite commence. Initialement plus facile, elle devient difficile le 3 Août lorsque, enga- gé sur le Plateau des Limons (côte 202 – côte 188), le 85e RI se retrouve, au moment d'abor- der ROSNAY (51390) et cette descente vers la rive Sud de la VESLE, totalement exposé aux vues et aux feux d'un ennemi solidement implanté sur les hauteurs qui dominent la rive Nord ! Il faudra encore plus d'un mois au 85e RI pour franchir la Vesle et reconquérir les hauteurs du Chemin des Dames.

Notre compatriote, le Sergent Denis GOS ne connaîtra pas cet instant, son parcours s'étant ar- rêté le 3 Août 1918 devant ROSNAY. PUGET Pierre

(Marseille 1869—Paris 1918) ils de Pierre, Vincent, Marie, Edmond PUGET, négociant, et d'Augustine, Jeanne, Marie RICHARD, son épouse, André, Marie, Vincent, Pierre PUGET naît le 25 novembre 1869 au 17, rue Nicolas, à MARSEILLE . Engagé volontaire pour trois ans au titre du 6e Régiment F de Chasseurs d'Afrique en garnison à MASCARA (Algérie), il rejoint sa formation le 30 Octobre 1889, est promu maréchal-des-logis le 27 janvier 1892 avant d'être mis en congé de fin de campagne le 18 Octobre 1892.

Certainement satisfait de son séjour sous les armes, il va alors s'astreindre pendant plus de vingt ans dans la Réserve à faire, régulièrement tous les deux ans, des périodes d'instruction, d'abord au 1er Régiment de Hussards à BEZIERS où il est nommé Sous-Lieutenant de Réserve, puis à partir de 1898 au 9e Régiment de Hussards à CHAMBERY où il est promu Lieutenant de Réserve, après une dernière période le 15 Février 1913. Il est muté le 1er Septembre 1913 au 6e Régiment de Hussards (6e RH) qui vient d'être affecté au 15e Corps d'Armée (CA) à Marseille. Le 2 août 1914, lorsque l'ordre de mobilisation l'ap- pelle, c'est donc un officier de réserve motivé et instruit qui rejoint le 6e RH, le régiment de cavalerie du 15e CA.

Si le 5 Août 1914, le 6e RH embarque en train pour assurer sa mission de couverture de notre frontière sur les Vosges, il laisse à son dépôt, au quartier de MENPENTI à Marseille, quatre autres escadrons constitués (presque) exclusivement de réservistes qu'il faut d'abord équiper en armement, en matériels divers de vie en campagne, en chevaux (de réquisition), etc. mais dont il faut surtout parfaire l'entraînement opérationnel avant de les engager au combat. Affec- té au 7e escadron comme chef du 1er peloton, c'est certainement la première tâche qui a dû être confiée au LTN PUGET durant ce mois d'Août à Marseille, puis très vraisemblablement en Septembre sur les arrières directs du 15e CA , sur la rive gauche de la MEURTHE.

Le 9 Octobre 1914, les 7e et 8e escadrons du 6e RH sont désignés, avec deux autres esca- drons du 10e RH, pour constituer le Régiment B de la 26e Brigade légère de Cavalerie (71e Di- vision d'Infanterie) chargée de tenir les passages de la Meurthe, au Sud-Est de LUNEVILLE (54300), entre VATHEMENIL et MONCEL-les-Lunéville tout en assurant une surveillance active sur les passages de la VEZOUZE, entre THIEBAUMENIL et BENAMENIL (54450). Les premiers combats auront lieu le 15 Octobre devant GONDREXON (54450) et à partir de là, les esca- drons, souvent utilisés comme des unités d'infanterie dans la tenue des tranchées de la ligne d'avant-postes, soit directement en mission de « reconnaissance légère » ou d'embuscades contre les patrouilles ennemies, vont participer au contrôle du terrain entre la Vezouse et la forêt domaniale de PARROY. C'est un secteur secondaire, plutôt calme où les pertes sont très légères ( pertes 1915: 3 tués et 10 blessés, 8 disparus ) mais les conditions de vie et de com- bat parfois très rudes, surtout en hiver: « .. gelée intense et routes couvertes de neige glacée qui obligent l'escadron à faire 11 km en tenant les chevaux à la main. Les journées du 18 et 19 Janvier (1915), tant par la dureté de la température que la longueur du service imposé aux avant-postes ont été particulièrement dures pour l'escadron » (JMO 7e escadron). Jusqu'à l'été 1915, le LTN PUGET et son escadron, devenus fantassins vont tenir ce secteur, par tranche de 4 puis 6 jours (« Cent cavaliers du 6e hussards prennent sous les ordres du LTN PUGET le ser- vice des tranchées au Bois des Haies », 2,5 km au Sud de CHAZELLE-su-Albe (54450).

Une première alerte du mal qui le ronge ? « le LTN PUGET est évacué le 21 Juillet sur l'hôpital de BACCARAT ». Fin Août, le Régiment B, devenu entre-temps le 17e Régiment de marche des Hussards, est relevé et fait mouvement vers NANCY. Début Novembre, dans le cadre de la dé- fense de la rive Est de la Meurthe, le 17e RH reçoit un secteur de défense dans le massif du Grand Couronné, celui d' ARMAUCOURT (54760) ,) : Le LTN PUGET et ses hussards vont re- trouver le même rythme de 6 jours dans les tranchées de 1ère ligne autour de la Ferme CHAM- BILLE (1 km au Nord-Ouest d'Armaucourt) qui joue le rôle de point d'appui Nord ; les mêmes canonnades, irrégulières en fréquence et souvent plus soutenues, mais pas d'attaque sérieuse et peu de pertes. Il en sera ainsi jusqu'au Printemps 1916, même si, entre-temps le 17e RH a été dissous le 8 Janvier 1916 et si les 2 escadrons du 6e RH sont maintenant passés aux ordres de la 59 Division d'Infanterie (59e DI) qui a confirmé … le même secteur au chef de détache- ment du 6e RH !

Début Mars 1916, après un court séjour au camp de SAFFAIS pour remise en condition et ins- truction des cadres, la 59e DI maintenant à disposition du Groupe d'Armées Centre (GAC) est envoyée en urgence à VERDUN pour organiser une ligne de défense supplémentaire devant les forts de Froideterre, Tavannes et Moulainville. Relevée le 8 Avril, la 59e DI qui a perdu près de 1500 hommes dans cette dernière mission est renvoyée en .. Lorraine, au Sud de sa position précédente, pour remplacer la 33e DI sur le front ATHIENVILLE- ARRACOURT (54370)- étang de PARROY .

Le 3 juin 1916, les 7e et 8e escadrons du 6e RH quittent la 59e DI pour devenir la cavalerie divisionnaire de la 129e DI. Le LTN Pierre PUGET n'est pas avec son 7e escadron car depuis le 29 Mai 1916, il est « parti à la 10e Division d'Infanterie Coloniale (10e DIC) comme chef de l'escorte du général commandant la 10e DIC ».

C'est à ce poste, où son expérience ne pouvait manquer d'être précieuse mais qui est certaine- ment moins exigeant que celui de chef de peloton en charge de la défense d'une tranchée de 1ère ligne que le LTN Pierre PUGET va participer aux deux offensives majeures que va mener la 10e DIC dans l'année qui suit, tout d'abord sur la Somme à la mi-Octobre 1916 dans la ré- gion de BELLOY-en-Santerre, ensuite au Printemps 1917 sur l'Aisne, plus précisément sur le Chemin des Dames (« offensive NIVELLE ») les 16 et 17 Avril 1917.

Il est vraisemblable que cette opération, si difficile, ait été la dernière pour le LTN Pierre PU- GET. En dépit de toute sa volonté, vaincu par la maladie, il a dû abandonner avant l'été 1917 ses camarades de combat. C'est du moins ce que laisse entendre la très belle citation qui lui est décernée le 1er Août 1917 : « Officier d'une grande énergie qui s'est dépensé au-delà des limites de sa santé avec un complet dévouement. A participé avec la Division aux offensives de la Somme et de l'Aisne. A fait en toutes circonstances preuve d'un sang-froid exemplaire. Con- traint par une maladie grave de quitter le front, n'a consenti à partir qu'à la dernière extrémi- té ».

Hospitalisé au Val de Grâce (Paris), il y décède le 12 Février 1918 pour « cancer de la langue et du pharynx ».

Reconnu « Mort pour la France », le Lieutenant Pierre PUGET a son nom inscrit depuis 1920 sur le monument aux Morts de Tavernes.

SABATIER Augustin

(Tavernes 1881— Marvaux 1918)

ils de Lazare, Célestin SABATIER et de Marie, Clémentine, Rose BOEUF, son épouse, Au- gustin, Octave, Léonce naît à Tavernes le 29 avril 1881 et est cultivateur comme ses pa- rents lorsqu'il est appelé, au titre de la classe 1911, à servir au sein du 9e Régiment de F Hussards (14e Corps d'Armée) à CHAMBERY. Il rejoint le 15 Novembre 1902, est promu Hussard de 1ère classe le 29 Juin 1903 et renvoyé dans ses foyers, certificat de bonne con- duite accordé, le 23 Septembre 1905. Dans la réserve depuis le 1er Novembre 1905, il exécute deux périodes d'exercices en 1909 (du 9 au 31 mars) et 1911 (du 25 Septembre au 11 Oc- tobre) au 9e Hussards avant d'être affecté le 22 Septembre 1911, sur décision du Général Commandant le 15e Corps d'Armée, au 3e Régiment d'Infanterie à TOULON. Cette affectation est ensuite modifiée car le 2 Août 1914, l'ordre de Mobilisation l'envoie à NICE où se mettent sur pied deux régiments-frères qui accueillent tous-deux des tavernais, le 163e Régiment d'Infanterie (Justin GOS et Clovis QUINSON) et le 363e Régiment d'Infanterie, où il va retrou- ver quatre autres camarades de combat (Gonzague ARNAUD, Célestin Léon BLANC, Maximilien DAUPHIN et Félix BONNET). Régiment dérivé du 163e RI donc mis sur pied par celui-ci, le 363e RI, est en mesure dès le 8 Août de relever le 163e RI dans ses forteresses le long de la frontière franco-italiennes et d'en- tamer une intense période de préparation opérationnelle. Le 14 Septembre 1914, c'est un beau régiment à 2 bataillons (5e et 6e), chacun à 4 compagnies, soit 43 officiers, 2080 sous-officiers et soldats, qui embarque en train pour les Vosges (région de SAINT-DIE) afin de prendre sa part de la mission de la 41e Division d'Infanterie dans la vallée du RABODEAU, affluent de la MEURTHE. Les trois premiers mois se- ront particulièrement diffi- ciles : Déployé sur la face Sud de la crête de SENONES dès le début Octobre 1914 (fermes Margotte ou des Fossés et hameau de Lamdebehay) et dans les vallées de la face Nord (forêt de Senones), le 363e RI pourra s'avancer sur la crête jusqu'au blockhaus 300 m à l'Est de la cote 641, conquérir la cote 673 sur la Roche de Vaccon, demander le 31 Octobre au 5e Batail- lon de s'enfoncer le plus possible vers l'Est, en re- montant vers la source du ruisseau de Malfosse, jamais le 363°RI n'arrivera à forcer le passage des 4-Bancs ou à s'emparer de la cote 675 (Roche Mère Henry) qui do- mine SENONES. C'est à juste titre que l'Historique du 363e RI parle, pour cette période, « d'école d'endurance, d'énergie et d'esprit de sacrifice » : 8 officiers et 300 soldats sont tom- bés pour en témoigner, dont notre concitoyen Célestin Léon BLANC sur la cote 641 le 26 No- vembre 1914. L'année 1915 ne connaîtra pas une activité opérationnelle aussi intense : chacun des belligé- rants semble avoir compris que le terrain et son organisation ne permettent pas d'espérer un succès décisif. En témoigne le ton des comptes rendus du journal des marches et opérations du 363°RI. Le plus souvent, comme ici le 6 Juillet, le rédacteur note : « Journée calme. Dans la nuit du 5 au 6, les Allemands ont tiré de nombreux coups de fusils et lancé des bombes sur nos travailleurs qui posaient des chevaux de frise en avant des tranchées de la cote 641 ». Parfois même, comme le 28 Août, la seule annotation est : « à 18.00, par ordre du Comman- dant de la 7° Armée, manifestation sur tout le front à l'occasion de la défaite navale allemande devant RIGA (Lettonie). A la cote 351, la manifestation est appuyée d’un bombardement au- quel riposte les Allemands. Aucune perte ». En fait, petit à petit, la ligne de front va se figer de façon quasi définitive, les seules activités étant les changements de sous-secteur, au Nord ou au Sud du Rabodeau, quelques tirs ou bombardements sporadiques sur les premières lignes, des patrouilles pour chercher le renseignement et l’aménagement de positions défensives ou la construction d'abris. Relevé à la mi-Décembre, le 363°RI se voit accorder une période de repos à ARNOULD et GERBERAL.

Le 13 Janvier 1916, le 363e RI est désigné pour prendre en charge un autre secteur quelques kilomètres plus au Nord, celui du Col de la Chapelotte. Formant un saillant entre la vallée de la Plaine qui descend du col du Donon et le ravin d'ALLENCOMBE au Nord, la position est parti- culièrement difficile, encore plus qu'à SENONES : En fait, c'est un cirque de hauteurs (Hauts de Faîte cote 521, Hauts des Roches cotes 575-578), où l'ennemi tient les hauts, avec ses tran- chées et ses observatoires tandis que le 363e RI, en contrebas, sur les pentes, est en perma- nence soumis à ses vues et aux feux de ses mortiers (« minenwerfers ») ou de son artillerie lourde ! En ce mois de Février, c'est l'artillerie qui est à l'honneur. Le JMO de la 41e DI note sobrement à la date du 26 Février 1916 : « zone 152e Brigade : de 8h45 à18h, les Allemands canonnent violemment nos positions de la Chapelotte.. ».

Le JMO du 363e RI précise: « Fusillade habituelle sur tout le front pendant la nuit. Journée re- lativement calme ». Calme tout relatif, car il ajoute « L’artillerie ennemie s’est montrée active sur les différents points du secteur (de défense), … quelques obus de 77 et de 105 sont tom- bés sur le Couronné des Colins,… vers 15.00 bombardement du s/secteur Scriber ( 50 gros obus, au dessus du Couronné des Colins), quelque uns également sur le s/secteur Schirrer (sous la cote 519 Haut de Faite)... ». Ce jour-là, il n’y a qu’un seul blessé sur le JMO et ce n’est pas le soldat Augustin SABATIER. Pourtant celui-ci est certainement blessé par un éclat d’obus : « plaie à la main droite par éclat d'obus » comme indiqué sur sa fiche matricule.

Très vraisemblablement, au dé- part, cette plaie semblait anodine car elle n’est pas notée sur le JMO mais elle a dû se compliquer sérieusement car notre compa- triote est évacué et bénéficie d'une longue période de soins et de convalescence (plus d’un an !). A un moment où sévit la crise des effectifs, l'Autorité militaire estimera encore nécessaire le 9 Juillet 1917 de le mettre « en sur- sis d'appel jusqu'à nouvel ordre » aux mines d'ASPREMONT (Hautes-Alpes) !

Ce sursis tombera le 9 Février 1918, moment où la Commission militaire des mines lui deman- dera de rejoindre son Corps pour le début Mars 1918. Il rejoindra le 363e RI le 5 Mars et est muté le 28 Mars au 112e RI.

Depuis la fin Octobre 1917, celui-ci tient le secteur de la SEILLE, en avant de NANCY. Contrai- rement à celui du col de la Chapelotte, c'est un secteur « où les vastes étendues de terrain libre entre les centres de résistance offraient toutes les facilités à la manœuvre », plutôt donc favorable à une guerre de coups de main qu'à des bombardements d'artillerie quotidiens !

Tout change début Juin. Relevé fin Mai 1918, le 112e RI est engagé en urgence à hauteur de NOYON, sur la rive ouest de l'OISE le 5 face à un ennemi qui a percé sur l'Aisne et est lancé vers Paris. Les 9, 10 et 11 juin, ayant pris le contact entre ORVAL et CHIRY-OURSCAMP (60138), le soldat Augustin SABATIER et ses camarades du 112e RI vont lui disputer ardem- ment les fermes de l'Ecouvillon et de la Carmoye, puis les carrières de MONTIGNY et de CHE- VINCOURT ou le bois de Saint Amand, avant de l'arrêter les 12 et 13 sur les pentes du Mont de CAUMONT. Relevé avec des pertes sévères, le 112e RI connaît alors en Juillet une période plus calme, repos et instruction, préparatoire à un nouvel engagement sur la Somme, auquel ne participera pas le soldat Augustin SABATIER qui est muté le 3 Août au 408e RI. Formé en 1915 à partir d'un recrutement de berrichons, nivernais et parisiens, le 408e RI vient de s'illustrer par deux fois, tout d'abord fin Mai en participant brillamment à l'arrêt de l'ennemi sur la Marne par sa très belle défense de ses approches Nord devant DORMANS (citation 5e Armée : « Troupe d'élite qui, malgré l'étendue du front à tenir, a réussi à ralentir pendant deux jours consécutifs la progression d'un ennemi très supérieur en nombre, en lui disputant le terrain pas à pas, en manœuvrant sous le feu et en lui faisant subir les pertes les plus sé- vères » ; Ensuite, en empêchant par sa résistance acharnée dans le Bois de COURTON (Sud- Ouest POURCY.51480) le succès de l'attaque allemande du 15 Juillet contre la Montagne de REIMS, ce que lui reconnaît le 4 Août, le Général en chef qui télégraphie : « Décision du 2 Août 1918. Le 408e RI sera cité à l'ordre de la 5e Armée pour avoir par son esprit de devoir et de sacrifice ainsi que sa ténacité, assuré la base de notre contre- ALL offensive, en permettant par sa résistance le rétablisse- ment de notre ligne. La fourragère est accordée à cette unité.. ». C'est donc un beau régiment que re- joint notre compatriote Au- gustin SABATIER. Son premier engagement au sein du 408e RI aura lieu à VERDUN fin Août mais dans des conditions totalement FR différentes des années 1916 et 1917 : « C'est pour l'état- major le calme du Bois-BOURRU pendant que nos bataillons montent une garde facile aux sec- teurs célèbres du MORT-HOMME, du BOIS DES CORBEAUX et de la cote304 ».

