LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 115-128 Un Tüchlein flamand de la Renaissance au château de Peralada et le Maître de la Madone (RF 46 du Louvre)

Didier Martens Chargé de cours Université Libre de Bruxelles Faculté de Philosophie et Lettres CP.175 50, av. Roosevelt B-1050 Bruxelles

Résumé

Le Museu del Castell de Peralada possède un Tüchlein flamand de la Renaissance (42 x 59 cm). Peinte à la détrempe sur une fine toile de lin, cette Déploration inédite peut être rapprochée d’un groupe d’images réalisées dans la même technique, probablement à Anvers, dans les années 1520-1530. La peinture qui sert de référence pour ce groupe est une Madone en vue frontale, conservée au Louvre (RF 46). Le Maître de la Madone RF 46 est, selon toute probabilité, l’au- teur du Tüchlein de Peralada. On y retrouve le goût pour la frontalité, ainsi que le rendu calli- graphique des yeux et de la chevelure, caractéristiques de l’anonyme.

Mots-clés: Anvers, flamand, Madone, Renaissance, Tüchlein

Abstract

A Flemish Renaissance Tüchlein in the Peralada Castle and the Master of the Louvre Madonna RF 46 The Castle Museum at Peralada owns a Flemish Renaissance Tüchlein (42 x 59 cm). This hi- therto unknown Lamentation, painted in the tempera technique on a thin linen canvas, can be linked up with a group of similar works, produced in in the years 1520-1530. The re- ference of this group is a frontally looking Madonna, belonging to the Louvre (cat.no. RF 46). Its author, the Master of the Louvre Madonna RF 46, has probably painted the Peralada Tüchlein. Both works share the same use of frontality and the same calligraphic rendering of eyes and ears, which are characteristic of this anonymous master.

Key-words: Antwerp, Flemish, Madonna, Renaissance, Tüchlein. 116 LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 Didier Martens

* Je souhaite remercier ici tous ans l’ancienne collection du financier cata- . On le vit, récemment, dans la ré- ceux qui m’ont aidé dans la pré- 1 2 paration de cet article: Jaume Bar- lan Miquel Mateu (1898-1972) , dont une trospective consacrée à ce maître, en 1994, à . rachina Navarro (Peralada), soeur part orne aujourd’hui les murs du châ- D’autres, au contraire, n’ont fait l’objet jusqu’ici Christine (Soleilmont), Ghislaine D Courtet (Besançon), Peter Eike- teau-musée de Peralada (Alt Empordà, province de d’aucune tentative d’attribution. Dans les lignes qui meier (Munich), Rainald Gros- Gérone), se trouvent plusieurs peintures réalisées vont suivre, je me concentrerai sur l’une de ces oeu- shans (Berlin), Hélène Mund (Bruxelles), Giovanna Piancastelli dans les anciens Pays-Bas aux xvème et xvième siè- vres. Il s’agit d’une toile sans doute anversoise, re- Politi (Pise) et Karl Schütz (Vien- cles. La chose ne saurait surprendre outre mesure. montant au deuxième quart du xvième siècle. Elle ne). Comme de coutume, Bruno Bernaerts, Georges Hupin, Jac- Dès la fin du Moyen Âge, les élites sociales de la peut être attribuée à un anonyme, dont le catalogue ques de Landsberg, Thierry Le- péninsule ibérique ont manifesté un intérêt parti- a été reconstitué par la méthode de la critique de nain et Monique Renault, ainsi que mon frère François-René culier pour l’art des «Primitifs flamands» et de style: le Maître de la Madone RF 46 du Louvre. Martens, ont relu mon texte et leurs successeurs immédiats. Elles en firent un l’ont fait bénéficier de leurs obs- ervations. objet de prestige. Ce goût «flamand» suscita la création de collections où les artistes du Nord do- 1. Voir, sur Miquel Mateu i Pla et sa collection, «Miquel Mateu i minaient largement. La collection d’Isabelle la Une Lamentation flamande Pla, señor de Peralada», dans: La Catholique, léguée en 1504 à la Chapelle Royale de Vanguardia domingo, 21 déc. de la Renaissance 1986, pp. 117-132. Grenade, puis celle rassemblée à l’Escurial par Philippe II, grand amateur des tableaux de Jérôme La toile, pourvue d’une bordure florale sur fond 2. Dirk de Vos, dans: Hans Memling. Catalogus (cat. d’exp.), Bosch, sont bien connues des historiens. Au- doré, mesure 42 cm de hauteur sur 59 de largeur Bruges, Groeningemuseum, jourd’hui encore, malgré les pillages napoléoniens, (fig. 1). Elle a dû être acquise après 1940, car elle 1994, n° 27. puis les achats massifs opérés depuis le milieu du n’apparaît pas dans les archives photographiques 3. Information fournie par Jau- siècle dernier par les marchands des nations préco- de la collection Mateu, qui furent constituées dans me Barrachina Navarro, conser- 3 vateur du Museu del Castell de cement industrialisées du nord de l’Europe et de les années 1930 . Il s’agit d’une Lamentation. Les Peralada (lettre à l’auteur, 1er fé- l’Amérique, nombreux sont les «Primitifs» des an- personnages sont vus à mi-corps. À gauche, on vrier 1997). ciens Pays-Bas dans les collections privées espa- aperçoit la Madeleine, reconnaissable à son pot à 4. Hans Belting; Christiane gnoles. On verra dans ce fait l’indice d’une conti- onguent. Elle est coiffée d’un turban rouge et revê- Kruse, Die Erfindung des Ge- mäldes. Das erste Jahrhundert nuité. Les classes dominant l’Espagne moderne, is- tue d’une robe de brocart jaune orangé, à manches der niederländischen Malerei, sues le plus souvent de la bourgeoisie, ont repris à courtes. Sa taille est ceinte d’une chaîne en métal, Munich, 1994, n°s 82-85. leur compte les choix esthétiques des élites sociales comparable à celle portée par la même sainte dans 5. Cyriel Stroo; Pascale Syfer- traditionnelles: la Maison royale, l’aristocratie et le le retable de la Descente de croix de Rogier de la D’Olne, Royal Museums of Fi- 4 ne Arts of Belgium. The Flemish haut clergé. En dépit des bouleversements poli- Pasture . Un large décolleté rectangulaire permet Primitives, I: The Master of Flé- tiques que connut le pays depuis la fin de l’Ancien d’entrevoir une fine chemise de lin. Au-dessous de malle/, Bruxelles, 1996, n° 6. Régime, la possession de tableaux flamands des sa robe de brocart, la Madeleine porte un vêtement xvème et xvième siècles y est visiblement demeurée de satin de couleur rose-bleuté, dont émergent des un signe de supériorité personnelle. manches vertes. On remarquera que les arabesques Il ne saurait être question de présenter ici la to- du brocart se retrouvent en partie dans le décor du talité de la collection de «Primitifs flamands» cons- couvercle du pot à onguent. Une même «texture tituée par Miquel Mateu. Certaines pièces sont optique» unit donc sainte Madeleine à l’orfèvrerie d’ailleurs bien connues, tel le Christ à la colonne de précieuse qui lui sert d’attribut. Un Tüchlein flamand de la Renaissance au château de Peralada et le Maître de la Madone LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 117

Figure 1. Maître de la Madone RF 46: Lamentation; Peralada, Museu del Castell (photo musée).

