ISSN 1961 - 7313 2014

Bulletin de la Société Française

d’Orchidophilie de Lorraine-Alsace de Lorraine–Alsace http ://www.sfola.fr/

Chez M. GUESNÉ 6, rue de l’écho 54370 MAIXE Tél: 03 83 70 80 42

La SFO-LA est affiliée à la S.F.O. (Association régie par la loi de 1901 et agréée par le Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables) Siège national : 17, Quai de la Seine – 75019 PARIS

Sommaire

Le mot de la Présidente 1

Composition du bureau 2

Au revoir, Jean-Marie 3

De l’utilisation des orchidées européennes en médecine 5

Sortie du 23 juin 2013 à Fessenheim 27

Jeux 30

Séjour dans les Corbières 31

Festibio 2013 34

Connaissance et protection des orchidées d’Alsace 35

Exotic’Infos 44

Deux hybrides inter-génériques des Alpes suisses 45

Découverte d’une station exceptionnelle d’Ophrys apifera f. chlorantha 52

A la découverte des orchidées de l’Alsace bossue 59

Aerangis fastuosa (Rchb.f) Schlechter.Die Orchideen : 598. (1914) 65

Quelques représentations d’orchidées par

Emile Gallé et en musique… 67

Chaque jour, une nouvelle orchidée… 70

Programme des activités 2014 72

Illustrations Photos : Sauf mention contraire, les photos sont des auteurs des articles. Dessin de la 1ère de couverture : Frédéric Rexer.

Photo de couverture : Coeloglossum viride × Dactylorhiza majalis Sils im Engadin GR / CH 17-7-2013 ph. Christophe Boillat Voir article p. 45

Le mot de la Présidente

Jean-Marie Bergerot ayant souhaité prendre un peu de recul après 27 années passées au service de notre SFO régionale , c’est avec quelques réticences et beaucoup d’appréhension que j’ai accepté, lors de notre dernière AG, d’assumer le poste de Présidente. Je remercie Jean-Marie pour tout le travail qu’il a accompli au sein de notre association et c’est avec beaucoup de gentillesse qu’il m’a donné nombre de conseils pour mener à bien cette délicate mission. Délicate, c’est bien le mot : tenir le rôle de Présidente d’association n’a rien d’une promenade de santé et j’avoue, au terme de cette première année où j’ai été trop souvent absente, n’avoir pas encore complètement réussi à prendre mes marques. Heureusement je ne suis pas seule à la barre et les membres du Conseil d’Administration sont là eux aussi pour que l’aventure puisse continuer ! Mais une association vit aussi grâce à ses membres et à leur implication. Je remercie vivement toutes celles et ceux qui donnent de leur temps pour la recherche sur le terrain, la protection, la rédaction d’articles, la participation aux expositions ou toute autre tâche. Je ne peux que souhaiter que la dynamique qui existe en Alsace puisse également se développer en Lorraine où il y a tant à faire pour la protection de nos chères orchidées !

**** Petite nouvelle à la SFO, à laquelle je n’ai adhéré qu’en 2001, ma passion des orchidées est née il y a plus de 40 ans maintenant. Mais pendant de longues années, le mot « orchidée » ne rimait pour moi qu’avec l’adjectif « exotique ». C’est un collègue de travail qui m’apprit un jour, devant un café, qu’il y avait des orchidées en forêt de Haye... ma curiosité en fut piquée et depuis ce jour n’a fait qu’augmenter. Ma première « lorraine », je l’ai trouvée dans un bouquet de fleurs que ma fille venait de cueillir dans le terrain de son grand-père, sur les hauteurs de Fiménil dans les Vosges. Il s’agissait de Platanthera chlorantha. J’avais mis le doigt dans l’engrenage et, comme beaucoup, je me suis lancée dans leur recherche souvent avec bonheur, parfois sans résultat.

Exotiques ou indigènes, elles méritent notre attention toutes autant qu’elles sont, et nous devons faire notre possible pour que nos enfants puissent encore les admirer, quel que soit l’endroit où elles poussent !

**** L’année 2014 sera l’année d’une nouvelle exposition qui fera la part belle aux orchidées exotiques mais qui présentera, comme nous l’avons toujours fait, un espace réservé aux orchidées lorraines et alsaciennes et à leur protection. Elle se tiendra à Nancy, salle des Fêtes de Gentilly, les 11 et 12 octobre 2014 et aura pour thème l’Histoire de l’Orchidologie au travers de deux grands explorateurs et botanistes français : Aimé Bonpland et Jules Dumont d’Urville. Je fais donc de nouveau appel à tous les membres de la SFO-LA qui désirent s’impliquer, quelle qu’en soit le degré, pour que cette exposition soit une réussite comme le fut l’exposition de Mirecourt en 2012.

**** Le Conseil d’ Administration de la SFO-LA vous souhaite une bonne et heureuse année 2014.

Monique GUESNÉ

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Composition du bureau

Président : Monique GUESNÉ, 6 rue de l'Echo, 54370 MAIXE courriel : [email protected]  03 83 70 80 42

Vice-président : Patrick PITOIS, 60 rue de Honolulu, 88600 BRUYERES courriel : [email protected]  03 29 50 14 83

Secrétaire : Henri MATHÉ, 3 rue de Guebwiller, 68840 PULVERSHEIM courriel : [email protected]  03 89 48 21 03

Secrétaire-adjoint : poste vacant

Trésorier : Denis JEANDEL, 66 Bd d’Haussonville, 54000 NANCY courriel : [email protected]  06 47 84 97 69

Trésorier-adjoint : poste vacant

Comité de rédaction : Directeur de la publication : M. Guesné. Conception et mise en page : H. Mathé. Comité de lecture : J.-M. Bergerot, M. Guesné, H. Mathé.

Envoi des articles : Henri Mathé (voir coordonnées ci-dessus).

Publication annuelle gratuite réservée aux adhérents de la SFO-LA.

Avis aux auteurs

Toute personne, membre de la SFO-LA ou non, peut proposer un article en vue de publication dans notre bulletin. Le comité de rédaction se réserve le droit : - d’accepter ou de refuser les articles qui lui seront proposés, - de proposer aux auteurs les modifications qu’il jugerait nécessaires, - de choisir, en fonction de leur qualité et de la place disponible, les illustrations jointes aux articles. En tout état de cause, la publication d’un article reste sous l’entière responsabilité de son auteur et n’implique en rien que la SFO-LA cautionne les opinions émises par l’auteur. Les propositions d’article doivent impérativement être communiquées au concepteur du bulletin avant le 1er novembre de l’année en cours. Il est recommandé de fournir un tapuscrit comportant un nombre pair de pages (illustrations incluses), sous forme de fichier Word (police de caractères Comic sans MS 10) sans mise en forme. Les illustrations seront fournies dans des fichiers séparés. Les auteurs s‘assureront au préalable des droits de reproductions des images proposées, au vu de la législation en cours. La reproduction des articles publiés n’est autorisée qu’après accord écrit.

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Au revoir, Jean-Marie Collectif

Jean-Marie nous a quittés le 1er décembre à l’âge de 72 ans, trop tôt ! trop vite !

Titulaire d’une Maîtrise de Biologie Végétale et d’un CAPES, il exerça de nombreuses années à L’IUFM de Lorraine (ex-Ecole Normale de Meurthe-et-Moselle), après avoir enseigné dans divers établissements du département. Il y avait le grade de professeur certifié hors-classe en Sciences Naturelles et assurait les formations initiale et continue des Professeurs des Ecoles dans le domaine des Sciences de la Vie et de la Terre. Ses compétences professionnelles, faites d’un bon sens de la pédagogie, d’un esprit d’analyse et d’une culture générale étendue étaient fort appréciées de ses collègues et des élèves-professeurs dont il avait la charge. Il était de ce fait un excellent formateur et un vrai naturaliste passionné de botanique.

Adhérent de la SFO dès l’origine de l’association, il devint en 1986 trésorier du Groupement Est dont il assura la Présidence à partir de 2003, charge qu’il conserva en 2005 lorsque la SFO-LA naquit en tant qu’association indépendante, mais toujours rattachée à la SFO nationale.

Au cours de ces années, sous l’impulsion de Jean-Marie, la SFO-LA se fit connaître au travers de nombreuses manifestations :

- Printemps de Gerbéviller, - Salon Naturama de Blainville-sur-l’Eau, - Village du Développement Durable à Villers-les-Nancy, - Salon Seichamps nature, - Les Jardins du Parc de Vandoeuvre-les-Nancy, etc...

Il y eut aussi nos expositions : Orchidées 2004 à Nancy ; Orchidofolie 2006 à Montigny-les-Metz ; Orchidofolie 2012 à Mirecourt. A chacune de ces manifestations Jean-Marie a été présent pour apporter son soutien et faire connaître au grand public la richesse de nos orchidées indigènes.

Souvent sollicité pour présenter son diaporama sur les orchidées lorraines, il a toujours répondu favorablement. Jean-Marie a organisé de nombreuses sorties sur le terrain et plusieurs voyages, en particulier dans les Dolomites, où ses connaissances nous ont beaucoup apporté.

Cartographe de Meurthe-et-Moselle, c’est avec un petit groupe d’adhérents qu’il a parcouru notre département, regroupant environ 4 400 données qui lui ont permis d’établir une cartographie parue dans notre bulletin 2013. Ces données ont également alimenté l’Atlas des Orchidées de France publié par le Muséum National d’Histoire Naturelle.

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Depuis 2006 Jean-Marie est rentré en contact avec FLORE 54, fédération regroupant des associations de protection de l’environnement, et c’est tout naturellement que la SFO-LA a rejoint cette fédération en 2007. Il y a travaillé en particulier sur le dossier de protection de massif de Haye et, pour citer Raynald Rigolot, Président de FLORE 54 : « Comme d’autre personne, sans se mettre en avant, chaque élément rapporté à notre dossier de défense du massif de Haye, tel un puzzle, nous a permis de crédibiliser nos positions et d’obtenir satisfaction sur une bonne partie de nos demandes. Jean-Marie était l’une de ces pièces (de l’ombre) ! »

Jean-Marie n’était pas seulement le passionné des Orchidées indigènes que nous connaissons tous : il aimait avant tout la nature, il avait une connaissance exceptionnelle du sous-sol, des arbres et de la flore de Lorraine. Depuis quelques temps il organisait des sorties en forêt de Haye afin de partager son savoir. Chaque sortie était l’occasion d’enrichir nos connaissances botaniques et ceux qui ont participé à ces sorties se souviendront avec quel esprit taquin il posait des questions afin de vérifier nos connaissances, son regard moqueur pétillant inévitablement à chacun de nos oublis ou erreurs qu’il corrigeait avec patience. Lors de ces sorties, Jean-Marie était toujours en tête du groupe et son œil averti ne laissait rien passer, repérant ce qui restait invisible à nos yeux ! Ses commentaires étaient des cadeaux qu’il faisait à chacun d’entre nous et si le groupe se perdait, il finissait par nous remettre sur le bon chemin. Ce regard aiguisé, allié à son expérience de professeur, furent indispensables à la SFO-LA pour produire pendant 10 ans, un bulletin annuel de haute tenue dont il assurait la relecture – ce qui n’est pas une mince affaire ! – et auquel il a constamment contribué par ses propres écrits.

Jean-Marie c’est aussi, ou plutôt c’est avant tout, l’ami. Nous qui avons eu la chance de le côtoyer régulièrement, nous pouvons témoigner de son esprit de groupe. C’était un rassembleur dynamique, intransigeant, autant avec lui-même qu’avec les autres ! Disponible, rigoureux dans ses orientations, avec un sens très aigu de justesse et d’équilibre, il a su s’entourer d’une équipe sure et dévouée pour diriger l’association avec passion, jusqu’à l’année passée où la maladie l’a contraint à transmettre le flambeau.

C’est un grand vide, Jean-Marie, que ton absence ! Même loin de nous désormais, tu peux être fier du travail que tu as accompli.

La SFO-LA présente à ton épouse Françoise ainsi qu’à toute ta famille ses plus sincères condoléances en cette pénible circonstance.

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De Orchidis quae ad salutem reducunt ou De l’utilisation des orchidées européennes en médecine.

Henri Mathé *

De tout temps, l’homme a cherché dans la Nature, et particulièrement dans le monde végétal, des remèdes aux maux qui l’accablaient. Les pratiques chamanistes de nos plus lointains ancêtres ont sans doute constitué une première tentative de les combattre et les anciennes civilisations chinoise, sumérienne, égyptienne, amérindienne intégraient nombre de plantes dans leur pharmacopée. Il n’est pas dans mon intention d’étudier ici en totalité l’utilisation des orchidées à des fins médicinales. L’article se limitera donc aux orchidées européennes, sans toutefois prétendre à une exhaustivité bien difficile à atteindre ! Pour l’ensemble des espèces, je renvoie le lecteur à l’ouvrage de Marcel Lecoufle, cité en bibliographie, duquel je tirerai les exemples suivants, issus des quatre coins du monde, qui montrent bien l’universalité de l’usage de ces plantes : - en Chine, plusieurs Dendrobium ont été utilisés en médecine depuis l’Antiquité (Ph. ci- dessous : Dendrobium nobile) ; - en Amérique du Nord, l’Arethusa bulbosa était utilisée pour calmer les maux de dents ; - en Afrique centrale, certaines espèces d’Eulophia sont utilisées pour le traitement des ulcères ; - les civilisations précolombiennes attribuaient à la vanille des propriétés aphrodisiaques, curatives, diurétiques et l’utilisaient pour aromatiser leur boisson à base de cacao ; - en Nouvelle-Guinée, deux espèces de Grammatophyllum servent à lutter contre la dysenterie, les inflammations ou à confectionner un philtre d’amour… On pourra également se référer à une étude sur l’utilisation médico-pharmaceutique des orchidées indigènes qui a été publiée en 1988 par un pharmacien allemand, Benno Kreutzer, sous le titre Zur Geschichte der einheimischen Orchideen : Unter besonderer Berücksichtigung ihrer pharmazeutisch-medizinischen Anwendung in Vol. 42 de Quellen und studien zur geschichte der Pharmacie. Je n’ai malheureusement pas eu accès à cet ouvrage dont la lecture doit être extrêmement instructive.

L’ANTIQUITÉ

Dès l’Antiquité, les savants ont noté des analogies entre les particularités morphologi- ques ou environnementales des plantes et les organes des êtres humains ou leurs affections. Cette croyance selon laquelle certains caractères des plantes induisent une utilisation thérapeutique se trouve déjà chez Théophraste (372–287 av. J.- C.), chez Pline l’Ancien (23- 79) ou chez Dioscoride (40-90). Chacun d’eux évoque les prétendues vertus aphrodisiaques des orchidées, en référence à la forme ovoïde de leurs tubercules, mais les termes qu’ils 5 utilisent pour désigner les orchidées sont parfois attribués également à des plantes d’une autre famille, sans que l’on sache très bien lesquelles !

Les textes originaux de ces auteurs antiques ont évidemment disparu et nous ne connaissons de leurs écrits que des traductions ultérieures :

 Extraits de Les six livres de Pédacion Dioscoride d’Anazarbe1 de la matiere medicinale, translatez de Latin en Francois (1553)2.

« Du Couillon de Chien, que les Grecs appellent, Cynosorchis : les Latins, Testiculus canis, les Italiens, Testicolo di cane. … Sa racine est bulbeuse, longuette, double, & serree en forme d’une Oliue, la plus basse desquelles est pleine, & charnue, & et la plus haute lasche, flestrie et deffaicte. Lon mange ceste racine ainsi que les Bulbes, bouillie, & De Materia Medica (an 60) dans une version du rostie. VIème siècle (Dioscoride de Vienne). Lon dit que la plus grande mangee des Le dessin représente un plantain. hömes fait conceuoir des masles : & la moindre mangee des femmes, fait engendrer les femelles. Outre cela lon dit que les femmes de Thessalie donnent pour prouoquer les appetits veneriques la plus charneuse à boire dans Laict de cheure, & la molle, pour contraire effect… » « Du Satyrion, Que les Grecs appellent Satyrion : les Latins Satyrium : les Italiens Satirio. … Ceux qui appetent3 d’auoir compaignie de femmes, doiuent vser de ceste racine, pour autant que lon maintient qu’elle rend les hommes plus prompts à l’exercice du don de mercy4… » « De l’Epipactis que les Grecs & Latins appellent Epipactis, les Italiens Epipactide. L’Epipactis nommée des autres Helleborine ou Borion, est une petite herbe, qui ha les fueilles petites. Elle est utile aux deffauts du foye, et contre les venins beus. »

 Extraits de Histoire naturelle de Pline, tome 8 dans une traduction de 1776 :

« Il y a peu de plantes aussi merveilleuses que l’orkhis ou le serapias, plante dont la feuille est à peu près celle du porreau, la tige haute d’une palme, la fleur rouge et la racine composée de deux bulbes qui ressemblent à des testicules. La propriété de cette racine est telle que la plus grosse de ces bulbes, ou la plus dure comme quelques-uns disent, prise en breuvage dans de l’eau, excite à l’amour ; et qu’au contraire la plus petite, ou la plus molle, infusée dans du lait de chèvre, réprime les désirs amoureux. »

1 Ville de Cilicie, en Turquie, actuellement Agaçli. 2 J’ai respecté la graphie d’origine, comme dans toutes les autres citations d’ouvrages anciens. 3 Du verbe appéter = désirer vivement, par instinct, indépendamment de la raison. 4 Passage à l’acte sexuel dans la tradition de l’amour courtois. 6 ou bien : « Le satyrion est encore un fort stimulant pour l’appétit charnel. Il y en a deux espèces… L’autre espèce du satyrion est surnommée Satyrion orkhis, et l’on croit que c’est la femelle… Sa racine sert aux fascinations magiques1. Elle croît ordinairement près de la mer. Employée seule, ou avec de la fleur de farine, elle sert à étuver et dissiper les tumeurs et autres maladies des parties naturelles. » et, plus loin : « Ils (les Grecs) prétendent que cette racine, en la tenant dans la main seulement, excite les désirs amoureux, et beaucoup plus fortement encore, si l’on en boit l’infusion dans du vin : que pour cette raison on en fait boire aux béliers et aux boucs trop lents à saillir ; et que les Sarmates2, en donnent aux chevaux, qu’un travail trop continu a rendus paresseux à s’accoupler... ». Mais tout remède a son antidote : « On éteint les ardeurs produites par le satyrion, en buvant de l’eau de miel, ou une infusion de laitue. » Les tubercules d’orchidées ont encore bien d’autres usages : « Les racines de cette plante guérissent les ulcères de la bouche ; dans du vin, elles arrêtent les rhumes de poitrine et le flux de ventre. » Les pouvoirs aphrodisiaques (ou anti-aphrodisiaques) ne sont d’ailleurs pas réservés aux orchidées et Pline cite à cet égard le nymphaea heraclia (nénuphar), le xiphio (iris), le crethmon agrion (fenouil marin), l’horminos agrios (asperge sauvage), le tithymale (euphorbe)… Il rapporte aussi : « Théophraste, dont l’autorité d’ailleurs est d’un si grand poids, raconte à ce sujet des choses incroyables, et entre autres, que par le seul contact d’une herbe, dont il ne désigne ni le nom ni l’espèce, un homme a suffi de suite à soixante-dix jouissances. » S’agissait-il de la mandragore que Théophraste considérait également comme aphrodisiaque ? Dans un autre chapitre, en partie consacré aux soins esthétiques du visage, il évoque, sous le nom d’ophrys, une plante ayant la propriété de noircir le système pileux. Personne ne sait de Mandragores mâle et femelle quelle plante « ressemblante à un légume Manuscrit italien du VIIème siècle dentelé et qui n’a que deux feuilles » (Dioscoride de Naples) Pline voulait parler ! Peut-être de Neottia ovata, autrefois qualifié d’Ophrys qui signifie « sourcil » en grec ?

1 Certains exégètes de Pline ont traduit cette phrase, pour le moins obscure, en voyant dans le texte d’origine le mot fascini = sexe de l’homme, ce qui donne : « Sa racine est utile au membre viril ». 2 La Sarmatie est une contrée antique correspondant approximativement à l’Ukraine actuelle. 7

LE MOYEN-ÂGE

Les travaux de ces médecins de l’Antiquité, auxquels il faut rajouter ceux de Galien (v. 131–v. 201), ont été relayés par les savants arabes, dont Avicenne (980-1037), et ont fait autorité jusqu’au XVIIème siècle. Période de relative stagnation pour la médecine occidentale, le Moyen-Age voit en revanche se développer une médecine islamique florissante, dans le califat de Cordoue entre autres. Les écrits gréco-romains, quelque peu oubliés en Occident, sont sauvegardés et augmentés par les Arabes qui les retransmettront ensuite, à l’époque des croisades, en Europe de l’ouest.

Une traduction latine1 de textes d’éminents médecins arabes, parmi lesquels Avenzoar (1073-1162) et Averroès (1126-1198), indique en 1497 : « Satyrion. C’est le couillon de renard : en arabe haldaalzahalep. Il est chaud2 avec beaucoup d’humidité, c’est pourquoi il favorise l’acte sexuel ; des savants de renom attestent en leur conscience qu’il guérit le spasme de la partie postérieure quand on boit son suc avec du vin rouge astringent. » Le Canon de la médecine d’Avicenne, rédigé au Xème siècle et considéré comme l’un des plus importants ouvrages médicaux de l’Histoire, a été traduit à maintes reprises depuis le XIIIème siècle. Les descriptions et prescriptions des orchidées y sont les mêmes que chez les praticiens antiques. Ainsi rapporte-t-il, dans une version latine de 16083 : « De testiculo vulpis (Du couillon de renard) Instrumenta iuncturarum. Confert spasmo, et tetano, qui sunt in posterioribus, et paralysi : Articulations. Il réduit les spasmes et les Livre de simples arabe – 1334 crampes, au stade extrême, et la paralysie. British Museum Membra expulsionis. Facit appetitum coitus et adjuvat ad ipsum et proprie cum vino et stat loco stinci : Organes reproducteurs. Il agit sur l’appétit sexuel et augmente celui-ci, en particulier avec du vin, et favorise les endroits éteints. De testiculo canis (Du couillon de chien) Apostemata pustulae. Resoluit apostemata phlegmatica :

1 Liber Theizir de morbis omnibus et eorundem remediis : Antidotarium. 2 Selon les principes d’Hippocrate, développés par Galien,, les fluides corporels ou humeurs (sang, phlegme, bile jaune, bile noire) possèdent quatre qualités : l’humidité (associée à l’eau), la sécheresse (associée à l’air), la chaleur (associée au feu) et la froideur (associée à la terre). Le sang, de couleur rouge et produit par le cœur, est chaud et humide ; le phlegme, de couleur blanche et produit par le cerveau, est froid et humide ; la bile jaune, de couleur jaune et produite par le foie, est chaude et sèche ; la bile noire, de couleur noire et produite par la rate, est froide et sèche. La maladie résulte de l’altération d’une de ces quatre qualités. 3 Avicennae Arabum medicorum principis, Canon medicinae Vol. 1 p. 390. Gerardi Cremonensis, Venise. 8

Abcès pustuleux. Il dissout les abcès bilieux. Vulnera et ulcera. Mundificat ulcera, et prohibit formicam dilatari, et aperit fistulas, et incarnat ulcera fraudulenta : Blessures et plaies. Il purifie les plaies, empêche les démangeaisons de s’étendre, ouvre les conduits, répare les plaies perfides. Membra expulsionis : Quando vir majorem amborum sumit, fit masculus fortior. Et si mulier sumat debiliorem, fit magis foemina et dicitur quod ille qui est humidus facit augmentum in coitu et siccus absindit ipsum et unusquisque amborum destruit alterius operationem et jam dictum est totum illud in maiore et minore : Organes reproducteurs. Quand un homme consomme le plus grand des deux, il engendre plus de mâles. Et si une femme consomme le plus petit, elle engendre davantage de filles et l’on dit que celui qui est humide augmente les rapports sexuels et le sec les empêche et chacun des deux détruit l’effet de l’autre et, comme déjà dit, il en est entièrement ainsi dans le plus grand et le plus petit. » Les premiers traités de pharmacie datent de cette époque, à l’image de l’Antidotarium Nicolai, rédigé au XIIème siècle et qui contient 140 recettes de médicaments dont celle du Diasatirion, élaboré à partir de « coilles de satirion », noix de muscade, panais, pistache, graines de frêne, gingembre, anis, cannelle, 1 Le scinque queux de scinque fraîches et autres Commentaires de Matthiole sur Les six livres de ingrédients. Cet ouvrage restera Pedacion Dioscoride une référence pour les apothicaires 1579 pendant cinq siècles !