Relevé le 9 Septembre par un régiment américain (132e RI US), relevant ensuite un régiment italien (89e RI) en Argonne, le 408e RI est fin Septembre devant le Plateau de la Croix des SOUDANS qui domine MARVAUX-VIEUX (08400), observatoire naturel (cotes 185, 189 et 182) qui donne des vues sur MONTHOIS et au delà sur VOUZIERS : Dix jours de lutte acharnée et des pertes (67 tués, plus de 400 blessés ou disparus) avant que l'ennemi, le 11 Octobre 1918, ne rompe le combat pour poursuivre son repli.

Notre concitoyen, le soldat Augustin SABATIER ne verra pas ce jour, tombé le 2 Octobre lors des combats préliminaires, sur les pentes Sud du plateau des Soudans, le long du ruisseau de Marvaux, victime d'un éclat d'obus.

Cité à l'ordre du Régiment : « Soldat ayant en toutes circonstances fait courageusement son devoir. Tombé glorieusement au cours des combats de 1918 », le soldat Augustin SABATIER est titulaire de la Croix de Guerre 1914-1918, avec étoile de bronze. SALVAN Charles

(Les Mées 1887— MISSY-aux-Bois 1918)

ils de Charles , André SALVAN , docteur en médecine et de Marie, Josèphe, Antoinette Camille GAZE, Charles, Aubin, Joseph SALVAN naît le 1er Février 1887 aux MEES (Alpes de Haute Provence). Engagé volontaire 3 ans le 18 Octobre 1907 au titre du 55e Régi- F ment d'Infanterie, en garnison à AIX-en-Provence, promu sergent le 8 octobre 1909, il termine son contrat le 18 Octobre 1910 et déclare se retirer chez ses parents, en Algérie (commune de MORRIS, département de Constantine). L'ordre de mobilisation du 2 Août 1914 le surprend comme « rédacteur à la préfecture de Constantine » et comme réserviste du 3e Régiment de Zouaves, en garnison à Constantine. Muté très rapidement au 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens (4e RTT) / 2ème Bataillon/5ème Compagnie, il rejoint son bataillon...au Maroc où depuis plusieurs années il participe aux opérations de pacification, la dernière en date le trouvant engagé début Août entre MEKNES et KHENITRA (col de ZIAR). Destiné à être employé en France, le 2e Bataillon du 4e RTT est regroupé avec deux autres bataillons du 8e Régiment de Tirailleurs Algériens pour constituer le 8e Régiment de Marche des Tirailleurs (8e RMT), un des deux régiments de la 4e Brigade du Maroc. Le Sergent Charles SALVAN embarque à bord de « l'Iméréthie »le 10 Septembre à MEHEDIA pour SETE (13/9) puis BORDEAUX (14/9) où la brigade se concentre, le 2e Bataillon complétant sa mobilisation en personnels (1 médecin et 17 brancardiers ; 55 tirailleurs ) et en matériels (trains de com- bats des compagnies et train régimentaire). Le 14 Septembre, c'est un beau bataillon à 4 com- pagnies (19 officiers et 932 hommes de troupe) qui quitte Bordeaux pour COMPIEGNE (19/9). Le 21 Septembre 1914, c'est entre CANNY-sur-Matz et LASSIGNY (60310) que le Bataillon va connaître son baptême du feu sur le théâtre européen. Il sera terrible : Toute la journée, « sous un soleil resplendissant... » les Tirailleurs, débouchant de GURY, au Sud-Ouest, splen- dides dans leur tenue traditionnelle (« chechias crânement campés, ceintures rouges sous les petites vestes bleu-clair, vastes pantalons blancs ») vont essayer de forcer les lisières Ouest de Lassigny. En vain ! L'artillerie allemande et les mitrailleuses dissimulées dans les haies ont rai- son de leur allant. 5 officiers, 26 sous-officiers et 362 tirailleurs tombent sur ce glacis pour en témoigner. Deux autres attaques menées en partant de Canny-sur-Matz le 22 ou plus au Sud par le ravin de la Divette le 24 n'ont pas plus de succès et conduisent le 25 à une réorganisa- tion sur 2 compagnies, puis après la contre-attaque allemande du 4 octobre à voir le 2e Batail- lon réduit à « une compagnie d'environ 119 fusils » en réserve, en charge de la défense de l'artillerie à l'Ouest de ROYE-sur-Matz ! Avec l'arrivée de la mauvaise saison, un ralentissement de l'activité opérationnelle va survenir. Tout naturellement, les tirailleurs du 8e RMT vont se consacrer à l'amélioration de leurs posi- tions de combat et de vie. « Ayant muselé leur impatience de se battre, (ils vont devenir) ter- rassier, mineur, bûcheron ..troglodyte » et découvrir, la boue et les gelures dans les différents secteurs qu'ils vont tenir autour de Lassigny jusqu'au Printemps 1915. Pour le sergent Charles SALVAN, l'année 1915 commence bien car il est nommé Adjudant le 1er Janvier 1915.Le 15 avril 1915, alors qu'il tient les tranchées du secteur du Hamel (RIBECOURT. 60170), le 8e RMT est relevé et embarque en train puis en camions pour la Bel- gique : La 4e Brigade vient d'être mise à la disposition de la 152e Division d'Infanterie, en- voyée en urgence dans la région d' où les Allemands tentent de percer. Le 25 Avril, le 8e RMT débarque à midi à POPERINGHE et vient en bivouac d'alerte autour de BRIELEN (3 km Ouest YPRES) dans des fermes, le 2e bataillon étant dans celle de La Chapelle-Notre Dame. Le 26 en fin de matinée, il se présente aux passerelles que le Génie a lancé sur le canal de l'Yser, au Sud Est de la ferme NOORDHORF, et traverse vers midi « sous un feu violent d'artil- lerie lourde ce qui occasionne des pertes ». Il vient en fait prendre sa place, en 2e échelon du Régiment « .. attendant que l'espace nécessaire à son déploiement lui soit libéré par le régi- ment colonial de la Brigade » qui, partant de notre 1ère ligne de tranchées à hauteur de la Ferme de La Brique, doit attaquer en tête à 14.00, en direction de PILKEM-cote 29. C'est vrai- semblablement durant ces phases d'attente que l'Adjudant Charles SALVAN est blessé ( « face externe du pied gauche par éclat d'obus »). Malgré une forte préparation d'artillerie, l'attaque échoue : Les Coloniaux et les Tirailleurs ont à franchir près de 500 m de glacis sous le feu des mitrailleuses et des canons allemands. Forts de leur enthousiasme et de leur allant, ils sont près d'y arriver lorsqu'à 50 m des tranchées al- lemandes ils sont « arrêtés par les gaz délétères que le vent de Nord-Est leur apporte des tranchées ennemies ». Asphyxiés, la gorge brûlée par le chlore, les troupes, Zouaves, Tirail- leurs mais aussi Hindous de la brigade anglaise qui attaquait à notre droite, doivent reculer en désordre sous le feu des mitrailleuses allemandes ! Il en sera de même à 17.00 où une nouvelle attaque est relancée. Même scénario le 27, ce jour-là le 2e bataillon est en tête. En deux jours le 2e bataillon aura perdu 432 hommes dont 69 tués, près de la moitié de ses effectifs ! Une dernière attaque le 30, vaine elle aussi et le secteur se stabilise, les Tirailleurs vont apprendre à vivre et com- battre dans cet univers plat, où l'eau est omniprésente, où les protections sont quasi inexistantes, où tout se voit et tout se sanc- tionne, au moins par un coup de fusil, par- fois par un coup de canon !

Après relève le 26 Mai 1915, l'Adjudant Charles SALVAN apprend que le 2e bataillon retourne au Maroc (embarquement à Mar- seille le 14 Juin) et que lui va retrouver son régiment d'origine, le 4e Régiment de Marche des Tirailleurs Tunisiens (4e RMTT). Celui-ci, composé des 1er, 5ème et 6ème batail- lons du 4e RMT appartient maintenant à la 1ere Brigade du Maroc (Division Marocaine). Affec- té au 6e Bataillon/ 21e Compagnie, l'Adjudant Charles SALVAN rejoint un régiment qui vient de subir de très lourdes pertes en Artois, devant SOUCHEZ, les 16 et 17 Juin ( 244 hommes, ¼ de ses effectifs pour le seul 6e Bataillon).

Après quelques jours de réorganisation et d'entraînement dans la région de GUESTREVILLE (62690), Charles SALVAN et son régiment se retrouvent le 25 Septembre en Champagne, en- gagé contre le saillant formé par la position allemande du Bois SABOT. Le texte de la citation successivement obtenue est explicite sur l'allant des Tirailleurs : « .. Opérant en deux détache- ments, s'est rué à l'assaut du Bois Sabot, a enlevé la position d'un seul élan malgré l'explosion de trois fourneaux de mines sous les pas des assaillants et l'organisation formidable de la posi- tion, faisant plus de 400 prisonniers dont 11 officiers et prenant » … un matériel (mitrailleuses et mortiers) considérable ». Initialement dans la deuxième vague, à gauche, le 6e Bataillon éprouve de lourdes pertes au moment de nettoyer le bois de ses derniers défenseurs et sur- tout par suite des mines qui explosent dans les tranchées (23 tués dont 3 officiers ; 107 hommes blessés ou disparus. Il en sera de même le 27 contre une position allemande sur la butte de SOUAIN (bois P 16) : bloqué par des réseaux de barbelés intacts, le Bataillon subit des pertes si importantes qu'une réorganisation sur 2 compagnies (au lieu de 4 !) s'impose. A l'issue, et jusqu'à l'été 1916, le 4e RMTT va tenir plusieurs secteurs défensifs, initialement dans l'Oise, puis à l'Est de COMPIEGNE (secteur de la CENSE) avant d'être désigné pour parti- ciper à l'offensive sur la SOMME. Dans la nuit du 30 Juin au 1er Juillet 1916, Charles SALVAN se trouve à PROYART (80340) et assiste de sa position, en réserve du 1er Corps d'Armée Colonial à la fin de la préparation d'ar- tillerie de la bataille de la Somme. Le 5 Juillet, après la très belle percée du Régiment de Marche de la Légion Étrangère (RMLE) à BELLOY-en-Santerre, la Division marocaine se re- trouve en pointe, sans l'appui de l'artillerie lourde qui doit se redéployer plus en avant. Pen- dant 7 jours, les Tirailleurs vont se trouver très exposés aux feux d'artillerie et aux contre- attaques d'un ennemi particulièrement combatif et devoir multiplier les actes d'héroïsme pour conserver le terrain conquis, comme en témoigne la citation obtenue par la 21e Compagnie qui « le 7 Juillet s'est spontanément portée à l'aide de deux compagnies d'un corps voisin fortement éprouvées et obligées de rétrograder. A pris leur place, a contre-attaqué avec vi- gueur en tirailleurs et à la grenade. A repris le terrain perdu et bloqué l'avance ennemie ». En une semaine le 6e Bataillon aura perdu 5 officiers et 347 sous-officiers et tirailleurs ! Après une longue période de calme, d'abord de Juillet à Novembre 1916 devant LASSIGNY, puis durant l'hiver devant ROYE-SUR-MATZ, le 4e RMTT est engagés de nouveau en Cham- pagne en Avril 1917 pour la conquête des Monts de MORONVILLIERS (51490) : Après un échec initial du 1er Bataillon le 17 sur les barbelés non-détruits par la préparation d'artillerie et deux jours de combats méthodiques menés par le 5e Bataillon, à la grenade, trou après trou, il appartiendra au 6e bataillon, le 20, de conquérir la position du Bois Noir (cote 150, entre le Mont-sans-nom et VAUDESINCOURT)« par une belle et énergique manœuvre d'encerclement » faisant « 80 prisonniers dont 4 officiers (et … ayant) gagné près d'un kilomètre de terrain ». Les 20 et 21 Août 1917, la Division Marocaine est engagée sur la rive gauche de la Meuse de VERDUN , face au Bois des CORBEAUX dont la face Sud domine nos positions. La préparation de l'attaque a été minutieuse et l'allant des tirailleurs sera magnifique : Initialement en 2e échelon du Régiment, le 6e Bataillon va passer en tête dès le 20 à 08.00 et tout particulière- ment s'illustrer par sa détermination, comme en témoigne la citation de la 21e compagnie: « .. a conquis un troisième objectif (lisières Nord du Bois de Cumières) puis un quatrième (pentes Nord jusqu'au ruisseau de FORGES) et repoussé une forte reconnaissance ennemie, avec une ardeur passionnée, faisant les 20 et 21 Août 1917, 104 prisonniers dont un officier, capturant 4 canons de 105, une mitrailleuse et un matériel considérable » . Témoignage de la qualité de la préparation, les pertes sont contenues : 9 tués, 97 blessés et 22 disparus. Après sa relève, le 4e RMTT va reprendre la responsabilité de secteurs défensifs en Lorraine, dans la région de FLIREY (Automne 1917) et de VAUCOULEURS (Hiver 1918) avant de se re- trouver en Avril 1918 sur la Somme, à CACHY (80800), au Sud-Est d'AMIENS. Les 27 et 28 Avril, l'Adjudant Charles SALVAN aura la surprise de voir une attaque du Bois de HANGARD ap- puyée par « 4 tanks anglais qui font le tour du Bois Ouest, absolument maîtres d'eux-mêmes, s'arrêtant pour tirer où ils le jugent utile » ! Le 29 Mai 1918 , le 4e RMTT est engagé en urgence au Sud- Ouest de SOISSONS contre un ennemi qui vient de percer le 27 Mai notre dispo- sitif sur le Chemin des Dames et fonce sur PARIS. Le 30, placé en soutien du Ré- giment de Marche de la Légion Étrangère (RMLE) qui tente de contrôler les accès Nord et Est au plateau de la Montagne de Paris, le 6e Bataillon est chargé d'organi- ser une ligne de résistance face au Nord, entre la Ferme du Mont Lavé et le ravin de SACONIN-et-BREUIL. Très rapidement confronté aux infiltrations allemandes par les ravins de VAUXBUIN et de PLOIZY, il devra réorganiser son dispositif face à l'Est pour interdire aux Allemands de déboucher en force sur le plateau. C'est la mission de la 21e Compagnie le 30 Mai. C'est durant ces combats, entre la Ferme du Mont Lavé et la cote 148 que tombe le 30 Mai 1918 l'Adjudant Charles SALVAN. Par décision en date du 10 décembre 1920, le Ministre de la Guerre lui confère la Médaille Mili- taire « à titre posthume ». Cette concession s’accompagne d’une citation « Sous-officier éner- gique, volontaire pour les missions périlleuses. Glorieusement tombé le 30 mai 1918, devant BREUIL, à son poste de combat » et de l’attribution de la Croix de Guerre 1914-1918 avec étoile d’argent.

Année 1919

La maladie croit devoir en emporter encore quelques uns !

Maximilien DAUPHIN, mort de maladie en Janvier à Marseille

Paul HUGUES, mort de maladie en Juin devant Djibouti

Henri PHILIBERT, mort de maladie en Octobre à Barjols

Émile QUINSON, mort de maladie en Janvier à Chemnitz (Allemagne)

1919, La maladie croit devoir en emporter encore quelques uns !

C’est maintenant l’heure de « bien finir » la guerre et de reconstruire la France. Pour cela il faut rapidement : - s’assurer que l’Allemagne ne pourra reprendre la guerre. C’est chose faite dès Décembre 1918, par l’application immédiate des conventions d’armistice: L’occupation de la Rhénanie, en fait la rive gauche du Rhin, une bande de 10 km et 3 « têtes de pont » de 30km de rayon sur la rive droite, la livraison de plus de 5000 canons, de la plus grande partie de la flotte et de tous les sous-marins, etc. permettent de démobiliser immédiate- ment les classes les plus âgées et de ra- patrier les prisonniers; - Mettre sur pied la conférence internatio- nale qui doit définir la nouvelle organisa- tion politique mondiale.

Cette phase se termine à la venue de l’été 1919 sous le double signe de la si- gnature du traité de Versailles (28 Juin) dans la galerie des Glaces du château et du défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Élysées.