La Vierge, au centre de la composition, est ha- des outrages physiques qu’a subis le Fils de Dieu. billée d’un manteau bleu, dont le revers est rouge. Par cette retenue, l’auteur de la toile se différen- Au-dessous, elle porte une robe, également bleue. cie également de ses prédécesseurs du xvème siè- Celle-ci recouvre un vêtement rouge, dont émerge cle. Dans leurs représentations de la Lamen- la manche droite, au niveau du poignet. Le visage tation, ces derniers ne perdaient jamais une occa- de Marie est encadré par un voile blanc. À droite, sion de donner à voir les plaies du Christ saignant on reconnaît saint Jean. Il est revêtu d’un habit vert abondamment. C’est ce que fit, par exemple, Ro- et de son traditionnel manteau rouge. gier de la Pasture, dans la Lamentation conservée Marie serre entre ses bras le corps de son Fils aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles5 mort. Celui-ci est dénudé. Ses plaies sont évoquées (fig. 2). Dans la toile de Peralada, au contraire, les avec une extrême discrétion. L’influence de l’art blessures des mains, comme celles des pieds, sont antique et de sa tendance à faire de la beauté cor- invisibles, et celles laissées par la couronne d’épines porelle un attribut divin, est ici bien perceptible et sont en grande partie dissimulées par la chevelure permet de qualifier l’oeuvre de «renaissante’. À la du Christ. Seule la blessure au flanc droit apparaît suite de Jean Gossart et de , les clairement. Le sang qui s’en échappe est toutefois premiers à avoir introduit les musculatures puis- rendu par quelques fines lignes d’un rouge très santes dans l’art des anciens Pays-Bas, le peintre a dilué, de sorte qu’il tend à échapper au regard. donné au Christ l’apparence d’un athlète. Il rompt Le peintre a confié à un substitut métaphorique ainsi délibérément avec les anatomies émaciées des la tâche d’évoquer dans l’image, de manière adé- Christ du xvème siècle. quate, le sang versé par le Christ. Ce substitut mé- Ce corps idéal que le peintre présente au spec- taphorique, c’est le revers rouge du manteau de la tateur, il a tenu à ne pas en compromettre la jouis- Vierge: il dessine, dans le prolongement du flanc sance optique par une évocation trop insistante droit du Christ, une configuration qui évoque un 118 LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 Didier Martens

Figure 2. Rogier de la Pasture: Lamenta- tion; Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts (photo IRPA, Bruxelles).

6. Ernst Ulmann; Elvira Pradel jaillissement de sang. En procédant de la sorte, l’au- Jean sont de dimensions à peu près semblables, ce (éds.), Albrecht Dürer. Schriften und Briefe, Leipzig, 1978, p. 61. teur de la toile a réussi à concilier deux exigences qui renforce encore l’impression de symétrie dans contradictoires. Conformément au goût nouveau, il la composition. 7. Voir, à ce sujet, Emil D. Bos- shard, «Tüchleinmalerei-eine bi- visualise la divinité du Christ par un corps d’athlè- llige Ersatztechnik?», dans: Zeit- te d’une beauté que (presque) rien ne vient troubler. schrift für Kunstgeschichte, 45, 1982, p. 41-42. Dans le même temps, il évoque de façon spectacu- Un Tüchlein du Maître laire —le «revers de manteau-jet de sang» présente 8. Charles De Tolnay; Piero de la Madone RF 46 Bianconi, Tout l’oeuvre peint des dimensions impressionnantes— un contenu de de Bruegel l’Ancien, Paris, 1968, foi essentiel pour le chrétien: le sacrifice sanglant du La Lamentation de Peralada est un exemple de ce n°s 14, 73, 74. Fils de Dieu sur la croix, source de la Rédemption. que les historiens d’art ont coutume d’appeler un 9. Voir, à ce sujet, Zsuzsa Ur- L’inclinaison de l’axe du visage de la Vierge et du Tüchlein. Le terme est utilisé par Dürer, dans le bach, «Notes on Bruegel’s Ar- chaism. His Relation to Early corps du Christ confère à ces deux figures une forte journal de son voyage aux Pays-Bas. En 1520, lors Netherlandish Painting and dynamique. Un mouvement diagonal ascendant, d’un séjour à Anvers, il affirme avoir vendu, pour Other Sources», dans: Acta histo- dirigé vers la droite, est perceptible dans l’image. Ce deux florins rhénans, à l’aubergiste chez qui il lo- riae artium Academiae Scientia- rum hungaricae, 24, 1978, p. 237- mouvement, toutefois, ne la déséquilibre pas. La geait, «une image de Marie peinte sur toile» («auf 256; eadem, «Die Bedeutung der composition présente, en effet, une structure fonda- ein Tüchlein ein gemalt Marienbild»)6. Comme Alten Niederländer für Bruegels Kreuztragung in Wien», dans: mentalement symétrique. À la figure de Marie-Ma- toutes les toiles réalisées par le maître allemand, Kunstgeschichtliche Gesellschaft deleine, à gauche, fait pendant celle de Jean, à droi- cette image devait être peinte à la détrempe sur un zu Berlin. Sitzungsberichte, Neue Folge, 38, octobre 1989-juillet te. La correspondance entre les deux personnages support de lin peut-être dépourvu de toute prépara- 1990, p. 9-12. est non seulement de nature formelle —ils inclinent tion et présentait un aspect mat. À la fin du Moyen chacun la tête vers le centre de la toile—, mais aussi Âge, les Tüchlein étaient largement répandus dans chromatique: outre leurs chevelures châtaines, on le nord de l’Europe, mais aussi en Italie et en remarquera que le rouge et le vert des vêtements de Espagne. On y a vu un substitut moins onéreux de Jean se retrouvent, légèrement éclaircis, dans le tur- la peinture à l’huile sur panneau, mais aussi de la ta- ban de la sainte et dans sa manche droite. pisserie. Semblable théorie est critiquable, car on Le fond de paysage visible à l’arrière-plan divi- constate que des artistes de grande réputation, se l’image en trois parties dans le sens vertical. Des comme Dürer, ont réalisé des Tüchlein pour des collines de faible hauteur séparent les têtes de commanditaires fortunés, lesquels appréciaient visi- Marie-Madeleine, de la Vierge et de Jean. Les por- blement pour elles-mêmes les qualités optiques tions de paysage associées à Marie-Madeleine et à propres à ce type d’image7. Un Tüchlein flamand de la Renaissance au château de Peralada et le Maître de la Madone LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 119

