1 Jean-Louis MARSSET Mars 2015
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1 Jean-Louis MARSSET Mars 2015 2 Ce document présente la brève intervention d’Amable à l’Hôpital temporaire du Puy, quelques lettres de Louis à ses parents, et la transcription de la majeure partie des carnets sur lesquels Henri notait épisodiquement les événements quotidiens et ses réflexions personnelles. Pour mieux suivre leurs parcours, j’ai utilisé les Journaux des Marches et Opérations des Unités (JMO) que l’on peut consulter sur le site « Mémoire des Hommes » du Ministère de la Défense. Pour aider à la compréhension des événements on trouvera : Une carte situant les grandes zones de combat page 57 Evolution du front page 58 Organisation schématique de l’Armée française en 1914 page 60 Composition d’un Régiment d’Artillerie, d’Infanterie et d’une Division page 61 Une chronologie détaillée page 62 . Un glossaire « militaire » page 63 3 Vieille famille de Lavoûte-Chilhac, ils sont trois hommes à la veille de la guerre : Amable, né en 1856, médecin, maire et conseiller général et ses deux fils : Louis, né en 1888, Rédacteur à la Direction des Finances de la Préfecture à Paris. Henri, né en 1891, se prépare à sa 3e année de médecine à Clermont. Un médecin et un futur médecin justifient quelques mots sur le Service de santé. (Tiré de la revue HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXXVI - №4 - 2002) Dès le début de la guerre l'organisation du Service de Santé fut dépassée par l'ampleur des problèmes : une guerre moderne avec des blessures dues à l'artillerie, des combats permanents sans trêve pour le ramassage des blessés qui se fait sous le feu des tranchées ou le bombardement de l’artillerie, une guerre de mouvement dans les premiers temps du conflit, donc sans bases fixes pour le service de santé, de nombreux établissements sanitaires dans la zone occupée par l'ennemi, des évacuations irréalisables faute de trains ou de voies ferrées utilisables, ou bien irréalistes avec des voyages vers le premier hôpital de l'arrière pouvant prendre trois ou quatre jours, sans le moindre soin digne de ce nom. C'est avec 10 490 médecins dont seulement 1 495 militaires de carrière et 2 318 pharmaciens dont 126 seulement du cadre militaire actif que le corps de santé devait faire face. Ces effectifs étaient inférieurs à ceux théoriquement prévus d'au moins 7 000 médecins au service des armées et de 5 000 médecins au service de l'intérieur. A ce manque de personnel, s'ajoutent les difficultés dues à la violence et l'aspect de guerre moderne qui caractérisent déjà les tout premiers mois du conflit. Les postes de secours régimentaires sont débordés et les récits des témoins concordent. Lorsque les blessés arrivent au poste de secours un peu à l'arrière, amenés par les brancardiers, arrivés seuls, aidés par des camarades de bonne volonté, ils trouvent des postes de secours débordés. Comme le décrit le médecin inspecteur Mignon1 : "3 ou 400 blessés furent couchés sur des matelas, des canapés, de la paille. Le château une fois comblé, les blessés débordèrent sur l'école, l'église, les maisons particulières (...)". Comme personnel médical un aide-major, un médecin auxiliaire, un infirmier étudiant en médecine, des infirmiers régimentaires et des habitants bénévoles. "En fait de matériel, un panier de pansements de cavalerie, le contenu de sacoches régimentaires, des sacs d'infirmiers et des pansements individuels"… L'organisation des évacuations sanitaires, lorsqu'elle est possible, qui devrait permettre des meilleurs soins une fois au calme est tout autant désorganisée et débordée, puisque n'existent pour toute l'armée que vingt-cinq sections sanitaires d'évacuation, hippomobiles bien sûr, parfois tombées aux mains de l'ennemi ou dispersées par les mouvements de la bataille de la Marne et de la "course à la mer" avant que le front ne se stabilise à la fin de l'année 1914. L'espoir pour les blessés résidait en partie dans les trains sanitaires. S'il existait cinq trains permanents, assez bien équipés, qui circulaient sur les différentes voies de chemins de fer, il fallut leur adjoindre 115 trains improvisés, trains de marchandises dans les wagons desquels on mettait douze brancards par wagon, qui servirent à l'acheminement des blessés vers les hôpitaux de l'arrière. Une organisation sanitaire parallèle, bénévole et efficace. Devant de tels problèmes, des mesures furent prises : un arrêté du 9 octobre 1914 créa une Direction générale du Service de Santé aux Armées le recours au bénévolat, parfois seul à faire face à l'afflux de blessés. En effet, d'août 1914 à la moitié de 1915, la très large majorité des soins aux soldats blessés et malades aura été l'œuvre des bénévoles, notamment ceux des trois sociétés de la Croix-Rouge : 1 MIGNON (médecin-inspecteur général). Le Service de santé pendant la guerre 1914-1918. Volume 1, Paris, Masson, 1926-1927. 