LA RENAISSANCE

Les croyances sur certaines vertus médicinales des plantes ont été reprises dans la théorie des signatures, développée par Paracelse (1493-1541) puis professée par Otto Brunfels (1488-1534), Leonhart Fuchs (1501-1566), Jean-Baptiste Porta (1539-1615) et d’autres. Elément important de la médecine médiévale, cette théorie repose sur le principe similia similibus curantur, c’est-à-dire « les semblables soignent les semblables », et se trouve définie dans un ouvrage d’un médecin allemand du XVIIème : « Les herbes parlent au curieux médecin par leur signature, luy descouvrans par quelque ressemblance leurs vertus intérieures, cachées sous le voile du silence de la nature » (1633 ; Oswald Crollius ; Traicté des signatures in La Royalle Chymie, p. 6). Ainsi la chélidoine, au latex jaune, était utilisée dans le traitement des jaunisses ; la pulmonaire, dont les taches foliaires blanchâtres rappellent les séquelles de la tuberculose, était utilisée pour le traitement des affections respiratoires ; l’hépatique, dont les lobes des feuilles rappellent ceux du foie, était utilisée pour le traitement des hépatites et naturellement les orchidées, dont les tubercules ressemblent aux testicules, auraient la

1 Sorte de lézard (Scincus officinalis) du Levant et d’Afrique du Nord qu’on employait autrefois en médecine contre les poisons et comme aphrodisiaque ! 9 propriété d’agir sur les organes génitaux. Jusqu’à la sagittaire, censée guérir les plaies dues aux flèches, à cause de la forme de ses feuilles, ou les plantes pubescentes qui étaient recommandées pour traiter la calvitie !

Paracelse Otto Brunfels

François Rabelais, qui fut diplômé de la Faculté de médecine de Montpellier, reprend les indications de Pline en faisant référence au tubercule desséché des orchidées dans le Tiers livre des faits et dits Héroiques du noble Pantagruel (1546) : « Je trouve en notre Faculté de Médecine, & l’avons pris de la résolution des anciens Platoniques, que la concupiscence charnelle est refrénée par cinq moyens. Par le vin… Secondement par certaines drogues et plantes, lesquelles rendent l’homme refroidi, maléficié et impotent en génération. L’expérience y est en nymphea heraclia, amérine saule, sénevé, periclymenos, tamarix, vitex, mandragore, ciguë, orchis le petit, la peau d’un hippopotame et autres… ». Le livre de simples (plantes médicinales) nommé Herbarum vivae eicones d’Otto Brunfels, paru en 1532, reprend, à propos du Satyrion, toutes les indications de la pharmacopée antique, citant Théophraste, Dioscoride, Pline, Oribase, Galien… Je retranscris ci-dessous quelques citations, parmi d’autres : Ulceribus difficilibus, herbae Priapisti radices tufas impone, et repurgat, et cicatrices claudet : Pour les plaies difficiles, applique des racines d’orchidée ; elle les nettoiera et fermera les écorchures. Herbae Priapisti succo oculos inunges, et lippitudines, et dolores tolet sine mora : Tu frotteras les yeux avec du suc d’orchidée ; sans retard elle enlèvera les ophtalmies et les douleurs. Vinum decoctionis eius, vel radix in gallinarum brodio decocta, libidinem plurimum excitat :

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Un vin de sa décoction, ou la racine mijotée dans un bouillon de poule excite beaucoup le désir sexuel. Mulieres Italiae, radicem tritam ministrant cum lacte caprino, ad excitandam libidinem : Les femmes d’Italie servent la racine broyée avec du lait de chèvre pour exciter le désir sexuel. Quod habet flores purpureos, cum sale aperit hemorroides : Celui qui a des fleurs pourpres fait s’ouvrir les hémorroïdes avec du sel. Ulcera oris sanat : il soigne les plaies de la bouche. Curat Herysipilam, quae est defoedacio cutis vitio cholerici sanguinis : Il guérit l’érysipèle, qui est une souillure de la peau par le sang cholérique. Et Ictericiam profligat, et urinam cit : il combat l’ictère et aide à uriner. On retrouve des utilisations semblables dans le New Kreüterbuch de Léonhart Fuchs en 1542.

Représentation anthropomorphique d’orchidées Athanasius Kircher, 1657 Leonhart Fuchs Mundi subterranei Tomus II p. 368

Les plus grands botanistes de l’époque se font l’écho des multiples « vertus » des orchidées, comme Jacques Dalechamps dans son Histoire générale des plantes où sont descrites les vertus des simples en 1586 :  Elleborine rouge (Sabot de Vénus) : « On dit que cette herbe est bonne pour les playes & qu’elle les guérit, quand elles sont frèches. » (p. 47)  Satyrion basilicon (Orchis palmés des genres Dactylorhiza, Nigritella, Gymnadenia) : « Nicolas Nicole Florentin au chapitre des remèdes contre la fièvre quarte1, dit que ces racines purgent par dessus et par dessous et sont propres pour guérir la fièvre quarte invétérée ; et qu’une partie de cette racine de la longueur du pouce, broyée en vin, et prise un peu devant l’accès, y est fort souveraine : Toutefois il faut avoir été pur auparavant ; et

1 Forme bénigne de paludisme. 11 qu’un certain Bilior, ayant eu quarante quatre ou quarante cinq accès de fièvre quarte, en fut guéri ayant usé trois fois de ce remède. » (p. 440). En 1557, l’Epipactis helleborine (Ellebore blanc sauvage), pris en décoction, est indiqué pour soigner les dysfonctionnements du foie et combattre l’effet des poisons et venins (Histoire des Plantes, R. Dodoens et C. Clusius, p. 235). En 1568, le botaniste anglais William Turner préconise le Satyrion pour combattre les problèmes gastro-intestinaux résultant de l‘abus de boisson et en 1597, un autre botaniste anglais (John Gerarde) indique les racines de Spiranthes comme aphrodisiaques, revitalisantes et propres à combattre la fièvre hectique. Au fil des siècles, ces botanistes, médecins et apothicaires ont ainsi transmis et appliqué les connaissances antiques, qu’ils ont consignées dans leurs ouvrages souvent sous forme de préparations diverses - décoction, électuaire, poudre, essence de satyrion - dont la confection et la posologie sont clairement précisées. Dans ces livres, la thérapeutique se mêle parfois à l’alchimie et à l’astrologie voire à la magie (les préparations revêtent alors un caractère secret) mais aussi au charlatanisme. Dans ses aspects extrêmes, la théorie des signatures offre une vision très anthropomorphique des orchidées et l’on trouve dans plusieurs ouvrages des XVIème et XVIIème siècles, des représentations de fleurs (groupe d’Orchis militaris) avec tous les attributs de l’anatomie humaine ou des tubercules en forme de main (Dactylorhyza sp.)1. Leurs auteurs véhiculent des mythes sur la génération de ces plantes, liés évidemment à la sexualité. Un des plus beaux exemples de cette littérature, mêlant science et mysticisme, est fourni par un jésuite allemand du nom d’Athanasius Kircher (1601-1680), qui passait pour un génie encyclopédique. Dans son Mundi subterranei de 1657, il écrit : « Au microscope, en voulant observer de la même façon les filaments des feuilles de l’Orchis anthropomorphe, j’ai découvert d’abord, entrelacées, des fleurs ressemblant entièrement à de minuscules reproductions d’une forme humaine… » ou encore plus délirant : « Ceux qui s’occupent des troupeaux, du bétail ou des chevaux, ont observé, après la rencontre pour la propagation de l’espèce, celle-ci une fois faite, que le Jardin des simples champ a été envahi l’année suivante par des Abbaye de Saint-Gall – IXème s. Orchis ou des Satyrions pour aucune autre raison que celle du liquide séminal en excès répandu par terre et qui, en fermentant avec les sucs terrestres, se développe sous la forme des plantes de cette espèce ; on dit que la même chose arrive à partir de la semence des cadavres d’hommes ou d’animaux qui ont été tués dans les campagnes ou sont morts de maladie. » « Mais en plus des membres du corps humain, la nature produit dans ces Satyrions beaucoup d’autres imitations d’insectes différents, cela étant dû à la diversité des semences…. si le sperme d’un bovidé produit une orchidée, celle-ci prend la forme non d’un bœuf mais d’une abeille issue d’un bœuf (!) ».

1 Par exemple dans Phytognomonica (1588) de J.-B. Porta. 12

Nous sommes bien loin des concepts modernes de co-évolution adaptative, de phylogénie ou de convergence de forme !

La théorie des signatures a perduré pendant plus de deux siècles, comme le montrent les extraits suivants, encore inspirés des écrits de l’Antiquité :

 Traicté de la matière, préparation et excellente vertu de la Médecine balsamique1 des Anciens Philosophes par J. Du Chesne (qui fut médecin d’Henri IV), en 1626.

Dans la partie de ce livre intitulée « Traicté touchant les signatures externes des simples », le Satyrion est nommé par deux fois : « Ainsi l’espèce de Satyrion qui pour la semblance de sa fleur est appelé musculeux par les modernes, duit2 aux piqueures des abeilles. » « Les plantes formées en génitoires sont en estime pour la génération, comme les febves, pois, pois ciches, lupins, les espèces de Satyrion, etc. »

 Dictionnaire pharmaceutique ou apparat de médecine, pharmacie et chymie (1695 ; M. De Meuve)

CYNOSORCHIS ET ORCHIS : « Il y en a de deux sortes, selon Dioscoride, l’un qu’on apelle Cynosorchis simplement, qui est une plante bulbeuse qui n’a que deux bulbes en toute sa racine. Et le Cynosorchis surnommé Serapias. Le premier a une grande afinité avec le Satyrium, et leur vertu est assez semblable, en ce que l’un et l’autre sont propres pour exciter au jeu d’amour, ceux qui ont besoin d’artifice pour cela. Quant aux propriétez de la première espece de Cynosorchis : Voici ce qu’en dit Galien, Orchis et Cynosorchis est une même herbe ; sa racine double et bulbeuse est chaude et humide, et est douce à manger ; la plus grosse a beaucoup d’humidité superflue et flatueuse3, et ainsi étant prise en breuvage, elle provoque à l’amour ; la petite au contraire est de tempérament plus chaude et plus seche, et partant inutile pour exciter à l’amour, car elle refroidit ceux qui en usent. Quant aux qualitez du Cynosorchis surnommé Serapias, il est dessicatif au delà du premier degré, et ainsi, il n’est pas propre pour provoquer à l’amour comme l’autre. Toutefois étant Himantoglossum hircinum enduit, il resout les tumeurs froides et oedemateuses, R. Dodoens 1583 et mondifie4 les ulceres sales, etc. Estant sec, il

1 Se dit de médicaments qui tiennent de la nature des baumes ou sont eux-mêmes des baumes. 2 De l’ancien verbe duire = convenir à. 3 Qui provoque des gaz intestinaux. 4 De l’ancien verbe mondifier = nettoyer, déterger. 13

desseche davantage, en sorte qu’il guérit les ulceres pourris, il est aussi quelque peu astringent, et ainsi beu en vin, il resere le ventre. » 1 OPHRYS : « Toute cette plante (sans doute Neottia ovata), dit le même auteur , est bonne à faire noircir les cheveux, à guérir les fractures, et à consolider les plaies. »

 Traité universel des drogues simples (1698 ; N. Lémery)

L’helleborine y est qualifiée de détersive et vulnéraire (p. 349). Le limodore y est qualifié de plante apéritive (p. 438). A propos des Ophrys (double feuille) : « Elles sont vulnéraires, consolidantes, propres pour les playes ; leurs racines sont détersives. » (p. 550). A propos des Orchis et des Satyrium : « Leurs racines sont en usage dans la Médecine. Il faut les choisir grosses, bien pleines, bien nourries, fermes, d’un goût doux, tirées de terre au Printemps : elles contiennent beaucoup d’huile & de sel volatil. Elles sont employées ordinairement pour fortifier les parties de la génération, pour exciter la semence, & pour aider à la conception. On les fait sécher, on les pulvérise, & l’on en prend depuis un scrupule jusqu’à une dragme2 pour chaque dose. » (p. 554 & p. 691).

Le botaniste alsacien M. Mappus rapporte en 1742 dans Historia Plantarum Alsaticarum, à propos des tubercules d’Himmantoglossum hircinum, le fait suivant : « Sunt ex mulierculis nostratibus rusticis quae illas in taleolas scissos et cum ovis frixas viris suis exhibent ad augendam virilitatem3. » F. Kirschleger, qui en fait mention dans sa Flore d’Alsace de 1857, rajoute : « Nous ignorons si cet usage est encore en vigueur, de nos jours, parmi les femmes de nos campagnes. » De fait, l’omelette aphrodisiaque ne semble plus avoir sa place dans la gastronomie alsacienne ! Les plus lointaines contrées de l’Europe septentrionale ont, elles aussi, leur tradition d’usage thérapeutique des orchidées. Deux espèces de Cypripedium étaient utilisées dans la médecine populaire des peuples du nord de la Russie et de la Sibérie, comme le rapportent J. G. Gmelin dès 1747 dans Flora sibirica (vol. I p. 6) puis quelques auteurs ultérieurs. Cypripedium guttatum : « Cette espèce est très commune dans toute la Sibérie. Les habitans, au rapport de Gmelin, se servent de sa décoction dans l’épilepsie. » (1818 ; F. Cuvier coord. ; Dictionnaire des sciences naturelles, vol. 12, p. 407). « Die Blätter werden in Sibirien gegen Epilepsie gebraucht. » soit « En Sibérie, on utilise les feuilles contre l’épilepsie. » (1862 ; D. A. Rosenthal ; Synopsis plantarum diaphoricarum, vol. 1, p. 127). Cypripedium calceolus : « Sa décoction est bonne, dit-on, contre l’épilepsie » (1836 ; E. A. Duchesne; Répertoire des plantes utiles et des plantes vénéneuses du globe, p. 47). On retrouve la même utilisation en Amérique du Nord avec C. pubescens et C. acaule. Dans l’ouvrage de Gmelin, un Dactylorhiza qui est sans doute D. majalis (Orchis palmata palustris latifolia C. B. P.) possède également un usage médicinal ou magique :

1 Matthiole, médecin et botaniste italien (1501-1577). 2 Anciennes unités de masse utilisées en médecine, équivalentes respectivement à 3 grains et à un gros. 3 « Selon nos femmes de la campagne, les jeunes pousses, hachées et frites avec des œufs, contribuent à accroître la virilité de leurs hommes. » 14

« Veterinariis Sibiricis dicitur, ujusque radicis apud plebem est in decocto contra venefisia, quae recens nuptis infesta esse superstitiose creduntur. » Selon cette phrase, la superstition populaire recommande une décoction de ses racines pour combattre les sortilèges (empoisonnements ?) frappant les jeunes épouses.

LE SIÈCLE DES LUMIÈRES

En ce XVIIIème siècle, le Dictionnaire universel de médecine (1748 ; Tome 5ème), traduction d’un ouvrage original anglais par Diderot et al., recense une vingtaine d’espèces dont les racines ont toutes les mêmes propriétés que celles attribuées aux Orchis : « On dit qu’elles sont aphrodisiaques ou qu’elles provoquent à l’acte vénérien, qu’elles fortifient les parties génitales, qu’elles favorisent la conception, et que c’est par cette raison qu’on les fait entrer dans l’électuaire1 qui porte le nom de la plante. Appliquées extérieurement en forme de cataplasme elles dissolvent les tumeurs dures et les enflures. » A propos des Serapias : « On en fait une décoction qui passe pour analeptique, corroborative2, et capable de prévenir l’avortement ; on la boit chaude comme le thé. » A propos du Bifolium (Neottia ovata) : « elle est astringente et incrassante3, bonne pour consolider les ruptures et guérir les blessures ; cependant on s’en sert rarement. » Cet usage de l’Ophrys bifolium est confirmé dans le Traité de la matière médicale vol. 8 (Geoffroy-1750) par son nom vernaculaire d’« herbe aux coupures » et les commentaires qui accompagnent la plante : « Cette plante contient beaucoup de Phlegme et d’huile, et peu de sel. Les Anciens et les Modernes s’accordent tous à la regarder comme vulnéraire, détersive, et consolidante. On se sert en cataplasme de la racine pilée et appliquée sur les vieilles plaies et les ulcères. » Plusieurs utilisations thérapeutiques se trouvent dans Histoire des plantes de l’Europe de Nicolas Deville en 1753. - à propos du Satyrium regium (Gymnadenia conopsea) : « La racine broyée avec du vin fait vomir, et c’est ce qui guérit la fièvre tierce4, si on la prend avant l’accès de la fièvre, ainsi que dit Nicolaus Nicolus. » - à propos de l’Ophris (Neottia ovata mais aussi une plante d’une autre famille) : « Il s’en trouve une autre espèce qui n’a qu’une feuille commençant à paroître, dont les fleurs sont rouges5, laquelle naît dans les bois, et fleurit en May, et alors elle a plus de feuilles ; sa racine bue au poids d’un dragme avec du vinaigre, est excellente contre la peste, faisant ensuite suer le malade. » Même le grand botaniste C. von Linné reprend ces thèses à son compte en déclarant : « Orchideae sunt aphrodisiacae. Aphrodisiaca inter primaria sunt Vanillae americanorum, Salep orientalium, Satyrium europaeorum » (1755 ; Philosophie botanique, p. 282). Dans Flora Suecica, le Satyrion est classé dans la liste des plantes médicinales et, à propos d’Orchis bifolia, il est écrit (p. 309) : « Tormina dysentericorum compescit » soit « Il contient les maux dysentériques. » Cette espèce est d’ailleurs nommée Satyrium officinarum dans Linn. Mat. Med. II 411 (dessin dans E. Blackwell Herbarium Blackwellianum centurie VI 588 ; 1773).

1 Remède ancien que l’on préparait en mélangeant des poudres ou des extraits de plantes à du miel. 2 Analeptique : se dit d’une substance qui stimule, redonne des forces. Corroboratif : fortifiant, tonique. 3 Se dit de certains remèdes que l’on croyait propres à épaissir le sang ou les humeurs. 4 Variété de fièvre intermittente, liée à une forme du paludisme. 5 Il s’agit de l’Erythronium dens-canis, nommé autrefois Satyrion erythronion. 15

La première édition de l’Encyclopédie (1751-1772) de Diderot et d’Alembert fait état des usages pharmaceutiques des Orchis : « C’est un remède très adoucissant, propre à réprimer l’âcreté de la lymphe et convenable dans la phtisie, et dans les dysenteries bileuses. » tout en prenant bien soin de préciser, à propos de la théorie des signatures : « rapport ridicule des plantes entre leur figure et leurs effets. Ce système extravaguant n’a que trop régné. » L’expérimentation et la raison commencent en effet à s’opposer aux anciennes théories désormais taxées d’inexactitude, voire de tromperie. Cela apparaît clairement dans un Traité de la matière médicale de 1750 (Geoffroy ; Vol. 8) : « Il est pourtant vrai, et l’expérience nous le confirme tous les jours, que l’Orchis, quelque espèce que l’on choisisse, n’a point ces vertus, surtout si l’on emploie que les simples bulbes sans y rien ajouter de plus, étant hors de doute que la plupart des Remèdes, soit liquides, soit solides, connus sous le nom d’Aphrodisiaques et de Magnanimité, reçoivent dans leur composition tant d’autres ingrédiens âcres et aromatiques, comme le Poivre, le Gingembre, les huiles de Canelle et de Girofle, le Musc, l’Ambre gris et autres drogues de cette nature, qui peuvent plutôt produire cet effet que les simples bulbes d’Orchis. » Voltaire lui-même, dans une note de ses Oeuvres complètes (1785 ; Tome 34), est très explicite : « c’est ainsi qu’on a cru que le satyrion et les mouches cantarides excitaient à la copulation ; mais de pareilles rêveries ne furent débitées que dans les grandes villes où la débauche payait le charlatanisme. » Les nombreuses sociétés savantes qui fleurissent au XIXème siècle ne manquent pas de véhiculer un message résolument rationaliste par leurs critiques acerbes des anciens tenants de la théorie. Ainsi peut-on trouver, dans les Annales de la Société d’émulation du Département des Vosges, en 1831 : « De tous les auteurs qui ont écrit sur les plantes, il n’en est aucun dont les idées systématiques aient été poussées aussi ridiculement loin que celles de Porta. Cet écrivain paradoxal s’imagina qu’il existait des rapports occultes entre les formes extérieures des végétaux et leurs propriétés… Il crut encore remarquer des rapports entre les plantes et les différentes qualités des hommes et des animaux ; les astres mêmes ne furent pas oubliés. Ces ridicules rêveries trouvèrent cependant de zélés partisans parmi les anciens pharmacologistes, et naguère la plupart des médecins en étaient encore imbus. Néanmoins, toutes ces chimères se sont évanouies, lorsque, le flambeau de l’expérience à la main, les naturalistes ont abandonné de vaines hypothèses pour rendre hommage à la vérité. » De même, Le Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique (F.-V. Mérat, 1837) est très prudent sur le sujet : « Les propriétés médicales des orchidées sont peu remarquables, à l’exception d’un petit nombre d’espèces… On ne sait sur quel fondement on a dit les fleurs des orchidées vulnéraires, à moins que cela ne vienne des taches d’un rouge de sang qu’on observe sur quelques unes ; celles qui ont des fleurs fétides, hircines, ont été

16 indiquées comme anti-hystériques, celles qui en ont de suaves comme balsamiques, cordiales. » Il rapporte cependant quelques utilisations des orchidées et du salep qui en est dérivé : « Les racines de l’O. abortiva L. passent pour astringentes. » « En Pologne, la décoction de salep est la tisane dont on use dans presque toutes les maladies1. » « Le salep est conseillé dans les irritations de la poitrine, de l’estomac, dans la phtisie pulmonaire, la fièvre hectique, l’hémoptysie, le marasme, la dysenterie chronique, etc. »

L’ÈRE INDUSTRIELLE

Il ne faudrait cependant pas s’imaginer qu’à la faveur des progrès de la connaissance et de la rationalisation scientifique qui se sont développés au Siècle des Lumières, ces croyances anciennes ont été vite abandonnées en Europe occidentale. Pour preuve, les indications que l’on trouve, peu avant la Révolution française, dans un ouvrage intitulé Démonstrations élémentaires de Botanique (1787 ; F. Rozier et al ; vol. 3, p.80) : « Les racines de toutes les espèces d’Orchis contiennent un principe farineux, amilacé, plus ou moins saturé d’un esprit recteur, aromatique, dont l’odeur est assez analogue à celle du sperme ; ce principe volatil pénètre dans quelques espèces les fleurs, ce qui les rend plus ou moins aromatiques, agréables ou fétides. Tous ces principes réunis constituent un aliment restaurant, éminemment nutritif, donnant peu de travail à l’estomac, le fortifiant, & étendant, par sympathie, son énergie sur tout le système nerveux ; aussi ces plantes sont- elles aphrodisiaques. » Plusieurs espèces d’orchidées indigènes, en plus de celles précédemment évoquées, ont une utilisation médicinale selon R. Willemet (1805 ; Phytographie encyclopédique ou flore de l’ancienne Lorraine et des départements circonvoisins) : - Satyrium hircinum (Himantoglossum hircinum) : « L’infusion des fleurs récentes est regardée comme antispasmodique. » - Ophrys nidus avis (Neottia nidus-avis) : « Vulnéraire, détersif et résolutif ; à l’extérieur. » - Ophrys spiralis (Spiranthes spiralis) : « Sa racine, cuite dans le vin avec un peu de miel, guérit les ulcères putrides de la bouche. » - Ophrys insectifera : « Le suc de la racine est un excellent spécifique contre les blessures. » - Orchis bifolia (Platanthera bifolia) : « narcotique, invisquant2, aphrodisiaque, analeptique. » - Serapias latifolia (Epipactis helleborine) : « Apéritive, vulnéraire, détersive. » - Cypripedium calceolus : « A l’extérieur, vulnéraire, détersif. La racine contient une farine mucilagineuse, très nutritive. » Les coutumes locales et les traditions orales transmettent des « connaissances ancestrales », que l’on pourrait qualifier de nos jours de « remèdes de bonne femme », consignées dans les livres ou ailleurs : le plus ancien herbier connu pour l’Alsace, celui de Jean-Frédéric Oberlin (1740–1826), montre une représentation, qui pourrait être la première pour la province (Champ-du-Feu 1800), de Pseudorchis albida (Satyrium albidum).