S’ouvre alors pour la France l’heure des bilans.

Le bilan humain de la guerre est très lourd: La guerre a prélevé 1 300 000 hommes et laissé près d’un million d’éclopés qu’il va falloir intégrer dans la société avec leur handicap (pensions, emplois réservés, etc.). Au moment de reconstruire la France, l’absence de cette « force de travail » se fera lourde- ment sentir et ouvrira la porte à une forte immigration.

Le bilan économique l’est tout autant car chacun sait que la reconstruction de notre Nord-Est dévasté sera nécessairement longue et coûteuse: Près de 300 000 maisons détruites et 500 000 autres endommagées; Plus de 3 millions d’hectares qui demandent des travaux importants avant remise en culture. C’est le cas dans la « zone rouge », la zone des combats les plus in- tenses où il faut d’abord « dépolluer » les sols de leurs munitions explosives et chimiques ! Or la France n’est plus en 1919 ce qu’elle était en 1913. Sa dette envers la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, nulle en 1913, est maintenant de 5,750 MM$. Pire son déficit public en 1919 est de 21 MM$ quand ses réserves d’or ne sont plus que de 141 M$ ! Notre monnaie, le « Franc Or », le « Franc Germinal lancé par Napoléon en 1803 et stable durant tout le 19e siècle, est en route vers sa 1ere dévaluation (1928).. qui sera suivie de 14 autres tout au long du 20e siècle ! Signe aussi de l’épuisement des corps (?), quatre de nos compatriotes seront emportés par la maladie en cette année 1919, avec une pensée particulière pour Émile QUINSON qui, prison- nier en Allemagne, n’aura même pas la force de revoir, libre, son pays et sa famille. DAUPHIN Maximilien (Tavernes 1884 — Marseille 1919)

ils de Louis, Gustave DAUPHIN et d’Émilie, Eulalie, Marie BARRÊME, son épouse, Maximi- lien, Berthin, Raoul DAUPHIN naît le 17 janvier 1884 à Tavernes (Var). Le 21 Octobre 1904, il s'engage pour 3 ans au titre du 3ème Régiment d'Infanterie (3e RI) qui tient F garnisons à HYERES et DIGNE. Soldat-Musicien a/c du 8/12/1916, il est renvoyé dans ses foyers le 12/7/1907, certificat de bonne conduite accordé, avant de faire encore deux pé- riodes d'exercices au 111e RI (ANTIBES) en 1910 ((30/11 au 22/12) et 1912 (5/11 au 21/11). L'ordre de mobilisation du 2 Août le surprend à Marseille où il travaille comme « liquoriste ». C'est donc un soldat confirmé et dans la pleine force de l'âge qui rejoint son régiment d'affec- tation, le 363e Régiment d'Infanterie à NICE.

Régiment dérivé du 163e RI donc mis sur pied par celui-ci, le 363e RI, où il retrouve entre autres quatre camarades tavernais (Léon BLANC, Félix BONNET, Gonzague ARNAUD et Augus- tin SABATIER), affectés les trois premiers au 5e Bataillon, est en mesure dès le 8 Août de re- lever le 163e RI dans ses forteresses le long de la frontière franco-italienne et d'entamer une intense période de préparation opérationnelle. Le 14 Septembre 1914, c'est un beau régiment à 2 bataillons (5e et 6e), chacun à 4 compagnies, soit 43 officiers, 2080 sous-officiers et sol- dats, qui embarque en train pour les Vosges (région de SAINT-DIE) afin de prendre sa part de la mission de la 41e Division d'Infanterie dans la vallée du RABODEAU, affluent de la MEURTHE.

Soldat-Musicien au 3e RI, Maximilien DAUPHIN a certainement été formé par le Médecin-Chef, comme ses 38 camarades de la Musique régimentaire, à l'emploi « guerre » d'auxiliaire sani- taire, le plus souvent comme « brancardier ». C'était la norme à l'époque. Ne portant pas le caducée et donc non protégés par la Convention de GENEVE, encadrés dans la Compagnie Hors Rang (CHR) par quelques infirmiers et surtout leur chef de musique, ils étaient chargés de tâches logistiques, la principale étant la relève en 1ère ligne et le transport (à dos d'homme souvent) des blessés vers les Postes de Secours (PS) de bataillon ou du Régiment (PSR) où ils recevaient un 1er pansement, préalable à leur évacuation vers l'Arrière. Si les « musiciens » étaient à l'honneur lors des cérémonies militaires, les « brancardiers » avaient en fait une tâche lourde, ingrate et périlleuse.

Du 30 Septembre 1914 au 27 avril 1915, le 363eme RI va mener une lutte intense et difficile contre un ennemi tout aussi déterminé que lui et installé en position dominante le long de la crête qui domine la rive droite du Rabodeau, à l'aval de SE- NONES (82210). Quels que soient ses efforts pour progresser le long de la crête (côte 641, où tombera le 26/11/14 son compatriote le sol- dat Léon BLANC)) ou sur ses pentes Sud et Nord (673 Roche de Vaccon), jamais le 363e RI n'arrive- ra à forcer le passage des 4-Bancs ou s'emparer de la côte 675 (Roche Mère Henry) qui dominent SE- NONES. Mieux que quiconque le soldat-musicien Maximilien DAU- PHIN et ses camarades brancar- diers, qui ont relevé et ramassé les 10 officiers et près de 350 hommes tombés, savent les difficultés qu'il leur a fallu surmonter pour les transporter, au Nord dans le ruisseau de la Ravine, vers les scieries COICHOT ou MAL- FOSSE, au sud vers LA PRELLE, avant de les évacuer vers RAON.

Relevé fin Décembre 1915, le 363e RI va prendre à la mi-Janvier 1916 le secteur du col de la CHAPELOTTE, sur la rive Nord de la Plaine, rivière qui descend du DONON.

C'est encore un secteur difficile car là aussi l'ennemi occupe les hauts, ce qui lui donne cette fois encore des facilités de vues et de tirs sur nos lignes. C'est le cas des combats du 25 Avril 1916 qui, ouverts le 24 par l'explosion d'une énorme mine qui bouleverse une partie de notre 1ère ligne sous le Haut de Faîte (cote 521), se poursuivent le 25 par une longue préparation d'artillerie (plus de 40 000 obus !) suivie d'un assaut qui nous chasse initialement de notre 1ère ligne. Ce n'est qu'en fin de journée que l'attaque peut être arrêtée et qu'après toute une nuit de lutte que le 363e RI peut retrouver l'intégralité de son dispositif. Les pertes sont importantes (3 officiers et 313 hommes dont 3 officiers et 159 hommes le seul 25 Avril. Là encore, les difficultés pour relever les blessés et les transporter au PSR (Nord-Est de PIERRE-PERCEE), déjà importantes par la nature même du terrain, se révèlent en outre particulièrement périlleuses de par la position des PS « souvent situés dans la zone battue par les feux de l'infanterie ennemie », au point que le 27 le Médecin-Chef divisionnaire doit « envoyer 15 brancardiers (supplémentaires) et deux médecins auxiliaires » pour accélérer l'évacuation des derniers blessés.

Relevé le 30 avril 1916, après une réorganisation au Camp de SAFFAIS (passage à 3 batail- lons), le 363e RI est acheminé fin Juin vers la Somme d'AMIENS. Initialement en réserve du 7e Corps d'Armée dans la région de BRAY-SUR-SOMME, il va participer, en cet été 1916, à la ba- taille de la Somme, en étant engagé au Nord de CLERY-sur-Somme (80200) les 7, 8 et 9 Août contre un ennemi solidement retranché dans les bois de HEM et de VER, puis le 3 Septembre, quelques kilomètres plus au Nord, devant MAUREPAS, contre la tranchée de TERLINE. La victoire a un coût douloureux pour le 363e RI tant les pertes sont importantes (plus du tiers de ses effectifs !). La tâche du brancardier Maximilien DAUPHIN et de ses camarades est immense, au dessus même de leurs forces au point que le 3 à 16H50 le Colonel commandant le 363e RI rend compte ainsi de la situation : « on me téléphone de la 1ère ligne qu’il y a des blessés en grand nombre. Prière envoyer des brancardiers divisionnaires à la tranchée de CELLES, les brancardiers du Corps étant tout à fait insuffisants ») . Il s'agit en effet de relever beaucoup de blessés (13 officiers et 633 hommes au Bois de HEM ; 21 officiers et 615 hommes devant Maurepas), en peu de temps (2 jours au bois de HEM ; 1 jour à Maurepas) à travers un terrain n'offrant que peu de protection et surtout si bouleversé par les tirs d'artillerie qu'il a pu être qualifié de « lunaire » tant les trous abondent ! Pour Maximilien DAUPHIN, cette bataille de la Somme portera en outre avec elle l'amertume de la disparition de deux camarades de Tavernes, Gonzague ARNAUD de la 17e Compagnie du 363e RI tombé le 9 Août lors de la re- lève au Bois de VER et Victorin MAILLE, sergent mitrailleur au 23e BCA, tombé le 15 Sep- tembre devant RANCOURT, quelques kilomètres plus au Nord.

Responsable dès la mi-janvier 1917 d'un secteur au nord de REIMS (Saint-Thierry – Villers- Franqueux), le 363e RI participe à l'offensive en CHAMPAGNE du Printemps 1917. Il y sera particulièrement malheureux par trois fois, d'abord le 4 avril où il réussit pourtant à conserver les lisières Sud-Est du Bois (du Champ) du Seigneur et la voie ferrée au sud de BERMERI- COURT (51220) ; Ensuite le 19 où, à l'attaque du même bois, il doit « après avoir gagné 400 m de terrain (arrêter ses deux bataillons de tête) décimés par le feu intense des mitrailleuses et de l'artillerie » ; enfin le 4 Mai où il repart à l'assaut de Berméricourt et doit renoncer « devant des forces supérieures et de violentes contre-attaques ». Ayant perdu en trois semaines de combats presque tous ses officiers (40) et près de la moitié de ses effectifs (919 hommes), le 363e RI aura encore une fois fait son devoir et peut-être même plus, comme le souligne le texte de la citation à l'ordre de l'Armée : « … A su le 4 Mai hausser son héroïsme jusqu'au sa- crifice ».

Pour le brancardier-musicien Maximilien DAUPHIN, ces jours et ces nuits passés à arpenter les lignes entre LOIVRE et Berméricourt pour relever et transporter tous ces blessés vers les PS marqueront la fin de son parcours militaire. Sa santé s'étant fortement dégradée, il est présen- té le 25 Septembre devant la commission de réforme de CHATEAU-THIERRY pour « mauvais état général, dyspepsie, entérite et amaigrissement ». Initialement « classé service auxiliaire apte à la zone des armées », il est dès le 14 Novembre 1917 détaché du 363e RI et affecté aux salines de BRINDOS (Pyrénées Atlantique), comme son camarade Félix BONNET.

Son état ne s'améliorant pas, il est proposé pour la « réforme n°1 avec gratification renouve- lable pour bacillose pulmonaire des deux sommets, ouverte à droite » par la Commission Spé- ciale de BAYONNE le 11 Avril 1918 et admis à la réforme n°1 avec gratification de 400 francs le 10 Octobre 1918.

Réformé le 12 Décembre 1918, il décède chez lui (44, rue de Tilsit à Marseille) le 9 Janvier 1919. HUGUES Paul

(La Verdière 1886 — Djibouti 1919) ils d'Alfred, Bienvenue HUGUES et de Célestine, Adèle AUDIBERT (née à Tavernes le 5 Avril 1857), Paul, Clovis HUGUES naît à LA VERDIERE le 8 Mai 1886 mais est recensé vingt ans plus tard, au titre de la classe 1906, à VARAGES où habite alors sa famille. F Incorporé le 7 Octobre 1907 au 27e Bataillon de Chasseurs à Pied (27e BCP) en garni- son à VILLEFRANCHE-sur-mer, il effectue son service militaire entre cette ville et MENTON d'où le 27e BCP participe à la surveillance de la frontière franco-italienne (garde des forteresses). Renvoyé dans ses foyers le 25 Septembre 1907 « certificat de bonne conduite accordé », il y retourne en 1912, du 26 Août au 17 Septembre, pour une période d'exercice. Charcutier de profession, il travaille à Marseille à partir de 1910 et embarque comme « garçon de carré » sur plusieurs navires en 1913. Rappelé, comme toute la classe 1906, par l'Ordre de Mobilisation du 2 Août 1914, il rejoint son bataillon dès le 4 Août et est affecté au bataillon-dérivé du 27e BCP, le 67e BCP/8e Compagnie. Après avoir relevé les deux compagnies du 27e BCP de garde à SOSPEL et dans la vallée de la Roya et terminé le 9 Août ses opérations de mobilisation, le 67e BCP va commencer une intense période d'entraînement dans l'arrière- pays niçois et devenir ce beau bataillon (4 compagnies et 1 sec- tion de mitrailleuses Hotchkiss) de 18 officiers, 1152 « hommes de troupe » (sous-officiers et chasseurs), 13 chevaux et 88 mulets qui embarque le 23 Août en gare de NICE à destination de Besançon et de l'Armée d'Alsace. Le 26 Août 1914 , la situation ayant profondément évoluée après nos échecs dans la bataille des frontières, le Chasseur Paul En trait plein, la situation à 12.00; HUGUES débarque à en pointillé , celle de 14.00 AMIENS (23h26) ! Son bataillon vient d'être mis, avec trois autres bataillons de chasseurs (les 47e, 63e et 64e) aux ordres du Général SORDET, qui commande un groupe de divisions de Cavalerie en charge d'assurer la liaison avec le Corps expéditionnaire britannique qui retraite avec nous depuis la Belgique. Le 28 au matin, à VILLERS-CARBONNEL, quelques kilomètres au Sud de PERONNE, le 67e BCP reçoit sa mission : « .. Relever les détachements de Cavalerie tenant les ponts de la Somme entre (les ponts de) Péronne inclus et le village de BIACHES, à l'Ouest de Péronne ... ». Cette mission défensive vise à permettre le débarquement en sûreté du 7e Corps d'Armée (7e CA), au Sud- Ouest de Péronne. La mission n'est pas simple car il s'agit de tenir deux ensembles de ponts, séparés de 4,5 km et surtout qui enjambent une très large coupure (Le canal de la Somme, la Somme avec ses méandres et ses marais). La 8e Compagnie reçoit la mission de défendre le débouché du pont de la ferme de Bazincourt, à l’extrême gauche du dispositif du bataillon. Vers 11.00, le bataillon a mis en place les obstacles jugés nécessaires. A 12.00, après avoir chassé une patrouille de Uhlans (éclaireurs allemands) qui avait pénétré dans Péronne, le Bataillon reçoit l'ordre de traverser la Somme et de s'établir sur la rive Nord-Est, la 8e Com- pagnie devant s'installer sur la croupe au Nord de HALLE.

Rapidement la situation va se détériorer. D'abord des survols par des avions qui « font des si- gnaux lumineux », puis l' observation de colonnes ennemies venant de CLERY-sur-Somme et du Nord-Est, enfin vers 14.00, l'attaque « menée vivement par une infanterie soutenue par des mitrailleuses et de l'artillerie ». Vers 16.00, l'ordre est donné de se replier sur la rive gauche, ce que les trois compagnies à l'Est réussissent, avec des pertes. Mais pour la 8e Com- pagnie, c'est déjà trop tard ! Sa section qui gardait le pont a été emportée, les 3 autres sec- tions ont bien essayé de rejoindre Péronne mais elles sont tombées sur des forces trop impor- tantes, le capitaine est mort en donnant « l'ordre de charger (à la baïonnette) pour se déga- ger.. ». Vers 17.00, le Bataillon est revenu sur la rive gauche. Vers 19.00, il va commencer son repli vers BARLEUX…Le lendemain matin, il ne comptera plus que 616 hommes présents ! De la 8e Compagnie, « seuls 80 hommes (sur 240) ont réussi à rejoindre le bataillon en se jetant dans la Somme ou dans les marais » ! Malheureusement le Chasseur Paul HUGUES est du nombre des disparus. Il a été fait prisonnier et transféré en Allemagne.

On ne sait rien de précis sur le séjour en captivité du Chasseur Paul HUGUES si ce n'est qu'il est interné au camp de SENNE, grand camp de prisonniers de guerre, situé au Sud-Est de MÜNSTER, en Westphalie. Très vraisemblablement, ses conditions de vie ont dû être très rudes, en particulier au début. Dans le camp voisin de Münster, les premiers prisonniers ont dû au début coucher à la belle étoile, puis sous des tentes, le temps de construire eux-mêmes les baraquements en bois qui les ont ensuite abrités (Janvier 1915 !). Rien en effet n'était prévu pour accueillir tant de prisonniers car la guerre devait être .. courte !

L'électricité est rare, les sanitaires (douches ou latrines) souvent embryonnaires, les soins mé- dicaux sur place très limités, la nourriture comptée (comme d'ailleurs pour la population alle- mande qui connaît très tôt le rationnement), la discipline rude et très dépendante de la per- sonnalité du chef de camp, le travail obligatoire, soit dans le cadre traditionnel des corvées au Camp, soit dans le cadre des « Kommandos » : Ce dernier travail en « détachements exté- rieurs » de volume très variable est généralement très apprécié dans les fermes, beaucoup moins dans les marais à assécher, les mines ou l'industrie), etc. En 1916, une délégation de la Croix Rouge espagnole visite le camp de Senne et recense 3161 prisonniers dont 2665 français au camp principal et 7550 prisonniers répartis dans les « Kommandos » dont 5516 français. Elle se plaint aussi de ses difficultés pour entrer en contact avec les autorités du camp !

