Rapport d'étude au Ministère de la Culture et de la Communication Mission du Patrimoine Ethnologique

Reconstruction ou modernisation ?

Un village après la tempête Le lioscfuel en Picardie

Marie-Christine Zelem Décembre 1991 FDMJC de la 5, rue des Provinciales - 80090

MINISTERE DE LA CULTURE-DAPA

9042 007097 Je tiens à remercier tous les habitants du Bosquel qui ont bien voulu m'aider dans cette recherche, ainsi que Monsieur Paul DUFOURNET qui m'a si gentiment accueillie. 1

Sommaire

1. Le Bosquel avant la guerre de 39-40:

1.1. Un village picard: - Une rue de granges - Le village et son terroir - Un sens très poussé de l'égalité - La distribution de l'eau - Des tisserands et des cultivateurs

1.2. Le remembrement de 1934

1.3. A la veille de la guerre de 1940

2. Le village sous la guerre:

2.1. L'évacuation 2.2. Le retour - Une campagne désolée - Une vie qui reprend - Se reloger 2.3. L'occupation - La vie au quotidien - Les fêtes - L'école

3. L'Etat face à la Reconstruction

3.1. Reconstruire 3.2. L'esprit de la Reconstruction avant la seconde guerre 3.3. L'Etat français face aux destructions de guerre

4. Le projet d'aménagement du Bosquel

4.1. Un schéma de village théorique? 4.1.1. La zone d'agglomération urbaine 4.1.2. La zone d'établissement agricole 4.1.3. La zone de grande culture 2

4.2. Une nouvelle conception de ferme 4.3. Les avantages du plan d'aménagement 4.4. L'esprit du projet de Reconstruction du Bosquel 4.4.1. Reconstruire, oui, mais quel type de village? 4.4.2. Le respect des traditions picardes 4.5. L'avant-projet 4.6. Qui va payer la Reconstruction?

5. Le remembrement de 1943

5.1. La loi du 9 mars 1941 5.2. Le principe du remembrement 5.3. Les modalités des opérations du remembrement 5.4. A quelques détails près... ou les obstacles rencontrés 5.5. Les résultats du remembrement - L'évolution de la structure des exploitations - Un parcellaire différent

6. Le Bosquel sous la Reconstruction

6.1. L'équipe des architectes d'opération 6.2. La main d'oeuvre 6.3. De nouveaux procédés de construction 6.4. La construction des fermes modèles 6.4.1. Les maisons d'habitation 6.4.2. Les bâtiments d'exploitation 6.4.3. L'adduction d'eau 6.4.4. La distillerie 6.4.5. L'église 6.4.6. La mare 6.4.7. L'école des 20.000 pierres 6.4.8. Une exposition sur la Reconstruction 3 Amiens? 6.4.9. La fin de la Reconstruction

7. Les aléas de la Reconstruction

7.1. L'arrêt des chantiers? 7.2. Les relations entre architectes et sinistrés 7.3. Les expropriations 7.4. Une véritables course d'obstacles 3

8. Le Bosguel depuis la Reconstruction

8.1. Les effets du remembrement 8.2. Un nouveau paysage 8.3. Des bâtiments agricoles devenus trop vite vétustés 8.4. Des maisons au destin bien commun

9. Une expérience fructueuse?

10. Repères

11. Annexes

12. Bibliographie 4

" Placé sur une hauteur, le Bosquel fut choisi pour être un centre de résistance. L'avance allemande s'étant faite rapidement par la route nationale 16 et par la vallée de la Selle, cette position fut bientôt tournée. Les allemands montèrent à l'assaut du village et la résistance fut sévère (...)" Paul DUFOURNET, Rapport justificatif de l'aménagement de la commune du Bosquel, CTRI, 1941, 25 p. 5

La percée de la ligne Weygand.

"(...) Mais nos chars ne laissent pas un instant de répit à l'ennemi en fuite. Ils le talonnent. Même dans sa retraite il est anéanti. Ce n'est qu'à que l'ennemi se rétablit. Un rude combat se déclenche pour ce petit nid de résistance. C'est aujourd'hui un tas sauvage de décombres. C'est à peine si une maison tient encore debout. Ici, c'est un coup de plein fouet de notre artillerie sur un dépôt de munitions ennemi. Là, c'est une lutte infernale. Des heures durant, le combat reste hésitant; des heures pendant lesquelles nos tirailleurs doivent combattre pour avancer mètre par mètre à la manière de leurs camarades qui suivent nos chars à droite et doivent mener un sauvage combat de rue jusqu'à une heure avancée de la soirée dans Rumigny et Hébécourt. Ce fut la première brèche décisive qui élargit la tête de pont d'Amiens. C'est un coin enfoncé dans la ligne Weygand mais celle-ci n'est pas encore franchie. Nos régiments doivent s'emparer de chaque pouce de terrain en couvrant en permanence leurs flancs droit et gauche. Le Bosquel et sont les objectifs suivants. Il y a toujours devant nous des divisions françaises aguerries que soutiennent des troupes coloniales. Ces bandits pratiquent une tactique insidieuse. C'est ainsi qu'ils font passer rapidement une patrouille dans un nid de résistance pour se jeter ensuite avec le gros de leurs forces sur l'ennemi qui riposte et assurer la sûreté de cette patrouille. Mais, c'est alors que notre artillerie intervient de manière décisive dans le combat ainsi que notre D.C.A et nos canons d'infanterie. Très avancées, ces pièces atteignent impitoyablement les nids de résistance les uns après les autres. De l'autre côté, derrière le Bosquel, se révèle un nid de mitrailleuses ennemi. Il suffit d'un seul coup pour le volatiliser. Mais viennent ensuite ces damnées forêts bourrées de mines d'où les français tirent sans cesse dans le flanc de nos chars et de nos troupes. Une attaque de "stukas" qui anéantit toute cette canaille dans la forêt apporte un grand soulagement. Ils foncent sur leur proie 6 comme des rapaces dans les bois un et deux, près de et ; et de l'autre côté, derrière Essertaux et . Ils font un excellent travail. Les motocyclistes qui ont mis pied à terre nettoient le reste. Ce rude combat impitoyable se prolongea pendant trois jours dès le matin jusqu'à une heure avancée de la soirée et dans des escarmouches de nuit. Trois jours pendant lesquels chaque pouce de terrain fut disputé. C'est à peine si nos hussards noirs ont dormi normalement une seule fois. Et, en plus, il faisait une chaleur étouffante dans nos chars. Mais nos braves équipages roulaient, attaquaient et remportaient des succès jour après jour. Toujours en avant! Puis, quand le dernier barrage d'artillerie ennemi fut dépassé derrière Essertaux et Jumel et qu'apparut Esserteaux à l'horizon, semblable à un tas de ruines fumantes, la résistance ennemie fut brisée. Les français reculaient dans une fuite éperdue pour tenter de sauver ce qui leur restait de vie. Alors nous commençâmes notre grande poursuite. Les régiments d'infanterie portée embarquèrent, les chars roulèrent à toute allure: axe d'effort Saint-Just. Talonnant l'ennemi, on atteignit l'Oise en une seule journée, soit trente kilomètres, mais l'ennemi continuait à nous harceler, nous attaquer et nous ralentir sur nos deux flancs. Les yeux écarquillés d'étonnement, Ins français surgissent des fermes qui se trouvent devant nous. Ils n'arrivent pas à croire que nous sommes là, lèvent les bras en l'air et jettent leurs armes. Personne n'a le temps de se soucier des prisonniers; nous devons avancer,. avancer, avancer... à une vitesse infernale. Les voltigeurs ne descendent pas de leurs véhicules. C'est un nuage de poussière compact, avançant à une vitesse folle qui poursuit les français dont les chars, les canons, les obusiers, les caisses de munitions, les sacs et les caissons gisent pêle-mêle. Plus loin, dans un char français un cadavre entièrement carbonisé. Breteuil est atteint, Saint-Just traversé. Partout des décombres".

Sieg über Frankreich, Oberkommand der Wehrmacht, 1940, pp. 106-107. 7

Colonel Roger Le CLERC 18 décembre 1941 Commandant le 50ème R.I Oflag II D Groshom POMERANIE N° de prisonnier: 211 Bl-III Baraque 41 Stùbe 11

Monsieur le Maire de "Le Bosquel",

"De Poméranie où je suis prisonnier avec quatorze officiers de mon régiment, nous réunissons pour vous envoyer et à vos administrés, notre salut et nos voeux. Le 50éme R.I chargé de défense Bois Quennetot et le Bosquel (1er bataillon) a fait tout son devoir. Sous bombardements massifs d'avions dès le 5 juin 1940 matin, il a le 6 et 7 au Bosquel jusqu'à 15h30 résisté à tous assauts de divisions blindées appuyées par aviation et tous engins les plus modernes. De 15h30 à 19 h lutte poursuivie pied à pied à la grenade et fusils dans votre localité en flammes depuis midi. Ai traversé le Bosquel prisonnier le 8 à la nuit la mort dans l'âme, mais fier résistance de mon régiment; localité brûlait encore, monceaux de cendres, sauf église. Dites vos compatriotes que si avez triste privilège être localité de Somme la plus durement frappée, notre brave 50éme est de tous les R.I du Sud-Ouest celui qui a le plus souffert. Sous chacune de vos maisons, braves petits gars de Dordogne, Charente, Bordelais. Au seuil année 42, unissons pensées à vos foyers dévastés, vers nos morts. Vive la ".

R. Le CLERC 8

"(...) Le village incendié fut détruit dans la proportion des huit-dixième. La population qui avait fui, revint rapidement. Dès la fin juin, la vie reprenait dans les ruines; tous les cultivateurs sauf un, étaient des sinistrés totaux. Des cabanes en planches étaient édifiées, des demeures et des caves aménagées et la culture acquérait immédiatement les soins de tous (...)"

Paul DUFOURNET, Rapport justificatif de l'aménagement de la commune du Bosquel, CTRI, 1941, 25 p. 9

1. Le Bosquel avant la guerre de 1939-1940:

1.1. Un village picard (1)

Petit village de l'Amiénois, le Bosquel se situe dans un pays de champs ouverts où prédomine la grande culture céréalière. Au XVIIème siècle, du fait de la rareté des points d'eau, du fait aussi d'un parcellaire très morcelé et de l'obligation très ancienne de l'assolement, les habitations y sont regroupées quoique relativement espacées. C'est aux alentours du milieu du XIXème que la physionomie du village changea: une importante augmentation de la population (de 250 habitants en 1800, on en compte 800 en 1850) rendit l'habitat plus dense encore. De manière générale, les fermes qui le composent sont à cour fermée, cour à partir de laquelle se distribuent les fonctions tant sociales qu'économiques de la vie agricole locale.

"Cette disposition d'ailleurs très logique étant données les sujétions alors existantes, résultait uniquement d'un parcellaire en lanières : la parcelle étant étroite, la grange se trouvait nécessairement sur la rue pour la commodité de l'engrangement; pour jouir du maximum d'air et de lumière, l'habitation était repoussée entre la cour et le jardin, et les dépendances s'organisaient sur les côtés." (2)

L'adjonction de petits bâtiments supplémentaires au rythme des changements agricoles, la dispersion des parcelles au grè des successions ont contribué à modeler des fermes qui semblent se recroqueviller sur elles-mêmes.

1. "La ferme picarde", Le progrès de la Somme, 15 août 1938. P. DDFOOENET, "Comment se sont construits les villages picards et ce qu'il en advient", Technique et Architecture, techniques locales. Nov.- dec. 1943, pp. 313-323. 2. P. DÜFOÜRHET, Concours d'études provinciales. Picardie. Note accompagnant les projets de HM. AUZELLE et DÖFOÜRNET et précisant la pensée des auteurs sur la reconstruction rurale", si, nd, A. D. 80 Fonds P. DUFOUKNET. 10

Une rue de granges

Comme la plupart des villages de la région d'Amiens, le Bosquel se présente comme une succession de granges, accolées les unes aux autres, sans aucune ouverture sur la rue. La vie de chacun est ainsi préservée du regard de l'extérieur.

"Les rues dormantes des villages picards étonnent le voyageur qui ne contemple que de grands murs de torchis que trouent des portes cochères soigneusement closes. De la vie du village, on ne perçoit que les bruits." (3)

Les bâtiments les plus anciens sont effectivement en torchis (4) sur solins (5) en dur, les autres sont en moellon crayeux ou en briques.

Entre deux granges, on trouve une large.porte, très haute, parfois secondée par une plus petite. La première servait au passage des boeufs, la seconde aux piétons. Elles ouvrent toutes deux sur la cour de ferme et font face à la maison d'habitation.

Celle-ci n'est jamais très grande. Une salle commune dans laquelle on pénètre directement et une ou deux chambres en composent l'essentiel. Elle comprend rarement un étage du fait de la fragilité des matériaux de construction. Par contre, on y trouve un grenier qui sert à remiser les grains et les semences.

Alors que dans la cour siège royalement un tas de fumier, derrière la maison, on trouve souvent un potager et un verger.

"Vous sortiez de la maison, vous mettiez les pieds dans le purin!" (6)

D'aucuns expliquent la raison d'être d'un tel repli sur soi par la protection apportée contre les vents.

3. P. PIHCHEHEL, Essai sur l'habitat rural en Picardie, p. 12, ms, avril 1944. A.D. 80, 15 J12. 4. Sorte de mortier d'argile malaxée avec de la chaux, de la paille hachée, du poil de vache et de résidu de chanvre.. 5. Soubassements, hauts d'un peu plus d'un demi-mètre, généralement en silex. 6. Entretiens 11

Le village et son terroir:

Les activités agricoles du village se partagent à peu près pour moitié entre l'élevage et la culture. Soit la nécessité de disposer de grands bâtiments pour l'une et pour l'autre de ces activités. Par ailleurs, l'habitat concentré y est un fait très ancien (7).L'assolement triennal obligeait les villageois à diviser le territoire cultivable en trois secteurs. L'un était consacré à la culture du blé, l'autre à celle de l'avoine et le dernier était laissé en jachère. Aussi, tous étaient-ils contraints de se plier à une discipline de travail en commun (8). Car, comment traverser le champ voisin si celui-ci n'est pas également en période de récolte.? Comment semer son propre champ si ceux qui l'entourent le sont déjà?

"Ces pratiques agricoles à elles seules (assolement triennal et vaine pâture) sont un facteur de concentration puisqu'elles exigent un espace homogène et sans obstacles pour la rotation des soles et la libre circulation du bétail."(9)

De même, chaque exploitant devait posséder des parcelles dans chacune des natures de culture du territoire communal, ce qui ajoutait à l'éparpillement des propriétés. D'autre part, du fait de ces pratiques culturales, le village était ceint d'un tour de haie, c'est-à-dire d'un chemin circulaire qui contournait le terroir par l'extérieur, ce qui facilitait l'accès aux parcelles les plus éloignées du centre.

Un sens très poussé de l'égalité:

D'autre part, l'accroissement de la population lié à un partage des héritages de type égalitaire (10) concouraient à un morcellement excessif du parcellaire communal: chaque successeur potentiel d'un exploitant pouvait s'installer sur les terres reçues en héritage pour les travailler par lui-même, ou bien les louer. Mais l'Amiénois n'est pas un lieu où l'on

7. P. PIHCHEHEL, op. cit. p. 2 8. "L'expérience du Bosquel. Village de demain", Aux Ames, Revue du peuple français et de son année (19), juin 1946, p. 16. 9. P. PIHCHEHEL, op. cit., p. 6. 10. Lors d'une succession, la pratique courante consistait à diviser son bien en autant de parts qu'il y avait de descendants. Ormi dans le cas d'un enfant unique, les exploitations se voyaient ainsi morcelées de génération en génération. 12

pratique habituellement la location intra-familiale qui permet de reconstituer des patrimoines divisés par le biais successoral. Souvent, les cohéritiers louent leurs parts à d'autres cultivateurs, rarement à leurs frères ou soeurs. Parfois, ils prennent d'autres parcelles en fermage, en achètent certaines et exploitent ce bien nouvellement constitué. L'exploitation prime sur la propriété ou la notion de patrimoine. Et si dans de nombreuses zones rurales de France, le partage inégalitaire ou le partage égalitaire avec rétrocession des parts à un seul héritier garantissent la conservation d'un patrimoine familial d'une génération à l'autre (11), l'observation de la réalité amiénoise montre que le cultivateur local ne semble guère s'en soucier. D'où cet endettement de la propriété qui s'accompagne d'un aspect très découpé du parcellaire du Bosquel.

"Avant, on mariait plutôt une fille de cultivateur avec un cultivateur, pour marier les terres. Un bien allait chercher un autre bien. En cas de partage, on fait ce gu'on peut. Parfois, ça se passe à coups de fusil." (12J

A ce propos, d'aucuns nous racontaient cette histoire très récente qui, pour caricaturale qu'elle paraisse, en n'est pas moins vraie, de ces deux frères qui en sont arrivés à partager en deux une échelle afin de respecter une égalité stricte dans le partage des biens reçus en héritage de leurs parents (13). D'autres évoquent l'histoire d'un matelas divisé en deux.

La distribution de l'eau:

Avant la guerre, il existait un puits communal. Son débit durant l'été était tel que les cultivateurs allaient se ravitailler en eau à Conty, à 5 km du Bosquel. Il y avait quatre petits puits pour tout le village. Les fermes avaient des citernes de récupération des eaux de pluie. En 1933, l'exploitant de la plus grande ferme eut l'idée de faire s'associer les cultivateurs du village pour financer

11. Ou bien la succession est de type inégalitaire stricte c'est à dire qu'un seul des héritiers reçoit l'intégralité du bien familial avec en contrepartie, l'obligation de dédommager ses frères et soeurs par le versement de soultes. Ou bien, la succession est de type égalitaire, mais les cohéritiers louent ou vendent leurs parts à l'un d'entre eux. L'intérêt de ces deux systèmes est de préserver l'unité du patrimoine. 12. Entretiens. 13. Entretiens. l'installation d'une pompe sur un des puits. La moitié des cultivateurs participa à cette initiative; les autres la boudèrent. Mais tous en bénéficièrent. L'eau des citernes servait à abreuver les bêtes, faire la lessive, le ménage. Celle du puits était davantage réservée à la consommation humaine. L'installation de la pompe facilita considérablement la vie quotidienne.

Des tisserands et des cultivateurs

Au milieu du XIXème, le Bosquel était un village de cultivateurs-tisserands. Il y en avait plus de trois cents. Le développement de l'industrie à Amiens les fit disparaître peu à peu. En 1924, il en restait encore douze; le dernier allait quitter les lieux peu après 1938 (14).

1.2. Le remembrement de 1934

Première opération du genre semble-t-il en araiénois: s'il y avait, alors au Bosquel 3.000 parcelles cadastrées et 2.000 ilôts et parcelles de propriété, ce remembrement laissait 400 parcelles pour 17 cultivateurs et 30 ouvriers agricoles. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, au grè des héritages, chaque propriétaire possédait des biens, multiples, dispersés dans toute le commune. De génération en génération, certains en oubliaient même où se situaient quelques unes de leurs parcelles. Les nouveaux exploitants avaient beaucoup de mal à repérer les champs qu'ils devaient cultiver de ceux de leurs voisins. Souvent, ils devaient en traverser plusieurs avant d'atteindre le leur.

"Un cultivateur d'ici avait planté un pommier dans chacune de ses pièces de terre, pour les reconnaître." (15>

Mais surtout, la culture en était excessivement gênée. Du fait de l'assolement triennal, il fallait attendre que le voisin soit lui-même prêt pour entreprendre tel ou tel travail. D'autre part, la dispersion des parcelles, l'enclavement d'un nombre considérable d'entre elles, étaient tels que leur accessibilité même posait des difficultés.

14. "Le Bosquel, village d'essai", Le Progrès de la Sonne, 30 oct. 1942. 15. Entretiens. 14

Ce remembrement donc apparaissait indispensable aux yeux des cultivateurs les plus dynamiques. Oeuvre de Jean ROY, géomètre-expert, il a été sous le contrôle du service départemental du Génie Rural. Loin d'être parfait, son résultat a cependant permis une nette amélioration dans la distribution des parcelles. Demandé par l'exploitant de la plus grande ferme, soutenu par des cultivateurs d'avant-garde, il souleva nombre de polémiques (menaces de mort a 1'encontre de son instigateur, empoisonnement de quelques unes de ses bêtes, voies de fait contre le géomètre et autres déplacements de la force publique).

"Ce fut un véritable drame." (16)

Certaines personnes s'en allaient, la nuit, arracher les jalons du géomètre. Il fallait que les gendarmes de Conty viennent monter la garde. Un journal (17) rapporte l'histoire d'un conflit à ce propos entre un agriculteur et son fils: le vieillard se refusait à tout changement dans la composition de sa propriété alors que le fils y était très favorable. Ce sont les arguments du plus jeune qui l'emportèrent. Déjà, les nécessités de favoriser l'accessibilité des parcelles se faisait.sentir. Outre les oppositions de principe, une. réclamation concernait la valeur des parcelles attribuées. Signalant qu'il ne pourrait plus mettre de betteraves "dans la totalité de sa parcelle car il retombe dans une partie de terre forte", son propriétaire se vit rétorquer que "même si la terre forte n'est pas propice à la betterave, elle est d'un rapport excellent pour les céréales, ce qui compense 1'inconvénient souligné" (18). Les opérations du remembrement ne touchaient donc pas seulement la composition des patrimoines, elles heurtaient l'usage même que l'on pouvait en faire et poussaient les cultivateurs à modifier leurs habitudes. Cependant, si ce remembrement permettait de regrouper une partie des terres d'une même exploitation en un même lieu, s'il favorisait la viabilité et une mise en valeur plus rationnelle des biens, la plupart des propriétaires avaient souhaité conserver des parcelles dans chaque "quartier" du terroir dans le seul but de poursuivre la pratique de l'assolement triennal qui restera collectif jusqu'en 1940.

16. Entretiens. 17. flLe reEenbreaent est me étape indispensable", Journal Agricole, 22 cars 1946. 18. íenecbrenent du Bosquel, 9 nars 1934. Archives Génie Eural Aniens. 15

D'autres, s'étant toujours refusés à l'idée de se voir attribuer des terres qui n'étaient pas les leurs, ont continué, des années après ce premier remembrement, d'entretenir des parcelles qui ne leur appartenaient plus, a la grande satisfaction de leurs bénéficiaires (19).

1.3. À la veille de la guerre:

Il reste seize exploitants au village. Deux sont en faire- valoir direct, deux autres en fermage, les exploitants restants sont en faire-valoir mixte (une partie seulement des terres exploitées étant en location). Douze exploitations ont entre 30 et 50 hectares alors qu'une seule a moins de 15 hectares, deux entre 60 et 80 hectares. Une seule exploitation se distingue des autres par sa superficie: plus de 150 hectares. Dans le village, il reste quatre ménagers et une trentaine d'ouvriers agricoles. Les représentants des autres professions restent peu nombreux (un charron, un mesuisier, un maréchal- ferrant, un marchand de charbon, un maçon, un cordonnier, un couvreur, un électricien, un entrepreneur de battages, un cantonnier, un garde-champêtre, un représentant en matériel agricole, trois épiciers et une douzaine d'ouvriers d'usine). (20)

19. Entretiens. 20. P. D0PO0ENET, "Etat des cultivateurs exploitants et des autres professions eu Bosguel", le 25 avril 1943. A.D. 80, 15 J3. 16

2. Le village sous la guerre (21):

2.1. L'évacuation:

Les gens ont emporté tout ce qui pouvait rouler et transporter (autos, tracteurs, carrioles attelées ou non, vélos, poussettes...)« Us y ont entassé ce qu'ils ont pu et sont partis, les uns vers des amis en Province, les autres au hasard. N'ayant souvent que des sacs de fortune, ou pas assez de valises, le charron avait confectionné pour certains des caisses en bois. Les portes des pâtures avaient été ouvertes pour que les bêtes puissent manger. Seuls les chevaux avaient été emmenés.

"Ils étaient précieux. C'était quand même un petit peu notre outil de travail."

Quelques familles sont allées dans le centre de la France, en Auvergne... D'autres sont restées très proches. L'armée s'est chargée d'évacuer d'autorité tous ceux qui se refusaient à quitter le village. Partis entre le 6 et le 7 juin en direction de La Rochelle, il semble qu'ils soient rentrés une dizaine de jours plus tard. Ceux qui étaient allés très loin ne sont revenus que plusieurs semaines .après, certains en septembre seulement.

2.2. Le retour

* Une campagne désolée:

Quel ne fut pas le désappointement de toutes ces familles lorsqu'au loin, à des centaines de mètres de l'entrée du village, elles virent des fumées s'élever.

"Je vois encore mon grand-père. . . Il s''est arrêté, il est descendu de la carriole et il s'est mis à pi eurer..."

L'église n'avait plus de clocher.

"Il n'y avait plus rien. Ma mère a fait une syncope dans la voiture."

21. Toutes les citations sont extraites d'entretiens réalisés de janvier 1991 a septembre 1991 auprès de la population du Bosquel 17

Le bombardement avait eu lieu depuis un certain temps déjà, mais des ruines, des récoltes brûlaient encore. "Tout était par terre."

- Paysage de désolation par excellence: des décombres jonchaient la chaussée, des bêtes crevées, des cadavres gisaient un peu partout alentour. Des poteaux calcinés encombraient ce qu'il restait des routes. Des tanks, des auto­ mitrailleuses avaient été abandonnées. Pas une maison ou presque n'avait été épargnée. Les gravats s'ammoncelaient dans ce qu'il restait des anciennes rues. Des odeurs nauséabondes envahissaient l'atmosphère. Sur les 110 maisons qui composent l'agglomération, 85 ont été totalement détruites, 21 sinistrées au point de n'être plus habitables. Quatre ont résisté aux bombes, mais sont suffisamment ébranlées pour nécessiter nombre de travaux de consolidation. Il s'avère que les habitations ou bâtiments épargnés étaient en fait soit en retrait du village proprement dit, soit isolés des autres habitations par des coupe-feux naturels (vides, pignons en briques....). Ainsi, ces nombreuses gens, parties sans presque rien, ne retrouvaient plus rien. Ni foyer, ni meubles, ni vêtements, ni métier à tisser, plus aucun matériel agricole en bon état, plus aucun souvenirs. Tout avait été emporté soit par le feu, soit par des voleurs passés par là pour récupérer ce qui était encore récupérable. Les récoltes étaient saccagées, et les bêtes soit crevées, soit dispersées dans les champs avoisinant.

* Une vie qui reprend

Mais il fallut bien se ressaisir, fouiller les restes d'habitation pour y retrouver l'un un bibelot en mauvais état, l'autre quelques outils. Réapprendre à vivre. Alors on commença de déblayer. Un tombereau et un cheval servaient à nettoyer les ruines. Les trous étaient nivelés et le restant de déblais mis en dépôt dans les anciennes carrières de marbre. Au fur et à mesure, on reprit le chemin des champs pour les remettre en culture et récolter ce qui était encore récoltable. Des pâturages avaient été saccagés par le passage des tanks; des plantations étaient en piteux état; des piquets avaient été arrachés... Il y avait des tranchées un peu partout. Mais de manière générale, les dégâts agricoles 18 n'étaient pas considérables; les pièces de terre situées en plaine, ou quelque peu éloignées du bourg, avaient été épargnées.

"C'était pestilentiel à certains endroits."

Les odeurs étaient si fortes, que les cadavres des bestiaux étaient placés dans les trous d'obus et brûlés. On le faisait avec de la paille. Et de ci, de là, on retrouvait des cadavres de soldats. Certains étaient en décomposition depuis plusieurs semaines. On s'arrangeait alors pour leur confectionner des cercueils de fortune, avec des planches de bois d'anciennes caisses de munitions par exemple.

"Dans le courant du mois d'août, ça brûlait encore."

C'étaient la paille et l'avoine qui servaient à nourrir les chevaux qui continuaient de se consumer peu à peu. L'unique faucheuse lieuse du village tourna tout l'été pour assurer la moisson chez les uns et chez les autres. Le fuel étant venu â manquer, l'entreprise agricole qui assurait les battages faisait marcher les tracteurs à l'essence. Les vols de carburants ne suffisaient pas à décourager cette population déjà bien éprouvée. Le Bosquel ayant été un centre de résistance, il était assez fréquent de buter contre des grenades ou de se trouver nez à nez avec un obus non explosé. Les conditions de travail n'en étaient que plus difficiles et périlleuses.

"Il n'y a pas eu d'accident, mais il aurait pu y en avoir. On était gosses à l'époque, et on jouait avec de vrais fusils."

C'est ainsi que du matériel militaire fut également récupéré: trois auto-mitrailleuse ici, deux tanks là, des voitures blindées... Ce qui pouvait être réutilisé le fut, puis, cinq ou six mois plus tard, les allemands vinrent chercher les munitions et leur matériel de guerre. Disséminées un peu partout dans la nature, il a bien fallu retrouver les bêtes, les réunir et les trier. Certains en ont profité; ne trouvant plus leurs bêtes, ils se servaient dans les champs des communes voisines. D'autres ont même vendu les moutons de leurs voisins au boucher d'Amiens. Il n'y avait plus ni boulanger, ni boucher au village. Il n'y avait donc ni farine, ni viande. Un vieil aplatissoire qui servait jusque là à aplatir l'avoine pour les chevaux, allait être mis à contribution pour concasser le grain. Tout le village allait faire ses moutures ainsi. Certains allaient chercher leur pain sac à dos à Conty. Quant à la viande, les tickets de ravitaillement hebdomadaires ne suffisant pas, les familles tuaient des veaux dont les morceaux, faute de mieux et malgré un goût douteux, étaient conservés comme le porc, au saloirî

"On était revenus au temps des gaulois! Ca n'a pas duré longtemps, deux ou trois mois peut-être..."

Ne retrouvant plus ni leurs ateliers, ni leurs instruments de travail ou leurs fournitures, les artisans les plus âgés cessèrent définitivement leurs activités. D'autres se convertirent à la culture.

2.2.1. Se reloger:

* Des abris de fortune:

Quelques caves étaient restées intactes. On les aménagea du mieux possible pour y trouver un abri pour la nuit. Avec des planches, de la tôle ondulée et des matériaux découverts dans un dépôt militaire voisin, certains construisirent des baraques de fortune. D'autres élirent domicile dans d'anciennes étables à cochons, voire dans de grands clapiers. D'autres encore ramassèrent les unes après les autres les briques de leur ancienne maison pour monter un semblant d'habitation.

"Ma mère avait récupéré 5.000 briques de nos propres maisons pour faire reconstruire notre premier baraquement. Mais c'était très rudimentaire."

Au départ, on se groupa par parenté, par affinité ou par voisinage pour occuper les lieux habitables. On arrivait à se supporter sans trop d'encombrés. Il le fallait bien. En attendant... En attendant que les pouvoirs publics veuillent bien s'occuper des sinistrés. Les premiers arrivés s'étaient installés là où ils pouvaient. Certains eurent la surprise de voir leur maison restée debout habitée. Mais il fallait bien se loger. Le temps que les "intrus" se trouvent un nouvel abri, une cohabitation 20 s'instaurait de fait. D'autres retrouvèrent une partie de leur mobilier à l'autre bout du village...

* Les baraquements:

Avant même de concevoir l'idée d'une reconstruction intégrale et idéale du village, il fallait bien songer à reloger sa population. Avant toute chose donc, on reconstruisit un village provisoire, fait de baraquements:

"Du provisoire qui dura longtemps!" (22)

L'implantation de chacun des camps, que d'aucuns appellent des cités, et le plan de leur répartition est l'oeuvre des architectes d'opération. Se préoccupant d'une certaine composition des lieux, ils ont tenu compte de l'utilisation de pentes et de l'orientation des façades selon leur fonction (23). Les villageois, tout comme la main d'oeuvre employée à la reconstruction, sont donc installés dans des maisons préfabriquées venant d'Amérique pour certaines. Le confort des baraques est cependant si rudimentaire qu'assez vite, il faut les calfeutrer, refaire les couvertures, installer le chauffage pour l'hiver, ... (24). Une nuit de forte tempête, des toitures se sont même envolées. Du fait du manque de fenêtres, un particulier se vit obliger de boucher une ouverture avec une tôle (25). Les constructions provisoires que certains habitants ont édifiées eux-mêmes ne sont pas en meilleur état. Certaines sont si frustes et inconfortables, sans enduit intérieur, sans sous- plafond, ni menuiserie hermétique qu'elles laissent passer le froid et le vent de toutes parts (26). De construction très légère, ils ressemblaient à des chalets de montagne. Deux générations de baraquements se sont en fait succédés: les premiers étaient entièrement en bois, les planches étaient disjointes au point qu'il fallait bourrer les fentes avec du papier pour

"Quand le vent soufflait à 1'extérieur, l'abat-jour se balançait."

22. Entretiens. 23. J. BOSSU à P. D0F0ÜKNET. Lettre du 22 mai 1945, A.D.80, 15 J3. 24. Compte-rendu de la mission confiée à P. HAURIN par Monsieur le Ministre. Année 1945. A.D. 80, 15 J3. 25. Conférence du 2 août 1946. A.D. 80, 15 J12. 26. Lettre du 26 octobre 1946. A.D. 80, 15 J12. 21

"C'était pas stable, il fallait prendre des précautions. Le moindre mouvement brusque sur le plancher et le vase du buffet se retrouvait par terre en morceaux."

Les seconds avaient une charpente en bois, mais des murs de briques et un sol en ciment. Leur isolation laissait un peu moins à désirer que celle des précédents, mais ils n'en étaient pas pour autant plus confortables. On s'en souvient bien au Bosquel; surtout lors du premier hiver où il a fait si froid au point que même les gens qui continuaient d'habiter des restants de maisons en torchis rafistolées, avaient du mal à chauffer leur intérieur.

"Quand en hiver vous laissiez une casserole pleine d'eau sur le poêle, vous retrouviez l'eau gelée le lendemain."

Et pourtant, d'aucuns nous ont confié que ces anciennes maisons de torchis n'étaient pas plus agréables à vivre que ces nouvelles constructions.

"Par rapport aux logements qu'il y avait dans ces années là, ces baraquements, c'était presque du luxe."

Il n'était pas encore question de confort, mais plutôt d'espace. Habitués à vivre quelque peu ramassés dans de petites pièces, les bosquellois se trouvaient au large dans des maisons certes standards, mais spacieuses: une pièce commune servait de cuisine et salle à manger et deux grandes pièces servaient de chambres. De toute façon, il fallait bien s'en accommoder jusqu'à ce que les nouvelles maisons soient habitables. Pour certains, il fallut attendre plus de neuf ans.

2.3. L'occupation

Le village ayant été complètement sinistré, les bosquellois eurent la chance dans leur malheur de n'avoir pas un seul allemand durant la période de l'Occupation. Ce qui n'empêchait pas ces derniers de faire de nombreuses manoeuvres dans la commune.

"Ils venaient au village, prenaient les maisons pour des bunkers, s'installaient, nous ordonnaient de ne pas sortir et tiraient à tirs réels d'un lieu à l'autre." 22

N'avoir pas d'occupants dans l'enceinte du village ne dispensait pas de subir leur présence même irrégulière. "Parfois, ils stationnaient la nuit dans le village et les officiers cherchaient des maisons pour y passer la nuit."

