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Jean-Louis MARSSET Mars 2015

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Ce document présente la brève intervention d’Amable à l’Hôpital temporaire du Puy, quelques lettres de Louis à ses parents, et la transcription de la majeure partie des carnets sur lesquels Henri notait épisodiquement les événements quotidiens et ses réflexions personnelles. Pour mieux suivre leurs parcours, j’ai utilisé les Journaux des Marches et Opérations des Unités (JMO) que l’on peut consulter sur le site « Mémoire des Hommes » du Ministère de la Défense.

Pour aider à la compréhension des événements on trouvera :

Une carte situant les grandes zones de combat page 57 Evolution du front page 58 Organisation schématique de l’Armée française en 1914 page 60 Composition d’un Régiment d’Artillerie, d’Infanterie et d’une Division page 61 Une chronologie détaillée page 62 . Un glossaire « militaire » page 63

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Vieille famille de Lavoûte-Chilhac, ils sont trois hommes à la veille de la guerre : Amable, né en 1856, médecin, maire et conseiller général et ses deux fils :  Louis, né en 1888, Rédacteur à la Direction des Finances de la Préfecture à Paris.  Henri, né en 1891, se prépare à sa 3e année de médecine à Clermont.

Un médecin et un futur médecin justifient quelques mots sur le Service de santé. (Tiré de la revue HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXXVI - №4 - 2002) Dès le début de la guerre l'organisation du Service de Santé fut dépassée par l'ampleur des problèmes : une guerre moderne avec des blessures dues à l'artillerie, des combats permanents sans trêve pour le ramassage des blessés qui se fait sous le feu des tranchées ou le bombardement de l’artillerie, une guerre de mouvement dans les premiers temps du conflit, donc sans bases fixes pour le service de santé, de nombreux établissements sanitaires dans la zone occupée par l'ennemi, des évacuations irréalisables faute de trains ou de voies ferrées utilisables, ou bien irréalistes avec des voyages vers le premier hôpital de l'arrière pouvant prendre trois ou quatre jours, sans le moindre soin digne de ce nom. C'est avec 10 490 médecins dont seulement 1 495 militaires de carrière et 2 318 pharmaciens dont 126 seulement du cadre militaire actif que le corps de santé devait faire face. Ces effectifs étaient inférieurs à ceux théoriquement prévus d'au moins 7 000 médecins au service des armées et de 5 000 médecins au service de l'intérieur. A ce manque de personnel, s'ajoutent les difficultés dues à la violence et l'aspect de guerre moderne qui caractérisent déjà les tout premiers mois du conflit. Les postes de secours régimentaires sont débordés et les récits des témoins concordent. Lorsque les blessés arrivent au poste de secours un peu à l'arrière, amenés par les brancardiers, arrivés seuls, aidés par des camarades de bonne volonté, ils trouvent des postes de secours débordés. Comme le décrit le médecin inspecteur Mignon1 : "3 ou 400 blessés furent couchés sur des matelas, des canapés, de la paille. Le château une fois comblé, les blessés débordèrent sur l'école, l'église, les maisons particulières (...)". Comme personnel médical un aide-major, un médecin auxiliaire, un infirmier étudiant en médecine, des infirmiers régimentaires et des habitants bénévoles. "En fait de matériel, un panier de pansements de cavalerie, le contenu de sacoches régimentaires, des sacs d'infirmiers et des pansements individuels"… L'organisation des évacuations sanitaires, lorsqu'elle est possible, qui devrait permettre des meilleurs soins une fois au calme est tout autant désorganisée et débordée, puisque n'existent pour toute l'armée que vingt-cinq sections sanitaires d'évacuation, hippomobiles bien sûr, parfois tombées aux mains de l'ennemi ou dispersées par les mouvements de la bataille de la Marne et de la "course à la mer" avant que le front ne se stabilise à la fin de l'année 1914. L'espoir pour les blessés résidait en partie dans les trains sanitaires. S'il existait cinq trains permanents, assez bien équipés, qui circulaient sur les différentes voies de chemins de fer, il fallut leur adjoindre 115 trains improvisés, trains de marchandises dans les wagons desquels on mettait douze brancards par wagon, qui servirent à l'acheminement des blessés vers les hôpitaux de l'arrière. Une organisation sanitaire parallèle, bénévole et efficace. Devant de tels problèmes, des mesures furent prises :  un arrêté du 9 octobre 1914 créa une Direction générale du Service de Santé aux Armées  le recours au bénévolat, parfois seul à faire face à l'afflux de blessés. En effet, d'août 1914 à la moitié de 1915, la très large majorité des soins aux soldats blessés et malades aura été l'œuvre des bénévoles, notamment ceux des trois sociétés de la Croix-Rouge :

1 MIGNON (médecin-inspecteur général). Le Service de santé pendant la guerre 1914-1918. Volume 1, Paris, Masson, 1926-1927. 4

- Société française de secours aux blessés militaires (S.S.B.M.), - Union des Femmes de (U.F.F.) - Association des Dames françaises (A.D.F.). La Croix-Rouge avait prévu la mise à disposition d'hôpitaux et de formations sanitaires nombreuses et efficaces, avec le personnel adéquat. Le pardon étant une vertu chrétienne, l'armée de la troisième République a vu ses blessés accueillis dans toutes les institutions sanitaires catholiques et soignés par leur personnel, notamment les religieuses infirmières qui avaient été chassées des hôpitaux publics en 1905, à la suite de la loi Combes de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les trois sociétés rattachées à la Croix-Rouge avaient su s'adjoindre médecins et chirurgiens, dispensés d'un service actif aux armées du fait de leur âge ou de leur état de santé et su prévoir les effectifs infirmiers et soignants nécessaires. Elles avaient aussi prévu les structures hospitalières indispensables, réparties sur l'ensemble du territoire national, pouvant monter en puissance selon les nécessités du conflit.

Amable MARSSET, bien que libéré des obligations militaires depuis 19032, s’engage tout de suite comme médecin à l’Hôpital Temporaire n° 14 au Puy-en-Velay. I

Le 6 janvier 1916, à 58 ans, il est photographié entouré de son équipe médicale de bénévoles. La décoration qu’il porte n’est pas militaire : les Palmes académiques lui ont été attribuées pour ses 18 ans au Conseil général, dont, en 1916, déjà 2 ans de vice-présidence (il sera vice-président jusqu’en 1922). Il sera libéré pour assurer le service médical civil des cantons de Langeac, Pinols et Lavoûte où il n'y a plus de médecin.

2 Le 7 août 1913 - Loi Barthou fixant la durée du service militaire à 3 ans suivis de 11 ans dans la réserve puis 7 ans dans la territoriale et 7 ans dans la réserve territoriale. 5

Pendant la guerre Louis et Henri restent très unis ; Ils s'écrivent et se rencontrent dès que les combats leur permettent.

Louis Marsset (à droite) Caporal téléphoniste au 286e Régiment d'Infanterie jusqu’en mai 1916 date à laquelle la réorganisation des régiments3 le fait passer au 339e R.I. Le 286e RI est embarqué le 7 août 1914 en gare du Puy et arrive à Gap le 8. Il fait partie de la 64e D.I., Armée des Alpes. C’est un régiment de réserve donc les premiers jours sont consacrés à l’instruction, aux manœuvres et au tir. Les « malingres » sont renvoyés au Puy et remplacés. Dès le 22 août, le régiment, transporté en Lorraine, est engagé dans la défense immédiate de Nancy avec de durs combats (bois de Pulnoy), puis en octobre plus au Nord Ouest entre St Mihiel et Pont-à-Mousson (Flirey, Seicheprey, « le saillant de St Mihiel », région de la Woëvre). Une lettre à ses parents nous montre sa sensibilité littéraire : (À Seicheprey, Meurthe et Moselle, gelée, froid très vif selon le JMO) 19 novembre 1914. Mon cher Papa, Je te remercie beaucoup de la belle couverture que tu m'as envoyée… Nous avons ce matin entre 2h et 6h installé une ligne téléphonique à 80m des allemands. La lisière de la forêt (bois du Jury) et de la plaine était ouatée de brouillard, la lune un peu brouillée formait un pâle halo, on aurait cru - à part les coups de fusils perpétuels qui résonnaient dans le vallon et les sifflements aigus des balles - traverser quelque féeries des Pays du nord, une vision polaire… et comme des ombres nous nous glissions à travers les sapins noirs, courbés, déroulant notre fil et pressés d'en finir pour retourner à l'abri de la tranchée. Nous sommes revenus crottés jusqu'au ventre, car le terrain est très glaiseux, humide et les boyaux où l'on se glisse parfois sont fort étroits. Nous avons ensuite dans l'après-midi réglé, de la tranchée du Colonel où je suis, un tir d'artillerie : rien de plus passionnant que d'entendre annoncer : "trop court 200m" - "trop long 50m" - "Bravo en plein dedans, ils courent comme des lapins et nous tirons dessus…" Pauvres bougres que la mitraille a délogés et qui fuient, tirés par les Lebel solidement abrités derrière les créneaux ! Aujourd'hui eux et nous demain ! La guerre est une dure école. Comme terrain, figure-toi la plaine de Paulhaguet, les Allemands occupant les hauteurs du fond et la demi-cuvette, nous la crête de Sauvanirgue et l'autre moitié du bas. Personnellement je suis dans un solide abri (celui du Colonel) caché derrière un village qui serait celui d'Aleret ; on a creusé, adossé à une maison encore debout, une tranchée de 2m de profondeur couverte de troncs d’arbres de 35cm de diamètre et sur lesquels on a amassé 40cm de terre de sorte qu’on n’y risque à peu près rien, et il n’y fait pas trop froid on est comme dans un terrier. Les autres fois je reste au poste dans un village bombardé à 1500m en arrière du nôtre où nous avons un autre poste téléphonique pour être relié à la Brigade. On loge alors dans une cave spacieuse au-dessous d’une maison brûlée…"

3 Passage des régiments de 2 à 3 bataillons 6

A part 2 mois en Champagne en octobre novembre 1915, le régiment restera dans ce secteur jusqu’en mai 1916, constamment dans la boue et le froid glacial l’hiver, menant notamment une attaque catastrophique le 11 décembre 1914 où il perd un millier d’hommes et 15 officiers tués ou disparus sur 1600. La démoralisation et l’épuisement conduisent à des désordres en janvier 1915 : refus de monter en ligne, quelques désertions. Les JMO relatent aussi les événements quotidiens par exemple  Le travail des radiotélégraphistes : le 12 mai un poste téléphonique central pour le PC du Colonel : il est mis en relation avec les postes téléphoniques établis dans chaque secteur et sous-secteur ainsi qu’avec le bois de Drominchamp où un nouveau poste est installé… ».  En juillet 1915 des alsaciens désertent les lignes allemandes et donnent de précieux renseignements…  Quelques permissions sont accordées…  Une escadrille française de 35 avions va bombarder la gare de Vigneul et des rassemblements de troupe… (image : Le Pèlerin du 13-07-1915)  Des bains douches sont organisés dans le village de Fréméréville : tous les soirs deux sections s’y rendent et consacrent le lendemain aux soins de propreté corporelle et au lavage de linge…

 12 septembre : séance récréative en l’honneur de l’anniversaire de la victoire de la Marne !

 7 novembre visite du front et revue des troupes par le Président de la République. En janvier 1916, le Régiment encore en Woëvre, prend position vers Rambucourt. Plus tard, toujours rassurant ses parents sur son sort, il réfléchit sur les origines de cette guerre : (à Rambucourt, en Woëvre) 5 mars 1916 Mon cher Papa, Je te remercie de ta longue lettre ; je vais fort bien, il n’y a rien de nouveau dans ma vie, au cas contraire je t’en eus avisé aussitôt. Je suis à l’abri de la pluie, de la neige, du froid, des marmites, donc pour l’instant rien à redouter. Je suis très heureux que tu me donnes des nouvelles d’Henri car je craignais qu’il n’ait été envoyé dans la fournaise où la lutte doit être épouvantable. Ceux qui n’ont jamais entendu ou vu d’obus de près ne peuvent guère se l’imaginer. Les permissions sont suspendues, il est donc très probable que je ne viendrai pas avant mai... (depuis le 26 février en raison de la situation à Verdun, JMO p 95) 7

Pour en revenir au bouquin de Le Bon4, écrit avant la guerre, il montre bien que des gens intelligents avaient prévu le conflit et on s’étonne de voir qu’un parti politique (où il n’y avait pas que des imbéciles) et qui nous a gouverné pendant près de 25 ans) aie tenu obstinément les yeux fermés sur ce péril. Quand on médite sur ce sujet on devient sceptique sur la clairvoyance des Hommes d’Etat en général et de ceux que nous nous sommes donnés pendant assez longtemps. Penser en particulier qu’à la veille de la terrible conflagration certains gouvernants dont l’influence était considérable ont nié systématiquement la possibilité même d’une guerre… est effarant ! Ces gens là nous ont conduits pendant de longues années à la ruine totale et ce fut un miracle que nous n’ayons pas sombré ! Puisque la méthode allemande était (ou aurait dû être) connue bien avant la guerre ; puisque le culte de la force y était adopté, puisque leurs critiques militaires estimaient que la défaite totale de l’adversaire ou du moins sa poursuite justifiait tous les moyens, meurtres, pillages, viols etc. il fallait d’autant plus se méfier et exalter le sentiment national au lieu de le ruiner. Si l’on suit l’histoire de notre politique intérieure de 1875 à 1915, on voit pendant 40 ans l’esprit public s’orienter de plus en plus vers de chimériques idéologies et méconnaître tout ce qui fait la force d’un peuple. Cela se passa sous la poussée inéluctable des masses à qui la constitution néfaste donnait tout pouvoir. Il me semble d’ailleurs discerner dans les événements en cours une incapacité très grande à nous organiser et des signes certains de décrépitude… Nous sommes une race fatiguée, et si les élans individuels sont sublimes, la coordination laisse fort à désirer. On discutaille sans trêve à la chambre, on met tout en question : compétence des chefs, qualité du commandement etc. Les habitudes parlementaires, pénibles en temps de paix, sont insupportables en guerre. Qu’arrivera-t-il ensuite ? Bien malin qui pourrait le dire. Toutefois la misère sera grande, le mécontentement vif, c’est un fait acquis. Une poussée révolutionnaire est logique, puis par contrecoup, après quelques années de marasme, de pataugeages, un gouvernement très fort qui fera claquer le fouet… Les hommes n’en seront pas plus sages du reste, chaque génération étant incapable de mettre à profit l’expérience des précédentes…

 Le 9 avril 1916, deux hommes passent à l’ennemi en abandonnant leurs armes : le soldat Chaix, un mauvais sujet qui a entraîné le soldat Sagnal un peu simple d’esprit…  Des tirs violents sur le PC de Rambucourt.  20 mai 1916, repos à Domgermain près de Toul. Le Régiment est dissout le 26 mai et le bataillon de Louis passe au 339e R.I. C’est un régiment « auvergnat » (Aurillac). Il a suivi à peu près le même parcours que le 286e R.I. Le 13 juin il prend un secteur en Argonne : Avocourt, 20km à l’ouest de Verdun puis en juillet devant Sivry-la-Perche. Cette fois c’est l’organisation de l’armée et la mentalité des officiers qui font l’objet de des réflexions de Louis… 5 juillet 1916 Mon cher Papa Je te remercie de ta longue lettre et du mandat qu’elle contenait, je suis heureux que votre santé à tous trois soit bonne … Jusqu’ici, j’ai fait Verdun en pantoufles, loin des obus puisque nos deux régiments étaient sous des commandements occasionnels et que nous n’avions avec eux que des rapports de paperasses. Demain 6, nous allons voir cela de plus près ! Je vais occuper un poste en arrière de Chattancourt (Le Mort-Homme, 10km NO de Verdun), mais fort bien abrité et très profond (fort du Bois Bourrus ?), le seul danger est que les deux portes en soient bouchées : chose peu vraisemblable aussi longtemps qu’il ne sera pas repéré. Le risque le plus gros est le trajet à l’aller et au retour : on a 7 ou 8 km à faire dans une zone battue incessamment, toutefois, jusqu’ici, ceux qui l’ont occupé ont perdu peu de monde, j’ai donc bien des chances de m’en tirer… Au point de vue général, je ne vois les choses ni en noir, ni en rose. Si l’on veut une victoire complète, il me semble qu’il faut compter au bas mot un an encore, non seulement les boches n’en sont pas à traiter, mais ils attaquent encore, et comment ! De plus il est curieux d’observer l’évolution des idées des gens au cours de cette guerre. La mentalité des gouvernants change ; presque tous se seraient refusés à croire au début à une guerre de 2 ans. Les économistes les plus éminents avaient déclaré cela impossible. Or chacun dit, à la fin de la deuxième année : ce sera dur, ce sera long !