On ne sait pas non plus comment il est rentré (parfois, des prisonniers sont rentrés à pied !), ni par quel itinéraire ou moyen mais il est sûr que les conditions de son retour ont dû être dif- ficiles tant l'Allemagne vit en cette fin d'année 1918 une période politique très agitée. Il arrive enfin en France à DUNKERQUE le 24 Décembre 1918 et dès le 3 Janvier 1919 il est à Marseille, siège du 15e Corps d'armée duquel il obtient une permission de 60 jours, du 3 Janvier au 6 Mars 1919. Le 8 Mars 1919, il est muté administrativement au 141e Régiment d'Infanterie (à Marseille) et démobilisé le 15 Mars 1919, déclarant « se retirer à Marseille, chemin de Saint Jérôme ».

Le 23 Mai 1919, il déclare habiter « 62, Boulevard de la Madeleine, à Marseille » et embarque sur « Le SPHYNX », navire de la Compagnie de Navigation Mixte sur lequel … il décède en rade de DJIBOUTI le 6 Juin 1919. PHILIBERT Henri

(Saint-André-les-Alpes 1891 — Barjols 1919)

ils de Jean-Baptiste, Léonard PHILIBERT et de Rose Marie BRUCCO, Henri, Victor, Bap- tistin PHILIBERT naît à Saint-André-les-Alpes (Alpes de haute Provence) le 28 Juillet 1891. En Octobre 1912, résidant alors à Tavernes avec ses parents, charretier comme F son père, il est appelé pour servir sous les drapeaux au sein du 55e Régiment d'Artille- rie de Campagne (55e RAC) en garnison à ORANGE. Deux ans plus tard, c'est donc un canon- nier confirmé qui apprend dans son régiment la déclaration de guerre et l'ordre de mobilisation générale. Après cinq jours d'intense préparation, c'est un beau régiment de plus de 2000 hommes et 500 chevaux qui embarque en chemin de fer pour la Lorraine. Articulé en 3 Groupes, chacun avec 3 Batteries de 4 pièces, le 55e RAC met en œuvre 36 canons de 75 mm et constitue l'artillerie de la 29e Division d'Infanterie. Il débarque le 7 à VEZELISE (Sud NANCY) et rejoint immédiatement le lieu de concentration de la Division (29e DI) puis du 15e Corps d'armée (15e CA), au sein duquel il doit attaquer en direction de MORHANGE. Le 12 Août 1914, les 1er et 3e Groupes connaissent le baptême du feu devant MONCOURT et l'enfer devant DIEUZE. L'Historique Régimentaire raconte ainsi la suite : « Le 18, nous trouve en batterie au Nord-Est de DIEUZE. Derrière nous, les étangs de LINDRE, devant nous les pentes boisées de BENESTROFF … Notre infanterie débouchant de BIDESTROFF est arrêtée par l'ennemi qui a ajouté aux défenses naturelles une organisation puissante. Des tranchées bétonnées et une formidable artillerie le protègent. Les attaques (de notre infanterie) sont bri- sées par des feux nourris de mitrailleuses et pendant toute la journée du 18, les batteries du Régiment qui tirent sur ordre et ne voient rien sont contrebattues par des obusiers de 105 et de 150 mm, placés hors de portée pour être neutralisés ». Durant la retraite vers la Meurthe de BLAINVILLE, le canonnier Henri PHILIBERT et ses camarades vont appuyer les unités d'infanterie en repli au plus près, comme sur les hauteurs de FRESCATI (N-O LUNEVILLE), d'où elles parviennent à arrêter l'infanterie allemande, permettant ainsi à la 29e DI de traverser la forêt de VITRIMONT et la MEURTHE. A marches forcées (150 km en 4 nuits !), le Canonnier PHILIBERT et ses camarades du 55e RAC vont devoir rejoindre BAR-LE- DUC pour participer à la bataille de la MARNE. La mission de la 29eDI est de s'emparer du village de VASSINCOURT (55800), « village assis sur les der- nières hauteurs qui protègent (au Sud les accès à) la vallée de l' ORNAIN, le canal de la Marne au Rhin et la ligne de chemin de fer PARIS-NANCY ». Le combat est rude mais victorieux, « la 5e Batterie a une grande part dans le succès. Appuyant de près les troupes d'attaque et tirant à courte distance, elle remplit de cadavres les tranchées ennemies ». La poursuite commence alors, « dans un état de fatigue extrême tant pour les hommes que pour les chevaux ». Le contact est repris le 15 Sep- tembre, sur la rive gauche de la MEUSE, à hauteur de VER- DUN « avec un ennemi, déjà re- tranché et qui nous surveille du haut de MONTFAUCON-en- Argonne ». Malgré l'appui de l'artil- lerie des forts de Verdun, le Bois des FORGES ne peut être emporté. Après cet échec, dès la mi Octobre, les positions respectives vont alors se figer, l'ennemi occupant des po- sitions souvent dominantes dans le bois de CHEPPY, la Forêt de MONTFAUCON, le Bois de MALANCOURT, les bois de CUISY et celui des Forges ; le 55e RAC ayant quant à lui ses batteries déployés en lisière Nord de la Fo- rêt de HESSE et la côte 304 (Ouest Mort-Homme). A part quelques duels d'artillerie, limités ini- tialement par la faiblesse des deux artilleries en munitions, le secteur restera plutôt calme du- rant l'année 1915, et les efforts de tous porteront sur l'amélioration des positions de combat et des conditions de vie. Mais si le 21 Février 1916 à 07 h 45, personne ne sait que le matraquage terrible de l'en- semble de nos 1ères lignes entre l'Argonne et la WÖEVRE va encore durer 6 jours et 6 nuits et tout écraser, personne ne doute au 55e RAC de nos capacités de riposte et de résistance. Très rapidement, la réponse des artilleurs s'organise, les communications sont rétablies et l'approvi- sionnement des pièces maintenu. Aussi le 8 Mars 1916, lorsque l'infanterie allemande s'avance vers BETHINCOURT, les servants des pièces de la côte 304, quoique « encadrés par un tir d'ef- ficacité à obus explosifs percutants que panachent des salves fusantes à bonne hauteur, ne perdent rien de leur ardeur … tous les blessés restent à leurs pièces et n'hésitent pas à conti- nuer le feu à découvert … permettant ainsi à notre infanterie d'arrêter l'assaillant au bord du Ruisseau de Forges ». Même réaction le 21, jour où le bombardement ennemi dépasse en volume tous les précé- dents et où « la 8e Batterie reçoit 1000 obus de 210 mm en l'espace d'une heure ». Quand, confiante dans l'efficacité de sa préparation d'artillerie, l'infanterie allemande débouche du coin Sud-Est du Bois de MALINCOURT, les pièces du 55e RAC « se réveillent en furie, les rafales tombent serrées en avant de nos 1ères lignes et fauchent implacablement les vagues d'assaut qui, décimées, ne peuvent plus aborder une infanterie bien résolue ». Le 23 Mars, après plus d'un mois de combats, c'est la relève et .. les récompenses, comme cette citation à l'ordre de la 2e Armée pour les 1ere, 3e, 7e,8e et 9e batteries : « Soumises pendant plus d'un mois à un bombardement ininterrompu et d'une violence inouïe qui leur a fait perdre la moitié de leur personnel et dix canons, .. N'ont pas hésité dans les moments cri- tiques à sortir les pièces de leurs casemates pour augmenter leur champ de tir ». Début Avril 1916, la 29e DI est désignée pour prendre la responsabilité du secteur de NIEU- PORT, en Belgique. Le Canonnier Henri PHILIBERT a dû être surpris par ce paysage si différent de sa PROVENCE ou de Verdun, secteur verdoyant, calme, plat où seuls quelques duels d'artil- lerie animent ponctuellement les journées. Relevé à la mi-Octobre, le 55e RAC passe quelques jours au camp de CREVECOEUR avant de déployer, à partir du 6 Novembre, ses batteries aux li- sières des villages d' ESTREES et de BELLOY-en- SANTERRE. Outre le froid et le vent, notre compatriote va être confronté à la boue de la Somme : « Voitures, cavaliers, piétons doivent emprun- ter les pistes tracées pour desser- vir toutes les batteries .. horribles pistes où les attelages, enlisés jus- qu'aux genoux, tirent des voitures qui tous les 100 m s'enlisent jus- qu'aux moyeux, où 10 chevaux sont nécessaires pour traîner un tonneau d'eau.. ». Reportée plu- sieurs fois, début Janvier 1917, l'attaque est annulée et le 55e RAC retourne dans les Flandres, dans son ancien secteur de NIEUPORT !

Si la boue n'est plus là, la neige, la brume et surtout le froid (- 17°) vont être le lot quotidien de notre compatriote durant cet hiver 1917, tout comme les duels d'artillerie et les alertes au gaz. C'est le cas le 23 Avril 1917 où l'ennemi fait précéder son attaque d'infanterie de trois tirs de gaz toxique (ypérite), obligeant ainsi les servants des pièces à porter le masque pendant plus de 4 heures ! Relevé le 25 avril par des unités britanniques, le 55e RAC va maintenant se préparer à la grande offensive dans les Flandres.

Dans ce pays plat, où l'eau et l'observation par l'ennemi sont partout présentes, il convient de soigner particulièrement le choix des positions de tir et la solidité des chemins d'approvisionne- ment en munitions. C'est à ces travaux que va s'atteler le 55e RAC dès le début Juillet 1917. Le 23 commence la préparation d'artillerie. Le 31 Juillet, à 3 H 50, le 55e RAC déclenche le barrage roulant derrière lequel vont attaquer les fantassins: Pendant 5 heures, les officiers de tir vont faire déplacer le tir toutes les minutes, les pointeurs surveiller leurs réglages, les ti- reurs ouvrir et fermer les culasses, les chargeurs introduire les cartouches et les pourvoyeurs puiser dans les abris à munitions, tout cela sous le feu de contrebatterie ennemi et de ses obus toxiques ! Dès 10.00, l'attaque est un succès mais le mauvais temps s'en mêle et les bat- teries déployées le long des digues du canal de l' Yser ne peuvent se redéployer au-delà. Une nouvelle attaque conduite du 12 au 16 Août aura plus de succès, avant que le Régiment, dure- ment éprouvé par un mois d'engagement, ne soit relevé et retourne à GUEMPS (région de Ca- lais). Notre compatriote, le canonnier Henri PHILIBERT quitte là le 55e RAC : Condamné à une peine de trois mois de prison avec sursis le 11 Août 1917 par le Conseil de Guerre de l'AD29, il a été muté a/c du 28 Août 1917 au 15e Régiment d'Artillerie de Campagne (15e RAC). Le 15e RAC est le régiment d'artillerie de la 1ere Division d'Infanterie qui, fin juillet, tient un secteur au Nord de la 29e DI. Composée au moins initialement de « gars du Nord », cette Divi- sion vient de s'emparer de BIKSCHOTE. Durant Septembre et Octobre, notre compatriote va découvrir son nouvel environnement et participer à l'appui des offensives du 22 et du 26 qui permettent d'atteindre SAINT JANSBEEK. Mais déjà « l'hiver arrive, la pluie rend les transports impossibles, les chevaux s'enlisent ; les opérations ralentissent ; les attaques cessent ». Début Décembre, la 1ere DI quitte la Belgique et après quelques jours de repos vers LIZY -sur - OURCQ, prend en charge un secteur vers la Forêt de VAUCLERC et le PLOYON (18 Janvier – 9 Mars 1918). Le 23 Mars 1918, au moment de la 2e grande attaque allemande du Printemps 1918 qui perce à hauteur de SAINT-QUENTIN, le 15e RAC est engagé en urgence devant NOYON pour inter- dire aux Allemands de franchir l' OISE. Avec des « hardis observateurs sur les clochers de SEMPIGNY et de PONTOISE-sur-Oise » pour guider ses tirs et ses batteries déployées sur les hauteurs du Mont de CHOISY (CUTS. 60400) et les lisières de la Forêt d' OURSCAMP, le 15e RAC va disputer ardemment aux Allemands le Mont Renaud et réussir sa mission. Preuve de l'acharnement de la bataille, le canonnier Henri PHILIBERT et ses camarades du « 15e RAC tireront plus de 12000 obus dans la journée du 27 Mars » ! Relevé le 13 Mai pour prendre quelques jours de repos dans la forêt de COMPIEGNE, le 15e RAC est de nouveau engagé en urgence contre un ennemi qui vient de percer sur le Chemin des Dames et menace SOISSONS. Ayant pris le contact dès le 27 Mai sur les plateaux autour de SERCHES (02220), le 15e RAC va s'appliquer à appuyer au plus près les unités d'infanterie en repli, quelquefois même, comme le 2e Groupe le 28 en quittant « ses positions alors qu'il est en avant de notre ligne d'infanterie et sous le feu des mitrailleuses allemandes ». Le 31, des lisières Est de la forêt de VILLERS-COTTERETS, ses batteries disputent pied à pied , « en liaison intime avec le 168 RI les passages de la SAVIERES ». Le 3 Juin, le régiment avait perdu 7 officiers et 143 hommes mais fermé la route de Paris ! Au matin du 18 Juillet, on peut facilement imaginer la joie du canonnier Henri PHILIBERT ap- puyant de ses positions de LONGPONT et de la Ferme CHAVIGNY le débouché de l'Armée MANGIN qui contre-attaque victorieusement le flanc droit de la percée allemande, puis celle de voir son régiment « pénétrer avec son infanterie sur une profondeur de plus de 8 km à l'inté- rieur des lignes allemandes » (3e Citation à l'ordre de l'armée) ! Relevé le 3 Août, après 73 jours de bataille, le 15e RAC embarque en train fin Août pour prendre un secteur en Alsace, dans la région de THANN et aider à la formation des artilleurs de la 6e Division américaine, avant d'aller, après la victoire, occuper un temps le Palatinat (5 mois). Notre compatriote, le canonnier Henri PHILIBERT ne connaîtra qu'une partie de ce final triom- phant : Atteint de tuberculose pulmonaire, il sera réformé « avec gratification » à compter du 9 Mars 1919. Rayé des contrôles du Corps le 25 Mars, il décède le 22 Octobre 1919 à BAR- JOLS où il avait déclaré se retirer. QUINSON Émile

(Tavernes 1894 — Chemnitz (All) 1919)

ils de Marius, Clément QUINSON et d'Alexandrine, Marie, Scolastique BLANC, son épouse, Émile, Paul Marius QUINSON naît le 18 Janvier 1894 à Tavernes. Cultivateur comme son père, il est en attente d'appel de la classe 1914 quand est affiché l'ordre de F mobilisation du 2 Août. Le 6 Septembre 1914, il rejoint à ce titre ORANGE, garnison du 55eme Régiment d'Artillerie de Campagne (55e RAC) auquel il vient d'être affecté. Le Canon- nier Émile QUINSON commence aussitôt sa formation initiale (la phase « école du soldat ») mais celle-ci est brusquement interrompue le 13 Octobre par une mutation au 141eme Régi- ment d'Infanterie: Devant les pertes importantes des régiments d'Infanterie en ce début de guerre, l'État-Major a dû procéder à une nouvelle répartition de la classe 1914. Au dépôt du 141e RI, à MARSEILLE (caserne du MUY), le soldat Émile QUINSON va poursuivre sa formation (« école de section, de peloton, de compagnie ») pendant 2 à 3 mois pour deve- nir un vrai fantassin, « apte à entrer en campagne ». Malgré les besoins pressants en effectifs des régiments d'Infanterie, on peut raisonnablement penser qu'il n'a pas dû rejoindre la zone des combats de la 3ème Armée, sur la rive gauche de la Meuse de VERDUN, avant Février 1915, moment où le 141e RI (29e Division d'Infanterie/15e Corps d'Armée) est engagé dans des secteurs difficiles devant AVOCOURT,voire plus à l'Ouest, au Sud de VAUQUOIS-EN- ARGONNE (secteur du Mamelon Blanc). Le 28 Janvier 1915, il est en effet désigné par le Géné- ral Commandant la 15e Région Militaire pour servir, à compter du 5 Février , au sein du .. 58e RI (30e DI/15e CA). Le 58e RI est, à cette date, engagé quelques kilomètres plus à l'Est, sur la même ligne de crête (Bois des Corbeaux, le Mort-Homme, Côte 304), dans le même genre de combats que le 141e RI mais il dispose depuis Novembre 1914, plus en arrière, d'un « Bataillon de marche » qui termine les travaux d'aménagement d'un « Centre de Résistance » à RUPT-devant-Saint- Mihiel , sur la rive gauche de la Meuse. C'est ce bataillon que le soldat Émile QUINSON, comme toutes les recrues arrivant des dépôts régimentaires, a dû rejoindre (début Janvier 1915 ?). Outre le fait de ne pas distraire de leur mission première des combattants confirmés, cette solution avait, entre autres avantages, celui de permettre aux jeunes recrues de s'aguer- rir rapidement à travers des missions ponctuelles (travaux en 2e ligne, prises d'armes, ramas- sage et inhumation des morts, etc..), de découvrir ainsi petit à petit les exigences et la rigueur de leur mission tout en étant, tout aussi rapidement, à la disposition du Commandement en cas de besoins urgents. Ce séjour au « bataillon de marche du 58e RI » se termine le 23 Mars 1915, jour où cette structure est dissoute, les cadres affectés à la gare régulatrice de TROYES (4e Armée), les soldats remis à la disposition du Général commandant la 30e DI. Pour le soldat Émile QUINSON, la destination de cette nouvelle mutation est le ... 76e Régiment d'Infanterie (76e RI), un des 4 régiments d'active de la 10e DI ! Depuis le début Février 1915, celui-ci est engagé dans des combats acharnés et sanglants pour conquérir le village de VAUQUOIS-en-Argonne (55270) qui, de sa position dominante, donne des vues sur CLERMONT-en-Argonne et notre ligne de chemin de fer vers Verdun. Dé- but avril 1915, après trois assauts et « l 'appui d'un train blindé armé d'un obusier de 270 mm » , le 76e RI a réussi à conquérir presque la totalité du village. Mais bien appuyés par leur artillerie tirant à partir des forêts de CHEPPY à l'Est et de Haute Chevauchée à l'Ouest, les Alle- mands ont pu conserver la possession du cimetière et de ses abris bétonnés, de la tranchée en V et des pentes Nord de la butte. Pendant deux mois, Émile QUINSON va connaître cette vie de secteur si caractéristique avec ses séjours de 4 jours dans les tranchées de 1ere ligne ou en repos à l'arrière dans des fermes, la tension des patrouilles lancées de nuit à la recherche du renseignement, la brutalité des affrontements souvent à la grenade tant les lignes sont ici proches, les bombardements soudains quand il s'agit de perturber le travail défensif ou offensif de l'ennemi, surtout la pres- sion mise sur chacun par la guerre des mines quand on entend creuser et qu'on ne sait pas quand et où surviendra l'explosion qui peut tout bouleverser. Le 6 Juin, Émile QUINSON devait certainement être prêt à un dernier effort pour s'emparer de la totalité de la butte de Vauquois mais l'assaut fût un échec, les lance-flammes mis en place par les pompiers de Paris n'ayant pas eu le rendement escompté et provoquant même un grave accident (45 soldats brûlés).