Souvent, ils passaient pour réquisitionner les fermes du peu de produits récoltés.

2.3.1. La vie au quotidien:

Durant la guerre, le Bosquel n'a toujours pas d'eau courante. Les tonnes à eau et les citernes restent d'un usage indispensable. On continue donc de laver la lessive après avoir puisé l'eau dans les quelques petits puits existant La mairie ayant touché une enveloppe de 30.000 francs destinée aux nécessiteux, toutes les villageois étant concerné, il est décidé que cet argent serait utilisé à creuser un puits pour l'ensemble de la collectivité. Cela facilita la vie des ménagères. Au lieu de remonter l'eau seau par seau à l'aide de chaines, l'usage de treuils démultipliés simplifia considérablement les choses.

Les fêtes:

Pendant la guerre, il y avait des bals clandestins. Il fallait faire très attention pour ne pas se faire prendre. Ils avaient lieu dans des granges ou dans tout autre bâtiment agricole, pourvu qu'il soit grand. Ils étaient organisés à l'initiative des villageois, soit spontanément, soit consécutivement à un "concert pour les prisonniers". Ces concerts là étaient permis, voire fortement incités par les allemands. Ils avaient lieu en plein jour. Selon une vieille tradition, les gens du village et des villages voisins jouaient des saynètes et des sketches en picard. Ils improvisaient des danses et des chansons et le bénéfice de ces manifestations allait aux hommes du village faits prisonniers en Allemagne.

En attendant qu'un baraquement soit construit pour faire office de mairie, le premier mariage célébré au Bosquel après le sinistre se fit dans la buanderie d'une ancienne maison de maitre. L'église ayant été bien endommagée, la messe eut lieu à 23

Rogy, village tout proche. Compte tenu des restrictions, le banquet réunit la proche famille, soit une vingtaine de personnes, avec ce que chacun pouvait récupérer en ravitaillement. Quelques mois plus tard, les mariages étaient célébrés dans deux baraquements; l'un servait de mairie, muni d'un clocheton, l'autre servait d'église. La vie ayant repris son cours, on pouvait déjà réunir un peu plus de monde.

L'école

Il semble que la guerre mit fin à la scolarité d'un majorité de garçons et de filles en passe d'obtenir leur certificat d'études. Si les plus jeunes continuaient d'être envoyés en classe, ces presque-jeunes-adolescents partaient travailler dans les fermes ou chez leurs parents. Souvent, leurs familles avaient besoin d'eux pour ramener quelque argent. Ils remplaçaient en quelque sorte leurs pères ou frères faits prisonniers en Allemagne. Pour les autres, l'école se poursuivit durant quelques mois à Essertaux, un village situé à 1,5 km. Après quelques semaines de battement, l'école reprit au Bosquel. Elle se faisait dans un baraquement. C'était une classe unique allant du cours préparatoire au certificat d'études.

"On avait un seul livre. Nous avons toujours appris le début, et jamais la fin! Chaque instituteur reprenait au départ..."

En effet, considérant les conditions difficiles de l'enseignement dans un tel contexte, les enfants scolarisés au village ont vu défiler jusqu'à quinze instituteurs différents jusqu'en 1947. 24

3. L'Etat face à la Reconstruction

Beaucoup d'encre a coulé à propos des deux premières guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1944), à propos de leurs morts, à propos de leurs conséquences sur l'économie du pays notamment. En ce qui concerne l'agriculture,- on a aussi beaucoup parlé de la modernisation. On s'est largement attardé sur les opportunités qu'il y avait alors à dynamiser les activités par l'introduction de nouvelles machines, la généralisation de l'électricité, l'apparition de techniques agricoles plus performantes... S'il a fallu redressé une économie effondrée, s'il a fallu reconstruire le réseau routier, reconsolider une industrie à la dérive, l'agriculture a été grandement sollicitée. Malgré le trop grand nombre d'absents, malgré les pertes considérables des cheptels de toutes sortes, malgré les réquisitions ou les restrictions, c'est l'agriculture qui doit servir au redressement du pays.

"La France redeviendra ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, une nation essentiellement agricole". (27)

disait PETAIN. Le développement économique préconisé doit reposer sur l'agriculture, mais une agriculture revivifiée, modernisée. Un agrarien aussi convaincu que Marcel BRAIBANT ne constatait-il d'ailleurs pas que

"les conditions matérielles des paysanneries qui ont opté pour le progrés ( ... J attestent qu'on peut associer le travail de la terre avec l'hygiène, l'aisance, le confort et l'élégance dans l'habitation, le vêtement et tout le comportement de l'existence"? (28)

Il fallait mettre en valeur les potentialités sous- exploitées d'un monde quelque peu méprisé pour impulser l'émergence d'un nouveau secteur économique. C'est donc dans l'esprit du "retour/maintien à la terre" et d'une agriculture moderne, productiviste et compétitive, intégrée au système économique que la reconstruction de la

27. Cité par H.BMIBANT in: "L'Europe espace vital de l'agriculture française", Conférences du groupe Collaboration, Paris, septembre 1941, p.5. 28. H. BBÀIBAHT, La France paysanne et l'Europe, Sorlot, 1941, p. 61. 2

France et de ses campagnes doit se faire (29). Progrès est un maître-mot. Le développement technique et économique ne peut que s'accompagner d'un développement social. Les femmes prennent les choses en mains.

3.1. Reconstruire

Pour un architecte, une ville dévastée par la guerre, c'est un peu comme un assemblage de légos qui se serait accidentellement écroulé. C'est un terrain vierge à partir duquel on peut repenser une vie nouvelle. C'est surtout l'occasion de réaliser des projets à grande échelle qui, en temps normal, par faute d'espace ou faute d'argent, n'aboutissent jamais autrement que tronqués. L'après-guerre, c'est l'occasion de concevoir un village dans son intégralité ou presque: restructuration foncière, aménagement du réseau de communication, répartition des commerces et services, architectures intérieure et extérieure des habitations... Il ne s'agit plus d'un projet de vie, mais d'un projet d'urbanisme, projet social par excellence. Alors que la maison s'adresse à un ménage, l'immeuble à un ensemble de ménages, la ville ou le village concernent quant à eux des familles mais aussi et surtout les lieux autour desquels ou dans lesquels elles évoluent, les espaces de sociabilité où elles se réunissent, les centres économiques où elles peuvent produire, consommer...

3.2. L'esprit de la reconstruction avant la seconde guerre mondiale (30)

La guerre de 1914 sera l'occasion pour les pouvoirs publics d'adopter une politique d'intervention directe dans la planification urbaine. Le Ministère du Blocus et des Régions Libérées est créé le 16 septembre 1917. On lui confie la direction des opérations de remembrement, de reconstruction des zones sinistrées par faits de guerre et de confection des plans d'alignement. Il a pour fonction de contrôler l'établissement des plans d'aménagement des agglomérations concernées.

29. H. GERVAIS, H. JOLLIVET, Y. TAVERNIER. Histoire de la France rurale. Toie 4. "La fin de la France paysanne", Paris, Seuil, 1976, pp. 92-191. 30. R.-À. C00EDEL0. Aménagement et urbanisme. L'insertion des pouvoirs publics 1919-1950, in: Reconstructions et modernisation. La France après les ruines. 1918... 1945..., Paris, Archives Nationales, 1991, pp. 211-223. 26

Cependant, la confection des plans, tout comme l'exécution des travaux, ayant été laissées à la charge des communes, 10 % d'entre elles tout au plus conduiront leur projet à terme. De manière générale on entreprend peu ou pas de restructuration parcellaire, de nouveaux bâtiments naissent à l'emplacement presque exact des précédents, sans souci d'esthétique, de fonctionnalité, de respect de l'environnement-, voire sans amélioration notable par rapport à leur conception antérieure. Votée le 14 mars 1919 pour obliger les municipalités de plus de 10.000 habitants à déposer un "Plan d'Aménagement, d'Embellissement et d'Extension", à de rares exceptions près (Reims, Lens...), la Loi Cornudet est en fait restée quasiment lettre morte en matière de planification urbaine. L'après- première-guerre ne sera pas très enrichissant sur le plan de l'urbanisme, encore moins sur le plan des innovations en matière d'aménagement. Cependant, mus par le souci de faire s'épanouir un urbanisme progressiste, les CIAM (Centres Internationaux d'Architecture Moderne dont le correspondant pour le France est LE CORBUSIER) vont soutenir les premières tentatives d'aménagement régional: désormais, il n'est plus possible de concevoir la naissance ou le développement d'une agglomération aussi petite soit-elle, sans l'inclure dans un tissu socio- économique à une échelle plus vaste. Le décret-loi du 25 juillet 1935 va donc autoriser la création de projets régionaux d'urbanisme, mais, faute d'un suivi centralisé, faute d'une législation adéquate, faute même d'une réalisation systématique des travaux engagés, leur concrétisation restera très discrète. Il faudra attendre la défaite de juin 1940.

3.3. L'Etat français face aux destructions du fait de la guerre de 1939-1940:

En France, près de 350 agglomérations rurales ont été partiellement détruites au cours de la guerre de 1939-1940. C'est la loi du 12 juillet 1941 qui décide de la reconstruction des immeubles d'habitation partiellement ou totalement détruits. Toutes les opérations sont placées sous contrôle du Commissariat à la Reconstruction Immobilière (C.R.I) et du Secrétariat Général à l'Agriculture. Aidées par une participation financière de l'Etat, les communes peuvent alors s'engager à réaliser des plans d'aménagement incluant "toutes les utilités et commodités 27

sanitaires, économiques et esthétiques correspondant à la vie rurale rationnelle et à 1/exercice moderne de la profession agricole" (31). De passage en Picardie en mars 1945, Raoul DAUTRY rappelle que la politique de reconstruction doit s'inscrire dans la politique générale du gouvernement (32). Le maître-mot du moment étant "produire", la reconstruction ne doit pas concerner seulement bâtiments et maisons d'habitation, elle s'adresse aussi et surtout à l'agriculture. "C'est la nation qui doit organiser la reconstruction et non des intérêts particuliers (...). La grande règle est de produire." (33)

Si les plans d'aménagement sont confiés à des architectes- urbanistes, les dossiers de reconstruction proprement dits sont élaborés par des architectes agréés par le C.R.I. Elaborées conjointement avec les agriculteurs sinistrés, leurs propositions doivent s'inspirer autant que possible des indications fournies par les diverses administrations concernées (34).

Toutefois, avant que la reconstruction générale des lieux sinistrés ne soit systématiquement entreprise, et sur proposition de Paul DUFOURNET, alors architecte urbaniste, il s'est avéré intéressant de procéder le plus tôt possible à la reconstruction d'un village type "pouvant donner un exemple des dispositions de construction et d'aménagement qui conviennent le mieux aux constructions rurales et gui pourront être reproduites dans les diverses régions agricoles compte tenu des adaptations locales (35). Considéré comme "champ d'expérience" de toutes les activités qui concourent à l'aménagement rural, ce "prototype" doit être reconstruit avant tous les autres villages.

31. Lettre de Hr. VIGNEROT, Inspecteur Général Hon. du Génie Rural à Hr. Le Directeur des Eaux du Génie Rural. 28 nov. 1941. A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 32. Le Courrier Picard, 12 mars 1945. 33. Le courrier Picard, 12 mars 1945. 34. Instructions techniques sommaires relatives au logement de l'exploitant et de l'ouvrier agricole. Paris, Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, Ministère de l'Agriculture, Imp. Nationale, 1946. Instructions techniques sommaires relatives à la construction et à l'aménagement des écuries, étables, porcheries. Paris, Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, Ministère de l'Agriculture, Imp. Nationale, 1945. Exploitations agricoles. Directives générales pour la composition des plans d'ensemble. Paris, Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, Ministère de l'Agriculture, Imp. Nationale, 1947. 35. Lettre du 28 nov. 1941, op. cit. 28

Aussi, du fait qu'il présentait un ensemble de circonstances tout-à-fait favorables (village agricole, facile d'accès, presque intégralement sinistré, aux habitants ouverts aux idées nouvelles, aux cultivateurs acquis aux progrès...) c'est sur le village du Bosquel en Picardie que le choix s'est porté. "Village d'essai", il doit servir de "guide et de synthèse à la reconstruction rurale en Picardie" {36). Il doit servir d'exemple non seulement pour les techniques et procédés de construction utilisés, mais aussi pour les innovations apportées tant du point de vue du remembrement que du point de vue de l'exploitation ou du point de vue de l'habitat et du nouveau mode de vie. En outre, l'expérience menée au Bosquel doit permettre d'éprouver le bien-fondé de l'appareil législatif et contribuer à la mise au point des dispositions administratives. On doit y expérimenter notamment les principes posés par la loi du 9 mars 1941. Cette loi comme nous le verrons plus loin préconise en effet un remembrement conjoint de la propriété bâtie et du terroir.

36. Idem. 29

"Le Bosquel est un village de 244 habitants, situé à 20 km au Sud d/Amiens, sur la R.N 320 de à Dieppe. L'agglomération s'est construite sur une eminence; le site en est fort agréable mais assez étroit. La population qui était d'environ 300 habitants en 1792, est montée jusqu'à 800 habitants vers 1840, par suite du développement du tissage à domicile, pour revenir maintenant au chiffre de la fin du XVIIIème siècle, après abandon total de cette forme de l'artisanat rural. La fonction actuelle du village est exclusivement agricole. La superficie du terroir (environ 1000 hectares) est entièrement cultivée. On y pratique la culture intensive des céréales. La population se répartit de la façon suivante: 16 cultivateurs, 4 ménagers, 25 à 30 ouvriers agricoles, quelques artisans, fonctionnaires ou rentiers. Cette population est très évoluée et capable de progrès". Paul DUFOURNET, "Rapport relatif à la construction de la première ferme du Bosquel", si, nd (1945?). A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 30

4. Le projet d'aménagement du Bosguel:

C'est en début d'année 1941 (37) que Paul DUFOURNET est désigné par le Commissariat Technique à la Reconstruction Immobilière (C.R.I) pour l'établissement du Plan d'Aménagement et de Reconstruction du Bosquel. Passionné par les questions d'habitat rural d'un point de vue ethnographique, très intéressé par la géographie humaine et l'art populaire, il avait déjà réuni un nombre considérable de documents sur les villages picards en vue d'une thèse de l'Institut d'Urbanisme. Ayant préalablement rédigé un dossier fort détaillé sur l'opportunité de reconstruire le Bosquel, c'est par un courrier du 22 février 1941 qu'il soumet au C.R.I l'idée de faire de ce village un "village modèle" (38) qui correspondrait aux préoccupations sociales du principe du maintien à la terre. A la même date, il rédige un rapport dans lequel il explique l'intérêt qu'il y aurait à faire un remembrement total et combiné de l'agglomération et du terroir, préalablement à l'aménagement du village. Le 28 novembre, un courrier de l'inspecteur général honoraire du Génie Rural destiné au directeur départemental du Génie Rural en confirme l'intérêt:

"Il est apparu qu'il serait intéressant de réaliser dès maintenant la reconstruction d'un village type pouvant donner un exemple des dispositions de construction et d'aménagement qui conviennent le mieux aux constructions rurales et qui pourront être reproduites dans les diverses régions agricoles compte tenu des adaptations locales. Le choix s'est fixé sur Le Bosquel, où les circonstances les plus favorables se présentent pour atteindre le but proposé. (... ) Le choix du Bosquel comme village prototype de la reconstruction rurale en Picardie entraine nécessairement sa reconstruction avant celle des autres villages; il peut être le champ d'expériences de toutes les activités qui concourent à l'aménagement rural, ce qui nécessitera la collaboration des différents organismes et particulièrement celui du Génie Rural." (39)

37. Commissariat à la Reconstruction Immobilière. Lettre du 20 février 1941. A.N. AFU 10788. 38. "Projet d'aménagement du Bosquel. A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET, 22 fév. 1941. 39. H. VIGNEROT à R. LACOURLIE. Lettre du 28 novembre 1941. A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 31

Si l'avant-projet d'aménagement du village est fort bien accueilli dès l'origine par le Ministère chargé de la Reconstruction (40), plus tard, la réaction du Ministère de l'Agriculture sera assez partagée puisque dans une dépêche de 1942, il est dit que Paul DUFOURNET bouleverse délibéremment l'économie séculaire de la ferme picarde et qu'il s'agit de vérifier la conception qu'il s'en est faite- (41). Cette conception résultant de l'aboutissement de "plusieurs années d'études faites avant la guerre en vue d'une thèse à l'Institut d'Urbanisme sur la formation des villages et de l'habitat rural", celui-ci se défend bien de bouleverser quoi que ce soit, si ce n'est d'impulser ou d'accélérer une évolution de toute façon inéluctable.

Il faut accepter ce qui est inévitable, mais il vaut mieux s'en emparer et tâcher de donner au mouvement le sens qui lui convient." (42)

Au cours de l'année 1943, le Commissariat à la Reconstruction Immobilière recommande dans un premier temps à Paul DUFOURNET de se conformer à des modèles types, puis dans un deuxième temps, de

"couler le Bosquel dans le moule d'Orléans" car "il s'agit principalement d'une étude dont le véritable but est le calcul du coût normal de reconstruction" (43).

Le Bosquel devient donc non seulement un prototype en matière de reconstruction, mais aussi un champ d'expérience pour évaluer les dépenses à envisager pour reconstruire la France. La mission de Paul DUFOURNET en tant qu'Architecte en chef doit s'exercer à l'occasion du remembrement et de la reconstruction proprement dite. Une circulaire en définit précisément les grandes lignes (44). La Reconstruction véritable ne pouvant commencer qu'en 1946, c'est donc en 1945 que les plans d'aménagement doivent être établis et que tous

40. Coiité National de la Reconstruction. Avis de la section d'urbanisme sur le plan d'aménagement du Bosquel. 20 septembre 1941. A.N. AFU 10788. 41. P. DUFOURNET, Rapport d'enquête sur le Bosquel pour le délégué régional à la Reconstruction Immobilière du 15 juillet 1942. A.D. 80, 15 J3. Ministère de l'Agriculture. Direction des Eaux et du Génie Rural. Lettre du 26 décembre 1941. A.N. AFÜ 10788. 42. P. DUFOURNET. Techniques et Architecture, 1943, p. 323. 43. Lettre du 31 mars 1943. A.D. 80, 15 J12. 44. Commissariat à la Reconstruction. Circulaire A.S n' 12. "Memento de l'architecte en chef d'ilôts". Ministère de la Production Industrielle et des Communications. A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 32 les problèmes de mises hors d'eau, de déblaiement, d'implantation des constructions provisoires, voire des quelques constructions définitives doivent être résolus (45).

4.1. Un schéma de village théorique?

Le caractère excessivement morcelle .de l'ancien parcellaire ayant largement déterminé la composition et la structure du village tel qu'on pouvait l'observer avant la guerre, un remembrement combiné à un nouveau mode de culture devait pouvoir faciliter une restructuration foncière et, par conséquent, une disposition plus aérée des fermes et des habitations entre elles au sein du village. De ce constat, intégrant et les potentialités de l'évolution de l'économie agraire, et celles de la composition du village et des bâtiments, Paul DUFOURNET conçut un projet de nouveau village. C'est ainsi que, de manière idéale, le nouveau Bosquel doit se décomposer en trois zones: la zone intérieure du périmètre d'agglomération, la zone d'établissements agricoles placée en couronne, la zone dite de "grande culture", rejetée en périphérie et qui comprend tout le reste du territoire communal. Le principe ayant présidé à l'établissement de ce projet est de sortir hors du village proprement dit la plus grande partie des cultivateurs pour les installer dans ce qui serait la seconde zone. Grâce au remembrement intégral, un tel découpage du territoire communal permet de disposer chaque exploitation à proximité directe des terres mises en valeur. L'objectif est de déconcentrer le village et de constituer des domaines d'un seul tenant sur lesquels se trouvent le corps de ferme et les bâtiments d'exploitation. Ne pas toucher au village aurait rendu caduque l'idée même de la réorganisation foncière. La nouvelle redistribution du territoire s'entend donc comme une sorte de découpage de la commune en secteurs à angles variables, selon l'importance de l'exploitation correspondante. Chaque secteur comprend toutes les terres remembrées d'un seul et même exploitant. De manière tout-à-fait schématique, le territoire de la commune peut être stylisé sous la forme d'une roue. L'espace situé au pourtour de l'axe de cette roue réunirait l'ensemble des établissements publics (école, mairie, église, salle des

45. Ministère de la Reconstruction et de l'Orbanisie. Hôte générale aux délégués départementaux. Paris, 1er février 1945. A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 33 fêtes, cafés, commerces). Autour de ce centre, on trouverait les exploitations agricoles, régulièrement réparties. L'espace entre deux rayons correspondrait à un domaine d'exploitation.

4.1.1. La zone d'agglomération urbaine:

C'est le coeur du village. Elle accueille toutes les activités non agricoles. Elle centralise la vie administrative et socio-économique. On y trouve les bâtiments publics: l'église, l'école et la mairie. Sur le plan, on projette d'y créer un foyer social comprenant une salle de spectacle et un musée du terroir. On y trouve aussi les boutiques des commerçants et celles des artisans. C'est le village proprement dit, avec son centre résidentiel, commercial, culturel et administratif.

4.1.2. La zone d'établissements agricoles:

Cette zone est réservée aux seuls cultivateurs- exploitants. Ils sont installés en périphérie de la première zone. Leurs corps de ferme sont disposés à proximité de celle- ci afin qu'il n'y ait aucune exploitation isolée, afin qu'ils puissent également bénéficier des services publics (eau, électricité, téléphone). Leur emplacement doit tenir compte de l'orientation des vents, mais le chef d'exploitation doit pouvoir surveiller ses terres et son bétail directement de son pas de porte. C'est ainsi que les étables s'ouvrent sur les pâturages, sans qu'il y ait besoin de conduire les troupeaux d'un bout à l'autre du pays comme auparavant.

4.1.3. La zone de grande culture:

Résultat du remembrement, cette zone se présente comme un ensemble de secteurs culturaux, idéalement d'un seul tenant, d'angle variable suivant l'importance du domaine. Ils communiquent de manière continue avec les bâtiments d'exploitation situés à l'arrière de la maison d'habitation. La surveillance des exploitations est ainsi facilitée, les déplacements réduits et le fonds valorisé. De telles transformations doivent bien entendu s'accompagner d'un nouveau tracé des routes et chemins desservant le village. C'est d'ailleurs avec le souci d'éviter des dépenses en canalisations, en electrification, en aménagement de voierie nouvelle.... que les sièges des 34 exploitations sont tous situés à proximité immédiate du centre du village. Aussi est-il convenu que les agriculteurs désireux de s'installer dans la zone dite de "grande culture" auront à leur charge les frais incombant au prolongement des services publics jusque chez eux. L'idée est bien de concevoir un nouveau village, non de le dénaturer. Il s'agit d'un projet d'aménagement qui doit (re)concilier la vie administrative, religieuse, commerciale, artisanale, résidentielle et agricole du village. Ce nouveau village doit respirer une certaine harmonie.

"Le pays doit changer de vintage sans perdre son identité." (46)

4.2. Une nouvelle conception de ferme

"Le souci a été de donner au cultivateur un instrument précis et commode dont le fonctionnement soit impeccable, et de bien l'implanter dans le site, compte tenu des orientations, du vent régnant, de la vue et des déclivités. Une recherche d'esthétique est venue compléter les formes dégagées." (47)

Il ne s'agit plus de se contenter de reproduire le modèle picard traditionnel. Au contraire, il vaut mieux éviter de faire de 1"archéologie provinciale". "Les oeuvres du passé doivent rester ce qu'elles sont, il faut les respecter, les admirer, les choyer et en tirer toutes leçons utiles, mais n'en jamais être les esclaves et surtout les copistes." (48) "Du régionalisme certes! et de tout coeur, mais conçu comme une réalité vivante et non pas comme un formalisme désuet." (49)

Il faut "faire un outil adapté au temps présent, mais humanisé". "Quant aux autres fossiles de l'art de construire (... ) ils sont destinés à disparaître à plus ou moins longue échéance." (50)

46. Le Moniteur des Communes de France, 1 mai 1944. 47. P. DÜFOUENET, Projet de reconstruction du Bosquel. Kapport relatif à la construction de la première ferme, Ministère de la Reconstruction et de l'urbanisme, sd, A. D. 80, Fonds P. DUFOOîNET. 48. Ministère de la Eeconstruction et de l'Urbanisie. Compte-rendu de la réunion des architectes d'encadrement du 8 octobre 1948. À. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 49. X. AUZELLE, P. DoFOOïïET, "Note présentant la pensée des auteurs sur la reconstruction rurale", si, nd, A. D. 80, 15 J3. 50. P. D0F00KHET. Techniques et Architecture, 1943, p. 323. 35

Le plan de la première ferme est de ce point de vue tout a fait novateur. L'habitation est spacieuse, située loin de l'espace de travail proprement dit. Elle est cependant tournée vers les bâtiments d'exploitation installés de part et d'autre de la cour. La vue sur la route et sur les champs est laissée libre. D'autre part,

"La maison d'habitation rurale doit répondre aux exigences du milieu et comporter un équipement moderne comparable à celui des logements urbains (...)." (51)

L'intérieur de l'habitation de l'agriculteur est ainsi conforme aux normes d'hygiène et de confort que l'on est en droit de trouver, à l'époque, dans l'intérieur du citadin. Les recommandations du Ministère ne laissent aucun doute:

"Il convient d'éviter à la fois un luxe superflu et une économie mal comprise, en édifiant des constructions judicieusement conçues et d'un usage pratique, qui répondent exactement au rôle qu'elles doivent remplir dans une exploitation moderne bien conduite." (52)

Il conviendra également de respecter l'organisation prévue par le Ministère afin d'éviter une certaine anarchie esthétique et une éventuelle prolifération du mauvais goût. Les talents de chacun des architectes, tout comme ceux des représentants des autres métiers contribuant à la reconstruction, doivent être mis en valeur afin d'atteindre une certaine unité et "éviter la laideur". (53)

Un grand bâtiment multifonctionnel (grenier à grains, étable à vaches, porcherie, cave à betteraves, mélangerie, chambre de domestique) fait face à un "gerbier" qui doit accueillir les pailles. A côté, on trouve un second grand bâtiment qui abrite des dépendances (poulailler, garage, douche, remise à outils, clapiers...). Les cours fermées dans lesquelles on trouvait le tas de fumier sont désormais proscrites. Les étables ne sont plus

51. Garin et Gorin, Echange (4), sd (février 1945 ou 1946), p. 48. 52. Ministère de l'Agriculture. Modèles types de constructions agricoles. Paris, La construction moderne, sd, À. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 53. Ministère de la Reconstruction et de l'ürbanisie. Note générale aux délégués départementaux. Paris, 15 janvier 1946. A. D. 80, Fonds P. DÜFOUKNET. 36 contigües à la maison d'habitation. Les maisons ne sont plus accolées les unes aux autres. Elles ne tournent plus le dos à la rue. Le nouveau village est aéré.

"La ferme doit pouvoir se surveiller et se commander comme un atelier industriel ou un vaisseau. Elle doit posséder un poste de commande qui permette un contrôle rigoureux et rationnel." (54)

Ainsi,

"Le droit à la crasse, à la maladie, à la laideur et à 1/injustice sociale est de plus en plus restreint." (55)

Les reconstructeurs se sont orientés vers les fermes de type familial.

"La ferme de 1/époque machiniste doit être une usine. L'architecte doit trouver une organisation rationnelle du plan." (56)

Une organisation rationnelle du plan signifie une organisation rationnelle des méthodes de travail. L'idée est de regrouper les fonctions en un seul et même bâtiment afin de limiter les pertes de temps et d'énergie, faciliter la surveillance et les transports des productions. Dans ce nouveau bâtiment (appelé "mono-bloc" d'exploitation lorsque le logis est dans le même bâtiment que les locaux d'exploitation), les fonctions se réalisent de haut en bas, en utilisant les forces de gravité comme forces de manutention. Afin de maximiser les conditions de travail, on ajoute un nombre suffisant de mono­ rails et d'appareils élévateurs. Le rez-de-chaussée ouvre directement sur les pâtures. Il abrite la vacherie, l'écurie, la bergerie, les magasins à grains et engrais, la mélangerie.... Une trappe donne accès au sous-sol qui abrite les caves à betteraves ou à pommes de terre. A l'étage on trouve les fenils et le gerbier. Le bâtiment annexe se situe à quelques mètres. De manière contiguë, on peut y avoir installé une laverie, une buanderie, une laiterie, une chambre pour les domestiques ou des sanitaires pour les employés. On peut y trouver aussi un hangar

54. J. BOSSU, Techniques et architecture (34), 1946, p. 137. 55. P. D'ESPEZEL, Beaux Arts, 5 Dai 1944. 56. J. BOSSU, "Le Bosquel, prototype du village français", Bâtir la France, 5 déc. 1946. 38 considérable pour se rendre de l'une à l'autre. L'exiguïté de certains lots de terre est parfois telle qu'elle exclut totalement une éventuelle mécanisation, aussi rudimentaire soit-elle. Le morcellement des exploitations n'est guère favorable à une gestion efficace et engendre une étroite promiscuité parfois gênante (passage fréquent des chevaux attelés et des troupeaux dans les rues du village par exemple). Aussi, un regroupement parcellaire accompagné d'une disposition plus rapprochée des bâtiments d'exploitation ne pouvait que satisfaire le souci d'efficacité, de netteté et de propreté recherché. D'autre part, l'objectif de faire des exploitations agricoles des unités économiques à part entière et d'un seul tenant devait favoriser la réduction en nombre des multiples chemins de terre qui desservaient chacun des lots, d'où à nouveau un gain de temps, mais aussi un gain d'espace. Le Ministère de la Reconstruction avait prévu que les architectes reconstruisent non seulement les fermes selon les modèles suggérés, mais il fallait faire de même avec les maisons des artisans, celles des ouvriers^agricoles et celles des petits exploitants agricoles. Il y avait "intérêt à les maintenir pour fixer la main d'oeuvre au pays".

4.4. L'esprit du projet de reconstruction:

Pierre CAZIOT (61), agronome réputé, Ministre de l'Agriculture sous le gouvernement de Vichy, fut à l'origine de la doctrine relative à la réorganisation foncière et à l'urbanisme. Père de la loi du 9 mars 1941 sur la réorganisation de la propriété foncière et le remembrement, il soutenait l'idée que

"Les français, tous les français doivent être mieux logés, plus propres, mieux portants, mieux entraînés." (62)

C'est ainsi qu'un principe essentiel de la reconstruction reposait sur le fait de:

"Reconstruire un village en assurant à chaque famille les conditions d'un travail plus facile et plus rémunérateur par la recherche d'une nouvelle structure agraire et une vie physique et morale meilleure, par un

61. H. CAZIOT, La terre à la famille paysanne, Paris, Payot, 1919. 62. P. D'ESPEZEL, "Les architecte spréparent la France de demain", Toute la vie, 25 novembre 1943. 39

logis digne, gai et bien adapté aux conditions du présent." (63)

La constitution de "domaines familiaux" apparaissait comme l'objectif à atteindre. Disposés en retrait du coeur du village, d'un seul tenant, ils offraient également l'avantage d'une véritable indépendance vis à vis des. exploitations avoisinantes. Chaque agriculteur pouvait enfin vaquer à ses activités sans attendre que son voisin soit prêt pour traverser ses parcelles pour arriver jusqu'à son propre champ.

"Ce domaine plein (...) attache davantage l'homme à la terre et assure la continuité de la famille en s'identifiant à elle." (64)

La notion d'exploitation agricole familiale doit pouvoir prendre tout son sens. C'est sur elle que repose le nouveau redéploiement économique de la France (65). Le développement de la famille paysanne, des cultures plus aisées doivent rendre la profession agricole plus rémunératrice. Il faut

"(...) amorcer la réforme en constituant fortement la famille rurale." (66)

De même, on peut profiter du fait que la guerre n'a rien laissé pour ne plus s'embarrasser du passé, des traditions, des habitudes. Il faut impulser un nouveau mode de vie, un nouveau mode de pensée en matière agricole. Ne pas craindre d'anticiper. "Je suis celui qui conçoit ce que vous désirez plus exactement que vous-mêmes. Je me tromperai parfois, on verra quelques ruines mais..." (67)

Les conditions sont réunies pour que le nouveau village participe à une oeuvre de plus grande envergure, celle de faire évoluer le monde agricole pour qu'il devienne le support du progrès économique de la France. Ainsi, des méthodes de

63. P. DÜFOÜRNET, "Le Bosquel", note Manuscrite, si, nd, A.D.80, 15 J3. 64. Le noniteur des Communes de France, 1 mai 1944. 65. Ne l'oublions pas, la politique foncière agricole de l'époque, puis celle des lois d'orientation de 1960-1962 jusqu'à nos jours a été "un moyen efficace de restructuration sociale (...) un instrument de contrôle de la concentration des terres libérées par l'exode agricole". P. COULOMB, "Des droits contre le droit: la politique foncière agricole et la propriété", in: H. RENDRAS (dir.), L'agriculture dans le monde rural de demain: à nouveaux enjeux, droit nouveau, Paris, E.N.H, 1986, pp. 61-72. 66. P. DÜFOÜRNET cité in: La Maison Rurale, 1 mai 1944. 67. P. VALERY dans Eupalinos, cité par Paul DUFOURNET. 40 culture, des techniques, de ce qu'on appelle communément tradition ou routine, il faut pouvoir condamner ce qui peut être préjudiciable à l'évolution souhaitée et conserver ce qui peut y contribuer.

"Il ne faut pas craindre de briser un cadre de routine séculaire, des habitudes périmées mais enracinées." (68)

On doit toutefois "éviter de heurter l'esprit des cultivateurs". De toute façon, "le paysan ne se fie qu'à ce qu'il voit et ce que lui enseigne son expérience" (69). Il faut donc s'assurer que les installations sont suffisamment conformes à ses points de vue pour qu'il n'en fasse pas un usage qui serait différent de celui que l'architecte aurait prévu (70). L'objectif est de contribuer à l'émergence d'unités économiques, modernes, tout en respectant les savoir-faire des villageois. Il suffit de donner l'exemple pour que les autres villages suivent et qu'ils aient le sentiment que le mouvement qui les porte est naturel. Entre "ancien" et "moderne", il faut être résolument moderne sans nier pour autant les apports du passé. "On ne pouvait tout simplement pas reconstruire du vieux. Les techniques d'architecture avaient évolué, les matériaux avaient changé, les fermes n'étaient même plus adaptées aux nouveaux besoins du travail agricole." (71)

Cependant, considérant le contexte économique de l'époque, il ne semblait guère envisageable "(...) de reconstruire tout très bien. Qu'au moins (... ) quelques points soient particulièrement soignés pour montrer (ce qui) aurait pu être fait partout (s'il y) avait eu les moyens." (72)

Le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme allait faire du village du Bosquel un village d'exemple: "Exemple des techniques applicables à la vie et au travail à la campagne; exemple des procédés de

68. Le noniteur des Comunes de France, 1 mai 1944. 69. P. DOFOORHET au Comiissaire technique à la Reconstruction Iniobilière. Lettre du 22 février 1941. A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 70. Conférence du Bosquel du 8 oct. 1945, A.D. 80, 15 J3. 71. P. DUFOURNET, Entretiens. • 72. P. DUFOURNET. Kote tapuscrite sur le Bosquel, si, nd. A.D. 80, 15 J3. construction qui peuvent être employés dans ce milieu et dans les conjonctures présentes." (73)

Cela permet en outre de roder l'arsenal juridique et les rouages de l'administration. On allait bientôt parler de la parité entre agriculture et industrie. La reconstruction se situait parfaitement dans ce contexte: trouver une sorte d'équilibre entre la ville et la campagne, revaloriser le monde agricole.