4 Peut-être « Etude sur l’Allemagne politique » par André Lebon (E. Pion, Nourrit et Cie, 1890). 8

Nous avons peut-être atteint la force des boches en artillerie du début, mais depuis ils ont travaillé, inventé, organisé, produit ; la proportion n’a pas dû toute varier beaucoup ! … Ils tiendront au point de vue nourriture, ils ont en la victoire une foi au moins aussi profonde que la nôtre. Leur orgueil national n’a pas faibli. Ils sont chez nous, chez les russes, ont conquis la Serbie et le Monténégro, leurs gouvernants ont beau jeu à leur montrer la partie belle ! La question financière, au lieu d’être un facteur de raccourcissement sera un facteur de durée car les sommes engagées sont tellement formidables qu’on ne voudra pas lâcher ; on ne peut pas traiter à demi, du reste la Russie et l’Angleterre ne le toléreraient pas. Ce qu’on demandera à l’Allemagne sera tellement formidable que la carte se défendra jusqu’au bout, or ce bout, avec Krupp, avec 4 ou 5 millions de soldats qu’ils ont, peut être fort long encore ! Le seul facteur de guerre courte est une révolution intérieure : je ne la crois possible ni en Russie, ni en Angleterre. Reste la France et l’Allemagne : la première a trop peu souffert ; beaucoup à l’arrière sont indifférents, beaucoup souffrent en silence ou se contentent de chuchoter, les autres sont muselés et strictement coincés. La deuxième est trop disciplinée et trop « en main » pour se laisser aller à la révolte. Les premières tentatives seraient d’ailleurs si terriblement réprimées que l’exemple serait compris. Je suppose que l’Allemagne fera en octobre de larges concessions, mais que les Alliés les repousseront – Cette guerre marquera probablement la fin d’une époque, elle ouvrira dans l’histoire une nouvelle phase. Nous vivons inconsciemment quelque chose qui paraîtra formidable à ceux qui viendront. Ils n’y comprendront rien, pas plus que nous n’y comprenons la moindre des choses du reste ! Les événements nous emportent… Au fond la foi patriotique des Allemands est très grande, le faible nombre de prisonniers que nous avons faits à Verdun, le succès de leurs emprunts à l’intérieur le prouve… Le peuple allemand a consolidé à long terme 35 milliards, c’est énorme, il faut le reconnaître. Nous allons voir combien notre pays donnera à l’Etat, ou mieux, quel crédit il lui ouvrira. Quand on pense qu’il y a tant d’or encore dans les chaumières ou dans les palais (800 millions au moins) on reste sceptique : ce qu’il faut pour vaincre, ce n’est pas un patriotisme de journalistes vendus qui seront la honte de notre époque, mais l’esprit de sacrifice qui devient de plus en plus rare, il faut le reconnaître… … Tu dis dans ta lettre qu’il y a encore quelques gens qui estiment la valeur intellectuelle du soldat au nombre de galons, c’est une grave erreur : il n’y a pas quelques gens de cette espèce, il y en a 98/100. Les officiers traitent actuellement tout le monde comme les bleus à la caserne. Nous ne sommes plus des français qui défendons côte à côte notre pays, nous sommes des gens hiérarchisés : chaque degré s’incline devant le degré supérieur et traite comme un chien le degré inférieur. Après deux ans de ces vexations perpétuelles – que tu as souffertes quelques mois, et fort atténuées encore, tu comprendras qu’on a accumulé une rage incommensurable et concentrée… Bien peu de chefs, d'officiers voient dans le soldat un collaborateur, un homme, un citoyen qui vient l’arme à la main défendre son pays contre l'envahisseur. Les vielles doctrines féodales qui pesèrent d'un poids si lourd et si prolongé sur tant de cerveaux revivent aujourd'hui : Il y a encore depuis cette guerre des seigneurs au vieux sens du mot et des serfs. Le seigneur a encore droit de vie et de mort sur les serfs, et l'on est effrayé toujours par la rapidité des actions en Conseil de Guerre. Le seigneur doit exiger chaque serf les marques du plus complet respect. Aucun de ses actes ne peut être critiqué par un de ses inférieurs, aucun ordre ne peut être transgressé ! C’est le régime de l’absolutisme hiérarchisé avec toutes ses conséquences – Cette domination qui est en temps de paix, provisoire et temporaire puisque quotidiennement le soldat retrouve durant quelques heures sa liberté, est ici continue. Dans la vie militaire, la valeur propre de l’homme n’existe pas. Une chose seule est réelle : son grade. Un général serrera la main d’un officier parce qu’il est officier, c'est-à-dire porte un uniforme spécial, sans chercher à savoir si celui-ci est digne de cette marque d’honneur. Au contraire un général ne serrera jamais la main d’un soldat. Un soldat ne compte pas pour un général, c’est un instrument, un numéro, un uniforme anonyme. N’importe quel soldat est bon à n’importe quelle besogne ; n’importe quel officier est supérieur – même au point de vue technique – à n’importe quel soldat, axiome qui sous Louis XIV ou Louis XV pouvait être vrai, mais qui dans une armée où toute la nation est sous les armes est évidemment faux ! Il existe ainsi des élèves des Beaux-arts, professeurs de dessin, qui sont cuisiniers, des Receveurs d'enregistrement qui manient la pelle comme sapeur mineur, des terrassiers ou entrepreneurs qui sont cyclistes ou cuisiniers ou brancardiers, des ouvriers en fer qui de ce fait sont classés téléphonistes bien qu'illettrés etc. L’utilisation des compétences est inexistante dans l’armée puisque l’homme tout entier est annihilé, réduit à rien dès qu’il a enfilé l’uniforme ; il n’est plus un homme sachant telles ou telles choses, il est un soldat, ou sous-officier, ou officier – le problème de l’armée démocratique résolu dans les lois, les décrets ou règlements est loin d’être résolu dans la pratique. Dans quelle mesure un chef si, tant qu’il sert, doit voir dans un inférieur si bas qu’il soit autre chose qu’un instrument ? Dans quelle mesure un chef – en dehors des questions de services – doit-il respecter la personnalité 9

humaine chez son inférieur ? Dans quelle mesure la discipline formelle et stricte doit-elle faire place à d’autres sentiments en dehors des heures de combats ? Question très délicate. En effet on voit rarement un grand chef s’intéresser à ses hommes, jamais un mot affectueux ou d’encouragement, il n’est jamais un homme devant un homme, un citoyen devant un autre citoyen, un français à côté d’un autre français, tous deux défendant leur pays, il reste toujours le chef qui commande, qui obéit et qui fait agir des masses humaines. Les soldats qu’il envoie ici ou là, qui sur un geste, sur un ordre, se meuvent, avancent ou reculent, tuent ou se font tuer, sont-ils des hommes ? Ont- ils un cœur, une intelligence, des enfants, des amis, des parents ou une épouse ? Sont-ils des êtres pareils à lui ? Il ne s’en soucie pas, il ne se l’est jamais demandé… Il a depuis longtemps oublié le temps où il fût peut-être soldat, en tous cas sous-lieutenant et plus près d’eux. Ce sont maintenant des mécanismes qui recevant une impulsion doivent réagir de telle façon ; à tel ordre donné doit correspondre tel mouvement, si le mouvement n’est pas adéquat, le mécanisme a mal fonctionné, on le supprime. Si le mécanisme a bien fonctionné, il ne lui en garde aucune reconnaissance et c’est la moindre des choses, c’est prescrit par le règlement…

La perte d’un ami… (Joseph Tourette5), lettre probablement incomplète sur une seule feuille. (Esnes-en-Argonne, Bois du Mort-Homme) 30 décembre 1916 Ma chère Maman Nouvelle alerte hier soir ; beaucoup de travail pendant 2 heures environ, mais aucun danger, nous n’avons eu aucune marmite près de nous, sois donc entièrement rassurée sur mon compte. La nouvelle de la mort de ce pauvre Joseph est hélas bien vraie, Bonne Maman me la confirme, et Savel m’envoie un mot dans lequel il parle d’une balle à la tête – Ainsi il n’a pas dû souffrir et c’est tant mieux car plus que la mort ce sont les souffrances qui la précèdent ou les mutilations qui sont surtout redoutées. Lui n’est plus à plaindre, il avait fait le sacrifice de sa vie dès le début de la campagne, il avait un idéal, une foi qui soutenaient son ardeur. Quoique réaliste et je crois matérialiste, il restait un mystique, se sacrifiant volontairement pour son pays, pour la plus noble des causes. Ceux qui sont à plaindre ce sont ses parents et tous ceux à qui il était cher ; c’est bien une des plus nobles figures que j’aie connue et son amitié vive et dévouée m’était infiniment précieuse : je ne peux me faire à l’idée de ne plus jamais le revoir. Moi qui ne l’ai pas vu immobile et glacé, je ne peux l’imaginer que comme je l’ai connu, plein d’entrain et de gaîté ! Sa vie et sa mort sont un grand exemple… Si tous les français lui avaient ressemblé nous ne serions pas là où nous en sommes… Et ce qu’il y a d’atroce dans la guerre c’est que ce sont les plus dignes, les plus courageux, ceux qui s’offrent aux coups, qui disparaissent. Les éléments les meilleurs disparaissent peu à peu. Du jour où il demanda un commandement et voulu quitter l’Etat Major où un chef qui l’appréciait l’avait appelé, j’avais crains pour lui ; Mais il avait une si grande confiance qu’il réussissait à la faire partager à ses amis ! Et le voilà maintenant disparu, stupidement couché pour toujours parce qu’un peu de plomb parti du fusil d’un inconnu l’a par hasard rencontré. Cette guerre est monstrueuse et depuis 30 mois qu’elle dure, on se demande quelle folie mène le monde ! Si encore elle devait servir à quelque chose, si l’on pouvait espérer une amélioration quelconque de la mentalité des gens ! Mais non… il est absurde de l’espérer et le mirage des combats enchantera toujours les générations jeunes et qui n’auront pas vécu ces horreurs.

En marge de la guerre, Louis n’oublie pas l’avenir et se préoccupe de la carrière politique de son père qui est vice président du Conseil Général : il le pousse à se présenter aux élections sénatoriales car le décès d'un candidat6 "libère la voie" : 14 février 1917 Mon cher Papa

5 Joseph TOURETTE, °28-02-1887 à Lavoûte, tué le 15-12-1916 à Bouchavesnes-Bergen (80) capitaine au 25° RI, fils Jean-Pierre et Marie Louise BONHOMME 6 Louis DEVINS, né le 28-12-1850, docteur en médecine, maire de Brioude, député de Haute-Loire de 1898 à 1913, sénateur en 1913, décédé le 11 février 1917 à Brioude 10

J’apprends par les journaux que la voie est libre. Je n’oublierai jamais qu’il fut pour toi - pendant longtemps - un ami dévoué et si quelque ressentiment pouvait subsister à son endroit d’avoir vu que le mobile de ses actions fut toujours son succès personnel, il faut étouffer ce ressentiment devant une tombe. Pour ma part je lui serai reconnaissant durant ma vie entière de m’avoir impérieusement conseillé de quitter Paris au moment où son expérience médicale lui permettait de deviner ma pleurésie. Il fut toujours vis-à-vis de moi affable et bienveillant et somme toute on ne peut pas lui en vouloir de ce que la vie politique étouffe en bien des cœurs le vrai et sincère dévouement. Avec lui se clôt la liste des obstacles dont le vieux Dr V et Paul V7 surtout furent les plus puissants. Je ne sais encore au moment où tu recevras ces lignes si tu auras pris officiellement position, je ne sais même pas d’une façon certaine si tu es décidé à poser ta candidature et si tu es désireux de recueillir les fruits de la peine et du temps que tu as mis au service de ton pays ; toutes fois il me semble que d’après nos conversations d’il y a deux mois, tu n’étais pas hostile, tant s’en faut, à courir la chance. Cette disparition, me semble-t-il facilite étrangement l’entreprise car cette place te revient si naturellement que personne ne devrait songer à te la disputer… Et cependant comme les ambitieux sont légion, elle ne te sera pas offerte - je le crains - tout de go. Il y aura lutte vraisemblablement, lutte aisée ans doute et qui ne fera que consolider ton succès, mais lutte quand même. C’est cette lutte que je te demande d’entreprendre et de soutenir et pour laquelle, si tu le juges utile, je m’emploierai suivant tes indications, de mon mieux. Ce n’est pas un motif purement égoïste qui me fait agir, crois-le ; il va de soi que dans une carrière administrative ton appui comme parlementaire me serait précieux, toute fois je vois bien au-delà lorsque je te demande cet effort : très sincèrement je pense à ton bien-être e à ton bonheur et à celui d’Henri. Je sais que Maman est parfois un peu effrayée à l’idée d’un dépaysement et qu’elle redoute la période agitée et pénible qui précède une élection, mais ce genre d’élection implique une telle facilité par rapport aux autres que c’est très peu de chose… Je sais aussi que Maman aime la vie tranquille de Lavoûte et s’effarouche de changements, mais avoue que la campagne, charmante à partir d’avril, a bien des inconvénients pendant l’automne et l’hiver, et l’on peut trouver à Paris un appartement dans un quartier paisible. Et puis enfin tu vivras vraiment, car j’ai vu combien douloureux avait dû être cet isolement intellectuel ; tu as su trouver dans ton dévouement professionnel de hautes et nobles joies, mais ne pense-tu pas que tu as droit à une vie différente, plus variée, plus douce à bien des égards, puisqu’elle nous permettra de vivre plus longtemps ensemble ; n’estimes-tu pas enfin au fond de ta conscience que tu occuperas plus dignement ce siège que tant de pantins qui l’envient ! Quant à moi, j’estime que puisque l’intérêt général et l’intérêt particulier t’y convient ce serait témoigner d’une étrange faiblesse ou d’une humilité trop grande que de ne pas te présenter. Tu t’es effacé devant V par intérêt local, par dévouement, on ne pouvait que l’approuver, mais laisser la place à un des pierrots de notre pays ce serait une sorte de désertion. Je suis certain que mes amis E et R travailleront à fond pour toi : d’abord parce qu’ils ont une grande estime, ton attitude politique, ton jugement, ton dévouement aux affaires publiques, et aussi parce qu’ils ont pour moi des sentiments d’amitié sincère. Quant au dernier quart des membres du collège tu seras sympathique au plus grand nombre ; du reste Ch. D.8 va sûrement travailler de concert avec toi soit officiellement, soit officieusement et c’est une élection assurée. Je te serais donc, mon cher Papa, très reconnaissant, lorsque tu auras pris une décision et que tu auras quelques loisirs de m’en faire part. Marque moi aussi - si tu veux bien - comment tu entends manœuvrer. C’est d’ailleurs à votre cession d’avril probablement que l’on s’orientera. Ma vie continue tranquille et sans beaucoup de danger. Heureusement que nous habitons la forêt et que le bois ne manque pas ! Je t’embrasse de tout cœur ainsi que Maman et Bonne Maman. Louis

Le Régiment reste en Argonne jusqu’en septembre 1917 puis part en Champagne où il restera 2 mois en repos, permissions, exercices.

7 Paul Veysseyre, avocat, député de la Haute-Loire en 1913, meurt le 14 mai 1914. 8 Charles Dupuy, né au Puy, plusieurs fois Président du Conseil, puis Sénateur. 11

Fin octobre c’est un grand déplacement vers l’Italie9, au nord ouest du lac de Garde. Après trois mois de formation à la guerre en montagne, de cours d’histoire et de géographie de l’Italie, d’apprentissage de rudiments d’italien et quelques combats bien loin de l’enfer de Verdun, c’est le retour en France.