1 Une décoction de racines d’orchidées était utilisée, entre autres, par un médecin lithuanien en 1812 dans le traitement de la fièvre typhoïde, de l’angine et de la maladie tachetée hémorragique. 2 Invisquer : enduire de viscosités. 17

Une note manuscrite précise son utilisation médicinale : « Ces Racines sont très adoucissantes et émollientes1 par leur mucosité. » N’oublions pas non plus les commentaires, très contestables, que fait le célèbre botaniste Dominique Villars, doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg entre 1805 et 1814, à propos des orchidées : « Les deux Indes et l’Europe, les Tropiques et le Nord, abondent en Orchis. Leurs racines farineuses fournissent une nourriture saine et légère, le Salep. Les orientaux doublement efféminés par le climat incendiaire et la polygamie, nous les transmirent après en avoir constaté les vertus restaurantes et aphrodisiaques. La fleur des Orchis répand une odeur suave de vanille, qui est peut-être l’arôme le plus agréable, celui qui, flattant le plus nos organes, en réveille l’action, les excite à la combinaison vitale et à la nutrition2. »

Dans le monde arabe, le mythe des vertus aphrodisiaques des orchidées est effectivement de mise depuis longtemps. Les peuples du Moyen-Orient ont inventé, à ces fins, le salep obtenu à partir des tubercules séchés et broyés de certaines orchidées. Le salep, sous une forme ou sous une autre, est alors en usage dans les pharmacopées d’Allemagne, de Belgique, du Danemark, de France, de Finlande, de Hollande, de Pologne, du Portugal, de Russie, de Sardaigne, de Suède et des USA. Il fait même partie des médicaments (Radices salep sive orchidis morio, en poudre) dont les médecins « sont tenus d’être ostensiblement pourvus » en Flandre orientale en 1848 (Mémorial administratif de la Flandre orientale, vol. 63, p. 82). POUDRE DE SALEP Salep……………………………………………….une once et demie DECOCTION DE SALEP Sagou……………….………………….…………une once Poudre d’orchis…………………………...un gros Gomme adragante.……………………….un gros Imbibez-la d’eau froide jusqu’à ce qu’elle ait On en délaie, matin et soir, une cuillérée à café quadruplé de volume ; ajoutez alors : dans de l’eau et du lait, pour faire de la bouillie Eau bouillante, ………………..une livre et demie. aux personnes phtisiques ou affectées de toux. Faites cuire pendant une demie-heure. CONSERVE D’ORCHIS Racine fraîche d’orchis………………..…une livre ELECTUAIRE APHRODISIAQUE Eau…………………………………..….huit livres Cannelle……………………………….deux gros Faites macérer pendant quelques jours, puis Vanille………………………………….huit gros ramollir par la cuisson ; faites ensuite clarifier Racine d’orchis………………………….six gros dans la décoction : Marrube………………………….deux scrupules Racine de panicaut confite…………..deux onces Sucre blanc…………………..…une livre et demie Conserve d’aunée…………….quantité suffisante Cuisez la racine dans le sirop, après l’y avoir laissé Mêlez bien infuser pendant trois jours, et conservez la dedans, ou faites-la sécher à l’étuve.

Plusieurs préparations à base de salep, collectées dans l’ensemble de l’Europe, sont transcrites dans l’ouvrage Pharmacopée universelle (1828 ; A. J. L. Jourdan). Quelques unes sont reproduites ici3. Une recette très élaborée d’électuaire aphrodisiaque, directement issue de l’Antidotaire de Nicolas, y est détaillée : racine fraîche de panicaut, de panais, d’orchis, noix confites, pignons, pistaches (½ once de chaque), semences d’anis, de roquette, de frêne, d’ortie,

1 Se dit d’un médicament, d’un procédé, qui relâche, amollit les tissus. 2 Catalogue méthodique des plantes du Jardin de l’Ecole de Médecine de Strasbourg (1807). 3 Sagou : fécule alimentaire extraite de la pulpe du tronc du sagoutier qui est une espèce de palmier. 18 girofle, cannelle, gingembre (5 gros de chaque), scinc marin (2 ½ gros), musc (7 grains) et enfin miel despumé1 (3 livres) ! Il s’ensuit la prescription : « Faites un électuaire. Dose, quatre à six gros. »

Quoique ses vertus aphrodisiaques soient de plus en plus mises en doute au fil des ans, le salep n’en reste pas moins une substance utile :  « Le salep est employé comme un analeptique léger. On en met un à deux grammes dans un bouillon ou dans du lait ; on l’emploie encore comme mucilagineux contre la diarrhée, la dysenterie, les toux sèches et inflammatoires, etc. »  « La tisane de salep est employée contre les affections inflammatoires des intestins » (1847 ; E. Soubeiran ; Traité de pharmacie théorique et pratique, Tome premier).  « Le salep ne jouit probablement pas de la propriété aphrodisiaque qu’on lui a supposé pendant longtemps, mais il est au moins très nourrissant » (1869 ; Guibourt ; Histoire naturelle des drogues simples).  « Le salep peut être employé utilement en médecine. On l’administre avec succès dans les maladies chroniques, accompagnées d’un grand épuisement de force. Il est un des meilleurs moyens curatifs de la dysenterie et de la diarrhée aiguë ou chronique, ainsi que des affections inflammatoires des voies urinaires. On s’en est servi avec avantage contre le scorbut. » (1825 ; Dictionnaire des sciences naturelles, tome XXXVI). Plus grave encore : maintes espèces de nos contrées sont citées comme pouvant remplacer avantageusement, pour des raisons d’économie, le salep importé d’Orient ! D’ailleurs, H. Baillon signale, en p. 1438 d’un Traité de botanique médicale phanérogamique (1888) : « Les meilleurs saleps se récoltent en Orient ; ceux qui se vendent en Angleterre et en France viennent souvent de Smyrne. En Allemagne, on en tire des monts Taunus, Westerwald, Odenwald, etc. » Une autre utilisation possible est indiquée par un médecin belge du XIXème siècle2 : « Nous avons expérimenté que la solution aqueuse de salep communique, en peu d’heures, au linge, qui en est imbibé, une raideur analogue à celle produite par la gomme arabique, ou mieux la gomme adragante3… c’est ce qui nous porte à croire, que le salep pourrait être substitué, avec avantage, à l’amidon et à la dextrine, dans la confection de bandages pour les fractures. »

Diététique et hygiène alimentaire sont un autre aspect de la pratique médicale. Conjointement avec les médecins, des agronomes des XVIIIème et XIXème siècles ont suggéré le salep indigène comme substitut alimentaire, susceptible de résoudre les problèmes de famine ! Ils l’ont donc promu, pour ses « extraordinaires » potentialités nutritives, au même rang que la fécule de pomme de terre.

 Bibliothèque universelle ; Agriculture Tome second (1817) : « Cette substance alimentaire paroît d’une nature incorruptible ; bien préparée, elle peut se conserver trente ans en bulbes ou en poudre, sans perdre ses qualités nutritives et analeptiques…. Ses avantages militaires pour les troupes de terre et de mer me

1 Despumer : clarifier une liqueur, en la faisant chauffer et bouillir pour en ôter l’écume ou toute autre impureté. 2 F. Dubois ; Matière médicale indigène (1848). 3 Gomme arabique : exsudat obtenu à partir de la sève solidifiée d’arbres de la famille des acacias. Gomme adragante : exsudat obtenu à partir de la sève séchée de plantes du genre Astragalus. 19

paroissent très éminens, puisqu’un seul tonneau, renfermant quatre ou cinq quintaux de salep en poudre, suffiroit au besoin pour nourrir un jour entier vingt mille hommes. »

 Journal des connaissances utiles (1833 d’après une étude de 1791) : « Les diverses espèces d’orchis qui peuvent fournir le salep, sont tellement abondantes dans quelques parties de l’Europe, qu’on a lieu d’être surpris de ne point avoir vu jusqu’ici essayer la fabrication d’un salep indigène. Il serait assez facile de ramasser et préparer ces orchis, pour que de pauvres familles puissent y trouver une partie de leur subsistance. » « Les orchis indigènes peuvent être récoltés et convertis en une fécule qui peut être employée comme aliment dans les cas de disette et dans les voyages au long cours. La fécule d’orchis peut se conserver sans altération pendant plusieurs années. »

 Cours complet d’agriculture pratique (1836) : « La fabrication d’un salep indigène pourrait être une branche d’industrie très lucrative dans plusieurs départements car cette substance alimentaire, que nous importons à grands frais de Perse et de Turquie, se fabrique d’une manière très simple dans ces contrées avec les racines d’une plante nommée orchis, qui croît en abondance dans presque toutes les parties de la France, notamment en Lorraine, Alsace, en Franche- Comté, dans le Dauphiné, le Languedoc, la Basse-Guienne et la Bourgogne… Cette plante croît avec une telle profusion, et sa préparation est si peu dispendieuse, qu’il serait possible de se procurer le salep à 50 c. la livre, tous frais prélevés, tandis que nous le payons ordinairement 7 à 8 francs dans nos ports. » « Il n’existe aucune production végétale qui, sous un si petit volume, contienne une aussi grande abondance de sucs nutritifs : un seul gros de salep suffit pour donner un potage très consistant du poids de dix-huit à vingt onces, et quatre à cinq livres de salep en poudre suffiraient dans un temps de disette pour nourrir avec salubrité une famille entière pendant un mois. »

LA PÈRIODE MODERNE

A la fin du XIXème siècle, les immigrants européens vers le Nouveau-Monde y ont introduit volontairement l’Epipactis helleborine, censé avoir une action bénéfique contre la goutte et les rhumatismes1. Il s’y est si bien naturalisé qu’on le classe actuellement parmi les espèces invasives sur le continent nord-américain. Un article paru dans un bulletin de l’American Orchid Society (1985 ; L. J. Lawler) indique : « It is reported that Epipactis helleborine, now naturalized in eastern North America, was brought from Europe to treat gout2. » Il nous dit par ailleurs : « In Europe, Cypripedium calceolus and Cyp. guttatum were employed against epilepsy. Orchis mascula was prescribed for scrofula. Epipactis helleborine was used to treat gout. Neottia nidus-avis was reputed to drive out intestinal worms3. »

1 « La racine de l’Epipactis latifolia passe pour efficace contre les douleurs arthritiques. » Traité de Botanique Vol. 1 ; L. Courchet (1897). 2 « On raconte qu’Epipactis helleborine, maintenant naturalisé dans le nord-est des USA, fut apporté d’Europe pour traiter la goutte. » 3 « En Europe, Cypripedium calceolus et Cyp. guttatum étaient utilisés dans le traitement de l’épilepsie. Orchis mascula était prescrit pour les scrophules. Epipactis helleborine était utilisé dans le traitement de la goutte. Neottia nidus-avis était censé chasser les vers intestinaux. » 20

A la même époque, en Algérie, les feuilles séchées de l’Orchis anthropophora servent à préparer une infusion « comparable au thé de l’île Bourbon » (Bull. Soc. Bot. Fr., vol. 27, 1880). Elles auraient des propriétés sédatives et sudorifiques et sont encore en usage de nos jours en Inde et dans les îles de l’Océan Indien. L’appellation « thé de l’île Bourbon » désigne une préparation à base de Jumellea fragrans utilisée dans la médecine traditionnelle de la Réunion pour soigner le rhume.

Les légendes sur les « pouvoirs » maléfiques ou bénéfiques des tubercules de Nigritelle (main du Diable, main de Dieu) se transmettaient toujours au XXème siècle dans certaines contrées alpines et, en 1924, un médecin préconisait encore l’utilisation des orchidées, sous forme d’extrait végétal, dans le traitement des lésions tuberculeuses (Dr P. Barbier ; Etude clinique et expérimentale des Orchidées-Iridiées dans le traitement de la tuberculose ; Association française pour l’avancement des Sciences ; 48ème Congrès, Liège) ! Des préparations à base de salep (Tubera Salep ; Mucilago Salep) sont restées présentes dans les pharmacopées occidentales jusqu’à la veille de la Seconde Guerre Mondiale (Allemagne 1926 ; Suède 1926 ; GB 1928 ; Autriche 1 1930 ; Belgique 1930 ; Suisse 1933 ; Hongrie 1934 ; Yougoslavie 1934 ; USA 1936).

La phytothérapie contemporaine s’est, elle aussi, emparée de certaines orchidées européennes : - le Sabot de Vénus est indiqué pour les troubles digestifs comme tonique, stimulant et antispasmodique, Racines de ginseng - l’orchis mâle est indiqué, comme émollient intestinal, antidiarrhéique, tonifiant et sédatif, pour les diarrhées infantiles et l’asthénie. Concernant l’effet aphrodisiaque, les orchidées ont été supplantées de nos jours par des végétaux plus exotiques comme le gingembre ou le ginseng. En marge de la médecine, on trouve actuellement sur Internet de nombreux sites, vantant les « avantages » des orchidées en matière de « médecine naturelle » ou de cosmétique, qui vont jusqu’à proposer, à bon prix naturellement, des élixirs d’orchidées. Dans un galimatias pseudo-scientifique, ces sites véhiculent malheureusement des contre-vérités du genre « Contrairement à une idée répandue, l’orchidée n’est pas une plante rare » ou « Les recherches ont depuis peu prouvé ses qualités extraordinaires en cosmétologie » et débitent des fadaises comme « L’élixir de cette fleur (Cephalanthera rubra) permet de nettoyer l’âme et l’esprit lorsqu’on est en contact avec des gens énergétiquement pas très sains » ou encore « Son élixir (Cypripedium calceolus) favorise l’expression de l’aura et le rayonnement autour de soi. »

1 Les espèces utilisées sont Anacamptis morio, Orchis mascula et O. militaris. 21

L’industrie des cosmétiques semble avoir investi en force ce créneau bien lucratif et ne manque pas de mettre en avant les prétendus bienfaits dermatologiques des orchidées, dont les noms, inconnus des botanistes, sont particulièrement attractifs : orchidée pourpre, orchidée noire, orchidée royale, orchidée impériale ! Il est aussi fort regrettable de trouver encore de nos jours à la vente, dans des épiceries de produits orientaux ou en ligne, des produits dits « bio », à base de salep, clairement recommandés pour leurs propriétés revitalisantes. Cette pratique perdure en effet aujourd’hui et le salep, jugé reconstituant et rafraîchissant, aromatise toujours boissons et glaces en Turquie. Il est aussi utilisé, en boisson chaude dans du lait, contre le rhume et les maux de gorge. Les principales espèces récoltées pour fabriquer le salep appartiennent à de nombreux genres (Orchis, Dactylorhiza, Ophrys, Aceras, Barlia, Anacamptis, Himantoglossum, Comperia, Serapias…). Ce sont des tonnes de tubercules1 qui sont déterrées annuellement, mettant ainsi en danger la pérennité des espèces victimes de ces superstitions d’un autre âge ! Triste résurgence de la théorie des signatures ou de ses rejetons !

Si l’on compile toutes les indications médicales associées aux diverses orchidées depuis les origines, celles-ci font presque figure de panacée tant elles sont « efficaces » pour soigner les affections de la bouche, des yeux, des bronches, du foie, des intestins, des articulations, de la peau, des organes génitaux, de la vessie, traiter la dysenterie, l’épilepsie, la pneumonie, le paludisme, le scorbut et même la peste sans oublier leur effet sur les Tuber numbers in 1000 g and 1000 kg salep fièvres de toute nature, les poisons et (from Sezik, 1984) autres venins, sur les plaies ou Kaan Hürkan www.orchidologist.com hématomes, sur les fractures, sur les hémorroïdes, les spasmes divers, ni leur vertus cosmétiques, tonifiantes et stimulantes ! Il va sans dire que toutes ces propriétés (mis à part peut-être comme antidiarrhéique ou sédatif, par la présence d’alcaloïdes) que l’on prêtait autrefois aux orchidées ne relèvent que du fantasme et les analyses chimiques modernes ont montré que des substances contenues dans les orchidées n’étaient ni plus ni moins actives que celles que l’on trouve par ailleurs dans le foin (coumarine) ou la fécule de pomme de terre (amidon, mucilage) 2 ! Une étude récente d’un médecin britannique3 met un point final à une éventuelle utilisation thérapeutique des orchidées : « Il est étonnant que, malgré le grand nombre d’alcaloïdes présents dans les tissus des orchidées, le bénéfice médical de ces plantes n’ait pas été prouvé. Par prouvé, je veux dire « avéré être efficace » par des tests aléatoires en double aveugle. Tant que de telles expériences n’auront pas déterminé les avantages et les risques de l’usage médicamenteux

1 Les 20 tonnes de production annuelle en Turquie représentent 40 millions de tubercules. 2 Dans la pharmacopée française (2010), seule une espèce exotique, Vanilla fragrans, est référencée. 3 C.J. Bulpitt, 2005 : The uses and misuses of orchids in medicine. QJM : An international journal of medicine 98 (9) : 625-631. 22 des orchidées, nous devrons conclure que ces belles plantes n’ont pas leur place en médecine. » Il faut donc réserver à leurs insectes pollinisateurs l’attrait aphrodisiaque, bien démontré en revanche, de certaines orchidées. Cependant, une enquête menée en 2011 par le Comité pour les plantes de la CITES1 (commerce des spécimens d’ spp.2) révèle que de nombreuses espèces d’orchidées européennes sont commercialisées de nos jours, sous forme de produits finis destinés à l’industrie cosmétique, à la production de salep et à la médecine traditionnelle asiatique. Pas moins de 46 espèces d’orchidées européennes, principalement des Ophrys et des Orchis, y sont répertoriées, la majorité d’entre elles étant prélevées dans la nature. Il est à noter que douze états seulement, sur les 176 états membres de la CITES, ont répondu à l’enquête !

Annexes La nomenclature

La connotation sexuelle est évidente dans les noms latins ou français qui ont été donnés aux orchidées au cours des siècles. Les Grecs donnaient le nom de Sérapias à une orchidée (Anacamptis morio ?), en référence au dieu égyptien Sérapis, dans le temple duquel les pèlerins se laissaient aller à la débauche. Ce dieu est également lié à la fertilité agraire, mais sa principale fonction était de guérir les maladies. Le mot orchis, comme chacun sait, signifie testicule en grec. Pline a introduit le mot Satyrium, du grec saturos (satyre), qui fait référence à un demi-dieu des bois, compagnon lubrique de Dionysos. Les appellations latines du Moyen-Age comme Cynosorchis ou Testiculus canis, Testiculus vulpinus, Tragorchis signifient respectivement « couillon de chien », « couillon de renard » et « couillon de bouc »3. On trouve également, par exemple chez J. Dalechamps (Historia generalis plantarum 1586 – Ph. ci-dessous) ou J. Bauhin (Historia plantarum universalis 1650), les noms vernaculaires « couillon de fol », « couillon odorant », « couillon rond », « couillon châtré » et même les étonnants « premier couillon de chien femelle » ou « triple couillon de chien femelle » !

1 Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. 2 http://www.cites.org/fra/com/PC/19/F19-11-03.pdf

3 « Ni plus ni moins que le bouc est le plus luxurieux des animaux, de même cette racine excite mieux à luxure qu’aucune autre espèce de plantes bulbeuses que ce soit. » (1633 ; O. Crollius ; La Royalle Chymie) 23

Selon certaines interprétations, morio pourrait venir d’un mot grec « morion » au sens général de partie, mais aussi membre du corps et plus spécialement parties sexuelles. Sans oublier l’Orchis mascula, dont l’appellation, toujours en usage, fait référence non seulement à ses tubercules mais à la longueur et à l’orientation de son éperon. Le mot turc salep vient d’une expression arabe, husān at-ta ‘lab, signifiant « testicules de renard ». On retrouve les mêmes origines pour les anciens noms vernaculaires d’orchidées dans presque toutes les langues européennes (voir Brøndegaard V. J., en référence bibliographique). C’est bien clair pour les langues suivantes, assez facilement compréhensibles pour un français : - en anglais Fools-stones = couilles de bouffon ou Hare’s Bollocks, Soldiers Cullions, Goats- Stones, Fox-Stones, Dog-Stones (A new herbal, W. Turner – 1568 ; Pambotanologia sive Enchiridion botanicum, R. Lovel – 1665 ; Catalogus plantarum Angliae et insularum adjacentium, J. Ray - 1670 ; Dictionarium Botanicum, R. Bradley – 1728) ; - en italien Testicolo (coglion) di cane = testicule de chien (Les six livres de Pédacion Dioscoride, B. Arnoullet - 1553) ; - en espagnol Cojon de perro = couillon de chien (Nomenclator omnium rerum propria nomina variis linguis explicata indicans, H. Junius – 1577 ; Historia Generalis Plantarum, J. Dale- champs 1586) ; - en allemand Fuchshoden, Hundeshoden = testicule de renard, testicule de chien (New Kräutterbúch, J. Bock – 1539). Il en est de même des termes Ragwurz, Stendelwurz = racine qui fait se dresser, et Knabenkraut = herbe du garçon (id., J. Bock – 1539).