4.4.1. Reconstruire oui, mais quel type de village?

La guerre avait en quelque sorte fait table rase du Bosquel. Il ne restait plus que des ruines. Reconstruire pouvait signifier une reconstruction à l'identique, copie conforme du village disparu. Mais reconstruire pouvait également s'entendre comme un acte de création, la naissance d'un nouveau village, d'un nouveau type d'agriculture.

"Ce n'est pas de formes-types locales plus ou moins idéales qu'il- convient de partir, mais de volume d'exploitation, de superficie cultivable, de spéculations agricoles, de commodités d'exploitation, de machinisme". (74)

Le choix de créer du neuf était une hypothèque sur l'avenir. Dans une note sur le reconstruction du Bosquel (75), Paul DUFOURNET pose le problème en ces termes: la reconstruction est une occasion exceptionnelle. Des décombres du Bosquel doit naître un village moderne.

Un village type, un village prototype ou un village modèle?

Les journaux ont tendance à beaucoup modifier les informations qu'ils reçoivent au profit du sensationnel. Cependant, il est rare qu'ils inventent vraiment leurs propos. Aussi, le fait que dans les textes, d'un village prototype on soit rapidement passé à un village type puis à un village modèle n'est peut être pas innocent, ou de leur seule responsabilité.

73. P. D0FOÜÜNET, "Rapport relatif à la construction de la première ferae du Bosquel", si, nd. A. D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 74. J. BOSSU, Techniques et Architecture (34), 1946, p. 146. 75. Archives P. DUFOURNET, sd. 42

La question n'est cependant pas anodine, car si elle a semblé n'avoir jamais gêné les journalistes, elle a beaucoup préoccupé les responsables de la reconstruction (76): - faire un village prototype, c'était concevoir, innover, "apporter un progrès dans tous les secteurs" (dispositions des bâtiments, des systèmes de construction...)« C'était penser le village comme un village d'essai, une référence qui devait inspirer les reconstructeurs des autres villages sinistrés; - faire un village type c'était reproduire un village picard tout en l'améliorant. Or, si la première solution participait davantage à une recherche de progrès, la seconde avait l'avantage de parer au plus pressé. Et si les architectes chargés des opérations de reconstruction, disciples de Le CORBUSIER pour l'essentiel, penchaient pour la première, le Commissaire à la Reconstruction en Picardie (77) préférait la seconde. Cette opposition entre les architectes et l'Administration fut à l'origine d'un certain retard dans la décision adoptée. Dans un article du Figaro paru en 1946, il est clairement affirmé que "Le Bosquel reconstruit pourra servir de modèle" (78). Cependant, si l'expression "village-modèle" a délibérément remplacé celle plus nuancée de "village-prototype" utilisée jusque là (79), le Bosquel n'en demeurait pas moins un terrain d'expérience duquel on pouvait s'inspirer en tel ou tel domaine, sur telle ou telle technique... Même si "le Bosquel (... ) doit servir de "village-témoin" pour le reste de la France dévastée" (80), chaque village devait être abordé comme un cas particulier, avec ses caractéristiques propres.

"Le Bosquel, village d'essai {...), constitue non seulement une très intéressante recherche en matière d'architecture paysanne et d'urbanisme rural, mais surtout une tentative nouvelle et audacieuse pour la résurrection de la terre qui meurt en lui créant un coeur neuf et en lui insufflant un sang nouveau." (81)

Ainsi, même si cette période a suscité un grand nombre d'articles de presse ou de revue dans lesquels les propos de l'Architecte en chef ont été souvent caricaturés ou déformés, le principe général reste celui du respect de l'identité de

76. Archives P. DÜFOÜRNET, note tapuscrite, 26 janvier 1968, 6 p. 77. H. VAUBOURDOLLE, Ingénieur en chef à la S.N.C.F, Commissaire aux Travaux sous Raoul DAUTRY. 78. A. VIHARD, Le Figaro, 13 juin 1946. 79. Commissariat à la Reconstruction Immobilière. 17 avril 1942. A.N. AFU 10788. 80. "La reconstruction de nos campagnes", Nouveaux Temps, 28 juin 1943. 81. "La reconstruction de nos campagnes", Nouveaux Temps, 28 juin 1943. 43 chacun des lieux reconstruits. Le point de vue de Paul DUFOURNET est clair à ce sujet:

"Il ne faut pas chercher à uniformiser la France; la diversité est une de ses grandes richesses; il faut souhaiter qu/elle reste un jardin." (82)

En fait,

"Il s'agissait de satisfaire, avec les possibilités du moment, mais pour longtemps, à des programmes paysans modernes, transformés par les méthodes de culture nouvelles, par 1'electrification, par le machinisme. Il s'agissait d'aider aux tâches quotidiennes par une organisation de l'espace à la fois durable et souple. Il s'agissait de créer de toute pièce un milieu social favorable à une vie collective et familiale évoluée : construire sur une table rase un cadre rural harmonieux qui soit à la fois le moyen de développement et l'expression formelle d'un complexe d'existences actives et heureuses. Et en même temps, tenter de pressentir les possibilités de l'avenir et marquer une orientation d'une portée dépassant les limites du programme posé". (83)

Le respect des traditions picardes

- La forme agglomérée du village devait-elle disparaître au profit d'une disposition plus aérée des habitations?

Du fait de la juxtaposition, pignon contre pignon, de la quasi totalité des maisons du village, les bombes incendiaires lâchées sur la commune avaient déclenché une progression rapide du feu. Le feu n'épargna que les quelques maisons isolées et une maison construite en pierre de taille. Reconstruire pouvait donc signifier éviter de reproduire un mode d'habitat préjudiciable en cas de sinistre par le feu notamment. Mais, cela devait signifier avant tout offrir à ces villageois sinistrés le moyen d'améliorer le confort tant intérieur qu'extérieur de leur habitat. Si leurs maisons allaient bénéficier d'un nouveau bien être (deux étages, nouvelle distribution des pièces, grandes baies...), la structure même du village allait être modifiée (suppression des

82. P. DüFOUBNET, cité par L. DOCHENE in "La réorganisation foncière et l'urbanisme", Le Moniteur des communes de France, 1er mai 1944. 83. "Le Bosquel. préliminaires de la reconstruction et premières réalisations", Techniques et Architecture (34), 1946, p. 131. 44 virages, redressement des rues, constitution d'un "centre- village" (84), adduction d'eau généralisée... ). Comme nous le verrons par la suite, cela allait avoir des conséquences sur les manières d'habiter.

- Les maisons devaient-elles être reconstruites à 1'identique?

La guerre est perçue comme une opportunité. L'Etat prenant à sa charge les opérations de reconstruction, refaire du vieux aurait été inconcevable; bâtir des maisons à l'ancienne, sans espace ni confort, une absurdité. Aussi, fut-il décidé que l'on apporterait aux sinistrés des maisons spacieuses, au confort moderne qui n'auraient rien à envier aux maisons de la ville. La maison sera donc à cour ouverte; elle ne donnera plus sur un tas de fumier comme ses habitants y étaient accoutumés. Elle sera éloignée des bâtiments d'exploitation.

- Fallait-il laisser les cultivateurs poursuivre leur développement sur les bases des anciennes fermes picardes aux cours fermées, au tas de fumier central, aux bâtiments multiples, aux terres dispersées... ?

La possibilité de réfléchir à une nouvelle structure du village (structure de l'habitat mais aussi structuré des exploitations), jointe à l'expérience de la lourdeur du système " agricole passé

"Nous avons trouvé que l'agglomération du village, le parcellaire, la disposition générale des bâtiments, tout cela, par voie de conséquence successive, dérivait d'un mode de vie agraire aujourd'hui périmé." (85) militaient en faveur d'une participation à la modernisation de l'agriculture locale: le village devait être reconstruit sur de nouvelles bases. Il devait bénéficier de tous les avantages mis en place pour le développement d'une agriculture moderne: application de la loi du 9 mars 1941 sur la réorganisation foncière, adoption de bâtiments d'exploitation fonctionnels, utilisation de nouvelles techniques de construction, expérimentation de matériaux... Car,

84. Centre-ville à l'échelle d'un village. 85. P. D0F0ÜKNET, "Comment se sont construits les villages picards et ce qu'il en advient", Techniques et Architecture, Techniques locales, nov. déc. 1943, p. 323. 45

"(...) Une certaine contrainte est parfois nécessaire pour conduire, malgré elles, les populations amorphes ou indifférentes vers un mieux-être certain." (86)

- Fallait-il se contenter du remembrement de la propriété ou procéder à un remembrement d'exploitation?

S'en tenir à la propriété est envisageable lorsque le faire-valoir direct cacactérise le système d'exploitation. Mais quand il s'agit d'exploitations en faire-valoir mixte (mi- propriété, mi-fermage) qui comptent en moyenne plus d'une dizaine de bailleurs chacune, remembrer la propriété ne change guère les conditions de travail de l'exploitant. Le morcellement du bien mis en valeur ne se modifie pas davantage. Aussi, il parut plus judicieux d'engager un remembrement qui tiendrait compte des exploitations, privilégiant l'aspect conditions de travail plutôt que l'aspect patrimonial. Aux yeux des architectes d'opération, la "remodélation du sol" (87) doit intervenir avant toute chose, mais ne doit être en aucun cas une opération arbitraire. Le remaniement du parcellaire doit être pensé et réalisé en fonction du programme de réaménagement. La distribution des fermes elle-même doit tenir compte de l'accessibilité aux terres.

Après une déclaration d'utilité publique préalable datant du 22 mars 1943, les opérations nécessaires à la réalisation du projet de reconstruction sont déclarées urgentes par des arrêtés (88) concertés du délégué général à l'Equipement National, du secrétaire d'Etat à la Production Industrielle et aux Communications et du secrétaire d'Etat à l'Economie Nationale et aux Finances. (89) La reconstruction du Bosquel peut commencer. Dans son contrat pour l'exécution de la mission d'architecte en chef de la Reconstruction (1er juin 1946), il est bien stipulé que Paul DUFOURNET devra déterminer l'esprit général de la Reconstruction, c'est à dire en fixer les caractéristiques générales et établir les servitudes spéciales qui permettront d'y satisfaire. Surtout, il devra "veiller à l'application des directives techniques du Ministère notamment

86. P. D0FO01HET, op. cit. p. 323. 87 . J. BOSSU, Techniques et Architecture (34), 1946, p. 138. 88. En date du 10 janvier 1944 (J. 0 des 14 et 15 février 1944). 89. Journal Officiel du 15 février 1944, p. 490. 46

en matière de normalisation" (90) et "déterminer l'esprit et les principes directeurs qui doivent être suivis pour le remembrement". C'est ainsi que lorsqu'en décembre 1946, on lui adresse des instructions techniques sommaires sur le logement de l'exploitant et de l'ouvrier agricole, Paul DUFOURNET est également invité à "ne s'écarter de ces directives que dans des cas justifiés" (91).

4.5. L'avant-projet:

En mars 1941, Paul DUFOURNET entreprend de rédiger l'avant-projet d'aménagement et de reconstruction du Bosquel qu'il nomme "plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension" (92). Pour ce faire, un certain nombre de renseignements lui sont nécessaires. Il a non seulement besoin d'un relevé du cadastre des propriétés tant privées que communales ou domaniales, mais il lui faut aussi des données relatives à l'alimentation en eau potable et en électricité du village, à son réseau de routes et de chemins. Il lui faut connaître également la composition du village: l'identité de chacun, sa profession, le nombre de personnes composant chaque famille, la contenance, lorsqu'elles en ont, de leurs patrimoines respectifs. Afin de réorganiser l'habitat, des considérations d'un type plus qualitatif sont demandées: le nombre de maisons correspondait-il aux besoins de la population? Certaines familles n'avaient-elles pas plusieurs petites maisons dispersées dans la commune? Les habitaient- elles toutes et comment? N'était-il pas souhaitable que les sinistrés propriétaires de plusieurs petits bâtiments reconstruisent une seule et même habitation par famille qui soit une version améliorée (confort et espace) de ce qu'ils avaient précédemment? Soit, un ensemble d'informations qui permette une analyse précise de l'entité villagoise, de son fonctionnement et de son mode de vie. En juillet 1941, le Commissariat à la Reconstruction Immobilière demande à ce que les avant-projets lui soient soumis le plus rapidement possible afin qu'ils soient étudiés par la section d'urbanisme du Comité National à la Reconstruction. En effet,

90. Contrat n* 6-176. A.D. 80, 15 J12. 91. C. G. 517. Lettre du 13 décembre 1946. A.D. 80, 15 J12. 92. P. DUFOOKNET. Lettre du 31 nars 1941. Archives P. DUFOURNET. "Il importe que vous preniez des mesures dans votre département pour mener ces études à un rythme plus rapide. Si 1/approbation des projets conditionne la mise en route de l'oeuvre de reconstruction, un délai important s'écoulera encore entre la date d'approbation des plans et l'ouverture des chantiers: il faudra procéder au remembrement des parcelles, à la création des associations syndicales de reconstruction, à l'examen architectural des immeubles à construire. Or, ce qui importe, c'est en définitive 1'installation des sinistrés dans leur maison reconstruite." (93)

On connaît les méandres des circuits administratifs. Ils n'étaient guère différents à l'époque, ce d'autant que l'Etat français avait à faire face à une situation d'urgence qui touchait tous les domaines. En matière de reconstruction, il était effectivement indispensable que les procédures soient autant que possible abrégées. Plus vite l'avant-projet pouvait être examiné, plus vite il pouvait être remanié pour accélérer la rédaction du projet définitif, son approbation et la déclaration d'utilité publique conditionnant sa réalisation. Entre-temps, le Service des Constructions Provisoires (94) procédait à l'examen du plan d'implantation des baraquements. Celui-ci devait être compatible avec les travaux d'aménagement et de reconstruction envisagés. Aussi, les baraquements devaient être installés de manière judicieuse pour ne pas gêner les architectes (95). C'est le 4 février 1942 que les avants-projets des villages à reconstruire furent soumis à la Sous-Commission départementale de la Reconstruction. Quant aux demandes de reconstruction, les habitants du Bosquel ne pouvaient les envisager qu'après avoir pris connaissance de la participation de l'Etat dans les frais engagés. C'est à cette seule condition qu'ils pouvaient faire étudier par un architecte un projet éventuel de maison (volume, disposition intérieure, éléments de confort...) dans la limite du budget qu'ils étaient en droit d'y consacrer. Car la question de la prise en charge financière des opérations de reconstruction était tout de même essentielle. D'elle dépendait le contenu même du projet.

93. Le Commissaire Technique à la Reconstruction Immobilière à Monsieur le délégué régional à Amiens. Lettre du 17 juillet 1941. A.D. 80, Fonds P. DUFOUMT. 94. Dépendant du Ministère de la Production Industrielle et du Travail. 95. Lettre du 5 mai 1941. A.D. 80, Fonds P. DUFOUÏNET. 48

4.6. Qui va payer la reconstruction?

Ce qui doit être édifié au Bosquel devant avoir une "valeur d'exemple",

"(...) les constructions seront soignées et pour elles seront utilisées toutes les données de la technique moderne dont il (est) légitime de les pourvoir." (96)

Les études commencèrent sous l'égide des lois du gouvernement de Vichy relatives à la reconstruction et à l'amélioration de l'habitat et des bâtiments ruraux. Les principales, celles du 17 avril 1941 et du 12 juillet 1941, portaient respectivement sur l'aide accordée par l'Etat à la construction de bâtiments ruraux et sur la reconstruction des immeubles d'habitation détruits par suite d'actes de guerre. La législation prévoyait "de redonner aux gens ce qui leur était nécessaire pour reconstituer leur activité économique". Elle ne tenait pas compte de la valeur économique antérieure des biens endommagés. Des normes dimensionnelles avaient été établies pour définir des immeubles-types correspondant à chaque catégorie de profession agricole. Ce système avait l'avantage de reconstituer l'ancien potentiel agricole, sans avoir à indemniser les particuliers en proportion de ce qu'ils avaient perdu. Cela ne satisfaisait guère au goût des rentiers et autres agriculteurs aisés, mais ce principe avait pour mérite de rétablir un certain équilibre économique. En 1945, le changement de gouvernement remit tout en question mais l'ordonnance du 8 septembre 1945 ayant annoncé que l'Etat accorderait des "crédits suffisants pour la construction de bâtiments correspondant aux besoins d'une exploitation agricole rationnelle", les sinistrés furent rassurés. Les quatre premières fermes furent construites sur ces bases. Toutefois, pour éviter un quelconque retard dans la reconstruction il fallait pouvoir travailler dans les conditions les meilleures et faire en sorte que le projet du village à réaliser s'entende comme étant celui sur lequel tout le monde s'accorde. Pour ce faire, Paul DUFOURNET suggéra

"(...) que les intéressés (n)'aient (pas) dans l'affaire la moindre participation financière, donc un

96. P. DGFOÜKNET au H.R.Ü. Lettre du 22 fév. 1945. A. D. 80, 15 J3 droit quelconque de critique (au sens négatif du terme) ou de décision." (97)

Le souci de pouvoir mettre sur pieds les programmes précis et définitifs motivaient cette requête. Ce n'est pas ainsi que l'entendait le Commissariat à la Reconstruction. Si d'une part, l'acte dit "Loi des 11 octobre 1940 et 12 juillet 1941" prévoyait une participation de l'Etat aux dépenses de reconstruction d'un immeuble d'une surface utilisable et d'une destination semblable à celle de l'immeuble détruit (...). Son concours financier était alors fixé à 80 % du coût normal de la reconstruction (...) avec possibilité que cette participation soit réduite d'un tiers en raison soit de l'ancienneté de l'immeuble détruit, soit de la nature des matériaux de construction employés, soit de son insalubrité, soit enfin de l'absence d'agencements modernes dans cet immeuble (98). Et si, d'autre part, les propriétaires désireux de ne pas être reconstruits bénéficiaient d'une indemnité égale à 80 % du montant supposé de la reconstruction effective de leur bien. En fait, en 1947, les crédits d'Etat seront supprimés jusqu'à ce que soit votée une loi sur l'indemnisation totale des dommages de guerre. Un coefficient de vétusté sera pris en compte, mais les sinistrés devront payer les frais induits par une reconstruction trop ambitieuse (bâtiments plus vastes qu'à l'origine par exemple) ou bien se résigner à ne pas construire aussi largement que prévu, ce malgré la possibilité de cumuler les points correspondant à plusieurs constructions éparses pour aboutir à un nombre moindre de bâtiments aux volumes suffisants.

97. P. D0F0ÜRHET, op. cit. 98. Commissariat à la Reconstruction Immobilière. Le 20 mars 1945. A.N. AFÜ 10788. 50

5. Le remembrement de 1943 Rapport de Marcel GAY, géomètre expert chargé des opérations. Remembrement urbain et rural, loi du 9 mars 1941. La commune du Bosquel ayant fait l'objet d'une transformation complète par opération .simultanée de remembrement urbain et rural, le présent rapport a simplement pour but de donner quelques éléments d'explication d'ensemble sur la genèse des opérations et sur les résultats obtenus. (...) L'agglomération : La commune comporte une seule agglomération d'habitations regroupées. Aucun écart. Tout se tient et s'échelonne sur la route nationale et sur les divers embranchements conduisant aux communes voisines. C'est un village étoile dont l'ossature est constituée par les chemins de communication. L'agglomération est habitée par 365 habitants travaillant tous, directement ou indirectement dans l'agriculture. Détruite au cours d'opérations de guerre le 7 juin 1940, elle est actuellement à peu près reconstruite. Le remembrement: Avant la reconstruction de 1944, la commune était considérée comme la plus sinistrée de France. C'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics se sont penchés dès 1941 sur son triste sort. Aussi fut-elle désignée en matière de reconstruction comme commune d'expérience pendant les premières années d'occupation et même pendant les années consécutives à la fin de la guerre. Les pouvoirs publics, en 40/41 se trouvaient devant le thème suivant: a) Un village complètement sinistré, 85 groupes d'habitations rasés par les bombardements, 19 autres groupes endommagés mais demandant 1'investissement de sommes considérables pour leur restauration. b) Un territoire de culture exploité par 16 cultivateurs s'étendant non seulement sur le territoire de la commune du Bosquel, mais encore sur les communes limitrophes: Essertaux, Fiers, , Rogy, Tilloy, Tilloy les Conty et Loeuilly. L'ensemble d'une contenance de 11.500 hectares environ y compris le village. Une partie de cette surface, soit 913 hectares avait fait l'objet d'un remembrement en 33/34. L'exécution en avait été confiée à notre collègue Jean ROY (... ) qui tentait à cette époque une première opération dans une région hostile. Malgré des difficultés considérables d'ordre psychologique, il menait à bonne fin ces travaux et arrivait à conclure par des résultats excellents (...). En conséquence, que pouvait-on envisager? - Premièrement, reconstruire les habitations détruites sur les anciens emplacements, sans aucun aménagement nouveau de la voierie et du parcellaire 51 laissant ainsi le parcellaire rural dans l'état dans lequel il se trouvait à l'ouverture des hostilités. Deuxièmement, remanier le parcellaire rural existant en constituant pour chaque exploitant des ilôts de culture très étendus, profitant de ce regroupement total pour édifier les bâtiments d'exploitation au milieu de ceux-ci. - Troisièmement, remanier à la fois les parcellaires urbain et rural en les adaptant aux exigences des temps actuels, profitant de ce bouleversement général pour aménager l'installation des bâtiments d'exploitation sur la périphérie du village et à proximité des fonds de culture correspondant. Cette solution devait permettre la réduction des frais d'exploitation tout en conservant les avantages de la vie urbaine en agglomération groupée. Pour des raisons d'ordre local, c'est cette troisième hypothèse qui fut retenue (...). Pour la réalisation, il fallait procéder de toute urgence au remembrement de la partie urbaine, au remembrement de la partie rurale, les deux remembrements devant se faire simultanément. Les pouvoirs publics étant dans l'obligation de publier les dispositions légales en vigueur, n'avaient à leur disposition que la loi du 11 octobre 40 modifiée par la loi du 8 novembre 41 pour la partie urbaine. Et la loi du 9 mars 41 pour la partie rurale. Malheureusement, deux ministères différents devaient assurer l'application de ces dispositions: le Commissariat à la Reconstruction Immobilière pour la partie urbaine et le Ministère de l'Agriculture pour la partie rurale. Si le service du génie Rural était très compétent pour la réalisation d'un remembrement rural du fait d'une grande expérience qu'il avait acquise en cette matière pendant une vingtaine d'années, il n'en était pas de même pour le Commissariat, aucune opération de remembrement urbain n'ayant encore été tentée ni réalisée. Le souvenir des aménagements urbains de 1'après guerre de 14/18 étant bien lointains. Enfin, la Corporation Paysanne voulait également faire triompher sa thèse: "la terre à ceux qui la cultivent", ce qui posait des principes nouveaux dont il fallait tenir compte. Le problème n'était donc pas facile à réaliser, voici comment il fut résolu: Tout d'abord, la partie urbanisme fut confiée à un architecte diplomé, Paul DUFOURNET. C'est donc lui qui a donné les caractéristiques de la voirie ainsi que les dimensions et orientations des parcelles urbaines. Ces principes fixés, la réalisation des deux remembrements nous fut confiée. Après bien des hésitations, les deux services intéressés se sont mis d'accord. La direction des opérations fut en définitive confiée au service du Génie Rural qui prit la responsabilité de l'entreprise. Ainsi René LACOURLIE, Ingénieur en chef du Génie Rural de la Somme et son collaborateur, Charles FOURIER, 52

Ingénieur des travaux ruraux, disposant des pouvoirs les plus étendus, assumèrent-ils ces fonctions très délicates, pendant toute la durée des travaux, sans enseignement et sans texte d'application. Ils surent atteindre rapidement le but proposé s'inspirant et adoptant pour l'ensemble à réaliser les dispositions prévues par la loi du 9 mars 41 et le décret loi du 7 janvier 42 sur le remembrement rural. Pour les parties touchant directement à la reconstruction, ils retenaient les conseils de Monsieur GAZET, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, lequel représentait le Commissariat à la Reconstruction et prenait également part à toutes les délibérations qui concernaient la partie urbaine. Enfin, pour toutes les questions d'ordre agricole, ils firent appel à monsieur Léon ROPIQUET, Président du Syndicat Communal qui avait pris l'initiative de la seconde demande de remembrement et qui en précurseur, avait vu grand et juste. Nous avions posé toutefois, avant toute étude les principes suivants: a) Le périmètre remembré comprendrait non seulement le territoire de la commune du Bosquel, village, terres et bois, mais également les parties cultivées par les cultivateurs du Bosquel sur les territoires des communes voisines. C'était l'application du principe cher à Monsieur POIREE, Inspecteur Général du Génie Rural, rédacteur de la loi du 9 mars 1941 qui préconisait le remembrement par groupe d'exploitation; donc, plus de frontières constituées par le limites inter-communales. Ce principe admis, il avait été convenu que les propriétaires exploitants habitant les communes limitrophes touchées par le remembrement seraient regroupés en limite du périmètre les intéressant mais qu'ultérieurement, une bande de cette partie remembrée devrait être comprise une seconde fois dans une nouvelle opération exécutée sur les communes limitrophes que tous puissent bénéficier du remembrement maximum. C'est ainsi qu'il y a quelques années,- plusieurs bandes touchant les communes de Franssures, Loeilly et Rogy ont été remembrées une seconde fois. b) La voirie urbaine et la voirie rurale seraient totalement remaniées pour obtenir une viabilité parfaite. Dans le village, la route nationale fut remaniée par des axes tangents et inverses de 300 mètres de rayon, l'emprise ayant été portée à 22 mètres de largeur, les rues secondaires furent portées à 10 mètres et des pans coupés furent prévus partout pour améliorer la visibilité et la viabilité. Enfin, des terrains communaux furent réservés pour les édifices publics, la place, le terrain de sports ... les surfaces nécessaires étant prélevées au besoin sur la masse. Une distillerie d'alcool de betteraves devant être édifiée, il avait été accordé à cet effet un terrain pour la construction. Terrain dont le lieu et la dimension avaient été fixés par le Service du Génie 53

Rural qui avait procédé à l'étude technique du projet d'installation. Dans la partie rurale, les chemins communaux conduisant aux localités voisines avaient été conservés, mais élargis, tous les chemins inutiles supprimés et remplacés par d'autres d'au moins 6 mètres de largeur et plus, créés en des endroits convenables pour une desserte rationnelle partant du Bosquel. c) Un seul compte avait été établi par propriétaire, les parties urbaine et rurale étant bloquées en surface, ceci pour permettre la création de terrains utiles à la reconstruction, mais répondant à certaines données imposées par l'architecte. d) Les lots à l'intérieur de 1'agglomération urbaines devaient être réguliers. Leurs dimensions avait été fixées par l'urbaniste. Comme les 19 immeubles réparables constituaient parfois des obstacles pour la création d'un parcellaire régulier, il fut décidé l'expropriation de 15 d'entre eux selon la procédure du décret-loi du 30 octobre 1935. Il fut convenu d'autre part que pour dégager le centre de 1'agglomération les fermes seraient dans la mesure du possible, réparties sur la périphérie du village. e) En ce qui concerne les immeubles non bâtis, on décida qu'ils seraient placés aux abords des immeubles à construire, la plus grande surface disponible en faveur des propriétaires des bâtiments, ceci pour permettre la constitution de pâturages, revalorisant ainsi la valeur vénale des bâtiments d'exploitation dans l'avenir. Enfin, les terres devaient être regroupées du côté de l'exploitation, tout au moins dans sa direction de manière à réduire les distances au cours de l'exploitation. f) Appliquant, à la demande de la Corporation Paysanne et par anticipation, les dispositions de la loi sur le statut du fermage du 13 avril 1946 qui recherche la stabilité des exploitations, nous avons marié propriétaires et exploitants. Ayant regroupé au maximum au point de vue cultural, nous avions en cette circonstance fait prévaloir le point de vue du fermier avant celui du propriétaire. Cependant, ce mariage voulait dire que pour toutes les combinaisons réalisées, les géomètres s'étaient mis d'accord avec les propriétaires exploitants intéressés. Cette procédure avait permis lorsqu'il y avait plusieurs fermiers d'en éliminer une partie avec l'accord des évincés; le but recherché étant le maintien par des transformations de baux ou de locations des contenances d'exploitation par exploitant telles qu'elles existaient avant le remembrement. En effet, malgré ces transformations considérables, toutes les exploitations étaient restées de même importance que par le passé. Bien que le remembrement de 1934 ait apporté déjà une substantielle amélioration, la réduction des ilôts de propriété ayant été de 70 %, de nouveaux et très importants résultats ont été obtenus par suite de la 54

bonne compréhension des propriétaires et agriculteurs intéressés. La Direction et les conseils éclairés de Monsieur LACOURLIE Ingénieur en Chef du Génie Rural, 1'intervention constante de Monsieur FOURNIER Ingénieur des travaux ruraux, 1/influence de monsieur Léon ROPIQUET, les nouvelles idées qu'ils ont su tous faire triompher, font que le remembrement du Bosquel de 1944 est une des plus belles réalisations du service du Génie Rural dans le Nord de la France. La réduction nouvelles de 65 % apportée sur des parcelles déjà remembrées fait ressortir l'effort considérable que l'on a du tenter pour se rapprocher de la perfection. Celle-ci semble avoir été presque atteinte au point de vue cultural puisque la réduction sur les ilôts de culture est de 87 % pourcentage énorme si l'on veut bien tenir compte du caractère très spécial du régime de la propriété et du fermage en Picardie. Malgré ces résultats probants, les agriculteurs bosquellois loin de se lasser des difficultés rencontrées au cours de plusieurs remembrements totaux ou partiels restent persuadés que l'on peut faire encore mieux. Ils ne sont pas encore satisfaits avec 73 ilôts de culture dont le nombre a été encore réduit de quelques unités par suite de reprises des fermes ou d'arrangements culturaux. Il serait parait-il possible d'en réduire le nombre, d'améliorer leur forme ou l'ensemble des groupements. Il est vrai que ce courant favorable n'est que la résultante des avantages considérables concrétisés par dix années d'exploitation que le président ROPIQUET avait prévus dès 1941 et qui ont transformé totalement l'activité agricole de la commune et apporté beaucoup de bien-être chez les exploitants et le personnel employé dans les fermes. Bâtiments de ferme entourés de pâturages, utilisation de moyens mécaniques puissants, utilisation d'une CUMA au service de tous, rapidité des moyens mis en oeuvre, desserte facile des lots de culture, amélioration des cultures et des rendements, indépendance des assolements, bien-être apporté tant du point de vue humain que social, sont aujourd'hui les bienfaits appréciés par tous les habitants du Bosquel. Ainsi ceux-ci sont-ils d'ardents propagandistes en faveur du remembrement, souhaitant que de telles opérations s'étendent à l'ensemble du territoire national, ce qui serait certes l'une des possibilités recherchées par les Pouvoirs Publics pour l'abaissement des frais de production et le relèvement économique de 1'agriculture française. (99J

99. Hontdidier, le 10 juil. 1955, signé, Harcel GAY. Archives personnelles de Marcel GAÏ. i » h sonne COMMUNE DU BOSQUEL

Avant le remembrement, comme l'Indique le cliché ci-dessus, le territoire du Bosquet «tait morcelé à l'infini. On peut remarquer, en noir, toutes les terres dispersées d'une exploitation de 60 hectares. Les deux plans ci-dessous montrent, à gauche, le premier remembrement opéré, et à droite, ces mêmes terres regroupées en deux lots très voisins par le remembre ment définitif. L'exploitant ne perdra plus un temps précieux pour aller d'un champ à l'autre et c'est maintenant à la porte même de son domaine qu'il pourra se livrer à une exploitation plus rationnelle.

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En effet, l'originalité de ce remembrement est de n'avoir pas dissocié terroir et agglomération, donc d'avoir concerné la totalité des parcelles bâties et non bâties de la commune. L'idée était de donner jour à un village dans lequel l'économie agricole serait facilitée du fait de la constitution d'exploitations agricoles d'un seul tenant,

"en créant des domaines pleins avec bâtiments sur les terres." (101)

Le Commissariat à la Reconstruction ayant confié les études des projets de reconstruction à Paul DUFOURNET, celui-ci décida qu'en raison des dévastations, il y avait lieu de remembrer l'ensemble du territoire de la commune. En ce sens, il rédigea un aperçu théorique de ce que devrait être la répartition des fermes autour du village. Dans le même temps, Marcel GAY, géomètre expert de Montdidier chargé du remembrement rural pour le compte du Génie Rural, procédait au lever des contenances rurales et à l'estimation de la valeur des terres. C'est seulement après avoir pris connaissance des désirs des intéressés et des possibilités financières de reconstruction qu'une "esquisse de la réalité future" put être conjointement envisagée. En septembre 1942, les géomètres du Nord de la France ayant tous été réquisitionnés par l'organisation corporative paysanne et le ravitaillement général pour procéder au contrôle des récoltes de pommes de terre (102), les études ayant trait au remembrement sont mises en attente. De toute façon, "tout marche à la vitesse d'une tortue". Il n'y a pas encore de commission de remembrement, pas de réaction de la part de l'association syndicale, aucune nouvelle de l'Etat qui en oublie même de financer ses sous-traitants (103). Finalement, le projet d'aménagement du Bosquel ayant été déclaré d'utilité publique dès 1943, les opérations d'ensemble du remembrement peuvent être entreprises.