Au cours du xvième siècle, le Tüchlein disparaît. L’un des derniers grands maîtres à en avoir réalisé, dans le nord de l’Europe, fut Pieter Bruegel l’An- cien. Son Adoration des Mages conservée à Bruxel- les, comme la Chute des Aveugles et le Misanthrope de Naples, sont des Tüchlein8. Cet intérêt pour la détrempe sur toile s’explique sans doute par le goût archaïsant du maître et par sa volonté de faire revi- vre, sous une forme modernisée, l’esthétique des grands «Primitifs flamands» du xvème siècle9. En fait, dès le milieu du xvième siècle, un autre type d’i- mage sur support textile, venu d’Italie, va prendre, dans le Nord, la place du Tüchlein: les toiles peintes à l’huile sur une préparation. D’aspect brillant, et non plus mat, ces toiles sont souvent, en outre, de texture plus épaisse que les Tüchlein. L’un des pre- miers maîtres des anciens Pays-Bas à avoir peint de façon régulière à l’huile sur toile fut, semble-t-il, Maerten van Heemskerck, et ce dès 153610. Par rapport à la quantité de peintures sur bois des xvème et xvième siècles qui nous sont parve- nues, on ne conserve que peu de Tüchlein. Pourtant, à en juger par les documents d’archive, les artistes travaillant à la détrempe sur toile ne furent pas moins nombreux dans les villes des anciens Pays- Bas que les peintres de panneaux11. Moins sensibles que les Tüchlein à l’usure et aux détériorations de toute sorte, notamment par l’eau, les panneaux des xvème et xvième siècles sont demeurés, après 1600, en dépit des changements de goût, des objets dignes d’être collectionnés. Ils ont, de ce fait, survécu en plus grand nombre et conditionnent aujourd’hui, de manière à peu près exclusive, notre vision de la pro- duction picturale flamande. L’historien d’art se doit d’avoir à l’esprit que cette situation, trompeuse, est le résultat d’un processus de sélection privilégiant le bel objet. C’est le même processus qui a fait dispa- raître un pourcentage important des manuscrits non illustrés du Moyen Âge, et préservé principalement Figure 3. les rares exemplaires pourvus de miniatures. Maître de la Madone RF 46: Vierge à l’Enfant; Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza (photo musée). L’aspect peu séduisant que présente aujourd’hui la majorité des Tüchlein flamands —les couleurs sont éteintes, la toile est souvent déchirée, déformée ou grossièrement repeinte— explique pourquoi l’é- 10. Voir Ilja M. Veldman, dans: werken», dans: Jaarboek van het der Kelen-Mertens, 1988, p. 472- tude systématique de ce matériel n’a été entreprise Fiamminghi a Roma. Artistes des Koninklijk Museum voor Schone 474; idem, Cadres et supports que sur le tard. Il a fallu attendre les années 80 du Pays-Bas et de la Principauté de Kunsten Antwerpen, 1982, p. 29- dans la peinture flamande aux Liège à Rome à la Renaissance 59; Diane Wolfthal, The Be- XVème et XVIème siècles, Heure- xxème siècle pour que les premiers inventaires visant (cat. d’exp.), Bruxelles, Palais des ginnings of Netherlandish Can- le-Romain, 1989, p. 55-59 et, en Beaux-Arts, 1995, n°s 111, 112. vas Painting: 1400-1530, Cam- dernier lieu (avec bibliographie), à l’exhaustivité voient le jour. À l’article de Paul Van- bridge (...), 1989. Voir aussi le tra- Hélène Dubois; Herant Khan- denbroeck, paru en 1982, fit suite la monographie 11. Voir notamment, pour la si- vail inédit de Jean-Pierre Bai- jian; Michael Schilling; Arie tuation à Bruges, Lori Van Bier- sieux, Contribution à l’étude des Wallert, «A Late Fifteenth abondamment illustrée de Diane Wolfthal, publiée vliet, «Enkele gegevens over peintures sur toile dans les Pays- Century Italian Tüchlein», dans: en 198912. Grâce à ces deux auteurs, l’historien d’art doekschilderkunst ten tijde van Bas méridionaux 1400-1530 (mé- Zeitschrift für Kunsttechnologie de Vlaamse Primitieven», dans: moire de licence), Université Li- und Konservierung, 11, 1997, p. dispose, à l’heure actuelle, d’un corpus de référence Biekorf, 85, 1985, p. 81; Diane bre de Bruxelles, 1978. 228-237; Ulrike Villwock, «Un- qui permet de se faire une idée précise de la produc- Wolfthal, «Early Netherlan- tersuchungen zu einem Antwer- dish Canvases: Documentary 13. Voir, à ce sujet, outre Wolf- pener Tüchlein der ersten Hälfte tion conservée. L’étude technologique des Tüchlein Evidence», dans: Annales d’His- thal, op. cit., p. 23-29; Hélène des 16.Jahrhunderts in Aachen», flamands a par ailleurs progressé sensiblement ces toire de l’Art et d’Archéologie, 8, Verougstraete-Marcq; Roger dans: Aachener Kunstblätter, 61, 13 1986, p. 20-21. Van Schoute, «Het doek als 1995-1997 (1997), p. 449-459; dernières années, à l’occasion de restaurations . drager in de schilderkunst», dans: Caroline Villers (éd.), The Fa- En 1986, j’ai tenté de reconstituer le catalogue 12. Paul Vandenbroeck, «Laat- Schatten der Armen. Het artistiek bric of Images. European Pain- middeleeuwse doekschildekunst en historisch bezit van het tings on Textile Supports in the d’un anonyme qui semble s’être spécialisé dans la in de Zuidelijke Nederlanden. OCMW-Leuven (cat. d’exp.), 14th and 15th Centuries, Lon- production de Tüchlein: le «Maître de la Madone Repertorium der nog bewaarde Louvain, Stedelijk Museum Van- dres, 2000. 120 LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 Didier Martens

Figure 5. Maître de la Madone RF 46: Lamentation (détail de fig. 1).

même artiste, j’attribue encore trois autres Vierge à l’Enfant, qui ne relèvent pas de son «modèle-fé- tiche». L’une est conservée à Vienne (Kunsthisto- risches Museum, fig. 4), l’autre à (Musée des Beaux-Arts), la troisième n’est connue que par une photographie. L’artiste se signale par l’u- sage répété de physionomies féminines rondes et plates, avec un nez long et étroit. En 1989, Diane Wolfthal a estimé pouvoir identifier trois mains différentes dans la série d’oeuvres qui vient d’être énumérée. Outre le Figure 4. Maître de la Madone RF 46: Vierge à l’Enfant; Vienne, Kunsthistorisches Museum (photo musée). «Maître de la Madone du Louvre», elle propose de reconnaître un «Maître de la Madone Thyssen» et un «Maître de la Madone de Ravenne». Ces distinctions se justifient-elles vrai- ment? L’auteur avoue lui-même que 14. Didier Martens, «À propos RF 46 du Louvre»14. Il a dû travailler à Anvers, si d’un ‘Tüchlein’ flamand du XVIè- me siècle conservé au Louvre», l’on en juge par les points de contact entre son oeu- […] les toiles [concernées] peuvent fort bien dans: La Revue du Louvre et des vre et celles de Quentin Metsys15 et du Maître de avoir été peintes dans le même atelier, puis- Musées de France, 36, 1986, p. 394-402. l’Épiphanie d’Anvers. Les volumes lourds et puis- qu’elles sont étroitement liées, tant par le style sants de ses figures, qui ne présentent plus trace de que par la composition, les techniques et 15. Voir, à ce sujet, Ludwig Bal- dass, «Ein Madonnentüchlein l’«atectonicité» gothique, suggèrent un artiste actif même le format. aus der Nähe des Quinten dans les années 1520-1530, à un moment où le style Metsys», dans: Mélanges Hulin de Loo, Bruxelles; Paris, 1931, p. renaissant s’impose même à des peintres de secon- «Au total», conclut-elle, «14 toiles sont sorties de 31-32; Maryan W. Ainsworth, de zone, comme notre anonyme. J’ai proposé de lui cet atelier»17. dans: eadem; Keith Christian- sen (éds.), From Van Eyck to attribuer une dizaine d’oeuvres. La grande majorité Même si le groupe d’oeuvres que j’ai attribué Bruegel. Early Netherlandish procède du même modèle figuré: une Vierge à au Maître de la Madone RF 46 ne présente sans Painting in The Metropolitan Museum of Art (cat. d’exp.), l’Enfant en vue frontale, à mi-corps. L’image est dé- doute pas une homogénéité parfaite, on hésitera à New York, Metropolitan Mu- limitée par un cadre en trompe-l’oeil, qui sert de le scinder. Les particularités stylistiques unissant seum of Art, 1998-1999, p. 254. 16. Voir notamment Old Master support à deux prières mariales calligraphiées. les différentes toiles qui le composent, notam- (cat. de vente), Lon- Une telle représentation apparaît non seule- ment dans les physionomies des personnages, dres, Christie’s, 2 novembre 2001, nº 3. ment sur le Tüchlein RF46 du Louvre, auquel l’a- l’emportent nettement sur les éventuelles diver- nonyme doit son nom, mais aussi sur des toiles gences. En outre, il faut noter qu’un tiers de ces 17. Wolfthal, op. cit., 1989, p. 82. conservées à Madrid (Museo Thyssen, fig. 3), à 14 oeuvres n’est connu que par la photographie et Londres (Buckingham Palace), à New York que, parmi les exemplaires conservés dans des (Metropolitan Museum of Art) et à Ravenne collections publiques, certains sont fortement (Pinacoteca Nazionale). D’autres exemplaires ne usés ou repeints, telle, par exemple, la Madone de sont connus que par les catalogues de vente16. Au Ravenne. Dans ces conditions, il me semble pré- Un Tüchlein flamand de la Renaissance au château de Peralada et le Maître de la Madone LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 121

