La Restitution Internationale Des Biens Culturels Aux Xixe Et Xxe Siècles
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Université de Limoges École doctorale Science de l’Homme et de la Société (ED 88) Faculté de Droit et des Sciences Économiques OMIJ Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de Limoges Discipline : Histoire du Droit présentée et soutenue publiquement par Xavier Perrot Le 7 décembre 2005 *** La restitution internationale des biens culturels aux XIXe et XXe siècles. Espace d’origine, intégrité et droit Volume 1 – Texte *** Directeur de la Thèse : M. Pascal TEXIER, Professeur à l’Université de Limoges Jury M. Jacques PHYTILIS, Professeur honoraire des Facultés de Droit, rapporteur me M Brigitte BASDEVANT-GAUDEMET, Professeur à l’Université de Paris-XI, rapporteur M. François JANKOWIAK, Professeur à l’Université de Limoges elle M Hélène PAULIAT, Professeur à l’Université de Limoges, Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques M. Alain TAPIE, Conservateur en chef du Patrimoine, Directeur du Palais des Beaux-arts de Lille II Abréviations et sigles Origine des documents : Les séries utilisées sont celles des Archives Nationales, du ministère des Affaires étrangères et des musées nationaux. AMAE Archives du Ministère des Affaires étrangères. AMN Archives des musées nationaux. AN Archives Nationales. Sigles : A.A.A.A. Annuaire de l’association des auditeurs et anciens auditeurs de l’académie de droit international de La Haye. A.F.D.I. Annuaire français de droit international. A.H.S.S. Annales, histoire, sciences sociales. A.J.D.A. Actualité juridique de droit administratif. A.P.D. Archives de philosophie du droit. B.E.C. Bibliothèque de l’école des chartes. C.I.T.R.A. Conférence Internationale de la Table ronde des Archives. Chr. Chronique D. Dalloz. Doct. Doctrine. IR Informations rapides J.C.P. Juris-classeur périodique (Semaine juridique) J.D.I.P. Journal de droit international privé (Clunet). J.d.T. Journal des tribunaux. J.O.A.N. Journal officiel de l’Assemblée Nationale. J.O.C.E. Journal officiel des communautés européennes. J.O.R.F. Journal officiel de la république française. JP Jurisprudence. L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence. M.S.H. Maison des sciences de l’homme. P.A. Petites affiches. P.U.A.M. Presses universitaires d’Aix Marseille. P.U.L.I.M. Presses universitaires de Limoges P.U.F. Presses universitaires de France. R.C.A.D.I. Recueil des cours de l’académie de droit international. R.C.D.I.P. Revue critique de droit international privé. R.D.P. Revue de droit public. R.F.D.A. Revue française de droit administratif. R.G.D.I.P. Revue générale de droit international public. R.H.D. Revue d’histoire du droit français et étranger. R.R.J. Revue de la recherche juridique. R.T.D.Civ. Revue trimestrielle de droit civil. III 2 Introduction La circulation des œuvres d’art, des objets symboliques, régaliens, scientifiques ou des archives suit inlassablement celle des hommes ; Pausanias, déjà, retrace l’histoire du pillage des œuvres d’art depuis les origines1. Le phénomène est constant et ce jusqu’à la période contemporaine. Le commerce des objets d’art, qu’il soit licite ou non, a aujourd’hui investi si fortement le secteur de l’art et de la culture que les déplacements et les transferts de propriété se sont considérablement accrus. Ces biens particuliers sont désignés sous l’appellation générique de « biens culturels »2. Une telle qualification juridique pose un certain nombre de questions, notamment parce qu’elle peut être entendue comme un oxymore, à la fois bien (matériel) et culturel (immatériel)3. Elle menacerait alors de diluer la spécificité et la singularité de ces objets dans des catégories juridiques englobantes. La question de l’espace dévolu à de tels biens, celle de leur origine culturelle, se pose également, notamment lorsque ces derniers se trouvent confrontés aux transferts et réappropriations à la suite d’un conflit, d’une période de domination ou de la patrimonialisation du domaine public. C’est le problème du sens des œuvres qui se trouve ici posé, lorsque des objets arrachés à leur contexte sont projetés dans un contexte exogène. Une multiplicité de facteurs semble mettre en danger l’intégrité culturelle d’objets convoités et potentiellement mobilisables. Les marbres du Parthénon sont-ils ainsi à leur place au British Museum de Londres ? La victoire de Samothrace ou l’obélisque de Louxor à Paris ? L’autel de Pergame à Berlin ? Ou encore les cloîtres romans français au Cloisters de New York ? De telles interrogations mettent en conflit des intérêts contradictoires (mémoriel, esthétique, économique et marchand, idéologique), les limites du droit positif et le rapport qu’entretient l’Occident notamment à l’espace, au temps et à la diversité des cultures. Dans ces conditions la restitution constitue un enjeu culturel et politique que le droit n’ignore pas, notamment depuis le début du XIXe siècle ; elle nécessite de définir ce qu’est un bien culturel, notamment au regard de la notion de patrimoine qui tend à l’englober (1). La restitution souligne par ailleurs le fait qu’un transfert du bien culturel a eu lieu, après un vol, une 1 PAUSANIAS, Itinéraire, VIII, 46, 1-4. 