Avant de quitter l’Italie Louis rassure sa mère. (Région de Lonato di Garda, au sud du lac) 2 avril 1918 Ma chère Maman, Je suis encore en Italie où j’accompagne un train de bagages avec quelques convoyeurs de mon régiment. Les permissions sont suspendues pour l’instant, elles reprendront quand les affaires seront un peu calmées je pense. Je suis naturellement sans aucun courrier depuis 10 jours, je trouverai un monceau de lettres en rentrant. Pour le moment je suis très bien et vais bien, ne t’inquiète pas à mon sujet. Je t’embrasse ainsi que Papa et Bonne Maman de tout cœur Louis

Puis c’est le front d’Amiens (Estrées sur Noye). Le 19 avril 1918, entre Hailles et Castel, 15km SE d’Amiens, en réaction à une attaque française l’artillerie allemande bombarde les lignes conquises et les arrières avec des gaz toxiques, Louis est atteint. La citation suivante qu'il a méritée à cette bataille, nous dit son dévouement et la cause de sa mort : « Marsset Octave Henri Louis ; caporal radiotélégraphiste, en dépit d'une grave maladie, a tenu à assurer le service du 17 au 27 avril 1918, dans des conditions particulièrement pénibles et périlleuses. Le 19 avril il a réparé son antenne de T.S.F. sous un violent bombardement d'obus toxiques ». Il est évacué vers l'hôpital du Puy où de graves complications surviennent, et son père obtient au mois de mai de le soigner à Lavoûte. Son frère Henri le voit au cours d’une permission. Par quelques lettres d’Amable à Henri, nous apprenons qu’ils entretenaient une correspondance très fréquente, même quotidienne dans les derniers jours de Louis.

4 juillet Mon cher enfant, Louis est toujours très mal… … un peu de délire à certains moments. Il voit des italiens, des boches, parle de son major. Cela ne dure pas, mais il met bien 1 minute avant de reprendre son esprit. Il paraît ne pas souffrir, a toujours de la peine à respirer, éprouve cette sensation d’étouffement qu’il avait pendant ton séjour ici… … J’espère avoir un mot de toi demain, je te donnerai tous les jours le bulletin… Je t’embrasse mon cher Henri de tout mon cœur Ton vieux père A Marsset

Le lendemain 5 juillet Louis meurt entouré de ses parents. Dans une très longue lettre à Henri, son père lui raconte les derniers instants. Il lui parle aussi du cahier des notes que Louis prenait au front et que nous n’avons malheureusement pas retrouvé…Il évoque le logement que Louis occupait à Paris : Henri pourra s’y installer pour finir ses études de médecine…

9 Le 23 mai 1915, après avoir négocié le Pacte de Londres, l'Italie, restée neutre jusque là, entre en guerre aux côtés de la Triple-Entente. Le 24 octobre 1917, l’armée italienne est défaite lors de la bataille de Caporetto. Un corps expéditionnaire franco-britannique est envoyé en renfort sur le front italien. 12

Une grande foule l’accompagne au cimetière de Lavoûte

Médaille Militaire à titre posthume. Au cimetière, M Auvergnon notaire, vieil et fidèle ami du docteur Marsset, a tenu à dire quelques mots malgré la poignante émotion que lui cause le souvenir toujours brûlant de son propre fils tombé au champ d'honneur dans les tranchées10. Puis, le sergent Dauphin, a dit un dernier adieu à ses compagnons d'autrefois : Louis Marsset et Joseph Tourrette, dont il vient d'apprendre la mort glorieuse. (La Montagne) Henri n'a pas le temps de revenir du front pour les obsèques de son frère il arrivera en permission deux jours plus tard pour 4 jours auprès de ses parents.

10 André François Marie Auvergnon, né le 20-11-1895 à Lavoûte de Michel Auguste et Marie Jeanne Fournier, Caporal au 414e R.I, tué le 27-11-1915 Souchez (62) 13

Henri Marsset Introduction Pour mieux comprendre les mouvements fréquents des unités, même pendant « la guerre des tranchées », on peut lire (page 60) l’organisation simplifiée de l’Armée française pendant la guerre 14-18, pas très différente d’ailleurs de celle des allemands. Grades des MÉDECINS Sous-officiers Médecin auxiliaire = Adjudant Sous-aide major = Adjudant chef Officiers Médecin aide major de 2ème classe = Sous-lieutenant Médecin aide major de 1ère classe = Lieutenant Médecin major de 2ème classe = Capitaine Médecin major de 1ère classe = Commandant Médecin principal de 2ème classe = Lieutenant-colonel Médecin principal de 1ère classe = Colonel Médecin inspecteur = Général de Brigade Médecin inspecteur général = Général de Division

Journal de guerre d’Henri MARSSET Après son baccalauréat Henri avait fait un séjour à l’université de Marbourg (Hesse) pour perfectionner sa pratique de l’allemand, ce qui a certainement marqué son état d’esprit au moment de la déclaration de guerre. Il venait de terminer sa 2ième année de médecine lors de sa mobilisation le 14 août 1914. Il fit toute la guerre comme Médecin et y gagna la Croix de Guerre avec trois citations dont deux à l’ordre de la Division. Il en a aussi rapporté près de 200 photos… Voici la transcription des carnets qu’il a tenus très irrégulièrement. Pour suivre son parcours et localiser les photos pendant les lacunes de ses carnets, j’ai extrait les grandes opérations des Divisions de rattachement de son Groupe d’Artillerie Divisionnaire ou de son régiment (en bleu). (des commentaires sont ajoutés en italique) Les noms des personnes citées suivis de * font, à la suite des carnets, l’objet d’une fiche issue du MémorialGenWeb lorsqu’il s’agit de tués (j’ai fait ajouter quelques fiches grâce à ces carnets). 14 Août 1914, il est mobilisé comme Médecin auxiliaire au 53ième R.A.C .à Clermont-Ferrand, Artillerie du 13e C.A. (voir la composition d’un Régiment d’Artillerie de Campagne page 61)

La fonction du médecin auxiliaire dans l’artillerie est très simple : il installe un poste de secours (pansements, désinfectants, attelles, sérum antitétanique, huile camphrée) dans un abri plus ou moins solide, bâtiment, cave, souvent une « cagna » qu’il a creusé avec ses brancardiers au plus près de son unité (une batterie du régiment d’artillerie commandée par un capitaine, totalisant près de 150 hommes), il joue le rôle d’un infirmier qui doit aller avec ses 4 14 brancardiers « ramasser » les blessés, évaluer la gravité des blessures pour définir l’urgence, les panser sommairement, si possible dans son poste, pour pouvoir les transporter vers « l’échelon », situé plus à l’arrière, ou vers le « groupe » (3 batteries) qui dispose de moyens médicaux (médecin, voiture médicale). L’artillerie est le plus souvent légèrement en arrière des tranchées, rarement exposée à la fusillade, en revanche elle est la cible de l’artillerie adverse qui cherche à la neutraliser par des bombardements incessants. Le poste de secours ne doit pas être au milieu des 4 pièces de la batterie au risque d’être atteint par les bombardements adverses qui les vise, mais pas trop loin. En plus des blessés, le médecin auxiliaire surveille l’état de santé des hommes (vaccination, épidémie, froid, hygiène alimentaire...)

Acheminé dans les Vosges, prise de Sarrebourg qui était alors en Allemagne (18 août), puis retraite avec des combats à Baccarat, Rambervillers (fin août). Embarquement près d’Épinal.

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Transport vers l’Oise(16 septembre), combats à Lassigny (21 septembre). Coopération avec un groupe du 16e RAC, arrêt des allemands après la perte de Roye.

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1er octobre 1914, affecté au 16e R.A.C. (5e groupe de 95, Artillerie de la 26e D.I.) JMO 26e DI : Combats autour de Lassigny

(l’église de Lassigny)

1er novembre 1914 Cérémonies à Mareuil, à Saint Claude, au cimetière de Plessis où reposent un certain nombre d’officiers et d’hommes de troupe de la 26e DI

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11 – 13 novembre 1914 Retrait du front et transport par voie ferrée depuis Montdidier vers la région Poperinge 15km ouest (Belgique) pour relever le 1er Corps anglais.

13 novembre - 2 décembre Engagés au fur et à mesure de leur arrivée en Belgique, dans la Bataille d'Ypres, à l’est d’Ypres : combats vers Zonnebeke. Puis stabilisation et occupation du secteur. En l’absence d’Aide Major, Henri est par intérim, médecin Chef de service du Groupe ce qui lui donne la responsabilité du Poste de secours (il est au centre). 18

27 novembre, attaque allemande. 29 novembre, attaque française.

2 – 7 décembre Retrait du front et mouvement vers Poperinge.

À partir du 7décembre, transport par V.F. dans la région d’Estrées-Saint-Denis ; repos. Le Groupe d’artillerie passe à la 6e DI Les déplacements de l’Artillerie Divisionnaire semblent continuellement calqués sur ceux du 5e RI.

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Toute l’année 1915 se passe en Artois En mars 1915, entre Arras et Lens

Ambulance British Red Cross Society, St John Ass.

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Camp d’aviation de Gouves

Henri songerait-il à l’aviation ?

peut-être pas !

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En mai et juin 1915, sur demande de Foch, Général en Chef, le général Pétain organise une offensive puissante au nord d’Arras (Vimy) La carte d’Etat major de 1866 est plus proche des lieux de 1915 que les cartes actuelles traversées par une autoroute…

Entre Souchez et Neuville St Vaast, le chemin des Pylônes est déjà le point de départ des attaques vers La Folie et la crête de Vimy où les Canadiens auront encore 10 000 tués en avril 1917 ! Les artilleurs un peu en arrière des tranchées de premières lignes, doivent rester mobiles et se déplacer s’ils sont repérés et bombardés par les ennemis, ou pour s’installer sur une position plus favorable pour répondre aux demandes de l’infanterie, ils n’ont pas le temps de creuser des tranchées qui de toutes façons ne seraient pas adaptées aux canons, mais seulement des abris pour de petits groupes, les « cagnas ». Avec ses brancardiers, Henri va creuser une « cagna » qui est aussi son poste de secours. La cagna « de luxe » qu’il occupe à Souchez résulte du passage de plusieurs unités qui l’ont progressivement améliorée.

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Le 4 juillet 1915, Henri est à Agnez-les-Duisant

puis Dainville (bombardement le 5 juillet…). En août à Carency.

En septembre la Division est au repos dans la région de Magnicourt-sur-Canche à l’ouest d’Arras où elle sera engagée fin septembre (Mont-Saint-Eloy). Henri assure toujours la fonction de Chef de service pour le Groupe, il y a un médecin auxiliaire pour chaque batterie. Près du Poste de Commandement du groupe (PC), on a installé un poste d’observation qui permet de voir les lignes ennemies. C’est de ce poste que seront dirigés les tirs des batteries en fonction des demandes des premières lignes (téléphone, fusées) ou des ordres du Quartier Général pour la préparation d’une offensive.

4 octobre 1915 Suis appelé au PC. Tout le monde est à l’observatoire. Je grimpe. Le commandant m’annonce simplement qu’on a reçu des masques, cagoules, appareils à oxygène etc. Je cause longuement avec le colonel Gueyde… En revenant, vu une escadrille de bombardement (18 Voisin ensembles), c’est curieux, cela semble un vol de gros oiseaux qui ronflent, ils ont été accueillis par une centaine d’obus, mais ils ont passé. 5 octobre 1915 On doit attaquer sur La Folie (Chemin des Pylônes, Vimy 62). 10h, après ma visite à la batterie il commence à pleuvoir. C’est d’ailleurs un fait, 23 chaque fois que l’on veut attaquer il pleut. Le sol commençait à sécher, on va donc de nouveau rester les pieds dans l’eau. 13h, il pleut toujours, nous restons donc dans la cagna Rosh (un brancardier) et moi… Le Dr Berthomieux (médecin de la Division ?) vient nous rendre visite : il m’annonce que le commandant aurait voulu me faire passer Chef de service (pour qu’Henri garde le poste de médecin du groupe qu’il exerce par intérim) et a demandé à Berthomieux si cela se pourrait. Après hésitations a fini par faire la demande d’un Médecin aide major. Je le regrette vivement car il paraît que nous ne sommes pas relevés : nous sommes sous-officiers et on nous le fait bien sentir.11 21h, pas de canonnade, il n’y a pas eu d’attaque, pour peu que ce temps persiste on se demande si la guerre aura une fin.

6 octobre 1915 Je vais faire de la photo continuellement avec Micault (lieutenant de batterie), ce soir j’ai développé jusqu’à 11h. Le capitaine Fleury, du 28, est épaté des résultats que j’obtiens…Malherbes (brancardier) trouve un positif sur verre, le nettoie et après l’avoir bien examiné tire consciencieusement 2 épreuves ! (il a évidemment obtenu des tirages négatifs sur papier…) 7 octobre 1915 On part demain au repos, le 3e corps y va…(reconstitution des unités après de lourdes pertes) Blanchard (brancardier) nous parle de ses rhumatismes « asiatiques » ! 8 octobre 1915 On part demain à 2h du matin, ca va être gai ! Avec une dent qui m’a empêché de dormir : Rosch me l’arrache… 9 octobre 1915 Voyage assez long, 30km plein d’imprévus - ma poussette (chariot brancard) se détache 3 fois, on perd la colonne. Enfin on arrive à, Estrée Wamin (25km à l’ouest d’Arras) vers 11h du matin. Pas de poste de secours, on couche à la gare… 12 octobre 1915 Voyage à Frévent - beaucoup d’officiers chics : C’est le QG de Foch ! 15 octobre 1915 Visite du grand patron à Avesnes-le-Comte… 22 octobre 1915 (fin du repos)

La 6e DI doit relever les 22e et 27e Divisions britanniques au sud de la Somme. Guerre de mines. Départ 6h. On embarque à 9h à Saint-Pol-sur-Ternoise (à droite, Henry et son appareil photo). Il pleut, naturellement. A 11h le train démarre - je voyage avec Georges, Bourguignon, Dambrelle, Morange et D’Alauzier (ces 3 derniers lieutenants de batterie). A 6h le commandant m’invite à boulotter… On passe Abbeville, Amiens et on arrive à 8h du soir à Dommartin encore 20km à faire, on va à Epagny (Chaussoy- Epagny, 18km sud Amiens). Tout le monde est vanné. On forme la colonne. Nous perdons 2 fois le chariot- brancard. Minuit, on roule toujours ! Le capitaine s’aperçoit que nous ne suivons pas la bonne route : ½ tour, on a fait 10km en supplément… Le capitaine Loudois fait une tête ! On arrive

11 Cette remarque rejoint tout à fait celle de Louis dans sa lettre du 5 juillet 1916. Ce n’est qu’après de durs combats et les promotions de petits gradés en remplacement d’officiers tués qu’apparaît plus de solidarité. 24

à Epagny à 1h du matin. Installation du parc, les autres arrivent, je dors une heure… Le groupe doit être maintenant artillerie de la 99e DIT qui est rattachée à la 6e DI, il relève un groupe anglais dans la région de Proyart - Chuignolles - Capy (15km ouest de Péronne) 5 novembre 1915 Midi, Georges vient déjeuner et nous allons aux batteries. Après visite complète, je choisis mon emplacement, le poste de secours sera à la place des anciens réfectoires anglais, légèrement au-dessus des cagnas. Visite au capitaine Lapeyre, il est royalement installé.

