JEAN DE BUEIL DU MÊME AUTEUR

SANCERRE ET SON VIGNOBLE TOURISTIQUE Editions de La Nouvelle République, Tours, 1987 ,UN MILLÉNAIRE D'HISTOIRE Editions Delayance, La Charité-sur-Loire, 1987 ( Épuisé ) SANCERRE ET LA REVOLUTION FRANCAISE Édition du Syndicat d'Initiative de Sancerre, 1989 ( Épuisé ) ETIENNE DE CHAMPAGNE, PREMIER COMTE DE SANCERRE Chez l'auteur, avenue de Verdun, 18300 Sancerre En préparation : PERRINET GRESSART et sa "principauté" nivernaise JACQUES FAUGERAS Membre de la Société d'Archéologie et d'Histoire du Berry

JEAN DE BUEIL Comte de Sancerre Amiral de France "La France jusque-là vivait de la vie communè et générale du Moyen-Age autant et plus que la sienne ; elle était catholique et féodale avant d'être française. L'Angleterre l'a refoulée dûrement sur elle-même, l'a forcée de rentrer en soi. La France a cherché, a fouillé, elle est descendue au plus profond de sa vie populaire ; elle a trouvé quoi ? LA FRANCE. Elle doit à son ennemi de s'être connue comme nation." Jules MICHELET Histoire de France (Livre XI, chapitre 3) PRÉFACE

Comte de Sancerre sur le tard, rarement présent sur le piton, et encore en coup de vent, Jean de Bueil n'en appartient pas moins à l'histoire de la belle terre berrichonne dont il hérita en 1451 et qu'il gouverna avec autorité, même si ce fut de loin. Jacques Faugeras, dans son exploration tenace de l'histoire sancerroise, ne pouvait manquer de le rencontrer. Il avait déjà dans ses collections un maréchal de France. Il y place aujourd'hui un amiral de France. Surtout, on sent bien qu'il a succombé au charme du "Jouvencel", ce roman à base autobiographique qui eut tant de succès à la fin du Moyen-Age. Car il y a tout Bueil dans le "Jouvencel", constate avec raison Jacques Faugeras. Mais voilà -pour monter en selle derrière le "Jouvencel" et "s'introduire aux armes" avec lui, pour suivre Jean de Bueil dans ses innombrables chevauchées et passes d'armes- il faut de la santé et du souffle. Jacques Faugeras n'en manque pas, le lecteur pourra s'en assurer. Jean de Bueil a vécu pour faire la guerre, comme on la faisait au XVe siècle, fraîche et joyeuse serait-on tenté de dire en ajoutant : mêlée parfois de réels dangers, pour reprendre des expressions célèbres. Le "noble bataillant" n'était pas toujours à la fête ; mais somme toute, lorsque Jean de Bueil, ayant fait son adieu aux armes vers 1463, retiré les pieds sur les chenêts dans son beau château de Vaujours en Touraine, commence à se remémorer cinquante ans d'aventures militaires, on croit deviner le fond de sa pensée : "Oh Dieu ! Que la guerre était donc jolie..." Dans la foule des anciens combattants de tous les temps et de tous les pays, tout le monde n'a pas eu la chance d'être le compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, de Dunois, de Gilles de Rais et même du jeune Dauphin Louis, d'avoir pour adversaires Falstaff et Talbot immortalisés par Shakespeare, tout le monde n'a pas eu l'honneur de signer le protocole de reddition de la ville (anglaise) de Bordeaux, qui mit fin à la Guerre de Cent Ans, le 18 octobre 1453. Jacques Faugeras nous dit tout celà, et beaucoup plus, en suivant la carrière vagabonde de son héros à travers tout le XVe siècle et sur tous les chemins du royaume. Le donjon de Sancerre est un observatoire panoramique pour l'historien. JEAN-YVES RIBAULT AVERTISSEMENT

Les habitants de la vieille cité de Sancerre, du Sancerrois, du Berry et d'une partie de la Nièvre qui ont apprécié SANCERRE, UN MILLENAIRE D'HISTOIRE MOUVEMENTÉE, suivi avec sympathie la vie tumultueuse d'ETIENNE DE BLOIS-CHAMPAGNE, PREMIER COMTE DE SANCERRE, approfondi dans SANCERRE ET LA REVOLUTION les grands bouleversements qui, sur le piton comme ailleurs, ont transformé la société française, ne seront pas les seuls intéressés, je l'espère, à découvrir un personnage illustre en son temps ("le fléau des Anglais !") et pourtant bien négligé par l'Histoire. Jean de Bueil, Amiral de France, comte de Sancerre, s'est battu comme un lion pendant