2 Le droit des biens culturels est actuellement l’objet d’une attention accrue de la part des juristes, tant chez les positivistes (Master Recherche « Droit des Biens Culturels », sous la direction de Jean-Michel Bruguière ; l’équipe « droit de la culture » (dir. Marie Cornu) rattachée au Centre d’études sur la coopération juridique internationale (CECOJI), associant l’université de Poitiers et le CNRS), que chez les historiens du droit, (Master Recherche « Métiers de la mémoire et du patrimoine », Aix-Marseilles III sous la direction de Christian Bruschi ; Master « Parcours Droit du patrimoine Historique et Culturel », Clermont-Ferrand, sous la direction de Florent Garnier et Jacqueline Vendrand-Voyer). Voir Les biens culturels. Legicom, n° 36, 2006/2. 3 Sur la question v. Jean-Marie PONTIER, « La restitution des œuvres d’art », Revue Lamy Droit de l’immatériel, dossier spécial « L’art et le droit », n° 79, 2012/2, p. 89-98, spéc. p. 90. 3 exportation illicite, une guerre, ou une période de domination. En ne négligeant aucune de ces causes, la plupart des exemples retenus dans cette étude traitent toutefois des restitutions consécutives à un conflit armé, parce qu’elles ont présidé à la construction progressive d’un régime juridique international de la restitution des biens culturels. Pour une meilleure compréhension du phénomène, il convient de retracer l’évolution historique du processus de protection juridique du patrimoine culturel en cas de conflit armé (2). La clarification de la notion de bien culturel et la lente prise de conscience des menaces qu’ils encourent, insistent sur l’utilité de la restitution, en lien avec l’intérêt culturel de l’objet en exil (3). Elle souligne enfin la nécessité d’apporter des solutions adéquates qui déterminent la méthode et le plan de cette recherche (4). Des biens culturels au patrimoine culturel La problématique de la restitution nécessite de définir ce qu’est un bien culturel, sans omettre de l’associer à la notion, plus vaste, de patrimoine culturel et sa fonction de transmission (a). Cette notion doit donc être clarifiée à son tour, spécialement dans son acception occidentale puisqu’elle renvoie à un rapport singulier au temps, à l’espace et au statut des objets mémoriels (b). 1. Le statut des biens culturels Pierre Legendre a bien remarqué à propos des objets, qu’ils sont « d’abord nos semblables, en ce qu’ils sont quelque chose de nous-mêmes, partie précieuse de ce qu’il y a pour l’homme de plus précieux, son image. »4 Un lien vital unit les hommes aux traces laissées par eux, traces qu’il convient de protéger pour témoigner du passage de l’Homme. La notion de patrimoine culturel, en tant qu’« œuvres de l’Homme », relève donc d’une symbolique de l’héritage et de sa nécessaire transmission. Cette notion peut être considérée comme l’expression traditionnelle de la chaîne des générations. C’est ce que suggère Dominique Poulot dans la définition qu’il en donne : « un corpus d’œuvres valorisées, définissant l’univers symbolique d’un groupe social, en privilégiant un petit nombre d’objets culturels comme autant de ses symboles favoris » et que le groupe souhaite préserver afin de les transmettre aux générations futures5. Dans un sens proche, Pierre Legendre attribue au patrimoine une fonction généalogique et entend celui-ci comme « l’acte de transmettre à travers les générations. »6 Si depuis le patrimonium du droit romain la survie de la mémoire 4 Pierre LEGENDRE, L’inestimable objet de la transmission. Étude sur le principe généalogique en Occident, Paris, Fayard, 1985, p. 23. 5 Dominique POULOT, Une histoire du patrimoine en Occident, Paris, PUF, 2006, p. 10. 6 Pierre LEGENDRE, L’inestimable objet de la transmission..., op. cit., p. 50. 4 des pères dépend des biens transmis aux enfants, dans le même sens, avec le patrimoine culturel, ce sont les symboles du groupe qui sont transmis pour que survivent l’histoire et l’identité des communautés humaines. Immédiatement on saisit que le concept de patrimoine culturel dépasse le cadre restreint des simples biens culturels, avec lesquels on le confond parfois. Pour s’en convaincre il suffit de se reporter à la définition qu’en donne Jean Salmon : « les biens culturels sont les moyens matériels et immatériels par lesquels s’expriment et se manifestent les cultures. » 7 La qualification juridique « bien culturel » est tardive ; elle n’apparaît officiellement qu’avec la convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé8.