Problème

Sachant qu’à l’époque de l’ouvrage Pharmacopée universelle (1828), dont j’ai reproduit certaines préparations dans cet article, le système des poids était régi par les règles suivantes, il s’agit de convertir en unités de masse actuelles lesdites recettes : 1 grain valait 1/72 de gros 1 scrupule (ou denier) valait 1/24 d’once 1 gros (ou dragme) valait 1/8 d’once 1 once valait 1/16 de livre 1 livre (de Paris) valait à peu près 489,5 g

Les réponses peuvent m’être adressées par courrier électronique à l’adresse suivante : [email protected] Les auteurs des bonnes réponses recevront… mes plus sincères compliments de mathématicien.

Remerciements à mes collègues du Lycée Montaigne de Mulhouse qui ont traduit pour moi des textes en latin, vieil allemand ou danois !

* 3, rue de Guebwiller – 68840 Pulversheim [email protected]

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Bibliographie

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Apothicaire Médecin Enluminure de 1497 Gravure de 1656

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Sortie Neotinea ustulata var. aestivalis à Fessenheim (68) 23 juin 2013

Alain Pierné *

La sortie du dimanche 23 juin 2013 s’est déroulée sous les meilleurs auspices avec une douzaine de participants dont certains venus courageusement des confins septentrionaux de l’Alsace ! Une météo favorable et une floraison abondante avec quelques lusi surprenants ont enchanté les participants.

Le contexte

Il faut dire que les années 2010-2011 avaient laissé présager le pire pour la population de Neotinea ustulata var. aestivalis avec un mois de juin très sec et quelques pieds vite grillés ! Heureusement, en juin 2012 une floraison exceptionnelle de plus de 500 pieds sur l’ensemble du site a suscité de l’espoir et m’a incité à écrire une nouvelle page de l’histoire de ce taxon méconnu : l’article a été publié en 2013 dans l’Orchidophile n°198 : Situation actuelle de Neotinea ustulata (L.) R.M. Bateman, Pridgeon & M.W. Chase var. aestivalis (Kümpel) Tali, M.F. Fay & R.M. Bateman en France et en Europe. Pour ceux qui ne sont pas abonnés et en guise de piqûre de rappel pour les autres, un succinct résumé de la situation en France (réactualisée en 2013) s’impose.

Situation actuelle en France

En France, depuis l’article d’Engel et Mathé sur sa découverte en Alsace en 1997, le taxon est présent dans 5 régions et pas moins de 10 départements, au lieu de 3 régions et 3 départements précédemment : - Alsace : Haut-Rhin (2 communes). - Bourgogne : Côte d’or (5 communes). - Franche-Comté : Doubs (2 communes) ; Haute-Saône (2 communes) ; Jura (9 communes). - Ile-de-France : Seine-et-Marne (1 commune). - Rhône-Alpes : Ain (30 communes) ; Drôme (2 communes) ; Isère (3 communes) et Savoie (5 communes). Il était signalé jusqu’à présent de la plaine à l’étage subalpin sur prairies et pâturages sur la façade est, des Alpes à l’Alsace, un peu plus répandu dans le massif jurassien (Ain et Jura), seule la station de Seine–et-Marne faisant exception. Par contre, la Haute-Saône et la Côte-d’Or n’étaient pas encore prises en compte dans la récente carte de l’Atlas 2010. C’est à Vincent Gillet, cartographe de la Côte-d’Or, que l’on doit la découverte de notre taxon en 2010 sur 2 communes bourguignonnes, la Bussière-sur-Ouche (21) et Lusigny-sur- Ouche (21). Depuis, les prospections ont permis de découvrir en tout 5 stations sur 4 communes : La Bussière-sur-Ouche (2 st.), Lusigny-sur-Ouche (1 st.), Meuilley (1 st.) et Crépey (1 st.). Pour la Haute-Saône (70), l’espèce a été découverte et signalée pour la première fois le 2 juillet 2008 par Alain Berthiaux à environ 400 m d’altitude sur la commune de Mont–le– Vernois (à 7 km au sud-ouest de Vesoul) : plus de trente pieds sont dénombrés. L’espèce sera

27 revue par la suite : 3 pieds le 30 juin 2010, sur la même parcelle ; aucune observation en 2011 et 2012 ; 15 pieds en 2013. Actuellement, 3 stations sont dénombrées par Alain Berthiaux dont 2 nouvelles à La Roche- Morey. Un contexte favorable donc, qui laisse augurer d’autres découvertes et espérer aboutir à des mesures de protection ou de gestion appropriés des sites.

Prospection du site

 L’île de Fessenheim

Les deux pelouses sèches situées de part et d’autre de la route qui traverse l’île ont été minutieusement prospectées : le matin, la pelouse au nord de la route sous régime ONF, site de la découverte en 1997 et, après un agréable pique-nique au bord du Rhin, l’après-midi, les pelouses gérées par le CSA au sud de cette route.

Ph. 1 Ph. 3

Ph. 2 Toutes les espèces escomptées étaient au rendez-vous : - de nombreux Ophrys fuciflora, O. apifera avec quelques individus de la var. aurita. L’année a d’ailleurs été particulièrement favorable à Ophrys apifera avec de nombreuses observations dans toute la région et surtout la découverte de deux nouvelles variétés (voir article p. 52). - des centaines d’Anacamptis pyradimalis dont certains pieds victimes des sangliers (fleurs coupées avec bulbes déterrés – ph. 1) et 3 pieds « blancs ».

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- des centaines également de Platanthera bifolia dont un pied bicéphale avec des fleurs à double labelle (ph. 2). - quelques pieds d’Himantoglossum hircinum apparus récemment sur l’île comme Orchis anthropophora, non revu ce jour. - de belles populations de Gymnadenia conopsea. Et, objectif premier de cette visite, de nombreux pieds de Neotinea ustulata var. aestivalis en début de floraison et dispersés dans toutes les pelouses avec quelques rares touffes de 3 à 5 pieds (ph. 3). Une halte enfin pour découvrir dans une dépression une belle station d’Ophioglossum vulgatum ou langue de serpent, fougère rare de milieu neutre ou alcalin. NB : à noter qu’un sortie ultérieure avec le CSA le 28 juin a permis de cartographier, avec pointage GPS, les stations d’orchidées du site, notamment N. ustulata var. aestivalis dans les parties moins accessibles et moins fréquentées.

 Stations secondaires sur le ban de Fessenheim et Balgau

En fin de soirée, une courte visite des sites voisins le long de la route EDF a permis de revoir quelques pieds de N. ustulata var. aestivalis, redécouverts en 2012 : - sur le ban de Fessenheim, quelques pieds seulement en 2012-2013 dans des pelouses sous les lignes électriques appartenant à EDF et gérées par RTE. Un contact a été établi. - sur le ban de Balgau, plus de 40 pieds dans une parcelle forestière sur le talus d’une ancienne piste et dans une pelouse embroussaillée (avec, en petit nombre il est vrai, Orchis militaris, Platanthera bifolia, Anacamptis pyramidalis, Ophrys apifera plus au sud et Ophrys fuciflora). Après consultation du Conservatoire botanique et du CSA, il s’avère que les parcelles des 2 côtés de la route (section 33 parcelles 11 et 16) sont propriété de l’Établissement public du Port Rhénan Colmar et qu’elles risquent d’être concernées par des projets industriels. Les informations recueillies ont été transmises à l’étude d’impact.

Plus au sud par contre, malgré les prospections, aucune redécouverte n’a été possible sur l’ancien site de Nambsheim trop dégradé.

En conclusion, des sites bien fragiles qui ne font que mieux apprécier la richesse botanique des stations protégées sur l’île dont la pérennité est assurée, sauf aléas climatiques cela va de soi…

* 3, rue du village – 68140 Hohrod

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Jeux Jean-Marie Bergerot

I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII 1 Horizontalement 2 1. Pris à tort pour des géraniums. 2. De l’élevage des abeilles. Folâtre (s’). 3 3. Colles dans le sud. D’un sphincter. 4 4. Leurs inflorescences sont munies d’un spadice. 5 Sympathique. 5. Qui concernent la volonté. Personnel. 6 6. Prénom très rare. Fondation. 7 7. Personnel. Divinité sémitique. Cours d’eau 8 germanique. 8. Groupe sanguin. Prénom féminin. 9 9. Atterrissage forcé. Dépouillé. Chaîne allemande. 10 10. Liquide. En forme de grelot. 11. Ancienne abréviation postale. Tapage. Au pied 11 du plateau de Langres. 12 12. Poisson. Paisible.

Verticalement

I. Famille du coquelicot. VII. Sur une rose. Déluge.

II. Souvent nectarifère chez les végétaux. Applaudissement. VIII. Principes spirituels. Clarté.

III. Appendices foliaires. Article. IX. Fleuve sibérien. Supprime.

IV. Terminées en pointe fine et allongée. Démonstratif. X. Versant à l’ombre. Rêvé.

V. Galette de pomme de terre. Non anglais familier. XI. Gêne. Filtre physiologique.

VI. Rognures d’ongles. Article espagnol. Chef éthiopien. XII. On y classe les étoiles de mer.

Reconstituez une citation de Marcel Proust en plaçant les lettres de chaque colonne dans la case convenable (37 mots) : voir le principe du jeu dans le bulletin 2011 (p. 4).

A A D D A C C E A C E A A E A A F A A A E A D E D B A L E E E E E D E H C A E C E G A E C H E I E E D E N E N I E L E E T D E S E E L A E C H F L N E E L N Q P L E M E I U E M T L E Y D I G N I N S U E N N S U L H N L O Q U U L L E N I R O T T W R O T T V T T S S S S V M X M R S V T U T S U T T T S N Y N S S U T U O

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Séjour dans les Corbières (Aude) du 8 au 12 mai 2013

Patrick Pitois *

Le mercredi 8 mai 2013 au soir, après les péripéties de début d’un long week-end ayant occasionné de nombreux bouchons sur l’autoroute (que nous retrouverons au retour le dimanche 12 mai), un groupe de seize personnes se constitue, majoritairement de la SFO-LA (dont sa nouvelle présidente Monique Guesné et son secrétaire Henri Mathé). Toutefois, trois d’entre elles sont rattachées à la SFO-Languedoc (Martine et François Schwaab, anciennement à la SFO-LA mais venant de se retirer dans le sud-ouest, et François Saix) et une autre, Léonie Schaffner, est membre de l’AROS (Association Régionale des Orchidophiles de Strasbourg).

Notre lieu de rendez-vous et d’hébergement est l’Ecluse au Soleil à Sougraigne, village situé au cœur du massif des Corbières, dans le département de l’Aude, choisi pour ce séjour dans un des hauts lieux de l’orchidophilie en France. Malgré une météo défavorable sur l’ensemble de la métropole durant tout le mois de mai, nous bénéficions toutefois d’un temps relativement clément et de périodes ensoleillées, en dépit d’un vent souvent présent et de températures assez fraîches, mais le tout heureusement quasiment sans pluie, sinon quelques ondées ayant la bonne idée de se déverser principalement la nuit.

Le jeudi 9 mai au matin, nous nous rendons sur la première station, au col de Redoulade à Auriac où, bien que la zone soit alors sur-pâturée, nous observons les premières orchidées, dont l’énumération jusqu’au terme du présent article n’est pas exhaustive (certaines sont présentes en Alsace-Lorraine, comme Ophrys araneola ou Orchis anthropophora). Mentionnons Neotinea maculata, O. lupercalis (fin de floraison à fané), O. lutea, O. scolopax et Orchis provincialis. Mais la principale attraction se trouve en contrebas du col, avec une belle colonie de Fritillaria pyrenaica (famille des Liliaceae) ainsi qu’Orchis militaris, O. purpurea et des hybrides. Suit le col des Fourches à Mouthoumet, avec notamment Ophrys sulcata et Serapias lingua. Puis à Talairan, près d’une ancienne bergerie au milieu des vignes, s’offrent entre autres à nous Ophrys catalaunica (que certains identifient comme O. magniflora : ce débat m’indiffère, étant du genre « rassembleur ») et Serapias vomeracea.

Cette première journée se conclut à Bouisse, d’abord au lieudit Les Esclauzes avec un des moments forts du séjour, Dactylorhiza insularis en début de floraison (cette année, avec la météo déjà évoquée, les plantes sont globalement en retard). Nous recherchons vainement la forme bartonii, mais elle est peut-être en boutons, et nous remarquons des hybrides Orchis mascula x O. provincialis. Non loin de là, vers le col de l’Homme Mort où les pâtures sont largement amendées, nous retrouvons quelques rares pieds de D. insularis (j’en avais vu plus en nombre à mon premier passage en 2006).

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De gauche à droite : Ophrys catalaunica Dactylorhiza insularis Anacamptis papilionacea (Bouilhonnac) (Bouisse) (Saint-Hilaire)

Le vendredi 10 mai, nous commençons par la fameuse station du relais hertzien à Bouilhonnac, au nord-est de Trèbes, où se mélangent joyeusement Ophrys incubacea, O. passionis et O. sphegodes (d’où un autre débat). Sur une station toute proche (même commune), nous retrouvons à nouveau O. catalaunica (magniflora ?) et son inévitable cortège d’hybrides avec O. araneola et autres. Notons qu’O. lutea, très présent ici comme ailleurs, ne paraît pas produire de croisement. Et là encore, nous voyons en nombre Serapias lingua et S. vomeracea, les deux seuls du genre observés durant tout le séjour.

De gauche à droite : Neotinea conica N. conica x ustulata Ophrys vasconica (Saint-Louis-et-Parahou) (Saint-Louis-et-Parahou) (Bugarach)

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Nous nous déplaçons ensuite à Saint-Hilaire, sur une station tout aussi connue à Anacamptis papilionacea alors en début de floraison, avec comme repère depuis plusieurs dizaines d’années l’épave d’une voiture Dauphine. Et nous achevons cette deuxième journée au Pech- Busque à Clermont-Lauquet, avec de nombreux A. papilionacea largement en boutons (altitude oblige), Ophrys et Orchis divers. L’un de nous, Robert Selig, déniche en prime un hybride à mi-floraison A. morio x A. papilionacea.

Au matin de la troisième et dernière journée, le samedi 11 mai, nous commençons par le secteur d’une ancienne carrière à l’ouest de Bugarach (village-refuge – déserté depuis – d’illuminés voulant y échapper à l’Apocalypse annoncée pour le 21 décembre 2012) Nous y voyons pour la première fois Neotinea ustulata, voisinant avec N. maculata déjà observé. Mais le principal intérêt du lieu est la présence d’Ophrys vasconica, cotoyant O. sulcata et autres. Suit le col du Linas, en versant nord-est du Pech de Bugarach (point culminant des Corbières à 1.230 m), où nous recherchons vainement Ophrys ciliata, déjà vu en ce secteur les précédentes années. Outre d’autres Ophrys (comme O. vasconica à nouveau), nous retrouvons aussi plusieurs hybrides Orchis mascula x O. provincialis et O. militaris x O. purpurea. Puis, versant sud-ouest du même Pech, nous cherchons tout aussi vainement un pied d’Ophrys ciliata trouvé là quinze jours plus tôt (il est sans doute fané), mais plusieurs hybrides d’O. scolopax, sans doute avec O. araneola, sont un régal pour les yeux (mais difficilement photographiables, en raison d’un vent soutenu).

Autre temps fort du séjour, nous nous rendons l’après-midi à Saint-Louis-et-Parahou, sur une pâture où de nombreux Neotinea conica nous attendent sous le soleil, voisinant notamment avec N. ustulata (plus un bel hybride débusqué par Henri), Coeloglossum viride et Serapias lingua (dont un à labelles jaunes). Le long d’un ruisseau ombragé en contrebas, nous pouvons voir l’assez rare Lathraea clandestina (famille des Scrophulariaceae). La journée s’achève aux abords du col de Saint-Louis (à la limite départementale entre l’Aude et les Pyrénées-Orientales), où nous voyons de nouveau N. conina, Cephalanthera longifolia, Ophrys scolopax, Orchis provincilias, etc.

Au total, durant ces trois jours, nous comptabilisons 31 espèces1. Dix-huit sont observées à Sougraigne, dont de nombreux Limodorum abortivum (souvent vu le long des routes) et touche finale, juste avant le petit déjeuner du dimanche matin (après lequel nous nous séparons), cinq pieds de N. conica dans un petit pré jouxtant l’Ecluse au Soleil.

Au moment où paraît le présent bulletin annuel, un nouveau séjour est en préparation du 1er au 5 mai 2014, dans le département du Var (plaine des Maures principalement) où, je n’en doute pas une seconde, les participants se régaleront tout autant que dans les Corbières en 2013.

* 60, rue de Honolulu - 88600 Bruyères [email protected]

1 NDLR : Cela représente plus du tiers des orchidées présentes dans ce département, lequel est un des plus riches de France avec plus de 80 espèces recensées. 33

FESTIBIO 2013 Histoire des chevaux Konik Polski et des orchidées

Monique Guesné *

Le FestiBio de Pagny-sur-Meuse est un festival portant sur le thème de l’environnement dans sa dimension locale et sociale ayant pour but de faire connaître, entre autres, au public les richesses locales. Fin 2012 la SFO-LA a été sollicitée par le C.E.N. de Lorraine pour co- animer une sortie sur le marais de Pagny-sur Meuse. Initialement prévue le 16 juin, c’est finalement le 23 juin à 10h que le rendez-vous fut donné devant la gare de Pagny-sur-Meuse avec pour consigne « bottes conseillées » ! Les conditions climatiques étant défavorables, seules 5 personnes se sont présentées à ce rendez-vous mais ce n’était pas plus mal pour partir à la rencontre de Liparis loeselii car un nombre plus important de participants aurait sûrement posé problème. L’animatrice du C.E.N. Lorraine, Jessica Becker, nous conta d’abord l’histoire de ces petits chevaux que sont les Konik Polski puis, pour ma part, je répondis aux questions qui me furent posées sur les orchidées présentes sur la pelouse calcaire de Pagny-sur-Meuse et montrais ensuite quelques photos de cette minuscule orchidée que nous devrions trouver... si la chance était avec nous ! A peine entrés sur le site, les chevaux vinrent vers nous, attirant toute l’attention du petit groupe. Nous prîmes ensuite la direction de l’enclos, au cœur du site, où, bon an mal an, nous avions l’habitude de trouver notre petit lutin. Il fallut un bon quart d’heure avant que je n’arrive enfin à trouver le premier Liparis loeselli, très petit et bien caché ! Fort de cette première trouvaille, c’est avec beaucoup de précautions que le petit groupe se dispersa à la recherche de nouveaux pieds. Au final, ce sont seulement 6 pieds qui ont été découverts en un peu plus de deux heures. Maigre récolte, mais il y a fort à parier que de nouveaux Liparis, visiblement en retard de floraison, se sont ouverts après notre visite !

Cette sortie s’est déroulée à la satisfaction de tous les participants qui n’avaient jamais vu cette orchidée.

* 6, rue de l’Echo - 54370 Maixe

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Connaissance et protection des orchidées d’Alsace (et des Vosges) Années 2012-2013

Alain Pierné *

Quelques uns de nos membres ont encore contribué en 2012 et en cette fin d’année 2013 à une meilleure connaissance de nos orchidées indigènes par des travaux et observations et à plus de protection en s’engageant sur le terrain.

Connaissance

1) Observations

Aucune observation exceptionnelle n’a été faite en 2012, mais citons toutefois : - Coeloglossum viride : une belle station de montagne sur les hauteurs du Marksteinkopf (68) avec plus de 100 pieds, signalée par l’exploitant agricole M.Schubnel, avec qui des liens se sont tissés lors du suivi de l’hybride Pseudorhiza xbruniana. Nous avons là un petit concentré des orchidées de montagne avec Platanthera chlorantha, Pseudorchis albida, Dactylorhiza maculata, Neottia ovata et Gymnadenia conopsea (ne manque sur la station que Traunsteinera globosa qui pousse non loin). - Epipactis muelleri : une belle population signalée par D. Martinak avec plus de 20 pieds en lisière de la chênaie pubescente du mont de Sigolsheim (68). - Neottia cordata : un pied hypochrome entièrement vert à Orbey (68), en bordure de la tourbière dite de l’étang sec à la cote 1000. - Neottia nidus-avis : un exemplaire hypochrome à Wintzfelden (68) non loin des ruines du couvent Schwartzenthann. - Ophrys apifera var friburgensis : sur les pelouses CSA de Bergheim (68) à proximité de la station d’hybrides O. fuciflora x apifera - variété présente également régulièrement sur le site CSA de Kembs(68). - 2 pieds d’une variété rare d’Ophrys apifera à Niffer (île du Rhin) (68), notée dans un premier temps à tort comme « basiliensis » qui est en fait une forme jurana dépigmentée dite « albinos. » Il s’agit plutôt de la variété chlorantha d’Ophrys apifera stricto sensu avec sépales blancs et labelle jaune1. - Un nouveau membre a fourni de nombreuses données inédites dans son secteur autour de Niederbronn-les-Bains (67) avec 20 espèces signalées (dont Epipactis muelleri et E. microphylla) sur la colline surplombant la ville, ainsi que dans les zones humides et forêts avoisinantes.

L’année 2013 en revanche, après un printemps particulièrement pluvieux, a donné lieu à des observations exceptionnelles du fait du nombre d’individus pour certaines espèces ou de la rareté rareté pour d’autres.

1 Voir le récent article de J.-M. Moingeon sur les variétés d’Ophrys apifera in l’Orchidophile 195 avec photo en p. 274 35

- Anacamptis coriophora : 8 pieds observés (Damien Martinak) à Dossenheim-sur-Zinsel (67) : le site est pour le moment préservé par une fauche tardive en attendant une meilleure solution plus durable (échange de parcelles par exemple, gestion CSA) ; - Anacamptis morio : des milliers de pieds à Mackwiller (67) en Alsace–Bossue, découverts lors d’une sortie AROS, confirmant les richesses botaniques de l’Alsace-Bossue pressenties dans les nombreuses et nouvelles données de Florian Gissinger et Pascal Holveck pour les communes de ce secteur méconnu (voir article p. 59) ; - Anacamptis palustris : en plus des 2 microstations connues à Bischoffsheim (67), une nouvelle station de 13 pieds découverte en juin par Eric Brunissen (LPO) ; - Dactylorhiza sambucina : découverte d’une nouvelle population de plus de 80 pieds en mai à Bourbach-le-Haut (68) au col du Hundsruck (obs. de 2 pieds signalée par J.-C. Jacob en 2012 lors d’une réunion scientifique) ; - Himantoglossum hircinum : plus de 100 pieds aux couleurs variables dans le cimetière militaire de Sigolsheim (68) avec Ophrys fuciflora, bénéficiant d’une action de protection (décrite plus bas). - Ophrys apifera var. bicolor : 1ère observation historique de la variété à Bischoffsheim (67) sur le site CSA du Kilbs le 25/6/2013 (obs. d’un pied par Mme Grad d’Obernai ; en fait deux pieds dont un aurita bicolor !) ; - Ophrys apifera var. chlorantha : confirmation de la présence de la variété signalée le 16/6/2010 (obs. Cécile Billard du CSA) avec une population exceptionnelle de 42 pieds (voir article p. 52) ; - Orchis purpurea : floraison remarquable, dans le Bas-Rhin surtout, avec plus de 400 pieds sur le site CSA de Gresswiller et à l’Altenberg de Dorlisheim ; -Traunsteinera globosa : découverte historique en juillet 2012 sur les pentes du Hohneck coté La Bresse (88) de 3 pieds par Lucette Soulliez (Floraine). Observation de 5 pieds en 2013 (Patrick Pitois).