Figure 6. Figure 7. Figure 8. Maître de la Madone RF 46: Vierge à l’Enfant (détail de fig. 4). Maître de la Madone RF 46: Lamentation (de fig. 1). Maître de la Madone RF 46: Vierge à l’Enfant (détail de fig. 3).

férable de parler d’un seul et unique «maître ano- Marie sur la toile Thyssen (fig. 7-8) est particu- 18. Ainsworth, op. cit., n° 63. nyme». Il a pu diriger un atelier dans lequel oeu- lièrement instructive. En dépit de la différence de 19. Licia Collobi Ragghian- vrèrent aussi l’un ou l’autre collaborateur pei- sujet, les yeux sont dessinés de la même façon. ti, Dipinti fiamminghi in Italia 1420-1570. Catalogo (= Musei gnant dans son style. Ce pouvait être soit d’an- On remarquera notamment le dessin sinueux, en d’Italia, Meraviglie d’Italia, 24), ciens apprentis formés par ses soins, soit des com- S, des paupières supérieures. Dans les deux cas, le Bologne, 1990, n° 188. La Ma- done de Ravenne a fait en outre pagnons, qui adaptaient leur manière personnelle nez se présente sous la forme d’une ligne vertica- l’objet d’une notice détaillée. à celle du maître pour lequel ils travaillaient. Je ne le, terminée par deux petits points qui forment Voir Giordano Viroli, dans: Pinacoteca Comunale di Ra- pense pas qu’au stade actuel de la recherche, il soit les narines. Le fait que la figure du Christ appa- venna. Opere dal XIV al XVIII se- possible, sur la base d’une simple analyse visuelle, raît de face dans la toile de Peralada doit vrai- colo, Ravenne, 1988, n° 116. d’identifier ces collaborateurs, à supposer qu’ils semblablement être interprété comme une preu- 20. Veerle Aendekerk, dans: aient existé. Je préfère donc conserver l’appella- ve supplémentaire de l’attachement presque obs- La Ville en Flandre. Culture et société 1477-1787 (cat. d’exp.), tion de «Maître de la Madone RF 46 du Louvre». essionnel du peintre à la frontalité. Dans les re- Bruxelles, Galerie du Crédit On reconnaît aisément, dans la Lamentation de présentations de la Lamentation réalisées dans les Communal, 1991, n° 198.

Peralada, une oeuvre du Maître de la Madone RF Flandres aux xvème et xvième siècles, le visage du 21. Colin Eisler, The Thyssen- 46. La sainte Madeleine (fig. 5) peut être rappro- Christ est, en règle générale, vu de trois-quarts. Bornemisza Collection. Early Netherlandish Painting, Lon- chée de la Vierge Marie du Tüchlein de Vienne (fig. dres, 1989, n° 36; José Manuel 6). Elles présentent, l’une et l’autre, le même visa- Pita Andrade; María del Mar Borobia Guerrero, Maestros ge circulaire, incliné vers la droite. Le dessin des antiguos del Museo Thyssen- arcades sourcilières et des paupières, les lèvres Les recherches sur le Maître Bornemisza, Madrid, 1994, p. charnues, esquissant un sourire, l’arrondi du men- 258. ton, toutes ces particularités sont communes aux de la Madone RF 46 deux physionomies. Elles se retrouvent aussi dans depuis 1986: un bilan la série des Tüchlein à la Madone frontale. On confrontera avec profit l’exemplaire Thyssen (fig. Depuis 1986, le Maître de la Madone RF 46 a bé- 3) à la sainte Madeleine de la toile de Peralada. néficié d’une certaine attention de la part des his- Dans les deux oeuvres, on rencontre un visage toriens d’art. Pour la première fois, plusieurs de identique, quoique tourné différemment. Le rendu ses oeuvres ont eu l’honneur d’être reproduites en de la chevelure est analogue, avec ses ondulations couleurs. C’est le cas des Madones de New aux reflets rendus de manière calligraphique. York18, de Ravenne19, de Tournai20 et de la collec- De prime abord, il semble difficile d’établir la tion Thyssen21. En outre, deux analyses appro- moindre relation entre le Christ de la toile de fondies ont été consacrées à l’anonyme. Peralada et les autres oeuvres attribuées au Même si je ne puis souscrire à la proposition Maître de la Madone RF 46. Celles-ci ne com- de Diane Wolfthal de partager l’oeuvre du Maître portent, en effet, aucune figure masculine d’âge de la Madone RF 46 entre trois mains, l’impor- mûr. Pourtant, un examen attentif permet de re- tance de sa contribution à l’étude de cet artiste connaître, dans les linéaments du visage du Fils, demeure incontestable. Par la critique de style, des procédés graphiques caractéristiques de l’a- l’auteur américain a reconstitué la production de nonyme. La confrontation avec la figure de plusieurs autres peintres de Tüchlein actifs dans 122 LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 Didier Martens

Figure 9. Figure 10. Maître de la Madone de Dijon: Vierge à l’Enfant; Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Ar- Maître de la Madone RF 46: Vierge à l’Enfant; Volterra, Pinacoteca. chéologie (photo Ch. Choffet, Besançon).