(en jaune la ligne de front, flèche bleue les batteries) On retourne à Framerville (Framerville-Rainecourt), le commandant m’annonce qu’il a demandé un médecin auxiliaire pour me laisser chef de service. Je le remercie. Au fond je n’y compte pas. Ils désireraient me faire passer 1 galon (médecin aide major), mais il faut faire des demandes, c’est trop difficile pour eux. (c’est en effet plus compliqué du fait que le groupe n’est pas dans son Régiment, mais à la Division) . 6 novembre 1915 10h matin. Une auto arrive : c’est un docteur 1 galon - Dr Bélebre - je l’accompagne chez le commandant. Tête générale ! Le soir Micault me demande si c’est bien un Aide-Major, le commandant le croyait Auxiliaire… Enfin le commandant me demande de m’occuper des batteries de tir. Le patron a l’air assez chic, mais veut faire trop de choses. Il vient de l’Infanterie (Bataillon de marche de la 130e D.I.). Il est au front depuis 2 mois, mais n’a jamais été plus loin qu’Acq (20km sud Béthune). Il veut des états, chauffage etc. Il souffre de rhumatisme et craint les rats, aussi il m’a de suite déclaré qu’il n’irait jamais coucher aux batteries, je vais donc là-haut pour 4 ou 5 mois, douce perspective ! A l’échelon, sortie de la popote, devant à droite mon nouveau chef de service : le Dr Belebre (Henri est derrière lui puis le médecin Bouguignon et à gauche en haut Lt Dambrelle). 25

14 novembre 1915 Départ pour la batterie à 1h du matin. 21 novembre 1915 Je termine l’installation de ma cagna dite « Au clystère » ! Aujourd’hui j’ai construit un chemin d’accès en bois. 22 novembre 1915 Il y a cinéma à Proyart (Somme), j’y vais : 3 km sous la pluie. Un sous-sol de brasserie - 300 poilus beuglent des refrains de café-concert - pas une seule vue militaire ! 23 novembre 1915 8h matin. Georges me fait signe : on va à Foucaucourt. Maison du percepteur, pas trop amochée, escalier intact, mais sous le toit des courants d’air (observatoire)… Il fait froid. Le lieutenant Baillard règle le premier (tir)12. La 2e pièce marche très mal, enfin il termine vers midi. Georges commence. Tir sur la maison du garde : simple accrochage. Nous sommes à 200m des premières lignes et à 300m des boches. J’ai beau rester ½ h l’œil collé à la jumelle, pas moyen de voir un casque à pointe. D’ici quelques jours je pense pouvoir aller en face de Fay (3,5km N.E. de Foucaucourt) et voir quelque chose. 28 novembre 1915 Retour à Foucaucourt. Des aéros, les boches les canardent. Un éclat tombe à 50cm devant mon nez. Visite de l’église - véritable fortin avec créneaux - abris de mitrailleuses - souterrains. Le village me paraît imprenable. Toutes les issues sur la route sont fermées. Partout des créneaux, trois barricades très solides, des fils barbelés etc. C’est très curieux ! 30 novembre 1915 Visite au PC. Le commandant m’invite à prendre le thé, on cause longuement de Malherbes. J’ai autorisation pour une 2e perm : je dois m’entendre avec Bélebre. 4 décembre 1915 Je suis invité chez Micault : on pend la crémaillère et fête Ste Barbe. Nous sommes 4 : le capitaine Dardennes, Micault, George et moi. Bon boulot copieusement arrosé ! On cause jusqu’à 1h du matin et je rentre par nuit très noire. 9 décembre 1915 Gardet part en permission, il a bu un peu trop ! Trévis (brancardier) fait ma popote… 15 décembre 1915 Nous partons ce soir : tout le monde est furieux… Mouvement vers Cottenchy, vallée de la Noye. Exercices. Notes : Végétaline, toile émeri, clous crampons, bloc-notes, chaussette Rasurel, attaches chaussette, savon, toile cirée, lampe acétylène, stylo…(liste d’achat pendant la permission ?)

12 Le repérage de l’objectif sur la carte permet de calculer les premiers données de tir (direction, hausse et charge), l’observation du résultat conduit à corriger pour obtenir le bon réglage. 26

1916

12 Janvier 1916 Mouvement de la Division vers Roye. L’artillerie à Erches (Somme)carte page 15 (25 février chute du fort de Douaumont qui était pratiquement vide) Opérations autour de Roye jusqu’à fin février. 1er mars la Division est relevée, mouvement vers le sud de l’Aisne, région d’Ambleny. Le mois de mars se passe en aménagements des défenses.

Début avril 1916 mouvement vers l’Argonne 3 avril 1916 Verdun Départ pour Landrécourt (fort, 5km SSO Verdun, près de Dugny) - bivouac, je m’installe dans ma voiture - quand arrive Bélebre, froid général - c’est bien ma veine, c’est l’infanterie sous peu - dans un secteur semblable, il ne va rien faire, je vais encore trinquer ! Visite au P.C., à la vue de Bélebre sourire du Commandant. Les officiers partent en reconnaissance. 4 avril 1916 La position est reconnue : dans un bois près du carrefour de Bellevue (bois des Hospices, 4km ENE de Verdun)- ça tombe ferme paraît-il ! Demain à 3h une équipe de travailleurs part car il n’y a pas d’abri, je les accompagne. 5 avril 1916 27

Bois des Hospices

Départ 2h du matin en camion. Il a plu, on dérape ferme - le camion est plein, je m’installe en lapin et le pacha s’étale largement. L’auto nous débarque à 3km de la position - c’est très gai, nous avons plus de 100kg à porter… les pauvre poilus ont en plus de leur paquetage 2 tonneaux d’eau - heureusement le capitaine Dardenne arrive avec son fourgon. Nous choisissons notre emplacement et de suite on travaille : Trevis, Janvier ? Bertin et moi. A 5h nous étions à 1m60, il était temps car les obus tombent de plus en plus proches. Je couche avec d’Alauzier et nous causons très amicalement. 6 avril 1916 Réveil 3h ½ c’est un peu tôt ! Quelques lettres. On travaille toujours, mais pas de rondin. J’ai quelques ampoules ! 7 avril 1916 Réveil 4h. Le capitaine S et le commandant arrivent - je chipe quelques rondins, on recouvre la moitié de la cagna et nous y couchons avec Trévis. Demain il nous faut encore voler 7 ou 8 rondins, donc réveil à 3h. Le soir le dépôt de munition d’infanterie voisin (ferme de Bellevue 400m) saute pendant 1h ¼ un crépitement épouvantable, cartouches, fusées, , tout saute. Les boches tirent toujours sur le carrefour. 8 avril 1916 Pas encore de rondins. Pas d’eau pour la soupe à la 42. 10 avril 1916 28

Je descends à l’échelon demain13. Bélebre monte construire sa cagna. (on le voit ci-contre) C.D. colle un obus dans un arbre : 5 blessés au 5e Infanterie. 15 avril 1916 On a vu les tranchées boches hérissées de baïonnettes - tir déclenché de suite - le groupement a envoyé à lui seul 33000 de 75 et 10000 de lourd en 2 h. Les boches tirent en moyenne 7000 obus par jour sur le fort de Vaux et les environs directs du fort… 18 avril 1916 Retour à la batterie - temps affreux, il pleut - cagna pleine d’eau ! 25 avril 1916 La nuit marmitage sérieux - un 150 tombe à 8m de ma cagna - Sommes nous repérés ? 26 avril 1916 4h les boches me réveillent, depuis 2h on est sérieusement arrosés. 4h ¼ « au secours », je bondis, c’est Verneyse qui est pris sous sa cagna (il y a 10 jours j’y couchais) on l’aide à sortir, pas de mal. 9h Guillemard (brigadier chef à la 43) a un éclat dans la cuisse avec fracture - après pansement on téléphone - les lignes sont coupées - je suis chargé de me débrouiller - il y a des autos au Faubourg Pavé, je pars avec 8 poilus par le ravin - endroit très dangereux - enfin on passe sans avatar et je trouve une auto. Le pauvre diable a geint tout le long de la route ! 12h on revient, ils arrosent la route, impossible de passer - on attend 10 minutes puis on passe. 1h déjeuner à la hâte. 2h le marmitage recommence, 1 blessé à la 41 - c’est un territorial - hémorragie interne - meurt 10minutes après. 7h D’Alauzier vient coucher chez moi. On blague longtemps… Les boches nous canardent toutes les deux heures avec du 15 et du 21, ca tombe à quelques 20m de la cagna ! 27 avril 1916 D’Alauzier est évacué, il part les larmes aux yeux - pauvre garçon - encore un ami de moins au Groupe ! 28 avril 1916 Pompout et Gendre sont nommés (c'est-à-dire qu’ils sont cités à l’Ordre du régiment) 19h un 105 tombe à 60cm de l’entrée de ma cagna - pas de mal - une odeur de phosphore épouvantable ! 29 avril 1916 11h un 150 au milieu de la batterie - Savoisin est blessé - je me précipite, fais 10m, un obus arrive à 4m de moi, éclate en terre et me projette un tas de saletés. D’un autre bond je saute dans un boyau, impossible de rejoindre la cagna de Savoisin, ils se succèdent sans interruption. 1/4h se passe, les obus sont plus espacés. Entre deux par bonds successifs, j’arrive à la 3e pièce : peu de mal. Le bombardement continue jusqu’à 12h. Pas d’autre blessé. 8h du soir, je songe à l’obus qui a éclaté près de moi. J’ai entendu à peine l’arrivée et à la même seconde je vis à 4m de moi une petite fumée bleue, puis 1m plus loin 2m² de terre se soulèvent lentement jusqu’à 40cm au-dessus du sol. Il semblait qu’une force mystérieuse l’enlevait, puis le fracas de l’obus et une gerbe formidable recouvrant tout de terre - j’avais déjà en deux sauts franchi la cagna voisine… 30 avril 1916 Le lieutenant André me porte ma croix de guerre dans un petit bout de papier ! 1er mai 1916 2h du matin - il y a des blessés - j’emmène Gendre - On n’y voit rien, je trébuche à chaque pas -

13 on « monte en ligne » même si le terrain est en pente descendante, et on « descend » à l’échelon situé à l’arrière. 29 enfin en voici un, je l’emmène chez Belebre toujours dans le noir. Enfin on arrive - pas de blessure, Mouly* a été projeté avec une grande violence, il a 5 côtes cassées, hématome etc. Puis on amène le 2e : c’est épouvantable, une loque, la cuisse gauche arrachée, le fémur à nu, la jambe droite broyée, les bras aussi et le ventre ouvert - c’est affreux. Impossible d’évacuer Mouly de suite, les boches barrent le ravin. A 6h les brancardiers partent. 11h ½ deux obus - ce sont des lacrymogènes - il en tombe ainsi jusqu’à 1h½ - si cela continue, résistera-t-on longtemps. Tout le monde en a assez de Verdun… 4 mai 1916 Réveil à 2h du matin - 1 mort à la 41e (2e canonnier conducteur AUMONT*) On parle vaguement de relève du 3e C.A., si ce n’était pas un bruit peu fondé ? Espérons toujours ! 5 mai 1916 6h du soir - un orage se prépare, vent très fort - brusquement on voit une saucisse emportée, l’observateur saute en parachute - le ballon livré à lui-même monte toujours, 5 autres le suivent… 11 mai 1916 Les boches se réveillent depuis 4h du matin. Ils tirent beaucoup, arrosent un peu partout. Veulent-ils tenter un nouveau coup ici ? Les 420 tombent sur Tavannes (Fort à 1km5 au NE) 15 mai 1916 Dernier tuyau : on partira le 23. Pour le coup l’infanterie viendrait le 18. Les boches nous embêtent, ils nous expédient à intervalles irréguliers des 130, on n’entend rien arriver… 16 mai 1916 17h40 les boches nous règlent par avion, le 6e obus vient de tomber long et à gauche. 21h nous étions bien réglés, pendant 2h les 150 tombent ferme au milieu de la nuit cela n’a rien de gai ! 17 mai 1916 10h50 nos avions ont terminé leurs réglages. Les boches rappliquent, durant 2h ils se baladent à 5 sans qu’un seul Nieuport soit en vue. Ils ont dû faire des photos car le temps est très clair. D’ici 2 heures nous saurons si nos batteries sont bien cachées ! 20h le bombardement commence. Un blessé à la 42, c’est Curabet*. Je le trouve dans un boyau la figure toute noire. L’artère du poignet gauche est ouverte et un éclat dans la cuisse a ouvert une grosse artère, cela donne ferme. Le boyau est très étroit, je ne puis me tourner, enfin j’arrive à placer une bande homéostatique. Il était temps, on m’appelle à la 41, un obus est tombé sur une pièce : 2 morts (Larivaud* et Monchamp*), 3 blessés, Moulin - très grave - Rouzier et Charmet. On les évacue vers 1h du matin (vers Chevert ?, à 1,8km). J’attends le retour des brancardiers. Ils arrivent à 3h - Wolf est très déprimé, nous le remontons puis on fait les propositions. Bélebre s’embrouille, il patauge ferme. Blanchard est ivre mort.

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18 mai 1916 Je suis vanné, j’ai dormi 2h. Je dîne chez le capitaine Dardenne. (au 5e RI remise de la Médaille militaire au soldat Vergnaud14) 19 mai 1916 Mage* et Vernet* (41e) ont été tués à Souville (fort de Souville près de Fleury-devant-Douaumont, dernier rempart avant Verdun). Proposition de citation pour Merles, Trevis et M Bélebre, cette dernière attire pas mal de réflexions. 22h on m’appelle à la 41e, une cagna écrasée - un mort : Beaulaton*, 3 blessés Béal, Ribeyre, Rigaud 20 mai 1916 6h du matin, un territorial est très grièvement blessé près du 5e. Une batterie du 107 (155TR) est venue s’installer dans le ravin devant nous - ils ont déjà 5 blessés légers, c’est moi qui vais les soigner probablement. 1h, les boches recommencent à nous marmiter, cette fois c’est sur la 42e, cela dure jusqu’à 5h½. 100 obus et 2 caisses à gargousse sautent à la 1e pièce de la 42 - toutes les branches d’arbre sont fauchées à 50m autours… c’est le fin réglage et il faut s’attendre à recevoir tous les jours autant. Je couche chez le lt Micault. A 7h ils recommencent pendant ½h, pas de blessés. Nuit calme. 21 mai 1916 Matin 9h nouveau marmitage, nouvelles caisses à gargousse qui sautent. 10h ½ - on va chez Legendre avec Morange - un obus frise la cagna, éclate à 1m en arrière, je reçois les flacons de toilette sur la tête… 21h, marmitage recommence durant 1/4 h. 2 chevaux sont écrabouillés. Jouet blessé à la 41. 22 mai 1916 10h matin - nouveau marmitage. 1h - ils nous ont tiré depuis 3 jours plus de 1500 obus de 150. La 43 reçoit 2 obus sur les gargousses, 1 sur une pièce - tout flambe - une caisse pleine est projetée à 5 m devant notre cagna - 3000 gargousses ont brûlé - l’explosion a été tellement violente que dans la cagna du lieutenant Micault les portes ont été enlevées les plans déchirés. Cette pauvre batterie offre un spectacle lamentable - tout est brûlé, les arbres n’ont plus de feuilles… 12h20 attaque sur Douaumont - tout est bien préparé - les avions ont descendu 6 saucisses - des compagnies d’Infanterie du 34 sont avec nous, prêtes à renforcer la Division Mangin 2h ça marche - le Ce du 34 me serre la main 4h nouveau marmitage des batteries 9h nouveau marmitage Nuit relativement calme. Douaumont serait presque complètement pris… 23 mai 1916 7h réveil chez Micault par les marmites. Journée relativement calme. Quelques marmites de temps à autre. On n’a pas de nouvelle de l’attaque. 24 mai 1916 Nuit très calme. A la 42 Reynaud est blessé par un éclatement prématuré. 13h le marmitage de la 41 recommence. 13h25 on m’appelle, 3 territoriaux blessés par un obus tombé à 50m en avant de ma cagna - je les relève et les emmène chez Belebre. 25 mai 1916 Mauvaise nouvelle, Douaumont est repris - la 41 remonte à Souville demain. C’est Monnange qui commence la corvée. 15h30 - on tape ferme - est-ce une nouvelle attaque de notre part ? Où est notre relève ? 16h ce sont certainement les boches, ils doivent attaquer en grosse masse - l’artillerie donne formidablement ! Au dessus de Souville une fumée épaisse monte très haut et s’étend sur un grand front. Il est probable que d’ici quelques heures c’est nous qui prendrons des 150 !

14 Henri sera muté au 5e RI dans 6 mois, il est très probable que Monsieur Vergnaud, qui fut un grand ami de ma famille, n’est autre que le soldat Vergnaud ! 31

27 mai 1916 5h le colonel Drouant accompagne le cdt qui nous remplace. Départ demain dans la nuit. On laisse les pièces.