Hybrides : Outre les classiques hybrides d’Ophrys et Orchis déjà signalés depuis longtemps, notons : - Anacamptis morio x pyramidalis = anacamptis x laniccae : observé en 2011, non vu en 2012 et revu fin mai 2013 à Ubexy (88) (obs. Hervé Parmentelat) ; - Orchis anthropophora x militaris = Orchis x spuria : site CSA de Dinsheim-sur–Bruche (67) avec d’autres hybrides (Ophrys x devenensis et Orchis x hybrida notamment).

Lusus - Anacamptis pyramidalis blanc à Fessenheim (68) avec 3 pieds ; - Gymnadenia conopsea blanc à Sigolsheim (68) avec 3 pieds de grande taille ; - Neottia cordata verte d’Orbey (68) : non revue en 2013 (mais obs. de quelques pieds verts signalés par D. Martinak comme rares mais pas uniques) ; - Neottia nidus-avis blanche revue à Wintzfelden (68) avec 2 pieds ; - Orchis mascula blanc à Greswiller (67) : au moins 5 pieds ; - Orchis militaris blanc à Bergheim (68) mais signalé comme déterré avec d’autres pieds d’orchidées par le conservateur CSA du site.

2) Travaux

Je n’insisterai pas sur les progrès de la prospection en Alsace et la collaboration avec divers organismes.

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- contacts Natura 2000 pour les sites du Jura alsacien (DOCOB Sundgau) : les données sur Spiranthes spiralis notamment seront prises en compte pour réévaluer les fiches ZNIEFF ; - contacts dans le cadre des nouvelles listes rouges de la flore d’Alsace avec la SBA et le nouveau Conservatoire botanique d’Alsace : il a fallu batailler ferme pour que soient reconnus et pris en compte certains de nos taxons sous-estimés ou méconnus (Ophrys araneola confondu avec O. sphegodes par exemple). Après de nombreuses réunions à Strasbourg, Colmar et Muttersholz, une liste rouge des orchidées d’Alsace va paraître réactualisée selon les critères officiels de l’UICN ; - recherche de Liparis loeselii dans la PCA avec l’autorisation de la Réserve Naturelle, menée par Henri Mathé (que j’ai rejoint une journée) : une flore toujours riche mais pas de Liparis … pour le moment.

Outre des articles publiés dans divers medias, dont trois études historiques sur Liparis loeselii (SBCO 2012), Hammarbya paludosa (SBCO 2013 à paraître) et Cypripedium calceolus (site SFO-LA) par Henri Mathé, des membres de la SFO-LA (en collaboration avec l’AROS) ont poursuivi les recherches sur nos trois taxons tardifs :

2a) Epipactis helleborine subsp. minor

Un double article de Christian Dirwimmer a fait le point dans Fragrans sur Epipactis helleborine subsp. minor, conforté dans son statut grâce à ces articles qui feront référence. La présence de ces populations forestières pourrait être prise en compte par l’ONF même si un protocole de « gestion » n’est pas aisé dans des parcelles destinées à évoluer sur le plan sylvicole… A tout le moins, les talus pourraient être mieux gérés (fauche décalée, pas de dépôts végétaux, etc…). Des dégâts ont ainsi été constatés sur la station classique de Still.

2b) Ophrys elatior

Un second travail de C. Dirwimmer avec Georges Riehm est paru en 2013 dans l’Orchidophile sur Ophrys elatior, son statut actuel et ses stations haut-rhinoises et allemandes (secteurs d’Istein et surtout du Taubergiessen qui sera évoqué plus loin). Là encore la prospection et le travail de synthèse ont permis de mieux cerner le statut de ce taxon des deux cotés du Rhin et l’ampleur de ces populations.

2c) Neotinea ustulata subsp. aestivalis

J’ai, quant à moi, entamé un troisième travail en 2012 sur Neotinea ustulata var. aestivalis grâce à des conditions météo favorables qui ont permis une prospection exhaustive et plus pertinente. Merci à Jean-Paul Cartier, Damien Martinak et Robert Selig qui ont participé au comptage et aux prospections. Plus de 500 pieds ont été recensés sur les pelouses de l’île du Rhin et 2 nouvelles stations ont été découvertes à Fessenheim (quelques pieds sous une ligne électrique) et à Balgau (plus de 40 pieds dans des reliquats de pelouses sèches). Un article a paru en 2013 dans l’Orchidophile sur sa situation en France (avec de nouveaux départements) ainsi qu’en Europe.

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Protection

Des actions individuelles ont été menées en 2012 soit sur des sites déjà gérés, par le CSA par exemple, ou sur des sites sans protection effective.

1) Sites déjà gérés

1a) Chantiers CSA

Le plus souvent, il s’agit de participation ponctuelle à des chantiers hivernaux du CSA, ce que fait plus systématiquement l’AROS qui a participé en 2011 et 2012 à 3 chantiers bas-rhinois du CSA à Rosenwiller, Bischoffsheim et Ingwiller. C’est le cas également dans le Haut-Rhin de l’Association Pour la Protection de l’Environnement et du Cadre de Vie de HOLTZWIHR (APPECVH) qui participe régulièrement à des chantiers, notamment à Heiteren (pour Adonis vernalis et Orchis simia entre autres) et à Sigolsheim où je les retrouve chaque année en janvier pour un chantier convivial avec régulièrement plus de 20 participants dont 1 membre de la SFO. Il s’agit le plus souvent de parachever, un samedi, le travail entrepris par le CSA et des prestataires du type SAVA (Section d’Aménagement Végétal d’Alsace). NB : J’encourage ici les membres à participer au moins symboliquement à un chantier du CSA ou du CSL.

1 b) Le cas du TAUBERGIESSEN de Rhinau-Kappel

La situation est plus complexe : il s’agit d’un vaste site de prairies et marais exploité par des agriculteurs français, bien connu des naturalistes qu’ils soient orchidophiles ou (et ?) ornithologues. Mais après la rectification du Rhin, le site s’est retrouvé coté allemand et géré comme NSG (Naturschutzgebiet). Nos collègues Dirwimmer et Riehm ont donc dû établir très tôt des contacts des 2 cotés pour obtenir les autorisations d’une part et pour faire modifier le cahier des charges (recul de la date des fauches, rotations, non-fauche etc.). Un plan de gestion devrait voir le jour avec fauche tardive (après le 15 septembre !), rotation des fauches et même « sanctuarisation » des stations les plus remarquables (fauche tous les deux ans). Ainsi le travail sur Ophrys elatior, outre qu’il a permis de mieux mesurer l’ampleur de ses populations (> 500 pieds) et sa phénologie (de juillet à début septembre !) a abouti à une meilleure protection, sujette aux aléas de la météo et aux caprices des usagers des lieux toutefois.

2) Sites sans protection

2a) Dorlisheim (67)

La commune de Dorlisheim qui n’avait pas voulu travailler avec le CSA, avait opté antérieurement pour le statut de Réserve Naturelle au Rangenberg. Ce site prestigieux abrite, rappelons le, la seule station alsacienne de Gymnadenia odoratissima et d’Herminium monorchis et renferme 23 autres espèces d’orchidées, ce qui démontre au moins une gestion correcte du site par la commune.

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La mairie n’a pas souhaité transformé ce statut en Réserve naturelle régionale, comme la nouvelle loi Grenelle de l’Environnement le préconise. Toutefois, elle a souhaité poursuivre la gestion en collaboration avec les associations orchidophiles, AROS et SFO-LA (en la personne de G. Riehm, C. Dirwimmer, Damien Martinak et moi-même). Une réunion publique en mars 2012 a permis de concrétiser cette collaboration avec projection d’un montage sur les richesses botaniques du site. La mairie a même souhaité faire réaliser par notre collègue Martinak un ou plusieurs posters sur les orchidées du Rangenberg avec ses photographies aimablement mises à disposition. Une exposition sur le thème des orchidées avec l’AROS a eu lieu au Château de Dorlisheim cette année confirmant l’intérêt de la commune pour ce site et sa volonté d’en poursuivre la gestion.

2b) Sigolsheim (68)

Une seconde action a été poursuivie sur la commune de Sigolsheim, plus précisément dans l’enceinte du cimetière militaire. En effet, des orchidophiles avaient déjà remarqué la présence d’orchidées sur les pelouses du site (entre les tombes). Ophrys fuciflora, Himantoglossum hircinum avaient même été observés lors de la sortie SFO-LA du 1er mai 2011, relatée par Patrick Pitois. Le ministère des Anciens Combattants contacté, non sans mal, par Charles Metz, naturaliste-photographe a donné son aval : restait à convaincre le personnel de tondre autour des rosettes d’orchidées ! Grâce à cela, cette année encore, les Ophrys étaient au rendez-vous dans le carré musulman avec un lusus à double labelle mais peu d’orchis bouc (en net recul général cette année en Alsace). En 2013, comme signalé plus haut, de nombreux pieds d’orchis bouc se dressaient entre les tombes du carré musulman.

2c) Village-neuf (68)

Le site bien connu des pelouses de Village-neuf a été très favorable à la floraison en 2012 avec plus de 500 pieds d’Ophrys elatior : le taxon découvert en 1996 (in Engel, Mathé, Seveleder-l’Orchidophile n° 123) y était déjà abondant les années favorables. Mais le site n’est toujours pas officiellement protégé actuellement. Il a bénéficié heureusement d’une action individuelle menée par Samuel Sprunger, orchidophile suisse, responsable du Jardin botanique de Bâle : notre collègue a contacté un agriculteur qui a fauché le site à des dates favorables et a réouvert ainsi d’autres prés propices aux orchidées en y effectuant une fauche annuelle. Par contre, faire une fauche supplémentaire, en particulier sur le solidage, n'est actuellement pas possible avec le même agriculteur car non rentable pour celui-ci, sauf à trouver des aides financières. Reste en projet la restauration de la zone abandonnée de jardins ouvriers à l’entrée du site... Une sortie commune pour la gestion dans un cadre non-conventionné a été organisée début juillet 2012 avec la participation en « guest-star » de notre ami sudiste Rémy Souche, venu étudier notre taxon (qui ne descend pas au delà de l’Isère rappelons-le) : étaient présents les anciens (Robert Selig, Henri Mathé, Georges Riehm et votre serviteur) et les « nouveaux » (Dirwimmer, Martinak) avec François Thiéry, orchidophile du territoire de Belfort. Les participants ont pu constater les effets positifs de la gestion sur les populations d’orchidées.

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Parallèlement, un contact fructueux a été établi par le Conservatoire botanique d’Alsace (présent lors de la visite) avec le Directeur de DSM, propriétaire du site, qui a fait un bon accueil, connaît la présence des Orchidées sur le site et est conscient de sa valeur patrimoniale. Il est favorable à la préservation du site sans pour autant souhaiter s'engager sur le long terme Début décembre 2013 enfin, un chantier à l’initiative de notre collègue suisse a été mené avec l’aide de membres de la SFO et des Amis du Florival sur une parcelle dégradée du site.

2d) Verdun (55)

Un de nos membres lorrains, Jean-Jacques Weimerskirch, s’est quant à lui investi dans le secteur de Verdun, entrant en relation avec différents organismes (ONF, OT, Association pour la sauvegarde du Champ de Bataille) pour faire protéger plusieurs zones : - le massif forestier de Verdunet dit « Le Champ de bataille » qui renferme près de 24 espèces d’orchidées ; - Douaumont pour Dactylorhiza praetermissa ; - Thiaumont où une zone de pelouses ponctuées de trous d’obus abrite faune et flore de milieux humides avec plus de 18 espèces d’orchidées dont Dactylorhiza praetermissa ; - le lieu-dit « Les 4 cheminées » avec des pelouses à Ophrys fleurissant jusqu’à début juillet. Egalement une autre zone à Epipactis muelleri. Les problèmes rencontrés : la diversité des organismes de gestion du champ de bataille et les contraintes touristiques. Il a déjà réussi à sensibiliser la personne responsable du fauchage qui a pratiqué une fauche tardive en 2011 et 2012.

3) Les points noirs

3a) Le Zinnkoepfle et le Bickenberg

Le point noir demeure le secteur de la Vallée dite noble : en effet, excepté à Rouffach, très favorable aux actions du CSA avec plusieurs sites gérés sur les collines (dont une partie du Bollenberg) et un en plaine, les problèmes demeurent à Osenbach et Westhalten en particulier. - Bickenberg d’Osenbach

Le cas d’Orchis pallens n’est pas résolu : il serait question, d’après les responsables du Parc régional, d’une clôture en retrait qui préserverait la station historique (vandalisée à 2 reprises). La chargée de Mission Natura 2000 « Collines sous vosgiennes » (68) du PNR-Ballons des Vosges a pris bonne note de nos remarques constructives. En ce qui concerne la station d'Orchis pallens sur le Bickenberg, le contact a été renoué avec l’agriculteur mais a vite tourné court (sans commentaires). Si la protection d’Orchis pallens n’est toujours pas acquise en 2013, des réunions en mairie (auxquelles je n’ai pas souhaité participer tant la diplomatie a ses limites !) vont aboutir à la pose d’un panneau « pédagogique » au carrefour des sentiers du Bickenberg afin d’en montrer la fragilité et la richesse végétale.

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- Zinnkoepfle (ban de Westhalten surtout)

En effet, les deux communes de Westhalten et Soultzmatt avaient rompu dans un premier temps les liens avec le CSA pour travailler avec une « association d’Orchidées locale ». Depuis, seule la mairie de Soultzmatt a accepté de gérer dans le cadre de Natura 2000 le Strangenberg et la partie du Zinnkoepfle concernée, sous la houlette de la SAVA. Par contre, le versant est, le plus xérophile disparaît envahi par les prunelliers notamment et avec lui les Ophrys et surtout O. araneola dont c’est une des seules deux stations encore importantes d’Alsace. Un contact a donc été établi avec le Parc afin de persuader les élus d’accepter la gestion du site dans le cadre de Natura 2000 qui finance les chantiers de réouverture et gestion du milieu. Le dossier serait en route… Concernant le Zinnkoepfle (commune de Westhalten), le Parc, en partenariat avec les communes et les experts scientifiques, est, me confirme-t-on, en train d'élaborer un Plan de Gestion sur le secteur pour les 5 années à venir. Une étude scientifique réalisée par un bureau d'étude (R. Treiber) a soulevé les mêmes problématiques que nous sur ce secteur à savoir la raréfaction des espèces xérophiles, notamment les Ophrys, due à l'envahissement des pelouses par les ligneux. Le bureau d'étude préconise une gestion très fine sur cette partie aux enjeux floristiques élevés. Pour l'instant la commune est un peu réfractaire puisqu'elle doit avancer le financement des travaux dans le cadre de Natura 2000. Il s'agit donc de trouver des solutions pérennes à faibles coûts. En 2013, bonne nouvelle ! Un chantier a lieu le 8 novembre avec la participation de la commune, de viticulteurs et de membres d’associations de tous horizons (Amis des plantes du Florival, Association orchidéees locale, SFO-LA, LPO Alsace et Birdlife suisse). Les secteurs à Ophrys et surtout à O. araneola ont été visités au préalable afin d’être au mieux gérés.

3b) Fessenheim et Balgau

Les deux stations de Neotinea ustulata subsp. aestivalis récemment (re)découvertes sont soumises à une double menace : - embroussaillement et envahissement par les solidages à Fessenheim : le propriétaire (EDF) a été prévenu par l’intermédiaire du CNB pour faire faucher et rouvrir les zones sous l’emprise de la ligne des 2 cotés de la route. - embroussaillement et menace de ré-industrialisation à Balgau : le Port rhénan … Un contact a été établi et les données transmises. Une réouverture des clairières et un fauchage des talus seraient à envisager.

3c) Les pratiques des photographes-naturalistes

Qu’il soit botaniste, orchidophile, photographe-naturaliste, simple amateur, il est légitime pour tous de désirer garder une trace, un souvenir de la beauté voire de l’étrangeté d’une de nos orchidées indigènes. Cependant, on peut s’interroger sur certaines pratiques photographiques qui se résument à une phrase : « après moi le déluge… ». Deux de ces pratiques discutables, voire même choquantes, méritent d’être citées :

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- la photo dite « en rond de sorcière » avec désherbage, nettoyage au pied de la plante et piétinement, jusqu’à un m2 parfois, d’Ophrys basiliensis à Birsfelden (Suisse). Chaque pied a subi le même traitement ! Que peuvent penser : 1. le propriétaire du terrain qui a accepté sa gestion ? 2. le responsable associatif qui s’est démené pour que ce site bénéficie d’une mesure compensatoire (panneau explicatif sur le talus !) ? 3. les simples usagers, attirés par cette « publicité » intempestive ? 4. les autres photographes et orchidophiles privés d’un contact naturel avec la plante… ? Et que dirait la plante si elle pouvait parler ? - la photo dite « du tireur couché » avec piétinement et écrasement des orchidées voisines sur plusieurs mètres comme c’est le cas systématiquement à Dorlisheim sur le seul site d’Herminium monorchis et Gymnadenia odoratissima avec destruction, comme le montre la photo en page suivante, de Gymnadenia des 2 espèces, de Listera et Herminium plus loin. Outre les questions posées ci-dessus, que peut penser le maire de la commune qui accepte la protection du site et en assure la gestion par des chantiers hivernaux ? J’ai le souvenir effaré d’un orchidophile voulant s’allonger avec une toile pour photographier Hammarbya paludosa… A défaut de déontologie, un peu de bon sens s’impose tout de même sur des sites sensibles (comme des tourbières, pelouses et prairies) et surtout quand il s’agit d’espèces très rares.

4) La problématique des insectes

Une récente réunion avec le Conservatoire botanique d’Alsace m’a permis de mesurer la méconnaissance des problèmes de la pollinisation par les insectes. De nombreuses informations récentes et alarmantes sur la disparition des abeilles (entre autres) ont pourtant circulé, relayées notamment par Laurent Berger (SFO Rhône-Alpes), sensibilisé au sujet pour avoir travaillé sur les pollinisateurs d’orchidées, et en Alsace par Claudine et Jean-Marc Haas également sensibles à ce problème. Des pétitions ont ainsi été transmises pour alerter les autorités.

Elles nous rappellent, à nous orchidophiles, que protéger une plante seule ne suffit pas, que protéger son milieu, c’est mieux mais que cela ne suffit toujours pas si les pollinisateurs ne sont pas au rendez-vous…

Remerciements au concepteur du bulletin pour ses conseils et sa relecture avisée.

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A l’instar du poète-aquarelliste SAMIVEL, grand défenseur de la nature montagnarde, il faut laisser le moins de traces possibles de son passage. Rappelons-nous ce célèbre poème des années 1960, hymne au respect de la nature

« Ici commence la liberté.

Les vraies merveilles ne coûtent pas un centime.

Ici commence la liberté.

La liberté de bien se conduire.

Voici l'espace, voici l'air pur, voici le silence,

le royaume des aurores intactes et des bêtes naïves.

Tout ce qui vous manque dans les villes,

est ici préservé pour votre joie.

Enterrez vos soucis et emmenez vos boites de conserves.

Les papiers gras sont les cartes de visite des mufles. Ouvrez vos yeux et vos oreilles fermez vos transistors. Pas de bruit de moteur inutile, pas de klaxons.

Écoutez les musiques de la montagne.

Récoltez de beaux souvenirs, mais ne cueillez pas les fleurs.

N'arrachez surtout pas les plantes : il pousserait des pierres.

Ne mutilez pas les fleurs, marchez sur les sentiers.

Il faut beaucoup de brins d'herbe pour tisser un homme.

Oiseaux, chevreuils, lapins, chamois,

et tout ce petit peuple de poil et de plume

ont désormais besoin de votre amitié pour survivre.

Déclarez la paix aux animaux timides.

Ne les troublez pas dans leurs affaires,

l'ennemi des bêtes est l'ennemi de la vie.

Afin que les printemps futurs réjouissent encore vos enfants ! »

Samivel, poète et randonneur

Bonne année 2014 avec de belles observations et photos, sans perdre de vue que la liberté des uns s’arrête toujours là où commence celle des autres.

* 3, rue du village – 68140 Hohrod

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Exotic’Infos Monique Guesné

Expositions 2014 en quelques dates :

 Joinville (52) – 14/02 au 16/02/14 - AAOE  Abbaye de Vaucelles (59) – 14/03 au 17/03/14  Nivelles – Ferme de l’Hostellerie (B) - 29/05 au 01/06/14  Nancy – Salle des Fêtes de Gentilly (54) – 11/10 au 12/10/14 – SFO-LA

Quelques livres :

 Beautés fatales, le monde fascinant et cruel des orchidées sauvages – C. Ziegler – Ed. Ulmer – 10/2012  Le petit Larousse des Orchidées – F. et P. Lecoufle – Ed. Larousse – 10/2013  A guide to Dendrobium of New Guinea – A. Schuiteman – Ed. Natural History Publishing Borneo - 2013  A guide to Orchids of Kinabalu – J. Jeffrey Wood – Ed. Natural History Publishing Borneo – 06/2013

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Deux hybrides intergénériques des Alpes suisses

Christophe Boillat *

1. INTRODUCTION

La découverte d’hybrides intergénériques est une surprise rare qui mérite le temps d’une analyse. De telles rencontres suscitent toujours un moment d’étonnement et d’interrogation. D’une certaine manière, au premier regard, c’est une plante qui nous est familière. Mais en l’observant de plus près, c’est plus troublant : de par son port, ses couleurs et quelques autres aspects morphologiques, je constate qu’elle est originale et demande toute mon attention. Les deux hybrides intergénériques que je vous présente ont tous les deux été découverts dans le canton des Grisons, au Val Fex au-dessus du petit village de Sils im Engadin. Je vous propose de partir à leur découverte : ×Dactyloglossum mixtum (Coeloglossum viride × Dactylorhiza fuchsii) et ×Dactyloglossum drucei (Coeloglossum viride × Dactylorhiza majalis). Pour chacune des plantes présentées un petit descriptif est proposé ainsi qu’un tableau récapitulatif mettant en avant les caractères communs et discriminants.