100. "H. DAUTRY à Amiens et au Bosquel a étudié les possibilités de reconstruction", Le Courrier Picard, 12 Mars 1945. 101. P. DUFOURNET à H. GAY. Lettre du 12 av. 1945, A.D. 80, 15 J3. 102. H. GAY à P. DUFOURNET. Lettre du 11 septembre 1942. A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 103. Idem. 56

5.1. La loi du 9 mars 1941 ou "loi sur la réorganisation de la propriété foncière et le remembrementM:

La loi du 9 mars 1941, dite loi CAZIOT, du nom de son père fondateur, prévoyait un remaniement parcellaire (remembrement, échange amiable) de sorte à réduire le nombre de parcelles enclavées, à redistribuer les parcelles des grandes propriétés démembrées au profit d'exploitations de taille moyenne. Grâce à cette loi, Pierre CAZIOT préconisait la constitution d'exploitations agricoles d'un seul tenant, ou à grandes parcelles bien groupées. Le principe de cette loi étant de donner la terre aux paysans qui la travaillent, elle devait aussi permettre la mise en valeur de terres jusque là abandonnées, ou mal gérées, parce que difficiles d'accès. Elle devait en fait favoriser le développement d'un certain type d'agriculture considéré comme seul porteur de progrès: essentiellement fondé sur la notion de famille, ne nécessitant aucune main d'oeuvre extérieure, il devait se suffire parfaitement à lui-même. Cette loi du 9 mars 1941 avait été conçue dans l'idée de fixer les- cultivateurs à leur terre grâce à la constitution d'exploitations agricoles de type familial. N'ayant nul besoin de faire appel à l'extérieur, ces dernières devaient favoriser l'augmentation de la productivité agricole. Leur valeur tant économique que sociale s'avérait alors indéniable. D'où l'intérêt de constituer des unités d'exploitation d'un seul tenant, autonomes. Ce remembrement cultural était soutenu par la Corporation Paysanne. Elle voulait en effet faire prévaloir les droits du fermier sur ceux du propriétaire. C'était là l'occasion d'unir propriétaires et exploitants dans la recherche d'une stabilité des exploitations, une sorte d'anticipation sur les dispositions de la loi sur le statut du fermage du 13 avril 1946. Pour leur part, les architectes souhaitaient que l'équipe des géomètres

"(...) accorde, dans toute la mesure du possible, la vue théorique et idéale (communiquée) avec les possibilités du remembrement (en cherchant) à la serrer du plus près." (104)

104. P. D0F0DWŒT à K. GAY. Lettre du 24 décenbre 1942. A.D. 80, 15 J12. 57

Cependant, le remembrement des terres de culture et le remembrement de la propriété bâtie ne rélèvent pas des mêmes compétences. Si le premier dépend du ministère de l'Agriculture et plus exactement du service du Génie Rural du fait de cette loi du 9 mars 1941, le second dépend du ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme en vertu des lois du 11 octobre 1940 et du 12 juillet 1941. Il va sans dire que penser l'aménagement de cette commune ne pouvait se concevoir sans une coordination entre les deux ministères.• A posteriori, on apprend qui plus est que la procédure suivie alors était tout à fait irrégulière (105) puisque l'ensemble des opérations de restructuration foncière a été réalisé en application de la seule loi du 9 mars 1941 alors que l'article 18 stipule:

"Ne peuvent être incorporés dans le périmètre à remembrer qu'avec l'assentiment des propriétaires: - a) les immeubles qui, en raison de leur situation, peuvent être considérés comme terrains à bâtir, b) les immeubles faisant corps avec des bâtiments qui appartiennent à un même propriétaire, (...) - d) les propriétés closes de murs, - e) et d'une façon générale tous immeubles qui ne peuvent, en raison de leur utilisation spéciale, bénéficier de l'opération de remembrement". (106J

Cela allait de soi, l'objet exclusif de la loi étant l'amélioration des conditions d'exploitation des terres cultivées, non l'aménagement global des territoires communaux. C'est ainsi que dans un premier temps, Paul DUFOURNET donna les caractéristiques de la voirie, les dimensions et orientations des parcelles urbaines, ainsi que ses consignes en matière de regroupement des parcelles par exploitation. Puis, la réalisation des deux remembrements simultanés fut confiée au Génie Rural. René LACOURLIE, alors ingénieur en chef du Génie Rural eut la lourde responsabilité d'assumer la direction des opérations en composant avec les réglementations alors en vigueur, aidé en ce sens par Monsieur GAZET, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, lequel représentait le Commissariat à la Reconstruction (107).

105. Ministère de la Reconstruction et de l'urbanisme. Rapport du délégué départemental. 7 janvier 1946. A.N. AFÜ 10788. 106. Rapport rédigé pour la réunion des urbanistes du 9 avril 1945. A.D. 80, 15 J3 107. H. GAY. "Rapport sur le remembrement du Bosquel", Service du génie Rural, 10 juillet 1955. Archives privées de Marcel GAY. 58

Parce que la procédure suivie, bien qu'illégale, s7 est avérée efficace,

"(•-•) il y a lieu quelquefois d'anticiper sur les règles à appliquer, justement pour leur permettre de s'appliquer mieux ensuite." (108)

il avait été demandé à l'époque qu'elle soit généralisée grâce à l'extension du champ d'application de la loi du 9 mars 1941 aux zones bâties et à bâtir. Un projet d'ordonnance dans ce sens avait été soumis au Ministère de l'Agriculture. En vain. Ainsi, le Bosquel est semble-t-il la seule commune en France à avoir bénéficié d'un remembrement urbain et rural simultané.

5.2. Le principe du remembrement:

Il s'agit de desserrer l'agglomération, de l'étendre sur ses quatre routes en croix de façon à installer les fermes aux extrémités de leurs terres réunies en une seule unité. Il est prévu de regrouper les bâtiments publics ainsi que les maisons destinées aux habitants ne travaillant pas dans l'agriculture au centre du village. Ce projet n'est réalisable qu'en procédant à un remembrement total de la commune: remembrement rural (constitution d'exploitations unitaires) mais remembrement urbain aussi (chaque habitant verra l'ensemble de son patrimoine communal (maison d'habitation, petits bâtiments, jardins...) jusque là dispersé rassemblé en un même lieu, de part et d'autre d'un nouveau tracé de voies de communication).

"Le village est un cadre trop restreint; il n'existe qu'en fonction des champs qui le font vivre; les bâtiments d'une exploitation agricole ne font que concentrer les moyens d'action d'une industrie qui s'exerce à la fois aux champs et à la ferme et cette liaison intime de la terre et des bâtiments est si profonde que l'on ne peut concevoir le plan rationnel d'aménagement du village sans l'associer au remembrement rural des champs." (109,)

Pour mener à bien ce remembrement d'un genre tout-à-fait nouveau, une association syndicale fut constituée. On nomma

108. P. DUF0ÖRNET au Chef de la Section d'Urbanisme du C.R.I. Lettre du 29 mai 1942. A.D. 80, Fonds P. DÜF0UKNET. 109. K. P0IKEE, "Réorganisation foncière et remembrement de la propriété rurale", extrait p. 187, si, nd. A.D. 80, 15 J3. 59

pour directeur de cette association l'agriculteur du Bosquel qui "a été l'âme très agissante du remembrement rural de 1934" (110). Non originaire du Bosquel, ancien fermier de la plus grosse exploitation, il est aussi l'agriculteur le plus dynamique et le représentant des sinistrés de la commune. On compte beaucoup sur lui car "son exemple a une très grande influence sur ses concitoyens". L'entreprise même du remembrement ayant éveillé quelques inquiétudes, une réunion des intéressés fut provoquée à l'initiative du syndicat agricole local. Marcel GAY, le géomètre chargé des opérations, y fut convié afin d'exposer les nécessités de procéder à ce nouveau remembrement. Exploitation après exploitation il étudia longuement le cas de chacun.

"Les fermes devront être établies sur leur emplacement actuel, agrandies, si possible avec d'autres éléments disparates situés un peu partout dans la localité, appartenant à un même propriétaire et servant actuellement de dépendances à la ferme. Pour ceux qui possèdent beaucoup de terrains il faudra envisager des lots distincts (...). Les contours de ces lots devront être modifiés de manière à établir des limites de propriété régulières, sensiblement perpendiculaires sur les voies publiques." (111)

Puis, ce fut à Paul DUFOURNET de lui fournir les renseignements concernant les contenances et les largeurs des façades à accorder à chaque maison de cultivateur, d'ouvrier, de commerçant, d'artisan.... (112).

Le remembrement urbain:

Du fait d'achats divers, d'héritages ou de locations, les exploitants du village en étaient arrivés à utiliser des bâtiments disséminés un peu partout dans la commune. L'urgence d'un remembrement urbain n'était cependant pas criante. Après la guerre, le mouvement de regroupement des parcelles non bâties pour tenter de reconstituer les propriétés impulsa un mouvement comparable de regroupement des parcelles anciennement bâties. De la même manière, le tracé des anciennes rues du village était peu approprié au développement croissant de la

110. Lettre du 26 mars 1942 adressée au Commissaire à la Reconstruction Immobilière. A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 111. H. GAY à P. DUFOURNET. Lettre du 13 novembre 1941. A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 112. H. GAY à P. DUFOURNET. Lettre du 21 avril 1942. A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 60 mécanisation. Leur manque de dégagement gênait considérablement les manoeuvres des machines agricoles et devenait parfois un danger pour la circulation automobile. Une modification du réseau routier, donc un nouvel alignement cause de nombreuses expropriations de parcelles autrefois construites, pouvait être envisagé.

"On a donc considéré que les 19 groupes d'habitations juste endommagés seraient sinistrés complets. Cela permettait de démolir toutes les maisons pour satisfaire à l'alignement prévu". (113J

C'est ainsi qu'expropriations et regroupements parcellaires rendirent nécessaire le remembrement urbain.

Le remembrement rural:

Le plan traditionnel, en habitat concentré répondait aux besoins de l'ancien système agraire des pays d'openfield du Bassin parisien. La rotation triennale et la vaine pâture exigeaient qu'il n'y ait ni clôtures, ni bâtiments sur les terres. De même, chaque cultivateur exploitait des parcelles situées dans tous les secteurs culturaux du terroir communal. La modernisation de l'agriculture, la disparition progressive des pratiques communautaires allaient rendre l'ancien système de culture, ainsi que la distribution du foncier, très contraignants. Pour certains, la guerre fut donc l'occasion de remanier leurs biens de façon à créer des unités d'exploitation se suffisant à elles-mêmes. Il s'agissait en fait d'un remembrement non des propriétés, mais des exploitations agricoles. L'objectif n'était pas de constituer des patrimoines unitaires, mais de procéder à un regoupement des terres participant à une même exploitation. Dans un premier temps, il suffisait de réunir autour du corps de ferme le maximum de terres exploitables. Puis, il fallait regrouper au sein d'une ou plusieurs parcelles d'exploitation les terres cultivées par un même exploitant, quels que soient leurs propriétaires respectifs. En fait, dans l'idée de garantir à l'exploitant une certaine sécurité dans la gestion de sa ferme, le regroupement parcellaire devait s'organiser autour de la notion d'exploitation, non autour de celle de propriété. Aussi, du fait de la présence dans son

113. Entretiens avec Marcel GAY. 61 unité d'exploitation de parcelles louées, l'exploitant se trouvait ainsi à l'abri de leur vente éventuelle (rendue plus aléatoire parce que trop enclavées pour intéresser un quelconque acquéreur). Le principe de limiter la dispersion des parcelles d'une même exploitation était un gage de pérennité: une parcelle mise en vente par son propriétaire ne pouvait être rachetée que par l'exploitant lui-même ou par un autre propriétaire qui n'aurait eu d'autre solution que de continuer à la louer au même fermier. Si ailleurs, et notamment au cours de remembrements classiques, on cherche à désenclaver des parcelles pour les viabiliser plus facilement ou dans le but d'un échange à l'amiable, dans le cas du Bosquel, on confirmait ou on procédait à des enclavements volontaires de parcelles de propriété, afin de constituer des unités d'exploitation homogènes. Un tel procédé eut non seulement pour effet de créer des entités agricoles plus individualisées et plus autonomes, mais il permit aussi de réduire le nombre de preneurs par bailleurs.

5.3. Les modalités des opérations de remembrement:

Les sinistrés s'étant organisés en un groupement, avant toute opération, ils ont procédé à une évaluation de la valeur des biens en leur possession. Chaque parcelle est ainsi affectée d'une valeur fictive au moyen d'une côte allant de un à dix. Une estimation identique est réalisée sur la base du plan de reconstruction, c'est-à-dire en tenant compte des nouveaux emplacements et des nouvelles attributions. La répartition des parcelles entre les propriétaires est alors fondée sur ces deux cotations.

"Nous avons d'abord à fixer les longueurs des façades à attribuer aux nouveaux lots, les contenances de ceux- ci, surtout pour les fermes, la discrimination des immeubles à conserver, la direction du parcellaire, l'aménagement des pâtures." (114)

D'après Marcel GAY, les principes de redistribution des parcelles ont reposé sur (115): - la recherche d'une dimension et d'une forme des fonds adaptées aux impératifs de rentabilité et de viabilité.

114. H. GAY à P. DÜFOÜENET. Lettre sd. A.D. 80, Fonds P. DUFOUfflET. 115. X. GAY, "Les remembrements du Bosquel", si, nd. Archives privées de Marcel GAY. 62

- le souci de concilier les intérêts des bailleurs et ceux des fermiers. le transfert des propriétés des non résidents en périphérie du village. - une distribution des parcelles qui respecte les choix proposés en matière d'aménagement et d'urbanisme par Paul DUFOURNET. Théoriquement il doit résulter qu'à l'issue du remembrement, chaque sinistré doit retrouver un capital foncier comparable à celui d'avant les opérations: ainsi, soit la superficie de son bien a augmenté du fait d'une diminution générale de sa valeur agronomique moyenne; soit elle a diminué du fait d'une augmentation de sa valeur.

"Le métier essentiel du remembreur étant de réaliser ces opérations en tenant compte de la productivité différente des parcelles à remembrer" (116),

le résultat des opérations ne doit logiquement léser personne.

"L'inégalité qui semble consacrée par le remembrement n'est que le résultat de deux situations juridiques différentes: les immeubles productifs étant ceux qui existaient avant la guerre (et dans ces immeubles productifs, il faut comprendre non seulement des immeubles entiers, mais des arbres fruitiers, des pans de murs, des puits...) et les autres." (117J

C'est pourquoi la Commission Communale de Réorganisation Foncière et de Remembrement qui participe au projet de remembrement du village, fixe également les nouvelles limites des propriétés. Par un courrier de son président, Monsieur le Juge de paix du canton, la population est informée de l'ouverture d'une enquête publique lui donnant droit à réclamations et observations du 17 au 31 juillet 1944. Dans cet avis d'enquête, les modalités de prise de possession des nouvelles parcelles issues du remembrement sont énoncées (118): de manière très générale, les arbres fruitiers et forestiers abandonnés sont estimés à dire d'expert, les parcelles semées sont cédées après la levée des récoltes, les friches immédiatement et les jachères au début de l'été. Les pâtures sont libérées en janvier 1945. Par contre, les propriétaires de

116. Réunion d'information du 17 déc. 1945 sur le remembrement du Bosquel. A.D. 80, 15 J3. 117. Idem 118. Archives privées de Hádame HOSTEN. 63 vergers productifs en gardent la jouissance durant dix ans, charge à eux d'effectuer des plantations de remplacement entre­ temps . On enregistrera quarante-cinq réclamations sur 309 propriétaires dans la commune. La plupart de ces plaintes furent rejetées lors de leur jugement en mairie du Bosquel en présence du Juge de Paix (119). Il s'agissait souvent de demandes concernant l'attribution de nouveaux biens de contenance ou de qualité exactement équivalentes à celles que le propriétaire venait de perdre. Mais certains se plaignaient d'avoir été volés en la matière. Or,

"Attendu qu'en matière de remembrement, il n'est pas possible de respecter les configurations parcellaires anciennes, le but recherché étant d'obtenir les améliorations maximales, (étant donné) qu'est attribué (à chacun) un terrain de compensation qui doit lui donner satisfaction (...)." (120) il n'était guère possible de satisfaire tout le monde sur ce plan là; tout comme il devenait illusoire de modifier la configuration des parcelles après remembrement. Par contre, les réclamations relatives au souhait d'intervertir des parcelles à l'amiable étaient systématiquement étudiées et le transfert accordé. Les demandes de suppression de chemins devenus inutiles ou leur création pour assurer la desserte d'une nouvelle parcelle étaient dans la mesure du possible résolues, pourvu que cela n'ait aucune conséquence néfaste sur le projet de reconstruction. L'atteinte au droit de propriété était parfois ressentie si fortement que certains en étaient arrivés à exiger que leurs anciennes parcelles soient cultivées de telle ou telle façon par leurs nouveaux propriétaires (121). Cependant, bien que le Conseil Municipal soit unanime sur la nécessité de regrouper les parcelles et de procéder au remembrement urbain (122), il fallut bien étudier les six réclamations concernant des refus d'expropriation ou des "acceptations de démolitions à condition que les biens détruits soient reconstruits au même endroit".

119. Dossier administratif. Remembrement du Bosquel. 4 et 12 octobre 1944. Archives du Génie Rural à Amiens. 120. Idem. 121. Ibidem. 122. Extrait du registre aux délibérations du Conseil Municipal du Bosquel. Le 17 juillet 1942. A.N. AFU 10788. 5.4. À quelques détails près... ou les obstacles rencontrés:

Comme chacun sait, de la théorie à la pratique, il n'y a pas qu'un pas.... Le plan d'aménagement projeté se concevait de manière idéale, mais devait se heurter à des réalités, à des impératifs dont il aurait été difficile de faire abstraction. Un territoire communal est rarement homogène. Il comporte plusieurs qualités de terre. Au Bosquel, il existait cinq classes de terre de valeurs agronomiques différentes, il était donc hors de question de ne pas en tenir compte. En partant des propriétés et locations initiales, il fallait remembrer de la manière la plus équitable qui soit. Or, toucher à la terre est sacrilège, surtout si les parcelles concernées sont transmises de génération en génération, surtout si leur valeur sentimentale l'emporte sur leur valeur productive. Il fallut donc concilier les besoins de la réorganisation foncière aux desiderata parfois difficiles à argumenter des autochtones. Comme nous le verrons par la suite, certains cultivateurs se refusent à quitter le centre du village de peur de se trouver isolés. D'autres "continuent à couper les chardons dans leur ancienne pièce en échange... d'un apéritif". Parce qu'il existe tout de même une valeur sentimentale que l'on attache soit au sol, soit à la maison paternelle...

Des mécontents?

Diverses coupures de presse, un article de Jean BOSSU (123) et divers témoignages rappellent qu'il y a bien eu des protestations concernant les opérations du remembrement. Mais il est rare qu'un remembrement se passe sans heurts... C'est d'ailleurs chose tout-à-fait classique. Un ancien adversaire du premier remembrement ne déclarait- il pas lors du second:

"ça plait à certains et ça déplaît à d'autres, mais sûrement, ça fait gagner du temps." (124)

Ainsi, certains se plaignent d'avoir été défavorisés par rapport à d'autres lors de l'échange de parcelles. Telle cette dame qui :

123. in Bâtir la France, Automne 1946. 124. S. LAMPORT, "Remembrement d'un village picard brûlé par les nazis", New-York Herald Tribune, 3 avril 1945. 65

"s'élève énergiguement contre la dépossession de (sa) ferme où il ne (lui) mangue gue la maison d'habitation. Une cave profonde est intacte ainsi gu'une . (Elle n'est) pas sinistrée totale. Il (lui) reste une vaste grange en ardoises et fibres et toutes les tables et dépendances pour matériel agricole, autour d'une grande cour avec jardin et plants (... ) en plein rapport. (Lui) attribuer 6a70 sensiblement sur• l'emplacement actuel de (sa) ferme, c'est se moguer (d'elle), à moins gue l'on estime déjà gue de la façon dont (elle) va être dépouillée, (elle sera) dans l'obligation d'abandonner (son exploitation. Pour les terres, on démolit (sa) culture. On (lui) enlève (ses) meilleures terres pour (la) placer où les autres ne veulent pas aller (...). (Aussi, elle) refuse catégoriguement d'adhérer à un remembrement effectué de façon aussi partiale." (125)

D'autres prétendent que ce sont les petits cultivateurs, et les petits rentiers qui ont été les plus mal servis. Mais le plus souvent, il s'agit de la jouissance de jardins ou de parcelles de peu de valeur agronomique qui n'étaient pas susceptibles d'être mises en valeur autrement que sous la forme de potagers. Qu'à cela ne tienne, comme le dit si bien Paul DUFOURNET:

"Les petits rentiers ne changent guère de place, un simple ripage le long de la voie où ils habitaient anciennement (...). Ils abandonnent donc une terre à jardin pour une autre terre à jardin." (126)

Quant aux petits cultivateurs,

"(...) ils referont un jardin dans une ancienne terre de culture, voila tout." (127)

Aussi, à la demande d'autorisation de réparer de la part d'un sinistré, Paul DUFOURNET émet un avis défavorable qu'il argumente comme suit:

"Cette maison est vétusté et il n'y a aucun intérêt à la remettre à neuf. D'autre part, comme je dois provoguer un remembrement de la propriété bâtie, il est probable gue cet immeuble, situé en plein centre de destruction sera une gêne, et gu'il devra disparaître. Son état de vétusté ne permet pas d'en tenir compte.

125. Lettre du 17 juin 1943. A.D. 80, Fonds. P. DUFOURNET. 126. P. DUFOURNET, "Quelques précisions au sujet du Bosquel", 30 décembre 1946. A.D. 80, Fonds. P. DUFOURNET. 127. Idem. 66

Dans ce cas (...), il faudrait que le sinistré fasse les réparations les plus nécessaires à ses propres frais, en considérant qu'il vaut mieux pour lui d'habiter dans sa maison que dans un baraquement. Il réserverait ainsi tous ses droits à l'aide que pourra lui procurer la loi du 11 octobre. Il y aurait lieu d'avertir l'intéressé de la précarité de son installation." (128)

De manière générale, on s'oppose à toute reconstruction ou à toute construction provisoire qui pourraient gêner ultérieurement la réalisation des projets du Plan d'Aménagement. Certains baraquements sont même à certaines périodes déplacés, pour faciliter les travaux de voierie par exemple (129). Dans une lettre adressée au Commissaire de la Répuplique de Saint-Quentin, cinquante signataires résidant au Bosquel font part de leurs réclamations. Un certain nombre de propriétaires du village étant prisonniers en Allemagne, il leur semble tout-à-fait incorrect de ne pas attendre leur retour pour prendre les décisions concernant les échanges de terrains ou les démolitions de maisons. Ils reprochent à la commission chargée de l'évaluation du classement des terres de ne comporter que des représentants de la grosse propriété. Ils considèrent que les petits et moyens propriétaires sont lésés du fait que leurs parcelles perdent de leur valeur tant du point de vue de la vente que du point de vue de la location puisqu'elles se trouvent dorénavant enclavées dans des domaines exploités souvent en fermage. Mais, chose plus grave encore, ils estiment que le gouvernement PETAIN-LAVAL étant tombé, il n'y a plus lieu de continuer les opérations commencées sous une législation considérée comme caduque et parfaitement anti­ républicaine (130). D'autres encore contestent les mesures d'expropriation dont ils font l'objet du fait que leur maison, ou certains hangars de ferme, épargnés par les bombardements, sont frappés d'alignement. Considérant le contexte financier de l'époque, ces bâtiments, aussi vétustés et incommodes qu'ils puissent être, représentent cependant des garanties plus rassurantes que celles d'une démolition qui ne serait pas suivie d'une reconstruction, ou dont la réparation leur coûterait de l'argent.

128. Avis du 9 juillet 1941. A.D. 80, Fonds. P. DUFOURNET. 129. Lettre du 5 juin 1941. A.D. 80, Fonds. P. DUFOURNET. 130. Lettre du 24 novembre 1944 à Honsieur le Commissaire de la République à Saint-Quentin. A.N. AFU 10788. 67

Certains préféraient rester à l'intérieur du village plutôt qu'en périphérie, du fait de l'isolement. On alla jusqu'à parler de "déportation" (131). De telles réclamations ne pouvaient guère être ignorées. Les principaux points sur lesquels portait la demande de correction avaient été respectés: dans la mesure où la Commission Départementale de Remembrement donnait son accord, le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme consentit à ce que les bâtiments réparables soient conservés, à condition qu'ils soient rendus utilisables à un coût inférieur au prix d'une construction provisoire. De la même manière, les expropriations allaient être réduites au strict minimum et dans le seul intérêt public (132). En fait le remous dont il est question a vu le jour et s'est trouvé amplifié à l'occasion d'un changement de la municipalité. D'aucuns prétendent que

"ces élections n'avaient rien de politique, l'unique plateforme sur laquelle les adversaires se sont affrontés ayant été le remembrement urbain. Résultat: l'ancien conseil municipal composé de partisans résolus du remembrement urbain a été renversé et remplacé par un nouveau conseil composé d'adversaires." (133)

Lors d'une réunion d'information sur ce remembrement (134) Marcel GAY présenta onze réclamations portant sur 8 % du territoire remembré. Considérant que tous les propriétaires ont été consultés avant toute opération, et étant données toutes les contingences dont il a fallu tenir compte pour aboutir, les réclamations sont jugées par une Commission Départementale. Les réclamants ne l'entendent pas de cette oreille. Ils en informent la presse et cela fait grand bruit, jusqu'à Paris.

Il est certain que cette hostilité ouvertement déclarée contre les opérations de réorganisation foncière et d'expropriation a contribué à mettre en relief les irrégularités dans les procédures adoptées, et surtout les incohérences ou les vides juridiques nombreux en cette période très troublée (135). Une révision partielle du plan d'urbanisme

131. Entretiens. 132. P. DOFOURNET, Le Bosquel. Révision du Projet de Reconstruction. 1er mai 1946. A.H. AFÜ 10788. 133. Compte-rendu de la lission confiée à P. HAURIN par Monsieur le Ministre. Année 1945. A.D. 80, 15 J3. 134. Réunion d'information du 17 déc. 1945 sur le remembrement du Bosquel. A.D. 80, 15 J3. 135. Le fait par exemple que certains aient reconstruit d'eux-mêmes sur des parcelles dont ils sont expropriés; le fait que, les échanges de parcelles ayant eu lieu, certains ont replanté ou déboisé des terrains nouvellement appropriés... le fait aussi que, compte tenu des expropriations envisagées, le de la commune a donc été entreprise, dans la stricte limite de modifications mineures et par voie amiable. Malgré quelques autres plaintes pas toujours justifiées (136), les présidents communaux se sont réunis le 3 avril 1946 dans le cadre de la Fédération des syndicats agricoles du canton de Conty. Surpris par un certain nombre d'articles diffamatoires à 1'encontre d'une opération somme toute fort bénéfique d'un point de vue agricole, ils ont souhaité faire savoir au monde agricole, par voie de presse également (137), que les cultivateurs du Bosquel sont satisfaits du dernier remembrement. La motorisation croissante nécessitant un remaniement parcellaire et généralisé, l'assemblée des présidents conseille à chaque agriculteur d'être partisan d'un remembrement, afin "d'être toujours à l'avant-garde du progrès" (138). Car il est une évidence: si autrefois un paysan était obligé d'arrêter et de dételer son cheval de la charrue au bout de chaque sillon pour labourer son champ, depuis la réorganisation foncière, il le fait dans une proportion de dix à vingt fois moindre. Tout comme il fait des économies considérables en main d'oeuvre et en temps de travail parce qu'il peut introduire des machines agricoles et qu'il n'a plus à aller d'un bout de la commune à l'autre pour exploiter l'ensemble de ses parcelles. Qui oserait le nier?

5.5. Les résultats du remembrement:

C'est ainsi qu'

"En application de la loi du 9 mars 1941 et de décret du 7 janvier 1942, validée par l'ordonnance du 7 juillet 1945 et l'article 9 de l'ordonnance du 8 septembre 1945 n° 45-2063, complétée par l'arrêté interministériel du 19 octobre 1945, il a été procédé remembrement a été opéré sur des terrains considérés come nus alors qu'après révision du Plan d'Aménagement, les immeubles intacts seront conservés... à cheval sur plusieurs parcelles parfois! 136. Telle celle de ce particulier qui, résidant à Amiens, dit n'avoir jamais été consulté lors du remembrement. Il aurait été oublié dans la liste des habitants et on ne lui aurait pas attribué de terrain en échange du sien. On aurait omis de lui reconstruire sa maison sinistrée. Lettre du 30 avril 1946. A.D. 80, 15 J12. Alors qu'une lettre du géomètre expert chargé des opérations nous apprend que ce monsieur a été régulièrement avisé de toutes les enquêtes et qu'ayant choisi de lui-même de reconstruire sa maison dans un village voisin, on lui a octroyé un terrain qui n'avait plus besoin d'être au centre du village... X. GAY au H.R.Ü. Lettre du 8 juin 1946. A.D. 80, 15 J12. 137. Le Courrier Picard, 8 avril 1946. 138. Communiqué du président cantonal de Conty, le 5 avril 1946. A.D. 80, 15 J12. 69

aux opérations du remembrement rural et urbain de tout le territoire de la commune du Bosquel. Ce remembrement a été clôturé et est devenu définitif ainsi qu/il résulte d'un arrêté de Monsieur le Préfet de la Somme en date du 7 octobre 1946." (139)

5.5.1. L'évolution de la structure des exploitations

Le remembrement terminé, la physionomie de la commune avait changé:

Classes de S 1899 1929 1941 1946

< 5 ha 73 14 2 0 5-10 16 6 3 1 10-20 11 0 2 1 20-50 13 17 11 8 50-100 0 4 3 5 > 100 ha 2 1 1 1

TOTAL 42 27 22 16

Evolution du nombre des exploitations par classe de surface. Source: P. Clergeot, Le Bosquel. Un exemple d'aménagement rural, 1968.

Déjà, le remembrement de 1934 avait entrainé une transformation considérable de la structure des exploitations. Le désenclavement de la majorité des parcelles avait permis l'introduction de la mécanisation et une réduction considérable des charges de travail. Le second remembrement ne fit que conforter le mouvement impulsé au point que seules les unités d'exploitation considérées comme viables étaient conservées, voire consolidées (soit par agrandissement, soit par réduction du nombre de leurs parcelles, soit par un regroupement toujours plus précis des terres les composant). Ainsi, il précipita la disparition des petites et très petites fermes déjà presque économiquement condamnées. En revanche, il favorisa et conforta l'implantation et la pérennité des exploitations de taille moyenne.

139. A.D. 80, 15 J12. 70

Un parcellaire tout-à-fait différent:

En 1940 En 1945

Parcelles cadastrales 1.519 599

Surface moyenne d'une 75,37 ares 1 ha 91 parcelle cadastrale

Ilots de propriété 1.323 599

Surface moyenne d'un 86,56 ares 1 ha 91 ilôt de propriété

Ilots de culture 529 69

Surface moyenne d'un 1 ha 47 11 ha 82 ilôt de culture

Longueur des chemins 21 km 18,2 km

Source: H. GAY, "Les remembrements du Bosquel", si, nd. Archives privées.

Le remembrement terminé en octobre 1944, pour les seize exploitants, il n'existe plus que 73 ilôts de culture dont le plus petit mesure 30 hectares et le plus grand 185 hectares; alors qu'en 1935, il y en avait encore 555. C'est ainsi que la plus grande exploitation du village, alors en pleine propriété, ne compte plus qu'une parcelle pour une superficie de 185 hectares, alors qu'en 1934, elle en comptait plus de 30. Le remembrement aurait permis de réaliser une augmentation de rendement de 30 % à l'hectare et une baisse de frais de l'ordre de 30 à 40.000 francs à l'hectare (140). Cela s'explique aisément du fait qu'ayant cherché à regrouper les terres d'un même exploitant, les opérations ont entraîné une multiplication par dix de la surface moyenne des ilôts de culture ainsi qu'une amélioration de leur viabilité. Aussi, l'augmentation de la superficie moyenne des parcelles d'exploitation s'accompagnait-elle également d'une diminution de plus de moitié du nombre des ilôts de propriété. De la même manière, suivant le principe du remembrement d'exploitation et non plus celui du remembrement de propriété,

140. "un village détruit s'est enrichi...", Le réveil de Neufchâtel, 16 mai 1951. 71 quelques changements furent apportés dans les relations entre bailleurs et preneurs. La redistribution des parcelles s'étant effectuée au profit des locataires par regroupement des terres d'un même propriétaire entre les mains d'un seul fermier, le nombre de bailleurs par preneur diminua de moitié voire davantage. Une nouvelle répartition des biens nécessitait un nouveau réseau de chemins pour les desservir. Parce que rayonnant à partir du centre du village, l'ancien réseau mis en place lors du premier remembrement fut en grande partie conservé et élargi pour permettre la traversée des machines agricoles. Il était parfaitement adapté à l'organisation concentrique du plan d'aménagement prévu. Devenus inutiles, les chemins transversaux quant à eux furent pour la plupart supprimés, tout comme fut supprimé l'ancien tour de haie, vestige d'un ' ancien droit d'usage.

D'un point de vue qualitatif, les avantages du remembrement sont donc considérables:

"bâtiments de fermes entourés de pâturages, utilisation de moyens mécaniques puissants, {•--) rapidité des moyens mis en oeuvre, desserte facile des parcelles, amélioration des cultures et des rendements, indépendance des assolements..." (141),

autant de résultats positifs à mettre à l'actif des promoteurs de la Reconstruction.

141. H. GAY, "Les remembrements du Bosquel", si, nd. Archives de Marcel GAY. 72

6. Le Bosquel sous la reconstruction

"Le village semble un campement de bohémiens abandonné. " (142)

Les allemands partis, il a fallu s'organiser. La reconstruction proprement dite ne commencera qu'aux alentours de l'année 1945.

6.1. L'équipe des architectes d'opération:

C'est dans le cadre d'une circulaire ministérielle que les sinistrés qui en faisaient la demande ont été informés de la liste générale des architectes qui ont manifesté le désir de travailler dans la région. Libre à eux de choisir celui qui leur convenait (143). Par un courrier du 22 février 1945, Paul DUFOURNET demande au chef du Service des Matériaux, des Transports et des Constructions Provisoires du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (144) de désigner Jean BOSSU, Pierre DUPRE, Louis MIQUEL, Maurice GRANDJEAN et Raymond SENEVAT comme architectes chargés de l'édification des constructions provisoires. Mis à part Maurice GRANJEAN, tous les architectes placés sous la direction de Paul DUFOURNET (145), étaient d'anciens élèves de LE CORBUSIER. Spécialisés dans l'habitat rural, la plupart d'entre eux avaient participé aux travaux du chantier 1425 dirigé par Georges HENRI RIVIERE. Paul DUFOURNET souhaite leur collaboration du fait qu'ils connaissent bien les réalités du monde agricole. Il veut s'entourer d'une équipe convaincue de la nécessité de prendre en compte des considérations d'ordre socio-économique dans les réflexions d'aménagement. Peu lui importe qu'ils soient ou non admis à l'Ordre, des Architectes (146).

142. L'expérience du village de demain, Aux Armes. Revue du peuple français et de son armée, (19), juin 1946. 143. Sous réserve que le volume des travaux de ces derniers ne dépasse pas le plafond assigné. L'Ingénieur des Ponts et Chaussées à Paul DUFOURNET. Lettre du 22 octobre 1943. A.D. 80, 15 J12. 144. P. DUFOURNET au Chef du service des Matériaux, des Transports et des Constructions Provisoires. Lettre du 22 fév. 1945. A. D. 80, 15 J3. 145. Jean BOSSU, Denis HIQUEL, Pierre DUPRE.... 146. Si cela est vrai lors de leur "recrutement", Paul DUFOURNET souhaite que par la suite, ils soient admis à l'Ordre afin qu'ils soient officiellement habilités à se prévaloir d'être mandatés par le H.R.U. Lettre du 2 mai 1945, A.D. 80; 15 J3. 73

Bien qu'ils aient tous contribué à l'édification des bâtiments de la première ferme (la ferme QUESNEL), les architectes d'opération se répartirent par la suite les autres fermes et maisons d'habitation à reconstruire. Ils travaillaient en étroite collaboration avec Paul DUFOURNET auquel ils soumettaient leurs projets de plans. S'ils soumettaient ces plans à leurs clients, s'ils en discutaient certaines modifications, et sauf intervention des pouvoirs publics, il semble qu'il n'y ait guère eu moyen de leur faire abandonner leur projet, dans les grandes lignes tout du moins. Quels qu'aient été leurs souhaits en la matière, ils se devaient toutefois de respecter autant que possible les directives du Ministère de la Reconstruction, directives consignées dans deux fascicules supposés présenter l'essentiel des règles à suivre (147).