Pertes à Verdun : 41 42 43 Morts 1 territorial Courtioux* Mage* Vernet* Lhomond Larivau* Monchamp*

Blessés Rouzier Girard Moully* Charnet ? Curabet* Guillemard Moulin Sauvertin ? Peyronnet Reynaux Rigaud Ribeyre Beal Jouet

8h je vais voir Belebre : il décidera avec le cdt et me fera prévenir. 12h on m’annonce que Belebre est parti ! Je vais au P.C. demander des ordres, le Cdt me dit que Belebre n’est pas parti ! Je vais au poste de secours : personne. Cartier, Coissard et le patron sont partis et ont monté la côte à fond de train à la joie des cuisiniers. Je retourne au P.C., le Cdt sourit à l’annonce de ce départ un peu précipité. Pour moi je la trouve mauvaise, mais l’histoire est tellement comique que je ne puis rouspéter ! 28 mai 1916 Départ à 9h du soir avec le capitaine Dardennes, il fait très noir. Arrivé à l’échelon je cherche en vain la voiture médicale durant 1h ½ - enfin on m’apprend que la voiture et le 42 sont partis. Le capitaine n’a pas d’ordre, il est furieux. 29 mai 1916 Arrivée à 3h du matin dans le bois près de Senoncourt (Senoncourt-les-Maujouy). Impossible de se coucher, M Best dans la voiture. 20h je me couche vanné. 30 mai 1916 On parle de la nomination possible du Cdt… Je mange dès ce soir avec les officiers de la 43. 31 mai 1916 Etape à Villotte devant St Mihiel (Villotte sur Aire, 22km sud Senoncourt). Je couche avec Dambrelle. 31 mai 1916 Longeau (24km sud Villotte)- Le capitaine S. vient réclamer et accuse Micault d’avoir détourné une chambre pour moi 1er juin 1916 Le Cdt m’invite à manger à sa table et m’oblige d’accepter. Je couche avec Dambrelle chez le capitaine Dardenne. 2 juin 1916 32

Arrivée à Morley (Meuse, 10km sud-ouest Longeau)

Travaux et repos

10 juillet 1916 Départ pour la 3e permission. Nous partons avec Dambrelle par Revigny, arrivons à Paris à 10h du soir. 16 juillet 1916 Départ de Lavoûte pour Paris 21 juillet 1916 Arrivée à l’échelon. La 43 va vers les Eparges. Je suis détaché. 22 juillet 1916 Lt André nommé Capitaine. 23 juillet 1916 Cours de au carrefour de Marcaulieu (10km NO de St Mihiel) : j’y suis à 7h - à 9h personne n’est arrivé - je rentre. On m’avait téléphoné à 8h30 de ne pas me déranger ! 26 juillet 1916 Remise de Décoration au Commandant par le Colonel Bernard faisant fonction de Général de Brigade. 30 juillet 1916 Toujours aucune nouvelle - Que se passe-t-il ? 5 août 1916 Départ ce soir avec la 43 - On va en face les Eparges (20 km SE de Verdun) - Bois de l’hôpital St Hyppolite (4km O des Eparges). Voyage toute la nuit pour arriver à 4h. 9 août 1916 On me remet aux échelons. 20 août 1916 Belebre reçoit la visite du Divisionnaire, il va être remplacé. 31 août 1916 Je monte au P.C., Belebre va à l’ambulance 16/3 à Ambly, le docteur Boutin le remplacera. 29 septembre 1916 Le Dr Lulin me téléphone, je vais le remplacer pour 4 jours à Lacroix. Le D. SS fait demande pour moi avec proposition pour le 5e Infanterie. 27 octobre 1916 Retour 8h du soir, Revigny 1h matin, Bar-le-Duc 2h. 33

6 novembre 1916 Nommé Médecin aide major de 2e classe (=sous-lieutenant) 17 novembre 1916 Je passe au 5e R.I. Colonel Le Beurrier Capitaine Delatre 2e Btn Cmdt Buzancey med. aux Eyraud-Joly 5e Cie Lt Bonodeau, s/lts Caruel, Guimard, Fontaine 6e Cie s/lt Colsie, Mariage, Charlier 7e Cie Lt de Molenes, s/lt Belin, Suzini Mitrailleuse Capitaine Guillony, Breuil, Poirson (6e Division d’Infanterie, 12e Brigade (Général Brasier de Thuy*), 5e Régiment d’Infanterie) A midi M Leyrat arrive, je lui passe les consignes du service et je m’embarque pour Marcaulieu (Forêt domaniale près de St Mihiel, 30km SSE de Verdun), très bon accueil du Cdt. 18 novembre 1916 Je prends le poste du bois et me présente au colonel : « Aide major Marsset » - « soyez le bienvenu parmi nous », et c’est tout - c’est simple - trop simple peut-être… (Colonel Le Beurrier, PC Pierre, Bois des Paroches) …… 24 novembre 1916 Partons au repos (à Levancourt puis Loisey, repos et exercices jusqu’au 13 décembre) 28 novembre 1916 Le Cdt étant en permission est remplacé par le capitaine Guillaumat. Ce dernier sans me prévenir s’installe à la popote du Cdt, c'est-à-dire dans ma chambre, et très aimablement m’invite à déjeuner ! La plaisanterie est joyeuse, mais d’un goût douteux pour un officier de cavalerie… du 28 novembre au 11 décembre l’instruction est reprise avec vigueur… 11 décembre 1916 Je passe au 3e bataillon (Commandant GUEZENEC* qui sera tué le 29 juin 1917 à Cerny, Chemin des Dames). Nous partons demain 11h du soir pour Dugny et le champ de tir. 12 décembre 1916 Départ remis 13 décembre 1916 Verdun On part à 11h du soir - embarquement à Nançois-Tronville (Ligny-en-Barrois) - départ du train à 2h pour arriver à Dugny à 16h - c’est long ! 15 décembre 1916 On quitte Dugny (sur Meuse) à 2h du matin pour aller camper dans le ravin près Chevert (ancienne caserne Chevert, 2km N. Belrupt). L'artillerie donne. A 13h on voit passer des masses de prisonniers. JMO 5e RI, 15 décembre A 16h le 3e Btn (Cdt Guézenec) monte en secteur et a pour mission de s’établir en crochet défensif face au camp de Hambourg, sa droite appuyée au nord à l’ouvrage de Bezonvaux récemment conquis et de soutenir le 102e Btn de Chasseurs à pied qui devait attaquer le village de Bezonvaux. Pendant qu’il exécutait ce mouvement rendu très difficile par l’obscurité très profonde et les accidents 34 de terrain, le 102e BCP enlevait Bezonvaux, appuyé par 2 Cies du 2e Btn du 5e RI (Cdt Buzançais) qui prenaient position entre le village et l’ouvrage de Bezonvaux et organisaient la défense du ravin… (le 2ème Bataillon sera cité à l’Ordre de l’Armée pour cette action) A 16h15 ordre de monter en ligne - à la hâte on distribue les 4 jours de vivre et en route. On prend le boyau au Cabaret, il est plein d'eau et la colonne va lentement, lentement... A hauteur de Marceau (casernes Marceau, 1,8km N.O. Chevert) il est déjà 18h. La 10e prévient que la colonne est coupée - que faire ? Il reste 1 section de la 10°, la CM 3 et nous. Personne ne sait où aller - Lacroix prend la tête - on va aux renseignements à Souville - on nous dirige vers Fleury - route épouvantable, les mitrailleurs chargés de leurs mitrailleuses sont vannés, il faut les pousser, les relever, les obliger à marcher. Je traverse Fleury sans m'en apercevoir : il ne reste rien ! On va au PC de Brigade (12° Brigade). Traversée du bois de la Caillette un vrai paysage lunaire, pas un arbre ! - donne une impression de mort - vide terrible - Un mitrailleur glisse avec son arme dans un trou (d'obus) il faut se mettre à 4 pour le sortir. Du PC Raoul, on nous dirige sur la Fausse Cote (Ravin de la Fausse Cote, Douaumont) - là on prend un boyau, puis arrêt de 3/4 h - nous sommes en queue, les boches font un barrage et nous encaissons. Au bout de 20 minutes les obus tombent à quelques mètres de nous - le boyau n'existe presque plus. Je donne à mes hommes l'ordre de revenir à la batterie ! Nouveaux renseignements : il y a du 5° dans la carrière sud - nous y allons - les abords de la carrière sont marmités ferme. Je fais deux fois le tour sans trouver l'entrée. 2 (obus de) 95 tombent à quelques mètres de moi (8m au max.) - enfin on arrive. Le Colonel ne connaît pas le 3ième Bataillon, mais Mougeot est là - je trouve aussi le C. Bourdeau malade - Eyraud a été blessé (médecin aux. du 2e btn). Que faire ? Il faut à tout prix les retrouver ! Ou alors je me vois déjà au Conseil de Guerre Le plus urgent est quelques heures de sommeil... Quelques blessés - le Cdt Buzancey (cdt du 2e btn) - A 4 h le Cdt Gomart du 1er Bataillon arrive : il sait où est le 3ième Bataillon - nous partons tous. Il fait très noir, on se dirige mal et notre route n'est qu'une suite de chutes dans les trous d'obus. On met environ 2h pour faire les 1500 mètres qui nous séparent de Lorient (ouvrage de Lorient, Vaux-devant- Damloup). Enfin on arrive - (à l’ouvrage de Bezonvaux)

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JMO 5e RI, 16 décembre Le 3e Btn du 5e a pris position à l’ouvrage 546 qu’il organise, ses Cies échelonnées en profondeur, soutenant ainsi les Btn de 1ère ligne. A 10h30 le Colonel cdt le 5e RI reçoit l’ordre de relever dans leur positions de combat le groupe des BCP (102e - 116e) de la 214e Bde. Les dispositions suivantes sont prises : Le 3e Btn relèvera à l’ouvrage de Bezonvaux et dans le ravin du Loup le 116e BCP et partie du 2e Btn du 5e …. L'accès en est pénible car continuellement bombardé.…PC du Colonel ouvrage de Lorient

Vu en route 2 batteries de 77 complètement anéanties : pas une pièce n'est debout. L'Ouvrage se compose de 2 grandes coupoles en béton - tout autour des remparts en terre dans lesquels sont creusées des sapes. Une des coupoles sert de PS (poste de secours), l'autre de PC (poste de commandement du Btn). Nous y trouvons quantité de matériaux boches : coton etc. entre autre des sacs entiers d'un sérum utilisé paraît-il contre la gangrène gazeuse. Le marmitage est incessant. Ici chaque jour 8 à 10 obus tombent sur notre coupole, éteignant nos bougies - Les blessés commencent de suite. De Lorgeril est tellement vanné qu'il dort 30h sans lâcher (médecin auxiliaire, sera nommé « sous-aide major le 3 juillet 1917). 17 décembre 1916 Visite du médecin chef (Degraine, Médecin major) 18 décembre 1916 Nouvelle visite de M Degraine : il est blessé. 37

Cdt Guezenec et Cdt Buzançais blessés 19 décembre 1916 - ca devient long - va-t-on être relevés ? 19h un obus enlève tout le pare-éclats qui était devant la porte - un deuxième éboule l'entrée et blesse 5 hommes à l'intérieur du poste - affolement complet car des grenades fumigènes sautent devant la porte. JMO 5ème RI, 19 décembre 1916 - L’ennemi bombarde continuellement avec tous calibre le terrain que nous lui avons conquis et plus spécialement les Ouvrages de Bezonvaux et de Lorient et le ravin de la Fausse Côte. Pertes : Tués 7, blessés 24, disparu 1.

3° Corps d'Armée EXTRAIT DE L’ORDRE GENERAL N° 205 6° Division d'infanterie DE LA 6° DIVISION D'INFANTERIE Etat Major Secteur Postal No 81 N° 1149 c Le Général Commandant la 6° Division d'infanterie cite à l'ordre de la Division : MARSSET Henry, Médecin Aide-Major de 2° Classe, 5e Rgt d'infanterie "Médecin Aide-Major très brave et très actif au cours de l'occupation par son bataillon d’un secteur très agité sous un bombardement violent et ininterrompu qui a fait des victimes jusque dans son poste de secours, a organisé le transport des blessés et les a soignés avec un dévouement inlassable et un mépris absolu du danger, relevant par son exemple l'énergie des blessés et de son personnel." Q. G. le 17 Janvier 1917 Signé : de BARESCUT

20 décembre 1916 La fatigue commence - Lacroix ronfle toujours avec une telle vigueur qu'on entend à peine les obus ! Nous avons touché de l'alcool solidifié et du café. Le 1er bataillon nous relève cette nuit 22 décembre 1916 Je suis relevé sur les 7h du matin par Loguon - On file dare-dare à 546 (ouvrage 546 entre Bezonvaux et Lorient) Pas un obus en route, c'est une chance... Relève par le 2e Batn du 5 - Repos aux Péniches, Haudainville puis retour en ligne vers Bezonvaux 25 décembre Cne de Baillencourt blessé

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1917 Janvier 1917 Au bois des Caurrieres, un homme vient me trouver pour gelure des pieds. Après soins et petit discours patriotique, je le renvoie à sa tranchée. « Eh bien dit le Lieutenant que t’a dit le Major ? - mon lieutenant, y m’a dit qui z’étaient pas tout à fait assez gelés, faut que j’y retourne demain… » 14 janvier Condé en Barrois, 1er février Marson : 1 mois de manœuvres d’entraînement 2 mars travaux d’organisation de 2e position sur la ligne Hoeville - Libaire - Courbesseaux - Drouville 16 mars 1917 Courbesseaux 35e avion abattu par Guynemer (il sera exposé à Nancy) 28 mars embarquement en gare de Ludre vers Esternay, cantonnement à Marchais en Brie 3 avril Revue par Gal Cdt 6e DI) à Chézy-sur-Marne 14 avril 1917 J=16 avril H=5h30 15 avril 1917 Chemin des Dames Départ de Brecy (Brecy 02210, entre Château-Thierry et Fère-en-Tardenois) pour Cohan (17km ENE de Brecy)

Le Chemin des Dames15 est dans toutes les mémoires. C'est sans doute le théâtre d'un des drames les plus effroyables de la Première Guerre mondiale. Une offensive française, lancée le 16 avril 1917 sur l'Aisne, aboutit à la perte de plus de 100 000 hommes en quelques jours, et cela sans résultat notable, sinon un petit gain de terrain et l'usure de l'ennemi. Héroïques, les unités engagées sur le champ de bataille, ainsi que sur les monts de Champagne tout proches, se rendirent compte qu'elles avaient été envoyées au casse-pipes et que la percée promise par le général Nivelle, successeur de Joffre à la tête des armées françaises, était irréalisable, en raison des défenses allemandes imprenables et de l'insuffisance des moyens techniques français.

16 avril 1917 Nous partons à 3h du matin, un peu anxieux. (vers Cohan, Arcis-le-Ponsart, Mont-sur Courville) Le commandant Guezenec trinque avec le Lt de Wendel au café de l’étape. 17 avril 1917 On revient à Brecy 23 avril 1917 Beuvardes - Je trouve Wolf au ballon 44. (Beuvardes , 3km Est de Brecy) Pertes des 16-17-18 : 25000 tués, 61000 blessés - les boches ont eu au moins autant. Nivelle ou Pétain ? Mangin ou Fayolle ?