Relevé le lendemain, le 76e RI quitte la 10e DI et retourne, dans le cadre de la 125e DI, sur un terrain qu'il connaît bien pour y avoir servi l'Automne précédent, le plateau de BOLANTE, dans la forêt domaniale de Haute Chevauchée, quelques kilomètres au Nord-Ouest de Cler- mont-en-Argonne. Le secteur confié au 76e RI, à gauche du dispositif de la 125e DI, borde la vallée de la BIESME. C'est un secteur beaucoup plus calme que celui de Vauquois, avec un rythme de 6 jours en 1ère ligne, ses canonnades et ses fusillades mais sans l'intensité de ce dernier, avec cependant des tran- chées qui mordent difficile- ment sur les contreforts Sud du plateau de BO- LANTE (200-250 m). Début Juillet, une activité plus grande de l'artillerie alle- mande avait fait penser à un réglage d'artillerie et une alerte aux postes de com- bat avait été prise le 12.

Mais le 13 Juillet, vers 4 H du matin, c'est une véri- table préparation d'artillerie qui commence. Accompa- gnée de nombreux obus lacrymogènes face auxquels Émile QUINSON et ses ca- marades ne sont ni préparés, ni bien équipés pour résister, elle durera 7 heures, bouleversant nos défenses de 1ère ligne et coupant nos liaisons téléphoniques. Quand l'attaque commence à 11.00 nos premières lignes sont rapidement submergées, surtout sur notre droite (zone du 91e RI) où l'ennemi fait son effort: Celui-ci doit abandonner sa 1ere ligne et se replier sur la crête de la Fille; Le 76e RI peut conserver ses positions de la Demi-lune et de la Corniche mais doit suivre le repli du 76e RI car « .. enveloppées par leur droite, hébétées par les gaz, affo- lées par les jets de pétrole en feu, (les 6 compagnies du 76e RI ) sont rejetées sur les ou- vrages 13, 14 et 15 ». L'engagement rapide des réserves et un fort appui de l'Artillerie permet- tent toutefois de rétablir les liaisons entre les sous-secteurs en fin de journée. Si les pertes en terrain sont quasiment nulles à gauche et limitées à droite (~400 m), les pertes en hommes sont terribles tant la lutte a été acharnée : « près de 4000 hommes, c'est-à -dire près du tiers de l'infanterie » (de la Division) ! Le 91e RI, sur l'axe d'effort ennemi, perdra 1557 hommes dont 1155 disparus ! Le 76e RI, moins exposé sur la gauche du dispositif divi- sionnaire, perdra pourtant ce jour-là 850 hommes dont 695 disparus. Parmi eux, 10 offi- ciers et notre compatriote le soldat Émile QUINSON !

Un avis du 76e RI en date du 27 Août 1915 nous apprend que, transféré en Allemagne comme prisonnier, il est interné à KÖNIGSBRÜCK, dans les environs de DRESDE, en SAXE. On ne sait rien d'autre de ses activités durant les années 1916, 1917 et 1918. On sait seulement qu' il meurt le 1er Janvier 1919 à EBERSDORF, petite localité en périphérie Nord-Est de CHEMNITZ (Saxe) « des suites d'une maladie contractée en captivité ». ANNEXES

1. La Mobilisation 2. L’organisation générale des forces 3. La guerre de positions 4. La guerre des gaz 5. Le soutien Santé du combattant 6. Quelques changements (organisation, équipements, tactiques, etc.) 7. Proclamations du Général GOURAUD en 1918 8. Quelques chiffres 9. Livre d’Or : états des travaux en 1929 Annexe 1 : La Mobilisation

epuis la défaite de l'armée de métier en 1870, la France avait choisi de retourner à la solution de l'armée de conscription pour obtenir les effectifs qu'une guerre moderne demandait. En Août 1914, le recrutement de cette armée est fondé sur les principes D suivants.  Le service militaire est dû par tous les français mâles entre 21 et 48 ans ;  Le recrutement est local, chacune des 21 régions militaires devant mettre sur pied un Corps d'Armée.

Le modèle d'organisation est, dans ses grandes lignes, le suivant :  Recensement des recrues l'année de leurs 20 ans, généralement à l’automne ;  Incorporation l'année suivante, année de leurs 21 ans ;  Service dans l'armée active de 3 ans (depuis la loi BARTHOU de 1913), puis transfert dans sa Réserve pendant 11 ans. Durant cette période, le réserviste devra effectuer 2 pé- riodes d'exercices de 4 semaines ;  Service dans l'armée territoriale de 7 ans (entre 34 et 41 ans), puis dans sa Réserve (pendant 7 ans). Une seule période d'exercice est alors prévue. En 1914, la Territoriale ac- cueillera les classes 1899 à 1893, sa Réserve les classes 1892 à 1885 !

Ce modèle a pour conséquence première de donner une importance cruciale à une phase préli- minaire aux combats, la mobilisation. Il s'agit en effet, en quelques jours, de mettre sur pied des forces nombreuses (près de 4 millions d'hommes), initialement dispersées sur tout le terri- toire national, puis de les acheminer vers la frontière Nord-Est, en temps et en lieux voulus afin de les concentrer en Division, Corps d'armée et Armées ! Ce défi, c'est celui du plan de mobili- sation mis sur pied par le Haut-commandement. En 1914, l'objectif sera parfaitement atteint !

Lorsque le 1er Août, paraissent les premières affiches annonçant la mobilisation générale, à 16.00 à Paris, vers 17.00 dans les départements où bien souvent ce sont le tocsin ou le tam- bour municipal qui annoncent cet événement, les hommes en âge de porter les armes savent ce qu'ils doivent faire tant tout a été soigneusement préparé. Ils savent tous qu'ils ont, par exemple, dans leur livret militaire un fascicule de mobilisation qui leur indique quel régiment ils doivent rejoindre et qu'un billet de train est disponible si nécessaire. Les réservistes des 3 classes les plus jeunes (classes 1910, 1909 et 1908) savent qu'ils doivent rejoindre leur Corps dès le 2ème jour de la mobilisation car ils doivent compléter les effectifs du Corps d'active (classes 1911, 1912 et 1913) au plus vite pour lui permettre de rejoindre la frontière dans les délais impartis, etc.

Si on prend l'exemple de l'Infanterie, où serviront tant de nos concitoyens, l'arrivée dès le 2e jour de ces jeunes réservistes permet au dépôt régimentaire de compléter les 3 bataillons à 4 compagnies, faisant passer les effectifs du Corps d'active de 2000 à plus de 3200 hommes, son effectif « guerre » ! Le dépôt va ensuite mettre sur pied, avec les autres réservistes (classes 1907, 1906,1905, 1904, 1903, 1902, 1901 et 1900), un nouveau régiment à 2 bataillons (5e et 6e) dit « régiment dérivé ». Ce régiment, commandé par le Lieutenant-Colonel second du régi- ment d'active, assisté de quelques cadres, portera le même n° que le régiment d'active aug- menté de 200 (dans les bataillons de Chasseurs, le n° sera augmenté de 40) : Il en sera ainsi pour certains de nos concitoyens appelés, les plus jeunes à rejoindre le 163e Régiment d'Infanterie (Corps d'active) ou les plus anciens le 363e RI. Ils se rendront tous à NICE, seule la date de leur arrivée aura changé ! Idem pour ceux appelés à servir au 27e ou au 67e Batail- lon de Chasseurs Alpins à MENTON ! Poursuivant sa mission, le dépôt régimentaire va ensuite mettre sur pied un régiment territorial et de petites formations spécialisées comme des postes de garde des voies de communications, de gare, d’écluses, etc. Normalement ces unités n’ont pas vocation à être engagées directement dans les combats de l’armée d’active et de sa ré- serve. Les autres armes (Cavalerie, Artillerie, Génie) adapteront ce système à leurs spécificités ( 2 escadrons supplémentaires par régiment de Cavalerie, augmentation du nombre des groupes dans l'artillerie ou de nouvelles compagnies dans le Génie). Au bilan, en 15 jours, les 820 000 hommes de l'armée d'active issue de la loi des 3 ans, seront renforcés par 2 000 000 hommes de la Réserve et de la Territoriale (la Réserve de la Territoriale ne sera pas initialement appe- lée) ! La France aura à ce moment-là 22 corps d'armées , dont le 15e CA où servent tant de nos concitoyens, à opposer aux forces allemandes qui s'avancent.

Mais la mobilisation, c'est aussi une prouesse technique pour les Services chargés d'équiper tous ces hommes (paquetage, armement, campement, etc..), de mettre en place un système de Santé ou de les approvisionner en vivres et munitions. C'est aussi un pari réussi sur la capacité de notre réseau ferroviaire à acheminer ces forces vers les lieux de concentration des Grandes Unités (Division, Corps d'Armée, Armées) : une réquisition totale du réseau des compagnies privées de l'époque, 4035 trains circulant sur 10 lignes prédéfinies par la planification militaire seront nécessaires !

La mobilisation, c'est aussi un énorme choc économique et sociétal. En prélevant 4 millions d'hommes durant ces 6 premiers mois (près de 20% des hommes valides !) et plus de 160 000 chevaux, la mobilisation a donné un violent coup d'arrêt à l'économie française : la plus touchée est l'agriculture où les moissons ne sont pas terminées et les vendanges toutes à faire ; La presse a perdu beaucoup de ses ouvriers spécialistes, le trafic ferroviaire est quasi- ment interrompu, la convertibilité du franc-or est suspendue, tout comme l'ajournement des loyers, etc .. Par contre une place s'ouvre pour les femmes qui vont devoir remplacer les hommes partis à la guerre (au total, plus de 8 000 000 hommes entre Août 1914 et Janvier 1919).

La mobilisation, c'est surtout un grand test de la cohésion nationale. Pas de manifestations, peu d'insoumis (1,5% alors que les autorités en attendaient près de 13% !), plutôt de la sur- prise et de la tristesse au son du tocsin ou du tambour annonçant la mobilisation générale , puis rapidement un sentiment de ferme résolution de faire leur devoir chez ces hommes qui s’apprêtent à partir pour la guerre. Les scènes d'enthousiasme au départ des gares ne vien- dront qu'ensuite. Il en est de même dans la classe politique. L'assassinat de JAURES ne dé- clenche pas d'émeute et l'Union Sacrée est la règle.

On ne sait rien sur ces réactions à Tavernes. Si on extrapole l'impact de cette phase si cruciale de la guerre sur l'économie nationale, on peut penser qu'un village aussi agricole que le notre a dû subir un terrible coup d'arrêt en voyant partir, en quelques jours, plus d'une centaine d'hommes, principalement sa force vive (Recensement de 1911 : 672 habitants dont 181 dans la tranche « 20 à 39 ans » et 172 dans la tranche « 40 à 59 ans »). Si la moitié était des hommes, …). Annexe 2 : Organisation générale des forces en 1914

'ordre de mobilisation du 2 Août 1914 qui a touché 25 classes d'âge (de 1896 à 1914) a profondément changé le volume des forces que la France va engager contre l'Allemagne. L'armée française qui le 18 Août termine son déploiement sur la frontière franco- L allemande n'est plus celle du temps de paix ( 3 contingents, soit environ 700 000 hommes). C'est maintenant une force de près de 3 500 000 hommes, du même ordre que celle qu'engagent les Allemands ! Les effectifs supplémentaires apportés par la mobilisation ont per- mis de mettre sur pied de guerre 47 divisions d'Infanterie d'active (DI), 26 divisions d'Infante- rie de réserve (DR) et 10 divisions de cavalerie (DC). L'emploi de ces divisions est prévu au sein des 21 Corps d'Armée (CA), mis sur pied par les 21 régions militaires (RM) de notre orga- nisation militaire territoriale. Ces 21 corps d'armée sont eux mêmes regroupés en 5 Armées, déployées de l'Alsace aux Ardennes. En fonction de son rôle dans le cadre du plan XVII, cha- cune de ces Armées a sous son commandement un nombre variable de corps d'armée et de divisions, d'active ou de réserve.

Ainsi, la 2e Armée (Général de CASTELNAU), est forte de 5 CA (soit 10 DI), de 2 DC et de 3 DR (2e Groupe de Divisions de Réserve). C'est une force de plus de 9000 officiers et 300 000 hommes (plus de 100 000 chevaux !) mettant en œuvre près de 200 batteries d'artillerie dont 17 d’artillerie lourde, 178 bataillons d’infanterie et 76 escadrons de cavalerie , etc. C'est la prin- cipale force qu'engage la France et c'est normal car elle a reçu une mission majeure : attaquer en Lorraine, en direction de MORHANGE , la SARRE et la trouée de SAVERNE !

Parmi les 5 CA, il en est un qui nous intéresse directement, c'est le 15e CA. Le 15e Corps d'Ar- mée (15e CA) est le Corps dit des « Provençaux » car il est en effet mis sur pied par la 15e Ré- gion Militaire (RM) dont le siège est à .. Marseille ! A noter que les limites de celle-ci sont diffé- rentes de celle de l'actuelle région PACA : La 15e RM inclut en effet la Corse, l'Ardèche et le Gard mais il faut en retirer les Alpes de Haute-Provence (rattachées à la 14e RM, dont le siège est à Grenoble).

Outre un Quartier-Général, on y trouve 2 Divisions d'Infanterie, les 29e et 30e Divisions et des éléments non endivisionnés (ENE), soit ~40 000 hommes et 16 000 chevaux.

On remarquera que l'expression « recrutement local » n'est pas un vain mot . Dans leur très grande majorité, nos concitoyens vont faire leur service militaire et ses périodes d'exercices dans la région. Au moins initialement, ils se retrouveront donc souvent plusieurs du village ou des villages voisins dans leur régiment d'affectation.

Forte d'environ 400 officiers et 16000 « hommes de troupe » (sous-officiers et soldats) dont la très grande majorité sont des fantassins équipés du fusil Lebel (8 mm), la division d'infante- rie est la structure de base de l'armée française en 1914 . Elle est composée de 2 états- majors de brigade commandant chacun 2 régiments d'infanterie, quelquefois un régiment de Réserve ou un bataillon de chasseurs lui est aussi affecté. Au combat, elle est renforcée par des moyens de l'Artillerie, de la Cavalerie et du Génie qui, au départ, font partie des « Éléments non endivisionnés » (ENE) du Corps d'Armée. Elle bénéficie du soutien logistique du Corps d'armée (ravitaillement en vivres, évacuation des blessés, administration).

Le régiment d'Infanterie est le pion de base de la manœuvre tactique. De son PC , au sein de la CHR (Compagnie Hors Rang : Santé, liaisons télégraphiques, ... ), le Colonel conduit le combat de ses 3 bataillons (~1000 hommes), chacun à 4 compagnies (~240 hommes) et au moins initialement une section de mitrailleuses ( 2 Hotchkiss ou Saint- Etienne). Fort de ses 60 officiers et 3200 « hommes de troupe », il assure en outre par son organisation en profondeur (trains de combats n° 1 et 2) la continuité du soutien logistique de proximité. Commandé par un Lieutenant-Colonel, le Bataillon de Chasseurs à Pied (BCAP) est quant à lui une structure intermédiaire, plus légère (~1500 hommes en 6 compagnies), mieux adaptée aux terrains difficiles (montagne en particulier) ou aux missions d'avant-garde /flanc-garde.