5.2. La main d'oeuvre:

L'Etat a fait appel à des entreprises locales pour mener à bien les chantiers de la Reconstruction: déblaiement, dessouchage, adduction d'eau, implantation des bâtiments... Quelques incidents ont marqué l'intervention de la première d'entre elles (désorganisation des chantiers, soulèvements d'ouvriers, intervention des syndicats...) (148). La COGETRAVOC qui lui succéda se révéla parfaitement compétente pour mener à bien les travaux entre-temps interrompus. Ce sont 500 hommes qui sont concernés. En mars 1945, un camp de jeunes a été installé non loin du cimetière. Ce sont les "jeunesses à PETAIN".

"Ils portaient le béret. Ils chantaient "Maréchal nous voila!" et tous les jours au iaatin, ils hissaient le drapeau. Ca marchait comme à l'armée."(149)

Jeunes orphelins ou jeunes délinquants, ils dépendent du service des jeunes du ministère du Travail. Ils doivent contribuer à déblayer les décombres, puis à réaliser les travaux de la déviation de la route nationale. Ils sont logés à la même enseigne que les villageois. Pour améliorer leurs conditions d'existence, pour "occuper leurs heures creuses", on leur installa cependant une cuisine dallée, un foyer, une

147. Reconnandations— 148. Conpte-rendu de la cission confiée à P. KAUBIN par Konsieur le Hinistre. Année 1945. A.D. 80, 15 J3. 149. Entretiens. 74 bibliothèque. On demanda même la présence d'une assistante sociale pour être à leur écoute. Une trentaine d'entre eux ont été réquisitionnés pour l'exploitation de la carrière de pierre de Conty. Une soixantaine est placée sous la responsabilité de la COGETRAVOC. Ils sont encadrés par des ouvriers spécialisés. Cependant, "Ces jeunes n'ont pas été dirigés sur le Bosquel uniquement pour fournir tout ou partie de la main d'oeuvre nécessaire au relèvement du village, mais aussi pour y recevoir une orientation professionnelle et la préparation au métier qu'ils ont choisi." (150)

Aussi, la COGETRAVOC s'est-elle employée à les regrouper selon leurs aspirations et prédispositions (maçonnerie, menuiserie, charpente, couverture, ferraillage, coffrage...). Son directeur étant inspecteur de l'enseignement technique dans les écoles de bâtiment de la ville de Paris, la notion d'orientation professionnelle prend alors tout son sens. Il est même proposé que des certificats sanctionnent le travail et les efforts fournis par ces mineurs. Par contre, leur intervention seule n'est guère suffisante. On envisage de tirer profit de la présence d'un grand nombre de prisonniers de guerre.

"Le M.R.U aurait à constituer un commando spécial. Les prisonniers de guerre pourraient toucher les rations de travailleurs de force (...). Il faudra aussi faire parmi eux un tri des spécialistes utilisables." (151)

Les gens du Bosquel se souviennent encore des rails et des petits wagonnets avec lesquels on charriait les gravats. Le soir et le dimanche, les enfants les utilisaient pour jouer au petit train.

6.3. De nouveaux procédés de construction

Le torchis a été définitivement abandonné au profit de matériaux plus nobles, plus faciles à entretenir et surtout adpatés aux nécessités d'économie et de rapidité. Des matériaux locaux, utilisés à l'état brut, ne nécessitant pas de transport, des éléments de construction préfabriqués, l'intervention d'ouvriers non spécialisés et l'exécution des

150. Coipte-rendu de la mission confiée à P. HAURIN par Monsieur le Ministre. Année 1945. A.D. 80, 15 J3. 151. Conférence du Bosquel du 2 novembre 1945. A.D. 80, 15 J12. 75

travaux par une seule et même entreprise sont les garants d'une reconstruction à moindre coût. Mais pour vérifier l'intérêt de telles propositions, il faut construire "une maison d'essai" (152). "Cette première ferme doit être au Bosquel ce que le Bosquel doit être à la reconstruction rurale, c'est-à- dire la construction témoin qui permettra la mise au point des dispositions générales, des techniques diverses et des procédés de construction avant de passer à la construction générale du village."(153)

Ainsi, malgré les réticences des bosquellois (154), les fondations de la première ferme sont en béton de cailloux, mais les murs porteurs sont en béton de terre (155). Les murs extérieurs sont laissés nus. Tous les encadrements de baies, lanterneaux d'éclairage, abat-foin (156)... sont en ciment moulé, préfabriqué. Les planchers sont en béton armé coulé sur place. Les charpentes sont confectionnées en bois assemblé et les couvertures en ardoises. Le choix du béton de terre (157) relève d'un souci d'économie fort justifié en cette période de pénurie de matériaux. C'est ainsi par exemple, qu'il n'est pas besoin de faire acheminer du sable puisque les constructeurs utilisent une terre argilo-sableuse qui se trouve à proximité du chantier. Le parement du béton de terre étant d'un bel aspect, il est d'autre part inutile de prévoir des enduits extérieurs, d'où une nouvelle économie de ciment (158). De la même manière, en matière de reconstruction des bâtiments d'exploitation, un principe simple consiste à tenir compte de l'évolution des techniques agricoles: les étables

152. R. AUZELLE, P. DUFOURNET, "Hôte présentant la pensée des auteurs sur la reconstruction rurale", si, nd, A.D. 80, 15 J3. 153. P. DUFOURNET, "Rapport relatif à la construction de la prenière ferme du Bosquel", si, nd. A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 154. Le béton de terre n'était pas un matériau suffisamment noble. Ils auraient préféré que l'on emploie du ciment, cf P. DUFOURNET, "une expérience de construction en béton de terre stabilisé", Cahiers du Centre Scientifique et Technique du bâtiment (81), 1950, pp. 20-21. 155." Le béton de terre stabilisé est l'amélioration conduite d'une manière scientifique, d'un procédé de construction très ancien et très répandu dans différents pays où il a donné d'excellents résultats: le pisé de terre." in: P. DUFOURNET, "Une expérience de construction en béton de terre stabilisé", Cahiers du Centre Scientifique et Technique du bâtiment (81), 1950, pp. 7-23. 156. Sorte de tuyau en béton qui laisse tomber du grenier le foin qu'un couloir de circulation permet de distribuer aux bêtes. 157. "Béton de terre stabilisé à 100 kg de ciment par mètre cube pour les murs extérieurs et en agglomérat pur sans ciment pour les murs de refend". P. DUFOURNET, Projet de reconstruction du Bosquel. Rapport relatif à la construction de la première ferme, Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, sd, A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 158. P. DUFOURNET à H. HORIN, Ingénieur. Lettre du 2 mai 1945. A.D. 80, 15 J3. étaient-elle devenues trop exiguës? Il s'agit de leur offrir plus d'espace. Les récoltes demandent-elles à être rentrées? Il suffit de prévoir un grand gerbier. Les machines font-elles leur apparition? Les accès aux bâtiments seront élargis...

6.4. La construction des fermes modèles

L'implantation des bâtiments a été déterminée par le relief et l'exposition. C'est ainsi que certaines cours de ferme ont un côté courbe (parallèle aux courbes de niveau) et oblique par rapport à la rue. A la suite du chantier QUESNEL,

Ferme " (... ) qui devait servir de cobaye tant au point de vue des procédés de construction et des prix de revient qu'au point de vue des commodités offertes à l'exploitant." (159) pour des raisons d'économie et de rapidité d'exécution, et parce que le ciment était de nouveau en abondance suffisante, le béton de terre stabilisé fut définitivement abandonné. Pour tous les autres chantiers, on adopta le principe des portiques de béton armé entre lesquels un matériau de remplissage est disposé: ce sera la brique pour les habitations et le parpaing de béton de terre pour les exploitations et les annexes. Une des fermes est décrite comme étant une ferme omnibus (160). Elle répond au principe des fonctions multiples dans un local unique. Le travail dé l'agriculteur y est rationnalisé à la manière du travail de l'ouvrier en usine. Le hall de l'étable par exemple, peut recevoir toutes sortes de bétails, selon l'état des marchés. On y trouve notamment un fumier couvert qui permet une stabulation libre. De même, un pont roulant le long de la fumière ouverte assure des translations longitudinales et transversales. Les équipements y sont interchangeables. Les autres fermes sont dites à économie familiale. Leur composition, leurs structures tendent à privilégier une exploitation du type qualitatif et non un rendement meilleur qui participerait à un développement économique. Pour certains, la première ferme ressemble indiscutablement à un blockaus (161). En Picardie, on n'est guère habitués à ce genre de construction. On la décrit comme

159. Rapport du Délégué Départemental à la Reconstruction du 15 oct. 1945. A.D.80, 15 J3. 160. J. BOSSU, Techniques et Architecture (34), 1946, p. 136. 161. "Le reiembreient est une étape indispensable", Journal Agricole, 27 mars 1946. 77 un simple "rectangle percé de six fenêtres". Le toit plat surprend dans une région où les pluies sont fréquentes. L'absence de grenier dérange.

6.4.1. Les maisons d'habitation

Toujours placées aux abords de la route pour, faciliter les rapports avec le village ainsi qu'une certaine surveillance de l'entrée, les maisons d'habitations respectent toutes un modèle type. On y trouve généralement un vestibule avec lavabo et porte-manteaux. Cette entrée donne directement soit sur une salle-cuisine, soit dans une grande salle à manger contiguë à une cuisine par laquelle elle communique parfois par un passe- plats. La laverie qui ne se trouve jamais très loin est toujours proche d'un cellier. On a pensé à réserver une petite pièce qui fait office de bureau pour les comptes ou la réception des employés. Enfin, WC et chambres se répartissent au rez-de chaussée et à l'étage où on trouve aussi une salle de bains. Accolés à la maison d'habitation, on trouve parfois une buanderie, une laiterie, une laverie pour les ustensiles de la ferme, une chambre de domestiques parfois, un bûcher pour le bois de chauffage et un garage pour les véhicules utilitaires. Les architectes avaient tout de même pour consigne de respecter autant que faire se pouvait les avis des sinistrés. Avant toute réalisation sur le terrain, les plans des futures constructions étaient donc soumis aux intéressés et remanier si besoin était. Les remaniements devaient consister en aménagements, non en transformations des structures proposées. Agrandir une cuisine au détriment d'une salle à manger, supprimer un'passe-plats, perfectionner la fonctionnalité d'un bâtiment agricole en tenant compte de l'expérience des cultivateurs... étaient envisageables. Changer d'orientation ou déplacer l'entrée principale également. Déplacer la maison par rapport aux bâtiments d'exploitation l'étaient moins. Modifier quelques éléments mineurs, oui; bouleverser l'esprit même de la Reconstruction, non. Mais tout dépendait de l'architecte. Un simple changement accordé par l'un prenait les proportions d'une dénaturation source de conflits pour les autres. Tout dépendait aussi de la perception que le sinistré pouvait bien avoir des conditions dans lesquelles il allait pouvoir de nouveau vivre et travailler. N'oublions pas que les hommes n'étaient pas tous là 78 et que ce sont souvent leurs femmes, seules, ou des personnes âgées, qui durent donner des avis.

"Au point qu'à leur retour de captivité, on a voulu nos maris modernisés." (162j

Et puis, ces architectes représentaient la Science, du moins un certain savoir, et l'Etat. Qui plus est, à moins d'être attaché au passé au point de refuser d'habiter la nouvelle construction,

"... quand on n'a plus rien! on est prêt à tout accepter..." (163 j

Il semblait donc difficile de remettre en cause leurs plans. A posteriori seulement, on se rend compte qu'un meilleur dialogue aurait peut-être évité certaines rancoeurs. Et si en ce temps là, certains considéraient par exemple que les baignoires seraient utilisées comme abreuvoirs dans les pâtures, d'autres pensaient que "si eux ne s'en servaient pas, leurs enfants sauraient en profiter". De même, si plutôt que d'installer des waters, certains ont préféré élever des lapins dans la pièce prévu à cet effet, leurs petits-enfants ont bien aménagé les lieux comme on.l'imaginait pour eux.

6.4.2. Les bâtiments d'exploitation:

La note justificative des architectes sur les dispositions générales à adopter pour la construction des bâtiments d'exploitation donne les indications suivantes (164): L'écurie est placée dans la partie du bâtiment la plus voisine de l'habitation pour en faciliter la surveillance. Elle comporte un box de juments poulinières, des stalles pour chevaux, des portes-harnais, des mangeoires et des râteliers individuels, un coffre à avoine directement relié à la mélangerie. La hauteur sous plafond doit être de 5 m, le couloir de service de 3,35 m (ce qui correspond au "recul de chevaux de grande race"). Les portes ont une largeur de 1,55 m, "le fumier étant enlevé par ia benne du transporteur". Les sols sont en béton de ciment et comportent des rigoles. L'étable doit être connexe avec là mélangerie et la furniere. Elle comprend deux rangs d'animaux mis dos à dos, avec

162. Entretiens. 163. Entretiens. 164. Rapport du 6 nov. 1945. A.D. 80, 15 J3. un couloir central pour le service et des couloirs latéraux pour l'alimentation. Leurs dimensions sont également très précisément calculées en rapport avec l'envergure du système d'enlèvement du fumier et de celui de l'alimentation. L'espace entre les bêtes est de 1,10 m "pour procéder à la traite et assez étroit pour que les bêtes restent perpendiculaires au couloir de service et ne souillent pas leur place". La bergerie se compose de crèches doubles mobiles et d'auges volantes "permettant de former des groupes ou d/isoler brebis et béliers au moment de la parturition". La mélangerie doit comporter un certain nombre d'instruments dont un mélangeur, un brise-tourteaux, un hache- paille... La "cuisine à porcs" abrite un cuiseur électrique, un concasseur, des bacs de mélange... La mélangerie et la "cuisine à porcs" communiquent avec les réserves à grains ou tubercules. Entre les deux, on doit pouvoir installer des silos à orge, à blé ou à seigle, une trémie d'issue du grenier à avoine, une trémie d'issue des menues pailles, un monte-charge pour les pommes de terre et les betteraves. Le bâtiment d'exploitation abrite aussi un fenil et des greniers à céréales ensachées. Le foin y est emmagasiné sur le plancher haut de l'espace réservé aux bêtes. Un système d'abats-foin assure 1'emmagasinement des rations quotidiennes et leur descente dans les étables. Les caves et les silos-cuves sont accessibles par des soupiraux. Des monte-charges permettent d'en remonter le contenu. L'éclairage du bâtiment est vertical et de type indirect "réalisé par chassis placés en lanterneau au dessus du plafond évitant l'éblouissèment des bêtes.". Il est prévu que les chassis s'enlèvent pour la ventilation. A proximité du bâtiment d'exploitation se trouvent la porcherie, les fumières et le gerbier ou hangar agricole. Les bâtiments sont espacés les uns des autres en vue de favoriser la protection contre l'incendie. Les annexes du bâtiment d'exploitation peuvent être aussi le garage à tracteur, un petit atelier de réparation, une "chartrie" qui sert à 1'abris des charrettes, un poulailler, des clapiers.... 80

6.4.3. L'adduction d'eau:

Comme nous l'avons évoqué plus haut, avant la guerre de 40, le village s'approvisionnait à un puits communal. Son débit était si faible en été que les agriculteurs devaient se rendre à Conty, 5 km plus loin, pour avoir de l'eau. Dès la fin de la guerre, le village de Dieulefit dans la Drôme fait don d'une enveloppe au Bosquel. Cela lui permet de construire un nouveau puits, profond de 95 mètres. Alors on put songer à alimenter toutes les fermes en eau. En attendant que le réseau de canalisations d'eau potable soit installé, le service d'eau courante du village est alors assuré par un réseau de canalisations provisoires en tubes d'acier posés à même le sol. Pour parer au plus pressé et parce qu'un plan existait déjà pour avoir servi en un autre lieu, c'est VAUBOURDOLLE qui impose en quelque sorte le réservoir (165), sans se soucier le moins du monde d'esthétique ou d'intérêt local.

6.4.4. La distillerie:

Le projet d'aménagement et de reconstruction du village prévoyait l'installation d'une distillerie coopérative. "Elle devait permettre le développement de la culture de la betterave et contribuer à améliorer considérablement la richesse du pays et des exploitants (...)." (166)

Cinq hectares du territoire communal ajoutés à 3,30 ha prélevés sur des terrains privés devaient servir à sa création. Cette distillerie ne fut jamais construite. Le terrain qui lui était destiné est aujourd'hui en location. Une association foncière en assure la gestion. Les revenus sont versés au budget communal et servent à l'entretien de la voierie.

165. "Cette attitude illustre bien l'antagonisme entre les conceptions des architectes et celles du Ministère de la Reconstruction: l'idée de faire progresser les techniques et modes de construction se heurtait à l'utilisation des techniques existantes pour aller plus vite. VAUBOURDOLLE faisait alors remarquer que c'est ainsi qu'il avait réalisé 1'electrification de la ligne SNCF PARIR-LE MANS, sans innovation, et en temps voulu." Paul DUFOURNET. Entretiens. 166. R. LACOURLIE. Lettre du 20 décembre 1944. Archives du Génie Rural à Amiens. 81

6.4.5. L'église

Datant de 1790, l'église avait été sérieusement touchée par les bombardements, mais elle restait debout, du moins ses murs calcinés. Sa démolition fut à nouveau l'occasion de faire éclater quelque polémique. Les partisans de sa restauration soutenaient qu'elle pouvait être réparée et que tout du moins, on aurait pu conserver ses pierres pour les utiliser ultérieurement. Les partisans de sa démolition considéraient pour leur part que construite en moellons de craie, maçonnée avec de la terre, elle avait tant souffert du feu que sa résistance devait en être amoindrie au point de la rendre dangereuse. Aussi, l'église fut elle détruite. D'aucuns prétendent que ses pierres ont été broyées pour être employées au remblai, d'autres qu'elles ont été mises de côté (167).

"Le gros oeuvre en était encore si solide que le tracteur, tirant un câble fixé au mur, se cabra comme un cheval." (168)

Plus tard, une église nouvelle, d'un style plus moderne s'éleva à la même place que l'ancienne. Il s'agit en fait du résultat d'un travail réalisé par un architecte d'opération qui s'est inspiré de l'église conçue par Emmanuel GONZE à dans la Somme (169). On baptisa ses cloches en 1952, comme pour signifier que sa réédification avait pris tout son sens. Ces cloches sont considérées comme des

"personnes vivantes qui sont toujours placées aux lieux d'honneur parce qu'elles doivent écarter le mal."

C'est l'évêque d'Amiens, Monseigneur STOURM, qui est venu lui-même bénir l'inauguration de l'église. Après en avoir fait le tour extérieur puis le tour intérieur, les fidèles furent invités à pénétrer dans les lieux pour assister à la messe. La cérémonie prit fin par une bénédiction de la statue de Sainte- Thérèse suivie d'une procession rituelle. Ce n'est qu'après le déjeuner que les cloches, suspendues à une rampe fleurie posée devant le choeur, furent bénies. A la fin de la liturgie, les

167. P. DÖFOÜBNET, Eléments d'une réponse aux "libres propos" de M. DELAHAÎE. 26 mars 1946. A.N. AFU 10788. 168. G. DELAHARE, Libres propos. 26 mars 1946. A.N. AFÜ 10788. 169. Paul DUFOURNET. Entretiens. 82 parrains des cloches les firent sonner pour la première fois à toutes volées. Leur son retentit jusqu'au soir, tous les villageois ayant défilé pour les ébranler et recevoir les dragées traditionnelles du baptême de la main des parrains (170).

6.4.6. La mare:

Il y a les partisans de sa conservation et ceux qui en souhaitent la disparition. Ces derniers n'y voient qu'une vulgaire zone marécageuse, danger permanent tant pour les enfants que pour l'ensemble des villageois:

"Il y a lieu de supprimer la mare maintenue par l/urbaniste au centre du village, quel que soit le nom dont on la baptise, bassin ou plan d'eau, elle n'en demeure pas moins néfaste pour la salubrité de l'habitat." (17i;

Les premiers arguent de son utilité comme réservoir d'eau en cas d'incendie, mais aussi en tant qu'abreuvoir pour les animaux lorsque l'eau viendrait à manquer (172). Son pourtour maçonné et planté d'arbres milite par contre en faveur de son côté esthétique.Paul DUFOURNET ne parle-t-il pas d'ailleurs de "miroir d'eau" dans lequel se refléterait l'image de l'église?

"L'ensemble que formeront après la reconstruction l'église, l'eau et les arbres que l'on plantera doit être du meilleur effet." (173)

En fin de compte, le Comité National à la Reconstruction se prononce pour le maintien de ce plan d'eau, à titre décoratif, à condition qu'il soit muni d'une clôture destinée à empêcher les animaux d'en polluer l'eau (174).

170. Entretiens. 171. Le ministre secrétaire d'Etat à l'Agriculture à l'Ingénieur en Chef du Génie Rural. Lettre du 26 déc. 1942. A.D. 80, 15 J3. 172. P. DUFOGRHET. Enquête sur le Bosquel réalisée pour le délégué régional à la Reconstruction Immobilière, le 15 juillet 1942. A.D. 80, 15 J3. Extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal du Bosquel. 31 mars 1942. A.H. AFÜ 10788. 173. P. DUFOÜRHET. Lettre du 15 juillet 1942. A.D. 80, Fonds P. DÜF0URNET. 174. Avis du Comité National de la Reconstruction sur le Plan de Reconstruction et d'Aménagement du Bosquel. Le 18 décembre 1942. A.N. AF0 10788. 83

6.4.7. L'école des 20.000 pierres

C'est en juillet 1942 que les prisonniers du Stalag IIB décident d'ouvrir une collecte afin d'offrir une école à un village de France particulièrement éprouvé par la guerre. Soumis au maréchal PETAIN, leur projet se concrétisa. Ils purent choisir entre trois noms de localité où les écoles avaient été détruites. Il semble que la présence parmi eux du fils d'un habitant du Bosquel les fit se décider pour ce village (175). Il y avait à peu près 25.000 français inscrits au Stalag IIB. En donnant un mark, chaque prisonnier apportait sa pierre pour reconstruire l'école. C'est ainsi que les prisonniers du Stalag II B ont envoyé l'équivalent de 200.000 francs français destinés à l'édification de la nouvelle école. Le projet du nouveau bâtiment avait été conçu par Jean BOSSU et Paul DUFOURNET (176) en novembre 1945, mais l'école ne put être édifiée qu'au cours de l'année 1951.

6.4.8. Une exposition sur la Reconstruction à Amiens?

Le C.R.I projeta d'organiser une exposition sur la reconstruction à Amiens en septembre 1942. Les épreuves du concours d'Etudes Provinciales pour la Picardie y seraient exposées conjointement à une exposition d'urbanisme. Le plan d'aménagement du Bosquel devant y figurer, Paul DUFOURNET ayant fait une collecte d'objets trouvés après les bombardements, se propose de les exposer "afin de donner à penser ce qu'était autrefois la vie au village" (177). Il s'agissait de taques foyeres, de tuiles faitières, de pentures et entrées de serrures, de poteries, d'enseignes... (178)

6.4.9. La fin de la Reconstruction?

C'est par un courrier du Secrétariat d'Etat à la Reconstruction que Paul DUFOURNET apprend "qu'en raison des mesures générales de compression budgétaire" il a été décidé que son poste d'architecte en chef devait être supprimé, la

175. Conférence du Président du Stalag IIB, Le Bosquel, juin 1991. 176. Conférence du Bosquel du 26 oct. 1945. A.D.80, 15 J3. 177. P. DOFOOBHET à l'Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Lettre du 31 août 1942. 178. Voir annexe 1. 84 mission de Paul DUFOURNET s'achève donc le 29 février 1948 (179). Dorénavant, le Bosquel est englobé dans le secteur du département de la Somme dont Emmanuel GONSE est l'architecte en chef.

179. Lettre du 17 novembre 1947. A.D. 80, 15 J12. 85

7. Les aléas de la reconstruction

La question du financement deviendra assez vite du ressort de l'Etat. Or, un manque de moyens certain, un manque de main d'oeuvre aussi, auront tôt fait de freiner considérablement les travaux escomptés. Déblayer, déminer, rectifier, remembrer, aménager, procéder à l'adduction d'eau, d'électricité.... couvriront une période relativement longue. La reconstruction proprement dite n'en sera pas moins longue.

7.1. L'arrêt des chantiers?

Si dans ce village, les opérations de remembrement et les travaux d'aménagement de la voierie sont terminés; si sur les quinze fermes à reconstruire, trois sont presque achevées alors qu'en France la reconstruction n'a pas encore débuté, des conditions économiques, et des considérations d'ordre administratif et réglementaire vont à plusieurs reprises remettre en cause les opérations déjà engagées. Fallait-il donc abandonner l'expérience engagée au Bosquel, jusque là entièrement approuvée par l'Administration, et laisser chacun reconstruire à sa manière? Ne valait-il pas mieux continuer les chantiers en dépit d'un ajustement aux droits à dommages revus à la baisse? En octobre 1945 déjà, parce que conçus à partir des besoins déclarés par les sinistrés sans tenir compte du calcul du montant de leurs droits réels, il était apparu que les plans de reconstruction des premières fermes étaient "trop grandioses" (180). Il fallut alors reprendre les projets. Continuant de soutenir l'idée du village-témoin, l'équipe des architectes ne pouvait qu'abonder dans ce sens, ne serait-ce que pour la crédibilité de leurs réalisations. Le 11 novembre 1946, Paul DUFOURNET fait le point (181). Les architectes ont travaillé jusque là suivant des normes, prescriptions et instructions ministérielles dont les coûts étaient fondés sur une certaine évaluation des droits à dommages de chacun. Faute de crédits suffisants, le ministère s'est vu dans l'obligation de penser à un nouveau calcul des possibilités d'indemnisation. Que faire alors des chantiers en cours? Devait-on les modifier en fonction des nouveaux barèmes?

180. Conférence du Bosquel du 4 oct. 1945, A.D. 80, 15 J3. 181. P. DÜFOÜRNET, Note relative au financenent de la reconstruction du Bosquel, 11 nov. 1946, A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 86

Devait-on ajuster les plans des fermes dans le sens d'une réduction des surfaces à reconstruire? Devait-on continuer et faire payer la différence aux sinistrés? En l'absence d'une réponse claire et définitive, on décide de suspendre l'ouverture d'un nouveau chantier au Bosquel. La concrétisation du plan d'aménagement se trouve alors fort compromise. En février 1947 (182) les heurts entre les .architectes et l'administration sont tels que les chantiers doivent s'interrompre. Depuis février 45, 1.200 mètres de routes, un chateau d'eau et les fondations de trois fermes ont été réalisés. Mais, d'un point de vue financier, ce résultat se solde par un déficit de 40 millions de francs. Qui plus est, les architectes ne sont pas payés. Le reconstruction a dépassé les droits des sinistrés (183). En réalité, c'est la ferme QUESNEL, première ferme à faire l'objet d'une reconstruction, première ferme à devoir servir de terrain d'expérience, qui est concernée. Afin de ne léser personne, afin de respecter l'idée d'une phase expérimentale dont cette ferme est le support, sa reconstruction continue comme prévu. Mais, la réalisation des fermes suivantes doit respecter les possibilités des ayants- droit. M. CAZAUD, le délégué départemental à la Reconstruction s'en inquiète:

"Nos services ont dû interrompre provisoirement les travaux afin de les reprendre sur des données plus sûres." (184)

Si les crédits d'Etat alloués au Bosquel pour sa reconstruction sont effectivement épuisés, les nouveaux chantiers devront être entrepris sur les crédits des dommages de guerre, c'est à dire que les prochaines constructions devront se concevoir dans les limites de l'enveloppe impartie au titre de réparation des dommages causés par la guerre. C'est en ce sens qu'une coopérative de reconstruction est créée au village. Ainsi

"la reconstruction du Bosquel, trop longtemps vouée à l'incertitude, va rentrer dans la norme." (185)

182. "On reconstruit pour démolir", Aux écoutes, 7 février 1947. 183. "La reconstruction du Bosquel se poursuivra sur des données nouvelles", Le Courrier Picard, 10 avril 1947. 184. "La reconstruction du Bosquel se poursuivra sur des données nouvelles", Le Courrier Picard, 10 avril 1947. 185. "La reconstruction du Bosquel: Il reste beaucoup à faire nais quatre femes seront terminées dans l'été", Le Courrier Picard, 10 mai 1947. 87

C'est dans ce contexte que Gilbert QUESNEL s'entend dire que

"le calcul des unités auxquelles lui donnent droit les surfaces de ses bâtiments sinistrés ayant été définitivement mis au point, l'Etat ne prendra à sa charge que 82 % du montant des nouvelles constructions."

Il avait alors le choix entre régler de lui-même les 18 % restant ou bien ne pas reconstruire un des bâtiments prévus (186).

7.2. Les relations entre architectes et sinistrés:

Lors de l'une des conférences hebdomadaires organisées par le Ministère de la Reconstruction au Bosquel, on apprend qu'excepté Maurice GRANDJEAN, les architectes d'opération n'ont guère tenu compte des objections des sinistrés (187). Il semble qu'ils aient conçu leurs plans dans l'absolu, sans s'inquiéter des souhaits ou des besoins réels de leurs clients. L'affaire est d'importance puisque le délégué du Ministère de la Reconstruction chargé d'en éclaircir les raisons préconise, non sans ironie, qu'une personne, "gui fut un cultivateur connaissant son métier" se charge de traduire les demandes de l'un d'eux aux "architectes parisiens" (188). C'est ainsi que l'on recommande aux architectes de prendre un contact étroit avec les villageois afin de respecter aussi fidèlement que possible leurs desiderata. Dans une autre de ces conférences (189), il est précisé que les sinistrés sont libres de proposer toutes modifications jugées opportunes, dans le strict cadre cependant du nombre de points auxquels ils ont droit. Ils doivent être informés "et parfois écoutés" (190). Dans ce but, des réunions étaient régulièrement provoquées afin de mettre les parties en présence, afin que les cultivateurs puissent se faire entendre des architectes. Les travaux ne pouvaient être exécutés qu'après approbation signée du sinistré, des fiches ayant été prévues à cet effet (191).

186. P. DÜPRE à H. QUESNEL. Lettre du 13 oct. 1945. A.D. 80, 15 J3. 187. Conférence du Bosquel du 7 nars 1946. A.D. 80, 15 J3. 188. Idem. 189. Conférence du 17 janvier 1946. A.D. 80, 15 J12. 190. Lettre aux architectes du 20 février 1946. A.D. 80, 15 J12. 191. Conférence du 7 février 1946. A.D. 80, 15 J12. 88

7.3. Les expropriations:

Afin de mener à bon terme le projet d'aménagement, il fallait procéder à des expropriations. Les unes concernaient des exploitants qui allaient changer d'emplacements, mais certaines touchaient des particuliers qui allaient devoir accepter un transfert de leur habitation en un .autre lieu du village. Concernée par ce changement, une famille n'en veut point, considérant qu"on l'oblige à s'expatrier jusqu'à Madagascar" (192). Frappés d'alignement, d'autres s'insurgent contre la mesure dont ils font l'objet au point que le Conseil Municipal demande au Préfet de la Somme de

"réduire les expropriations au strict minimum que seul un intérêt public nettement caractérisé impose spécialement." (193)

Des habitants s'oppposent à la poursuite des travaux:

En 1945, un changement de municipalité s' accompagne d'une vague d'oppositions à la continuation du programme de reconstruction. D'aucuns estiment que si le remembrement a été largement favorable à certains, il ne l'a pas été pour tous. D'autres considèrent qu'il est injuste que deux exploitants soient restés au centre du village alors que le projet prônait l'installation des exploitations en périphérie (194). La nouvelle mairie du Bosquel exige une révision partielle du projet de remembrement et refuse l'idée d'exproprier sous prétexte d'alignement les quelques maisons restées debout. Aussi, afin d'en écarter la menace, l'architecte en chef Paul DUFOURNET s'est vu obligé d'offrir d'étudier un "ajustage (des parcelles) pour certains cas particuliers (...), seul moyen de sauvegarder l'ensemble (de l'oeuvre en cours) (195). De même, ceux qui souhaitent ne pas être reconstruits ne seront donc pas reconstruits. Au printemps 1946, une pétition émanant de certains habitants du Bosquel est envoyée au Ministère des Finances et

192. Entretiens. 193. Le Conseil Municipal au Préfet. Lettre du 16 mars 1946. A.D. 80, 15 J12. 194. P. DUFOURNET à l'Ingénieur en Chef du Génie Rural. Lettre du 8 juin 1945. A.D. 80, 15 J3. 195. P. DUFOURNET à H. GAY, Lettre du 7 juin 1945. A.D. 80, 15 J3. de l'Economie Nationale (196). Ils contestent notamment la décision de démolir certaines maisons qu'ils estiment devoir être gardées en l'état ou juste rénovées. Ils parlent d'un remembrement "scandaleusement partial au profit de quelques débrouillards". Ils accusent le projet de reconstruction d'être une véritable "gabegie". Dans un rapport concernant cette pétition, Paul DUFOURNET rétorque qu'évidemment/ on n'entend que les mécontents et que ceux qui se plaignent, le font souvent mal à propos ou par principe. Il note qui plus est que la majorité des signataires ne sont autres que des retraités, des personnes âgées, ou des veuves ne possédant pas grand chose sur le territoire de la commune. Sans que cela puisse être considéré comme un critère en leur défaveur, il faut bien admettre que rares sont les opérations de remembrement qui ne soulèvent pas les inimitiés, qui ne déchaînent pas les passions. Paul DUFOURNET parle fort à propos du "drame de la terre". Plus que toute opération susceptible de bousculer les gens dans leurs habitudes, une réorganisation foncière atteint toujours la sensibilité de chacun. Changer de parcelle relève d'une certaine dépossession et l'on tend généralement à donner plus d'importance à ce que l'on perd qu'à ce que l'on récupère. Dans le contexte de la Reconstruction, les bouleversements et la gêne occasionnés, les frais éventuels à supporter ajoutaient au problème.