4 - Société française de secours aux blessés militaires (S.S.B.M.), - Union des Femmes de France (U.F.F.) - Association des Dames françaises (A.D.F.). La Croix-Rouge avait prévu la mise à disposition d'hôpitaux et de formations sanitaires nombreuses et efficaces, avec le personnel adéquat. Le pardon étant une vertu chrétienne, l'armée de la troisième République a vu ses blessés accueillis dans toutes les institutions sanitaires catholiques et soignés par leur personnel, notamment les religieuses infirmières qui avaient été chassées des hôpitaux publics en 1905, à la suite de la loi Combes de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les trois sociétés rattachées à la Croix-Rouge avaient su s'adjoindre médecins et chirurgiens, dispensés d'un service actif aux armées du fait de leur âge ou de leur état de santé et su prévoir les effectifs infirmiers et soignants nécessaires. Elles avaient aussi prévu les structures hospitalières indispensables, réparties sur l'ensemble du territoire national, pouvant monter en puissance selon les nécessités du conflit. Amable MARSSET, bien que libéré des obligations militaires depuis 19032, s’engage tout de suite comme médecin à l’Hôpital Temporaire n° 14 au Puy-en-Velay. I Le 6 janvier 1916, à 58 ans, il est photographié entouré de son équipe médicale de bénévoles. La décoration qu’il porte n’est pas militaire : les Palmes académiques lui ont été attribuées pour ses 18 ans au Conseil général, dont, en 1916, déjà 2 ans de vice-présidence (il sera vice-président jusqu’en 1922). Il sera libéré pour assurer le service médical civil des cantons de Langeac, Pinols et Lavoûte où il n'y a plus de médecin. 2 Le 7 août 1913 - Loi Barthou fixant la durée du service militaire à 3 ans suivis de 11 ans dans la réserve puis 7 ans dans la territoriale et 7 ans dans la réserve territoriale. 5 Pendant la guerre Louis et Henri restent très unis ; Ils s'écrivent et se rencontrent dès que les combats leur permettent. Louis Marsset (à droite) Caporal téléphoniste au 286e Régiment d'Infanterie jusqu’en mai 1916 date à laquelle la réorganisation des régiments3 le fait passer au 339e R.I. Le 286e RI est embarqué le 7 août 1914 en gare du Puy et arrive à Gap le 8. Il fait partie de la 64e D.I., Armée des Alpes. C’est un régiment de réserve donc les premiers jours sont consacrés à l’instruction, aux manœuvres et au tir. Les « malingres » sont renvoyés au Puy et remplacés. Dès le 22 août, le régiment, transporté en Lorraine, est engagé dans la défense immédiate de Nancy avec de durs combats (bois de Pulnoy), puis en octobre plus au Nord Ouest entre St Mihiel et Pont-à-Mousson (Flirey, Seicheprey, « le saillant de St Mihiel », région de la Woëvre). Une lettre à ses parents nous montre sa sensibilité littéraire : (À Seicheprey, Meurthe et Moselle, gelée, froid très vif selon le JMO) 19 novembre 1914. Mon cher Papa, Je te remercie beaucoup de la belle couverture que tu m'as envoyée… Nous avons ce matin entre 2h et 6h installé une ligne téléphonique à 80m des allemands. La lisière de la forêt (bois du Jury) et de la plaine était ouatée de brouillard, la lune un peu brouillée formait un pâle halo, on aurait cru - à part les coups de fusils perpétuels qui résonnaient dans le vallon et les sifflements aigus des balles - traverser quelque féeries des Pays du nord, une vision polaire… et comme des ombres nous nous glissions à travers les sapins noirs, courbés, déroulant notre fil et pressés d'en finir pour retourner à l'abri de la tranchée. Nous sommes revenus crottés jusqu'au ventre, car le terrain est très glaiseux, humide et les boyaux où l'on se glisse parfois sont fort étroits. Nous avons ensuite dans l'après-midi réglé, de la tranchée du Colonel où je suis, un tir d'artillerie : rien de plus passionnant que d'entendre annoncer : "trop court 200m" - "trop long 50m" - "Bravo en plein dedans, ils courent comme des lapins et nous tirons dessus…" Pauvres bougres que la mitraille a délogés et qui fuient, tirés par les Lebel solidement abrités derrière les créneaux ! Aujourd'hui eux et nous demain ! La guerre est une dure école. Comme terrain, figure-toi la plaine de Paulhaguet, les Allemands occupant les hauteurs du fond et la demi-cuvette, nous la crête de Sauvanirgue et l'autre moitié du bas. Personnellement je suis dans un solide abri (celui du Colonel) caché derrière un village qui serait celui d'Aleret ; on a creusé, adossé à une maison encore debout, une tranchée de 2m de profondeur couverte de troncs d’arbres de 35cm de diamètre et sur lesquels on a amassé 40cm de terre de sorte qu’on n’y risque à peu près rien, et il n’y fait pas trop froid on est comme dans un terrier.