trente ans pour le roi de France. Défenseur contre les Anglais et leurs alliés du Maine, de l'Anjou, de la Touraine, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, ayant été le dernier chef de guerre français à ravitailler Orléans assiégée, il a largement contribué par la suite à la reconquête de la Normandie et de la . Ce n'est qu'à lui, après la victoire de Castillon, et pas à un autre, que Roger de Camoys, sénéchal de Guyenne pour le roi d'Angleterre, a accepté de s'adresser pour négocier la capitulation de Bordeaux qui allait mettre le point final à la terrible Guerre de Cent Ans ! Entre temps, ayant hérité du comté de Sancerre, il avait remodelé la ville et transformé profondément et de façon durable l'activité économique et commerciale de la cité. Sa biographie devrait donc intéresser les Orléanais, les Manceaux, les Tourangeaux ... et les Bordelais tout autant que les Sancerrois et les Berrichons ! Né petit seigneur du Maine, Bueil n'a dû qu'à son courage, à sa valeur de capitaine et de diplomate et à sa fidélité la dignité d'Amiral de France que Charles VII lui a décernée et le collier de Chevalier de l'Ordre de Saint Michel remis par Louis XI dès la création de cette prestigieuse distinction. De plus, n'a-t-il pas été l'un des premiers auteurs de romans historiques ? Dans LE JOUVENCEL INTRODUIT AUX ARMES, écrit à la fin de sa vie, livre de souvenirs autobiographiques mais à clés, il a entendu initier les jeunes nobles à l'art et à la ... morale de la guerre. Jean FAVIER, l'éminent historien spécialiste du Moyen-Age, directeur général des Archives de France, écrira : "A mi- chemin de l'Histoire et de la pédagogie, ce livre à clés a la valeur d'un témoignage sincère." Pourtant, il faut le reconnaître, l' Histoire méconnaît Bueil, l'oublie trop souvent. Est-ce parce qu'il n'est pas neveu de roi comme son ami Jean de Longueville, né "batard d'Orléans", plus tard comte de Dunois ? Qu'il n'est pas Connétable, comme Arthus de Richemont, futur duc de Bretagne ?

Ni universitaire ni historien, ni littérateur ni chartiste, je me contente de raconter "en réunissant dans un corps d'ouvrage", comme l'écrivait l'abbé Vincent Poupard dans la présentation de son HISTOIRE DE SANCERRE, tout ce que j'ai relevé dans les différents mémoires, études et documents que j'ai pu consulter. Mes recherches étant parties de Sancerre, le lecteur ne s'étonnera pas si -et notamment dans les premiers chapitres- il est souvent fait allusion à la vieille cité et à la situation militaire sur les deux rives de la Loire, entre Saint-Pierre-le-Moutiers et Bonny-sur- Loire... bien avant que Jean de Bueil n'hérite du comté de Sancerre. De même, chaque fois que je l'ai pu, j'ai souligné la fidélité des alliés écossais du roi de France et rendu hommage aux Stuarts, encore de nos jours restés si présents dans le coeur de mes amis albiniens qui pérennisent cette fraternité d'armes et qui viennent de créer un remarquable musée de "l'Auld Alliance". Je n'ai pas cru devoir surcharger ce travail de notes "en bas de pages" mais il est évident qu'il n'aurait pû être mené à bien sans recours aux travaux antérieurs d'historiens et d'érudits locaux, du Berry et de Touraine notamment. Je renvoie le lecteur à la bibliographie sommaire qu'il trouvera en fin d'ouvrage. Je dois une pensée émue à la mémoire de Camille Favre, auteur de la très dense introduction donnée en 1889 au texte du JOUVENCEL annoté de magistrale façon par Léon Lecestre et édité par la Librairie de la Société d'Histoire de France. Et comment ne pas me souvenir avec émotion d'André Mareuse, érudit sancerrois, qui légua à la Ville de Sancerre le très riche fonds régional de sa bibliothèque, trésor quasi- inépuisable de documentation sur le Berry ! Merci à Madame Geneviève Bailly, documentaliste à la Direction des Archives du Cher, qui m'a aidé dans ma recherche de documentation. Comment oublierais-je l'accueil si sympathique réservé à mes interrogations par Madame H. Avisseau, conservateur du Service des