7.4. Une véritable course d'obstacles:

La reconstruction est bien plus la conception d'un nouveau lieu de vie qu'une reproduction améliorée d'un état passé. C'est pourquoi, reconstruire le Bosquel devait se conjuguer avec investir et innover et se heurter à bien des obstacles. Outre les réactions aux procédures proprement dites, les protagonistes des opérations engagées rencontrèrent nombre de contraintes matérielles. En effet, les difficultés financières de l'Etat sont telles qu'en vue de réduire le prix de revient de la construction du Bosquel, il est demandé aux architectes de normaliser la dimension des éléments de menuiserie (197). Qui plus est, la pénurie de matériaux est telles qu'on parle même

196. Pétition à Monsieur le Ministre des Finances et de l'Economie Nationale. 6 avril 1946. A.N. AFU 10788. P. D0F0UÎNET, Rapport au sujet de la pétition envoyée par quelques personnes du Bosquel à Honsieur le Ministre des Finances et de l'Economie Nationale. 3 mai 1946. A.D. 80, Fonds Paul DUFOUÍNET. 197. Lettre du 28 septembre 1946, A.D. 80, 15 J12. 90 de "disette prévue pour le ciment" (198). Paul DUFOURNET suggère que l'on exploite à nouveau les carrières de craie situées à proximité du village avec l'aide des prisonniers allemands. Plus tard, il sollicitera personnellement le Directeur de la Coordination Industrielle au Ministère de la Production Industrielle pour que "guelgues attributions de matériaux soient faites en faveur de 1/oeuvre expérimentale du Bosquel". En vain (199). Le projet d'établir un réseau électrique souterrain est abandonné parce que trop coûteux (200). Les toits seront couverts d'ardoises carrées d'Angers vue l'impossibilité qu'il y a de trouver des ardoises de FUMAY (201). On pense même les remplacer par du "cardotex" ou des tôles ondulées en aluminium (202), ce qui necesite une conception nouvelle des charpentes. A l'automne 1946, le M.R.U estimant que

"la pénurie de matériaux (est) un obstacle à la mise en application rapide d'un programme de reconstruction des exploitations sinistrées",

des hangars tout juste installés pour abriter les récoltes vont être démontés pour servir à l'édification de certaines fermes (203). Il suffit que les constructeurs "adaptent leur fabrication dans le sens indiqué". Quant au bois, il n'en est pas assez rentré pour que les charpentes puissent être toutes confectionnées. Et, au cours de la seule année 1946, on est en rupture de stock de briques, de charbon et de fer. L'essence fait défaut. Il est difficile de s'en procurer (204). Feuilles de calque, papier à machine et papier carbone sont aussi difficiles à trouver (205). A l'automne de cette même année, les architectes sont contraints de licencier provisoirement leurs dessinateurs, faute d'argent pour les payer (206). Et faute de papier, ils correspondent entre eux en utilisant des enveloppes retournées au dos desquelles ils écrivent (207).

198. Lettre du 24 mai 1945, A.D. 80, 15 J3. 199. P. DUFOURNET au Directeur de la Coordination Industrielle au Ministère de la Production Industrielle. Lettre du 27 juil. 1945. A.D. 80, 15 J3. 200. Conférence du Bosquel du 28 juil. 1945. A.D. 80, 15 J3. 201. Conférence du Bosquel du 7 sep. 1945. A.D. 80, 15 J3. 202. Conférence du Bosquel du 2 nov. 1945. A.D. 80, 15 J3. 203. Le H.R.U aux délégués départementaux. Lettre du 8 novembre 1946. A.D. 80, 15 J12. 204. P. DUFOURNET au Délégué Départemental à la Reconstruction. Lettre du 27 juil. 1945. A.D. 80, 15 J3. 205. Lettre du 22 janvier 1943. A.D. 80, 15 J12. 206. Ministère de la Reconstruction et de l'urbanisme. Lettre du 16 mars 1946. A.N. AFU 10788. 207. H. GAY à P. DUFOURNET. Lettre du 20 mai 1942. A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 91

Paul DUFOURNET qui 9 se déplace à bicyclette se voit dans l'obligation de réclamer un "certificat qui (lui) permettrait de remplacer ses pneus, presque complètement usés et qui menacent de ne plus durer beaucoup de jours." (208)

Outre le manque flagrant de moyens pour travailler, les architectes d'opération notent également des irrégularités quant à l'approvisionnement en matériaux (209). De la même façon, ils soulèvent la question de la trop grande fluctuation de la main d'oeuvre: Les jeunes affectés aux chantiers du Bosquel se font remarquer par leur absentéisme répété, par leur incompétence et par leur manque d'assiduité au travail (210). De leur côté, les entrepreneurs se plaignent du manque d'ouvriers qualifiés recrutés sur place (211)... alors que les ouvriers eux-mêmes se refusent à travailler si leur traitement reste insuffisant (212)... Mais la Reconstruction n'occasionne pas que des problèmes purement matériels. On peut noter aussi qu'émerge un certain nombre de conflits d'un genre plus institutionnel entre les architectes et l'Etat, les architectes et l'entreprise chargée des travaux, et entre le géomètre et l'architecte en chef par exemple : Les honoraires des architectes tardant à venir, Paul DUFOURNET intervient en leur faveur auprès de la Direction des Travaux du M.R.U. La situation financière de ses collaborateurs est telle que certains ont été obligés "de recommencer à faire la place pour vivre" (213). D'autre part, l'entreprise a été autorisée à prendre possession du chantier sans que l'avis des architectes n'ait été sollicité (214). Enfin, une querelle éclate entre l'architecte en chef et le géomètre quant à savoir à qui revient la "paternité" du remembrement du village (215).

208. P. DÜF0UKNET à l'Ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées. Lettre du 8 septembre 1941 (annexe 2). A.D. 80, Fonds P. DÜFO0MET. 209. Rapport des architectes de l'Opération. Avril 1945. A.D. 80, 15 J3. 210. Conférence du Bosquel du 28 sep. 1945, A.D.80, 15 J3. 211. Conférence du Bosquel du 4 oct. 1945, A.D.80, 15 J3. 212. Conférence du 2 août 1946. A.D. 80, 15 J12. 213. P. DUF0ÜRHET à la Direction des Travaux, lettres du 2 mai 1945 et du 11 déc. 1945. A.D.80; 15 J3. 214. Rapport des architectes de l'Opération. Avril 1945. A.D. 80, 15 J3. Lettre du 25 juil. 1945. A.D.80, 15 J3. 215. P. D0FOÜRHET à H. GAY. Lettres du 12 av. 1945 et du 7 juin 1945, A.D. 80, 15 J3. 92

Un premier bilan?

Incontestablement, la première ferme aura coûté plus cher que prévu. Qui plus est, son propriétaire se plaint qu'elle ne correspond pas à ses besoins; non que sa taille soit démesurée comme le croyaient certains architectes, mais bien au contraire parce que la nouvelle surface des bâtiments est moins vaste qu'autrefois (216). En réalité, cette ferme a fait l'objet du premier chantier qui, démarré assez vite finalement, n'a pas bénéficié des conditions les meilleures (manque de matériau, main d'oeuvre onéreuse et inexpérimentée, essai de nouvelles techniques) pour être mené à bien (217). Les enseignements dégagés ont cependant servi à la conception et à l'édification des autres fermes. Le souci de concentrer les fonctions de la ferme en un ou deux bâtiments seulement fut un gain d'espace précieux. Une surface couverte de moindre importance représentait en quelque sorte une économie en matériaux utilisés. De la même manière, se contenter de reconstruire en torchis, en brique ou en bois comme autrefois aurait probablement coûté plus cher que d'utiliser des matériaux plus innovants. Les dépenses furent comparativement les plus importantes dans le domaine de l'équipement intérieur des habitations. Passer de simples maisons sans confort ni sanitaires à des intérieurs comprenant davantage de pièces, un système de chauffage central pour certains, une salle de bains, un ou plusieurs WC...cela représentait des dépenses auxquelles on ne songeait guère auparavant.

"Certaines concentrations de dommages, à l'intérieur de la famille, justifiaient des constructions qui donnaient à certains l'impression d'être trop importantes, compte tenu du patrimoine immobilier antérieur des intéressés. D'où le mot de "scandale" prononcé bien à tort par les jaloux et recueilli avec dilection par la presse locale." (218)

De 1947 à 1949:

Un Groupement des Associations Syndicales de Reconstruction de la région Sud d'Amiens a pris en mains la suite des opérations de reconstruction du village. Tout va

216. M. QUESHEL. Lettre du 26 oct. 1945. A.D. 80, 15 J3. 217. P. DÜFOURHET, "Hôte relative au financement de la reconstruction du Bosquel", 11 novembre 1946. A.D. 80; Fonds P. DUFOÜKNET. 218. P. DUFOüBNET. "Reconstruction du Bosquel", si, nd. A.D. 80, Fonds P. DUFOÜENET. 93 alors aller très vite. Les projets des architectes ont été quelque peu remaniés. Les entreprises de la région (219) ont été sollicitées. Les quatre fermes entreprises sur les crédits d'Etat sont alors achevées, conformes à ce que l'on souhaitait:

"des monobloc d'exploitation éloignés de l'habitation et des dépendances, et dotés d'un outillage perfectionné permettant de réduire la main d'oeuvre tout en augmentant le rendement." (220)

Depuis, quinze chantiers dont neuf fermes sont considérés comme aboutis. 25 autres sont en cours d'opération. A partir d'avril 1949, douze nouveaux chantiers sont prévus, dont celui de l'école.

219. COGETRAVOC, TAVEL PRIVILEGIO ainsi que des artisans locaux. 220. "Abandonnant les décevantes expériences, le Bosquel avance dans la voie de sa reconstruction", Le Courrier Picard, 2 mars 1949. 94

8. Le Bosquel depuis la Reconstruction

Le nombre des propriétaires du village continua de diminuer, passant de 215 en 1946 à 183 en 1967. De manière générale, et comme on peut le constater sur l'ensemble du territoire français, ce sont les petites et très petites propriétés qui ont disparu au profit des moyennes. Les mutations foncières enregistrées affectent généralement les gens qui ne résident pas au Bosquel. La période de la Reconstruction a fortement marqué les habitants qui l'ont vécue. Pas toujours d'accord avec cette intrusion de l'Etat tant dans leur vie que dans leurs pratiques ou leur mode d'habiter, ils ont réagi, chacun à leur façon.

"Au départ, ça a été dur. Mais tout ça, ça s'est fait peu à peu... et puis la génération de l'époque a disparu. Tout a tellement changé. Avant, c'étaient des attelages partout, aujourd'hui... c'est finit Ils ont fait des écuries avec des râteliers impeccables. Ils n'ont jamais servi! Pour mettre les chevaux et tout ça, ça n'a jamais servi! Aujourd'hui, on ne peut même pas rentrer un tracteur dans ces bâtiments. Les plafonds ne sont même pas assez hauts pour rentrer du matériel. Ils sont pourtant immenses et coûtent une fortune en entretien. Le Bosquel a une guerre de retard! Les soit disant "fermes de l'avenir" ont été dépassées avant d'avoir servi!" (1)

Des seize exploitations répertoriées au lendemain de la Reconstruction: - deux ont été partagées entre les descendants. Pour l'une d'elles, l'exploitation continue; les chefs ont une activité extérieure. Pour la seconde, un des descendants continue d'exploiter, tout en étant ouvrier agricole chez un voisin. - Deux exploitations ont été reprises par des gendres. - Deux autres exploitations par des gendres de deuxième génération. - Deux autres encore ont été agrandies, soit par location, soit par achat de terre supplémentaire. Ce sont les fils qui les gèrent. - Une exploitation de 60 hectares a déposé son bilan. - Aucune des six dernières, n'a trouvé de successeur familial. Trois d'entre elles sont louées. Les trois autres ont

1. Extrait d'entretiens, tout come tout paragraphe terminé par (*). 95

été (ou vont être) vendues à des gens de l'extérieur et leurs parcelles dispersées.

8.1. Les effets du remembrement:

8.1.1. Une nouvelle répartition des exploitations:

1942 1967

Nombre Superf. Nombre Superf.

Classes effec. % ha % effec. % ha %

< 2 h;i 0 2 à 5 2 9,1 6 0,7 5 à 10 3 13,6 23 2,8 1 6,23 8 1,1 10 à 20 2 9,1 25 3 1 6,23 10 1,3 20 à 50 10 45,4 360 43,5 8 50 289 38,7 50 à 10( ) 4 18,2 238 28,8 5 31,3 273 36,5 > 100 h;i 1 4,6 175 21,2 1 6,23 167 22,4

TOTAL 22 100 827 100 16 100 747 100

Nombre d'exploitations et superficies exploitées par classe de surface.

Sourcei RGA

Le dernier remembrement s'accompagna d'une concentration des exploitations. Leur nombre diminua alors que leur superficie s'accroissait. Ce mouvement s'accentua dans les vingt années qui suivirent. De même, les exploitations qui étaient jusque là constituées d'une moyenne de vingt à trente parcelles n'en ont plus désormais que deux ou trois. Comme nous venons de le noter ci-dessus: dans deux cas seulement, des héritages ont abouti à un partage des exploitations. L'une d'elles continue d'être exploitée en commun par les deux successeurs, l'autre est partagée et mise en valeur comme deux unités agricoles. De manière générale, les effets bénéfiques de la réorganisation foncière ont perduré jusqu'à nos jours. 96

8.1.2. Une nouvelle structure de la propriété

1946 1967 1980

Classes Nombre % Nombre % Nombre %

< 0,3 ha 68 32,2 70 38 76 44,2 0,3 à 1 59 27 34 18,2 28 16,2 1 à 2 19 8,7 14 8,6 11 6,4 2 à 5 23 10,6 18 10 18 10,4 5 à 10 23 10,5 19 10,2 14 8,1 10 à 20 11 5,2 15 8,1 14 8,1 20 à 50 11 5,2 12 6,4 6 3,6 50 à 100 0 0 4 2,4 > 100 ha 1 0,5 1 0,5 1 0,6

TOTAL 215 100 183 100 172 100

Evolution du nombre de propriétaires par classe de superficie possédée.

Source: cadastre

Depuis ce remembrement, le nombre total des propriétaires inscrits au cadastre du Bosquel n'a pas cessé de diminuer. Cela s'est réalisé au profit des biens de taille supérieure à la moyenne, mais, pour paradoxal que cela puisse être, les très petits terrains ont augmenté en nombre. Les fermiers recensés à l'époque ne sont pas devenus acquéreurs des terres qu'ils louaient. Assurés de pouvoir les exploiter sans être autrement gênés par une mise en vente de la part du propriétaire, ils n'avaient aucun intérêt à acheter des parcelles qu'ils louaient relativement bon marché. On remarque d'autre part que les propriétaires exploitants ont cherché à consolider leur patrimoine (le nombre total d'hectares possédés par des exploitants résidant au Bosquel s'est en effet accru de plus de 20 % depuis 1950), alors que les exploitants locataires se sont davantage intéressés à l'achat de bâtiments ou à l'investissement en matériel.

8.1.3. Un marché foncier peu actif :

Il est bien évident que du fait de la nouvelle structure du parcellaire, le marché foncier de la commune du Bosquel se trouva quelque peu immobile. Il n'y eut guère de mutations enregistrées parmi les parcelles constitutives des seize 97 exploitations dessinées lors du réaménagement. Très peu de terres ont été mutées dans le domaine agricole, alors que la plupart des mutations ont touché des terrains situés dans le village même ou dans la zone jouxtant le village (petits terrains à bâtir, jardins...)« En somme, seules les parcelles de moins de deux hectares ou des parcelles de peu d'intérêt agronomique firent l'objet d'un transfert de -comptes. Par contre, un nombre de plus en plus important de personnes résidant à Amiens ou dans des communes voisines ont acquis des petits biens sur le territoire du Bosquel (2).

8.1.4. Une certaine sclérose en matière de développement agricole:

Après le .remembrement de 1942, la structure des exploitations, leur répartition sur le territoire et le découpage parcellaire dont elles faisaient l'objet ont en fait figé toute évolution éventuelle. On l'a vu, de telles opérations avaient pour but de rendre les exploitations unitaires et viables et d'éviter qu'un démantèlement désastreux ne soit possible. Il fallait préserver les exploitations moyennes de type familial, donc empêcher un trop grand mouvement de concentration de terres au profit des unités d'exploitation les plus grandes. Or, si la structure en grandes parcelles d'exploitation reste un moyen efficace de conservation des terres en fermage, elle a sclérosé en quelque sorte une évolution potentielle de l'agriculture locale. S'il est une protection de l'exploitant face aux bailleurs, un canevas foncier aussi voué à l'immobilité n'a pu que paralyser toute souplesse dans les mutations foncières (que ce soit des mutations de propriétaire à propriétaire (par vente ou succession) ou des mutations de type locatif de propriétaire à fermier). De même, réalisé dans un contexte de défense de l'exploitant en faire-valoir indirect (protection contre tout fractionnement cultural, contre toute rupture de bail causée par une vente, contre tout endettement lié au rachat de parcelles...), un tel remembrement eut pour conséquence de neutraliser pendant près de deux générations tout changement éventuel dans la répartition des parcelles telle qu'elle avait été conçue en 1942.

2. E. BEETOH, Le Bosquel. 38 ans après le réaménagenent rural et urbain, Paris, 1981, p. 33. Entretiens et cadastre de Le Bosquel. 98

En fait (3), en termes de reproduction, les seuls changements rendus possibles sont la division de l'exploitation entre un ou plusieurs héritiers, ou bien la reprise de l'exploitation (avec toutes ses terres et corps de bâtiments) par un autre exploitant. Obligés de s'agrandir, les exploitants ont donc cherché de l'espace sur les communes avoisinantes. Aujourd'hui, plus de la moitié de la superficie mise en valeur par certaines exploitations du Bosquel se trouve sur le territoire des communes limitrophes. Fait paradoxal, ce phénomène de dispersion parcellaire intracommunal tant décrié au moment du remembrement de 42 se retrouve à l'échelle cantonale dans les années 80. Qui plus est, le jeu des successions n'a pas facilité la préservation du parcellaire unitaire recomposé lors de ce deuxième remembrement. Qu'il y ait eu plusieurs successeurs au aucun, les exploitations ont été divisées au cours de ces dernières années. Seuls les cas de successions uniques (transmission à un fils ou à un gendre) ou de consititution de GAEC ont permis leur conservation en l'état.

"Mais les démembrements se font automatiquement, dès qu'une exploitation est mise en vente. J'ai 35 hectares d'un seul tenant qui vont être partagés en 7 ou 8 parcelles." (*)

De toute façon, nul ne remet en cause le remembrement rural, de quelque nature que ce soit. Tout le monde lui reconnaît des bienfaits. Même s'il est difficile à admettre au départ... parce que le sentiment de propriété est parfois plus fort que la raison. Il a de toute évidence garanti une certaine stabilité de la structure des exploitations, du moins pour un temps. A posteriori, le remembrement urbain est tout aussi apprécié.' Il a corrigé en quelque sorte la dispersion des petits bâtiments liée aux héritages. A ne vouloir léser personne lors des successions, on applique un partage égalitaire qui finalement se traduit par une répartition irrationnelle des biens. Le remembrement urbain de la Reconstruction eut pour effet de remédier à cet éclatement en regroupant les surfaces bâties par famille. Chose qu'aucune d'elles ne regrette, bien au contraire.

3. P. CLEBGEOT, Le Bosquel, un exemple d'aménagement rural, Paris, 1968, p. 89. 99

8.2. Un nouveau paysage:

Le Bosquel reconstruit n'est plus le Bosquel d'avant la guerre.

"Quand on a reçu les soldats qui avaient combattu ici, ils ne reconnaissaient rien. Ils voulaient faire un tour à 1/endroit où ils étaient avec leurs canons, mais ils ne le retrouvaient plus. Là où il y avait des pommiers, il n'y avait plus d'arbres du tout. La route n'était plus la même, les maisons étaient différentes et avaient changé de place. Ils trouvaient que tout avait été chamboulé!" (*)

Les rues ont été redressées, les maisons espacées.

"C'est trop géométrique pour un village. Pour une ville c'est bien, mais un village... c'est plus agréable quand ce n'est pas régulier, quand c'est diversifié." (*)

On ne regrette pas le tas de fumier, on ne regrette pas non plus que la nouvelle disposition des fermes ait fait disparaître les nuisances du passage du bétail au coeur du village, on regrette plutôt un certain charme, perdu. Le village n'a plus son caractère picard. Il fait figure d'exception et a du mal a assumer une physionomie toute singulière. D'un village replié sur lui-même, aux maisons tournées vers l'intérieur et aux cours fermées, est né un village éclaté, aéré, aux maisons regardant résolument l'extérieur. Son côté "village propre et régulier" le distingue peut-être trop des villages voisins qui, même reconstruits (4), ont su garder leur identité d'origine.

"Il n'y a même pas de style ici. A part à un ou deux endroits, les maisons sont taillées à coups de serpe. Elles sont très géométriques, même à l'intérieur". (5)

Jusqu'à la mare qu'il a bien fallu combler. Elle ressemblait davantage à un bassin d'eau stagnante et fétide qu'au miroir d'eau que l'on souhaitait qu'elle devienne. Les

4. Hais parce que reconstruits partiellement. 5. Entretiens. pompiers ne pouvant même pas la pomper, son caractère utilitaire disparut aussi.

"Il y avait des haies. Il y avait un tour de ville... tout autour du village. Les talus ont été supprimés. La forme de la route a changé énormément. Elle passait pas du tout là. Il y avait deux mauvais virages dangereux. Ils les ont redressés. Ca a disparu avec le remembrement. Toutes les formes des terrains ont changé. Il y avait pas mal d/arbres. Ils ont été abattus. Maintenant, on met des clôtures, du barbelé pour délimiter nos parcelles..." (6)

Trop d'ordre tue le mouvement. Or, il y a quelque chose de figé dans le nouveau Bosquel. Son parcellaire moins éclaté, son nombre infiniment moins grand de haies, son réseau de routes et de chemins moins sinueux et la disposition quasi ordonnée de ses constructions en ont fait une sorte d'anachronisme paysager. Il lui manque la fantaisie qu'engendrent la juxtaposition ou la superposition d'activités, de comportements, de créations individuels et surtout non simultanés.

8.3. Des bâtiments d'exploitation devenus trop vite vétustés ou mal adaptés:

Quand la Reconstruction a été terminée, ce que d'aucuns nomment la "révolution agricole" (7) avait déjà commencé. Non seulement les machines agricoles avaient fait leur entrée dans le petit univers du Bosquel, mais les tracteurs se multipliaient, les cultures céréalières prenaient de plus en plus d'importance alors que l'élevage régressait de jour en jour davantage au point de n'être plus qu'une activité quasi résiduelle (sauf pour une exploitation).

"Il y avait des troupeaux de moutons avant. Ils allaient au parc. Il n'y en a plus maintenant! La culture a changé aussi. Dans la plupart des fermes, ils ont fait des bâtiments qui n'ont pratiquement pas servi. On a eu nos écuries quand il n'y a plus eu de chevaux!" (*)

Le changement de système de production s'est souvent accompagné de constructions nouvelles, soit pour accueillir de

6. Entretiens. 7. Entretiens Paul DuFOUP.NET. 101 nouvelles récoltes, soit pour abriter un matériel nouveau et de plus en plus encombrant.

"Il faut vous dire quand même que nous avons été rebâtis trop tôt. Parce qu'on n'a pas profité des progrès. Le progrès est allé tellement vite après la guerre que, vous verrez, il n'y a rien de pratique dans les installations, même dans la maison. Ca n'est plus moderne, c'est déjà du trop vieux." (*)

Une des seize fermes répertoriées dans les années quarante a été pratiquement abandonnée, du moins ses bâtiments et sa maison d'habitation, du fait que le successeur des anciens exploitants la met en valeur à partir de son propre siège d'exploitation situé dans une commune voisine.

"Ils ont voulu un village moderne, mais ils n'ont pas suffisamment avancé leur projet. Ils n'ont pas été assez loin. Pour eux, la campagne, ça devait rester la campagne." (*)

La majorité des exploitations ont très vite agrandi leur surface bâtie, non par augmentation rapide de leur cheptel, mais du fait de l'adoption de la stabulation libre. Proposée lors de la reconstruction, mais non intégrée dans les habitudes locales, elle avait été refusée par la majorité des exploitants, et par certains architectes. Ils lui préféraient à l'époque la stabulation entravée. Leur conception de l'organisation des étables ne comprenait pas ce principe de stabulation libre qui allait transformer considérablement les conditions de travail des agriculteurs (8). Peu de temps plus tard, il a bien fallu se rendre à l'évidence de l'intérêt de ce nouveau mode de gestion de l'élevage et concevoir des bâtiments plus appropriés. De même, le machinisme agricole s'étant considérablement développé, la moissonneuse-batteuse ayant fait son apparition dans la plupart des fermes, les volumes d'engrangement prévus lors de la reconstruction devenaient quelque peu superflus. C'est ainsi que les bâtiments abritant les anciennes étables ("ces grands machins là!") ont vu leur usage détourné. Certains ont été transformés en ateliers, d'autres servent de remise ou de garage pour un matériel agricole toujours plus diversifié, d'autres encore ont été purement abandonnés ou transformés en salle des fêtes familiales.

8. Ce qui n'était pas le cas de Paul DUFOURNET puisque pour l'avoir observé maintes fois en Hollande et au Danemark, il était très partisan de ce système de stabulation. 102

Faute d'espace suffisant, parce que les portails d'entrée font rarement plus de six mètres de large, certaines nouvelles machines de grande envergure ne peuvent pas être garées dans l'enceinte de l'exploitation.

"J'enraçre tous les ans. J'aimerais bien qu'on fasse tomber la pilasse. Il y a quatre mètres entre le mur et la pilasse. La moissonneuse, elle fait 3,90 mètres! Pour passer, je suis obligé d'enlever les rabatteurs de chaque côté, ou alors je n'entre pas dans la cour1" (*)

On regrette cette économie de distance. De même, on aurait préféré ne pas être contraints d'accepter un éloignement des bâtiments entre eux de trente mètres, éloignement considéré ici comme une perte de terrain et une source d'entretien dont on se serait volontiers passé. Ailleurs, c'est un peu l'inverse:

"Je n'ai que cinq poules.... c'est beaucoup trop de bâtiments pour cinq poules. Une par bâtiment!" (*)

Quant aux exploitations ayant choisi de développer la culture industrielle au détriment de l'élevage, elles ont fait de même. Certaines ont apporté des aménagements intérieurs ou percé des ouvertures afin de rendre ces bâtiments plus fonctionnels, les adaptant par exemple à un nouveau système d'élevage (élevage de lapins). En ce qui concerne les silos à betteraves, d'aucuns accusent leur manque évident d'accessibilité.

"Ils se sont avérés complètement inutiles. C'est comme des caves, immenses, qui font tout le bâtiment. Mais, au lieu d'avoir les betteraves de plein-pieds, il fallait les remonter. On les vidait par ces trappes. C'était important les betteraves, parce qu'on en faisait beaucoup pour la nourriture des bêtes. Et puis ces caves sont difficiles d'accès." (*)

Leur première conception était adaptée à des récoltes mises en réserve avec des moyens mécaniques aujourd'hui dépassés. Elles nécessitaient des efforts considérables quand il s'agissait de sortir leur contenu. Aujourd'hui, soit ils ne sont plus du tout utilisés, soit on parle de les aménager pour les adapter à un matériel plus perfectionné. On critique beaucoup les toitures. Leur entretien est difficile à assumer. Rares sont celles qui résistent sans dommages aux vents violents du fait de la fragilité des 103

ardoises ou des tuiles dont elles ont été couvertes. Aussi, certains les ont remplacées par de la tôle ondulée, moins onéreuse et d'un entretien plus facile. Ce qui a beaucoup dérangé, ce que les gens se sont peut- être le plus mal appropriés, ce sont tous ces lieux conçus pour une activité particulière et auxquels ont été attribués des noms jusque là inconnus.

"Là, c'était la chartrie. Je ne sais pas pourquoi, mais les architectes appelaient ça comme ça! On y mettait les choses à l'abri. Ca faisait plein de courants d'air dedans. On n'y était pas biens!" (*)

Pour le cultivateur local, les pièces, ou les lieux ainsi inventés, ne correspondaient pas nécessairement à un besoin donné.

"A côté, il y a un petit atelier. On disait l'atelier. Ca devait être un atelier... mais en somme, on y a toujours élevé des poulets!" (*)

On décida donc d'y faire toute autre chose.

"Là, c'était la laiterie, ça sert de débarras." (*)

On en détourna l'usage qui était souhaité.

"Là, c'était une chambre pour un commis... Ah mais c'est plein d'outils... Personne n'y a jamais couché!" (*) "Là, c'était un lieu prévu pour une douche, mais il n'y a jamais eu de douche. Alors, du temps où on ne ramassait pas les ordures, on y mettait les boites de conserve, et les encombrants. Une fois par an, on transportait tout dans une remorque et on allait tout vider ailleurs!" (*)

Ou, faute d'usage attribué, on en imagina un.

"On n'a jamais su à quoi pouvait servir ce local. On y range des outils de jardinage. De toute façon, il n'y a aucune fenêtre. On n'y voit pas clair. Je ne vois pas ce qu'on aurait pu y faire d'autre." (*)

Des erreurs de conception?

A posteriori, il est bien évident que l'on a tendance à oublier les bienfaits d'une entreprise et qu'il est plus facile de se souvenir de ce dont on a été mécontent. 104

C'est ainsi que la mise en place de piliers carrés dans les étables fut longtemps décriée: les architectes n'avaient pas songé à l'intérêt qu'il y avait de les concevoir ronds pour que les bêtes ne se blessent pas. Ils furent donc obligés d'en arrondir les angles, "alors qu'il suffisait de faire des coffrages ronds pour les poteaux en béton". (*) Il est également des manières de la ville qui heurtent les habitudes de la campagne: L'éclairage des étables est assuré par de grands carreaux, nombreux, fragiles, qui cassent assez souvent. Il faut donc les remplacer, les nettoyer. Avant, il suffisait d'ouvrir ou de fermer les trappes qui faisaient office de trous de lumière. Et chose qui surprend, les chassis sont en ciment, non en bois et le mastic se trouve à l'intérieur. Les architectes auraient mis accidentellement les coffrages à l'envers, ou bien ils les auraient posé volontairement ainsi... on-ne sait plus. Dans un bâtiment d'exploitation, il y avait si peu de lumière que l'exploitant dut demander que l'on perce des ouvertures.

"On n'y a jamais vu très clair parce qu'il a toujours eu un éclairage indirect. On ne sait pas pourquoi. On a été obligés de faire des trous dans le pisé parce qu'on avait du mal à bien voir." (*)

On raconte même que dans une ferme, le caniveau pour l'écoulement des déjections animales était installé à l'envers. Il fallut tout casser au burin pour le refaire. Il s'agirait plus d'une erreur de réalisation que de conception. Et s'il n'y a guère de garages à automobiles dans les fermes, c'est que, dit-on, les architectes concernés considéraient qu"il n'y en avait pas besoin dans les campagnes". Mais ce ne sont plus que des anecdotes...

"Tout compte fait, le village a quand même gagné à être démoli... d'une certaine manière." (*)

8.4. Des maisons d'habitation au destin bien commun

Avec ou sans négociations, l'ensemble des habitants du village se plièrent aux impératifs de l'alignement et acceptèrent les suggestions des architectes d'opération. Une seule famille s'y opposa. A la suite du remembrement, s'étant trouvée flouée en matière de largeur de parcelle, elle prit les devants et sans attendre, fit reconstruire sa maison par ses propres moyens, à cheval sur deux limites de propriété. Cela dérangea beaucoup, mais ne remettant pas en cause le projet général, et ne gênant matériellement personne, il n'y eut pas de conséquences. Pour le reste, s'agissant de compromis entre les propositions des architectes et les besoins des habitants, si les pièces des maisons, leur distribution et leurs fonctions étaient proches, voire conformes à une certaine interprétation idéale du bien-vivre paysan, l'usage que ces derniers en firent eut parfois tendance à s'éloigner de celui que l'on pouvait imaginer.

"Vous voyez l'entrée? Comme je vous l'ai dit, les architectes nous demandaient ce qu'on faisait en rentrant. Comme on se lavait les mains, ils ont mis un lavabo dans l'entrée! Ca ne me plait pas beaucoup parce que c'est toujours sale. Alors je défends à toute la famille de s'en servir." (*)

Une question d'orientation et de rapport au centre:

La plupart des maisons de ferme, celles qui se situent désormais en retrait du centre du village, font face à la campagne environnante. Le regard peut ainsi embrasser l'ensemble ou une grande partie du bien exploité. L'idée d'une telle orientation était un peu celle que l'esprit de possession, le sentiment d'un véritable attachement à la terre s'en trouveraient renforcés. Les cultivateurs d'aujourd'hui avouent que c'est chose louable, mais ils regrettent "de tourner le dos à la route". Non seulement ils ne voient pas ce qui se passe dans le village, mais ils ne voient pas non plus l'arrivée de leurs visiteurs.

"Ma ferme est la dernière du village. Si j'oublie quelque chose et que le fournisseur a fait sa tournée... Il peut se passer quelque chose dans le centre du pays, je ne le sais pas, je ne le vois pas. S'il m'arrive quelque chose, personne ne le sait. Parfois, quand j'entends sonner les cloches, je dois téléphoner dans le village pour savoir si quelqu'un est mort." (*)

Certains auraient préféré avoir leur façade principale orientée plein Nord, pourvu qu'ils aient pu observer et être observés. "Vous savez, en campagne, on ne vit pas beaucoup dans la maison." (*)

Ce n'est pas tant l'orientation des bâtiments qu'ils mettent en cause, mais une mise en retrait perçue comme une sorte de mise à l'écart dont ils seraient les victimes. Dorénavant, pour rencontrer ses voisins, il faut une occasion, surtout lorsqu'ils habitent au bout du village. Les épiceries locales ayant disparu, chacun s'en va faire ses courses à Conty ou dans les supermarchés d'Amiens. C'est chose tout-à-fait classique dans les campagnes françaises, mais, les fermes du Bosquel étant trop éloignées les unes des autres, les petits commerçants ambulants (boulanger, boucher, primeur...) vont de l'une à l'autre. Ils ne s'arrêtent plus en un point que chaque villageois pourrait joindre. La situation géographique, idéale du point de vue des pratiques agricoles, devient un handicap du point de vue de la sociabilité. Au point qu'une sorte de distanciation sociale se soit installée entre "ceux du centre et ceux de la périphérie".

Une histoire de lumière:

A en croire les cultivateurs rencontrés, et comme en témoignent d'ailleurs les anciennes maisons picardes, les fermes d'autrefois étaient presque aveugles. Seules des petites fenêtres, en un très petit nombre, laissaient passer le jour. Cela ne correspondait pas vraiment au souci de clarté et de luminosité des architectes. D'où la présence de portes et de grandes baies vitrées dans la plupart des constructions dont ils s'occupèrent. Si on accueillait avec plaisir cet apport de lumière, on appréciait moins le froid contre lequel il fallait se chauffer davantage. On aimait encore moins la corvée du nettoyage régulier des carreaux! C'est la raison pour laquelle certains cultivateurs ont soit remplacé les portes vitrées par des portes pleines, soit posé des doubles-vitrages, soit placé des fenêtres là où il y avait de grandes baies.