22. Wolfthal, op. cit., p. 56- les anciens Pays-Bas aux xvème et xvième siècles, précurseur du Maître de la Madone RF 46. Eu 58. rendant ainsi possibles des comparaisons entre le égard au coefficient élevé de pertes propre aux 23. Voir, sur l’exemplaire de Be- Maître de la Madone RF 46 et ses contemporains Tüchlein, on peut estimer qu’ils ont dû réaliser, sançon, outre la note précédente, Matthieu Pinette, dans: 1694- qui travaillaient dans la même technique. L’un des l’un et l’autre, plusieurs dizaines d’exemplaires du 1994: Trois siècles de Patrimoine artistes à nom d’emprunt «créés» par Diane même «modèle-fétiche’, modèle dont, par ailleurs, public. Bibliothèques et Musées de Besançon (cat. d’exp.), Besançon, Wolfthal peut être considéré comme un alter ego ils n’avaient pas la propriété exclusive. Musée des Beaux-Arts et d’Ar- chéologie, 1994-1995, p. 52. de notre anonyme. Le «Maître de la Madone de Diane Wolfthal a, en outre, enrichi le catalogue L’exemplaire de Boston est ré- Dijon» réalisa en effet, dans les années 1500, non du Maître de la Madone RF46 d’une nouvelle at- cemment apparu en vente publi- que [Important Old Master Pain- moins de cinq représentations à la détrempe sur tribution. Elle a rapproché du Tüchlein du Louvre tings (cat. de vente), Christie’s, toile de la Vierge veillant dévotement sur son une toile conservée à la pinacothèque de Volterra. New York, 29 janvier 1999, n° 22 176]. Enfant endormi . Elles sont conservées notam- Il s’agit d’une Vierge veillant sur son Enfant ment à Dijon —il s’agit de l’oeuvre éponyme— et endormi24 (fig. 10). La composition procède, à l’é- 24. Wolfthal, op. cit., n° 91. Licia Collobi Ragghianti à Besançon (fig. 9); un exemplaire fut longtemps vidence, du même modèle que les Madone de (op. cit., n° 324) attribue l’oeu- en dépôt au Musée des Beaux-Arts de Boston23. Il Dijon, Besançon et Boston. L’Enfant Jésus est re- vre à un disciple de Jacob van Oostsanen. est clair que ces cinq peintures, à peu près iden- présenté dans une attitude identique, même s’il est tiques, jusque dans les visages, dérivent toutes nu, alors que, dans tous les autres exemplaires 25. Voir, par exemple, le type flémallien «Wolfenbüttel-Bru- d’un même modèle. En outre, elles ont été pro- conservés de la composition, il porte une chemise. ges» de la Vierge à l’Enfant (Dirk duites par un artiste qui, visiblement, s’était spé- Cette présence d’une variante «nue» et d’une va- De Vos, De Madonna-en-Kind- typologie bij Rogier van der cialisé dans la réalisation de Tüchlein, puisqu’au- riante «vêtue» du même Enfant Jésus n’est pas ex- Weyden en enkele minder geken- cun panneau ne peut lui être attribué. Le modèle, ceptionnelle dans la production des «Primitifs fla- de flemalleske voorlopers, dans: Jahrbuch der Berliner Museen, pourtant, n’appartenait pas en propre au Maître mands»25. 13, 1971, p. 80-88). de la Madone de Dijon. Il en existe des exemplai- L’attribution du Tüchlein de Volterra au Maître 26. Ce Tüchlein a été publié par res qui ne sont pas de sa main. de la Madone RF 46 peut s’appuyer sur plusieurs Villwock, op. cit., p. 449-459. On peut rapprocher la figure de Par le caractère répétitif de sa production, le indices. On comparera avec profit le visage de sainte Catherine (à gauche) de Maître de la Madone de Dijon apparaît comme un Marie à celui des Madone de Tournai et de Vienne. Un Tüchlein flamand de la Renaissance au château de Peralada et le Maître de la Madone LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 123

celle de la Vierge dans le Saint Luc de Milan, Tüchlein que l’on attribue traditionnellement à Jan de Beer (Wolfthal, op. cit., 1989, n° 53). On notera aussi les ressemblances entre la Vierge des volets du triptyque de l’Épipha- nie de Jan de Beer, également conservé à Milan (Max J. Fried- länder, Early Netherlandish Painting, XI. The Antwerp Man- nerists, Adriaen Ysenbrant, Leyde, Bruxelles, 1974, n° 9), et la sainte Barbe du Tüchlein d’Aix-la-Chapelle.

27. Lionel Cust, «Notes on Pictures in the Royal Collec- tions, X. Franco-Flemish School: The Divine Mother», dans: The Burlington Magazine, 11, 1907, p. 232 («It has been suggested by Dr. Max Fried- länder that these paintings are taken from some miracle-wor- king painting of the Virgin and Child in Germany, of which many copies were made for pil- grims»).

28. Eisler, op. cit., p. 237.

29. Voir, sur Notre Dame de Grâce, Paul Rolland, «La Ma- done italo-byzantine de Frasnes- lez-Buissenal», dans: Revue bel- ge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art, 17, 1947-1948, p. 97-106; Comte Joseph De Borchgrave D’Altena, «Notes au sujet de diverses Madones conservées chez nous», dans: Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de Figure 11. l’Art, 22, 1953, p. 37-44; Cathe- Entourage de Jan de Beer: Vierge à l’Enfant avec les saintes Catherine et Barbe; Aix-la-Chapelle, Suermondt-Ludwig-Museum (photo Rheinisches line Périer-D’ieteren, «Une Bildarchiv, Cologne). copie de Notre Dame de Grâce de Cambrai aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles», dans: Bulletin des Musées Royaux des Beaux-Arts Mais c’est sans doute avec la Mater dolorosa du Allemagne, dans un lieu de pèlerinage, et dont les de Belgique, 17, 1968, p. 111- Tüchlein de Peralada que les affinités sont les plus dévots pouvaient acquérir sur place la reproduc- 114; Hans Belting, Bild und Kult. Eine Geschichte des Bildes marquées. Le nez, les yeux et les arcades sourciliè- tion. Colin Eisler, quant à lui, rapproche la série vor dem Zeitalter der Kunst, res sont dessinés de façon identique. En outre, un des Tüchlein à la Madone frontale de la fameuse Munich, 1990, p. 490-491; Mi- chel Rutschkowsky, dans: By- argument de typologie architecturale paraît égale- icône de Notre Dame de Grâce, qui se trouve, de- zance. L’art byzantin dans les ment plaider en faveur d’une attribution de la toile puis le milieu du xvème siècle, à la cathédrale de collections publiques françaises (cat. d’exp.), Paris, Musée du de Volterra au Maître de la Madone RF 46: la pré- Cambrai. Attribuée à saint Luc, cette peinture Louvre, 1992-1993, n° 369; Jean sence d’un encadrement feint, dont les angles sont siennoise du trecento, certainement inspirée d’un C. Wilson, «Reflections on St. Luke’s Hand: Icons and the Na- indiqués par de fines lignes courbes. Le détail se prototype byzantin, fut l’objet d’une grande dé- ture of Aura in the Burgundian retrouve dans les exemplaires intégralement pré- votion. À partir de 1454, on en réalisa de nom- during the Fif- 29 teenth Century», dans: Robert servés de la série des Tüchlein à la Madone frontale. breuses copies . L’exemplaire de Kansas City —le Ousterhout; Leslie Brubaker On remarquera, toutefois, que ce même détail ap- plus ancien—, celui de Madrid30 et celui, peu (éds.), The Sacred Image. East and West (= Illinois Byzantine paraît aussi sur un Tüchlein conservé à Aix-la- connu, conservé à l’Hôpital Notre-Dame à la Studies, 4), Urbana, Chicago, Chapelle (fig. 11) qui, tout en présentant des res- Rose de Lessines (Bruxelles?, fin xvème siècle)31, 1995, p. 132-146; Denis Le- compte, L’icône de Notre Dame semblances avec les oeuvres du Maître de la constituent d’authentiques traductions, dans le de Grâce, Cambrai, 1996; Ma- Madone RF 46, ne saurait pour autant lui être at- vocabulaire des «Primitifs flamands», du presti- ryan W.Ainsworth, . Purity of Vision in an tribué. Il s’agit plutôt, semble-t-il, d’une oeuvre de gieux modèle. La majorité des copies conservées Age of Transition, Gand, Ams- l’entourage de Jan de Beer26. de Notre Dame de Grâce ne semble toutefois pas terdam, New York, 1998, p. 259.