Archives de la Gironde, Madame R. Malveau, documentaliste à la direction des services d'Archives d'Indre-et-Loire, Madame Michèle Prévost, conservateuyr de la Bibliothèque municipale de Tours, le Père P. Permantier, de l'Ermitage Sainte-Trinité de Grandmont-Villers, et par de nombreux correspondants. Tous, avec spontanéité et courtoisie, ont mis à ma disposition la documentation et l'iconographie dont ils disposaient. Je remercie aussi Monsieur et Madame Jérome Pezy qui m'ont si aimablement accueilli sur les ruines du château de Vaujours, propriété familiale. Enfin, j'exprime ma gratitude la plus chaleureuse à Monsieur Jean-Yves Ribault, directeur des Archives du Cher, qui, une nouvelle fois, a bien voulu me faire l'honneur et l'amitié de préfacer cette modeste contribution à l'histoire des comtes de Sancerre.

J.F. 1

GUERRE DE CENT ANS OU GUERRE DE TROIS SIECLES ?

Ce 17 août 1424, deux armées sont face-à-face sous les murs de Verneuil-sur-Avre, entre Alençon et Evreux. Celle de Charles VII, roi de France, et celle de Jean, duc de Bedford, Régent du Royaume de France au nom de son neveu, Henri VI, "roi de France et d'Angleterre", âgé de... trois ans. Y aurait-il deux rois en France? Remontons aussi brièvement que possible le temps pour nous remémorer la triste situation du Royaume moins de deux ans après la mort de Charles VI, "le roi fol".

l'Histoire aLe retenu long sousaffrontement le nom de Guerrefranco-anglais de cent ans que a, en fait, commencé dès 1152 et il ne se terminera qu'en 1453, trois siècles plus tard. Il aura coûté bien du sang et bien des larmes. Surtout aux Français. En mars 1152, après quinze années de mariage, le roi de France Louis VII et sa femme, Alienor, duchesse d'Aquitaine et de Gascogne, comtesse du Poitou, ont divorcé. Ayant recouvré son patrimoine personnel, Alienor s'est remariée deux mois plus tard avec Henri Plantagenet, duc de Normandie et comte d'Anjou. Et, en 1154, Henri a hérité de la couronne d'Angleterre ! Tout en demeurant vassal du roi de France pour ses possessions continentales (tout l'ouest du pays sauf la Bretagne !), le Plantagenet est devenu autrement plus puissant et riche que le Capétien. Depuis, les descendants d'Hugues Capet n'ont eu de cesse d'enlever à leurs vassaux anglais tous les duchés et comtés possédés féodalement dans le Royaume des Lys et, de leur côté, les Anglais ont tenté de soustraire ces possessions à la suzeraineté du roi de France. La situation s'est encore dégradée en 1328, au décès du roi de France Charles IV le Bel, dernier Capétien direct, mort sans postérité. L'assemblée des barons de France a désigné pour lui succéder sur le trône un de ses cousins, Philippe de Valois. Ils l'ont préféré à un autre cousin, Philippe d'Evreux, et à... Edouard III, roi d'Angleterre, neveu du défunt mais aussi petit-fils, par sa mère, du roi de France Philippe le Bel mort en 1314. Il est peu contestable qu'en droit féodal ce dernier aurait dû bénéficier du "droit de priorité" comme cela se faisait pour la transmission des fiefs, le fils d'une soeur passant avant un parent mâle plus éloigné. Pourtant, Edouard a tout d'abord accepté de rendre hommage au nouveau souverain français sacré et couronné sous le nom de Philippe VI. En 1337, le roi de France a confisqué le duché de Guyenne à son vassal et, de plus, il n'a pas hésité à apporter son aide aux Écossais, irréductibles ennemis des Anglais, provoquant ainsi la colère d'Edouard qui, non content de dénoncer l'hommage rendu à Philippe VI, a revendiqué la couronne de France ! De féodal, le différend est devenu monarchique, dynastique. Il en est résulté une série d'affrontements violents. La flotte française a été battue, en 1340, à l'Ecluse, au large des côtes de Flandre, non loin de Bruges. Six ans plus tard, l'armée de Philippe VI a connu un véritable désastre à Crécy. Parmi les innombrables morts, le comte Louis II de Sancerre. Le roi de France Jean II le Bon qui a succédé à son père Philippe VI en 1350 a, lui aussi, connu une