Les Mottes Castrales En Bresse Bourguignonne
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Patrimoine archéologique LES MOTTES CASTRALES EN BRESSE BOURGUIGNONNE Annie Bleton-Ruget Photographies Claude Elly Motte de Saint-Germain-du-Bois. Panorama basse cour. Considérée trop souvent comme une région pauvre en vestiges archéologiques dignes d’at- tention, la Bresse bourguignonne a pourtant retenu de manière précoce, dès le XVIIIe siècle, l’attention des érudits. Au cours du XIXe siècle et jusqu’à nos jours les sociétés savantes locales et leurs sections archéologiques ont travaillé à la collecte d’objets, au repérage des sites et parfois à leur étude archéologique. L’intérêt pour les objets préhistoriques et les sites gallo- romains (Romenay ou Châteaurenaud) s’est étendu aux tertres, aux mottes et à l’habitat fortifié. Motte de Saint-Germain-du-Bois. Entrée. 18 Les Mottes castrales TERTRES ET MOTTES : DE L’INVENTAIRE À L’É T U DE La Bresse bourguignonne est une des régions de France où se concentre un grand nombre de tertres, de mottes ou de poypes (en Bresse de l’Ain) : ces buttes artificielles qui marquent le pay- sage. A différentes époques, ces monticules de terre ont attiré l’at- tention des archéologues. Dès le XIXe siècle, Marcel Canat de Chizy a fait un premier recen- sement des mottes féodales de l’ancien bailliage de Chalon-sur- Saône, à une époque où l’attri- bution de ces constructions à l’époque médiévale était loin de faire l’unanimité. Dans les années 1960, c’est une équipe du Groupement Archéologique du Mâconnais conduite par Georges Berthoud et Georges Hurou, récemment disparu, qui entreprend le recensement de plus d’une cen- taine de mottes. Motte de Saint-Germain-du-Bois. Panneau. Le chantier est poursuivi et systé- matisé au cours des années 1970-1980. La Bresse connaît alors de profondes transformations de son parcellaire et de ses paysages. Les prairies qui avaient longtemps été ou- vertes à la vaine pâ- ture et avaient accueilli beaucoup de tertres en bordure des rivières (Saône et Seille) sont mises en culture. Le remembrement conduit à l’arrachage du bo- cage et au déboisement de certains sites restés jusque-là sous l’égide de l’Ecomusée de la naise, Amis du Vieux Cuisery, Parmi tous les sites recensés protégés et désormais mis à nu. Bresse bourguignonne qui venait Amis de l’Instruction de Sagy, très peu avaient été fouillés. Bientôt les lotissements s’ins- de s’implanter, à répertorier les Amis de Cuisel, Société d’histoire Les fouilles du tumulus des Mu- tallent sur des emplacements sites et à les mettre en fiches afin et d’archéologie de Chalon-sur- raignes faites par Albert Barthè- d’accès facile, d’autant plus de recueillir toutes les informa- Saône, Groupe d’Etudes Histo- lemy dans la prairie de la Seille en appréciés qu’ils jouxtent sou- tions disponibles. L’enquête s’est riques de Verdun-sur-le-Doubs, 1976-1977 et le matériel collecté vent les bourgs. poursuivie sur le terrain, pour lo- Splendide Bourgogne et le GAM). (des bracelets de schiste, des Pour tenter de sauver ce qui caliser les éminences et effectuer Au total plus de 150 mottes ont silex, des tessons d’urne) ont pouvait encore l’être, à l’initia- des contrôles. Les différentes été recensées et le recours aux conduit à l’hypothèse d’une data- tive d’Albert Barthélemy, pré- sociétés savantes et associations photographies aériennes réali- tion hallstattienne. Le plus connu sident du CDRA et du GAM, une historiques du territoire ont été sées par Pierre Buvot, François était incontestablement la motte vaste enquête a été lancée en mobilisées pour mener à bien Cognot, Jean-Paul Bourguignon de Loisy, située à une dizaine Bresse bourguignonne de 1985 les opérations (Amis des Arts de et Michel Maerten a grandement de kilomètres de Tournus, déjà à 1990. L’opération, menée par Daniel Barthelèmy, consistait, Tournus, Amis des Arts et des contribué à en préciser les struc- repérée par Gabriel Jeanton dans Sciences de la Bresse louhan- tures, voire les fonctions. son Mâconnais gallo-romain. Les 19 Les Mottes castrales veau présentées à cette occa- sion, deux d’entre elles offraient un intérêt certain, outre leur bon état de conservation. Celle de Saint-Germain-du-Bois, la motte Futigny, est une proprié- té communale, située dans le bourg du village, tout près d’une coulée verte, ce qui offrait un site agréable pour une mise en valeur. A Flacey-en-Bresse, la motte appartient à un propriétaire privé, mais elle est installée à proximité immédiate de la mairie, une belle maison noble à pan de bois du XIVe siècle : ici encore la valorisation patrimoniale pouvait s’engager. Pour chacune de ces mottes, l’idée d’un panneau d’interpré- tation a été retenue, à placer à proximité. L’objectif était avant tout pédagogique : attirer l’atten- tion sur ce patrimoine original si souvent dédaigné. Le contenu des panneaux a été conçu en Saint-Germain-du-Bois. Motte et fossé. collaboration avec le CECAB (cf. le texte d’Hervé Mouillebouche, Mottes castrales et Maisons fortes), le GAM et le CDRA. La fouilles ont été entreprises par beaux spécimens de mottes car- nos cadastres. On doit à Jean- reprise d’une séquence de la Georges Berthoud et Georges rées ou polygonales (la motte Paul Bourguignon et à Claudine tapisserie de Bayeux permet de Hurou de 1966 à 1975, sur un de Montjay), rondes (La Ser- Paczynski une meilleure connais- faire comprendre le principe de site très largement entamé par la rée à Ormes), parfois doubles sance de ces plates-formes qui construction (l’emmottement du Seille. Si la motte ne présentait ni (Varennes-Saint-Sauveur), avec ont porté tantôt des châteaux à château d’Hasting), un croquis fossés, ni basse-cour, tout juste leurs fossés et quelquefois ce- mottes, tantôt de véritables mai- propose un essai de restitution des restes d’une palissade de lui qui entourait la basse-cour. sons fortes. Sans pouvoir jouir d’un château sur motte et deux bois, la richesse du mobilier re- Concernant celle de Loisy, les du prestige de la ruine et de sa études historiques menées par cueilli a permis d’en comprendre recherches en archives ont solidité, ces modestes édicules Claudine Paczynski viennent le contexte. Les fers à chevaux confirmé l’existence d’un château n’ont pas toujours échappé à la authentifier l’existence de ces et les éperons, les ossements sur le site, mentionné dans une destruction. mottes et de leur maison forte. d’animaux de toute sorte, la pré- charte du cartulaire de Cluny. La mieux connue est incontes- sence de pièces de jeu d’échec A partir des années 1990, la dé- LA VALORISATION tablement celle de Flacey-en- en bois de cerf, aujourd’hui pré- marche qui consiste à confronter PATRIMONIALE Bresse. On rencontre des men- sentés au Musée des Ursulines les données historiques tirées C’est sur ce constat du risque tions de la maison forte dans des de Mâcon, témoignaient d’une des archives et les données de disparition de ces témoins textes du XIVe siècle, dès 1324. civilisation aristocratique. Quant archéologiques recueillies sur de l’histoire de la féodalité et de Au cours des siècles, différentes à la datation, à partir de l’étude de le terrain a été très largement son implantation en Bresse que familles ont été propriétaires de la céramique, de deux monnaies mise en œuvre par l’Association la Fédération des Associations la seigneurie de Flacey. En 1358, et du recours au carbone 14, pour la recherche sur l’habitat historiques et scientifiques de la elle a été acquise par Jean de elle attestait que le seigneur médiéval fortifié (A.R.H.M.FORT), Bresse bourguignonne (BRIXA) Salins. Elle est passée ensuite, de Loisy et sa maisonnée rési- aujourd’hui Centre de Castellolo- s’est engagée dans une opéra- par héritage, à son fils Henri, puis daient au château à la fin du eX gie de Bourgogne qui s’est donné tion de valorisation de deux de à son arrière-petite-fille, Guigone, siècle et au début du XIe siècle. pour objet l’étude de l’habitat ces mottes. Le point de départ qui l’avait reçue à la mort de sa Cette découverte permettait de médiéval fortifié en Bourgogne a été le centenaire de la Société sœur, Renaudine de Salins, dame mieux individualiser les mottes (les mottes, les maisons fortes des Amis des Arts de la Bresse de Beaufort. Devenue, en 1423, castrales, au sein des tertres, et les châteaux de pierre). Pour louhannaise en 2011, association l’épouse de Nicolas Rolin, chan- comme des témoins d’un mode la Bresse bourguignonne, à qui avait beaucoup travaillé à l’in- celier du duc de Bourgogne, et d’occupation et de contrôle du défaut de châteaux, les mottes ventaire dans les années 1980, et également seigneur d’Authumes, sol à l’âge féodal. prenaient une nouvelle actualité, la conférence faite à cette occa- Guigone de Salins a conservé en Les clichés aériens en vue dès lors que l’on pouvait tenter sion par François Cognot à partir propre la seigneurie de Flacey. oblique, pris à basse altitude, d’en retrouver l’histoire dans les de son travail de photographie Aux XVIe et XVIIe siècles, la sei- sont venus corroborer ces papiers seigneuriaux et les traces des mottes. gneurie appartient à la famille de conclusions en offrant quelques sur les plans-terriers ancêtres de Parmi celles qui ont été à nou- Coligny. A la veille de la Révolu- 20 Les Mottes castrales Motte de Flacey-en-Bresse de Saint-Germain-du-Bois et de Flacey-en-Bresse ont joué le jeu en signant des conventions avec la Fédération des associa- tions historiques de la Bresse bourguignonne et en participant au financement des panneaux d’interprétation.