L'appui feu de la DI, c'est d'abord celui que lui fournit son régiment d'artillerie de cam- pagne (RAC) : Articulé en 3 Groupes de 3 Batteries de 4 pièces, le RAC met en œuvre 36 ca- nons de 75mm. Pour la guerre de mouvement et les combats de rencontre, c'est sans conteste le meilleur canon de campagne ! Pour la guerre de position, il est plus limité, son tir tendu se prêtant mal au traitement des objectifs enterrés et à la destruction des réseaux de barbelés. La DI peut en outre bénéficier de renforcements venant du CA (1 RAC à 4 Groupes de 3 Batte- ries de 4 pièces) voire de l'Armée (pièces d'artillerie lourde de 120 mm).

L'appui Génie est assuré par une compagnie du régiment du Génie de la Région (ici le 7e Régiment du Génie à Avignon). En ayant multiplié ses compagnies à la mobilisation, ce régi- ment, qui est toujours à Avignon, met à la disposition du CA un certain nombre de bataillons et compagnies, au moins une compagnie par division, le reliquat étant conservé au niveau du CA pour marquer son effort là où il le juge utile. Avec le développement de la guerre de position, le Génie va voir son rôle s’accroître très fortement (aménagements des positions défensives, hébergements des troupes, guerre des mines, développement des réseaux de transmissions (l'Arme des Transmissions est en encore en gestation au sein du 8e régiment du Génie au Mont Valérien !), construction de routes et voies ferrées pour les grandes offensives, création de camps d'entraînement, etc.

Le Corps d’Armée assure lui même la plus grande partie de la logistique.

L'Intendance a déjà ses missions traditionnelles dont le ravitaillement en vivres, la gestion des fonds et l'état-civil. Elle dirige aussi (en partie) le Train des Équipages, son exécutant en matière de ravitaillement en vivres et fourrage.

Le Service de Santé est déjà bien organisé. Chaque régiment met en œuvre une chaîne San- té intérieure complète, 2 médecins et quelques infirmiers par bataillon pour les premiers soins, quelques 30 à 40 brancardiers (musiciens de la musique régimentaire en double fonction) pour les acheminer vers le Poste de Secours Régimentaire (révision des pansements) puis une évacuation primaire par le Groupe de Brancardiers Divisionnaire vers une « ambulance », structure de triage où le blessé rencontre enfin un chirurgien. Là, soit un (court) séjour dans une Section d'HOspitalisation et retour au régiment, soit une évacua- tion secondaire vers les hôpitaux de l'Arrière mais … , la relève sur le champ de bataille se fait souvent à dos d'homme ou avec des brouettes porte-brancard, les antibiotiques n'existent pas encore, la plupart des évacuations se font sur charrette hippomobile, la Section Sanitaire Automobile n'ayant encore que très peu de véhicules, d'où autant de délais supplémentaires qui nous sembleraient aujourd'hui insupportables. Annexe 3: La guerre de positions

la fin de 1914, après la Bataille de la Marne et la Course à la mer, la guerre de mou- vement se termine dans les polders inondés des environs d'YPRES, un front continu s'étend dès lors, de la frontière suisse à la Belgique. Un simple « no man's land » de A quelques dizaines de mètres de large, bordé de tranchées, sépare maintenant les deux belligérants sur plus de 650 km ! C'est la fin de la guerre de mouvement, c'est aussi le début de la guerre de positions. Cette forme de guerre, qui durera sur le front Ouest jusqu'au Prin- temps 1918, n'est pas un choix délibéré des belligérants mais elle s'est rapidement imposée à eux tant est grand l'avantage que confère au Défenseur le triptyque « barbelés-tranchée- mitrailleuses ». Confronté à la puissance de l'Artillerie et à l'efficacité de la mitrailleuse, le fan- tassin a dû s'enterrer pour survivre. Tracée en zigzag pour éviter les feux d'enfilade, creusée à environ 3 m de profondeur, la tranchée présente à l'ennemi son parapet, monticule de terre percé d'ouvertures pour le tir et l'observation. Sur l'arrière, son parados, monticule identique pour protection contre les éclats d'artillerie. Entre les deux, un fond parfois couvert d'un caille- botis, souvent ... de la boue !Très rapidement , ce système de base va se renforcer : - vers l'avant par la mise en place de réseaux de fil de fer barbelés ; - vers l'arrière par la construction d'une 2e ligne (zone de repli en défensive, zone d'attente en offensive), parfois une 3e ligne et surtout la mise en place d'un réseau de plus en plus dense de boyaux de communications qui permettent d'acheminer les relèves et les renforts, d'évacuer les blessés et les morts, d'acheminer la soupe et les munitions, de rejoindre les PC et les postes de tirs des mitrailleuses, etc. Ultérieurement, il va se doubler quelques kilomètres plus en arrière, d'un autre système, la 2e position de résistance, voire parfois d'une 3e ! Dans ce domaine, les Allemands sont les plus déterminés à creuser et à bétonner. Au fil des ans, tout ce sys- tème va se perfectionner, les réseaux de barbelés seront toujours plus den- ses, les tranchées vont être creusées plus profon- dément, des abris béton- nés vont voir le jour pour les PC et .. les mitrail- leuses toujours plus nom- breuses (en 1914, chaque bataillon français a 1 pelo- ton à 4 mitrailleuses HOTCHKISS ; à partir de Juin 1916, une compagnie à 4 pelotons !). Couplées aux barbelés, qu'elles soient françaises, an- glaises (VICKERS) ou alle- Dispositif défensif Allemand devant mandes (MAXIM), ces mi- Avocourt en 1916 trailleuses et leur cadence de tir élevée (4 à 500 coups/minute) font de la tranchée un obstacle quasiment insurmontable pour le fantassin. C'est ce qui explique les échecs et les pertes de l'année 1915 en particulier. Détruire cette fortification, c'est dès lors le rôle que l'Artillerie se voit confier à partir de 1916 : toutes les attaques vont maintenant commencer par une terrible préparation d'artillerie desti- née à hacher ces réseaux de barbelés, à assommer les défenseurs des tranchées et à détruire les nids de mitrailleuses. Ce sera le cas de l'attaque allemande de Février 1916 devant Verdun ou des Alliés sur la Somme en Juin. Elles dureront une semaine, mettront en œuvre des mil- liers de canons qui tireront des millions de coups pour un résultat … souvent décevant lors de l'engagement des fantassins ! Prévenu de l'attaque par la préparation, l'ennemi est toujours là ! Quelquefois il a retiré ses troupes de la 1ère ligne et attend les fantassins adverses sur la 2e ligne de résistance, mieux protégée car enfouie plus profondément, souvent avec des abris bétonnés pour les personnels et ses mitrailleuses, aménagée en outre plus en retrait ce qui oblige l'assaillant à redéployer son artillerie et à .. recommencer la préparation ! En 1917, au Chemin des Dames, pour conserver la surprise, notre préparation sera très courte et sur un front très réduit. L'attaque échouera encore sur l’extrême qualité de l'aménagement des lignes de résistance allemandes (utilisation des grottes et de leurs réseaux de galeries). Il faudra attendre le Printemps 1918 pour voir la tranchée vaincue par un assaillant. Les Alle- mands réussiront les premiers, avec trois coups de boutoir terribles devant Amiens, devant Ypres et sur le Chemin des Dames. Pour obtenir la percée, ils s'appuieront sur la surprise stra- tégique, une très courte et très violente préparation d'artillerie, la qualité de leurs troupes d'assaut et un rapport de force très favorable. Nous attendrons le début Août mais au cocktail allemand nous ajouterons un engin nouveau, le char d'assaut. Les chars moyens français (Saint Chamond et Schneider), tout comme le char léger Renault FT17, sont certes encore loin des capacités de leurs successeurs de la 2e guerre mondiale mais ils sont les premiers engins mécaniques à pouvoir défier le système défensif de la tranchée. D'un poids de 7 tonnes pour une puissance de 35 CV, le petit char Renault FT17 peut déchirer un réseau de barbelés, fran- chir une tranchée et surtout continuer à apporter au-delà, aux fantassins qui le suivent, l'appui de son canon mitrailleur de 37 mm ou celui de sa mitrailleuse Hotchkiss (4800 coups). Lorsque le 18 juillet 1918, débouchant de la forêt de VILLERS- COTTERET, les 350 chars (dont une centaine de FT17) du général MANGIN percent le flanc de l'attaque allemande en progression sur la Marne (2e bataille de la Marne), un tournant majeur vient d'être pris, le fantassin a re- trouvé les moyens de reprendre la guerre de mouvement. Surnommé le « char de la Victoire » tant il est devenu rapidement le symbole de cette nouvelle phase de la guerre, le char Renault FT17 a bien mérité de la Patrie ! Mais la tranchée n'est pas qu'un lieu de combat. C'est aussi un lieu de vie où les condi- tions sont atroces et qu'il est aujourd'hui très difficile d'imaginer. Seuls ceux qui les ont vécues sont à même de les évoquer avec la pudeur et la précision nécessaires. L'un des meilleurs est le rédacteur de l'Historique du 163e Régiment d'Infanterie, où ont servi tant de nos conci- toyens, le S/LT ASTRUC. L'auteur évoque tout d'abord ici la vie aux tranchées durant la pé- riode fin 1914- début 1915 :

« … Donnons , en passant, quelques considérations sur notre vie aux tranchées pendant ces six mois d'hiver.

Voici la pluie d'abord.... Pluie d'Octobre et de Novembre, pluie presque continuelle qui nous oblige à vivre dans l'eau et la boue jusqu'à mi-jambes, parfois jusqu'à mi-cuisses.

Puis c'est la neige, le froid : période des pieds gelés, période où l'on vit sans feu à des tempé- ratures qui auraient été meurtrières en temps de paix.

C'est la vie des « cagnas » dans les boyaux, cagnas pourris par l'humidité contenant une paille vieille d'un siècle, semble-t-il, et pleine de vermine...

Les « totos » ont tenu dans la guerre plus de place qu'on ne pense ! Quant aux rats ! On n'en a jamais tant vus !... des rats énormes qui s'avancent en groupes serrés le soir pour grignoter le biscuit dans la musette du poilu ; des rats qui passent sur le corps, sur le visage pendant le sommeil ou plutôt l'assoupissement ( car on ne dort jamais que d'un œil aux tranchées et qui font sursauter de dégoût) ; des rats par centaines, par milliers presque. On aurait dit qu'ils étaient créés pour empêcher le poilu de se reposer.

La guerre de tranchées n'est pas seulement une guerre contre les rats et la vermine... !

C'est aussi la guerre de sape et des mines, celle où l'on entend pendant la nuit des coups de pioche dans le sol, celle où l'on se dit toujours : « est-ce pour aujourd'hui ou pour demain ? » C'est la guerre aux machines infernales, aux charges souterraines d'explosifs qui vous font sau- ter un beau soir en transformant le sol en vastes entonnoirs... C'est la guerre aux , aux bombes, aux terrifiants « minen » !

Ce sera dans quelques mois la guerre des gaz asphyxiants et des liquides enflammés.

…. Pendant cet hiver, on s'organise fortement. Le poilu prend la garde mais il place aussi du fil de fer dans ses moments de loisir ; Il creuse des tranchées, des boyaux ; il construit des ca- gnas. On n'est jamais si bien servi que par soi-même surtout dans cette circonstance.

Il ne se passe guère un jour sans patrouille, reconnaissance ou coup de main de part et d'autre. Le bombardement est à peu près quotidien (Pertes du régiment entre le 11 Octobre et le 11 Novembre 1914 : 37 tués et 125 blessés)... ».

Quelques mois plus tard, le rédacteur décrit un autre aspect de la vie aux tranchées :

« … Le temps est lourd ; La tranchée sent mauvais... Un cadavre mal enterré... parfois un membre pourri qui sort du parados !..Le cimetière est à la 3e ligne... Un pauvre cimetière qui n'est pas à l'abri des bombardements.

Les croix de bois sont bien rangées et replacées parfois chaque jour ; des bouteilles renversées contiennent les papiers trouvés dans les poches du cadavre. Là dans un coin, ils sont 30 entas- sés ensemble et tués le même jour. Quelques tertres sont sans bouteille, sans nom !

L'homme de soupe apporte la correspondance : « Aux lettres » !...C'est toute l'âme du poilu qui vibre. Une lettre tient tant de place dans la vie des tranchées ! C'est le moment où l'on oublie la guerre pour vivre quelques instants l'atmosphère du foyer. Mamans, fiancées, femmes, enfants, vous ne saurez jamais de quelle façon on vous a aimés aux tranchées !

Le poilu endurci par les longs mois de guerre, qui regarde sans broncher le cadavre déchiqueté d'un camarade et qui reste insensible aux bombardements les plus forts, redevient à la lecture d'une lettre l'homme qu'il était avant la guerre, et cette transformation le rend mélancolique et rêveur ... ».

Annexe 4 : La guerre des gaz

e 1er emploi opérationnel des gaz de combats est bien connu. Ce jour-là, 22 Avril 1915, à quelques kilomètres au Nord d'YPRES, entre STEENSTRAATE et LANGEMARCK et plus à l'Est en zone anglaise « à 17.00, après une journée très calme, les Allemands ...firent L une émission d'un gaz suffocant, très abondant, produisant des effets à plus d'un kilo- mètre du point d'origine. Un nuage jaune-vert, poussé par le vent, roulait vers nos tranchées, suivi par les troupes allemandes en formations denses » : 6000 bouteilles avaient libéré 180 tonnes de chlore qui déclenchèrent un mouvement de panique parmi les deux divisions fran- çaises (87e D Territoriale et 45e DI) qui subirent l'attaque. Outre des pertes sensibles, l'attaque avait provoqué un reflux précipité sur le canal de l'Yser et l'abandon de l'artillerie dé- ployée sur la rive Nord ( 11 batteries des deux artilleries divisionnaires !). Elle avait surtout ouvert une brèche de plus de 3,5 km au Sud-Est de PILKEM avec l'aile gauche britan- nique qui s'était replié sur .. SAINT-JULIEN ! Heureusement que les Al- lemands n'avaient pas su exploiter cette situation car elle ne fut bouchée que le 23 au matin à hau- teur de la ferme Swannhof (route Pilkem-Ypres). Un retrait sensible de la ligne de combat alliée (en pointil- lé bleu, au centre) en fut cependant le résultat le plus immédiat et le plus visible. Si la guerre chimique avait été à l'étude avant 1914, elle avait été écartée par une convention en 1905 (La Haye 2) qui interdisait d'utiliser « des projectiles destinés à diffuser des gaz as- phyxiants ou délétères ». Mais une telle éventualité n'était pas à exclure, d'autant que nous avions été prévenus dès le 16 avril par l'État-Major belge qui nous informait que « les Alle- mands avaient fait confectionner des couvre-bouches en tulle qui, imbibés d'un liquide appro- prié, devaient protéger les hommes contre les gaz lourds asphyxiants qu'ils se proposaient de chasser vers nos lignes. Les hommes du 26e Corps de Réserve venaient de recevoir une ins- truction spéciale sur le maniement des tubes à gaz. Ceux-ci devaient être disposés sur le sol, à raison d'une batterie de 20 tubes tous les 40 m ». Les états-majors alliés furent surpris mais surent rapidement corriger leurs erreurs car cette attaque était riche d'enseignements : 1. Elle avait démontré l'efficacité offensive de la nouvelle arme sur des troupes non préparées et non équipées. La panique provoquée avait entraîné un net repli du front allié, voire, si les Allemands avaient su mieux engager leurs réserves, pu provoquer une percée de notre front ; 2. Elle avait aussi montré son efficacité défensive car, par trois fois durant les jours suivants, les Allemands surent utiliser les gaz pour arrêter nos contre-attaques locales, comme par exemple le 26 Avril qui voit un bataillon colonial engagé à côté d’un bataillon de Gurkhas britanniques au point de jonction des deux armées : A 14.15, alors que l'attaque vient juste de démarrer « les Allemands font un barrage de gaz délétères sur tout leur front. Surpris dans leur élan par ce moyen de défense inattendu, les Indiens, le 9° Bataillon et quelques éléments du 6° font un mouvement en arrière. Les hommes sont poursuivis par les gaz et par un feu violent de mousqueterie et de mitrailleuses ». C'est une surprise et un échec qui coûte cher, près de 100 hommes sur un effectif de 800 ! Idem le lendemain : « Cet élan est encore une fois arrêté par les gaz asphyxiants accompagnés d'un tir d'artillerie et d'un feu violent de mi- trailleuses.. ».

