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Ciné-Bulles

La ceinture souillée Redbelt de Olivier Thibodeau

Volume 26, Number 3, Summer 2008

URI: https://id.erudit.org/iderudit/60817ac

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Publisher(s) Association des cinémas parallèles du Québec

ISSN 0820-8921 (print) 1923-3221 (digital)

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Cite this review Thibodeau, O. (2008). Review of [La ceinture souillée / Redbelt de David Mamet]. Ciné-Bulles, 26(3), 62–63.

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de In the Mood for Love, My Blueberry et de snack-bars. Ainsi, le rose et le vert Redbelt Nights est farci de dialogues qui parfois des lumières fluorescentes ressortent àmer ­ sonnent faux et donnent au film un aspect veille des ambiances feutrées dans les­ de David Mamet superficiel. Rarement a-t-on autant parlé quelles le réalisateur prend visiblement • — souvent pour dire peu de choses — plaisir à installer ses histoires de cœurs dans les œuvres précédentes du cinéaste. brisés. Il faut également voir My Blue­ La ceinture berry Nights pour les magnifiques scènes souillée Cependant,cett edérive ,tan t géographique de nuit, captées par le directeur de la pho­ quesentimentale ,s'avèr e teintéed'un e légè­ tographie Darius Khondji, qui servent de OLIVIER THIBODEAU reté absente de 2046 ou de Fallen Angels transitions entre les différents segments. (1997). My Blueberry Nights propose D'ailleurs,ce simage s d'un NewYor knoc ­ néanmoins des instants délectables, surtout turne ne sont pas sans rappeler l'œuvre la n film d'arts martiaux de David Mamet? Le dramaturge a-t-il dans lepremie rchapitr e tourné àNe wYork , plus réussie du cinéaste, Chungking Ex­ changé de cap au gré de la brise? la nuit, dans un restaurant de quartier. Le press (1995),qu i avait été filmée dans les U Ouie tnon .Faut e de jurisprudence,o n pour­ cinéaste fait ressortir de cet endroit une ruelles de Hong-Kong aux petites heures rait le qualifier de «tragédi e martiale ». atmosphère chaleureuse etaccueillant e pré­ du matin alors qu'il travaillait le reste de C'est unbe lovn i qui,malheureusement , ris­ cisément lorsque lesdeu xpersonnage s prin­ lajourné e à d'autres projets. que devit e quitter lescieu x hollywoodiens, cipaux s'apprivoisent mutuellement, après car il y a fort à parier que les spectateurs la fermeture du commerce. Par contre, la Danscett e grande poésied el'imag e jamais avides de sensations fortes seront rebutés chimie entre le personnage d'Elizabeth et lassante,l e cinéaste continue de filmer les par son verbiage et sa moralité. les étrangers qu'elle rencontre au cours de femmes avec une envoûtante sensualité. son périple n'opère pas toujours. Cela est Après l'ensorcelante Maggie Cheung et la Dans ce film, incarne dû en grande partie au manque de consis­ pétillante Gong Li,c'es t au tour de Norah MikeTerry , un professeur de jiu-jitsu dont tance,e n matière de profondeur psycholo­ Jones de faire chavirer les cœurs. Alors la rectitude morale constitue un fardeau gique, des protagonistes secondaires qui qu'on la découvre assoupie au comptoir dans unmond eo ù règne l'avarice.Pa rprin ­ sont poutant incarnés de façon plutôt con­ du snack-bar de Jeremy, un soupçon de cipe,i l refuse decompétitionner , bien qu'il vaincante par des acteurs de renom tels crème glacée au bord des lèvres, on est pourrait ainsi alléger sesproblème s moné­ que Rachel Weisz (The Constant Garde­ séduit par cette image enchanteresse. taires.Cett edéterminatio n autodestructrice ner) et Natalie Portman (Golden State). Confirmant son raffinement visuel, Wong se poursuit jusqu'au jour où le sort l'ac­ Kar-wai demeure plus que jamais le spé­ cable de telle sorte qu'il se trouve forcé de participer contre son gré à un tournoi où Si l'intrigue n'est pas des plus passionnan­ cialiste d'une mise en images toute asia­ les principes premiers des arts martiaux tes, la griffe du réalisateur s'avère toute­ tique et totalement singulière. Il faut sont dénaturés au profit du spectacle. fois éloquente sur le plan formel. D'une maintenant espérer qu'il puisse sortir del a élégance suprême et d'un style totalement redondance des récits d'amour pur et Malgré sa narration linéaire,Redbel t neli ­ assumé, My Blueberry Nights peut aisé­ révolu dans laquelle il patauge depuis le vrepa s sessecret s sifacilement . C'est avant ment être admiré pour sa beauté formelle. succès international de In the Mood for tout une œuvre symbolique dont les aléas Le maniérisme duréalisateu r s'affiche dans Love. • du récit s'inscrivent dans la constatation cette œuvre aérienne et gracieuse au pos­ globale que fait l'auteur : l emond e contem­ sible. Toujours aussi perfectionniste lors­ My Blueberry Nights porain est corrompu par l'argent. Ce n'est qu'il s'agit d'étaler son savoir-faire, il use pas là un thème nouveau, mais grâce à lui, de procédés déjà expérimentés dans ses 35 mm / coul. / 95 min / 2007 / fict. / on retrouve le Mamet des beauxjour s (on Hong-Kong-France-États-Unis précédents projets.Ainsi ,le s mouvements pourrait aller jusqu'à affirmer que Red­ de caméra auxquels on intègre des ralentis Real. : Wong Kar-wai belt est au jiu-jitsu cequ e Glengarry Glen hypnotiques sont toujours aussi présents, Seen. : Wong Kar-wai et Lawrence Block Ross était à l'immobilier). Qui plus est, conférant au film un effet lancinant. Kar- Image : Darius Khonji Mus. : Ry Cooder puisqu'on applique ce thème aux films wai utilise également le rayonnement des Mont. : William Chang Suk Ping d'arts martiaux,un e nouvelle dimension se néons afin de confectionner des éclairages Prod. : A JetTon e Films profile.Ainsi ,au-del à de la critique sociale gonflés de halos lumineux donnant un Dist. :Équinox e Films Int. : Norah Jones, Jude Law, Rachel Weisz, qu'il propose,c efil m est assorti d'une cri­ caractère irréel à plusieurs scènes de bars Natalie Portman tique du genre.