2. Coeloglossum viride × Dactylorhiza fuchsii (ASCHERSON & GRAEBNER) RAUSCHERT 1969

Cet hybride est aussi connu sous le vocable de : ×Dactyloglossum mixtum. J’ai eu la joie de le rencontrer sur trois stations : dans le canton du Valais, plus particulièrement au col du Simplon ; au col de l’Oberalp (qui fait la frontière entre les cantons d’Uri et des Grisons) et dans les Grisons en Engadine au Val Fex, petite vallée qui jouxte le petit village de Sils im Engadin. C’est d’ailleurs dans cette petite vallée grisonne que je l’ai rencontré pour la première fois en 2008 au milieu de ses parents. Au premier abord cette plante semble, de par sa couleur et son aspect général, être très proche de Dactylorhiza fuchsii 1. Les plantes observées sont d’ailleurs très colorées, type « fuchsii », avec tout de même une couleur rose rouge, lie de vin qui est différente des plantes type. La représentation qu’en fait E. NELSON est au contraire bien différente. L’illustration présentée en fig. 1 est d’avantage verdâtre avec une connotation plus « viride ». (fig. 1) Le feuillage, par contre, ressemble à Coeloglossum viride, feuilles larges en spatules arquées, avec, sur la partie supérieure, de légères tâches grisâtres caractéristiques des feuilles de D. fuchsii. (fig. 2) La hauteur de la plante est aussi variable, mais ressemble à un grand C. viride. Mais il y a toujours quelques exceptions. Au col du Simplon les deux pieds rencontrés sont très dissemblables, l’un est de petite taille et l’autre plus élancé. Au col de l’Oberalp, où j’ai eu l’occasion d’en voir jusqu’à sept pieds, ils présentent tous une petite stature.

1 Les orchidophiles suisses font une distinction entre D. fuchsii et D. maculata. D. maculata est d’avantage inféodé aux tourbières que nous trouvons sur la chaîne jurassienne, aux Franches- Montagnes dans le canton du Jura ou sur les hauts de Sainte-Croix dans le canton de Vaud. La référence est l’ouvrage de REINHARD H. R. et al. Die Orchideen des Schweiz und angrenzender Gebiete. pp. 190 – 197 (cf. Bibliographie). 45

Les pollinies sont aussi intéressantes à observer : en effet celles de D. fuchsii sont positionnées de manière parallèle, voire en léger « V », par contre les pollinies de C. viride sont posées sur le gynostème légèrement en « V » inversé. La plante hybride présente ses pollinies d’avantage parallèles voire très légèrement en « V » inversé. La couleur des pollinies peut varier du rose orangé au rose violacé (fig. 3). L’éperon, chez C. viride, est en forme de bourse ; chez D. fuchsii, il est allongé conique presque aussi long que l’ovaire. L’éperon de l’hybride est intermédiaire par sa longueur et sa grosseur, il est plutôt court, cylindrique à légèrement conique, se terminant en une demi-sphère. (fig. 4)

Fig. 1 Dactylorhiza maculata ssp. fuchsii × Coeloglossum Fig. 2 Coeloglossum viride × Dactylorhiza viride d’après une dia de W. Vöth (Hautes Tatras) fuchsii Sils im Engadin GR / CH 18.07.2013 Planche N° 73 E. Nelson Christophe Boillat

Fig. 3 Coeloglossum viride × Dactylorhiza fuchsii Fig. 4 Coeloglossum viride × Dactylorhiza fuchsii Sils im Engadin GR / CH 18.07.2013 Col du Simplon VS / CH 5.07.2011 Christophe Boillat Christophe Boillat

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Les sépales sont relativement larges et longs et de teintes plus claires que le labelle. Les pétales sont étroits, également longs. Chez C. viride, les sépales sont de petite longueur et larges, les pétales sont étroits. Une relative finesse des pétales se retrouve dans la plante hybride. Heureusement qu’il existe aujourd’hui des orchidophiles photographes pour immortaliser de tels hybrides. En effet, la littérature est peu prolixe. Toutefois CAMUS donne un petit descriptif fort intéressant en ce qui concerne l’hybride Coeloglossum viride × Orchis maculata (x Orchicoelogossum dominianum – fig. ci-dessous). Je vous cite quelques extraits 1 : « Feuilles maculées ou non, mais sans macules en anneaux, les inf. ovales-oblongues ou étroitement linéaire… », un peu plus loin : « Fleurs d’un rose violacé rompu, offrant un curieux mélange de rose et de violet. », et encore : « Se rapproche de Coel. viride par l’inflorescence lâche. A bractées plurinervées, à fl. inclinées, le labelle allongé, les divisions du périanthe souvent conniventes en casque ». Ces morceaux choisis pour illustrer, d’une manière littéraire, quelques aspects de ressemblance. « Les feuilles sans macules en anneaux », c’est le cas pour les plantes que j’ai découvert. La couleur particulière mentionnée par CAMUS : « rose violacé… curieux mélange de rose et de violet », c’est le premier aspect qui est visible directement sur le terrain. Le dernier point : « Se rapprochant de Coel. viride… » se confirme effectivement en observant la fleur avec plus d’attention et nous pourrions écrire que cet hybride est un C. viride avec des couleurs de D. fuchsii. Il est toujours délicat de déduire d’une description, telle celle présentée par CAMUS ci- dessus, une distinction entre les espèces Dactylorhiza fuchsii et Dactylorhiza maculata de la part de l’auteur. En effet, lorsque CAMUS écrit son ouvrage la différenciation entre ces deux taxons n’avait pas encore cours. D’ailleurs le genre Dactylorhiza n’existait point et les plantes qui se ressemblaient (morphologiquement proche) étaient classées sous l’espèce maculata s.l. (sens large). Les plantes rencontrées l’ont toutes été dans des endroits frais voire humides ou à proximité de suintements. Les autres orchidées poussant à proximité sont : Dactylorhiza savogiensis, Gymnadenia rhellicani, Pseudorchis albida, (Oberalp) ; Gymnadenia rhellicani et Pseudorchis albida (Simplon) ; Dactylorhiza majalis, Gymnadenia conopsea, Gymnadenia rhellicani (Val Fex).

xxOrchicoeloglossum dominianum G. CAM. BERG. A. CAM. Coeloglossum viride x Orchis maculata

4. Fleur vue de face, grossie 5. Fleur vue de profil, grossie

CAMUS E.-G. et A. Iconographie des orchidées d’Europe et du bassin méditerranéen Atlas 2ème partie (1928) pl. 125 fig. 4-5

1 CAMUS E.-G. et A. : Iconographie des orchidées d’Europe et du bassin méditerranéen texte p. 376 Ed : Lechevallier, 1928-1929, Paris. 47

TABLEAU COMPARATIF DISCRIMINANT 1

Coeloglossum viride ×Dactyloglossum Dactylorhiza fuchsii mixtum Taille de la 5 – 40 15 – 25 30 – 50 plante (cm) Feuilles 3 – 5 4 5 – 11 non maculées, légèrement maculées, maculées, engainantes, subdressées, caulinaires, subdressées, les légèrement arquées, dressées, arquées, inférieures ovales- planes carénées puis planes elliptiques Inflorescence sublaxiflore dense, trapue, conique dense, dense à lâche, cylindrique devenant cylindrique conique, Bractées dépassant ou lorsque les fleurs sont subcylindrique égalant les fleurs épanouies Bractées assez Bractées celles à la courtes base de l’épi floral dépassant les fleurs. Fleurs (mm) Sépales ovales- Sépales latéraux Sépales latéraux triangulaires ovales-lancéolés, larges étalés à dressés, les latéraux à la base, légèrement ovales-lancéolés, asymétriques écartés du gynostème sépale dorsal subégal connivent en casque 3 – 9 (10) 6,5 – 10 obtus Pétales ovales Pétales longs 3,5 – 6,5 × 2,3 lancéolés, légèrement connivents en casque Pétales linéaires écartés du gynostème cachés dans le casque 1,5 – 2 3 – 6,5 Labelle (mm) plan, pendant ou plan, pendant, profondément rabattu en arrière légèrement plié selon trilobé, plan à le sommet trilobé, l’axe longitudinal, convexe, lobes lobes latéraux sommet trilobé, lobes latéraux écartés, parallèles, lobe médian latéraux dépassant ou arrondis, lobe dentiforme égalant le lobe médian médian important, 2 – 3 × 5 – 10 9 × 6,5 – 7 triangulaire 6 – 10 × 8 – 16 Eperon globuleux, nectarifère subcylindrique, arqué conique à long 2 – 3 mm descendant subcylindrique long 3 – 4 × 1 – 1,5 descendant long 6 – 10 × 1,2 – 2,5 Gynostème « V » inversé légèrement en « V » parallèles (pollinies) inversé

1 Le descriptif des plantes est tirée de : DELFORGE P. Guides des orchidées de France, de Suisse et du Benelux Ed : Delachaux et Niestlé, 2012, Paris ; pp. 99 et 128. cf. Fig. 7.

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3. Coeloglossum viride × Dactylorhiza majalis (A. CAMUS) SOÓ 1928

C’est bien par hasard que j’ai découvert cet hybride en cette année 2013 : en voulant revoir et photographier à nouveau l’hybride ×Dactyloglossum mixitum, sur la même station du Val Fex, je suis attiré par une couleur bien particulière et un port de plante qui ne ressemblent absolument pas aux espèces connues de ce biotope. Je m’approche et la surprise est totale ! Cet hybride répond au joli nom de : ×Dactyloglossum drucei. Ayant déjà rencontré l’hybride C. viride × D. fuchsii je constate immédiatement des différences notoires. Comme je l’ai écrit, le port général de la plante, la couleur des fleurs qui composent son inflorescence sont bien différents. Le port de la plante me fait immédiatement penser à D. majalis : la plante mesure bien 30 à 40 cm de haut. C’est une plante plutôt solide, tige épaisse, à n’en pas douter, elle possède des caractéristiques de D. majalis (fig. 5). Ces feuilles sont longues et larges à extrémité arrondie, des taches brun-violacé ornent la face supérieure. Les feuilles sont arquées et positionnées le long de la tige. Lors de la découverte de cette plante, l’inflorescence n’était pas complètement épanouie, mais cela donnait déjà un épi floral d’une belle grandeur (environ 5 cm de long) (fig. 6). La couleur des fleurs était proche de D. majalis (rouge-violacé). Le labelle de forme allongée, légèrement plié selon l’axe longitudinal, est trilobé. De fines denticules bordent les lobes latéraux du labelle. Des tirets et des tâches plus foncés colorent le labelle. Les sépales latéraux sont légèrement écartés et ne forment pas un « casque » comme pour C. viride. L’intérieur des sépales et pétales est plus clair. La face interne des sépales est ornée de tâches rose-violacé qui font un contraste avec l’intérieur plus clair des sépales. L’éperon de l’hybride est intermédiaire par sa longueur et sa grosseur : il est plus court que celui de D. majalis, cylindrique à légèrement conique, arqué se terminant en une demi-sphère. Comme pour ×Dactyloglossum mixitum les pollinies sont parallèles voire légèrement en « V » inversé. Leur couleur est aussi proche de celle décrite pour l’hybride avec D. fuchsii, même plus foncée du fait de l’apport du parent D. majalis. (photo de couverture)

Fig. 5 Coeloglossum viride × Dactylorhiza majalis Fig. 6 Coeloglossum viride × Dactylorhiza majalis Sils im Engadin GR / CH 11.7.2013 Sils im Engadin GR / CH 11.7.2013 Christophe Boillat Christophe Boillat

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Dans la littérature, peu de choses ont été écrites sur le sujet. CAMUS note cependant au sujet de Coeloglossum viride × Orchis latifolia : « M. Godfery a observé cet hybride, à feuilles maculées en anneaux, comme celles de l’O. latifolia, à Winchester, en Grande- Bretagne (Cf. Godfery in Jour. of Bot. (1919), p. 140 et in Overdr. Uit. Gen. IX, pl. I, f. 11 »1. Il est intéressant de noter que les feuilles de la plante présentée par CAMUS sont « maculées en anneaux » ; la plante que je vous présente au travers de mes photographies, est, elle, avec des tâches oblongues, ovales. La plante découverte s’épanouit dans un milieu frais voire humide, ombragé. Les autres orchidées poussant à proximité immédiate sont : Dactylorhiza fuchsii, Gymnadenia conopsea, Gymnadenia rhellicani pour les parties plus ensoleillées et plus sèches.

TABLEAU COMPARATIF DISCRIMINANT 2 Coeloglossum viride ×Dactyloglossum drucei Dactylorhiza majalis Taille de la plante 5 – 40 30 – 40 20 – 40 (cm) plante robuste Feuilles (3 – 5) non maculées, (4) maculées, engainantes, (4 – 10) maculées, engainantes, subdressées, carénées puis planes, dressées légèrement carénées puis les inférieures ovales- obliquement à bout recourbé, planes, dressées elliptiques oblongue obliquement, oblongues- lancéolées Inflorescence sublaxiflore cylindrique dense, conique dense, ovoïde, conique ou Bractées dépassant ou Bractées les 1ères dépassent la cylindrique égalant les fleurs fleur, les suivantes égalant les Bractées dépassant fleurs souvent les fleurs Fleurs (mm) Sépales ovales- Sépales latéraux ovales- Sépales latéraux étalés triangulaires lancéolés, larges à la base, à dressés, le sommet 3,5 – 6,5 × 2,3 légèrement écartés du souvent réfléchi, ovales- les latéraux asymétriques gynostème lancéolés, sépale dorsal connivent en casque obtus 3,5 – 4 × 7 – 8 subégal Pétales linéaires Pétales ovales lancéolés, 2,5 – 5 × 7 – 12,5 cachés dans le casque légèrement écartés du Pétales longs connivents 3 – 6,5 gynostème en casque 2 – 2,5 × 5 – 6 5 – 9 Labelles (mm) plan, pendant ou rabattu en allongé, trilobé, légèrement plié trilobé, base convexe, arrière dans le sens longitudinal, lobes légèrement plié dans le le sommet trilobé, lobes latéraux arrondis et relevés, sens longitudinal, latéraux parallèles, lobe lobe médian dentiforme lobes latéraux arrondis, médian dentiforme 8 – 9,5 × 7 lobe médian dentiforme 2 – 3 × 5 – 10 8 – 12 × 10 – 14 Eperon globuleux, nectarifère plus court que l’ovaire, conique à subcylindrique long de 2 – 3 mm cylindrique légèrement conique, descendant arqué long de 8 – 14 mm long 3,5 – 4 × 1,5 – 1,8 mm Gynostème « V » inversé parallèles parallèles (pollinies)

1 CAMUS E.-G. et A. : Iconographie des orchidées d’Europe et du bassin méditerranéen Ed : Lechevallier, 1928-1929, Paris. p. 377. 2 Le descriptif des plantes est tirée de : DELFORGE P. Guides des orchidées de France, de Suisse et du Benelux Ed : Delachaux et Niestlé, 2012, Paris ; pp. 99 et 114. Cf. Fig. 7.

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4. CONCLUSION Cela fait plusieurs années que je m’arrête sur les différents biotopes qui entourent le petit village de Sils im Engadin. Chaque année apporte son lot de découvertes, d’émerveillements et de nouveautés. Que peuvent donc encore nous apporter ces biotopes ? Seul l’avenir nous le dira et j’imagine volontiers ne pas être au bout de mes surprises.

5. BIBLIOGRAPHIE ET SITES INTERNET

BAUMANN H. et al., 2005. Die orchideen Deutschlands. AHO, Uhlstädt-Kirchhasel. BOILLAT C., 2011. Balades grisonnes. Bulletin SFO – LA 2011, BOURNERIAS M. et al., 2005. Les orchidées de France, Belgique et Luxembourg. Biotope, Mèze. CAMUS E.-G. et A., 1928-1929. Iconographie des orchidées d’Europe et du bassin méditerranéen. Lechevallier, Paris. DANESCH E. et O., 1984. Les orchidées de Suisse. Silva, Zurich. DELFORGE P., 2012. Guide des orchidées de France, de Suisse et du Benelux. Delachaux et Niestlé, Paris. GERBAUD O. & SCHMID W., 1999. Les hybrides des genres Nigritella et/ou Pseudorchis.SFO et AHO, München. GRIEBL N., 2008. Intergenerische Hybriden in den Alpen. BAHO 25(1), Koblenz. NELSON E., 1976. Monographie und Ikonographie der Orchidaceen – Gattung Dactylorhiza. Druck Speich, Zürich. REINHARD H. R. et al., 1991. Die Orchideen des Schweiz und angrenzender Gebiete. Fotorotar AG, Druck + Verlag, Egg. http://www.ageo.ch http://ophrys.bbactif.com http://www.guenther-blaich.de http://www.pharmanatur.com

Fig. 7 Diagrammes floraux - Christophe Boillat

* Rue de Prayé 6 CH – 2854 Bassecourt [email protected]

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Découverte d’une population exceptionnelle d’Ophrys apifera f. chlorantha

Alain Pierné *

1) Historique de la découverte

Année 2010

Dans un premier temps il s’agit de 2 pieds trouvés le 16/06/2010 sur l’île du Rhin à Niffer (68) par Cécile Billard, stagiaire au CSA (conservatoire des Sites Alsaciens) qui effectuait un relevé île du botanique sur les sites CSA du sud de Rhin l’île. Les 2 pieds, distants de 60 m, poussaient sur une zone graveleuse en recolonisation par des saules et peupliers noirs. Plan de localisation ci-contre.

Année 2011

L’information, avec photos à l’appui, est transmise par Luc Dietrich, technicien du CSA, le 28/5/2011 à des membres de la SFO-LA dont Henri Mathé et moi-même puis J.-F. Christians (SFO Rhône-Alpes) : il s’agit bien d’une forme hypochrome. Ce sont à l'évidence des Ophrys apifera au labelle partiellement dépigmenté par absence d'anthocyanes (comme dans la forme flavescens Rosbach). Cette aberration chromatique s'observe, mais rarement, chez la plupart des espèces du genre Ophrys. L’hypothèse de la forme flavescens vue historiquement à Romanswiller (67) est d’emblée écartée. Dans un premier temps, vu la proximité du site de Birsfelden près de Bâle, on pense à la forme basiliensis, récemment décrite, pour finalement aboutir à la forme chlorantha : A la vue des deux clichés d'Ophrys apifera, il se confirme bien qu'il ne s'agit pas de la forme basiliensis décrite de Birsfelden, mais bien de la forme chlorantha. Il faut dire que les deux formes se ressemblent comme deux gouttes d'eau, mais avec des pétales de type apifera pour la f. chlorantha et de type friburgensis pour la f. basiliensis ! Avouons de plus qu'il n'est pas toujours facile de s'y retrouver du fait des très nombreuses variantes décrites chez cette orchidée. Les trois formes dépigmentées d'Ophrys apifera sont :

- la forme flavescens : fleurs de la var. apifera (pétales très petits) avec sépales de couleur très pâle, presque blancs, et labelle roussâtre. Une observation à Bermont (90) mais non

52 revue en 2013 signalée par François Thiéry dans les Notes floristiques du Bulletin de la SHN Montbéliard de 2003 et une ancienne observation à Romanswiller (67) en 1923. - la forme dite basiliensis : fleurs de la var. jurana (ou friburgensis), c'est-à-dire avec de longs pétales sépaloïdes, mais avec l'albinisme en plus ! Il s’agit d’une forme récemment décrite dans « Orchid review » volume 112 par Stephan Schweyer et Diethert Matthis (l’holotype daté du 13-6-2003 et récolté sur les talus herbeux de la zone portuaire de Birsfelden a été déposé dans l’herbier Renz de l’Université de Bâle). - la forme chlorantha enfin : fleurs de la var. apifera avec les sépales bien blancs et le labelle jaune (comme pour les Ophrys fuciflora hypochromes observés régulièrement à Rouffach dans le Haut-Rhin). C'est celle-ci qui existe donc sur l'ile de Kembs. Une observation est signalée par J.-F. Christians à Duillier (VD, Suisse). Deux pieds seront finalement à nouveau revus le 9 juin par Luc Dietrich.

Année 2012

Piètre saison : il faudra attendre des conditions plus favorables en 2013. En effet, d’une part la station se situe à plusieurs kilomètres de distance au milieu de l’île le long d’une piste interdite à la circulation sauf autorisation, ce qui ne facilite pas une prospection aux bonnes dates (obtenir une autorisation d’EDF même temporaire relève du parcours du combattant !) et d’autre part, 2011 et surtout 2012 ont été peu favorables aux Ophrys et à O. apifera en particulier, quasiment absent sur les sites classiques.

Année 2013

Très vite, le mois de juin 2013 s’est avéré propice à O. apifera avec de nombreux pieds de l’espèce signalés par les orchidophiles, mais aussi et surtout des variations en nombre. Dans le Bas-Rhin, des observations des variétés aurita, botteroni, friburgensis à Rhinau, Dinsheim, Krautergersheim notamment ont été faites. Dans le Haut-Rhin, des observations à Fessenheim-Nambsheim dès le 9 juin, à Kembs le 11 juin, à Bergheim le 14 juin, à Westhalten (avec la forme curviflora) le 18 juin. A noter que localement, à Bergheim par exemple, les variétés l’emportaient sur le type avec plus de 100 pieds toutes variétés confondues y compris la forme curviflora.

Mais c’était sans se douter de l’importance de la découverte à venir par rapport aux 2 pieds attendus… En effet, une première prospection menée avec Julie Gerbollet, stagiaire au CSA, avait déjà eu lieu début juin sur les sites CSA entre Fessenheim au nord et Kembs au sud et avait permis de recenser bon nombre d’espèces (repérage des stations de Neotinea ustulata subsp. aestivalis notamment). Une seconde sortie a pu dans la foulée avoir lieu le 20 juin sur les sites non vus précédemment et surtout sur la station de Niffer. Grande fut notre surprise de trouver non pas 2 pieds mais plus de 30… L’heure tardive et la canicule ont eu cependant raison de nous et un rendez-vous ultérieur a été pris. C’est à l’occasion de la sortie SFO-LA sur les sites de Neotinea ustulata subsp. aestivalis de Fessenheim-Nambsheim (68) guidée par moi-même le dimanche 20 juin qu’un comptage exhaustif a pu être mené avec quelques membres de la SFO-LA présents et stupéfaits du spectacle : il s’agissait en fait d’une population de 42 pieds en état de floraison avancé.

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Il faudra attendre le 28 juin et la disponibilité d’un véhicule du CSA pour aboutir à un relevé précis avec mesure des pieds (voir annexe).