Un confort parfois relatif:

Si les plans proposés étaient bien respectés dans leur forme, il semble qu'en bout de course, essentiellement du fait du dépassement des droits à dommages, les salles de bain aient été laissées à la charge des particuliers. Leur emplacement était bien prévu, mais laissé vide. Rares sont celles qui n'ont pas été installées par les villageois eux-mêmes, plusieurs années plus tard.

"Les architectes voyaient grand, mais la maison n'a jamais été terminée. Il a fallu se contenter du gros oeuvre et aménager après." (*)

Il en allait de même des waters. La pièce qui devait les abriter resta parfois vide:

"On ne comprenait pas qu'on puisse avoir des fosses d'aisance à l'intérieur de la maison alors qu'on les avait toujours eues au fond du jardin. Les vieilles personnes disaient que c'était sale, qu'il y aurait des odeurs." (*)

Généralement, l'installation du chauffage central subit le même sort. Certains mirent leurs poêles à mazout ou leur cuisinière en fonte à charbon au rebut dans les années soixante. D'autres ne l'ont toujours pas fait. L'adjonction de radiateurs d'appoint ou de systèmes d'aération pour que la chaleur monte à l'étage suffisent encore. Dans la plupart des maisons, les architectes avaient prévu de poser du plancher. Quelques ménagères s'y opposèrent:

"Le plancher, c'est beau. Mais quand on a du monde, c'est de l'entretien. En ville, c'est pas pareil, mais à la campagne, on salit beaucoup. C'est poussiéreux." (*)

Alors elles choisirent de le faire remplacer par du carrelage. Elles le regrettent bien aujourd'hui parce que le carrelage est d'un contact très froid ou parce que le mobilier n'y est guère mis en valeur. Quant au pisé utilisé pour la construction des deux premières fermes, dans l'une, il s'est avéré préférable de le faire couvrir, pour protéger les murs contre l'humidité. Pour l'autre

"il n'est pas si vilain que ça remarquez! Ca se désagrège un petit peu avec la pluie battante du côté du pignon de la maison... Mais l'été, il y a de la vigne vierge, c'est plus joli!" (*)

Reconstruire signifiait aussi offrir des habitations plus spacieuses. Or, le passage d'une petite maison à deux ou trois pièces (dans laquelle on vivait essentiellement dans la cuisine-salle de séjour) à une grande maison sur deux niveaux (comportant plusieurs pièces ayant chacune une fonction spécifique) ne s'est pas fait sans peine. Non seulement il a fallu s'habituer à partager les activités domestiques selon les lieux qui leur étaient dorénavant destinés, mais il a fallu aussi accepter l'idée d'un couloir distribuant ces divers espaces.

"Dans cette maison, on peut jouer à cache-cache avec les portes, sans jamais se rattraper. Celle-ci était faite pour être ouverte, mais comme elle n'est pas dans le milieu, quand elle ouverte, on ne peut plus rentrer dans la cuisine... Et si vous ouvrez celle-ci et celle- là, on ne peut plus circuler jusque dans le couloir! De toute façon, il y a tellement de portes qu'on n'aurait jamais pu mettre de meubles. Alors, on les a condamnées. Et puis il y a des coins partout, on ne sait pas pourquoi!" (*)

Autrefois, lorsque la maison comportait une salle à manger, elle n'était utilisée que pour les grandes occasions. On y entreposait, on y exposait même, le beau mobilier et la belle vaisselle de la famille. On n'y vivait pas. En multipliant les pièces, la Reconstruction faisait éclater les usages. On s'y fit ou on ne s'y fit pas. Ou bien on accepta d'élargir son espace de vie ou bien on le rétrécit à la manière d'antan autour d'une seule et même pièce faisant office à la fois de cuisine, salle de séjour, salle à manger et bureau.

On peut voir dans ces comportements très divers un effet pervers lié à cette possibilité soudaine de passer du jour au lendemain d'un habitat traditionnel et rudimentaire à un habitat moderne qui ne devait rien avoir à envier à l'habitat citadin. La guerre a permis un bond en avant auquel aucun villageois ne s'attendait: si l'on pouvait être reconstruit, si l'on pouvait bénéficier des meilleures techniques et d'un certain confort, pourquoi ne pas exiger que ce qui était prévu se réalise effectivement? Placés en situation de privilégiés, les bosquellois ont eu tendance à oublier que, pour l'époque, ils étaient largement favorisés et de loin par rapport aux autres cultivateurs. Non seulement la Reconstruction leur apportait des maisons neuves, spacieuses et "fonctionnelles", mais elle leur offrait des sanitaires, intérieurs le plus souvent et surtout, l'eau courante; progrès considérable dans un village où jusque là, on utilisait des "tonnes à eau" et des seaux pour s'approvisionner en eau.

Des fonctions nouvelles ou des usages réappropriés ?

Certaines fermes comportent un vestibule avec porte­ manteaux et parfois lavabo. Conçu pour faire office de sas entre l'extérieur et l'intérieur, c'est là que se situe l'entrée principale.

"Normalement, on doit rentrer par là, mais personne ne passe par là, sauf ceux qui ne connaissent pas. Il y a bien un bouton de sonnette, mais la sonnette ne fonctionne plus! (*)

Ce couloir d'entrée, ou cette petite pièce avaient aussi pour fonction d'éviter que les visiteurs n'entrent directement dans la cuisine. -Mais les habitudes sont tenaces, une majeure partie des cultivateurs concernés ont toujours préféré les faire rentrer directement par la cuisine. Parce que c'est toujours dans la cuisine que les choses se passent. Ce vestibule devait servir également à ce que les habitants des lieux se dévêtent et se déchaussent avant d'entrer vraiment. Mais, de retour des champs, les picards avaient déjà pour habitude de se changer (sous un préau, dans un hangar tout proche... ) avant même de pénétrer dans la maison. Cette espèce de zone intermédiaire entre le monde du travail et celui de la vie de famille devenait inutile. C'est pourquoi on en a condamné l'accès ou bien on y a entreposé des fleurs ou des bibelots. Pour beaucoup, c'est "de l'espace perdu". Le passe-plats situé entre la cuisine et la salle à manger aura généralement subi le même sort. S'il reste ouvert, c'est pour accueillir un pot de fleurs ou des photos. Certains le comparent à un "confessionnal", d'autres à "une trappe".

"C'était une idée des gens de la ville. On se croirait dans un restaurant." (*)

Quant au petit bureau destiné à recevoir les employés, il a rarement servi de bureau. Non seulement parce que dès les années cinquante, la main d'oeuvre s'est faite rare, mais surtout parce qu'on n'avait guère coutume de recevoir ses ouvriers agricoles de la sorte. On continua donc de faire comme avant: les paies se donnaient dans la cuisine autour d'un verre.

"Vous avez là un bureau. Il est grand comme un mouchoir de poche et il sert à tout." (*)

Et le bureau devint chambre d'appoint (idéal pour les personnes âgées qui n'ont plus à monter l'étage pour accéder à l"espace nuit"; idéal aussi pour faire des économies de chauffage puisqu'on ne vit plus qu'au rez-de-chaussée), ou bien salle de repassage. Il est vrai qu'on y classe parfois les papiers de l'exploitation et qu'on peut y trouver le téléphone, mais de façon presque accessoire. Tout comme on a pu y rencontrer quelques volailles!

"Quand même, il fallait bien qu'ils fassent un peu •• comme, bon leur semblait. Alors on capitulait. On disait: ben soit! Mais après, on faisait bien comme on voulait ..." (*)

9. Une expérience fructueuse?

De manière générale, les Bosquellois sont assez satisfaits d'avoir fait l'objet d'autant d'attention, d'avoir "été les chouchous de la Nation jusqu'à la Libération" (9).

Même si "comparer les maisons d'autrefois à celles d'aujourd'hui c'est comme comparer un éléphant à un lapin de Garenne" (*),

à posteriori, ils regrettent de n'avoir pas été plus avant, de n'avoir pas anticipé l'évolution, parfois même de s'être laissés porter par les événements. Mais le contexte de l'époque, le fait qu'ils ont tout perdu durant cette guerre, le fait qu'on ait bien voulu s'occuper d'eux, le fait aussi d'être donnés en exemple à l'ensemble de la France sinistrée... leur inspiraient un certain respect, voire une certaine sujétion.

"Après la Reconstruction, les dimanches, il n'y avait que des promeneurs. Des gens venaient visiter l'église. Le bosquel était un lieu où on venait se promener. C'était le côté "pays le plus détruit de france" qui les attirait. C'était un petit peu le pays-type qu'on venait voir." (*)

9. Entretiens. Ill

Si quelques cultivateurs particulièrement avertis avaient bien été associés à l'élaboration du projet, ils avaient été consultés afin de mieux cerner les besoins d'un village agricole susceptible de bénéficier des techniques modernes du moment, non pour les dépasser. Au cours de l'élaboration du projet d'aménagement, Paul DUFOURNET regrettait déjà qu'à la faveur du grand bouleversement qu'avait été le remembrement, on ne soit pas allé plus loin (10), mais il n'était pas possible de faire sur ce seul village et en une seule fois toutes les transformations économiques et sociales imaginables. Ne serait-ce que parce que les populations n'y étaient pas préparées. Ne serait-ce aussi du fait des nombreuses contraintes tant financières qu'administratives ou de doctrines propres aux représentants de l'Etat, principal financeur donc décideur. La Reconstruction n'est plus que du passé. Malgré son caractère atypique, le Bosquel est devenu un village comme les autres. Aujourd'hui les exploitations ayant survécu aux aléas économiques sont soit celles qui ont su intensifier leurs cultures céréalières ou betteravières, soit celles qui ont adopté des techniques d'élevage hors-sol, soit celles dont le chef a une activité extra-agricole. Le village vit, survit, du fait de l'accueil d'une population de type résident secondaire, une population qui travaille à Amiens. Des habitants ayant vécu la Reconstruction, il ne reste plus grand monde. La population se renouvelé donc. Le Bosquel n'est plus un village de cultivateurs, mais un village-banlieue d'Amiens. BRETON (11) parlait déjà de commune- dortoir en 1980. Ce phénomène s'est confirmé. Hormis un café- restaurant, il ne reste plus aucun commerce au village.

"La civilisation devient urbaine. Les citadins viennent habiter la campagne." (12)

Cette co-habitation de deux populations aux origines et aux pratiques différentes vient accentuer la perte de convivialité que l'on soulignait plus haut:

10. P. DCF0ÜRNET, "Quelques précisions au sujet du Bosquel". 30 décembre 1946. A.D. 80, Fonds P. DUFOURNET. 11. E. BRETON, Le Bosquel. 38 ans après le réaménagement rural et urbain, Paris, 1981, p. 94. 12. P. DUFOURNET, "Qu'en advient-il de la maison traditionnelle paysanne et bourgeoise en France?" Actes du colloque "Archéologie du paysage". Paris, E.N.S, mai 1977, p. 530. "Ce sont des jeunes qui ont racheté les maisons des personnes décédées. En principe, ils travaillent tous à l'extérieur, sur Amiens, sur Conty ou aux alentours. Ils partent le matin, ils rentrent le soir. Mais il n'y a plus personne au village". (*)

Au point que lors d'une cérémonie seuls, ou presque seuls, ceux qui sont invités se déplacent. A ou dans les villages paysans voisins, invités ou pas, les gens vont à la mairie ou à l'église. Non seulement parce qu'ils se sentent concernés, mais parce qu'il existe encore un esprit de village, un certain besoin de continuité, la recherche d'une interconnaissance. Il semble qu'au Bosquel, il y ait un certain désinvestissement, comme un repli. D'un point de vue encore plus général, sur le plan de l'habitat comme sur celui de l'économie agricole, la population du Bosquel s'est vue propulsée relativement vite dans un univers plus moderne, un univers auquel elle ne s'attendait certes pas. Il lui a fallu apprendre à vivre dans un cadre nouveau, utiliser des lieux nouveaux, transformer ses habitudes, adopter de nouvelles pratiques tant dans le travail que dans le quotidien. Mais la dynamique impulsée s'est vite essoufflée. Les innovations apportées commencent à dater. 10. Quelques repères historiques

Loi du 11 octobre 1940: création du Commissariat à la Reconstruction. (Il est chargé d'appliquer des lois fondées sur le principe que l'Etat intervient pour assurer la reconstitution des biens détruits ou endommagés par la guerre et dont l'utilité économique et sociale est admise). 1941: Création de la délégation Générale à l'Equipement National. (Elle doit préparer un plan décennal pour l'équipement du pays). Le 20 juin 1942, le projet de reconstruction et d'aménagement de la commune du Bosquel est soumis à l'enquête préalable à son approbation. Les habitants du Bosquel ainsi que les intéressés des commune svoisines peuvent alors présenter leurs observations sur les travaux projetés. Le 15 juillet 1942,. le procés-verbal d'enquête contient huit déclarations dont six sont contraires au projet. Toutes concernent des refus d'expropriation. Le 18 décembre 1942, le Comité National de la Reconstruction donne un avis favrable au projet de reconstruction et d'aménagement du Bosquel. Le 22 mars 1943 le projet de reconstruction et d'aménagement du Bosquel est déclaré d'utilité publique pendant 15 ans conformément aux dispositions de l'article 10 du décret du 7 février 1941, complété par le décret du 26 mai 1941.. Du 1er au 15 juin 1943: avis d'enquête pour l'examen des opérations de reconnaissance de classement et d'évaluation des propriétés devant faire l'objet d'un remembrement au Bosquel. L'arrêté du 4 avril 1943 porte délimitation du périmètre de reconstruction de la commune de le Bosquel. Loi du 16 juin 1943: Loi d'urbanisme qui représente en quelque sorte la Charte de l'Equipement. (Nécessité d'obtenir un permis de construire avant toute entreprise de (re)construction) Le 10 janvier 1944, les opérations prévues au projet de reconstruction du Bosquel sont déclarées urgentes. Le 7 octobre 1946, le remembrement du Bosquel est clôturé et devenu définitif par arrêté préfectoral. Noèl 1947: achèvement de la première ferme dite ferme QUESNEL. Le 1er avril 1963: Suppression du Service des Dommages de Guerre de la Somme. Annexes Annexe 1

Exposition de la reconstruction à Amiens

Le Bosguel

A. Projet d/aménagement

1. Plan de situation 2. Plan d'état actuel avec indication des destructions. 3. Projet d'aménagement proprement dit au 1/2.000e ou au 1/1.000e. 4. Rendu du plan d'aménagement, en couleur ou au trait, sorte de vue aérienne, ech. 1/2.000e. 5. Partie centrale du village, éch l/500e. 6. Vue cavalière de la partie centrale du village. 7. Croquis et perspective du futur centre communal.

B. Etude monographique:

8. Schéma géologique. 9. Graphique de population. 10. Etat du cadastre de 1808 et évolution du village depuis cette époque. 11. Vieux plan du village (XVIIIéme). 12. Schéma d'évolution historique. 13. Schéma morphologique: "village fermé et champs ouverts". Les raisons qui postulent de maintenir une agglomération. 14. Position de l'agglomération: "La charpente du terroir, les chemins". 15. Rapport du village au finage. 16. Etude monographique de la ferme traditionnelle en Amiénois (cas du Bosquel), montrant comment elle tient au parcellaire et les raisons qui doivent la faire maintenant évoluer. Fermes et rues de ferme. 17. L'aspect général et l'âme du village (citation d'écrivain). 18. Plan du terroir avant remembrement (1934) 19. Plan du terroir après remembrement (1935) 20. Avant-projet du remembrement en cours (M. GAY, géomètre) 115

C. Documents divers:

21. Photos du village avant sa destruction 22. Photos des fêtes, cavalcades, processions qui montrent l'existence d'une vie locale des plus intéressantes. 23. Photos du Bosquel après sa destruction.

D. Objets du folflore recueillis au Bosquel

Dl. Géologie;

Fossiles et minéraux locaux

D2. Histoire:

Beau silex taillé acheuléen trouvé sur le site du Bosquel Petites poteries franques trouvées au Bosquel.

D3. Folfklore:

- Belle collection de taques foyeres (une trentaine) en fonte, des XVI, XVII, XVIII et XIXémes siècles: sujets variés et intéressants (Phoebus, Cupidon, Saint Eloy, Napoléon, scènes funéraires, armoiries, cavalier, atelier d'artisan...). Une pancarte indique le sens de ces objets: "ces taques foyeres marquent ici le souvenir des anciens foyers détruits du Bosquel". - Tape à beurre décorée au couteau. - Lampes à huile décorées de coqs ou de fleurs de lys. - Très beau garde-feu en fer forgé (XVIIes) avec fleur de lys. - Une statuette de Saint Biaise, patron du pays, en bois, et en cours d'exécution par un vieil artisan, le dernier dans cette région. - Bouquet de moisson. - Bassinoires en cuivre.

D.3. Objets du folklore ménager:

- Collection de poteries de terre assez complète et très variée (vases, cruches, bouteilles, jarres, gourdes, dont une très grande cruche vernissée d'un bel effet décoratif. Toutes ces poteries ont des galbes intéressants). - Lampes à huile. 116

- Nombreuses crémaillères décorées.

- Soufflet.

D.4. Objets de folfkore de métier;

- outils divers - faucilles - serpes - un grand métier à tisser - rouet - dévideuse - quenouille - pince - navettes D.5. Eléments du bâtiment:

- Diverses sortes de tuiles locales, faitages, arêtiers - Pentures, clefs de murs, entrées de serrures

D.6. Objets divers;

- Mesure a grains en pierre - Une torse d'Ecce Homo en pierre, assez fruste, trouvé dans les décombres - Colonne en pierre décorée de fleurs de lys - Fragment d'une des cloches de l'église - Clef du porche de l'église démolie 117

Annexe 2

Le 8 septembre 1941 Demande de bon pour pneu de bicyclette

Monsieur l'Ingénieur en Chef des Ponts-et-Chaussées 61, mail Albert 1er AMIENS Somme

Monsieur l'Ingénieur en chef,

Je me permets de solliciter de votre obligeance un certificat qui me permettrait de remplacer mes pneus de bicyclette, presque complètement usés, et qui menacent de ne plus durer beaucoup de jours. Vous pourriez indiquer peut-être que je suis nommé par le Commissariat Technique à la Reconstruction pour l'établissement des plans d'urbanisme des communes de Rumigny, Saint-Sauflieu, Oresmaux, le Bosquel, localités situées jusqu'à 20 kms d'Amiens, que mon seul moyen de prospection est la bicyclette, et qu'il est absolument nécessaire que je puisse changer mes pneus (déjà bien usés par les tournées que je fais dans cette région depuis mars dernier) si je veux continuer mon travail. Je vous prie d'agréer, Monsieur l'Ingénieur en chef, l'expression de ma parfaite considération.

Paul DUFOURNET Annexe 3

La Coopérative Départementale de Reconstruction de la Somme

Son rôle est de calculer le montant des dommages de guerre des adhérents en fonction des séries de prix et des barèmes, puis de fixer les besoins de chacun et de grouper les commandes de matériaux en vue d'obtenir les prix de revient les plus avantageux. Elle doit également traiter avec les entrpreneurs pour une masse de travaux dans un secteur donné en vue d'accélérer la reconstruction.

Elle est créée en mai 1947 à l'initiative de la FACSAS.

Monsieur Léon ROPIQUET, plus grand propriétiare exploitant du Bosquel en est nommé président, alors que Monsieur Pierre BARNABE en devient le directeur Annexe 4

Les commissions départementales de la reconstruction:

Présidées par le Préfet, elles sont constituées d'un délégué à la Reconstruction, des représentants du conseil général, des maires des villes et communes rurales sinistrées, des associations de sinistrés, des entrepreneurs, des syndicats, des techniciens et des architectes attachés à la reconstruction.

Le rôle de ces commissions consiste en: - l'agrément des plans d'urbanisme et des marchés - Le visa des permis de construire - la question des dommages de guerre - la répartition des crédits, matériaux et main d'oeuvre alloués au département (13)

Le maire doit être le correspondant du délégué à la reconstruction dans sa commune.

13. Alloués selon un coefficient "d'intérêt national". Annexe 5

Les indemnisations

M. BILLOUX, alors ministre de la reconstruction en 1946 se trouve confronté au problème du règlement intégral des dommages de guerre. Il est chargé par le gouvernement de préparer un projet de loi afin de simplifier les multiples législations qui s'enchevêtrent.

Il existe en effet trois catégories de dommages (14) parmi lesquels figure le dommage "personnel et familial". Il concerne essentiellement des dommages d'ordre mobilier dont la réparation est prioritaire, mais pour laquelle l'Etat français manque de fonds.

14. Le (tonnage "d'économie nationale" (industrie, commerce, agriculture) qui concerne la remise en route d'une branche productive. Le dommage "de luxe et de superflu" (galerie de tableaux, collections d'art...) Et le dommage "personnel et familial" Annexe 6

Les règles administratives à respecter en matière de plan de reconstructi on

"Le plan établi par l'architecte urbaniste est soumis à Paris à la Commission Technique à la Reconstruction qui le prend en considération. Puis le plan est transmis à la section d'urbanisme du Comité National de la Reconstrcuion. Celui-ci fait ses obsevations, s'il y a lieu, et demande à l'architecte de poursuivre son étude dans le sens désiré. Ceci fait, le plan est alors soumis à une enquête de commodo et incommodo qui dure 10 jours et au cours de laquelle tous les citoyens intéressés peuvent faire connaître leurs critiques s'ils le jugent à propos. En même temps, le conseil municipal se prononce et le plan est soumis au sous-comité départemental de la Reconstrcution présidé par le Préfet, assisté de techniciens auxquels sont adjoints le maire et deux notabilités désignées par le Préfet. Ce Comité Départemental intervient comme commision d'enquête et c'est sur le vu de son avis et avec l'approbation du Préfet que le plan est enfin sanctionné par le Comité National et qu'un décret ministériel intervient."

Le Journal d'Amiens, 27 août 1941. B d. fc> 1 dL o çj Dtr EL p» In d_ e Archives du Ministère de la Reconstruction

ROSEN, Jacques. Guide des Archives du ministère de l'Urbanisme et du logement. 1940-1960. Mission Archives Nationales, si. nd. 206 p.

(AFU 10 788: Le Bosquelf dossier général) 15 avril 1941: Lettre désignant P. DUFOURNET pour établir le PAR. 1942: Plan de situation des fermes. • 21 mars 1942: Extrait du registre de délibération du Conseil Municipal du Bosquel. 17 avr. 1942: Lettre du commissaire à la Reconstruction Immobilière à Mr le Délégué régional pour le département de la Somme annonçant la décision de prendre le Bosquel et Oresmaux comme villages prototypes. 15 juil 1942: Programme des servitudes du PAR du Bosquel. Prévisions d'ordre sanitaire. Dossier administratif (18 pièces) 5 sep. 1942: Note sur la reconstruction du Bosquel jointe à l'envoi fait au secrétaire du cabinet du Maréchal PETAIN. Pièces relatives à l'étude et à l'instruction du projet d'urbanisme : 18 déc. 1942: Extrait du PV de la réunion du Comité donnant son accord au PAR. 18 déc 1942: Comité National de la Reconstruction. Rapport au retour de l'enquête publique relative au projet d'aménagement et de reconstruction (PAR). 15 janv. 1943: Demande d'Approbation du projet de Reconstruction et d'Aménagement du Bosquel au Délégué Général à L'Equipement National. 22 janv. 1943: Note au directeur du MRU présentant le projet. 28 janv. 1943: Approbation du projet par le Délégué Général à la Reconstruction. 22 mars 1943: Arrêté portant approbation et DUP du PAR. 4 Avril 1943: Arrêté portant délimitation du périmètre de reconstruction de la commune Extrait du Journal Officiel du 23 avril 1943: l'approbation vaut DUP. 20 mars 1945: lettre du MRU à son délégué local concernant le début des travaux. 2 avril 1945. New York Herald Tribune. Article de Sarah LAMPORT au sujet du remembrement du Bosquel. 12 juin 1945: Lettre de Mr. LACOURLIE, Ingenieur en chef du service du Génie Rural du Ministère de l'Agriculture en direction de P. DUFOURNET : demande d'arrêter les démarches d'un second remembrement. 20 Octobre 1945: Délimitation du périmètre de reconstruction du Bosquel. 17 déc. 1945: Réunion d'information sur le remembrement du Bosquel. 2 janv. 1946: Rapport du délégué départemental au MRU sur le remembrement. 29 janv. 1946: Réponse de l'Ingénieur du GREF au délégué Départemental du MRU quant à la question de surseoir ou non aux démolitions, quant au problème des réclamations. 14 mars 1946: Le MRU au délégué Départemental de la Somme pour demande d'examen de la situation suite au Courrier Picard du 2 mars 1946. 16 mars 1946: Le conseil municipal du Bosquel au préfet de la Somme au sujet d'une révision souhaitée. 19 mars 1946: "Sur les 16 cultivateurs, 14 sont contents du remembrement". Courrier Picard. 19 mars 1946: Lettre du délégué départemental au MRU faisant le point de la situation suite à un article diffamatoire paru dans le courrier picard du 2 mars. 26 mars 1946: Libres propos (très amers) de Georges DELAMARE. 28 mars 1946: L'inspecteur Général de l'Urbanisme au préfet de la Somme pour signifier qu'aucun des 3 points de la demande du maire du Bosquel ne relèvent de sa compétence. 2 avril 1946: Note du Directeur Général de l'Urbanisme au Directeur des Travaux et au Commissaire Général Des Dommages de Guerre. Avril 1946: Réponse aux libres propos de G. DELAMARE 4 avril 1946: Lettre concernant la réalité de la Reconstruction. 5 avril 1946: Position de la Fédération des Syndicats Agricoles du canton de Conty, favorable au remembrement en cours. 6 avril 1946: Pétition de sinistrés du Bosquel mécontents. 9 avr. 1946: Lettre de sinistrés à 100 %, au délégué départemental de la Reconstruction pour faire activer les travaux. 15 av. 1946: Le délégué départemental à la Reconstruction au MRU: rendant compte de l'urgence de la révision du PAR. I mai 1946: Projet de réponse au ministre du MRU au sujet de la Révision du projet de reconstruction de la part de la Direction de l'Urbanisme et de l'Habitation. 3 mai 1946: Lettre de l'Urbaniste en chef de la circonscription de Laon St Quentin au M.R.U concernant la révision du projet de reconstruction. 3 mai 1946. Rapport au sujet de la pétition envoyée au Ministère des finances et de l'Economie Nationale. II juil. 1946: Demande de révision du PAR. 13 sept. 1946: Demande d'enquête du Directeur de l'Urbanisme. 17 sep. 1946: Note à Mr. PROTHIN. 27 sep. 1946: Visite du chef de la section remembrement d'Amiens. 19 nov. 1946: Lettre de P. DUFOURNET au Délégué Départemental du MRU. 124

AFU 10788. Le Bosquel : Projet d'Aménagement et de Reconstruction. Le Bosquel. urbaniste: Paul DUFOURNET. Dossier administratif 1: 4 sept. 1940: Arrêté du Préfet de la Somme 20 fév. 1941: Désignation de Paul DUFOURNET, Urbaniste. 26 déc. 1941: Présentation du PAR. 19 sept. 1941: Extrait du memorandum des séances de la section d'Urbanisme du Comité National de la Reconstruction. 4 fév. 1942: P.V de séance de la sous-commission de la Reconstruction. 18 mars 1942: Mise à l'enquête du PAR. 21 mars 1942: Extrait du registre des délibérations du conseil municipal du Bosquel. 13 juin 1942.: Arrêté du Préfet de la Somme portant ouverture d'enquête. 23 juin 1942: Publication de l'avis d'enquête. Juil. -Dec. 1942: Divers certificats des maires/affichage du PAR. 15 juil. 1942: Procès-Verbal d'enquête. 17 juil. 1942: Extrait du registre aux délibérations du Conseil Municipal du Bosquel. 22 juil. 1942: P.V de la séance de la sous-commission départementale de la Reconstruction. 20 juil. 1942: P.V de la conférence entre services civils. 24 oct. 1942: DUP du PAR de la commune du Bosquel. 25 nov. 1942: Avis du Préfet de la Somme. 18 déc. 1942: Rapport de M. REMAURY, délégué régional du commissariat à la Reconstruction. 18 déc. 1942: Avis et P.V de la séance du comité national. 15 janv. 1943: Avis du commissaire à la Reconstruction. Janv. 1942: Approbation du PAR. 28 janv. 1943: Idem de la part du délégué général à l'Equipement National. 23 mars 1943: Arrêté Interministériel portant approbation et déclaration d'utilité publique du PAR. Divers courriers annonçant l'approbation du PAR. Projet d'Aménagement et Plan de Reconstruction du Bosquel. Projet d'arrêté du maire. CAB 1047: Annexe au rapport d'activité de la Sramno. Année 1963 La Reconstruction du département est pratiquement terminée.

AFU 10835: Dossier Génér-al grannie ( 1941-1968ï 28 avr. 1941: Lettre de l'Union des Syndicats Agricoles de la Somme.concernant les fermes isolées. 2 mai 1941: L'Ingénieur en Chef des Ponts & Chaussées informe le Commissaire Technique à la Reconstruction de la lettre émanant de l'Union des Syndicats agricoles de la Somme. 10 juin 1941: Constitution de groupements de communes en vue de l'étude du PAR. 6 août 1941: Réquisition de géomètres par le Service de Restauration Paysanne. 11 août 1941: Idem. 27 août 1941: Idem. 7 mai 1942: Une exposition d'art et d'architecture à Amiens. 23 mai 1942: Annonce de la mise à l'enquête du PAR au Maire du Bosquel. 21 août 1942: Nomination de l'Association. Syndicale de Remembrement et de Reconstruction du Bosquel. 22 août 1942: Le Commissariat à la Reconstruction à M. GAZET, Ingénieur en chef des Ponts & Chaussées au sujet du PAR. 2 sep. 1942: L'Ingénieur en chef des Ponts & Chaussées au sujet du PAR du Bosquel. 15 sep. 1942: Idem au sujet de l'exposition. 26 sep. 1942: Procédures d'approbation du PAR. 13 nov. 1943: Tableau faisant connaître l'état d'avancement des PAR. 2 mars 1946: Le Courrier Picard: "Monsieur BILLOUX définit, à.Amiens, sa politique". 2 mars 1946: Lettre de Dufournet. 2 av. 1952: Etat d'avancement des études d'urbanisme des communes sinistrées du département de la Somme. 7 déc. 1954: Il n'y a aucun Plan d'Aménagement en cours sur les communes non sinistrés. 22 fév. 1956: Demande de la liste des PAR encore en cours dans la Somme. Archives départementales de la Somme Fonds DUFOURNET

15 J 1; 21 mars 1942: Extrait du registre aux délibérations du Conseil Municipal. Immeubles-types: Du fermier, du logement des animaux, de la maison du commerçant et du propriétaire rural. 5 nov. 1945: Le service d'Architecture du Bosquel à Coterelle. 9 nov. 1945: Conférence du Bosquel. 6 déc. 1945: Télégramme. 7 déc. 1945: Conférence du Bosquel. 13 déc. 1945: Remise des avant-projets de fermes. 14 déc. 1945: Conférence du Bosquel. 21 déc. 1945: idem. 22 déc. 1945: Les méandres de l'administration. 28 déc. 1945: Conférence du Bosquel. 27 oct. 1957: Election des membres des Tribunaux paritaires des baux ruraux du Bosquel.

15 J 3 dossier A (Correspondance année 1945): 8 fév. 1945: Accueil de Maurice GRANDJEAN au Bosquel. 12 fév. 1945: Qui va payer les 500 000 hommes censés travailler aux Chantiers de la Reconstruction? 12 fév. 1945: Lettre d'un architecte à Paul Dufournet. 21 fév. 1945: Proposition de nomination des architectes par M. CAZAUD. 22 fév. 1945: Inscription à l'ordre des architectes de M. DUPRE. 22 fév. 1945: Liste des architectes. 22 fév. 1945: Lettre des architectes au MRU qui s'enquièrent des payeurs. 25 fév. 1945: Lettre de M. GRANDJEAN à P. DUFOURNET. Avril 1945: Rapport des Architectes de l'opération à P. DUFOURNET. Avril 1945: Tableau des matériels nécessaires à la Reconstruction. 11 av. 1945: Désistement de DAMERVAL. 12 av. 1945: Lettre de P.DUFOURNET à GAY. 2 mai 1945: P. DUFOURNET exige un accompte pour son équipe. 2 mai 1945: P. DUFOURNET demande à l'Inspecteur Général de l'Urbanisme d'être rapporteur auprès du MRU du projet du Bosquel. 2 mai 1945: Lettre de P. DUFOURNET à MORIN, ingénieur, au sujet du PAR (Béton de terre) 24 mai 1945: Manque de ciment. 1 juin 1945: Cantonnement des jeunes 7 juin 1945: P. DUFOURNET demande un RDV à M. GAY. 8 juin 1945: Le renouvellement de la mairie du Bosquel s'accompagne d'une opposition au remembrement. 127

11 juin 1945: Réponse de GAY à P. DUFOURNET. 17 juin 1945: Les riverains de la mare du Bosquel souhaitent sa suppression. 19 juin 1945: CR du Bosquel. Essais de béton de terre. 19 juil. 1945: Conférence du Bosquel. 24 juil. 1945: Propositions d'honoraires faites au MRU pour l'équipe des architectes. 27 juil. 1945: A propos d'un réservoir sous-terrain. 27 juil. 1945: Les contrats des architectes. • 27 juil. 1945: Demande d'attribution de ciment. 28 juil. 1945: Conférence du Bosquel. 30 juil. 1945: Additif au CR du 20-7-1945. 31 juil. 1945: Les salaires des architectes. 31 juil. 1945: idem. 1 août 1945: Construction du réservoir. 1 août 1945: Extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal du Bosquel. 7 sep. 1945: Conférence du Bosquel. 22 sep. 1945: idem. 4 oct. 1945: idem. 8 oct. 1945: idem. 9 oct. 1945: Demande de crédits pour achever les maquettes. 12 oct. 1945: Conférence du Bosquel. 13 oct. 1945: Calcul des unités de la première ferme. 15 oct. 1945: Résumé des réflexions sur les projets de ferme du Bosquel. 26 oct. 1945: Au sujet de la petitesse de certains bâtiments annexes. 19 oct. 1945: Conférence du Bosquel. 25 oct. 1945: Note relative à l'approbation des plans de ferme. 26 oct. 1945: Conférence hebdomadaire du Bosquel. 29 oct. 1945: Demande d'avis concernant les projets du Bosquel. 31 oct. 1945: Destruction de baraques par une tempête. 2 nov. 1945: Conférence du Bosquel. 6 nov. 1945: P.V. de chantier du Bosquel. 6 nov. 1945: Rapport justificatif des architectes sur les dispositions adoptées pour la reconstruction du village. 11 déc. 1945: Situation difficile qui est faîte aux architectes. 17 déc. 1945: Construction de maquettes. 17 déc. 1945: Conférence du Bosquel.

