Fenêtre» Sur Le Cas De La Basse Vallée Du Doubs
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ANTHROPISATION DES ZONES HUMIDES : «FENÊTRE» SUR LE CAS DE LA BASSE VALLÉE DU DOUBS Alain DAUBIGNEY*, Philippe BARRAL*, Gilles BOSSUET*, Émilie GAUTHIER*, Christophe PETIT**, Hervé RICHARD* Abstract This study concerns a «window» of approximately 40 km², opening on to two different landscapes : the lower Doubs Valley and the Bresse plateau, both very humid zone. The interaction of man with his environment is studied from Antiquity to the Middle Ages by comparing archaeological evidence of human settlements with paleoenvironmental reconstruction of land dynamics. There is dense occupation throughout all periods, which proves the attractiveness of the area. However, local factors, both natural and anthropic, seem to have influenced spatial implantation along the river. Résumé L’article prend en considération une «fenêtre» d’une quarantaine de kilomètres carrés ouverte sur la basse vallée du Doubs et la Bresse attenante, soit une zone très marquée par l’humidité. Il corrèle les données issues de la prospection archéologique et de la démarche paléo-environnementale pour appréhender, par étapes historiques et sur la longue durée, le rapport de l’homme à son milieu. La zone connaît une occupation du sol très dense dans toutes les périodes, ce qui prouve son rôle attractif. La variable réside dans les choix opérés par le peuplement. Ceux-ci sont dictés moins par la «grande histoire» que par des phénomènes locaux, physiques (évolution de la rivière) et surtout humains. INTRODUCTION La «fenêtre» que nous ouvrons touche aux com- située au Sud de la rivière, appartient en réalité munes de Neublans-Abergement, Petit-Noir et au même ensemble géomorphologique. C’est dans Annoire (39) d’une part, de Fretterans, Authumes cette basse plaine alluviale (altitude moyenne de et Pierre-de-Bresse (71) d’autre part. Nous sommes 184 m) que le Doubs atteint une puissance maxi- à la frontière du Jura et de la Saône-et-Loire, de la male illustrée tant par l’aperçu qu’on peut avoir Bourgogne et la Franche-Comté, sur une ligne déjà du système fluvial sur les cartes ou les missions tracée en 1612 (Fig. 1). aériennes que par la chronique des inondations Le Nord de cette fenêtre (Annoire, Petit-Noir) ou le regard que l’on peut porter en permanence appartient à la plaine doloise du Finage, assez bien sur les volumes considérables de matériaux que la reconnue au plan archéologique, sauf précisément rivière dépose et déplace d’une année sur l’autre. dans la partie qui nous intéresse et qui se trouve La zone sud, démarquée par un talus, assez vigou- limitrophe de la rivière du Doubs. reux du coté est, forme l’accès au plateau bressan, La zone médiane (Neublans, Fretterans, qu’il s’agisse à l’Ouest, de la Bresse bourgui- Authumes, Pierre-de-Bresse), immédiatement gnonne, (Authumes) ou à l’Est, de la Bresse juras- *Laboratoire de Chrono-écologie, UMR 6565 CNRS, UFR Sciences et Techniques, 16 route de Gray, F - 25030 Besançon Cedex. ** Centre des Sciences de la Terre, UMR 5594 CNRS, Université de Bourgogne, 6 Boulevard Gabriel, F- 21000 Dijon 79 ORGANISATION SPATIALE DES PLAINES ALLUVIALES 47 108 10 Fig.Fig. 1. Fenêtre1 - Extrait étudiée de la cartedans IGNla basse de Pierr valléee -de-Br du Doubs.esse L’alignementau 1:25 000 des corr pointsespondant 47, 108 à laet fenêtr10 figuree étudiée la frontière dans tracéela enBasse 1612 Vallée entre du la Doubs. Bourgogne L'alignement et la Franche-Comté. des points 47, Extrait108 de et la 10 carte figur topographiqueent la frontièr IGNe tracée de Pierre-de-Bresse en 1612 entre àla 1: Bourgogne et la Franc25000ème.he-Comté. 0 1 km Daubigney A., Barral Ph. et alii - Anthropisation des zones humides : «fenêtre» sur le cas de la basse... sienne (Neublans, Petit-Noir sud). L’ensemble est comprend précisément les trois composantes pay- caractérisé par des reliefs assez mous (altitude de sagères définies plus haut. On pouvait ainsi pré- 200 m environ) et des terres argileuses et humides ; ciser la question de l’ancienneté du peuplement l’étang comme moyen d’aménagement du milieu a bressan et surtout définir les modalités principales pris ici une valeur quasi emblématique. du peuplement de la plaine, sachant que la rivière Notre fenêtre dessine donc un rectangle d’environ a représenté là un agent principal de l’organisation 7,5 km de long sur 5,5 km de large dans un milieu territoriale. très marqué par l’humidité, que l’on soit dans la À lui seul, le Doubs et sa dynamique fluviale pour- plaine alluviale du Doubs ou dans la Bresse plus raient en ces lieux constituer un vaste programme interne. Une question essentielle porte alors sur le de recherche. Au delà d’un premier travail uni- rapport entretenu par l’homme avec un milieu a versitaire géomorphologique, centré