très grave défaite, à Poitiers, où il a été fait prisonnier en 1356. Capturé avec son roi, le comte Jean III de Sancerre a été retenu plusieurs années avec lui, à Londres. Pendant sa captivité, Jean III a été contraint de signer le désastreux traité de Brétigny, abandonnant en toute propriété au roi d'Angleterre près du tiers du territoire national ! L'Agenais, le Quercy, le Rouergue, la Bigorre et, dans le nord, les têtes de ponts de Calais, de Guines et du Ponthieu...s'ajoutant, bien entendu, aux anciennes possessions anglaises. Le roi d'Angleterre qui devait recevoir cinq millions d'écus d'or, montant de la rançon de Jean II le Bon, a cependant renoncé à la couronne de France. Le roi Jean a donc été libéré mais, en attendant le paiement intégral de sa rançon, un certain nombre de chevaliers français de haut rang, notamment ses deux fils et le comte de Sancerre pour ne citer qu'eux, sont demeurés à Londres, en otages. En 1361, la Maison capétienne de Bourgogne s'est éteinte avec la mort sans postérité du jeune Philippe de Rouvres. Jean II le Bon a alors annexé le duché pour le donner à son fils puiné qui, sous le nom de Philippe II le Hardi, fondait ainsi la Maison bourguignonne de Valois. Malgré son honnêteté foncière, le roi de France n'a pu parvenir à payer sa rançon. Pire : l'un de ses fils restés en otages, Louis d'Anjou, a renié sa parole en brûlant la politesse à ses geôliers. Pour réparer ce parjure, Jean II n'a pas hésité et est retourné à Londres se constituer prisonnier. Il y est décédé quatre mois plus tard, le 8 avril 1364. Son fils aîné et héritier, Charles V, a été sacré à le 19 mai. Remarquablement secondé par des chefs militaires valeureux - Bertrand Duguesclin, , Jean III de Bueil et Louis de Sancerre notamment - Charles V a réussi à reconquérir la plus grande partie des provinces perdues. A sa mort, en 1380, les Anglais n'occupaient plus en France que Bordeaux, Bayonne, Brest et Calais; leur allié, le roi de Navarre, tenant toujours Cherbourg. Le dauphin de France, Charles, étant déjà orphelin de mère et n'ayant que douze ans, la régence du royaume est revenue à ses oncles: Louis d'Anjou ne pensant qu'à conquérir "son" royaume de Naples, Jean de Berry qui souhaitait surtout vivre en esthète et en mécène dans son apanage berrichon et Philippe II le Hardi qui va en profiter pour jouer le rôle principal.Quatre ans plus tard, recueillant l'héritage de sa femme Marguerite de Flandre - les comtés de Flandre, d'Artois, de Bourgogne, de Nevers, de Rethel et les villes de Salins, Malines et Anvers - Philippe le Hardi s'est trouvé à la tête d'un véritable état capable de rivaliser avec les royaumes de France et d'Angleterre et même avec l'Empire germanique ! En 1385 , Charles VI, roi de France, a épousé Elisabeth (Isabeau) de Bavière qui devait lui donner onze enfants. Quand, en 1388, il a décidé de gouverner seul et a éloigné ses oncles, il s'est entouré de bons conseillers qui avaient déjà (bien) servi l'Etat sous son père. Par dérision, ses oncles et leurs amis les ont appelés "les Marmousets". Le nouveau roi semblait doté de toutes les qualités physiques et morales pour faire un grand souverain, l'avenir s'annonçait sous d'heureux auspices et pourtant... Les premiers symptômes de la folie du roi de France se sont manifestés en 1392. On ignorait alors que crises (de plus en plus proches) et rémissions allaient se succéder pendant trente ans ! En 1397, le roi a confié à Louis de Sancerre, frère puiné du comte de Sancerre Jean III et déjà maréchal de France, l'épée de Connétable faisant de lui le second personnage du royaume. Décédé en 1402, le Connétable Louis de Sancerre a eu l'insigne honneur d'être inhumé en la basilique de Saint-Denis, nécropole des rois de France depuis Dagobert. En Angleterre, le roi Richard II a été renversé en 1399 par son cousin Henri IV de Lancastre rêvant de reprendre les hostilités contre la France...mais en étant empêché par des difficultés intérieures. ISABEAU, TRAÎTRESSE OU VISIONNAIRE ?