62. VOLUME 26 NUMÉRO 3 CME3ULLES Redbelt - PHOTO : LOHEY SEBASTIAN Ce qui ressort ici n'est donc pasu n film Redbelt se rapproch e davantage des films lité)e tl e Ma l (l'avarice).Mame t met ainsi d'arts martiaux qui veut plaire à tou t prix des frères Shaw des années 1970qu e de en scène divers degrés de corruptio n dont (oubliez les coups de pied volants etle s leurs nombreuses variations occidentales. le degré zéro est incarné par son héros, revers mortels), mais plutôt une réflexion Comme dans The 36 thChambe r of Shao- Terry. sur cequ el e genre a perdu dans sa com­ lin ou Shaolin Temple,pa rexemple , c'est mercialisation outrancière.Depui s quelques icil a rectitude et l adisciplin e qui sont sour­ En somme, Redbelt est une sorte d'ex­ années, on note une tendance à s'appro­ ces de pouvoir et garantes de la victoire. pédition «archéologiqu e »qu i sonde notre prier les formes de combat étrangères, à Ce n'est pas la force , letalen t ou l'habileté monde moderne à l arecherch e d'une huma­ en délaisser les principes premiers au pro­ miraculeuse des héros d'arts martiaux con­ nitéenfoui e sous lesbillet s verts.U n franc fit du spectacle. Au cinéma comme dans temporains quidétermin e l'issue ducombat . succès,certe s un peu simpliste,mai s néan­ l'arène, il n'y a plus que les apparences moins universel. • qui comptent. Plus spécifiquement, le film pose laquestio n du marchandage des mixed Le succès par associatio n oupa r opportu ­ martial arts; plus subtilement, par sa seule nisme sans un travail quotidien acharné est Redbelt existence, il questionne la valeur du film une autre forme decorruptio n que dénonce d'arts martiaux contemporain. Mamet en exaltant les vertus de son prota­ 35 mm / coul. / 99 mi n / 2008 / fict. / États-Unis goniste. L'existence dec e dernier répond Real,e t scén . : Davi d Mamet Cedernie r aparticulièremen t étéérod é par à des principes stricts età u n cod e d'hon­ Image : Rober t Elswit Hollywood qui en a rejette l'essence au neur infaillible, tandis que tous lesantago ­ Mus. : Stephen Endelman Mont. : Barbar a Tulliver profit des apparence s aguichantes. Le ré­ nistes sont devain sexploiteurs .Ici ,Mame t Prod. :Chrisan n Verges sultat est qu'on perd de vue tout e l'idéo­ ne s'embarrasse pas d'ambiguïté s dans le Dist. : Métropol e Films logie que sous-tendait le genre. En reve­ développement des personnages :i l forme Int. : Chiwete l Ejiofor, , Tim Allen, , JoeMantegna , Max Martini, nant àcett e dimension plus philosophique, un clivage saillant entre le Bien (la mora­ Rodrigo Santoro

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