Jean-Baptiste Jammes, Docteur Médecin Et Maire De Goyave Au Xixe Siècle Daniel-Edouard Marie-Sainte
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Document généré le 28 sept. 2021 11:24 Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe Jean-Baptiste Jammes, docteur médecin et maire de Goyave au XIXe siècle Daniel-Edouard Marie-Sainte Numéro 69-70, 3e trimestre–4e trimestre 1986 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1043788ar DOI : https://doi.org/10.7202/1043788ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société d'Histoire de la Guadeloupe ISSN 0583-8266 (imprimé) 2276-1993 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Marie-Sainte, D.-E. (1986). Jean-Baptiste Jammes, docteur médecin et maire de Goyave au XIXe siècle. Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, (69-70), 5–147. https://doi.org/10.7202/1043788ar Tous droits réservés © Société d'Histoire de la Guadeloupe, 1988 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. 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Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Jean-Baptiste Jammes docteur médecin et maire de Goyave au XIXe siècle par Daniel-Edouard MARIE-SAINTE Avant-propos Jean-Baptiste Jammes à travers l'œuvre de son petit-fils Quand on lit Francis Jammes (1), on ne peut rester indif férent aux fréquentes évocations des Iles qui font l'une des originalités de sa poésie. « La hantise des tropiques dont il ne sera jamais délivré » (2), l'attrait pour la Guadeloupe, la nostalgie du passé guadeloupéen de sa famille, se manifestent sous la plume du poète aux moindres occasions (3). L'œuvre ־Poète français mondialement connu. Tournay 2 décembre 1868 (1) Hasparren 1er nov. 1938. A propos de la prononciation du patronyme, Robert Mallet, biographe et critique du poète, écrit dans son ouvrage « Le Jammisme » (Mercure de France 1961) : « A qui connaît l’étymo- logie de Jammes, il paraît aussi barbare de prononcer l'S final qu'il le serait de faire entendre celui de Jacques. La mauvaise prononcia tion du nom, due à l’ignorance de son origine, valut à Francis Jammes, lors des batailles du symbolisme, d'être incorporé dans la cohorte des auteurs d'origine étrangère accusés d'abâtardir le génie français ». Au Congrès des poètes, le 27 mai 1901, explique-t-il encore, lors du tumultueux débat sur le vers-libre, un congressiste adversaire du vers-librisme vociféra : « Le mouvement vers la libération du vers est un mouvement étranger. Ceux qui le patronnent ne sont pas des Français. En voici la preuve : Francis Jammes son père est né à Pointe-à-Pitre, le nom est-il assez anglo-saxon ? » (2) R. Mallet, « Le Jammisme ». L'auteur rapporte, à l'appui, cet aveu de F. Jammes qui avait alors atteint la soixantaine : « J'entends parfois s'élever en moi un grand murmure tel que celui des mers, et je me dis qu'il vient du pays où, sous les goyaviers, repose mon aïeul. Car à la Guadeloupe mon père est né ». (3) Dans « Ma France poétique - Dialogue des trois provinces ori ginelles » (Mercure de France, 1926), F. Jammes a imaginé que la Guadeloupe lui disait : « Je ne permettrai pas qu'aucune autre province se prévale sur moi de plus d'attachement... » Il ne fera cependant, à la Guadeloupe, qu'un voyage imaginaire : « Ma plus douce et mélancolique escale fut à la Guadeloupe, où j ,allai baiser les tombes de mes parents. Ils dorment à la Goyave, sous des miels roses et dans la vibration des colibris » (Extrait de « Iles »). de ce fils de créole est comme auréolée du pieux souvenir de l'aïeul Jean-Baptiste Jammes, arrivé dans la colonie comme docteur-médecin et qui repose depuis 1857 dans la terre de la Goyave dont il fut le maire. C'est une liasse de lettres, envoyées des Antilles et décou vertes dans le grenier de la maison familiale d'Orthez, qui le révéla au petit-fils dans ce qu'avait été sa vie à la Guade loupe. Bouleversé par la tristesse et la gravité de cette vieille correspondance, le poète s'en attribua la possession et l'en ferma dans sa commode, à clef (4). Ces autographes où s'était épanché et livré le personnage auraient constitué, s'ils n'avaient été dispersés (5), des pièces d'une valeur historique incontestable. Car, outre les confi dences du frère et du père (6), il y avait sans doute là, l'authentique reflet de l'intégration et de l'évolution d'un Européen dans la société coloniale du xixe siècle. «Ma vie, disait-il, m'a rendu comme un vrai créole» (7). Les évocations de cette existence, que contient l'œuvre de Francis Jammes, quoique sélectives et de coloration néces sairement affective, sont une source qui ne saurait être négligée. Ainsi