L'état de santé de Charles VI empirant, une ordonnance de 1403 a confié la présidence du Conseil et la garde du dauphin à la reine Isabeau pendant les "absences" du roi. En effet, le prince brillant que la princesse bavaroise avait épousé le 13 juillet 1385 était alors sujet à des sautes d'humeur et à des crises de violence. Mais, dans ses moments de lucidité, il n'en continuait pas moins à honorer sa femme avec tant de frénésie (six enfants étaient nés depuis la première crise de démence et un dernier verrait le jour en 1407) qu'il allait falloir, en 1405, lui "donner" une maîtresse pour calmer ses ardeurs ! Isabeau a supporté cette triste situation d'épouse et a trouvé refuge dans l'accomplissement de la rude tâche qui lui était dévolue. Certains -sans jamais apporter de preuves à leurs insinuations- l'ont accusée d'avoir eu une liaison avec Louis d'Orléans, frère du roi, donc son beau-frère. Peut- être s'était-elle simplement rapprochée du premier prince du royaume après son mari pour trouver un appui ! Or, d'appui, elle en avait eu bien besoin car la France était alors en proie non seulement à la guerre étrangère avec l'Angleterre mais aussi à la guerre civile, la plus cruelle et la plus inexpiable de toutes les confrontations. Le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, étant mort en 1404, son fils Jean sans Peur lui a succédé. Une vieille rivalité l' opposant à son cousin Louis, duc d'Orléans, frère de Charles VI, s'est exacerbée à tel point qu'en novembre 1407 Jean a fait abattre Louis en plein . Il en est résulté une véritable guerre. Bernard d'Armagnac, beau-père de Charles d'Orléans fils du duc assassiné, a pris la tête du parti qui s'est formé autour de la veuve, Valentine Visconti, fille du duc de Milan. Charles d'Orléans, qui n'a alors que 18 ans, sera, en 1415, prisonnier des Anglais. Rapatrié, il épousera Marie de Clèves et leur fils régnera sous le nom de Louis XII. Outre ce fils légitime né de Valentine Visconti, Louis d'Orléans avait également un fils naturel, Jean de Longueville, que lui avait donné sa maîtresse, la belle Mariette d'Enghien. Un chroniqueur rendra hommage à la grandeur d'âme de Valentine Visconti en racontant qu'après le meurtre de son mari elle fit venir le bâtard chez elle et le présenta à ses propres enfants en disant:"Voici Jean, votre frère." Ce Jean deviendra le plus ferme soutien de la famille au point que Charles VII fera son cousin germain comte de Dunois. En 1410, après bien des rebondissements de situations, les trois oncles du roi ont définitivement adhéré à la faction des "Armagnacs", opposée à Jean sans Terre et à ses fidèles, les "Bourguignons". Quatre ans plus tard, très populaire à Paris, le duc de Bourgogne est revenu dans la capitale et a forcé le roi à le déclarer non-coupable du meurtre de Louis d'Orléans. Pendant six ans, c'est lui qui a pratiquement gouverné la France, convoquant les Etats-Généraux et édictant des réformes. Cependant, à la suite de troubles, il a du fuir Paris en août 1414. Pendant ce temps, outre-Manche, le roi Henri IV était mort et son fils, Henri V, était monté sur le trône. Armagnacs d'un côté, Bourguignons de l'autre, chacune des factions françaises avait sollicité l'appui de Henri V...qui, comme son père, brûlait de réaliser les ambitions continentales anglaises ! D'abord sourd à ces sollicitations, Henri V s'est bien préparé puis, en juin 1415, il a débarqué en Normandie et pris Honfleur. Les Armagnacs ont envoyé des troupes et ont attaqué les Anglais à Azincourt, le 25 octobre. Un des plus grands désastres militaires de notre Histoire ! Oubliant les leçons de Crécy, la chevalerie française a été écrasée et les pertes ont été considérables. La famille de Bueil a été particulièrement éprouvée : seize hommes de ce nom ont péri, notamment Jean IV Son corps n'a jamais été retrouvé. Pendant