Remarque : L’importance actuelle de la population ne préjuge rien quant à l’avenir. En effet, des orchidophiles locaux ont pu suivre (sur leur terrain et sur le terrain !) l’évolution de populations d’O. apifera qui confirme des cycles à éclipses. Après une feuille la 1ère année, puis deux ou trois la 2ème année, quatre la 3ème année et une rosette complète avec hampe florale la 4ème année, deux cas de figure se présentent : - si le nombre de fleurs est peu important et si les plantes n’ont pas terminé leur cycle, elles repoussent au même endroit sur les organes souterrains régénérés… - par contre, si le nombre de fleurs est important et que la plante a fini son cycle, plus de 80 % des plantes ne reviennent pas l’année suivante, laissant la place aux graines… Donc un cycle de 4 ans au moins que la plante compense par un taux de fécondation important les bonnes années. Une population à suivre en tout cas…

2) Le site de la découverte

La population d’O. apifera f. chlorantha, découverte sur le ban de la commune de Niffer (68) se situe sur l’île sud du Rhin car les « Iles du Rhin » sont en réalité une seule île située au sud-est de Colmar, enserrée entre le Rhin et le Grand Canal depuis sa création en 1928. D’une superficie de 2 900 hectares (plus 1 000 hectares en eau) et d’une longueur de 45 km (entre Vogelgrün et Huningue), elle comporte une importante zone boisée composée de feuillus, de pelouses sèches et d'une large lisière de saules sur les berges côté français. L’ensemble a été classé tout d’abord en « réserve de chasse ». En 2006, 475 hectares de la partie sud ont intégré la Réserve Naturelle Nationale de la Petite Camargue Alsacienne. Une station ornithologique y fonctionne dans le cadre d'un partenariat de la LPO avec l'association de gestion « Petite Camargue Alsacienne ». Grâce à ces statuts, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’oiseaux aquatiques hivernants dans le couloir rhénan qui sont protégés. Les zones d’intérêt botanique, quant à elles, sont gérées par le CSA : essentiellement des pelouses sèches à Vogelgrun, Fessenheim, Geiswasser, Petit Landau, Niffer, Kembs, Rosenau, Village-Neuf. Elles renferment à ce jour 14 espèces d’orchidées : Anacamptis pyramidalis, Epipactis helleborine, Gymnadenia conopsea, Himantoglossum hircinum, Neottia ovata, Ophrys apifera, O. fuciflora, O. fuciflora subsp. elatior, O. insectifera, Neotinea ustulata, N. ustulata subsp. aestivalis, Orchis militaris, O. anthropophora, Platanthera bifolia. Les sites sont l’objet de plans de gestion avec entretien et chantiers hivernaux. Ce qui sera le cas à Niffer : une gestion appropriée devra prendre en compte la population d’O. apifera f. chlorantha de façon à arriver à un équilibre toujours précaire entre une gestion trop radicale avec le risque d’augmenter l’effet de sécheresse du milieu, la plupart des pieds poussant « à l’ombre » de petits arbustes, et une absence de gestion avec embroussaillement et fermeture du milieu.

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3) Les variations d’Ophrys apifera en Alsace

L’engouement pour les différentes variations d’O. apifera n’est pas récent : les données cartographiques de Roger Engel et la base Brunfels de la SBA en font état. Citons : - pour la var. botteroni des observations de 1927 à nos jours dans plus de 17 communes d’Alsace ( Gambsheim, Dinsheim, Molsheim, Ohnenheim, Singrist, Flexbourg, Romanswiller en 67 ; Wolschwiller, Osenbach, Westhalten, Soultzmatt, Westhalten, Rouffach, Kembs, Rosenau, Guewenheim, Bergheim en 68) - pour la var. aurita des observations de 1961 à nos jours curieusement dans seulement 4 communes du Haut-Rhin dans la base (Rumersheim-le-Haut, Osenbach, Westhalten et Soultzmatt) avec plus de 10 communes récentes (Bergheim, Kembs, Fessenheim, Nambsheim, Village-Neuf, Rosenau en 68 et Rhinau, Krautergersheim, Dinsheim, Mothern, Gambsheim, Bischoffsheim, Strasbourg-Rohrschollen en 67) - pour la var. friburgensis (ex-jurana1) des observations de 1948 à nos jours dans plus de 15 communes surtout dans le Bas-Rhin avec 5 nouvelles dans le Haut-Rhin (Westhalten, Bergheim, Kembs, Rosenau, Marckolsheim, Fessenheim, Nambsheim en 68, Romanswiller, Flexbourg, Weiterswiller, Hohengoeft, Saverne, Mothern, Gambsheim et Strasbourg- Rohrschollen en 67) En fait, l’expérience montre que les bonnes années, presque toutes les variétés cohabitent avec O. apifera type. La présence en Alsace du lusus trollii demande encore confirmation, alors qu’elle est bien attestée en Lorraine (Belleau) depuis la fin des années 1990. Déjà dans les années 1920, Emile Walter, fondateur du Jardin botanique de Saverne, faisait part d’observations de populations importantes d’O. apifera et de variétés sur le Rammelsberg de Romanswiller (devenu depuis site CSA). Il a même consacré un article à la variété botteroni sur le site en 1927 dans le Bulletin de l’Association philomatique d’Alsace. Depuis le site a connu de nombreuses éclipses avec des observations régulières dans les années 60 et seulement quelques pieds de nos jours. On peut lire également à ce sujet l’article de Roger Engel dans le bulletin du Jardin botanique de Saverne 2000 consacré à Emile Walter et les orchidées. Plus récemment, notre collègue lorrain Jean-Marc Corbeil a constitué un important dossier- photo de 45 pages consacré à O. apifera et ses variétés. Il m’avait d’ailleurs fait connaître les variétés aurita et friburgensis à Delme (57) et surtout bicolor à Ars-sur- Moselle. Signalons enfin l’article récent du couple Moingeon dans l’Orchidophile 195 en 2012 sur les « Variations autour d’Ophrys apifera Huds. » avec une photo de la f. chlorantha prise le 1er juin 2012 à Duillier (Vaud, Suisse).

4) Conclusion

Quelle meilleure conclusion que de citer le courriel enflammé d’un collègue botaniste qui se reconnaîtra : « C'est tout simplement, je me répète, extraordinaire ! Qu'elle est belle notre Alsace botanique ! ».

1 NDLR : Dans un article récent (J. Eur. Orch. 44 (2) : 403-412. 2012), L. Lewis & C.A.J. Kreutz décrivent Ophrys apifera Huds. var. badensis var. nov. comme nom valide de la variété d’O. apifera à sépales pétaloïdes et labelle de forme typique, rejetant les épithètes jurana et friburgensis. Les variétés O. apifera var. friburgensis et O. apifera var. saraepontana sont conservées pour les plantes au dessin du labelle anormal. 55

Il faut dire que nous venions, en cette fin juin 2013, de voir toutes les variations d’O. apifera de la dition avec comme ultime surprise, la découverte historique d’une nouvelle variété pour la région Alsace : O. apifera var. bicolor le 25 juin… Mais ceci est une autre histoire à découvrir ci-dessous.

A propos de la découverte d’Ophrys apifera var. bicolor en Alsace. Quelques jours à peine après l’annonce de la découverte d’Ophrys apifera f. chlorantha, le 25/6/2006, un premier pied d’O. apifera var. bicolor est découvert à Bischoffsheim (68) sur un site CSA. Transmise par Mme Grad, amatrice de plantes d’Obernai, l’information est aussitôt vérifiée par Bertrand Gerber et d’autres membres de la SFO-LA accourus très vite ! Le pied est superbe et un second pied est même trouvé sur le talus en bord de route non loin… La zone aux alentours a été explorée sans succès. Le premier pied correspond bien à O. apifera var. bicolor, le second à une combinaison de celle-ci avec la var. aurita (voir la photo du 12/6/2010 prise à Frotey-les-Vesoul par J.-M. Moingeon in Orchidophile n° 195). Signalons sur ce site quelques pieds d’O. apifera, une belle population de Gymnadenia conopsea et d’Orchis purpurea (avec un pied hyperchrome dont la photographie, prise par B. Gerber, a été publiée dans l’Orchidophile.

Une collaboration exemplaire Il convient de préciser que bon nombre des observations ont été facilitées par l’outil informatique qui a permis bon nombre d’échanges en temps réel et en courrier groupé entre membres de l’AROS et de la SFO-LA. C’est ainsi que, pendant la saison « apifera » notamment, plus de 10 orchidophiles interconnectés en ligne (et au téléphone) ont pu aisément vivre au plus près cette saison exceptionnelle et surtout se retrouver sur le terrain de façon plus ou moins informelle. Je les en remercie tous ici pour leurs informations et photographies.

* 3, rue du village –

68140 Hohrod

Solutions

des jeux

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Les variations d’Ophrys apifera en Alsace et dans les régions limitrophes

Ophrys apifera O. apifera var. aurita O. apifera var. friburgensis

Bickenberg (68) – 9 juin 2007 Fessenheim (68) – 16 juin 2013 Bergheim (68) – 15 juin 2013

Ph. E. Schilling Ph. A. Hasenfratz Ph. A. Hasenfratz

O. apifera var. apifera f. curviflora O. apifera var. bicolor O. apifera lusus trollii

Bergheim (68) – 15 mai 2013 Bishoffsheim (67) - 27 juin 2013 Jezainville (54) – 20 juin 2013

Ph. A. Hasenfratz Ph. E. Schilling Ph. H. Parmentelat

O. apifera f. chlorantha O. apifera f. basiliensis O. apifera f. flavescens

Niffer (68) – 28 juin 2013 Birsfelden (CH) - 29 mai 2007 Bermont (90) – 30 juin 2001

Ph. A. Pierné Ph. A. Hasenfratz Ph. F. Thiery

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Annexe : mesures effectuées le 28 juin 2013 On note, ce qui est normal pour une espèce autogame, un taux de fécondation important sur les pieds dont la floraison est bien avancée.

N° individu Hauteur totale Hauteur 1ère fleur Nombre fleurs 1 43 25 6 2 45 25 6 3 30 20 3 4 30 17 4 5 49 30 6 6 34 24 5 7 40 26 4 8 49 29 6 9 43 24 6 10 44 26 6 11 51 32 6 12 43 30 5 13 40 30 0 (fané) 14 36 24 4 15 39 24 5 16 41 27 4 17 33 27 3 18 41 28 4 19 42 24 5 20 33 19 5 21 40 23 6 22 48 30 6 23 41 20 6 24 52 31 7 25 47 30 6 26 51 29 6 27 47 31 5 28 40 27 4 29 51 35 4 30 30 23 3 31 39 25 4 32 51 30 7 33 33 21 3 34 42 20 4 35 48 24 5 36 41 26 4 37 43 26 5 38 28 18 5 39 50 34 5 40 37 26 4 41 60 38 7 42 50 29 5 Moyenne 42 26 5

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A la découverte des orchidées de l’Alsace Bossue

Alain Pierné *

Histoire

L’Alsace Bossue se situe dans le Parc naturel régional des Vosges du nord, et doit son nom à ses paysages si vallonnés et à la bosse qu’elle forme sur le « dos de l’Alsace » ! Elle est l’une des régions les plus préservées de la contrée.

Seule aire francique rhénane d'Alsace, cet espace doit son rattachement à une région alémanique en raison d'une tradition protestante nettement majoritaire. Lors de leur rattachement à la France de Louis XIV, les communes lorraines concernées ont préféré rejoindre une marche alsacienne luthérienne et se disjoindre d'une province presque exclusivement catholique. Elle regroupe les communes autrefois intégrées aux anciens comtés de Sarrewerden et de La Petite-Pierre et à la seigneurie de Diemerigen et d'Asswiller.

Ancienne terre d'Empire, l'une des dernières à avoir été rattachées à la France en 1793, cette région, pendant les périodes d'Ancien Régime, vit s'installer des Hollandais, des français, des Suisses, des Allemands et même des Autrichiens. Certains villages possèdent une église catholique, une église luthérienne, et une synagogue.

Après la révolution de 1789, cette enclave germanique fut intégrée comme d'autres dans la république française en 1793. L'ancien Comté de Sarrewerden et les terres protestantes de Lorraine furent intégrés à la Moselle le 14 février 1793 puis finalement transférés quelques mois plus tard au département du Bas-Rhin pour former l'Alsace bossue. Ainsi le Bas-Rhin allait franchir le col de Saverne et se prolonger sur le plateau lorrain pour s'enrichir de 46 communes fortes de près de 18 000 habitants devenant Alsaciens.

Nature

Située sur le versant occidental des Vosges du Nord, l'Alsace bossue correspond à un fragment du plateau lorrain, qui fait lui-même partie du bassin parisien, immense cuvette sédimentaire. Il s'agit d'un plateau élevé (400 m près des Vosges du Nord) et drainé en majorité par les rivières Sarre, Isch et Eichel. Grâce à des précipitations abondantes et régulières tout au long de l'année et un ensoleillement plus faible qu’en plaine d’Alsace, la nature y est verdoyante.

A l'écart des grands axes de circulation (hormis l'autoroute A4 qui la traverse de part en part) et épargnée pour l'instant de la démesure de l'agriculture intensive, les paysages de l'Alsace bossue sont sans aucun doute parmi les plus préservés de notre région : les vallons au maillage dense de haies et de bosquets, les coteaux couverts de vergers hautes tiges et les prés pâturés ou fauchés encore vastes abritent une faune et une flore remarquables. C’est d’ailleurs ici que l’on trouve par exemple les seuls terrains salés de la région à Mackwiller, Salzbronn et Diemeringen avec notamment la guimauve officinale (Althea officinale).

Une de ses particularités naturalistes pour la LPO est d'abriter les dernières populations nicheuses d'Alsace de nombreuses espèces d'oiseaux toutes relictuelles ou disparues en 59 plaine du Rhin : dans les vergers et prés avec bosquets, la chevêche d'Athena (chouette chevêche), les pie-grièche à tête rousse et pie-grièche grise, la huppe fasciée, le torcol fourmilier, le milan royal, le bruant proyer notamment et, dans les prairies alluviales, des espèces emblématiques comme le courlis cendré et le râle des genêts.

Mais la diversité biologique ne s’arrête pas là : la richesse botanique mérite qu’on s’intéresse à ce petit coin d’Alsace encore préservé. Le but de cette étude est de mieux faire ressortir sa richesse en orchidées en faisant le point sur les données recueillies depuis les années 1950 jusqu’à nos jours pour les 46 communes de ce secteur.

Méthodologie

Les communes qui sont prises en compte sont celles du canton de Sarre-union et de Drulingen et se répartissent dans le cadre de la cartographie entre les carrés LV50-51- 52-53 et LV60-61- 62, délimités en pointillés sur la carte.

Les cartes permettent de visualiser la répartition de chacune des espèces dans la région Alsace, découpée par un quadrillage UTM (Universal Transverse Mercator) en carrés de 10 km de côté repérés verticalement par des chiffres de 1 à 100 correspondant à la longitude et horizontalement par des groupes de lettres correspondant à la latitude (LT, LU, LV, MU, MV). À titre d’exemple, Sarre-Union est dans le carré LV52.

Le carré LV 61 hachuré ci- contre correspond au carré le plus « riche » dans le secteur des collines de Rouffach- Osenbach avec 33 espèces.

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Communes de référence Le canton de Sarre-Union groupe 20 communes : Altwiller ; Bissert ; Butten ; Dehlingen ; Diedendorf ; Domfessel ; Harskirchen ; Herbitzheim ; Hinsingen ; Keskastel ; Lorentzen ; Oermingen ; Ratzwiller ; Rimsdorf ; Sarre-Union ; Sarrewerden ; Schopperten ; Siltzheim ; Vœllerdingen ; Wolfskirchen Le canton de Drulingen groupe 26 communes : Adamswiller ; Asswiller ; Baerendorf ; Berg ; Bettwiller ; Burbach ; Bust ; Diemeringen ; Drulingen ; Durstel ; Eschwiller ; Eywiller ; Gœrlingen ; Gungwiller ; Hirschland ; Kirrberg ; Mackwiller ; Ottwiller ; Rauwiller ; Rexingen ; Siewiller ; Thal-Drulingen ; Volksberg ; Waldhambach ; Weislingen ; Weyer

Historique de la cartographie

La base de données sur ce secteur s’est considérablement enrichie grâce à des contacts locaux qui ont permis de mieux cerner les richesses botaniques de ce secteur méconnu de l’Alsace. Entre 1950 et les années 1990, ce sont essentiellement les observations personnelles de Roger Engel, infatigable cartographe de l’Alsace, résidant à l’époque à Saverne, qui laissent présager des potentialités : observations répétées d’Epipactis purpurata et de la variété rosea à Rauwiller par exemple. L’enquête lancée à son initiative en 1997 auprès des gardes forestiers alsaciens a confirmé cette hypothèse, venant enrichir la base de nombreuses données à Bissert, Butten, Domfessel, Harskirchen et Herbitzheim (cf. tableau p. 57) notamment dans des zones forestières souvent éloignées et difficiles d’accès. Un botaniste amateur, Bernard Durr, à la suite de la découverte du livre de Roger Engel et Henri Mathé, a fait part en 2004 de ses observations dans le secteur de Thal Drulingen- Mackwiller, sites qui s’avèrent remarquables et dont il sera question plus loin. Plus récemment, Pascal Holveck, forestier de son état dans ce secteur et membre de la SBA, a fait part de plus de 400 données pour le seul département du Bas-Rhin entre 2003 et 2008 dans les secteurs Saverne-Marmoutier d’une part et en Alsace bossue d’autre part. J’ai pris par ailleurs contact avec un botaniste local, Florian Gissinger, membre de la dynamique section locale d’Alsace nature, l’ASBA (agissant contre les décharges sauvages notamment et surtout contre un projet de décharge de « déchets ultimes » à Hirschland mais aussi pour la protection de ce petit coin d’Alsace encore préservé avec informations- sorties). A la suite d’échange d’informations, il m’a transmis près de 600 données de 2003 à 2007 dont plus de 300 pour le secteur qui nous concerne ici.

61

Enfin, c’est grâce à Christian Dirwimmer et Georges Riehm de l’AROS et de la SFOLA qu’une découverte sur le terrain a pu avoir lieu : - en 2012 tout d’abord : lors d’une sortie le 8 juin à la découverte de Dactylorhiza praetermissa en Moselle proche à Zimming , un arrêt non prévu m’a permis de découvrir le célèbre site CSA du Rebberg de Weyer , avec des centaines de pieds de Dactylorhiza « fuchsi » et d’Orchis militaris notamment: - en 2013 surtout : le 12 mai 2013 plus précisément, une sortie AROS guidée par Georges et Christian a permis de revoir Weyer et de découvrir le Morstberg de Mackwiller avec des milliers d’Anacamptis morio en particulier. Ainsi, suite à ces efforts conjugués, la plupart des communes ont vu leur effectif en orchidées doubler voire tripler avec seulement 5 communes non renseignées sur 46: il convient de préciser que comme dans d’autres secteurs d’Alsace, il s’agit soit de communes à ban communal réduit ou de communes où le milieu « naturel » a pour ainsi dire disparu, victime de l’urbanisation et des monocultures.

Conclusion

Grâce à cet effort de prospection et de transmission des informations, les richesses de l’Alsace bossue sont à présent mieux cernées : - 27 espèces d’orchidées sont recensées actuellement ; - les stations les plus riches et les plus dignes de protection en ressortent mieux avec 19 espèces pour 2 stations ; - les espèces d’orchidées les plus rares quant à elles méritent une réactualisation et un suivi de leurs populations, notamment Dactylorhiza incarnata.

Remerciements

Au CSA pour les informations sur ses sites, à Pascal Holveck et Florian Gissinger pour les nombreuses et précieuses données récentes, à Georges Riehm et Christian Dirwimmer pour leur aide sur le terrain et surtout à Roger Engel, pionnier de la cartographie alsacienne qui nous a ouvert la voie.

A protéger Les sites du Morstberg de Mackwiller et ceux du Blieningerberg et du Benchen, qui s’étendent sur les communes voisines de Thal Drulingen et Mackwiller, mériteraient d’être préservés au vu de la taille des stations, du nombre d’espèces présentes mais aussi de l’importance des populations (des milliers d’Anacamptis morio par exemple).

Communes concernées (avec leur carré de référence) en page suivante.

N.B. : Je rappelle que pour des raisons de commodité n’ont été prises en compte que les communes des carrés LV50-51-52-53 ; LV60-61-62 situés le plus à l’ouest du massif vosgien et faisant partie des 2 cantons de Sarre-Union et Drulingen.

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Nombre d’espèces par commune ADAMSWILLER LV61 0 HINSINGEN LV52 1 ALTWILLER LV51 3 HIRSCHLAND LV61 1 ASSWILLER LV61 0 KESKASTEL LV52 9 BAERENDORF LV51 1 KIRRBERG LV50 1 BERG LV61 15 LORENTZEN LV52 3 BETTWILLER LV61 9 MACKWILLER LV62 19 BISCHOLTZ LV52 1 OERMINGEN LV63 8 BISSERT LV52 2 OTTWILLER LV61 10 BURBACH LV61 9 RAUWILLER LV60 2 BUST LV61 4 REXINGEN LV61 0 BUTTEN. LV62 8 RIMSDORF LV62 13 DEHLINGEN LV62 1 SARRE-UNION LV52 13 DIEDENDORF LV62 2 SARREWERDEN LV51 4 DIEMERINGEN LV62 8 SCHOPPERTEN LV52 3 DOMFESSEL LV62 8 SIEWILLER LV51 4 DRULINGEN LV61 7 SILTZHEIM LV53 11 DURSTEL LV61 6 THAL DRULINGEN LV61 14 ESCHWILLER LV51 0 VOELLERDINGEN LV62 6 EYWILLER LV61 2 VOLKSBERG LV62 0 GOERLINGEN LV50 1 WALDHAMBACH LV62 0 GUNGWILLER LV61 1 WEISLINGEN LV62 1 HARSKIRCHEN LV52 10 WEYER LV61 19 HERBITZHEIM LV53 9 WOLFSKIRCHEN LV51 5

Soit pour 46 communes de référence, 5 communes sans données, 32 communes de 1 à 9 espèces et 9 communes renfermant plus de 10 espèces avec un record de 19 espèces pour

Mackwiller et Weyer.

Nombre de communes par espèces Anacamptis morio 26 Epipactis purpurata 11 Anacamptis pyramidalis 10 Gymnadenia conopsea 3 Cephalantheradamasonium 11 Himantoglossum hircinum 6 Cephalanthera longifolia 2 Neottia ovata 18 Cephalanthera rubra 1 Neottia nidus avis 16 Coeloglossum viride 4 Neotinea ustulata 8 Dactylorhiza incarnata 8 Ophrys apifera 12 Dactylorhiza maculata 14 Ophrys fuciflora 2 Dactylorhiza majalis 30 Orchis anthropophora 4 Epipactis helleborine 10 Orchis mascula 21 Epipactis leptochila 2 Orchis militaris 7 Epipactis microphylla 1 Orchis purpurea 10 Epipactis muelleri 4 Platanthera bifolia 12 Epipactis palustris 5

Soit un total de 27 espèces présentes sur 1 à 30 communes. Les plus courantes sont

Dactylorhiza majalis (30), Anacamptis morio (26) et Orchis mascula (21). Les plus rares avec seulement 1-2 communes sont Cephalanthera rubra, Epipactis leptochila et E. microphylla

63 ainsi qu’Ophrys fuciflora. NB : la présence de ces espèces « rares » ainsi que de Dactylorhiza incarnata (probablement surévalué avec 8 communes) reste à réactualiser.

Stations les plus remarquables

Les sites les plus intéressants se situent : - sur les communes de Harskirchen (Grossstuck...), Sarre-Union avec 13 espèces (carré LV52) ; - sur les communes de Berg (Kuppenberg, Buschwald etc.) et Thal-Drulingen (Blieningen et Benchen) avec 14 espèces. - sur la commune de Mackwiller (avec 19 espèces au Morstberg au nord ouest du village et Blieningenberg au sud-ouest).