3. Elle ouvrait de larges perspectives opérationnelles à un moment où on ne savait pas encore comment percer un front stabilisé autrement que par une débauche d'obus d'artillerie. Le Chlore, un gaz difficile à utiliser (vent, odeur) et des moyens élémentaires de diffusion avaient suffi pour obtenir un résultat incontestable qui aurait pu être plus brillant encore si les réserves avaient été mieux engagées. Pourquoi ne pas imaginer dès lors des résultats à une toute autre échelle avec des gaz plus performants, plus faciles à diffuser, plus diversifiés dans leur capacité ? La réponse fut claire et rapide. Dès Septembre, les Anglais utilisaient le chlore devant LOOS. En 1916, les Français mettaient au point un autre gaz asphyxiant, le Phosgène, qui avait l'avantage d'être incolore et inodore : Fortement létal à 24 heures, il donnait un avantage à l'attaquant qui savait que les défenseurs ainsi traités allaient devoir être remplacés. En 1917, les Allemands mettaient au point le premier vésicant, l'Ypérite ou gaz-moutarde, fortement lé- tal par contact, procurant au blessé d'atroces brûlures sur la peau et dans les poumons. Étant beaucoup moins volatile que ses prédécesseurs, il avait des capacités de pollution des sols qui ouvraient de solides perspectives opérationnelles pour barrer une zone de débouché ennemie, neutraliser une zone de déploiement d'artillerie, arrêter une attaque, etc. Tous, Allemands et Alliés, profitaient de la mise au point d'obus toxiques pour mieux diffuser leurs gaz et accroître leur valeur opérationnelle. Ainsi le phosgène s'adaptait bien aux besoins de l'attaquant, l'Ypé- rite quant à elle couvrait une plus large palette d'emplois opérationnels. 4. Elle démontrait aussi la nécessité de mieux préparer les troupes à ce nouveau danger, en- core mal connu comme le montre, en page suivante, le rapport du médecin-chef de ce batail- lon colonial suite à l'attaque du 26 Avril et de mieux équiper les hommes (un masque à gaz individuel est distribué en 1916) mais aussi les chiens (messagers et alerte) et surtout les che- vaux, indispensables à la traction des pièces d'artillerie . Quelques chiffres et remarques sur la guerre chimique : - 190 000 tonnes d'armes chimiques ont été utilisées durant le conflit, dont 94 000 de chlore, 36 000 de phosgène et 10 000 d'Ypérite. - La France a produit durant toute la guerre 18,2 millions d'obus chimiques de toutes sortes . En 1918, elle produisait 88 000 obus chargés à l'Ypérite par mois. - Le 1er obus toxique (chlore) français est tiré (canon de 75 mm) le 14 Juillet 1915 à FRI- COURT (80300). A la fin de la guerre, 25% des obus français tirés sont des obus toxiques et leur emploi est (presque) systématique. Au Chemin des Dames, en Septembre 1917, pour une attaque locale, la préparation d'artillerie par obus chimiques dure une semaine entière ; En Août, à Verdun, pour reconquérir la crête du Mort-Homme, la préparation d'artillerie dure une semaine et consomme 3,5 millions d'obus dont 310 000 toxiques. - On estime que les pertes par toxiques furent responsables de 7% des pertes générales (tués + blessés). Sur ce nombre, 85% d'entre elles seraient dues au phosgène. On estime aussi que 200 000 soldats allemands ont été mis hors de combat par nos obus chimiques et que 9 000 en moururent De même nos pertes en ce domaine seraient de 180 000 intoxiqués, 8 000 d'entre eux décédèrent. - Le soldat de la 1ère guerre mondiale a rapidement pris la mesure du danger chimique et a su très vite s'en accommoder. Le cri « alerte Gaz » fait partie de la réalité quotidienne du « Poilu ». Cependant, en dépit de toutes les améliorations apportées aux armes chimiques, on ne verra plus de situation de panique comme le 22 Avril 1915. On estime cependant que l'im- pact de cette arme sur le soldat a été tel qu'aucun des belligérants de la .. 2e guerre mondiale, en dépit de leurs importants stocks disponibles, n'osera les utiliser. Par peur de représailles ?

Annexe 5 : Le soutien Santé du combattant

urant la 1ère Guerre Mondiale, le Service de Santé des Armées a dû évacuer près de 5 millions de combattants, répartis entre 60% de blessés et 40% de malades. D En 1914, au moment de l'entrée en guerre , la doctrine du service de Santé des Ar- mées peut se résumer ainsi : Dans la zone des armées, seuls les soldats porteurs de blessures très graves, classés « intransportables », devront bénéficier d'un traitement chirurgi- cal ; Corollaire, tous les autres personnels (à l'exception des malades contagieux) devront être évacués vers la zone de l'Intérieur (du territoire national) où ils pourront bénéficier de soins de qualité dans les hôpitaux militaires ou civils disponibles, les « moins blessés » étant évacués par voie ferrée (VF) au plus loin. Concrètement, dans la zone des armées, la chaîne Santé fonctionne alors de la façon suivante : - « Ramassé » sur la ligne des contacts par les brancardiers du régiment (35 à 40 hommes, généralement c'est la fonction « guerre » des musiciens) ou de la Division (Groupe de Brancar- diers Divisionnaire) , le blessé est porté sur brancard, brouette porte-brancards ou si néces- saire à dos d'homme, jusqu'au Poste de Secours du bataillon (2 médecins, 1 infirmier par com- pagnie, 4 brancardiers) où il va recevoir les 1ers soins (nettoyage des plaies, pansements, pi- qûre antitétanique, garrot éventuel, immobilisation d'un membre, etc.). Il poursuit ensuite son évacuation par brancard ou moyen hippomobile léger (cacolet, charrette à 2 roues, etc..) vers le Poste de Secours Régimentaires (PSR) situé 3 ou 4 km plus loin, où l'attendent 3 médecins dont le Médecin-chef pour révision des pansements et organisation des évacuations vers une Ambulance Divisionnaire (généralement au nombre de 2 par division). Cette structure sanitaire d'environ 60 hommes (6 médecins dont le Médecin-Major, 1 pharma- cien, 38 infirmiers et un petit détachement du Train des Équipages ), située à environ 10 km de la ligne des contacts, outre une révision des pansements, est surtout chargée du triage des blessés, c'est à-dire de répartir les blessés qui arrivent des PSR en « transportables » ou « intransportables ». Pour ces derniers, elle est à même de réaliser les gestes chirurgicaux mi- nimum et de les conserver quelques temps dans la Section d'Hospitalisation (SHO) qui lui est accolée. Pour les premiers, regroupés, ils sont transportés, avec les moyens de la Section Sani- taire Automobile (SSA ) et ses 20 voitures porte-brancards, vers un hôpital d’évacuation (HOE), situé dans la tranche des 30 km de la ligne des contacts. Celui-ci, souvent situé très près d'une gare régulatrice, est en mesure d'offrir une hospitalisation temporaire à ceux qui auraient be- soin de soins immédiats et, parallèlement d'organiser avec la gare, le transfert VF des autres vers les hôpitaux d'infrastructure, civils ou militaires. En 1914, cette doctrine a échoué pour différentes raisons : - la faiblesse des moyens initiaux en voitures sanitaires (25 SSA seulement, soit une par corps d'armée, alors qu'il en aurait fallu au moins une par division ; - L'absence de front continu durant la guerre de mouvement et les pertes ont conduit à utiliser tous les trains disponibles, même ceux qui, non nettoyés, avaient servi à acheminer à l'aller des troupes, des animaux, des vivres, des munitions, etc.. Les conditions de vie imposées aux blessés (couchés directement sur la paille non désinfectée, sans accompagnement médical, sans chauffage, ni électricité, etc.) ont bien souvent aggravé leur cas, d'autant que les durées de trajet ont été souvent longues (2 à 3 jours ) ! - Le choix d'envoyer au plus loin les blessés les moins atteints a paradoxalement entraîné sou- vent une aggravation de leur état (gangrène) ; A partir de 1915 et de l'installation d'un front continu, le Service de Santé va modifier sa doc- trine et augmenter ses moyens :

- Son premier effort portera sur l'augmentation de sa capacité de traitement chirurgical dans la zone des armées, en créant des Ambulances Chirurgicales automobiles, qui apportent au plus près du front des moyens modernes (bloc opératoire, stérilisation, radiologie, etc. ..). En les accolant ensuite à des ambulances renforcées de Corps d'Armée, il est ainsi créé des « Groupements d'Ambulances », véritables centres hospitaliers de 5 à 600 lits, situés dans la tranche -15 et 20 km- du front. Les HOE, multipliés et renforcés en moyens techniques, seront de même déployés à moins de 30 km du front, ce qui va permettre de traiter plus de blessés dans la zone des armées.

- Son deuxième effort portera sur l'augmentation des moyens d'évacuation VF et passe par la définition en 1915 d'un nouveau modèle de train sanitaire semi-permanent (TSSP) pour 150 à 300 blessés couchés et 4 à 500 blessés assis. 168 de ces TSSP seront disponibles en 1917. Il passe aussi par l'augmentation constante des moyens des Sections Sanitaires Automobiles (SSA) qui, de 25 en 1914, passeront à 150 en 1917 et 206 en 1918 ! A la fin de la guerre, le parc de véhicules sanitaires des armées sera de 5427 véhicules !

Confronté aux problèmes posés par le nombre des blessés ou malades à traiter, le Service de Santé des Armées a su profondément changer sa doctrine et développer ses moyens. N'ayant à l'époque qu'un poids très relatif dans la chaîne de commandement, il est devenu aujourd'hui un des acteurs majeurs, indispensable et incontournable d'une opération. Comment pourrait- on aujourd'hui concevoir une opération sans une composante « Santé » de qualité ?

Mais pour rester dans l'Histoire de la 1ère GM, on pourrait retenir deux images. La première, c'est celle de la collection des moules en plâtre, unique au monde, sur laquelle nos médecins militaires ont appris à refaire les visages des « gueules cassées » de la guerre de 1914-1918 (musée du Service de Santé, au Val-de-Grace) ; La seconde, c'est la réalité du travail des brancardiers telle qu'elle a existé en Octobre 1914, dans les environs de VIENNE-le- CHATEAU : « … Les brancardiers munis de brouettes porte-brancards ont reçu pour mission de constituer des relais entre les tranchées situées au milieu des bois et le poste de secours, de façon à alléger le service extrêmement pénible des brancardiers régimentaires chargés de transporter les blessés à travers des bois et des chemins impraticables. Une équipe de 8 hommes est indispensable pour transporter un blessé dans de pareilles conditions.. » (JMO du 72e RI ). Annexe 6 : Quelques changements en matière d’équipements, d’organisation et de tactique au cours de la guerre

e 19 Août 1914, en Alsace, le 163e RI connaît le baptême du feu à TAGOLSHEIM, lors de son attaque en direction de MULHOUSE. Nos concitoyens, les soldats Alphonse AU- BERT et Justin GOS, vont « entendre les premiers obus fusants allemands et participer aux premières charges à la baïonnette qui, après une lutte très dure de 9 heures, em- porterontL la décision » (historique du 163e RI). Le même jour, en Lorraine, leurs camarades Gustave BARLATIER et Henri GUIEN sont engagés au sein du 15e CA dans la cuvette de DIEUZE contre un ennemi qui tient les hauts et les écrase par son artillerie lourde : « .. Toute la journée.. les batteries du régiment qui tirent sur ordre et ne voient rien, sont contre-battues par des obusiers de 105 et de 155 mm, placés hors de portée pour être neutrali- sés » (Historique du 15e RAC). Tagolsheim, c'est un succès en raison de l'allant de nos troupes et de l'efficacité du canon de 75 mm dans le combat de rencontre ; Dieuze, c'est un échec san- glant dû à l'insuffisance criante de chefs qui croient pouvoir engager un Corps d'Armée dans une cuvette dont ils ne contrôlent pas les bords et la preuve que notre artillerie a des limites dangereuses. La guerre de position va confirmer ces lacunes, notre artillerie ne pourra pas détruire les orga- nisations défensives allemandes ; notre commandement s'obstinera à lancer nos fantassins contre le triptyque « barbelés-tranchées-mitrailleuses ». Les pertes terribles des offensives de 1915 en Champagne (plus de 200 000 hommes ) et en Artois (150 000 hommes) vont imposer une nécessaire révision de nos équipements, de nos structures et de nos doctrines. Heureuse- ment en 1918 tout sera en place pour résister à l'effort allemand et apporter la victoire. Deux armes sont particulièrement touchées par ces réformes, l'Infanterie et l'Artillerie.

L'Infanterie saura rapidement modifier et diversifier l'équipement du fantassin. Très rapide- ment (mi-1915), celui-ci abandonne son pantalon garance et son képi pour un uniforme plus discret (bleu horizon) et un casque métallique (Adrian) ; En 1916, il reçoit un vrai masque à gaz et surtout son armement se diversifie (fusil -mitrailleur CHAUCHAT ; fusil lance -grenade VB) pendant que va croître la puissance de feu de l' armement collectif qu'il est amené à servir (plus de mitrailleuses, des canons de 37 mm, en 1917 des mortiers de 81mm). Toute cette évolution va déboucher en 1916 par une réorganisation des régiments et divisions sur un ordre ternaire. Le Régiment passe ainsi à 2500 hommes soit 3 bataillons de 700 hommes et une « compagnie d'accompagnement » (on dit d'appui aujourd'hui) mettant en œuvre 3 canons de 37 mm et 6 mortiers de 81 mm. Chaque bataillon dispose de 3 compagnies de 175 hommes et d'une compagnie de mitrailleuses HOTCHKISS (8, puis 12 en 1918). La Division quant à elle voit ses effectifs réduits à 12 000 hommes mais si elle a perdu ses deux états-majors de brigade et un régiment d'infanterie, elle a singulièrement renforcé sa puissance de feux, d'abord au niveau de ses 3 RI qui lui apportent maintenant 36 mitrailleuses, 72 fusils mitrailleurs (FM), 3 canons de 37 mm et 6 mortiers de 81 mais surtout au niveau de ses appuis d'artillerie avec l'arrivée au sein du RAC d'un Groupe d'Artillerie Lourde (12 obusiers de 155 C) ! Plus souple, plus musclée, mieux entraînée par de nombreux séjours en camp d'entraînement, elle est prête pour les grands défis qui l'attendent.

L'évolution de l'Artillerie sera encore plus éclatante. Elle saura en effet : . développer rapidement une artillerie de tranchée à même de répondre aux besoins de l'Infan- terie, à base de mortiers de tranchées de 58 mm (obus de 16 kg d'explosif, à 300 m) ou de grosses pièces pouvant aller jusqu'à des mortiers de 240 mm ( 80 kg d'explosif, à 2000 m ) ;

- mettre sur pied une Artillerie à Longue Portée (ALGP) initialement bâtie autour de pièces d'artillerie de la Marine (240 mm et 320 mm) montées sur chemin de fer (ALVF). Cette compo- sante servira ensuite de base à la création de la « Réserve Générale d'Artillerie » (RGA) qui regroupera en 1918 toutes les pièces d'artillerie lourde non incorporées dans les forces (plus de 5000 pièces en 1918) ; - favoriser le développement d'un environnement favorable à la rapidité et à la précision des tirs d'artillerie en centralisant dans un seul service, le SRA (Service de Renseignement de l'Ar- tillerie), toutes les informations obtenus par les officiers de liaisons détachés auprès des fan- tassins, l'observation par le son, la cartographie du Service Géographique, etc. Surtout, cons- ciente de ce que peut lui apporter cette nouvelle arme en matière de recherche d'objectifs et de réglage de ses tirs, l'Artillerie saura développer une étroite collaboration avec l'Aviation naissante (1 Escadrille par CA) ; - créer deux nouvelles subdivisions d'arme, l'une appelée Défense contre Avions (DCA) à base de canons de 75 mm montés sur châssis automobiles pour contrer l'action de l'aviation de bombardement ennemie, l'autre appelée « Artillerie Spéciale », puis bientôt « Artillerie d'Assaut » pour maintenir la permanence de l'appui de l'artillerie au fantassin qui a percé la 1ere position de résistance ennemie. La solution trouvée, c'est « un véhicule chenillé, protégé, portant un armement » et ouvrant la route aux fantassins en déchirant les réseaux de barbe- lés et en franchissant les tranchées tout en leur prodiguant l'appui de son armement de bord. Ces engins, rares et encore patauds en 1917, vont s'améliorer et se multiplier en 1918 (près de 1500 chars RENAULT FT17 en Octobre 1918 !) pour devenir l'arme majeure de la .. Se- conde Guerre Mondiale !

Les doctrines d'emploi ont dû aussi s'adapter. En 1914, l'Infanterie, avec près de 75% des ef- fectifs, est la « reine des batailles », le rôle de l'artillerie étant de lui apporter quand néces- saire, l'appui de ses feux. Elle ne représente d'ailleurs que 16% des effectifs. En 1918, le rap- port entre ces deux armes a complètement changé. L'Infanterie a perdu 1/3 de ses hommes et ne représente plus que .. 50% des effectifs de l'Armée de Terre. Le rôle prééminent est maintenant dévolu à l'Artillerie qui avec près du tiers des effectifs a doublé les siens ! Cette évolution inverse des effectifs traduit la nouvelle répartition des rôles entre ces deux armes majeures. La formule bien connue « L'Artillerie conquiert, l'Infanterie occupe » l'explicite par- faitement !