la dernière vingtaine d'années, la mort n'a également cessé de frapper la Famille de France: le premier enfant de Charles VI et d'Isabeau, le dauphin Charles, est mort à six ans en 1398 ; le second, le dauphin Louis, duc de Guyenne, à 18 ans, en 1415. Le troisième, le dauphin Jean, duc de Touraine, a disparu à son tour en 1417 ; il n'avait que 19 ans. C'est Charles, comte de Ponthieu, qui est devenu dauphin. Investi des duchés de Touraine, de Berry et de Dauphiné, futur Charles VII, il a reçu l'appui des Armagnacs. Entre temps, en 1416, année noire pour le royaume des lys, Jean sans Peur a reconnu Henri V d'Angleterre comme roi de France ! En mai 1418, les Parisiens ont à nouveau ouvert leurs portes aux Bourguignons et le nouveau dauphin a dû s'enfuir à Bourges. Bernard d'Armagnac, Connétable de France, qui gouvernait pratiquement le pays depuis 1415, a été assassiné à Paris en juin. De son côté, le dauphin a pris le titre de Régent près avoir établi le Parlement à Poitiers. L'année suivante, en 1419, les Anglais ont achevé la conquête de la Normandie mais ils n'ont pu se mettre d'accord avec Jean sans Peur. Ce dernier a alors tenté de se rapprocher du dauphin-régent mais il a été assassiné le 10 septembre lors d'une entrevue avec lui sur le pont de Montereau. Beaucoup de gens ont pensé que ce crime avait été voulu par le dauphin...Fils de Jean sans Peur, Philippe le Bon lui a succès devenant duc de Bourgogne. Éloignée de son fils par le parti des Armagnacs -tandis que d'autres tentaient de persuader le dauphin qu'il n'était pas légitime fils du roi, donc que sa mère avait été infidèle- la reine Isabeau, révoltée par le meurtre de Jean sans Peur, comme elle l'avait d'ailleurs été par l'assassinat du duc d'Orléans, et ne sachant plus à quel saint se vouer, s'est rapprochée de Philippe le Bon et a changé de camp ! Or, le duc de Bourgogne, plein de ressentiment contre le dauphin, s'était allié au roi d'Angleterre contre son propre souverain ! Pire, il avait contraint la reine Isabeau à faire signer, le 21 mai 1420, par Charles VI (qui n'était plus, hélas, qu'un "vieux fol") le désastreux Traité de Troyes. Cet accord éliminait le "soi-disant dauphin", lui enlevait ses droits ("en raison du crime de Montereau") au profit du roi d'Angleterre qui devenait héritier du roi de France avec "faculté et exercice de gouverner et ordonner la chose publique" en France. Charles VI n'était plus qu'un roi viager conservant sa couronne et sa dignité royale sa vie durant. (En fait, jusqu'en 1802, les rois d'Angleterre devaient porter le titre de "roi de France et d'Angleterre".) En application de ce même traité, le 2 juin, toujours à Troyes, Henri V d'Angleterre a épousé Catherine de France, fille de Charles VI et d'Isabeau ! Cette reine Isabeau conserve encore, en France, de nos jours, avec Marie-Antoinette, le triste privilège d'être une des reines les plus vilipendées. Mérite-t-elle vraiment cette indignité ? Il paraît équitable de signaler une école tendant à mieux comprendre Isabeau sinon à la réhabiliter. Quelques historiens estiment en effet que, dans son esprit, le grand royaume franco-anglais (ou anglo-français) aurait été formé de deux nations égales et gouverné par un prince anglais marié à une princesse de France. Dans cet État, l'influence française aurait finalement prévalu, la population de la France étant alors le double de celle de l'Angleterre et, surtout, en raison du fait que toute l'élite d'outre-Manche parlait la langue française et était nourrie de culture française depuis Guillaume le Conquérant et Henri Plantagenet ! Isabeau a-t-elle rêvé d'un puissant royaume double alliant les puissances agricole, industrielle, maritime et commerciale ? Vision nouvelle et hardie...pour l'époque. Le débat n'est pas clos... Cette même année 1420, la guerre s'étant poursuivie bien