- et surtout à Weyer avec un record de 19 espèces, essentiellement sur le site CSA du Rebbberg (carré LV61) où 17 espèces sont visibles actuellement auxquelles se rajoutent Dactylorhiza majalis présent à proximité et, potentiellement, D. incarnata selon une observation ancienne de 1979. . Sites protégés

Outre le très riche site du Rebberg protégé sur 0,12 ha par le CSA, quelques sites sont d’ores et déjà protégés dans ce secteur : - site du Honau à Bissert pour 0,8 ha : remarquable prairie alluviale inondable en bordure de Sarre - site du Sang à Bettwiller pour 0,2 ha : marais à Dactylorhiza majalis et Platanthera bifolia. - site du verger du château à Diedendorf pour 0,8 ha - site du Pfaffenwinckel à Keskastel pour 0,19 ha : vaste prairie inondable en bordure de Sarre avec Epipactis palustris, l’ophioglosse et la fougère des marais. - site de l’Engersbruehl à Lorentzen pour 0,67 ha : marais et prairies à reine des prés d’une grande richesse ornithologique. * 3, rue du village – 68140 Hohrod

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Aerangis fastuosa (Rchb.f) Schlechter (1914)

Dominique Karadjoff *

Aerangis fastuosa est une petite plante originaire de dont la beauté m’a toujours interpelé. Avec près de 50 espèces, le genre Aerangis est essentiellement présent en Afrique tropicale et du Sud et dans les îles proches de l’océan Indien : La Réunion, les Comores, Madagascar. Une espèce existe au Sri Lanka. Il est sans doute un des plus attractifs du point de vue horticole dans le groupe des angraecoïdes. Le nom Aerangis, qui nous vient d’Heinrich Gustav Reichenbach, est tiré des mots grec Aer (l’air) et Angos (vaisseaux) sans doute en raison de l’aspect de l’éperon. 21 espèces sont recensées à Madagascar, la totalité d’entre elles étant endémiques de l’île. Les Aerangis, orchidées épiphytes parfois lithophytes, se distinguent des autres angraecoïdes par des inflorescences souvent pendantes, plus ou moins longues et multiflores. Les Aerangis sont tous des plantes monopodiales ; les fleurs sont d’aspect étoilé, blanches parfois teintées d’une touche saumonée ; la colonne est allongée et l’éperon long et cylindrique. Aerangis fastuosa (Rchb. f) Schlechter : Die Orchideen 598 (1914) a eu nombreux synonymes dont certains ont connu leur heure de gloire comme fastuosum H. G. Reichenbach (1881), Angorchis fastuosa Kuntze (1891), Raphidorhynchus fastuosus Finet (1907) et d’autres encore. Description Aerangis fastuosa est une plante de taille plutôt modeste parée de grandes fleurs (proportionnellement à la taille de la plante) très décoratives. - Tige relativement courte de 0,5 à 6 cm - De 2 à 10 feuilles succulentes, arrondies à elliptiques, mesurant jusqu’à 5-7 cm de long sur 3 cm de large, légèrement rugueuses en surface et de couleur brune - Inflorescence de 1 à 5 grandes fleurs d’un blanc pur, assez proches l’une de l’autre, pas toujours totalement ouvertes : sépale dorsal ovale elliptique aigu de 5 à 8 mm de large sur 15 à 30 mm de long ; sépales latéraux lancéolés obliques de 5 à 7 mm de large sur 17 à 38 mm de long ; pétales équivalents au sépale dorsal ; labelle variable obovale, oblancéolé ou lancéolé aigu de 15 à 20 mm de long sur 4,5 à 11 mm de large ; éperon cylindrique et fin de 6 à 9 cm de long. Mode de vie Plante épiphyte sur les petites branches de la forêt tropicale humide et de la forêt tropicale saisonnière sèche, de 900 à 1 500 m d’altitude. On le trouve même dans la forêt secondaire arbustive des hauts plateaux (Antananarivo, Antsirabe) mais aussi à Toamasina (Est) et Tuléar (Ouest). Floraison La floraison à lieu entre septembre et novembre à Madagascar, au printemps en Europe, et dure environ trois semaines. Mode de culture J’ai dans un premier temps tenté de cultiver les plantes originaires de Madagascar selon leur mode de vie épiphyte (montées sur écorce) avec un succès moyen au fil des années. Problème d’hygrométrie ou peut-être de lumière, mais comme les habitats sont assez variables à Madagascar, les plantes sont sans doute aussi plus difficiles à acclimater dans mon mode de culture unique. 65

Actuellement, ayant obtenu des graines de mes Aerangis puis des plantules, j’ai pris le parti de les cultiver en pot dans un mélange d’écorce de pin assez fine et de sphaigne pour garder un milieu plus humide et aéré. Cette fois les plantules grandissent bien et ne devraient pas tarder à fleurir. Elles sont en serre tempérée avec une bonne luminosité mais sans excès et, d’ici quelque temps, je devrais pouvoir à nouveau les croiser et assurer la troisième génération. Une condition cependant : rempoter assez souvent, tous les un à deux ans maximum, car la sphaigne se dégrade assez vite. Selon mes observations, les plantes issues de croisement sur place semblent mieux s’adapter que les plantes importées.

Forêt arbustive secondaire dans la région d’Antananarivo. En danger !

Aerangis fastuosa

Biotope d’Aerangis fastuosa

Protection La forêt malgache est toujours en danger et si rien de change, en particulier la pratique de la culture sur brûlis (Tavi), elle aura disparu d’ici 20 ans. La reproduction ex situ des orchidées malgaches, par des cultures in vitro sur place ou en Europe, peut être une solution de sauvegarde provisoire.

* 6A, avenue Clémenceau – 54150 Briey 66

Quelques représentations d’orchidées par Emile Gallé et en musique suivi de xPseudorhiza bruniana : « clap de fin »

Patrick Pitois *

 Le 11 août 2009, sur l’invitation de Jean-Marc Corbeil, je me suis rendu dans son « fief » de Vic-sur-Seille (Moselle), où une exposition temporaire d’envergure consacrée au célèbre nancéien Emile Gallé (1846-1904) était en cours au Musée départemental Georges de La Tour. A cette occasion, j’ai rencontré Rémy Souche (assurément un « personnage » qui gagne à être connu) et j’ai découvert quelques représentations d’orchidées (entre autres) par ce maître-verrier et céramiste, au travers de pièces venues du monde entier. Il s’agissait d’un vase Angraecum (1889-90, Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg), d’un vase Coelogyne cristata (v. 1903, Musée Suntory à Tokyo), d’un vase Ophrys fuciflora (1890- 94, collection particulière) et d’un vase O. fuciflora x O. insectifera (1890-94, collection particulière). Cette découverte faisait pour moi logiquement suite à l’exposition d’orchidées co-organisée par la SFO-LA en novembre 2004 au Palais des Congrès à Nancy (visitée par le tout nouveau membre de l’association que j’étais alors), en hommage à Emile Gallé pour le centenaire de la mort.

Ph. 1 Ph. 2 Ph. 3 Ph. 4

Depuis, profitant notamment de la morte-saison hivernale, j’ai vu d’autres œuvres de l’artiste à décor d’orchidées, principalement au Musée de l’Ecole de Nancy en 2012, comme un vase cache-pot « Orchidée jaune » (non-spécifiée, v. 1895), un vase « Diabolo bleu » à décor d’orchidées (non-spécifiées) et de libellules (v. 1892 – ph. 1), un vase Ophrys (non-spécifié, peut-être O. fuciflora, v. 1893-94 – ph. 2), un vase Orchidée (non-spécifiée, v. 1897) et un vase tubulaire « Tout un monde de rêve » Paphiopedilum (non-spécifié, v. 1898-1900 – ph. 3). Notons que le vase « Diabolo bleu » figure sur le tableau emblématique peint vers 1892 par Victor Prouvé (1858-1943) et représentant Emile Gallé, exposé au même musée. Ensuite, au Musée du Verre et du Cristal à Meisenthal (Moselle) en 2013, parmi les pièces du maître- verrier présentées, j’ai repéré un vase Paphiopedilum (non-spécifié, 1890-94 – ph. 4) et un vase Paphiopedilum (non-spécifié) et coprins (1890-94). Observons encore que le Musée Unterlinden à Colmar (Haut-Rhin) et le Musée Charles de Bruyères à Remiremont (Vosges)

67 possèdent aussi des Gallé (principalement des céramiques pour le second), mais sans décors d’orchidées.

 Après cette incursion dans les arts plastiques, je reviens à la représentation des orchidées en musique entamée avec un article (lorgnant aussi vers le cinéma) que j’avais proposé pour le bulletin annuel de la SFO-LA n° 7 (2010). Je concluais ce texte par une évocation succincte du compositeur britannique Peter Lawson. Né en 1951, également orchidophile amateur, il a entrepris depuis 1981 une évocation musicale des espèces indigènes connues au Royaume-Uni. Il m’a paru intéressant d’être un peu plus exhaustif en énumérant ses partitions publiées chez l’éditeur Goodmusic Publishing (lien internet ci- dessous). http://www.goodmusicpublishing.co.uk/collections/showcollection.aspx?id=37 Je rappelle ici que toutes les œuvres en question portent un titre commençant par « Song of the… » (chant de…), suivi d’un nom commun anglophone des espèces (que le compositeur a observées sur le terrain), certaines absentes en France, comme Spiranthes romanzoffiana. J’ajoute pour information leurs noms scientifiques, en italique comme il se doit. Dans l’ordre chronologique (l’année indiquée est celle de première publication, suivie le cas échéant de celle de révision de la partition), il s’agit de :

1981 : Song of the Red Helleborine (rév. 2005), pour alto et piano = Cephalanthera rubra (première pièce publiée) 1982 : Song of the Bird’s-Nest Orchid, pour piano seul = Neottia nidus-avis 1982 : Song of the Military Orchid, pour cinq flûtes = Orchis militaris 1982 : Song of the Musk Orchid (rév. 2004), pour hautbois et piano = Herminium monorchis 1983 : Song of the Frog Orchid, pour trombone et piano = Coeloglossum viride 1983 : Song of the Slender-Lipped Helleborine, pour violon et guitare = Epipactis leptochila 1983 : Song of the Twayblade Orchid, pour hautbois, hautbois d’amour et cor anglais = Neottia ovata 1986 : Song of the Green-Winged Orchid, pour flûte et piano = Anacamptis morio 1986 : Song of the Fragrant Orchid, pour soprano, clarinette et piano = Gymnadenia conopsea 1986 : Song of the Marsh Fragrant Orchid, pour soprano, violon et piano = Gymnadenia conopsea var. densiflora 1986 : Song of the Late Spider Orchid, pour deux pianos = Ophrys fuciflora 1987 : Song of the Irish Lady’s Tresses Orchid, pour flûte, hautbois, alto et piano = Spiranthes romanzoffiana 1987 : Song of the Broad Helleborine (rév. 2005), pour orgue = Epipactis helleborine 1988 : Song of the Coralroot Orchid (rév. 2012), pour mezzo-soprano (ou ténor) et piano = Corallorhiza trifida 1990 : Song of the Creeping Lady’s Tresses Orchid, pour violon et piano = Goodyera repens 1990 : Song of the Pyramid Orchid, pour harpe = Anacamptis pyramidalis 1991 : Song of the Dark Red Helleborine, pour piano seul = Epipactis atrorubens 1998 : Song of the Southern Marsh Orchid, pour violon, violoncelle et piano = Dactylorhiza praetermissa 2001 : Song of the Lesser Twayblade Orchid, pour flûte à bec, harpe et quintette à cordes (ou orchestre à cordes), ou pour flûte à bec et piano = Neottia cordata 2004 : The Grand Design Quartet (sous-titre : Song of the Common Spotted Orchid), pour quatuor à cordes = Dactylorhiza fuchsii 2004 : Song of the Northern Marsh Orchid, pour clarinette et piano = Dactylorhiza purpurella 2005 : Song of the Dune Helleborine, pour flûte à bec et piano = Epipactis dunensis 2007 : Song of the Dense-Flowered Orchid, pour flûte, clarinette basse et piano = Neotinea maculata 2011 : Song of the Violet Helleborine, pour piano = Epipactis purpurata

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2012 : Song of the Lizard Orchid, pour deux pianos à huit mains = Himantoglossum hircinum (29ème espèce décrite en musique par Peter Lawson, sur les 48 connues, dernière pièce publiée à ce jour). Le lecteur curieux pourra écouter en ligne sur YouTube le Song of the Northern Marsh Orchid (2004) en suivant ce lien : http://www.youtube.com/watch?v=3S1JbA1TXSA

 Revenons maintenant au vif du sujet, avec notre cher xPseudhoriza bruniana (Dactylorhiza maculata x Pseudorchis albida). En 2012, la prospection s’est achevée avec le 70ème hybride découvert par Robert Schubnel. Tous sont situés côté alsacien (Haut-Rhin) du massif vosgien, depuis le Breitfirst jusqu’au Grand Ballon (pour 50 d’entre eux), en passant par le Markstein et le Storkenkopf. Après en avoir discuté avec le triumvirat Bertrand Gerber-André Hasenfratz-Alain Pierné, nous avons décidé au moment d’entamer la « campagne » 2013 d’en rester là, du moins pour ce large secteur de découvertes. Désormais, nous nous en tiendrons au suivi de ces 70 hybrides connus (17 sont réapparus cette année), ce qui est bien assez et représente déjà un travail assez prenant. Fait particulier, H8 (le 8ème xPseudorhiza bruniana, trouvé en 2006 au Grand Ballon) détient toujours le record de longévité, ayant été revu chaque année depuis, mais très chétif en 2013 alors qu’il était toujours vigoureux précédemment.

Mais comme on pouvait s’y attendre, le suivi nous a fait observer plus ou moins par hasard six nouveaux hybrides en 2013 qui ne sont donc pas comptabilisés ou cartographiés, si ce n’est « pour mémoire », deux au Markstein (l’un déniché par Christian Dirwimmer, tout proche de l’historique H1, l’autre par un orchidophile amateur non-membre de la SFO-LA), les quatre autres au Grand Ballon. Parmi ces derniers, l’un est un nouveau couple (hybride + « bis » - photo ci-dessous), entre H16 et H50 pour les initiés, après les trois précédents connus, H2- H2bis, H31-H31bis et H45-H45bis.

Si la prospection et la numérotation ont officiellement pris fin en ces secteurs, nous recherchons toujours activement l’hybride ailleurs. En 2013 encore, je l’ai personnellement recherché au Ballon d’Alsace (deux fois, la seconde avec Alain), au Ballon de Servance (trois fois, la troisième également avec Alain), au Gazon du Faing (trois fois), au Hohneck et au Petit Hohneck (deux fois), sans succès cette année encore, mais ne désespérons pas. En cas de découverte ultérieure dans l’un ou l’autre de ces secteurs, nous numéroterions à nouveau, cela va de soi. J’invite donc les amis orchidophiles intéressés par la recherche de xPseudorhiza bruniana à se concentrer les années à venir sur ces nouvelles zones (et d’autres encore si affinités).

* 60, rue de Honolulu-88600 Bruyères [email protected]

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Chaque jour, une nouvelle orchidée…

A deux reprises, il a été question dans nos feuilles de liaison (oct. 2012 ; oct. 2013) d’orchidées nouvelles pour la science qui avaient été découvertes çà et là. Les moyens de communication, d’information et de recherche si développés de notre monde moderne incitent peut-être certains à penser qu’il n’y plus grand chose à découvrir dans le monde vivant. Ce n’est clairement pas le cas et la biodiversité terrestre est loin d’avoir livré tous ses secrets. Pour fixer les idées, les scientifiques ont décrit à ce jour un peu moins de deux millions d’espèces vivantes sur Terre. Selon des estimations récentes, le nombre total de ces espèces oscillerait entre huit et dix millions. 80% de la biodiversité nous est donc encore inconnue ! Cette situation n’est pas différente dans la famille des Orchidacées où des découvertes sont régulièrement faites, de manière fortuite ou lors d’expéditions scientifiques. Le site de l’International Institute for Species Exploration, développé par l’Arizona State University, publie depuis 2008 un rapport annuel (The State of Observed Species Report) qui dénombre les nouvelles espèces décrites les années précédentes. D’après les statistiques sur une décade, il ressort qu’en moyenne 2 300 espèces de plantes vasculaires sont décrites chaque année, dont 380 orchidées, soit plus d’une par jour.

Naturellement, la totalité ou presque de ces orchidées sont des espèces non européennes vivant généralement dans les forêts tropicales du globe dont la biodiversité est encore mal connue. Par exemple, 94 nouvelles espèces de Bulbophyllum se sont rajoutées en 2008 et, parmi les 418 espèces d’orchidées découvertes en 2009, 31% d’entres elles appartiennent à trois genres seulement : Lepanthes (44), Stelis (44), Epidendrum (43). Des explorations effectuées entre 1998 et 2006 dans la forêt pluviale de Papouasie- Nouvelle Guinée ont révélé la présence de huit espèces d’orchidées nouvelles pour la science et de vingt autres potentiellement encore inconnues (WWF-2006). Des espèces jusqu’alors inconnues ont été observées ces dernières années à Cuba, au Viet- Nam, au Gabon, en Chine, à Madagascar, en Equateur… et il ne doit pas manquer d’endroits sur la planète où vivent des orchidées qui n’ont jamais été décrites !

L’Europe n’est cependant pas en reste et, malgré un nombre très restreint de découvertes, chaque année apporte toujours son lot de « nouveautés », particulèrement au sein des Ophrys méditerranéens ! Sur les 419 orchidées européennes (sans compter les sous-espèces, variétés, formes et hybrides) répertoriées sur le site1 de notre collègue franc-comtois Jean-Marc Moingeon, près de 120 n’ont été décrites que dans les 20 ou 30 dernières années. Cette inflation d’espèces nouvelles, que certains déplorent, tient à une connaissance accrue de la flore orchidologique européenne, tant de la part des amateurs que des professionnels de la botanique, ainsi qu’à des techniques nouvelles d’investigation (analyse génétique, étude des insectes pollinisateurs…). Selon un article récent (Bateman RM, Rudall PJ, Moura M. (2013) Systematic revision of Platanthera in the Azorean archipelago : not one but three species, including arguably Europe’s rarest orchid), une nouvelle espèce de Platanthera a peut-être été identifiée aux Açores en 2013 !

1 http://www.pharmanatur.com/orchidliste.htm 70

Peu à peu, les orchidophiles se sont familiarisés avec de nouveaux noms comme les suivants, en s’en tenant à des taxons présents en France : Epipactis rhodanensis (1994) Epipactis fibri (1995) Epipactis provincialis (1996) Epipactis fageticola (1999) Gymnadenia cenisia (1990) Gymnadenia gabasiana (1993) Dactylorhiza savogiensis (1990) Dactylorhiza occitanica (1995) Dactylorhiza parvimajalis (2000) Ophrys eleonorae (1991) Ophrys lupercalis (1994) Ophrys marmorata (1998) Ophrys sulcata (1994) Ophrys annae (1992) Ophrys elatior (1996) Ophrys aegirtica (1996) Ophrys provincialis (1988) Ophrys argensonensis (1998) Ophrys massiliensis (1999) Ophrys santonica (1996) Aeranthes unciformis Ophrys conradiae (1993) Orchidée découverte en 2012 Ophrys aurelia (1989) à Madagascar Ophrys drumana (1988) etc…

Il est possible que certaines de ces espèces soient invalidées un jour, sous l’impulsion de systématiciens plus rassembleurs que diviseurs, mais la réalité de leur existence montre que la biodiversité est également grande sur le vieux continent dont le moindre recoin semblait avoir été fouillé.

Néanmoins, il est à craindre que nombre d’espèces restent à jamais inconnues de la science car elles auront disparu avant d’avoir été observées et décrites par les botanistes. Bien que l’extinction des espèces vivantes soit un processus naturel lié à l’évolution (en dehors des quelques extinctions de masse qu’a connu la Terre), les spécialistes tirent la sonnette d’alarme en évaluant que le taux actuel d’extinction est de 100 à 1 000 fois plus élevé (selon les groupes d’êtres vivants) que le taux naturel constaté, à partir des restes fossiles, avant l’apparition de l’Homme. L’accélération de ce taux d’extinction est confirmée par les listes rouges publiés annuellement par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) et la plupart des biologistes pensent que 50% des espèces animales et végétales pourraient bien disparâitre définitivement à l’horizon 2100 !

Pour de plus amples informations, consulter le site : http://species.asu.edu/SOS

Henri Mathé 3, rue de Guebwiller – 68840 Pulversheim [email protected]

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Programme des activités 2014

Les adhérents qui souhaiteraient prendre part à l'une ou l'autre de ces activités sont priés de se faire connaître au préalable auprès de la personne dont les coordonnées sont indiquées ci-dessous. Les heures et lieux de rendez-vous, ainsi que les modalités spécifiques à chaque activité, leur seront communiqués en temps utile.

Dimanche 2 février : Assemblée Générale au Couvent à Haut-Clocher (57) 10 h 00 : AG statutaire, 12 h 30 : repas en commun pour les personnes intéressées, 14 h 30 : projections, débats et galettes. Pensez à apporter vos documents susceptibles d'intéresser l'assemblée. Monique GUESNÉ : [email protected]

Avril : participation à la 3ème Journée de la Biodiversité à Nancy (54). La date précise et le lieu (en principe Gymnase Bazin) seront confirmés ultérieurement. Denis JEANDEL : [email protected]

1er au 5 mai : voyage d'étude dans le Var (limité à 20 personnes) : découverte de quelques orchidées emblématiques dont des Anacamptis (ex.: A. laxiflora), des Ophrys (ex.: O. aurelia, O. splendida) et des Serapias (ex.: S. neglecta, S. vomeracea) ainsi que d'éventuels hybrides (comme les xAnacamptiserapias). Renseignements et inscriptions (au plus tard le 1er décembre 2013) auprès de Patrick PITOIS au 03 29 50 14 83 (après 19h) ou par courriel : [email protected]

Dimanche 25 mai : sortie à Moloy (21) sur le site à Cypripedium calceolus. Monique GUESNÉ : [email protected]

Dimanche 1er juin : sortie à Lironcourt (88) à la découverte de quelques orchidées de la station où un sentier botanique avec panneaux didactiques a été inauguré en mars 2012. Patrick PITOIS : [email protected]

Fin juillet-début août : journée de prospection-découverte dans le Sundgau à la recherche d'Epipactis purpurata avec éventuellement la forme rosea. La date sera précisée ultérieurement en fonction de la floraison. Henri MATHÉ : [email protected]

11 et 12 octobre : exposition ORCHIDOFOLIE 2014 organisée par la SFO-LA à Nancy (54) dans la salle de Fêtes de Gentilly. Plus d'informations dans la feuille de liaison d'avril prochain. Réservez dès maintenant ces dates. Monique GUESNÉ : [email protected] Jean-Louis BARBRY : [email protected] Denis JEANDEL : [email protected]

Ce programme étant susceptible d'évoluer, se reporter au site de la SFO-LA.

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ORCHIDOPHOLIE 2014

Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de M. Jules Dumont d’Urville Atlas – pl. 9a (Dendrobium macrophyllum)

http://www.biodiversitylibrary.org/