15 J 3. Dossier B (série photocopiée): 1945: C.R de la mission confiée à P. MAURIN par le MRU sur le Bosquel. 9 av. 1945: Rapport de P. DUFOURNET pour la réunion des urbanistes. 1945: Rapport sur la réorganisation foncière et le remembrement de la propriété rurale. 12 av. 1945: Courrier. 6 juin 1945: CR de la réunion corporative de Rogy. sd: Désignation des travaux à exécuter. 128

15 J 3 dossier C 11 août 1947: Lettre de la Société Nationale de la Petite propriété Terrienne. Contrat 1: Etat des cultivateurs exploitants. Fiche technique n*8: Un exemple de remembrement: le Bosquel. sd: Note précisant la pensée des auteurs de la reconstruction rurale. P. Dufournet: "La ferme de 25 ha en Amiènois" in: Concours d'Etudes Provinciales. Picardie. sd: Lettre relative à la non prise en compte de l'évolution des techniques agricoles modernes dans les PAR. 4 janv. 1949: Proposition d'utiliser la tuile mécanique plutôt que l'ardoise. sd: Description de la ferme QUESNEL. sd: Note relative à l'approbation des plans de ferme du Bosquel. sd: Additif au rapport de P. DUFOURNET. 17 juin 1945: CR d'une réunion du MRU sur la Reconstruction du Bosquel. sd: Liste des propriétaires du Bosquel ne figurant sur aucun état. sd: Implantation des bâtiments agricoles. sd: Rapport justificatif des Architectes sur la Reconstruction du Bosquel. 4 av. 1945: Lettre de M. GAY à P. DUFOURNET. 7 mars 1956: Conférence du Bosquel. 15 juil. 1942: Rapport d'enquête au délégué à la Reconstruction sur le remembrement. 5 fév. 1948: La mission d'architecte au Bosquel. 5 nov. 1947: Les habitants du Bosquel annoncent leur intention de rompre toute attache avec les architectes de l'opération. sd. "Le Bosquel, village-type". 26 déc. 1942: Les déceptions face aux résultats du PAR. 5 fév. 1948: Le MRU rejette la proposition de bénévolat de P.DUFOURNET. 16 fév. 1946: Lettre de P.DUFOURNET. 1947: "Exploitation agricole. Directives générales pour la composition des plans d'ensemble". Paris. Imp. Nationale. 1947, MRU, Min. de 1'Agrie.

15 J 12 et 13 fdossier vert: 1943-1946Ï: 25 av. 1943: "Constructions non continues". 6 mars 1967: Bibliographie sommaire sur les villages picards. Avril 1944: Essai sur l'habitat rural en Picardie. 18 mai 1957: Exemple d'un échange amiable de parcelles après exposé rapide de l'historique du PAR. 11 mai 1948: Extrait du registre aux délibérations du Conseil Municipal. si, Le Bosquel: Lettre manuscrite adressée à P. DUFOURNET de la part d'un sinistré concernant le PAR. si, nd: Lettre de P. DUFOURNET à G. QUESNEL. 129

Lettre du MRU à P. DUFOURNET concernant ses appointements. Service d'Architecture du Bosquel: ferme Cotterelle- Dragonne (annexe à la note justificative des dispositions adoptées). Liste des entrepreneurs travaillant à la construction des ISAI. Lettre tapuscrite (P.V d'une réunion à propos des réclamations relatives au remembrement), si, nd. 16 mars 1946: Demande de révision du remembrement. 6 août 1945: Le service d'Architecture du Bosquel au Délégué Régional du MRU au sujet de l'affectation qui sera faîte des parcelles de terrain. 8 nov. 1946: Une pénurie de matériaux impose que les hangars déjà construits soient détournés de leur fonction première et servent à l'édification de certaines fermes.

15 J 12 et 13 (Dossier rouge 1940-1941^ "Histoire des expropriations" 2 nov. 1940: Désignation de M. DAMERVAL comme Architecte Communal. 6 mars 1941: Avis aux Préfets. 22 août 1941: A propos de Saint-Sauflieu et Rumigny. 25 sep. 1941: A propos du terrain scolaire. 15 oct. 1941 Demande d'habilitation à concevoir un projet de stade. 18 oct. 1941 A propos du levé de plan du Bosquel. 22 oct. 1941 Réponse. 18 déc. 1941 Lettre du Colonel Roger le Clerc, Commandant du 50éme Régiment d'Infanterie. Prisonnier en Poméranie.

15 J 12 et 13 (Dossier: Association Syndicale): 22 janv. 1942: Essais de matériaux et manque de papier calque. 26 mai 1942: Le Commissariat à la Reconstruction est favorable à la nomination de P. DUFOURNET comme architecte en chef. Avis d'enquête pour l'examen du classement et des limites des propriétés au Bosquel. 22 juin 1942: Réunions des 15, 16 et 17 juil. au Bosquel 15 sep. 1942: Au sujet du report du remembrement. 9 oct. 1942: Lettre à un agriculteur. 18 déc. 1942: Convocation de la réunion des Architectes chargés de la Reconstruction. 24 déc. 1942: Nomination du Directeur de l'Association Syndicale. 24 déc. 1942: Au sujet du remembrement d'Oresmaux et de sa vue théorique idéale. 8 janv. 1943: Au sujet d'une rencontre avec le géomètre. 22 janv. 1943: Au sujet de la pénurie de calques. 26 janv. 1943: Au sujet de chemins à empierrer. 3 fév. 1943: Le PAR doit recueillir l'adhésion des sinistrés. Un bureau de coordination des études d'immeubles- types est créé. 5 fév. 1943: P. DUFOURNET à M. GAY. 130

2 mars 1943: Ne pas créer trop de valeurs de terres. 3 mars 1943: Idem. 11 mars 1943: La liste des bâtiments à détruire ultérieurement n'étant pas dressée, ils ne sont pas détruits. 18 mars 1943: Demande de la liste des maisons à conserver. 24 mars 1943: Modèle pour le règlement d'honoraires des architectes. 24 mars 1943: Au sujet du P.A.R et des maisons à conserver. 31 mars 1943: Couler le Bosquel et Oresmaux dans le moule d'Orléans. 31 mars 1943: Dossier au Commissariat à la Reconstruction. 13 av. 1943: Demande de l'avant-projet du géomètre. 15 av. 1943: Au sujet du remembrement d'Oresmaux. 13 mai 1943: Signature des dossiers du contrat. 19 mai 1943: Ce qu'il faut et ne faut pas détruire. 29 mai 1943: La commission d'enquête du Bosquel des 16-18 juin. 22 juil. 1943: Demande à P.Dufournet une liste des villages où la reconstruction peut être appliquée. 31 juil. 1943: Attribution du contrat n°2 pour les communes du Bosquel et d'Oresmaux.

15 J 12 et 13 (dossier: première phase de la reconstruction^: 17 janv. 1946: Conférence hebdomadaire du Bosquel. 24 janv. 1946: Conférence du Bosquel. 31 janv. 1946: Conférence du Bosquel. fév. 1946: Extension du périmètre de reconstruction. 7 fév. 1946: Conférence du Bosquel. 14 fév. 1946: Conférence du Bosquel. 16 fév. 1946: Au sujet d'un total trop faible des points acquis pour bénéficier d'une reconstruction intégrale. 16 fév. 1946: Question de l'inclusion du Bosquel dans la zone contrôlée par l'architecte en chef. 20 fév. 1946: Qui est responsable de la ferme QUESNEL? 20 fév. 1946: Honoraires des architectes. 21 fév. 1946: Avant-projet de la ferme FOLLET. 27 fév. 1946: Au sujet des points. 27 fév. 1946: Divergences entre les commandes émanant des divers architectes. 21 fév. 1946: Conférence du Bosquel. 26 fév. 1946: Liste des dossiers instruits et des points obtenus. 28 fév. 1946: Conférence du Bosquel. 5 mars 1946: Etat de la reconstruction. 11 mars 1946: L'hygiène des maisons rurales. 14 mars 1946: Les réunions du Bosquel n'auront plus lieu que tous les 15 jours. 16 mars 1946: Série de sinistrés non indemnisés. 20 mars 1946: Liste des sinistrés, de leurs architectes respectifs. 30 mars 1946: Courrier. 30 mars 1946: Courrier. 2 av. 1946: Démission d'un architecte. 5 av. 1946: Fédération des Syndicats Agricoles du Canton de Conty. 131

6 av. 1946: La nouvelle répartition des points. 11 av. 1946: Conférence du Bosquel. 17 av. 1946: Courrier. 25 av. 1946: Conférence du Bosquel. 30 av. 1946: Lettre d'un sinistré. 10 mai 1946: Conférence du Bosquel. 24 mai 1946: Conférence du Bosquel. 31 mai 1946: Révision du PAR. 7 juin 1946: Conférence du Bosquel. 8 juin 1946: Courrier. 17 juin 1946: Liste de ceux qui n'ont toujours pas réagi aux propositions de Reconstruction. 17 juin 1946: Service d'urbanisme du Bosquel au MRU. 17 juin 1946: Au sujet d'une construction future. 18 juin 1946: Au sujet du supplément de dépenses liées à un changement de matériaux. 18 juin 1946: Au sujet de la modification d'une conception de plan. 1 juil. 1946: Attribution de points pour deux sinistrés en indivision. 5 juil. 1946: Conférence du Bosquel. 11 juil. 1946: Au sujet d'une réclamation du Maire du Bosquel à propos du remembrement. 2 août 1946: Conférence du Bosquel. 13 août 1946: Des sinistrés n'ont pas donné d'avis au sujet de leur indemnisation. 18 août 1946: Au sujet des chassis standards. 6 sep. 1946: Conférence du Bosquel: La question des 42 vieillards du village. 18 sep. 1946: Au sujet du remembrement. 26 sep. 1946: Attribution de points. 28 sep. 1946: Il faut faire des économies en réduisant les types de menuiseries. 11 oct. 1946: Conférence du Bosquel. 18 oct. 1946: Conférence du Bosquel. 19 oct. 1946: Au sujet de la transformation d'une maison. 19 oct. 1946: Au sujet d'un changement de matériau. 21 oct. 1946: Au sujet de la transformation de bâtiments d'exploitation. 21 oct. 1946: Au sujet d'une fumière belge. 26 oct. 1946: Installation d'une famille dans une construction définitive. 26 oct. 1946: Au sujet d'une réparation de baraquement. 28 oct. 1946: Au sujet de la remise en cause de la participation de l'Etat dans les PAR. 30 oct. 1946: Acte notarié des indivisaires. 9 nov. 1946: Au sujet de la "gabegie" (selon le fisc) engendrée par la construction de la ferme QUESNEL. 18 nov. 1946: M. GRANDJEAN au Chef du Service des Estimations des dommages de guerre. 20 nov. 1946: Au sujet de la ventilation d'un déficit lié à la première maquette. 20 nov. 1946: P. DUFOURNET à l'entrepreneur. 21 nov. 1946: Une entreprise doit suspendre ses travaux. 5 déc. 1946: Les USA sont favorables à l'expérience du Bosquel. 12 déc. 1946: Des photos circulent. 21 déc. 1946: Au sujet de la reconstruction d'une ferme. 132

21 dec. 1946: Idem.

15 J 12 et 13 (dossier: Architecte d'ensowiKle) ; 27 dec. 1941: Le Centre rural du Bosquel doit être rangé parmi les ensembles susceptibles de motiver une étude spéciale en vue d'un plan d'urbanisme. 8 janv. 1942: Courrier. 2 oct. 1943: Liste des architectes agréés. 22 oct. 1943: AU sujet du libre choix des sinistrés quant aux architectes. 22 fév. 1945: Demande du plan définitif du remembrement du Bosquel. 22 fév. 1945: Demande des dossiers n°l. 1 mars 1945: Courrier. 23 mars 1945:Courrier.

15 J 12 et 13 (Le Bosquel. 1947!: 30 janv. 1947: Contrats d'architectes pour le Bosquel. 31 janv. 1947: Demande de dérogation pour modifier une cloison de ferme. 31 janv. 1947: Au sujet du remembrement. 3 mars 1947: Il n'est pas question de remanier le remembrement au Bosquel. Simple correction de parcelles. 17 mars 1947: Demande d'un rapport général d'activités. 1 av. 1947: Rapport de P. DUFOURNET. 5 av. 1947: Obligations de restreindre les voeux en matière de reconstruction du fait des réductions de budgets. 8 déc. 1947: Au sujet du renvoi des architectes d'opération.

15 J 12 et 13 (Dossier maison-type!: "Instructions techniques sommaires relatives au logement de l'exploitant et de l'ouvrier agricole". Paris, M.R.U, Min. Agriculture, Direction Générale du Génie Rural, Imp. Nationale, 1946, 57 p. "Instructions techniques sommaires relatives à la construction et à l'aménagement des écuries, étables, porcheries". Paris, M.R.U, Min. Agriculture, Direction Générale du Génie Rural, Imp. Nationale, 1945, 43 p.

15 J 12 et 13 (Le Bosquel: 1948-1949!: 6 fév. 1948: P.V de la réunion ayant eu lieu à la ferme ROPIQUET. 30 av. 1948: Au sujet de la radiation de P. DUFOURNET comme architecte en chef. 24 juin 1948: Nomination de M. GONZE pour l'élaboration de la suite des travaux. 7 juil. 1948: Lettre concernant la radiation de P. DUFOURNET. 24 juil. 1948: Réaction de P. DUFOURNET. 133

24 av. 1949: Au sujet d'un article pour "L'architecture d'aujourd'hui".

15 J 12 et 13 fContrats^: (1945): Contrat type provisoire d'architecte d'opération. (1941): Contrat pour l'exécution de la mission d'architecte en chef de la Reconstruction. (1941): Contrat d'architecte en Chef de groupe.

15 J 12 et 13 (Le Bosouel 1948-1948Ï: sd: Démission. 28 janv. 1947: Courrier. 3 juin 1947: Le problème de l'estimation des biens sur la base de 1939. 13 juin 1947: Décharge des architectes de toute responsabilité si les bâtiments se dégradent. 23 juin 1947: Estimation de biens détruits avec les nouveaux barèmes. 13 sep. 1947: Problème du nouveau calcul des droits et dommages. oct. 1947: Dossiers des dommages et projets de reconstruction. 14 nov. 1947: Note de P. DUFOURNET. Liste présumée complète des sinistrés n'ayant pas déposé de dossiers. 5 déc 1947: Question d'honoraires. 14 janv. 1948: PV d'enquête au sujet d'une réclamation concernant une vacherie. 23 janv. 1948: Annonce d'une réunion. 19 fév. 1948: Réclamation des honoraires dus aux architectes lésés après le changement d'avis du MRU concernant le statut des nouvelles constructions

15 J 12 et 13 (Le Bosquel 1945-1946^: 22 fév. 1945: 500 jeunes vont travailler à la reconstruction. 29 mars 1945: Liste des architectes désignés pour la reconstruction du Bosquel. 19 janv. 1946: Extension du périmètre de reconstruction. 1 fév. 1946: Quelques fragments de compensation? 6 fév. 1946: Accord du MRU pour l'extension du périmètre de reconstruction. 6 mars 1946: Annonce du périmètre de reconstruction. 28 mars 1946: Dossier pour éclaircir les articles diffamatoires de la presse. 2 janv. 1947: Asphyxie des chantiers et problème du coût du PAR. Calcul de la vétusté. 15 J 12 et 13 (dossier: Coupures de presse): 10 dec. 1941: Journal d'Amiens - "Personne ne doit perdre de vue que l'unité française est à reconstruire". 30 oct. 1942: Le Progrés de la Somme - " Le Bosquel, village-essai". 3 nov. 1942: Le Progrés de la Somme - "Le Plan de Reconstruction du Bosquel". 4 nov. 1942: Le Progrés de la Somme - "Le Plan de Reconstruction du Bosquel (suite)". 28 juin 1943: Les nouveaux temps. - "Le Bosquel, petit hameau picard rasé par la guerre, servira de "village témoin" pour le reste de la France dévastée". si. nd.: - "La reconstruction des campagnes dévastées: le Bosquel, petit village picard rasé par la guerre, servira de village témoin pour le reste de la France dévastée". 12 mars 1945: Le Courrier Picard - "La croisade du remembrement". 30 mars 1945: Le Courrier Picard - "Le remembrement du Bosquel". 2 mars 1946: Le Courrier Picard - "Mr. Chabanne maire du Bosquel parle du mécontentement de ses administrés". 22 mars 1946: Le Journal Agricole - "Le remembrement est une étape indispensable". 26 avril 1946: Le Courrier Picard - "Le Bosquel "village-témoin" sera doté de fermes modèles". si. nd.: - "Mr. PUCHEU, Min. de l'Intérieur dans la Somme. Au Bosquel". 10 avril. 1947: Le courrier Picard - "La reconstruction du Bosquel se poursuivra sur des données nouvelles" 10 mai 1947: Le Courrier - "La reconstruction du Bosquel: il reste beaucoup à faire mais 4 fermes seront terminées dans l'été". 8 mars 1949: Journée du Bâtiment - "A travers les chantiers. Le Bosquel, "chantier-témoin" doit être reconstruit dans l'année". Articles, ouvrages ou documents de portée générale:

Association Grenobloise pour la Recherche Architecturale. La reconstruction dans les Alpes Françaises: 1945-1955. Grenoble, Architecture et Urbanisme, 1983, 42 p. BAUDOUI, Rémi. Planification territoriale et reconstruction (1940-1946). Thèse 3ème cycle d'Urbanisme. Paris XII, sous la direction de B. VAYSSIERE, 1984, 326 p. BAUDOUI, Rémi, "Between regionalism and functionalism : French reconstruction from 1940 to 1945" in : Jeffry, H. DIEFENDORF (ed.), Rebuilding Europe's bombed cities. Hong-Kong, Mac Millan, 1990, pp. 16-30. BEDARIDA,. Marc. "Dossiers Reims", Architectes, Architecture (195), Mars 1989, pp. 24-29. BELMONT. N. "Arnold Van Gennep", Hier pour demain. Arts, Traditions et Patrimoine, 1980, pp. 151-154. CHAILLEUX, Jean-Yves. "Villes reconstruites: le recentrage", Diagonal (76), 1989, pp. 23-25. CONSOLA, Chantai. "Contexte local et projet architectural" in: L'habitat rural. Nouveaux modèles, nouveaux usages. Colloque de l'Association des Ruralistes Français, Amiens, 1985, dactyl. 14 p. COSTE, Michel. "Perreymond, un théoricien des quartiers et de la restructuration", Les Annales de la Recherche Urbaine (22), pp. 47-57. DAUNTON, M. J. "L'histoire de la planification urbaine existe-t-elle?", Les Annales de la Recherche Urbaine (22), pp. 71-87. DURAND, Yves. "Chantiers et projets urbains sur les ruines de juin 1940. L'exemple des villes sinistrées du Loiret", Revue d'Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale (79), juil. 1970, pp. 1-36. DAVIS, Ian. "Disasters as agents of change?", Habitat International, VII (5/6), 1983, pp. 277-310. DOURLENS, Christine. "Villes, risques et périls", Les Annales de la Recherche Urbaine (40), pp. 3-10. DURAND, Yves. "Chantiers urbains et projets urbains sur les ruines de juin 1940. L'exemple des villes sinistrées du Loiret", Revue d'histoire de la seconde guerre mondiale (79), juil. 1970, pp. 1-36. FAURE, Christian. 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"Reconstructors'Tales : an example of the use of oral sources in the history of reconstruction after the second world war" in : Jeffry, H. DIEFENDORF (ed.), Rebuilding Europe's bombed cities. Hong-Kong, Mac Millan, 1990, pp. 16-30.

MOPU. El paisaje. Unidades Temáticas Ambiantales de la Dirección General del Medio Ambiente, 1987, 107 p. Les préétudes d'aménagement. 24 Avril 1990, Paris, A.P.C.A, multigraphié. Paysages. Photographies. La mission photographique de la DATAR. Travaux en cours. Paris, Hazan, 1987, 69 p. Reconstruction: la revanche de l'ordre urbain, Urbanisme (196), juil. 1983, pp. 53-69. L reconstruction. Urbanisme (45/48), numéro spécial, 1956, pp. 154-285. La reconstruction: banc d'essai pour l'urbanisme. Urbanisme (88), 1963, pp. 22-30. Histoire locale

P. DUFOURNET. "L'action des contraintes agraires collectives sur la formation du paysage en amiénois", 92 éme Congrès National des Sociétés Savantes. Strasbourg, 1967, Archéologie, pp. 123-161. HITIER. H. "Le village picard", Annales de géographie t. XII, 1903, pp. 109-119. Archives de Paul Dufournet, non classées

DOSSIER 1:

P. CLERGEOT, Le bosquel. Un exemple de réaménagement rural. Paris, Mém. Maîtrise géographie, 1968, 161 p. 2 lettres de l'auteur à Monsieur DUFOURNET P. DUFOURNET, "Le Bosquel. Observations", 4 av. 1969, (4 exemplaires de 2 feuillets concernant le travail de P. CLERGEOT). P. DUFOURNET, "Reconstruction du Bosquel", 26 janv. 1968, 6 p. (Notes critiques au sujet du "village-type" et des tergiversations de l'administration).

DOSSIER 2

Chemise 2a:

Plan de masse de l'exploitation agricole de Mr QUESNEL, sept. 1955 Plan de masse de l'exploitation de Mr FOLLET, sept. 1955. Fond de plan topographique de la commune du Bosquel, éch au 1/2000, Commissariat technique à la reconstruction immobilière. 2 fonds de situation des fermes du Bosquel, 9 et 5.11.45. 5 plans cadastraux au 1/5000 de la commune du Bosquel, 1945. 2 dessins de la partie centrale du village par P. DUFOURNET, 1944. Projet d'aménagement DUP de la commune du Bosquel par P. DUFOURNET, sd. Photo. Autre photo. Plan de section de la commune du Bosquel, mars 1941. Atlas routiers de TRUDAINE, (fin XVIIIéme) A.N: - section E du village. - Les Orémeaux - St SAUFLIEU - SAUFLIEU - Hébécourt - Commune de Saint-Sauflieu, 28 août 1805. - Village de Rumigny. - Village de Sauflieu, 1750. 7 photos du plan cadastral du Bosquel Carte de Tassigny autour du Bosquel Photo d'une carte figurant le Bois de l'Epine Coupure de presse. Le courrier Picard, "A l'occasion d'une visite aux chantiers d'Amiens, M. COTY, Ministre de la reconstruction...", 1er Mars 1948. Pétition à Monsieur le Ministre des Finances et de l'Economie Nationale, Mars 1946 émanant des "sinistrés du Bosquel". "Le Bosquel", si, sd, Note de P. DUFOURNET sur un projet d'aménagement. 3 p. Lettre du délégué départemental du ministère de la Reconstruction annonçant le début des travaux de Reconstruction, 20 mars 1945. Lettre de P. DUFOURNET au ministère, nov. 1946. Le Figaro, 13 juin 1946, "Les jeunes désertent le village", "Dans la Somme, une petite cité renaît de ses ruines". ' Lettre à Mr le Préfet de la Seine concernant un parrainage de la commune du Bosquel, 14 mai 1942. New York Herald, april, 3, 1945. "Picardy Village, Burnedly Nazis, Redivides Land". 2 photos d'une exposition sur le projet d'aménagement du Bosquel. si, nd. Photo d'une carte postale du Bosquel. sd. 2 photos du village sinistré, sd. Plan de maison., sd.

Chemise 2b: ("Expositions")

Le Bosquel, report du village et du finage. Description du parcellaire. Les zones à prévoir. 5 Photos de maquettes d'exploitations agricoles. Photo d'une charpente Photo de l'exposition du projet Photo du parcellaire réaménagé. Plan cadastral. Un dossier diverses photos pour exposition et reportage- photo du "Progrés de la Somme". Chemise 2c: ("Le village détruit")

Diverses photos du village détruit.

Chemise 2d: ("L'ancien village")

Photos d'une fête de bienfaisance de 1938. Album "BOSSU" sur le Bosquel. Photos diverses.

Chemise 2e:

Photos en vrac.

DOSSIER 3:

Chemise 3a:

Plan de constitution de coffrages en béton banché. Photo d'outillages. liste bibliographique relative aux diverses études sur le béton de terre et le béton de terre stabilisé. 28 références, 23 fév. 1950. Lettre de l'Institut Technique du B.T.P à P.DUFOURNET. "Béton banché. programme de l'enquête", D.E juin 1943, programme de concours pour le coffrage et l'exécution de murs en béton banché. "Les routes en sol-ciment", circulaire série D, n°7, 1 déc. 1943., 25 p. Rapport sur les constructions provisoires en béton de terre. C.C.I.P 5331., 8 p, si, nd. 2 notes Divers courriers de l'Institut du B.T.P à P. DUFOURNET, années 1946 et 1948. "Mécanique des sols appliquée à la construction de chaussées en sol stabilisé", Journal du bâtiment, 27 janv. 1948. "La mécanique du sol et les routes" coupure de presse, idem, juin 1947. Copie de la note adressée par le Lab. du B.T.P à Pol ABRAHAM au sujet du béton de terre. 16 avr. 1943, 4 p. "Recherches sur la résistance du sol. La stabilisation des terrains". Circulaire série D n' 10, 5 mars 1945, 4 p. 142

Chemise 3b ("Béton d'argile stabilisé"):

"Maisons en béton de terre".12 p. Conférence de P.DUFOURNET, 18 juil. 1945. Musée de l'Homme. Divers copies de courriers de P.DUFOURNET. Année 1946. 2 notes sur le béton chinois. 2 feuillets. Croquis béton banché.

Chemise 3c:

Comparaisons d'éléments de prix de revient. Janvier 1950 Divers courriers sur le béton de terre stabilisé.

Chemise 3d:

Document sur le béton de terre. Courrier. Note à propos du béton à base de glaise. Traduction d'un texte anglais sur le béton de terre stabilisé, juin 1948, 31 p. Extrait du Boletin da Direccao general dos servicos de urbanizacoas, n°l 1947. Lisbonne. Procédé préconisé pour les habitations à bon marché. 5p. Bibliographie concernant les applications du béton de terre dans la construction. 8 p.1948? Bulletin mensuel de la Société Académique d'Architecture de Lyon, exercice 1922-1923, n" 2. 32 p. Compte rendu d'essais. Cité de , 18 juil. 1945. M.H EWALDSEN, M.A. RIBER, Traduction à propos de la maison GEOTECK.déc 1948, 13 p. Divers courriers. L'exécution d'un mur d'essai en béton de terre stabilisé à Ivry. Circulaire de l'Inst. Tech, du B.T.P, série D, n° 13, 30 janv. Í946, Quelques photos.

Documents divers:

Revue du Génie militaire Mai-juin 1947, 292 p. Art et technique du béton armé, n° 23, 1964. "Le béton de terre", Juin 1950, Dactyl., 47 p. Housing and Town and Country Planning. United Nations, New York, Oct. 1950, Bull. n° 4. La technique des travaux. Sept.- Oct. 1949, n' 9-10. 143

"Constructions de terre en France et à l'étranger",Dossier Documentaire. Ministère de la Culture. Service des Etudes et des Recherches. Oct 1984. Les cahiers de l'ANAH, Sept. 1982, n" 22. Rapport TERGNIER. Lab. du B.T.P, qqes photos. 1945. Actes du 92ème congrès national des sociétés savantes. Strasbourg et Colmar. 1967, section d'archéologie. Techniques et architecture, sept.- Oct. 1943, n° 9-10. A. MEYNIER, Question d'histoire agraire: "A quoi servent nos études: structures agraires et remembrement". Annales, 1947, n* 1. pp. 105-107. extrait. "Le béton de terre". Cahiers du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, 1950, n°8. "Reconstruction du Bosquel", rapport , 5 p. 26 janv. 1968. J. BOSSU, "Le Bosquel, village de la Somme". Un dépliant. 4 p., sd. G. BARDET, "Le Vléme salon des urbanistes", Revue d'Administration Communale, juin 1939, n°6., pp. 169-173. Bâtir n° 5, juin 1950.

DOSSIER 4:

Actes du 92 éme congrès national des Sociétés savantes, op. cit. J. BOSSU, "Le Bosquel, village de la Somme". Une note sur la ferme du Bosquel. Références des documents donnés par P.DUFOURNET aux A.D de la Somme. Cotés dans la série J au numéro 15. Liste des publications de J. BOSSU.

DOSSIER 5:

P. DUFOURNET, "Reconstruction du Bosquel", 5 p.26 janv. 1968. J. VINCENT, "La reconstruction des villes et des immeubles sinistrés après la guerre de 1940-1943", sd, ni, pp. 116-120. (A propos du Bosquel). "L'oeuvre qui se prépare". Urbanisme, Le nouveau Travail Fév; 1943.(4 p. sur la reconstruction en Picardie). "Ce qui a été fait et ce que l'on fait pour les sinistrés". Coupure presse. Progrés de la Somme, 27 août 1941. "Les sinistrés de la Somme ne sont pas abandonnés", Le Journal d'Amiens., 27 août 1941. Diverses coupures de presse. Journal d'Amiens, 1941-1946.

DOSSIER 6:

Le Renouveau. Bull. Paroissial du Bosquel, Août 1952, n° 10. Note relative à l'approbation des plans de fermes du Bosquel, Paris, Min. sd. P. DUFOURNET, "Pour une archéologie du paysage". Souscription. Extrait du rapport justificatif du projet d'aménagement et plan de reconstruction Divers plans de fermes. P. DUFOURNET, "Comment se sont construits les villages picards, ce qu'il en advient". Revue Tech, et Archi. Techniques locales. n° 2-12, nov. 1943. Annales E.S.C, extrait du n° 4, juil. 1974.

DOSSIER 7:

Chemise 7a:

Lettre de l'IGREF à propos du remembrement rural du Bosquel et des réclamations en découlant. 20 déc. 1944. Rapport sur les travaux du remembrement. 25 sep. 1943. Divers courriers sur le remembrement.

Chemise 7b:

Présentation du village et des raisons d'une reconstruction type.

Chemise 7c:

Documents inédits relatifs à l'offensive allemande au sud d'Amiens, juin 1940.

Chemise 7 d:

Courriers divers, extraits de P.V au sujet des fermes Rapport du Directeur Général des travaux sur la reconstruction du Bosquel, village témoin. 22 fév. 1947, 27 p. 145

Chemise 7e: ("1942-1943")

Contrat n° X. Commissariat à la reconstruction. Association Syndicale du Bosquel. 22 janv. 1943. (Principes d'aménagement, programme des immeubles types)

Chemise 7f: ("1941-1942")

Contrat pour l'établisement d'un projet d'aménagement. 9 avr. 1941. 28 nov. 1941: soumission du projet à la Direction Générale des Eaux et Forêts. Divers courriers y faisant suite. Opérations de remembrement urbain. 23 mai 1942.

DOSSIER 8:

P. DUFOURNET, "Une unité agricole. Le Bosquel. Principes Généraux d'Aménagement". Plaquette en 34 planches de papier calque, si, nd. Courrier de l'année 1946 sur le remembrement, Libres propos de G. DELAMARE. 23 Mars 1946. Texte radiophonique. Pétition au Ministre des Finances. "C'est le désordre organisé". P. DUFOURNET, "La réorganisation foncière et l'urbanisme", circulaire de l'I.T. DU BTP, série A, n° 8, 15 juin 1945.

DOSSIER 9:

Grille CIAM d'urbanisme, juin 1949. 7éme congrès. Planches d'une expo.

DOSSIER 10:

V. BRANDICOURT, Clochers de Picardie, 1905, Bull. SAP, n°4. pp. 429-460 O. THOREL, "Les ecces homos des anciens puits publics à Amiens", Bull. SAP, n°2 et 3, 1909, pp. 67-94. Coupures de presse, Juin, juil. 1939. Une planche photos. Une introduction.. "En Picardie...".11 mai 1990, 10 p. "Glanes d'ethnographie , d'art populaire et de folklore". Sommaire. 11 mai 1990. Idem, présentation, 10 p. Série des photos de petits bâtiments. Reconstruction du Bosquel, 10 p histoire. "Bibliographie des textes repris dans cet ouvrage..." Bibliographie des titres de P. DUFOURNET concernant la Picardie Idem pour l'Aménagement du territoire Idem sur le Village picard

DOSSIER 11:

P. DUFOURNET, Plans et schémas de thèse pour l'Institut d'Urbanisme de Paris. 1939-1945. Le Bosquel. Vue d'ensemble et conclusions sur sa reconstruction. Fêtes religieuses et civiles au Bosquel Terminologie du bâtiment et détails de construction. Amienois. Système de construction Diverses photos Exploitations agricoles du Bosquel P. DUFOURNET, "Le village et l'habitation rurale en picardie septentrionnale". Plan de thèse. 1941-1942.

Chemise lld:

Coupures de presse: "les études géographiques en Picardie". 1944. Urbanistica. Anno XIX, n° 4, extraits, (à propos du Bosquel). G. LECOMPTE, "Les projets d'aménagement des petites villes et villages de la Somme", si, nd. R. AUZELLE, "Maison d'ouvrier agricole", l'Arvchitecture Française, 1942, n" 15. P. DUFOURNET, "Cours d'urbanisme et de Planification, chap. XII: "l'espace agricole". 90 p. si, nd.

DOSSIER 12:

Chemise 12a:

Divers plans. Diverses photos P. DUFOURNET, "Qu'en advient-il de la maison traditionnelle paysanne et bourgeoise en France?" si, nd, 5 p. Région de la Somme, Modes de construction et emploi des matériaux locaux et traditionnels. Plan P. DUFOURNET, "Comment se sont construits les villages picards et ce qu'il en advient", Techniques et "architectures (11-12), nov. 1943. P. DUFOURNET, "L'aménagement des campagnes", La construction moderne, (9), janv. 1946., pp. 26(-270. P. DUFOURNET, "La réorganisation foncière et l'urbanisme", circulaire de l'I.T du BTP, série A, n° 8, 15 juin 1945. G. BARDET, "Le VI éme salon des urbanistes", Revue d'administration communale, si, nd. P. DUFOURNET, "Régionalisme et tradition", Techniques et architecture, vol VI, (3-4), 1948, p. 152. Dr. CAYLA, "L'avenir de la maison traditionnelle en France", Cahiers de la Ligue Urbaine et rurale, (54), sd. P. DUFOURNET, "Survivances de la construction en pan de bois et torchis en Picardie", Actes du Colloque "Le bois dans la Gaule Romaine et les provinces voisines", Caesarodunum, tome XXI, 1985, pp. 230-238. Annales E.S.C, 4 juil 1974, extraits. P. DUFOURNET, M. FLORENTIN, "Maisons en béton de terre stabilisé", Circulaire de l'IT du BTP, série D, n° 12, 15 déc. 1945. R. AUZELLE, P. DUFOURNET, "Le béton de terre stabilisé", Techniques et architecture (9-10), 1943.

DOSSIER 13:

13 b: Fiches pour identification de villages ou bâtiments 13 c: P. DUFOURNET, "Qu'en advient-il de la maison traditionnelle..." Annales ESC P. DUFOURNET, "Maisons en béton de terre stabilisé"... P. DUFOURNET, "Une expérience de construction en béton de terre stabilisé", 10 p, si, nd; P. DUFOURNET, "Sorrus, Note sur la formation d'une commune du ponthieu", actes du 94éme Congrès National des Sociétés Savantes . Pau 1969, pp. 402-448.