entendu entre anglo-bourguignons et partisans du dauphin, une armée de mercenaires à la solde des Anglais et des Bourguignons a occupé les villes de La Charité et de Cosne sur la rive droite de la Loire. Ayant traversé le fleuve sous les ordres de leur chef Perrinet Gressart, ancien maçon devenu redoutable homme de guerre, ces "écorcheurs" ont mis à contribution la population de Saint-Satur (sur la rive gauche, au-dessous de Sancerre). De plus, ils ont "condamné" les religieux de l'abbaye à une "amende" de mille écus d'or. Déjà hors d'état, financièrement, de poursuivre la construction de leur église abbatiale, ces malheureux n'ont pu payer une telle somme. Enfermés dans une tour, douze chanoines et plusieurs habitants ont été brûlés vifs. Cinquante-deux autres religieux ont été emmenés à Cosne et...embarqués sur un bateau qui a été coulé au milieu du fleuve ! Huit d'entre eux seulement ont réussi à éviter la noyade. Sauvés par le seigneur de Buranlure, ils ont ensuite trouvé refuge à Sancerre, en l'église Saint-Père-la-None dépendant de leur abbatiale. Enhardis par leur succès (!), les hommes de Perrinet Gressart ont attaqué la forteresse de Sancerre après avoir pillé et détruit l'église paroissiale de cette ville qui se dressait, hors-les-murs, au lieudit Saint- Romble, à mi-pente entre Saint-Satur et l'altière cité. Ils ont massacré les prêtres et les habitants des maisons groupées autour du saint lieu. Mal leur en a pris car les Sancerrois, effectuant une de ces fougueuses sorties dont ils semblaient détenir le secret, les ont repoussés victorieusement, leur tuant trois cents hommes et mettant en fuite le reste de la troupe ! L'année 1421 a été marquée par trois évènements. Tout d'abord, dès le 3 janvier, le bannissement du dauphin par le Parlement de Paris... sous contrôle anglais. Ensuite, le 22 mars, la victoire de Baugé -la première depuis 1415 !- remportée sur Thomas de Clarence, frère du roi d'Angleterre et de Bedford, par le dauphin et ses alliés écossais commandés par Jean Stuart, seigneur de Darnley, connétable de l'armée d'Ecosse, et le comte Douglas de Buchan. Stuart s'est vu accorder la seigneurie de Concressault, en Berry, au nord-ouest de Sancerre, et Buchan l'épée de Connétable de France. Enfin, le 6 décembre, est né le futur Henri VI d'Angleterre, fils de Henri V et de Catherine de France. Ancien journaliste ayant couvert l'actualité du Sancerrois pendant plus de trente cinq ans pour un grand quotidien régional, Jacques Faugeras s'est passionné pour le glorieux passé de Sancerre et la saga de ses comtes. Elu municipal, président de l'Office de Tourisme de Sancerre, il vulgarise avec enthousiasme les différentes facettes de la très riche histoire de cette vieille cité. Ni historien de formation ni chartiste, il se présente simplement comme un homme de bonne volonté, féru d'histoire médié- vale et plus particulièrement d'histoire locale. Après avoir évoqué l'histoire mouvementée de Sancerre pendant un millénaire, s'être penché sur la destinée d'Etienne de Blois- Champagne qui érigea en comté une simple châtellenie et avoir brossé un tableau aussi complet que possible de la vie sancerroise pendant la Grande Révolution, il présente aujourd'hui la biographie d'un autre comte de Sancerre. JEAN DE BUEIL, qui hérita du comté en 1451. Chef de guerre, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, Amiral de France, un de ces grands capitaines qui permirent, à la fin de son règne, à celui qui avait été "le petit roi de Bourges" d'être surnommé "Charles le Victorieux" et "le Roi des Merveilles", Jean de Bueil -que ses contemporains saluaient comme le "Fléau des Anglais"- est assurément un grand oublié de l'Histoire officielle. Il méritait bien ce coup de projecteur pour le sortir de l'anonymat.

PRIX: 125 F TTC

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