sur l’actuel priori défavorable. C’était pour répondre à cette (Rotillon 1990), ou d’un travail plus historique, question et aborder la problématique de la dyna- celui-là, et fondé sur des archives relativement mique territoriale qu’une prospection-inventaire récentes (Sauty 1999), c’est une recherche de fond thématique fut entreprise sur le canton de Pierre- qui doit être menée sur le terrain de la paléohydro- de-Bresse (Daubigney 1992, 1993 et 1995). Un de logie. Dans une démarche en cours (G. Bossuet et ses résultats principaux montrait qu’en aucun cas Ch. Petit), l’exploitation des données pour cet arti- la Bresse ne constituait le no man’s land que l’on cle restera dès lors en réserve. Toujours en matière croyait à partir d’un certain déterminisme géogra- de paléoenvironnement, quelques sondages paly- phique. nologiques ont été réalisés dont deux sont disponi- Ce constat invitait à poursuivre plus en détail et bles à l’interprétation. Sur Authumes (H. Richard) plus près du Doubs. C’est en ce sens que, du côté et Neublans (E. Gauthier), ils permettent d’envisa- bourguignon, nous avons resserré l’enquête sur ger, dans les trois derniers millénaires, des phases Fretterans et Authumes (71) (Daubigney et alii d’emprise et de déprise agricole, et ils autorisent 1999 ; Barral et alii 1999) et que nous l’avons déve- une corrélation avec les résultats obtenus par la loppé du côté jurassien (Daubigney 1993, 1994 et prospection au sol. Ces derniers restent modestes, 1995 ; Barral et Daubigney 1996 ; Daubigney et mais dans un secteur où l’inconnue était totale il alii 1999). À cet égard, la commune de Neublans- y a une dizaine d’années, ils permettent de poser Abergement et la partie sud de Petit-Noir ont servi quelques jalons chronologiques et spatiaux et de zone test, compte tenu du fait que ce territoire quelques hypothèses de travail. 1. LA PRÉHISTOIRE ET LA PROTOHISTOIRE 1.1. La Préhistoire Le Néolithique est très mal connu. On aura cependant en perspective que la néolithisation On ne s’étonnera pas que nous manquent, en l’ab- affecte l’Est de la France et plus particulièrement sence de fouilles et en fonction du masque opéré la Chaîne jurassienne dès 5500 av. J.-C., voire dès par la couverture sédimentaire, des données essen- les environs de 5800 cal. BC quand se remarque un tielles sur la Préhistoire. faisceau convergent d’indices polliniques d’anth- Les populations de chasseurs-cueilleurs sont ropisation (Cupillard et alii 1991 ; Richard 1997). inconnues dans notre zone d’étude, mais des cam- Ce Néolithique ancien n’est pas encore identifié à pements mésolithiques sont, depuis 1995 et le chan- basse altitude et il faudra sur ce point attendre le tier de l’autoroute A39, bien connus dans le même dépouillement et la datation de prélèvements effec- contexte alluvial (Choisey : Mésolithique ancien) tuées à Neublans, Le Tremblet (paléochenal) ou à ou dans un contexte alluvial similaire (Ruffey- La Chaînée-des-Coupis, Le Mou de Pleure (39). En sur-Seille : Mésolithique moyen et récent) (Seara et attendant, le Néolithique moyen est attesté, par la Gannard 1996 ; Simonin 1996) distants de moins de palynologie, dans le Finage, à Tavaux (Richard 25 km. La découverte de leurs traces n’étonnerait inédit) et dans la Bresse plus profonde (Richard donc pas ici et, au reste, nous avons déjà signalé 1996), alors que dans notre «fenêtre» une série de l’existence de ces populations de chasseurs dans la tertres, comparables à des longs tumulus, pourrait Bresse plus profonde, à une dizaine de kilomètres s’envisager, dans la plaine, sur Fretterans n°141 plus au Sud (La Chapelle-Saint-Sauveur, Étang de (Daubigney 1993 ; Daubigney et alii 1999 ; Fig. 2). Chozat : Daubigney 1992). Il est sûr, en revanche, que de l’outillage lithique 1 Ces numéros d’ordre renvoient aux rapports remis par A. Daubigney aux Services Régionaux concernés ou liés aux opérations en cours. ORGANISATION SPATIALE DES PLAINES ALLUVIALES (hache, pointe de flèche, racloirs, couteau), figu- Neublans, le Tremblet (dans Sauty 1999 : pl. 12 rant, pour une part, au musée de Dole, désigne et 13). À cet endroit, le comblement du chenal à une occupation attribuable au Néolithique final. partir du Boréal et le reste de nos données lais- Ce matériel, relevé en prospection, par Feuvrier sent envisager, à partir de cette date, le repli de la (1908 : 597 ; 1916 : 218-219) au début du XXème siè- rivière, vers la plaine, en direction de la zone de cle, se localise à Neublans (n°34, 193, 238, 189, 39) Neublans nord-est. dans un espace relativement homogène compris entre La Tuilerie et l’Étang du Meix (n°34, 193, 238) 1.2. La Protohistoire c’est-à-dire sur le plateau bressan, sans d’ailleurs que nos propres contrôles sur place aient corro- Concernant la Protohistoire, les indices d’occupa- boré ces découvertes.