15 Il s'agit d'un petit chemin peu carrossable, emprunté en 1776 et 1789 par Adélaïde et Victoire, filles de Louis XV, également appelées "Dames de France". Venant de la cour, elles se rendaient fréquemment au château de la Bôve, près de Bouconville appartenant à la Comtesse Françoise de Chalus, gouvernante de Madame Adélaïde. Pour faciliter leur voyage, le comte fit empierrer le chemin qui prit le nom de "Chemin des Dames". Il se trouve entre les vallées de l’Aisne et de l’Ailette, entre Laon et Soissons. 39

4 mai 1917 La Brigade est supprimée - nous repartons au dépôt et sous peu formerons une nouvelle D.I. (5e DI) 12 mai 1917 Brasles (2km E Château-Thierry) 1er Juin 1917 JMO du Service de Santé de la 5ème DI

5 Juin 1917 le régiment relève le 9ème Zouave

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8 Juin 1917 Chemin des Dames, Cerny ( JMO du 5e RI - 8 juin 1917)

(Un tunnel appelé quelquefois « le trou Bricot », qui reliait le fond du ravin de Chivy au plateau, sert de Poste de Secours du Régiment avec une Section de Brancardiers Divisionnaires)

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Chemin des Dames - Cerny (JMO du 5e RI - 8 juin 1917 ) 42

PC Anvers, debout le commandant Guezenec Devant le tunnel de Chivy avec le Capitaine Pradourat

Beaulnes, la cantine des petits blessés

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Le 21 juin 1917 (JMO d Service de Santé de la 5e DI) Le Médecin Major Pradoura va assister au cours de gaz à Paris. Le 23 juin 1917 Le Poste de Secours du tunnel de Chivy est déplacé vers la pente sud de l’éperon du bois de Paradis. 22 au 29 juin 1917 Cerny ( JMO du 5e RI 22 juin 1917).Le Commandant Gueznec tué le 29, il est remplacé par le capitaine Artigault

(27 juin, dix jours après son arrivée à l'escadrille américaine N 124 « Lafayette », le Sgt James N. Hall attaque seul sept avions allemands au-dessus du Chemin des Dames. Touché d'une balle en pleine poitrine, il perd connaissance. Son avion s'écrase dans le ravin de Paradis, à 1 km, à l’ouest de Cerny-en- Laonnois. Il échappe par miracle à la mort et reprendra sa place en escadrille, après 5 mois de convalescence. Il fut l’auteur de nouvelles, notamment co-auteur de « les révoltés du Bounty »)

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3 juillet 1917 (JMO SS 5e DI) de Lorgeril nommé Sous aide Major. 11 au 15 Juillet 1917 Cerny ( JMO du 5e RI 22 juin 1917) Le commandant Martin est fait prisonnier puis libéré. Action de la compagnie de Wendel

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Le 15 juillet, Henri panse un blessé de la compagnie de Wendel (de Wendel, que l’on voit penché vers le blessé, recevra la Légion d’Honneur)

19 juillet 1917 Le 5eme RI est relevé et part au repos vers Rocourt-St-Martin (photo de gauche) Henri tient les comptes de la popote qui mentionnent : Les Capitaines de Rochambeau, de Wendel, Artigaut, Girlat, Lacroix, Rabier… (Le 31 juillet le général Roig-Bourdeville commandant la 5ème DI remet la Légion d’Honneur au lieutenant Lacroix et au capitaine de Baillencourt)

A gauche les Capitaines Artigaut*, de Rochambeau, de Baillancourt*, le Commandant Martin, le capitaine Guillaume à droite le Capitaine de Wendel*

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13 Août 1917 Relève du 119eme RI, Chemin de Dames, sous secteur des Tunnels

(Le nom « Secteur des tunnels » vient de l’existence de 2 tunnels partant des pentes nord des ravins voisins de Cerny et débouchant sur le plateaux)

Le 3e Bataillon sous le commandement du capitaine Artigaud est en 1ère ligne jusqu’au 17 août où il va en réserve à Paissy

PC Coutard : Pradourat, Delage, Col. Lebeurrier, Le Coconnier 47

(Le 18 août le Général Franchet d’Esperey commandant le GAN, vient au PC du Colonel féliciter le Régiment pour sa belle tenue morale au moment où certaines Unités avaient manifesté de la lassitude, et pour sa belle conduite dans les combats… et le 3ème Bataillon est cité à l’ordre du Corps d’Armée)

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La messe dans une « creute » près du PC Coutard ? Extrait du journal de H. Croisilles16 copié dans le carnet de Henri : Le commandant H. est face à l’autel, son visage pensif garde je ne sais quoi d’immatériel et d’émerveillé, son adjoint le lieutenant A. symbolise par sa forte carrure une foi têtue, intacte et tenace - Le capitaine L. détourne sa figure intelligente et pâle - Voici le capitaine D. souriant, généreux, priant et qui nous donne un regard noyé dans une buée lumineuse de bonté toute son âme heureuse de nous voir là, unis et fervents. Le lieutenant M, toujours tiré à quatre épingles et dont l’élégance fait des envieux, a pris une attitude noble et recueillie - le casque sous le bras il évoque un personnage chevaleresque du XVIe siècle. Si svelte et si élancé le lieutenant d’A. appuie sa jeunesse frêle sur un long bâton recourbé de berger chaldéen… 1er septembre 1917, le 5e RI va cantonner à Beaulieu-les- Fontaines Repos et exercices

18 septembre 1917 la 5e DI relève la 61e DI à St Quentin Le Colonel Lebeurrier prend le commandement de l’Infanterie de la 6e DI, il est remplacé par le Lt Colonel Roustic. 3e Btn en première ligne sous-secteur sud St Quentin. Au 15 octobre repos, puis retour au front de St Quentin

20 septembre 1917 Citation à l’ordre de la 5e Division d’Infanterie

16 Henri MALHERBE (Henri Goldenberg, dit Henri Croisilles), lieutenant au 43° RAC : La flamme au poing 49

5° Division d'infanterie Q. G. le 20 Septembre 1917 Etat Major ORDRE GENERAL N° 190 Le Général commandant la 5° Division d’lnfanterie cite à l'ordre de la Division : MARSSET Henri, Médecin Aide-Major de 2ème Classe au 3ème Btn du 5ème Régiment d'infanterie. « Médecin ayant la plus haute conception de son devoir professionnel. Pendant les journées des 15, 16 et 17 Août 1917 a fait preuve d'une calme bravoure en pansant des blessés sous un tir violent d'artillerie et en organisant d'une façon parfaite l'évacuation des blessés et des morts. » Le Général Commandant la 5° D.I. signé : de ROIG-BOURDEVILLE

(JMO SS 5e DI) 01 novembre 1917 détaché cours complémentaire de Chirurgie Cugny (02) Autochir - ACA 7

MM2 Lardennois, Metzger, Hardy Henri =>

1918

25 mars 1918 (JMO SS 5e DI : retour au corps) JMO 5e RI Depuis mars et jusqu’en juin, le 5e RI occupe le secteur de Suippe. 16 juin embarquement vers la Somme, repos et exercices région de Rumigny 14 juillet embarquement vers St Leu d’Esserent (S et O), puis Coyolles (près de Villers-Cotteret) pour conduire une attaque. Pertes très importantes à partir du 18 juillet. Le 24 juillet le Chef de bataillon Artigault est tué à Oulchy-la-Ville. 50

Compte tenu des pertes le Régiment est reformé à 2 bataillons : Jacquin et de Wendel. L’attaque a progressé de 14 km et capturé 350 prisonniers et un important matériel d’artillerie. Le Régiment est cité à l’Ordre de l’Armée. Relève le 27 juillet, cantonnement dans l’Oise (La Croix St Ouen). 17 Août le Régiment ayant reçu des renforts est embarqués vers Oulchy la Ville. Du 19 au 26 août une partie du Régiment participe à la moisson des régions reconquises et récupère les matériels abandonnés sur le champ de bataille. 27 août déplacement vers Soisson Bucy-le-Long, intervention des chars d’assaut.

10 septembre 1918 26-08-1918 passé à l’Ambulance 5/3 à Marisy-Ste- Geneviève par décision Gal Cdt 3e Armée En raison de la mort de son frère pour faits de guerre, Henri est retiré du front et affecté à un poste moins exposé. Ambulance 5/317. 1e septembre Ambulance 5/3 à Septmonts. 7 septembre Bucy-le-Long 16 septembre 1918 Le Médecin aide major Marsset de l’Ambulance 5/3 est adjoint au Médecin chef du SGDB pour coopérer au poste de triage avancé à Chivres 20 au 27 octobre Thielt, triage au Couvent de la Sainte Famille (autochrome stéréo du Beffroi) 6 novembre 1918 Nommé Médecin aide-major de 1e classe (=Lieutenant) (JO du 22-12-1918 , rang du 06-11-1918) 11 novembre 1918 Armistice 17 novembre 1918 Évacué H. 75 Berck (HC n° 75 Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais) - Institut orthopédique Saint-François-de-Salles du Dr. Calot). A cette date le JMO du Service de Santé note : évacuation 4 blessés dont Médecin aide major et 3 blessés. Quelles blessures peuvent atteindre les hommes alors que l’armistice est signée depuis 6 jours ? On signale des accidents de manipulation de munition, peu probable pour un médecin, il y a aussi les accidents de cheval : chute, coup de pied… Cet hôpital numéro 75 ferma ses portes le 30 mars 1919, mais Henri avait déjà regagné son corps comme on peut le constater ci-après

17 Rappelons que l’Ambulance est une formation sanitaire et non un véhicule ! 51

1919 12 janvier 1919 Affecté au 43e R.A.C. JMO du Service de Santé 5e DI : Marsset Aide major de 2e classe de l’Ambulance 5/3 passe au 43e d’Artillerie de Campagne

Janvier 1919 Cantonnement en Belgique, région de Roulers puis Waregem

février 1919

Mouvement vers le Palatinat. Début des démobilisations Mars 1919 Dirmstein puis Kaiserslautern

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28 juin 1919 Signature de la paix juillet 1919 Affecté au 129e R.I. 22 Août 1919 Congé illimité

21-08-1919 congé illimité de démobilisation par Directeur du Service de Santé de la 13e Région se retire à Lavoûte-Chilhac

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Quelques conséquences de ces 4 ans de combat Les populations : Au total tous pays : 10 millions de morts militaires et 10 millions civils 8 000 000 d’hommes mobilisés en France 1 315 000 soldats français décomptés morts (dont 80 000 colonies) 20 % des 18-27 ans + 500 000 morts des suites de blessures + invalides, aveugles, gazés, amputés, handicapés

L'économie a été durement touchée : près de 50 % des paysans sont morts, 120 000 hectares du territoire ont été classés en zone rouge, dénotant des destructions très importantes, 13 départements ont été touchés par les destructions à des échelles diverses, 812 000 immeubles ont été entièrement ou partiellement détruits, 54 000 kilomètres de routes ont été détruits, 20 000 usines et de nombreuses mines ont été détruites, la moitié du réseau routier est inutilisable, le réseau ferroviaire est désorganisé et de nombreux ponts ont été détruits. La dette de la France vis-à-vis de l'étranger est d'environ 31 milliards de franc-or après la guerre, ses dépenses de guerre totalisent 177 milliards de franc-or, financés à 80 % par des emprunts. La Commission des réparations estime par ailleurs à 125 milliards de franc-or (valeur de 1914) le montant des dommages matériels subis. Wikipedia (Élections législatives françaises de 1919 )

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Les propriétés du nord.

Nous avons vu dans le livret consacré aux Marsset que par l'héritage d'Euphémie Lucie s'est trouvée en 1913 propriétaire de terres en Artois. Très vite la guerre est arrivée, et cette région à été dévastée par les combats et l'occupation "prussienne". Etude de Maître SALONE 19 juillet 1919 Notaire à Douai Monsieur, Les commissions cantonales prévues par la loi du 17 mars 1919 sont seulement en cours d'installation et en effet, rien n'a encore été évalué ; les administrations ne sont surtout occupées jusqu'ici de la reconstitution industrielle ; pour le reste la situation est presque la même qu'au moment de l'armistice Les cultivateurs rentrent peu à peu et cultivent, comme ils le peuvent. Toutes les communes sur lesquelles vous avez des propriétés ont été évacuées par la population civile. Les cultivateurs, en rentrant, ne retrouvent plus rien, pas même un outil pour se remettre à travailler, et souvent pas une chambre pour se loger, Ils logent dans des caves ou des coins de grange et d'écurie couverts avec tes tôles de l'armée, Il y a donc lieu d'être très prudent et de les laisser se remettre peu à peu à la culture. Les réclamations pour dommages ne pourront être faites que pour les terres abîmées par les obus18, mais non pas pour défaut de culture, les réparations n'étant dues que pour dommages directs. Les fermages non-perçus ne peuvent être réclamés à moins que la nouvelle loi en discussion au Sénat n'en donne le droit, Votre voyage ne me paraît pas, pour le moment encore tout au moins, d'une grande utilité ; il serait certainement très édifiant, vous pourriez vous rendre compte dans quelle situation lamentable se trouvent notamment les populations des campagnes, Monsieur Pilat a dû du reste, vous en écrire. Veuillez agréer Monsieur, l'assurance, de mes sentiments distingués.

18 Un des fermiers écrit en 1922 qu'il a mis 7 semaines pour nettoyer une terre de 5 à 6000m² qui était pleine de grenades et bouleversée par les obus… 55

En effet la Commission cantonale des Dommages de Guerre a instruit la demande d'Amable le 20 avril 1922, et lui a alloué 10 000f d'indemnité pour dégâts et perte de revenus. Vers juin 1923, Amable envoie mon père Henry faire le tour de la famille Pilat (c'est sans doute à ce moment là qu'il fait la connaissance des cousins qu'il reverra plus tard avec Maman) et voir sur place la situation. Les terres ont été progressivement vendues entre 1922 et 1924 avec l'aide occasionnelle de Théodore Pilat, cousin germain d'Euphémie et frère de Louis et Edmond dont nous avons déjà parlé.

Henri a été Promu Médecin Capitaine le 25 juin 1935 Mobilisé à Fontainebleau du 2 septembre au 1er octobre 1939 !

Renseignements sur des personnes citées ARTIGAUD Gabriel Jules Chef de bataillon - 5e R.I. né le 21-01-1876 Saint Hilaire 03 + 24/07/1918 Oulchy-la-Ville 02

AUMONT Victor Théodore Albert Canonnier conducteur - 16e R.A.C. 41e batterie de 95 né le 20-12-1885 à Meslay (14) Matricule, recrutement : 213 - Falaise + 04/05/1916 Haudainville (55) (Bois des Hospices) de BAILLIENCOURT Maurice-Marie Charles Rodolphe ° 02/05/1883 (Douai) Saint-Cyrien (28/10/1904), officier au 23° Dragons lieutenant (01/10/1908), capitaine (05/05/1915), chef d’escadron , lieutenant-colonel (1930), colonel (25/03/1935), Général de Brigade (1940, cavalerie), Commandeur de la Légion d’Honneur + 30 août 1961 - Suresnes

BEAULATON Auguste Canonnier servant 16e R.A.C. 41e batterie de 95 né le 14-02-1882 à St Eloy-les-Mines (63) Matricule 2007 Riom + 19-05-1916 Bois des Hospices

BRASIER de THUY, Marie, Émile, Gaston (1858-1939), né le 7 novembre 1858 - Paris (75) Officier d'infanterie. Général de Brigade + 23 février 1939

COURTIOUX Georges Canonnier conducteur - 16e R.A.C. 43e batterie né le 11/04/1880 à Montluçon (03) Matricule, recrutement : 1605 - Montluçon + 01/05/1916 Verdun - inhumé Haudainville - Nécropole nationale

CURABET Antoine Marcel Alfred Canonnier conducteur - 16e R.A.C. 42e batterie né le 16/10/1892 à Saint-Hilaire (43) Matricule, recrutement : 182 - Aurillac Mort pour la France des suites de blessures le 19/05/1916 à Dugny-sur-Meuse (Meuse), Ambulance 5/3 inhumé : Nécropole nationale Tombe 1435 A, Dugny-sur-Meuse (Meuse)

GUEZENNEC François Alfred Chef de bataillon 56

né le 20-04-1870 à Morlaix Mort pour la France le 18-06-1917 à Courtecon (02)

LARIVAUD Jean Maréchal des Logis 16e R.A.C. 41e batterie de 95 Né le 4/11/1886 àSaint-Aubin-le-Monial (03) + 17/05/1916 Haudainville (55) (Bois des Hospices) Inhumé Haudainville - Nécropole nationale

LE BEURRIER Alfred, Pierre, Marie né le 6.06.1859 à saint Brice en Coglès (22) Ecole spéciale militaire, s/lt le 10.03.1884 (31e RI), lt le 22.10.1887 (76e RI) Cne le 24.12.1894 (94e RI), (54e RI le 27.06.1907), C Btn le 24.06.1910 lt-Cnel le 27.09.1914, (5e RI le 10.10.1914), Cnel le 24.05.1917, (Etat-major 6e DI le 21.09.1917).