En 1989, Colin Eisler a consacré une notice dé- antérieure à 1600; elles sont beaucoup plus fidèles 30. Elisa Bermejo Martínez, taillée à la Madone Thyssen. Il reprend à son au modèle que celles du xvème siècle. La pintura de los Primitivos fla- mencos en España, I, Madrid, compte la théorie, formulée naguère par Max Colin Eisler invoque, pour justifier son hypo- 1980, p. 121. Friedländer27, suivant laquelle cette oeuvre, à l’ins- thèse, l’«extrême archaïsme» de la Madone 31. Paul Vandenbroeck et alii, tar de ses nombreuses cousines, dériverait d’un Thyssen et de ses consoeurs. Il note que Hooglied. De beeldwereld van modèle ancien, objet d’une vénération particuliè- religieuze vrouwen in de Zuide- 28 lijke Nederlanden, vanaf de 13de re . Friedländer pensait à quelque image miracu- […] la Vierge, à l’allure de jeune fille, avec ses eeuw (cat. d’exp.), Bruxelles, Pa- leuse de la Vierge qui aurait été conservée en longs cheveux, rappelle encore par certains lais des Beaux-Arts, 1994, n° 97. 124 LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 Didier Martens

Figure 12. Figure 13. Hans Memling: Vierge à l’Enfant; Londres, National Gallery (photo musée). Entourage de Quentin Metsys: Sainte Isabelle de Portugal; Berlin, Staatliche Museen (photo musée).

32. Eisler, op. cit., p. 237 («The aspects les «Belles Madones’, un type populai- de lin finement plissé, dont l’usage ne se généralise extreme archaism of this painting 32 and the related examples cer- re vers 1400 . dans les anciens Pays-Bas qu’à partir de 1500, si tainly suggests that they all go l’on en croit le témoignage des peintures. back to some sacred, ancient mi- racle-working image as Fried- Ces observations autorisent-elles vraiment à pos- Peut-être Colin Eisler a-t-il aussi considéré länder first proposed. The girlish tuler l’existence d’un modèle ancien? Peut-on comme une manifestation d’archaïsme le fait que Madonna with her long hair still recalls aspects of the “Schöne interpréter en termes chronologiques l’impres- Marie est représentée en vue parfaitement frontale. Madonna” type popular around sion incontestablement archaïque que produit le C’est que la frontalité est associée par les historiens 1400»). groupe des Tüchlein à la Madone frontale sur le d’art à l’idée de primitivité, de commencement. 33. Max J. Friedländer, Early spectateur cultivé d’aujourd’hui? Dans les manuels, on a coutume de souligner l’as- Netherlandish Painting, VIII: Jan Gossart and Bernart van On remarquera tout d’abord que le fond or, qui pect frontal des kouroi de l’époque archaïque et des Orley, Leyde, Bruxelles, 1972, est pour une bonne part responsable de cette im- Sedes Sapientiae romanes, tout en rappelant que les n°s 86, 94. pression, n’est pas aussi exceptionnnel qu’on le premiers se situent aux origines de la statuaire 34. Dirk De Vos, Hans croit dans la peinture des «Primitifs flamands». Le grecque et que les secondes marquent les débuts de Memling. Het volledige oeuvre, Anvers, 1994, n°s 13, 53, 8. développement de la représentation perspective de la sculpture occidentale. La frontalité, toutefois, pa- l’espace naturel, à partir de l’époque des frères Van raît absente des icônes mariales byzantines vénérées Eyck, n’empêche nullement que l’antique fond en Occident, ou de leurs imitations romanes et go- doré, hérité de l’art paléochrétien et de Byzance, thiques. Et, dans la peinture des anciens Pays-Bas, conserve, sous des formes plus ou moins actuali- la représentation de Marie en vue frontale apparaît sées, ses adeptes jusqu’en plein xvième siècle. Di- pour la première fois... avec Hans Memling. En té- verses oeuvres de Bernard van Orley, notamment, moignent notamment les Madones en pied du trip- sont là pour en témoigner33. Il serait donc faux de tyque de l’Épiphanie de Madrid et du triptyque de vouloir reconnaître à tout prix, dans la lumière or Vienne, ou celle, en buste, de la National Gallery de qui enveloppe la Madone Thyssen et ses consoeurs, Londres34 (fig. 12). Paul Philippot souligne com- la trace d’un modèle ancien. Quant à la figure de la bien Memling, Vierge, son «ancienneté» n’est guère plus manifes- te. Marie porte en effet, sous sa cotte, une chemise […]à côté de ses oeuvres narratives […], est Un Tüchlein flamand de la Renaissance au château de Peralada et le Maître de la Madone LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 125

ciennes, on peut citer non seulement la série des 35. Paul Philippot, «Icône et narration chez Memling», dans: Madones frontales et une représentation de la Université Libre de Bruxelles. Vierge des sept Douleurs dans un manuscrit musi- Annales d’Histoire de l’Art et d’Archéologie, 5, 1983, p. 37. cal de la Bibliothèque Royale de Bruxelles, remon- tant au premier quart du xvième siècle37, mais aussi 36. Voir, à ce sujet, Michael Rohlmann, Auftragskunst und une effigie d’Isabelle de Portugal (1274-1336), la Sammlerbild. Altniederländische pieuse épouse du roi Don Dinis, conservée à Berlin Tafelmalerei im Florenz des Quattrocento, Alfter, 1994, p. 69. (fig. 13). Cette oeuvre, qui a été attribuée au mysté- rieux Édouard Portugalois, provient certainement 37. Herbert Kellman, dans: 38 The Treasury of Petrus Alamire. de l’entourage de Quentin Metsys . On suppose Music and Art in Flemish Court qu’elle a dû être réalisée peu après 1516, année où Manuscripts 1500-1535 (cat. d’exp.), Louvain, Predikheren- le pape béatifia la reine, mais n’en autorisa le culte kerk, 1999, n° 1. que dans le seul diocèse de Coïmbre. L’effigie de 38. Luís Reis-Santos, «Édouard sainte Isabelle pourrait précéder d’une décennie la Portugalois, disciple et collabora- série des Tüchlein à la Madone frontale. teur de Quentin Metsys», dans: Pantheon, 26, 1968, p. 194. Si, du point de vue strictement morphologique, rien n’autorise donc à voir, dans la Madone 39. Voir, sur l’art de la copie dans la peinture des anciens Thyssen et ses consoeurs, l’écho d’un prototype Pays-Bas aux xvème et xvième beaucoup plus ancien, jouissant d’une vénération siècles, en dernier lieu (avec bi- bliographie), Hélène Mund, «La particulière, il convient d’ajouter que ce cas de fi- copie chez les Primitifs flamands gure est, en outre, peu fréquent dans le monde des et Dirk Bouts», dans: Dirk Bouts (ca. 1410-1475), een Vlaams pri- «Primitifs flamands». La plupart des peintures qui mitief te Leuven (cat. d’exp.), ont été copiées dans les anciens Pays-Bas, aux Louvain, Sint-Pieterskerk, Pre- xvème et xvième siècles, n’étaient nullement des dikherenkerk, 1998, p. 231-246. images miraculeuses d’une grande antiquité, mais 40. Voir, pour les copies ou dé- rivations suscitées par les Ma- bien les créations contemporaines des grands maî- dones du Maître de Flémalle et tres39. Si l’on s’en tient aux seules effigies de la de Rogier de la Pasture, De Vos, Figure 14. Madone, on constate que celles qui nous sont par- op. cit., 1971, p. 60-161. Il serait D’après Quentin Metsys (?): Madone de l’Aracoeli; Pise, Museo Nazio- souhaitable que cette étude de nale di San Matteo (photo Soprintendenza Pisa). venues en plusieurs exemplaires reproduisent en typologie mariale soit étendue aux autres «grands maîtres» de général des modèles que l’on attribue à Jan van la peinture flamande du xvème Eyck, au Maître de Flémalle, à Rogier de la siècle.