peut-on se représenter le docteur Jammes dans sa première traversée et à son arrivée aux Antilles : (4) « Tu es le père de mon père. Ta vieille correspondance est dans mon tiroir et ta vie est amère... Ta vieille correspondance est très triste et grave. Elle est dans ma commode, à clef. » Tu ־ F. Jammes, « De l’Angélus de l'Aube à l'Angélus du Soir écrivais» (Mercure de France 1911). « Que ta main en passant, frôle pour se bénir la correspondance grave de mon grand-père. » Elégie seconde (NRF Galli ־ F. Jammes, « Le deuil des primevères mard, 1978). (5) « Beaucoup de documents, m'écrit Michel Haurie, Président de l'Association Francis Jammes (Maison Chrestia, 64300 Orthez), ont hélas été perdus ou vendus ou dispersés ». (6) J.B. Jammes s'adressait à ses deux fils qui furent, très jeunes, conduits en France et à ses sœurs protestantes à qui avait été confiée leur éducation. (7) Extrait cité par F. Jammes d'une lettre de J.B. Jammes. « Tu écrivais » (op. cit.). « O vent... C'est toi qui as conduit par l'océan verdâtre mon aïeul s'en allant aux Antilles en fleurs. Tu soufflais en tempête au sortir de la France. La pluie ; les grêlons rebondissants venaient battre le hublot. Les cloisons craquaient. On avait peur. Oui, je revois raïeul des cousines suivi .(Martinique » (8־de־Pierre־montant la grand'rue de Saint : Pitre־à־Le découvrir dans sa vie de famille à Pointe ... « Je vois un ciel et une nuit d'un bleu métallique, foncé, indi cible, d'un bleu pareil au bleu de la jaquette de mon aïeul qui est là, assis devant le portail de sa demeure de la rue des Abymes ouvert sur la noire cour intérieure où sont les cuves à pluie et les barils à crabes. Silencieux, il fume un cigare tandis que ma grand-mère caresse les petites mains de mon père (Victor) et de mon oncle Octave. L'odeur des patates cuites se mêle à celle du rhum, et j'entends le chant désolé des esclaves » (9). ... Le retrouver dans sa retraite du « Champ d'Asile », à la Goyave : « Il charge son fusil non loin de l'habitation de planches que surmontent les plumeaux des cocotiers. Il tue un ramier qu'il met dans sa carnassière. Et le souffle de la mer lui apporte l'odeur de la cuisine des Noirs... Il est seul, ses enfants sont en France au collège. Son cœur est malade et il pense avoir trouvé, pour accélérer ou ralentir les batte ments, le jus de verveine » (10). Ou encore : « Tu écrivais que tu chassais des ramiers dans les bois de la Goyave, et le médecin qui te soignait écrivait peu avant ta mort, sur ta vie grave. .« Elégie douzième ־ F. Jammes, « Le deuil des primevères (8) (9) F. Jammes, « Mémoires - De l'âge divin à l'âge ingrat » (Mer cure de France 1971). (10) F. Jammes, « Ma fille Bernadette ». Cette évocation est précédée d'un portrait de J.B. Jammes tracé d'après une miniature de famille dont on ne possède plus qu'un cliché noir et blanc : « La figure ronde et rose, les cheveux en brosse arron die et noirs comme les courts favoris, les yeux bleus sous des lunettes d'or, le nez et la bouche petits et bien faits, un peu trapu. » Il vit, disait-il, en Caraïbe, dans ses bois» (11). Sa nature courageuse et entreprenante (12) ne manque pas d'être exaltée : « Il y a une tempête. Le voici maintenant sur une chaloupe. Il va au secours d'un navire en danger et le sauve. Il y a un tremblement de terre, beaucoup de maisons s'effon drent sur les habitants de la Pointe-à-Pitre à midi quand les fourneaux sont allumés. Il ampute des bras et des jambes. Il se dévoue lors d'une épidémie de choléra. Il a la croix d'honneur » (13). Mais une étrange impression de mystère plane autour de l'aventureux grand-père. On retrouve dans les Mémoires du poète cette obscure allusion : « Ce que mon père m'a conté, touchant sa vie de famille, jusqu'à l'âge de sept ans, à la Guadeloupe, où il fut embar qué pour France, vêtu d'un chapeau haut de forme et d'un habit à boutons d'or, EST ECLAIRE EN MOI PAR DE SI SOMPTUEUSES TENEBRES (souligné) que la mort semble déjà soulever ses voiles énigmatiques et me le restituer » (14). L'opiniâtre mais habile refus que l'on s'intéressât de trop près à son aïeul, de peur sans doute qu'un malencontreux hasard ou qu'une curiosité trop aiguisée ne menât à la clé de l'énigme, est manifeste dans l'épisode que relate Jean Labbé et la pertinente conclusion qu'il en tire (15) : « Lorsqu'à la veille de l'exposition de 1900, le créole Auguste Brunet, futur gouverneur des colonies, offrit à Francis Jammes de faire des recherches autour de la tombe de son aïeul à la Guadeloupe, le poète déclina cette propo sition par une lettre, aujourd'hui perdue, qui était, il m'en souvient, digne de l'Anthologie.