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du02au12avril2015 FESTIVAL

11È ÉDITION

REVUE DE PRESSE

www.sonicprotest.com /// [email protected] 39, quai de l’horloge 75001 Paris /// 09 67 21 27 44

1 RADIOS RADIO

France Culture LA VIGNETTE d’Aude LAVIGNE 20h55-21h00 : invité : Damien Schultz (1er avril)

Radio Libertaire Les Oreilles Libres 3 AVRIL - 14h30-16h : invités : franq de quengo & Damien schultz (live)

RADIO CAMPUS PARIS ETHER & CRAc! 23 mars - 22h00-MINUIT : INVITés : FRANQ DE QUENGO

RADIO LIBERTAIRE EPSILONIA / Double aveugle Nuit du 2 au 3 avril : bande sans fin consacrée au festival

FRequence paris pluriel table des matières 1er avril : 10h invité : arnaud rivière annonce festival - 04.04.2015

annonce festival - 04.04.2015 annonce festival - 01.04.2015

GER - KIOSQUE Cinéma • Musique • Scènes • Télé • DVD • Expos • BD • Livres Tentations

Musique SONIC PROTEST

n petit festival souvent bruitiste, toujours expéri- mental, jamais décevant. A ne pas manquer notam- ment, les 2 et 3 avril, au CentQuatre, à Paris, le ciné- U We Have an Anchor, concert où la fine fleur de la scène post-hardcore (des membres de , Godspeed You! Black Emperor, …) répond soniquement aux images épurées du cinéaste Jem Cohen… F. C. Du 2 au 12 avril, à Paris, Gentilly (Val-de-Marne), Montreuil (Seine-Saint-Denis) et en régions. Cinéma LES CONTES D’HOFFMANN Scorsese et Coppola, qui n’ont pas forcément mauvais goût, considèrent ce film comme un chef-d’œuvre. Chacun pourra effectivement vérifier que Les Contes d’Hoffmann (1951), de Michael Powell et Emeric Pressburger, fidèle adaptation de l’opéra d’Offenbach – trois histoires d’amour malheureuses –, sont un modèle du genre. Lyrique, extravagant, inventif, osé, magnifique. Livré ici en version restaurée. E. L. En salles. Les 3 coups de cœur culture Danse LE LAC DES CYGNES

Dans la catégorie des classiques romantiques, c’est le nec plus ultra. Inter- prété par le ballet de l’Opéra de Paris dans la version de Rudolf Noureev, l’acte blanc y brille de mille feux et le méchant cygne noir vous file le frisson. Pourquoi se priver d’un tel bonheur ? Non mais ! L. L. Opéra national de Paris Bastille, Paris (XIIe). Jusqu’au 9 avril. AFP – ANN RAY/OPÉRA NATIONAL DE PARIS NATIONAL ANN AFP – RAY/OPÉRA SDP – 1951 STUDIOCANAL FILMS LTD/THE KOBAL COLLECTION/ KOBAL FILMS LTD/THE SDP – 1951 STUDIOCANAL PAGES RÉALISÉES PAR JULIEN BORDIER ET ÉRIC LIBIOT, AVEC CHRISTOPHE BARBIER, SANDRA BENEDETTI, FRANÇOIS CANO, CHRISTOPHE CARRIÈRE, ANNICK COLONNA-CÉSARI, BERTRAND DERMONCOURT, LAURENCE LIBAN, IGOR HANSEN-LØVE ET GILLES MÉDIONI styles/1er avril 2015 21 annonce festival - 01.04.2015 annonce festival - 01.04.2015