MAGE Jacques Maréchal des logis - 16e R.A.C. 41e batterie de 95 né 25/04/1887 à Marcenat (15) - Matricule 1797, Aurillac + 18/03/1916 Verdun-sur-Meuse 55 (Fort de Souville) Clermont-Ferrand - Monument commémoratif lycée Godefroy de Bouillon

MONCHAMP Jean André Canonnier Servant 16e R.A.C. 41e batterie de 95 Né le 31/10/188243 Pertuis (43) + 17/05/1916 Haudainville 55 Bois des Hospices inhumé Haudainville - Nécropole nationale

MOULY Benoît Alexis Canonnier Servant 16e R.A.C. Né le 18/6/1884 à Saint-Julien-de-Coppel (63) Blessé 1er mai 1916, Bois de Bellevue (Verdun)- Mort le 6/1/1917 à Saint-Julien-de-Coppel (63)

VERNET Antoine 16e R.A.C. 2e canonnier servant 41e batterie de 95 né le 16-09-1888 à Picherande (63) tué le 18-05-1916 Fort de Souville de WENDEL René Pierre Alvaro Guy

FLANDRES 57 FLANDRES

ARTOIS

SOMME

CHEMIN DES DAMES CHAMPAGNE WOËVRE

LA MARNE

NANCY

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Evolution du front Extrait d’un travail « de Bénédictin » de Jérôme CHARRAUD.

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Organisation schématique de l’Armée française en 1914 Le Régiment c’est l’attachement le plus fort pour le soldat, il est presque toujours fier de lui avoir appartenu et des récompenses qui lui ont été accordées pour ses faits d’armes (voir la constitution d’un régiment page 61). Le Régiment est, au moins au départ, formé d’hommes d’une même région. En combat, ses éléments ne sont jamais loin les uns des autres. Quand ils ont à faire un grand déplacement, c’est tous ensemble. Pendant la guerre des tranchées, un régiment tient un front de 1 ou 2 km. Ne dit-on pas que le Colonel qui le commande est « le père du régiment ». Lorsqu’un régiment est « en première ligne » dans un secteur donné, il doit assurer sa défense pendant quelques jours, ou quelques semaines. Il est impossible physiquement à un homme de rester si longtemps au contact direct de l’ennemi : seule une partie du régiment assure le contact, une autre partie proche mais moins exposée pour pouvoir prendre un peu de repos, viendra la « relever » plus ou moins rapidement (de 1 à plusieurs jours) selon l’intensité du combat. Enfin fréquemment une troisième partie est « en réserve » et ne sera engagée que si les premières ne soutiennent pas le choc d’une attaque ennemie ou pour renforcer une action locale. Tous ces déplacements sont courts, au plus quelques centaines de mètres dans les tranchées (de combat) et les boyaux (de liaison), quelques km dans les mouvements d’avance ou de repli, périodiquement un peu plus pour partir « au repos » lorsque le régiment entier est « relevé » par un autre ! Les décisions du chef du régiment qui est renseigné par des agents de liaison (soldats « coureurs ») entre son Poste de commandement (PC) et les tranchées relèvent de la tactique pour mettre en œuvre les ordres reçus de la Division à laquelle il est rattaché, et de la coordination avec les Régiments voisins. La Division, commandée par un Général (3 étoiles), est l’unité de combat incluant toutes les ressources matérielles et humaines qui lui assurent une grande autonomie (voir la constitution d’une Division p 61). Inversement, les éléments qui la constituent sont plus ou moins dépendants les uns des autres et habitués à travailler ensemble : les procédures sont rodées les cadres se connaissent, des liaisons étroites et permanentes existent entre les différents éléments. Lorsque qu’un régiment change de secteur de combat (quelque fois plusieurs centaines de km en train ou en camion), c’est parce que la Division à laquelle il appartient est elle-même déplacée vers un nouveau front en fonction des besoins pour contenir une attaque ennemie prévisible par ses déplacements, ou au contraire pour préparer une offensive sur un secteur qui n’a pas encore des moyens suffisants. L’introduction de nouveau belligérants est aussi une raison de réorganisation, par exemple l’arrivée des troupes américaines en avril 1917… Une Division tient un front de 4 à 10 km. A un niveau supérieur on trouve le Corps d’Armée (Général 4 *) dont la constitution est plus variable puisque pour mettre en œuvre les décisions stratégiques de fortification sur place, d’offensives ou de replis, ils prêteront ou recevront des Divisions. Enfin l’Armée (Général 5*) et les Groupes d’Armées coordonnées par un général en chef.

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COMPOSITION D’UN REGIMENT D’ARTILLERIE DE CAMPAGNE.

En 1914, le 53e Régiment d’Artillerie de Campagne (12 batteries de 75mm) est à Clermont-Ferrand Batterie de campagne. — La batterie de campagne comprend : 1 capitaine, 2 officiers, 1adjudant, 1 maréchal des logis chef, 1 maréchal des logis fourrier, 10 maréchaux des logis, 1 sous-officier d'approvisionnement, 1 maître maréchal-ferrant, 12 brigadiers, 4 maîtres pointeurs, 4 trompettes, 4 ouvriers, 3 aides-maréchaux, 2 bourreliers, 1 infirmier, 4 brancardiers, 40 servants et 80 conducteurs avec 36 chevaux de selle et 129 chevaux de trait. Elle se divise en : 1° Batterie de tir comprenant les 4 canons et 6 caissons (contenant les munitions). 2° Echelon de combat, comprenant : 6 caissons, la forge, le chariot de batterie, et les attelages haut-le-pied. 3° Train régimentaire, comprenant : 3 fourgons et la fourragère.

Pour tirer, l'unité se met en batterie, c'est-à-dire que les avant-trains sont décrochés et emmenés à l'abri. Les caissons sont placés à gauche des canons, renversés et ouverts. L'échelon de combat se tient loin en arrière. Le canon de 75 est servi par 6 servants, la pièce en batterie pèse 1.140 kilos, le caisson pèse environ 1.300 kilos. Sa hausse lui permet de tirer jusqu'à 5 km. 500, mais sa portée atteint 8.500 mètres. Groupe. — La réunion de 3 batteries forme un groupe sous le commandement d'un chef d'escadron, à qui sont adjoints trois officiers de liaison, un officier d'approvisionnement, un médecin et un vétérinaire. Le groupe dispose d'une voiture médicale, de 2 fourgons, d'une voiture à viande et d'une voiture-observatoire. Le total de son personnel comprend : 16 officiers, 87 gradés, 441 canonniers et 514 chevaux. Ravitaillement en munitions. — L'artillerie est chargée du ravitaillement en munitions de ses batteries et des autres armes. A cet effet, elle comporte des unités spéciales qui ont reçu le nom de « sections de munitions». La section de munitions de 75 comprend : 1 capitaine, 2 officiers, 11 sous-officiers, 7 brigadiers et 122 canonniers. Elle possède 25 chevaux de selle et 149 chevaux de trait. Elle attelle 3 fourgons, 1 fourragère et 22 caissons. Parc. — Les sections de munitions sont elles-mêmes ravitaillées par le parc qui comprend 3 échelons. Chacun de ces échelons est commandé par un chef d'escadron (assisté d'un officier adjoint, d'un officier d'approvisionnement, d'un médecin, de 2 vétérinaires, de 4 sous-officiers et qui commande un nombre variable de sections de parc. Ces unités sont chargées d'apporter au corps d'armée des munitions en caisses. Au total le régiment compte près de 1600 hommes et 2000 chevaux. En campagne, l'artillerie n'est plus groupée en régiments, elle est répartie entre les divers échelons de commandement. C'est ainsi qu'à chaque division d'infanterie, sont affectés 3 groupes montés de 75 servant 36 pièces. Le corps d'armée dispose, en outre, de 4 groupes montés servant 48 pièces.

COMPOSITION D’UN REGIMENT D’INFANTERIE.

Environ 3200 hommes. Etat major. - 1 Colonel (« le père du Régiment ») 2 Médecins major, 1 médecin Aide major 5 officiers 1 Compagnie Hors rang. Approvisionnements, Cuisines, Liaisons, Sapeurs et Pionniers, Brancardiers, Armurier, Vétérinaires, Habillement, Musique (35 musiciens) 3 Bataillons Chaque Bataillon environ 1000 hommes, 1 Chef de Bataillon (Commandant) 1 adjoint, 2 médecins, brancardiers, 3 ambulances (formation sanitaire de soins et non véhicule) 6 officiers 1 Section de mitrailleuse (1 Lieutenant + 20 hommes) 4 Compagnies Chaque Compagnie (1 Capitaine) 1 infirmier, 4 brancardiers, 8 diverses fonctions 4 Sections de 60 hommes commandés par un lieutenant Train régimentaire (Subsistance hommes et chevaux) 20 fourgons Train de combat (munitions, outils, cuisines roulantes, voitures médicales, eau, …) 100 voitures. Pendant la guerre des tranchées, un régiment tient un front de 1 à 3 km.

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COMPOSITION D’UNE DIVISION.

Elle peut être adaptée en fonction de l’évolution des combats, des moyens disponibles (apparition des avions, des chars, de la radiotélégraphie, évolution dans les concepts de santé…), mais schématiquement elle comporte environ 15000 hommes. Un état major autour d’un général. 4 régiments d’Infanterie. des escadrons de Cavalerie. 3 groupes d’Artillerie de Campagne. 1 batterie d’Artillerie Lourde. Des Parcs munition et réparation. Des Compagnies du Génie. L’Intendance : Administration, Ravitaillement,. Service de Santé : brancardiers, ambulances (non véhicules, mais équipes médicales), hopitaux. Pendant la guerre des tranchées, une Division tient un front de 5 à 10 km.

LES CHERVONS De nombreuses photographies d'époque montrent des soldats français qui portent sur les manches des insignes en forme de " V " renversés. Ces ''chevrons'' indiquent la durée de présence au front ainsi que le nombre des blessures de guerre. Les chevrons de présence cousus sur le bras gauche : le premier chevron indique une année effective de présence dans la zone des armées, et chaque chevron supplémentaire une période de six mois de plus ( y compris le temps passé dans les hôpitaux de l'intérieur pour blessure de guerre, blessure en service commandé ou maladie ayant nécessité l'évacuation de la zone des armées) Les chevrons de blessures cousus sur le bras droit : Il est accordé un chevron par blessure de guerre, c'est-à-dire qui résulte d'une ou plusieurs lésions occasionnées par une même action extérieure au cours d'événements de guerre en présence ou du fait de l'ennemi, à l'exclusion des blessures en service commandé.

CHRONOLOGIE GRANDE GUERRE Année 1914 28 juin François-Ferdinand, archiduc héritier de l'Empire austro-hongrois, est assassiné à Sarajevo. 23 juillet Ultimatum de l'Autriche à la Serbie. 28 juillet L'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. 30 juillet Mobilisation générale de l'armée russe. 31 juillet Jean Jaurès est assassiné à Paris par Raoul Villain. 1er août Mobilisation générale en Allemagne et en France. L'Allemagne déclare la guerre à la Russie. 3 août L'Allemagne déclare la guerre à la France. L'armée allemande envahit la Belgique. 4 août La Grande-Bretagne et la France entrent en guerre. 26-31 août Défaite russe à Tannenberg, en Prusse orientale. 6-10 septembre Bataille de la Marne. 17 septembre Début de la "course à la mer". 1er novembre L'Empire turc entre en guerre aux côtés des puissances centrales. Décembre Début de la guerre des tranchées. Année 1915 4 février Début de la guerre sous-marine. 19 février Début de l'opération des Dardanelles. 22 avril Première utilisation des gaz asphyxiants près d'Ypres. 24 avril Début du génocide arménien. 7 mai Un sous-marin allemand coule un paquebot transatlantique, le Lusitania. 23 mai Entrée en guerre de l'Italie aux côtés des alliés. Juin offensive en Artois : Vimy. 25 septembre Offensives françaises en Champagne et en Artois. 11 octobre Entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés des puissances centrales. Année 1916 21 février-18 décembre Bataille de Verdun. 31 mai-1er juin Bataille navale du Jutland. 1er juillet-18 novembre Bataille de la Somme. 28 août Entrée en guerre de la Roumanie aux côtés des alliés. Décembre Le général Joffre est remplacé par le général Nivelle à la tête des armées françaises ; il est nommé maréchal de France. 63

Année 1917 31 janvier L'Allemagne annonce la guerre sous-marine à outrance. 8-17 mars Première révolution russe. Le tsar Nicolas II abdique. 2 avril Les États-Unis entrent en guerre aux côtés des alliés. 16 avril Offensive du Chemin-des-Dames. 20 mai- 10 juin Pic d'intensité des mutineries dans l'armée française. 15 mai Le général Nivelle est remplacé par le général Pétain. Fin juin Les premiers soldats américains arrivent en France. 24 octobre-9 novembre Bataille et défaite italienne à Caporetto. 6 novembre Deuxième révolution russe. Lénine et les bolcheviks s'emparent du pouvoir. 16 novembre Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre. Année 1918 8 janvier Le président Wilson, énonce un plan en 14 points pour l'organisation de la paix. 3 mars Signature du traité de paix de Brest-Litovsk entre les empires centraux et la Russie. 21 mars Offensive allemande victorieuse en Picardie. 23 mars Début des bombardements de Paris par un canon à longue portée, la "Grosse Bertha". 26 mars Principe du commandement unique interallié adopté à la conférence de Doullens. 3 avril Le général Foch prend la direction stratégique des opérations militaires. 24 mai Offensive allemande victorieuse sur l'Aisne. 15 juillet Offensive allemande en Champagne. 18 juillet Contre-offensive victorieuse de Foch. Deuxième bataille de la Marne. 8 août Offensive en Picardie. 26 septembre Foch lance une contre-offensive générale sur le front occidental. 29 septembre La Bulgarie capitule. Octobre Pic de l'épidémie de grippe espagnole. 23-27 octobre Les Italiens enfoncent le front autrichien à Vittorio-Veneto. 30 octobre La Turquie signe l'armistice à Moudros. 3 novembre L'Autriche-Hongrie signe l'armistice à Villa-Giusti. 9 novembre Abdication et fuite aux Pays-Bas de l'empereur Guillaume II. 11 novembre L'Allemagne signe l'armistice à Rethondes. 25 novembre Les Français entrent à Strasbourg. Année 1919 5-11 janvier Insurrection spartakiste à Berlin. 15 janvier Assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. 18 janvier Ouverture de la conférence de la Paix. 19-21 avril Mutinerie de marins français en mer Noire. 28 juin Signature du traité de Versailles avec l'Allemagne. 10 septembre Signature du traité de Saint-Germain-en-Laye avec l'Autriche. 27 novembre Signature du traité de Neuilly-sur-Seine avec la Bulgarie. Année 1920 4 juin Signature du traité de Trianon avec la Hongrie. 10 août Signature du traité de Sèv