Pasture, Dieric Bouts, et Hans 41. Voir, sur la Madone de San Memling40. Il n’y a, à ma connaissance, dans la pro- Sisto, Maurice Dejonghe, Les Madones couronnées de Rome aussi le peintre de l’équilibre iconique immobi- duction des «Primitifs flamands», que deux cas (= Orbis marianus, 1), Paris, le et parfait des «Sacre Conversazioni» […]35. avérés de copies en série suscitées par des représen- 1967, p. 71-73; Belting, op. cit., tations mariales antérieures à 1400: celui, déjà évo- p. 353-363. Le choix de la vue frontale pour certaines de ses qué, de Notre Dame de Grâce, et celui, moins 42. Richard Perger, Ein Ma- rienaltar von 1494 aus der représentations de la Vierge à l’Enfant s’insère connu, des copies d’après la Madone dite «de San Kirche Maria am Gestade in parfaitement dans ce second aspect de l’esthétique Sisto» (ou «de l’Aracoeli»)41. Wien, et Fritz Koreny, «Das Altärchen von 1494 und seine memlinguienne, caractérisé par une véritable obs- De ce prestigieux modèle paléochrétien, qu’une künstlerische Herkunft», dans: ession de la symétrie. tradition ancienne attribue également à saint Luc, Österreichische Zeitschrift für Kunst und Denkmalpflege, 24, Pas plus que le fond doré, la frontalité de la Ma- on possède au moins quatre copies «actualisées» à 1970, p. 27-32. done Thyssen et de ses consoeurs ne saurait donc la manière des «Primitifs flamands». Réalisées 43. Albert Schouteet, «Jan van être considérée comme un élément prouvant la entre la fin du xvème et le milieu du xvième siècle, Eeckele en de schilderkunst in grande ancienneté du modèle dont elles dérive- elles sont conservées à Lednice (Moravie)42, à Brugge in de eerste helft van de 43 16de eeuw», dans: Handelingen raient. C’est plutôt le contraire: à la fin du Moyen Bruges (église Saint-Sauveur) , à Pise (Museo van het Genootschap voor Âge, la frontalité du visage marial est le signe d’une Nazionale di San Matteo, fig. 14)44 et à Munich Geschiedenis gesticht onder de 45 benaming «Société d’Émula- certaine modernité, celle d’un Memling, par exem- (Alte Pinakothek) . En outre, l’abbaye de tion» te Brugge, 128, 1991, p. 75- ple, lequel —faut-il le rappeler?— fut le premier Soleilmont, près de Charleroi, possède un exem- 96. peintre des anciens Pays-Bas dont on puisse affir- plaire sur toile d’âge incertain qui pourrait repro- 44. Collobi Ragghianti, op. mer avec certitude qu’il a subi l’influence italienne36. duire une oeuvre flamande des années 1500, à cit., n° 170.

Ce que l’on pourrait appeler le «schéma de ba- moins qu’il ne s’agisse d’un original de cette 45. Eduard Firmenich-Ri- se» des Tüchlein à la Madone frontale plaide égale- époque, fortement restauré46. Les ressemblances chartz, Die Brüder Boisserée. Sulpiz und Melchior Boisserée ment dans le sens d’une création récente. On cher- entre les quatre versions sur bois citées plus haut als Kunstsammler. Ein Beitrag cherait en vain, dans la peinture flamande du xvème sont telles que l’historien d’art est amené à suppo- zur Geschichte der Romantik, siècle, la même combinaison d’un buste frontal fé- ser un modèle intermédiaire commun. Celui-ci Iéna, 1916, p. 160-161, 473. minin, d’un fond neutre et d’un motif rayonnant pourrait avoir été peint par Quentin Metsys avant 46. Notice sur le tableau vénéré à l’abbaye de Soleilmont sous le monumental. Un tel schéma n’est pas attesté avant 1494, pour autant qu’on ajoute foi à la date figurant nom de Notre-Dame de Rome, le siècle suivant. Parmi ses occurrences les plus an- sur l’exemplaire de Lednice. Si l’on excepte le fond Westmalle, 1937. 126 LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 Didier Martens

Figure 15. Figure 16. Maître de l’Adoration Khanenko: Vierge à l’Enfant; Dessau, Staatliche Kunstsammlungen Jean Gossart: Vierge à l’Enfant; Chicago, Art Institute (photo musée). (photo Bildarchiv Foto, Marbourg).