Initié dès 1915, lors des grandes offensives de Champagne et d'Artois, ce modèle d'attaque va demander des concentrations d'artillerie toujours plus importantes et déboucher sur de très longues préparations d'artillerie, d'où des consommations en munitions inconcevables quelques années plus tôt. L'archétype de ce modèle est celui de la bataille de la Somme en 1916 : La préparation d'artillerie dure près d'une semaine ; Du coté français, les 1000 pièces de tous calibres utilisées consomment plus de 1,5 millions d'obus durant la 1ère quinzaine de Juillet ; la 1ère ligne allemande est détruite mais pas les abris bétonnés et tout s'arrête devant la 2e ligne ; les pertes restent importantes.

Pourquoi cet échec ? Car ce modèle porte en lui un effet pervers, celui de la perte de la sur- prise. Prévenu de l'importance de l'attaque par l'ampleur de la préparation, le Défenseur fait porter son effort défensif sur une 2e position de résistance, plus en retrait, hors de portée de l'artillerie de l'Attaquant, fait affluer ses réserves et profite du temps que lui offre le nécessaire redéploiement de l'artillerie de l'Attaquant pour contre-attaquer toutes les tentatives de péné- tration de l'infanterie de ce dernier... et tout est à refaire !

Ce modèle est abandonné par les Allemands au Printemps 1918. Ils réussissent à retrouver le chemin de la percée en misant sur la surprise stratégique quant au choix du point d'attaque, la brièveté et l'intensité de la préparation d'artillerie, un rapport de force local très favorable et surtout la qualité de leur troupes d'assaut. Nous saurons y résister en acceptant de céder ini- tialement du terrain et d'attendre sur notre 2e position de résistance que la mobilité de nos réserves stratégiques nous donne les moyens d'arrêter les poussées allemandes. C'est ce que nous ferons le 18 Juillet 1918. Quand ensuite nous pourrons incorporer à nos attaques une composante d'artillerie mobile (artillerie d'assaut) et exploiter au mieux la supériorité de notre aviation, nous pourrons à notre tour prétendre à la victoire. Annexe 7 : Proclamations du Général GOURAUD,

Commandant la 4e Armée

Proclamation du 3 Juillet 1918,

ORDRE aux Soldats français et américains de la 4e Armée

« Nous pouvons être attaqués d'un moment à l'autre. Vous sentez tous que jamais bataille dé- fensive n'aura été engagée dans des conditions plus favorables. Nous sommes prévenus et nous sommes sur nos gardes. Nous sommes puissamment renforcés en infanterie et artillerie. Vous combattrez sur un terrain que vous avez transformé par votre travail opiniâtre en forte- resse invincible si tous les passages sont bien gardés. Le bombardement sera terrible : vous le supporterez sans faiblir. L'assaut sera rude, dans un nuage de poussière, de fumée et de gaz. Mais votre position et votre armement sont formi- dables. Dans vos poitrines battent des cœurs braves et forts d'hommes libres. Personne ne regardera en arrière, personne ne reculera d'un pas. Chacun n'aura qu'une pen- sée : en tuer, en tuer beaucoup jusqu'à ce qu'ils en aient assez. Et c'est pourquoi votre Général vous dit : « Cet assaut, vous le briserez, et ce sera un beau jour ». GOURAUD omment lire cette proclamation ? On ne peut qu'être touché par la force de cette proclamation du général GOURAUD qui revendique clairement un contact direct entre le Chef et ses soldats. Si on la rap- C proche de celle du général JOFFRE au premier jour de la bataille de la Marne en 1914, on remarque toutefois une profonde différence. A situations identiques, là où le général Joffre souligne l'urgence de la situation et donne des ordres terribles, le général Gouraud affirme se- reinement sa confiance dans les capacités de son armée à briser l'offensive allemande. Que s'est-il donc passé en 4 ans ? Pourquoi une telle attitude ? Effectivement la situation stratégique est quasiment identique. Dans la foulée de sa victoire du 27 mai sur le Chemin des Dames, les Allemands ont percé et atteint avec leurs avant-gardes la Marne de CHATEAU-THIERRY, Paris est bombardé quotidiennement par la « grosse Bertha » ; Depuis Mars, engagées en appui des Anglais d'abord en Picardie puis en Belgique, enfin sur l'Aisne, les réserves françaises sont au plus bas alors que la menace allemande reste d'impor- tance : Fin Juin, l'état-major français évalue à plus 55 divisions fraîches ou reconstituées (le plus souvent d'ailleurs, par incorporation de la classe 1919 ) les disponibilités allemandes (AFGG Tome 6.2 page 387). En fait, beaucoup de choses ont changé : D'abord, et paradoxalement, un certain optimisme est né devant les échecs allemands. Après tout, malgré tous leurs succès tactiques du Printemps 1918, les Allemands n'ont pas réussi à obtenir une percée stratégique, ni vers les ports de la mer du Nord, ni vers Paris et, pire peut- être pour eux, ils ont gaspillé leur avantage du moment. Mieux, après avoir frôlé le pire en Juin, la coopération franco-britannique a fonctionné et l'unité de commandement entre les Al- liés est maintenant assurée en la personne du Général FOCH. Enfin tous, soldats ou gradés, savent que, depuis les combats de Bois Belleau en Juin, l'engagement de forces américaines à leurs côtés est une réalité et que leur montée en puissance inexorable interdit aux Allemands tout espoir de victoire à moyen terme. Il faut donc tenir. Ensuite, la France a maintenant les moyens matériels d'une bataille défensive moderne. L'artil- lerie qui va appuyer le 4e Armée est puissante et diversifiée : « .. 168 batteries de campagnes (672 canons de 75 mm), 150 batteries d'artillerie lourde, 11 batteries de tranchée, 9 batteries contre les chars, 28 sections de défense contre les avions, .. » ( AFGG Tome 6.2 page 465). Ses moyens aériens aussi. La 4e Armée peut en effet compter sur ses « 17 escadrilles de re- connaissance, ses 8 escadrilles de chasse... » et peut recevoir l'appui de la 11e Escadre de bombardement de la Division aérienne ! Sa doctrine surtout a évolué et lui permet maintenant d'absorber le choc initial d'une attaque allemande. Fini la défense à tous prix sur la 1ère ligne et... son écrasement par la préparation d'artillerie, en particulier les minenwerfer ! Place maintenant à une défense organisée dans la profondeur du dispositif de l'armée. Depuis la fin des opérations offensives en Champagne à l’Automne 1917, la 4e Armée s'est astreinte à creuser et a ainsi aménagé, outre sa 1ère posi- tion, une position intermédiaire, à 2 ou 3 km à l'arrière (donc hors de portée des minenwer- fer), une 2e position de résistance (PR) et une 3e position, encore plus en retrait. Elle a ultérieurement affiné cette doctrine en décidant, en cas d'attaque imminente, de ne lais- ser en 1ère ligne que des « avant-postes » chargés d'informer sur le déroulement de l'attaque et de dissocier par leurs feux les vagues d'assaut ennemies ; de faire son effort de défense (celui de ses divisions de 1e échelon) sur la position intermédiaire là où, à partir de points d'appui soigneusement aménagés, d'une forte densité en feux d'artillerie, et de contre- attaques locales, elle mènera un combat acharné pour arrêter l'ennemi ; de confier enfin la défense des points d'appui principaux de la 2e position à ses divisions de réserve et des unités non endivisionnées (réserve d'artillerie, Territoriaux, personnels des Centres d'Instruction Divi- sionnaires). Ayant mesuré l'impact de la surprise dans la nouvelle tactique allemande, la 4e Armée attache aussi un intérêt tout particulier à la recherche du renseignement. Et ce souci va payer. Le 14 Juillet, un coup de main mené sur le secteur du Mont-sans-Nom, fait 27 prisonniers et permet d'apprendre que « la préparation d'artillerie commencera à 0 heure 10 et durera 3 ou 4 heures.. » et que « l'attaque d'infanterie démarrera entre 04.15 et 05.00 selon les secteurs, en suivant un barrage roulant ... ». Le 15 Juillet, le dispositif de la 4e Armée est en place, une quarantaine de kilomètres de front tenus par 3 corps d'armée, soit 9 divisions pour tenir le 1e position et la position intermédiaire (PR) et 5 divisions et 4 régiments pour tenir la 2e position. En face, la 3e armée allemande du général Von EINEM et ses 14 divisions d'infanterie appuyées par une très forte artillerie (une densité de 25 batteries au kilomètre de front, soit 100 pièces au km) et 10 divisions en ré- serve ! Le 16 Juillet à 00.10, la préparation d'artillerie allemande commence et s'abat sur une 1ère ligne française … quasiment vide. L’attaque allemande est précédée une demi-heure aupara- vant par un tir de contre-préparation opérationnelle de notre artillerie qui s'abat sur des tran- chées allemandes de 1ère ligne ... surpeuplées par les vagues d'assaut ! L'assaut allemand commence selon l'horaire prévu entre 04.00 et 05.00. Malgré l'héroïsme des avant-postes qui sont rapidement encerclés mais qui « soutiennent la lutte jusqu'à épuisement des munitions .. lutte qui durera parfois jusqu'à 18.00 ...(Quelques uns se font jour à la baïonnette et rentrent dans nos lignes l'après-midi ou en soirée )», vers 7.30, la position de résistance est abor- 16 Juillet 1918 dée par les Allemands mais n'est pas entamée. Le combat se poursuivra avec acharnement Soldats de la 4e Armée ! pendant trois jours encore mais dès le lende- main, 18 juillet, la contre-attaque du général Dans la journée du 15 Juillet, vous avez brisé MANGIN qui, à l'ouest, débouche de la forêt l'effort de 25 divisions allemandes appuyées de VILLERS COTTERETS avec plus de 250 par 10 autres. Elles devaient, selon leurs chars contre le flanc allemand a scellé le sort ordres, atteindre la Marne dans la soirée. de l'opération « Friedensturm » (la bataille Vous les avez arrêtées net là où nous avons pour la Paix). L'offensive « Friedensturm » se- voulu livrer et gagner la bataille. ra un échec. D'ailleurs dès le 23 Juillet la 4e Vous avez le droit d'être fiers, héroïques fan- Armée aura même reconquis l'essentiel de son tassins et mitrailleurs des avant-postes qui dispositif initial. Durant ces 4 jours de com- avaient signalé l'attaque et l'avez dissociée , bats, la 4e Armée aura perdu un peu moins de aviateurs qui l'avaient survolée, bataillons et 15 000 hommes ( 1300 tués dont 32 officiers ; batteries qui l'avez rompue, états-majors qui 5600 blessés ; 7100 disparus) avez si minutieusement préparé ce champ de bataille. La 2e proclamation du Général GOURAUD C'est un coup dur pour l'ennemi. C'est une s'inscrit donc dans ce cadre de victoire et re- belle journée pour la France. flète bien la satisfaction du Chef qui voit que Je compte sur vous pour qu'il en soit toujours sa troupe a, à tous les échelons de comman- de même, chaque fois qu'il osera vous atta- dement ou d'exécution, parfaitement répondu quer et, de tout mon cœur de soldat, je vous à ses attentes. remercie. GOURAUD Annexe 8 : Quelques chiffres

* Organisation La Division d'Infanterie (DI) de 1914 est à 16 000 hommes quand celle de 1918 est à 12 000 hommes mais la puissance de feu de la DI 1918 est nettement supérieure par suite de ses ap- puis (mitrailleuses, Fusils-Mitrailleurs, canons de 37mm, mortiers). ** L' Aviation connaît un développement extraordinaire durant la guerre. En 1914, les 160 avions disponibles ne font encore que de l'observation mais c'est l’un d’eux qui recueille le ren- seignement qui indique au Général JOFFRE que l'aile droite allemande (Maréchal Von KLÜCK) ne déborde pas Paris par l'Ouest mais au contraire qu'elle va « défiler » devant le camp retran- ché de Paris pour se rabattre vers le Sud-Est, lui offrant ainsi son flanc. Le général Joffre et le général Galliéni, gouverneur militaire de Paris, sauront saisir l'occasion. En 1918, les 3600 ap- pareils en service sont différenciés par type de missions (reconnaissance, chasse, bombarde- ment) car celles-ci ont bien changé. Outre les missions classiques de reconnaissance et de gui- dage des tirs d'artillerie, on parle maintenant un langage plus moderne, conquérir la supériori- té aérienne dans le ciel de Verdun est ainsi une des missions demandées à l'aviation par le gé- néral PETAIN en 1916. Les missions de bombardements sont aussi d'actualité sur les zones de déploiement de l'artillerie ou les nœuds ferroviaires. *** Mobilité Si les Allemands peuvent se satisfaire du rendement des voies ferrées qu'ils contrôlent, ce n'est pas le cas de la France. A partir de Liège, les allemands peuvent facilement alimenter le com- bat de leurs troupes en Flandre, en Picardie, en Champagne, en Lorraine, etc... Ce n'est pas le cas des Français pour lesquels le tracé du Front est un obstacle majeur, car il oblige à tout faire transiter par Paris et à accepter souvent d'avoir nos rocades très près de la ligne de front. C'est le cas à Amiens en Mai 1918 où l'avancée allemande en Mars en Picardie « a mis le nœud ferroviaire d'Amiens sous le feu du canon ennemi . Or avant cette attaque, sur les 200 trains qui franchissaient journellement la Somme dans les deux sens, 130 à 140 passaient par les différentes gares d'Amiens » (AFFGG. Tome VI page 60). Une alternative à la voie ferrée était donc indispensable pour maintenir une capacité suffisante de transfert de troupe de part et d'autre de la Somme. La solution trouvée fut de développer nos capacités de transport par voie routière . Illustré par le soutien réussi des combats devant VERDUN (« la Voie Sacrée »), cet impératif est rendu possible par l'accroissement sensible (x 10 !) du parc automobile de 1914 (9000 véhicules dont 8000 de réquisition !) et par l'organisation mise en place par le Service Automobile de l'Armée. Elle est, avec un positionnement judicieux des divisions en réserve, la base de notre capacité à résister aux coups de boutoirs allemands du Printemps 1918. C'est ce rôle que reconnaîtra le Général LUDENDORFF dans ses mémoires en écrivant que « La victoire française de 1918, c'est la victoire du camion français sur le rail allemand ». La formule est belle mais elle montre bien la différence de choix faite par les deux belligérants. Les Allemands sont restés fidèles au modèle initial (chemin de fer pour les transports straté- giques et traction hippomobile pour les transports tactiques) mais quand les chevaux sont ve- nus à manquer (c'est le cas en 1918), la mobilité tactique de leur artillerie et de leurs unités a décru avec. Les Alliés, plus mal servis par la géographie, ont dû recourir très vite aux trans- ports automobiles pour compenser les faiblesses du réseau ferré à leur disposition. A la fin de la guerre, le bilan du Service Automobile est éloquent : ses 65 000 véhicules ont transporté 26 millions de tonnes de matériel, 1,6 millions de tonnes de vivres et surtout plus de 23 millions de soldats ! Il a aussi évacué plus de 10 millions de blessés !

Pertes

Les pertes, en termes militaires, regroupent tous les personnels inaptes aux combats de la journée ou de la période successive. Les pertes annoncées à la fin de la journée ou d'une opé- ration de plusieurs jours regroupent donc les « tués », les blessés » et les « disparus ». Les blessés décomptés sont ceux évacués hors du régiment mais qui devraient à terme y revenir, les disparus peuvent être des blessés dont on ignore encore la situation dans la chaine Santé des évacuations, des morts non encore identifiés ou des prisonniers saisis par l'ennemi. On estime le nombre des morts à 1 400 000 et celui des blessés à 3 000 000 , dont 1 000 000 sont des invalides. Comment comprendre ces chiffres bruts et leur impact sur la société française ? A l’aune d’un indicateur aussi précis que celui de la valeur moyenne d’une classe de recrutement durant la guerre (~300 000 hommes), on peut estimer que:  Le nombre des morts acte la disparition de plus de 4 classes d’âges;  Celui des invalides signifie que la solidarité nationale va devoir prendre en compte 3 classes d’âge;  Au total, c’est près de 2 millions de jeunes femmes qui ne trouveront personne pour se marier;  Au moment de reconstruire le Nord-Est de la France dévasté par la guerre, c’est plus de 2 millions de travailleurs nationaux qui seront indisponibles, d’où l’obligation de recourir à l’immigration étrangère.

On retrouve cet impact de la guerre sur la population de notre village.

Avec 38 morts ou plutôt de l’ordre de 30 si on retient seulement ceux « nés et résidant à Ta- vernes », force est de constater que plus de 4 classes d’âge ont en effet disparu: on peut esti- mer, en consultant les tables décennales d’avant 1914 que, en moyenne, 7 jeunes Tavernais étaient recensés et appelés chaque année à faire leur service militaire

Mais 30 jeunes hommes morts est surtout un nombre important pour un village en net déclin démographique. En 30 ans, il était déjà passé de 1045 habitants en 1881 à 672 en 1911 (1003 en 1886; 925 en 1891; 822 en 1896; 750 en 1901; 700 en 1906). En 1921, seulement 525 Tavernais se- ront recensés et, pour la première fois, la tranche d’âge la plus représentée est .. la plus âgée (173 personnes ont plus de 60 ans contre seulement 96 jeunes, entre « 1 et 19 ans ») ! Auparavant, c’était celle des « 20 à 39 ans » qui était la plus importante (196 hommes ou femmes en 1906; 181 en 1911; 105 seulement en 1921 !). On voit donc clairement sur quelle tranche d’âge a principalement pesé l’impact de la Grande Guerre. Annexe 9 : Livre d’Or 1929