Glossaire

Autochir Abréviation de ambulance chirurgicale automobile (A.C.A.). Expérimentée dès novembre 1914, elle était équipée d’une salle d’opérations mobile à 2 tables avec matériel de stérilisation et de couchage nécessitant trois camions. Son personnel comprenait 2 chirurgiens et 25 infirmiers. Cependant, elle ne pouvait fonctionner qu’en s’accolant à une formation plus lourde. Des perfectionnements furent apportés en février 1915. Un premier camion contenait la chaudière, un grand autoclave horizontal, un petit autoclave vertical, deux bouilloires, un radiateur, le linge pour médecins. Un second camion contenait les appareils de radiographie, les parois d’une baraque opératoire de 70 m², le matériel chirurgical et la pharmacie. Le troisième camion transportait le groupe électrogène et faisait fonction de « magasin ». Il y avait 23 A.C.A. (une à chaque armée) jusqu'à mi-1917. Banquette Dispositif aménagé dans la tranchée de première ligne permettant à un soldat de s’installer en position de tir, généralement couché ou incliné. Barrage 1) Tir d’artillerie défensif violent et serré pour empêcher la progression de l’ennemi 2) Tir d’artillerie offensif violent et serré. Le barrage est dit roulant lorsqu’il se déploie en fonction d’un horaire arrêté à l’avance (ex. : 100 mètres toutes les trois minutes) et que l’infanterie doit suivre derrière les obus pour arriver sur les tranchées adverses avant que les défenseurs ne soient sortis de leurs abris. On ne peut arrêter la progression d’un tel barrage qui met en jeu un grand nombre de 64 canons. Parfois l’infanterie ayant avancé trop vite tombe sous les coups de l’artillerie amie, plus fréquemment l’infanterie se trouve arrêtée par des éléments résiduels et on dit alors que « le barrage décolle », c’est-à-dire qu’il part plus en avant laissant les fantassins en rase campagne face à un ennemi qui est à nouveau en place dans ses tranchées et qui les cloue sur place. Le barrage roulant est une innovation tactique apparue à l’été 1916. Le barrage est dit d’encagement lorsqu’il enferme sur trois côtés une portion du terrain de combat pour empêcher par exemple des renforts de parvenir dans cette zone. Bataillon Fraction d’un régiment subdivisée en plusieurs compagnies. En 1915, le bataillon d’un régiment (2 ou 3 bataillons selon les cas par régiments) comprend un état-major, un petit état-major et 4 compagnies, environ 1000 hommes au total. Dans certains cas, le bataillon est une unité autonome qui n’est donc pas comprise dans un régiment et qui relève directement du commandant de la brigade ou de la division (bataillons de chasseurs à pied ou alpins, bataillons de tirailleurs sénégalais…). Le bataillon est en général commandé par un capitaine ou un commandant. L’abréviation argotique du bataillon est le « bâton ». Batterie Ensemble coordonné de canons, faisant partie d’un régiment d’artillerie. Elle est commandée par un capitaine secondé par deux lieutenants. Elle se décompose au front en deux éléments : la batterie de tir proprement dite, sous les ordres directs du capitaine et des lieutenants, avec les quatre canons et leurs servants et les téléphonistes commandés par un brigadier ; les échelons, installés plus loin en arrière, sous les ordres d’un adjudant, qui rassemblent les chevaux et tout le matériel autre que les canons. En déplacement et au repos, les deux éléments sont regroupés. Boche, Bochie Désignation des Allemands par les Français. L’origine du terme fit débat dès les années de guerre, il est probable qu’il s’agisse d’une abréviation de l’argotique « alboche » pour « allemand ». Cette désignation, comme substantif ou comme adjectif, s’impose massivement aussi bien pour les civils que les combattants. Il est à noter que cette manière devenue habituelle de nommer l’adversaire ne véhicule pas nécessairement l’hostilité, et peut être employée par les combattants sans animosité. Par extension l’Allemagne peut être désignée comme la Bochie et l’Autriche-Hongrie comme l’Austrobochie. Boyau Un boyau est une voie de communication entre deux lignes de tranchées. C’est par les boyaux que « montent » et « descendent » les unités lors des relèves , non sans problèmes, dus à l’étroitesse du boyau qui peut empêcher les files d’hommes de se croiser, et aux ramifications multiples qui font s’égarer les unités. Cagna Abri léger, dans la terre ou fait de boisages, où peuvent se tenir les combattants en cas de bombardements ou d’intempéries par exemple. Les abris de première ligne peuvent être dénommés cagnas mais c’est relativement rare, le terme s’applique davantage aux secondes lignes et en deçà. Le mot est d’origine indochinoise, sans doute transmis par des troupes coloniales. Camouflet (guerre des mines) Contre-mine destinée à détruire sous terre une mine adverse et ne produisant pas d’entonnoir. Citation Terme militaire qui désigne le fait de signaler un acte valorisé (bravoure, respect des consignes, attaque réussie, attaque ennemie repoussée, exemple donné…) en « citant » le combattant ou l’unité dans l’ordre du jour. La citation peut être individuelle ou collective, et peut être faite à plusieurs échelles : citation à l’ordre du régiment, de la division, du corps d’armée, de l’armée, du G.Q.G. Compagnie Subdivision d’un bataillon qui comprend 150 hommes environ, commandée généralement par un lieutenant. Coureur Soldat agent de liaison acheminant les messages entre les Unités ou vers le PC Crapouillot Dans l’argot des combattants, désigne les différents types de mortiers de tranchée et leurs projectiles, dont l’utilisation est croissante au cours de la guerre, leur tir courbe étant adapté à la guerre des tranchées. Par extension sont créés le verbe « crapouilloter » et le substantif « crapouillage » pour désigner le fait de bombarder avec un crapouillot. Enfin, Le Crapouillot est le titre du journal de Jean Galtier-Boissière dans l’entre-deux-guerres. Creute Nom donné dans Le Soissonnais et au Chemin des Dames aux carrières souterraines creusées par les carriers afin d’extraire de la pierre calcaire servant à la construction de maisons et d’édifices publics ou cultuels. Les creutes sont nombreuses dans le Soissonnais, le Noyonnais, le Massif de Saint-Gobain et au Chemin des Dames. Durant la guerre, les creutes peuvent servir d’abri ou de cantonnement aux combattants. Une des plus célèbres est la Caverne du Dragon (Aisne). Drachen Un drachen est un ballon captif de forme allongée et équipé d'un empennage, qui était utilisé pendant la Première Guerre mondiale pour l'observation. Fusant Obus qui explose en l’air au dessus des troupes adverses. Pour cela il est muni à son sommet d’une « fusée » réglée pour déclencher l’explosion de l’obus au bout d’un temps calculé à l’avance. Le « fusant » est composé d’explosif et de billes de plomb ou d’acier appelées shrapnels. Lebel Fusil qui équipe les armées françaises. Conçu en 1886 et modifié en 1893, son calibre est de 8 mm. Il est à la fois robuste, précis, et légèrement dépassé en raison de la lenteur de chargement de son magasin. Ses équivalents allemand et britannique sont 65 respectivement le Mauser G98 et le Lee-Enfield Mark I. La longueur du fusil Lebel (1,80m) le rend d’usage très peu pratique dans les tranchées souvent étroites de la guerre de position. Ligne (1ere, 2e, etc.) Le creusement des tranchées à l’automne 1914 amène à distinguer en « lignes » les zones du front et les tranchées qui y sont creusées. La première ligne est ainsi celle qui fait directement face aux lignes adverses, c’est la zone la plus dangereuse, où les combattants font des séjours généralement brefs (de l’ordre d’une semaine ou même 48h lors des attaques) hors des grandes batailles qui conduisent à rester longtemps en « ligne ». L’intervalle entre les lignes est variable, et la communication se fait par des boyaux. Une fois la guerre de tranchée installée dans la durée, le réseau défensif s’organise en profondeur. Chaque ligne est une suite continue de tranchées ou de fortins, et un ensemble de ligne constitue une position. Dans la plaine de Reims, au moment de l’offensive du Chemin des Dames, il y a souvent trois positions allemandes successives, chacune constituée de plusieurs lignes. Marmite / Marmitage Dans l’argot des combattants, désignation des projectiles allemands par les soldats français, en particulier des Minenwerfer sans doute en raison de leur forme et de leur poids. Mine Charge d’explosifs que l’on amenait sous la tranchée ennemie afin de la faire exploser. Les mines étaient placées dans des galeries souterraines (v. Fourneau), creusées à cette fin par des troupes spécialisées, les sapeurs. Par extension, on désigne comme la « mine » l’ensemble du cheminement souterrain creusé par l’assaillant jusque sous la position adverse pour y aménager une chambre de mine. Ce type de guerre était très craint des combattants, comme de ceux chargés de placer les mines. Des entonnoirs (par exemple à Massiges, Marne ou à Vauquois, Meuse) et des galeries de mine (à la Chapelotte, Vosges) sont encore visibles dans le paysage. Minen / Minenwerfer Nom des pièces d’artillerie de tranchée allemande, et, par extension, désignation des projectiles qu’elles envoient. Monter / monter en ligne Pour les combattants français, le verbe monter devient durant la guerre synonyme d’« aller aux tranchées », en raison notamment de l’organisation du « système-tranchées » (F. Cochet) qui fait alterner dans le temps des séjours dans des espaces (arrière, arrière- front, front-arrière, zone de feu) plus ou moins dangereux. On « monte » vers le feu et les tranchées de première ligne. Inversement durant les mutineries les combattants refusent de « monter ». Nettoyage / Nettoyeur de tranchées Mise hors d’état de nuire des ennemis restés dans les tranchées en deçà de la progression des troupes d'assaut. Très importante puisqu’elle consiste à s’assurer qu’on ne laisse pas d’ennemis dans son dos, la mission de nettoyage de tranchées a donné lieu à toute une série de récits sanglants ou de mythes plus ou moins conformes à la réalité. Des unités étaient spécialisées dans ces opérations qui se faisaient à l’arme de poing, à la grenade ou plus rarement au couteau. Parallèle de départ Espace aménagé parallèlement à la tranchée de première ligne, permettant de concentrer les combattants d’une vague d’assaut en vue d’une offensive Parapet Rebord de la tranchée qui fait face à la tranchée adverse. Il constitue à la fois une protection (renforcée par des barbelés et des sacs de sable) et un obstacle à escalader lors des attaques ou des départs pour patrouilles et coups de main. Une des règles primordiales de la guerre des tranchées consiste à ne rien exposer à l’adversaire au-dessus du parapet. PC Poste de commandement plus ou moins abrité, muni de moyens de liaison Petit Poste Poste avancé devant la première ligne de tranchée dont la fonction est de surveiller l’adversaire et de prévenir ses attaques surprises. Parfois, le petit poste est une position bien aménagée et reliée à la tranchée par un boyau. Mais d’autres fois, c’est un simple trou d’obus isolé et aménagé sommairement. Dans tous les cas, les soldats n’appréciaient guère les séjours qu’ils faisaient dans ces lieux isolés et particulièrement exposés. Poilu Désignation des soldats français dès le début de la guerre de 1914-1918. L’origine du terme est plus claire qu’on ne le croit souvent, puisqu’il est attesté dès le xix e siècle, pour désigner un soldat endurant et courageux, dans l’argot militaire, ainsi chez Balzac (Le Médecin de Campagne, 1833) les pontonniers de la Bérézina en 1812. Il arrive souvent que le poil soit signe de virilité, de courage ou d’expérience. L’usage massif du terme en 1914-1918 tient en outre à plusieurs éléments liés : la difficulté effective, à l’hiver 1914, de se raser, le caractère rudimentaire de la toilette au front ; l’obligation pour tout militaire jusqu’en 1917 de porter la moustache, la simplicité de la désignation qui permet aux journaux et à l’arrière de mettre en scène la familiarité et la proximité avec les combattants. Le terme peut être employé dans des sens très différents, d'un combattant à un autre, certains le rejetant tandis que d’autres se l’approprient. Il est fréquent que les officiers l’emploient dénotant ainsi la distance qui les en séparent. Plus généralement, le terme semble employé indifféremment, comme synonyme de soldat. Poste de Secours Lieu établi pour recueillir les blessés et leur donner les premiers soins, non loin des zones de combat. C’est la première étape de la chaîne sanitaire. Les blessés sont ensuite envoyés vers l’ambulance (formation sanitaire divisionnaire et non véhicule !). Préparation d'artillerie : Ensemble des tirs d’artillerie lancés avant une offensive, destinés à préparer celle-ci par la destruction des défenses (barbelés, tranchées, obstacles) adverses et par l’épreuve infligée aux fantassins. La durée et l’intensité des préparations d’artillerie varie au 66 cours du conflit suivant l’importance que les tacticiens attribuent à la surprise (la préparation est alors courte ou absente) et à la destruction. Relève La relève est le remplacement d’une unité par une autre dans les tranchées. Opération dangereuse car bruyante et conduisant au regroupement d’un grand nombre de combattants, elle se fait généralement de nuit. Sa périodicité n’est pas fixée strictement, mais une unité en première ligne est généralement relevée au bout de quatre à sept jours. La relève s’effectue par les boyaux. Repos Situation des troupes combattantes qui ne sont pas affectées aux lignes. Le terme est souvent trompeur car le repos est généralement émaillé d’exercices, de manœuvres et de cérémonies (défilés, prises d’armes, etc.) qui ne permettent pas réellement aux combattants de se reposer. Pour désigner le repos véritable accordé aux unités durement engagées est créée durant la guerre l’expression « Grand repos ». Roulante C’est initialement la cuisine roulante de compagnie, mobile, qui permet de préparer le ravitaillement des combattants à proximité des premières lignes. Sape Dans le vocabulaire de la guerre de siège, la sape est une tranchée profonde (parfois couverte, mais jamais souterraine) permettant la circulation à l’abri des vues. Dans la guerre des tranchées, ce sens correspond généralement à celui des boyaux et le terme de sape est souvent improprement employé pour désigner galerie souterraine pour fourneaux de mine ou abri souterrain. Sape russe Sorte de boyaux souterrains de 80 de large sur 150 de haut avec voûte en ogive, creusés dans la terre à 1m sous le sol, et non boisés, cela sert en cas d'attaque de boyaux de sortie. Section La section est la subdivision de la compagnie et comprend environ 65 hommes. Elle est généralement commandée par un sous- lieutenant. Shrapnel Arme antipersonnel : obus rempli de projectiles, du nom de l’inventeur du minuteur qui provoque l’explosion, le général anglais Henry Shrapnel. L’orthographe du terme est variable dans les témoignages. L’obus libère 200 à 300 balles de plomb capables de percer un crâne non casqué. Par extension, on appelait aussi shrapnells les éclats d’obus. Soixante-quinze (75) Désignation du canon français le plus utilisé et considéré comme un des plus efficaces, dont le calibre, c’est-à-dire le diamètre de la pièce à son embouchure, est de 75 mm. D’une cadence de tir potentielle de 20 coups par minute (en pratique, 8 coups par minute) il est précis à plus de 6000 mètres de distance, et relativement mobile en raison de sa légèreté. Désigné comme emblématique de la modernité technique de l’armée française, il est doté de vertus miraculeuses par la presse (v. Bourrage de crânes) et parfois par les combattants eux-mêmes, même si ses limites face aux retranchements solides apparaissent rapidement. Territoriale Fraction de l’armée composée d’hommes âgés de plus de trente-quatre ans. Ils sont affectés dans des régiments spécifiques (RIT) et généralement à des secteurs tranquilles ou des travaux à l’arrière, même s’il peut arriver qu’ils soient exposés au danger des premières lignes. Les soldats de la territoriale sont dénommés les « territoriaux » et surnommés les « pépères ». Torpille Projectile d’artillerie, en particulier d’artillerie de tranchées dont la portée varie de 200 à 1000 mètres selon le calibre, et se tire comme un obusier, sous un angle très court. Elle consiste en une mince enveloppe renfermant une énorme charge de mélinite (v.). Elle est de forme allongée et munie d’une queue et d’ailes. La queue seule s’enfonce à l’intérieur de la pièce et repose sur la charge de poudre qui la projette. Les ailes sont pour donner la direction. Chez nous, nous en avions de 18, 40 et 100 kilos. Les Boches en avaient d’un kilo qu’ils lançaient comme des grenades. La torpille marche lentement. En entendant le coup du départ de la pièce, on peut la voir monter presque à angle droit, et on l’entend grâce au bruit particulier que font ses ailes en tournant. En déterminant son point de chute, on peut avoir le temps de se garer. Elle est généralement à fusée retardée et s’enfonce profondément en terre où elle éclate avec un bruit épouvantable et surtout démoralisant en faisant des cratères énormes. Elle est surtout employée pour la destruction des ouvrages, abris ou tranchées. Ypérite Surnom du gaz de combat mis au point en 1917 par l’Allemagne et utilisé pour la première fois dans la nuit du 12 au 13 juillet 1917 dans la région d’Ypres (Belgique). Surnommé également « gaz moutarde » en raison de son odeur, son action se fait à travers la peau, ce qui rend partiellement inopérante la protection des masques ; de plus ce gaz a pour caractéristique de contaminer durablement les zones dans lesquelles il est utilisé.