47. Wolfthal, op. cit., p. 83; Eis- doré, ni les copies sur bois de la Madone de San cette image, antérieures à la série des Tüchlein de la ler, op. cit., p. 236. Voir aussi Ainsworth, dans: eadem; Chris- Sisto, ni celles de Notre Dame de Grâce ne présen- Madone frontale: le célèbre panonceau de Gérard tiansen, op. cit., p. 252. tent de relations stylistiques avec le groupe des de Saint-Jean, conservé à Rotterdam48, deux 49 48. Friso Lammertse, dans: Van Tüchlein à la Madone frontale. L’hypothèse, pour Tüchlein autographes de Van der Goes , la Madone Eyck to Bruegel 1400-1550. ces derniers, d’un modèle commun qui remonte- de Dessau du Maître de l’Adoration Khanenko50 Dutch and Flemish Painting in the Collection of the Museum rait à la fin du xvème siècle, sinon au début du siè- (fig. 15), des peintures anonymes conservées à Boymans-van Beuningen (cat. cle suivant, paraît donc s’imposer, non seulement Vienne51 et à Cologne...52 Dans chacune de ces oeu- d’exp.), Rotterdam, Museum Boymans-Van Beuningen, 1994, pour des raisons d’ordre formel, mais aussi par sa vres, le croissant de lune est bien visible sous le n° 13. simple probabilité statistique. buste marial. Combiné avec le motif du halo lumi- 49. Jochen Sander, Hugo van Diane Wolfthal et Colin Eisler ont également neux ou des rayons, il permet au spectateur d’iden- der Goes. Stilentwicklung und envisagé le problème iconographique posé par la tifier sans difficulté la référence apocalyptique Chronologie (=Berliner Schrif- ten zur Kunst, 3), Mayence, série des Tüchlein à la Madone frontale. Quel en est contenue dans l’image. Le parti iconographique 1992, p. 172-196. exactement le thème et quel rapport celui-ci entre- adopté par le Maître de la Madone RF 46 apparaît, 50. Bettina Werche, Die altnie- tient-il avec le texte des prières calligraphiées sur le par contraste, plutôt inhabituel. Je n’ai pu retrouver, derländischen und flämischen Ge- cadre feint —ce sont presque toujours les mêmes? dans la production flamande des xvème et xvième mälde des 16. bis 18. Jahrhunderts (=Anhaltische Gemäldegalerie Les deux auteurs affirment que la Vierge est repré- siècles, que quatre autres images de la Vierge à Dessau. Kritischer Bestandskata- sentée en Femme de l’Apocalypse47. Les flammes l’Enfant à mi-corps en Femme de l’Apocalypse, log, 2), Weimar, 2001, p. 114-115. stylisées qui entourent le buste marial évoquent ef- avec, pour seul attribut visualisant cette identité, les fectivement la «femme revêtue du soleil» (Apoca- flammes stylisées dans un halo de lumière. Il s’agit lypse, XII, 1). Par contre, tant le croissant de lune d’une peinture de Jean Gossart, conservée à l’Art que la couronne de douze étoiles, autres attributs Institute de Chicago53 (fig. 16), d’une oeuvre du de la Femme de l’Apocalypse, font défaut. Son Maître de Francfort54 (fig. 17) et de deux miniatures évocation est donc pour le moins succincte. de style «ganto-brugeois» remontant au dernier La représentation à mi-corps de la Vierge à quart du xvème siècle55. On notera que le tondo de l’Enfant en Femme de l’Apocalypse ne constitue Luca della Robbia, qui semble avoir fait partie de la nullement une rareté dans la peinture des anciens décoration originale de la chapelle fondée en 1474, Pays-Bas. On peut citer plusieurs occurrences de dans l’église Saint-Jacques de Bruges, par Tommaso Un Tüchlein flamand de la Renaissance au château de Peralada et le Maître de la Madone LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 127

Figure 17. Maître de Francfort: Vierge à l’Enfant; Pays-Bas, collection privée (en 1961).

Portinari, présente également la Vierge à l’Enfant entourée de flammes stylisées, sans croissant56. Sur les montants et le chantournement du cadre feint de la plupart des Tüchlein à la Madone fronta- le, on lit l’inscription: Figure 18. Maître du Retable de saint Barthélémy (ou entourage): Vierge à l’Enfant avec les saints Jacques et Cécile (trip- Ave regina celorum, ave domina angelo- tyque, panneau central); Londres, National Gallery (photo musée). rum, salve radix sancta ex qua mundo lux est orta.

Il s’agit d’une antienne à la Vierge par laquelle on 51. Klaus Demus; Friederike 1961, n° 81; Stephen H. God- tities (cat. d’exp.), Bruges, Mem- achevait l’Office du Bréviaire pendant le Carême. Klauner; Karl Schütz, Flämis- dard, The Master of Frankfurt lingmuseum, Oud-Sint-Jans- Cette antienne relevait exclusivement de la liturgie che Malerei von bis and His Shop [= Verhandelingen hospitaal, 1998, n° 226. Pieter Bruegel den Älteren (= Fü- van de Koninklijke Academie (...). des clercs; le commun des fidèles ne la récitait donc hrer durch das Kunsthistorische Klasse der Schone Kunsten, n° 38], 57. Martens, op. cit., 1986, p. 395. pas57. Museum, 31), Vienne, 1981, p. Bruxelles, 1984, n° 55. 58. The National Gallery Re- 241-242. port. January 1985-December Si la raison de l’association entre l’antienne et 55. Wolfgang Hilger (éd.), Das 1987, Londres, 1988, p. 14-15; l’image de la Vierge en Femme de l’Apocalypse 52. Irmgard Hiller; Horst Vey, ältere Gebetbuch Maximilians I. Didier Martens, «Autour des Katalog der deutschen und nieder- (...) (= Codices selecti phototypice retables du jubé de l’église des échappe à l’historien d’art, en revanche, on peut ländischen Gemälde bis 1550 (mit impressi, 39), Graz, 1973, p. 42 Chartreux de Cologne. Lumière constater que cette association n’est pas excep- Ausnahme der Kölner Malerei) (fol. 57 verso); G. I. Lieftinck, réelle et lumière fictive dans la (...) (= Kataloge des Wallraf-Ri- Boekverluchters uit de omgeving peinture flamande et allemande tionnelle. Il y a une quinzaine d’années, la Na- chartz-Museums, 5), Cologne, van Maria van Boergondië c. de la fin du Moyen Âge», dans: tional Gallery de Londres a acquis un petit trip- 1969, p. 128 (KGM A 1059), 132 1475-c.1485 (= Verhandelingen Wallraf-Richartz-Jahrbuch, 57, (KGM A 1061). van de Kon. Vlaamse Academie 1996, p. 77, 90; Lorne Camp- tyque datant des années 1500. On l’attribue au voor Wetenschappen, Letteren en bell; Susan Foister; Ashok principal représentant de la peinture colonaise du 53. Friedländer, Early Ne- Schone Kunsten van België. Roy (éds.), dans: National Ga- therlandish Painting, VIII, op. Klasse der Letteren, 66), Bru- llery Technical Bulletin, 18, 1997, Gothique finissant, le Maître du Retable de saint cit., n° 33. xelles, 1969, p. 95 (fol. 59 verso). p. 19; Roland Krischel, dans: Barthélémy, ou à son entourage58 (fig. 18). Le Genie ohne Namen. Der Meister 54. Nederlandse primitieven uit 56. Stéphane Vandenberghe, des Bartholomäus-Altars (cat. panneau central est occupé par une Vierge à Nederlands particulier bezit (cat. dans: Brugge en de Renaissance. d’exp.), Cologne, Wallraf-Ri- l’Enfant. Elle offre de nombreuses analogies avec d’exp.), Laren, Singer Museum, Van Memling tot Pourbus. No- chartz-Museum, 2001, n° 135. 128 LOCVS AMŒNVS 6, 2002-2003 Didier Martens

la série des Tüchlein à la Madone frontale. La pas que le panneau central du triptyque londo- Vierge apparaît quasi de face et à mi-corps; des nien semble bien, dans l’état actuel du corpus, une flammes stylisées s’échappent de son corps. Il s’a- préfiguration de la Madone Thyssen et de ses git donc, dans ce cas aussi, d’une image de Marie consoeurs. On peut supposer que le Maître du en Femme de l’Apocalypse. Sur le talus du cadre, Retable de saint Barthélémy (ou un peintre de son on lit l’inscription «Ave regi(n)a celor(um), ave entourage) et le Maître de la Madone RF 46 au- d(omi)na a(n)gel(or)u(m)». ront puisé aux mêmes sources. Selon toute proba- Certes, le Maître du Retable de saint Barthé- bilité, ni l’un, ni l’autre ne peut se prévaloir d’a- lémy (ou un peintre de son entourage) a représen- voir eu le premier l’idée de combiner le buste té le croissant de lune et la couronne aux douze frontal de la Vierge en Femme de l’Apocalypse étoiles, attributs omis par l’anonyme de la avec un texte exaltant la Reine des Cieux et des Madone RF 46. Mais ces différences n’empêchent Anges.