agenda agenda PAR ETAÏNN ZWER PAR ETAÏNN ZWER

DU 2 AU 12DU AVRIL 2 AU 12 AVRILLE 25 AVRIL LE 25 AVRIL SONIC PROTEST FLYING LOTUS Le cinéasteSONIC Jem Cohen, PROTEST Parfaitement entouré FLYING LOTUS accompagné notamment (Kendrick Lamar, par desLe membres cinéaste de JemHerbie Cohen, Hancock, Snoop Parfaitement entouré Fugaziaccompagné et de GY!BE, en Dogg),notamment le sorcier (Kendrick Lamar, ciné-concert, les icônes du label Warp dialogue indus Esplendorpar des membresavec la mortde sur You’re Herbie Hancock, Snoop Geométrico, The Necks, Dead!, cinquième l’electro-chaâbiFugazi d’Islam et de GY!BE,opus aussi hallucinéen Dogg), le sorcier Chipsy, Charlemagne qu’hallucinant. Entre du label Warp dialogue Palestineciné-concert, & Mondkopf beatsles affolés,icônes jazz en duoindus inédit… leEsplendor festival psyché, electro avec la mort sur You’re qui chérit les musiques cosmique et hip-hop expérimentalesGeométrico, signe Thedébridé, Necks, sa bande-son Dead!, cinquième une 11e édition maousse ! post mortem file une dans l’electro-chaâbidivers lieux à Paris, furieuse d’Islam envie de danser. opus aussi halluciné à PantinChipsy, et à Montreuil Charlemagne au Trianon qu’hallucinant. Entre PalestineLE 14 AVRIL & MondkopfDU 27 AU 30 AVRIL beats affolés, jazz DENAIen MOORE duo inédit…CLAP le YOUR festival HANDS psyché, electro Un titre, « Flaws », Jolie programmation et deuxqui EP sublimeschérit les musiquespour la 5e édition cosmique et hip-hop auront suffi à la jeune très pop barrée de ce anglo-jamaïcaineexpérimentales pour festival signe qui convie la débridé, sa bande-son s’imposer : intimiste,e bande d’Of Montreal, post mortem file une épurée,une entre 11piano édition Bristol maousse – nouveau jouet ! et guitare, dans James divers Blake lieuxtrip-hop à Paris, de Marc Collin furieuse envie de danser. et Bonà Iver, Pantin sa folk-soul et à Montreuil (Nouvelle Vague), avec la au Trianon douce-amère enchante. participation de Jay-Jay Elle dévoilera son Johanson –, Tahiti 80, premier album, l’élégant le légendaire Thurston Elsewhere (Because),LE 14 AVRILMoore et une foule de DU 27 AU 30 AVRIL lors d’une session pépites (Chelou, Buvette à fleur de peau. et son « dub alpin », FrissonsDENAI garantis. MOOREShorebilly). CLAP YOUR HANDS au BadaboumUn titre, « Flaws au »,Café de la Danse Jolie programmation e etLE 22deux AVRIL EP sublimesLE 30 AVRIL pour la 5 édition SLEAFORDauront MODS suffi FIODORà la jeune DREAM DOG très pop barrée de ce Après avoir secoué la Auteure-compositrice scène anglo-jamaïcaineindé britannique et batteuse pour surdouée, festival qui convie la avec le très violent et l’ovni Fiodor surprend très drôles’imposer Divide and Exit : intimiste,encore avec Best, bande d’Of Montreal, en 2014,épurée, les deux lads entre troisièmepiano album beau Bristol – nouveau jouet cracheront leur punk-hop et bizarre produit par minimalet et guitare,acerbe lors Jamesl’ami Bertrand Blake Belin. trip-hop de Marc Collin d’un show salement Synthés orgiaques, excitantet aux Bon côtés Iver,du sachorales folk-soul habitées, (Nouvelle Vague), avec la Texan douce-amèreShit and Shine mélancolie enchante. entêtante , participation de Jay-Jay (proto-tech-noise). sa pop électrique et PoiladeElle glaciale dévoilera assurée. dansanteson irradie. Johanson –, Tahiti 80, à La Dynamo Joyeuse release party ! de Banlieuespremier Bleues (Pantin) album, au l’élégant Point Éphémère le légendaire Thurston Elsewhere (Because), Moore et une foule de lors d’une session pépites (Chelou, Buvette à fleur de peau. et son « dub alpin », Frissons garantis. Shorebilly). au Badaboum au Café de la Danse

LE 22 AVRIL LE 30 AVRIL SLEAFORD MODS FIODOR DREAM DOG Après avoir secoué la Auteure-compositrice scène indé britannique et batteuse surdouée, avec le très violent et l’ovni Fiodor surprend très drôle Divide and Exit encore avec Best, en 2014, les deux lads troisième album beau cracheront leur punk-hop et bizarre produit par minimal et acerbe lors l’ami Bertrand Belin. d’un show salement Synthés orgiaques, excitant aux côtés du chorales habitées, Texan Shit and Shine mélancolie entêtante , (proto-tech-noise). sa pop électrique et Poilade glaciale assurée. dansante irradie. à La Dynamo Joyeuse release party ! de Banlieues Bleues (Pantin) au Point Éphémère annonce festival - 29.01.2015

Il y a tellement de (bonnes) raisons de s’exciter en duo avec Mondkopf, Pierre Bastien avec à propos du Sonic Protest de cette année qu’on Emmanuelle Parrenin, Thomas Bonvalet avec ne sait pas par où commencer. Sérieusement, Jean-Luc Guionnet), soit autant de promesses peu importe la niche dans laquelle on zone le de sueurs froides que l’effeuillage de votre weekend et quelles que soient les (mauvaises) idéal libidineux (peut-être, on l’espère pour raisons qu’on liste, un peu aigri, un peu bourré vous, votre femme ou votre copain) sur un quand on nous demande pourquoi on snobbe disque d’Agnostic Front, Xenakis ou Under- ce genre de raouts (un peu) subventionnés, ground Resistance. toutes les soirées, tous les événements de cette édition promettent un max tout ce que doit Les guichets de réservation en ligne ouvrent promettre un événement formidable: bonheur dans quelques minutes en cliquant ici, vous physique, danger physique, excitation, larmes, savez sans doute ce qu’il vous reste à faire. sueurs, intrigue, irritation, frustration et sur- tout, surtout, subjugation. Olivier Lamm

Il est un peu tôt pour vous commenter en détails les promesses de ces 8 messes éparpil- lées entre le Cent Quatre, le Centre Culturel Barbara, les Instants Chavirés, le Chinois de Montreuil, le Générateur de Gentilly et l’Eglise Saint-Merry, mais le moins que l’on puisse en dire est qu’il y en aura pour tous les goûts de boucan, toutes les sensibilités chromatiques et tous les esprits un peu curieux.

On vous laisse compulser comme des grands mélomanes que vous êtes tous sans exception la programmation ci-dessous, mais notez au minimum les brochette de légendes (Efrim de Godspeed et co. + Guy Picciotto + de Dirty Three dans We Have An Anchor, Caspar Brötzmann, fils de Peter en duo avec FM Einheit de Einsturzende Neubauten, les légendes indus espagnoles Esplendor Geome- trico, le trio australien The Necks, le vocaliste de l’extrême Phil Minton), de météores (le songwriter Richard Dawson, T.I.T.S., Aste- reotypie, Islam Chipsy, Pierre & Bastien) et de fiançailles inédites ( Interview ARTISTE - 02.04.2015

Si Washington DC était un Olympe, Guy Pic- Non, je produis aussi pas mal de groupes. Je me et comment ça se passait entre les membres du ciotto serait clairement un de ses Dieux. Issu de suis installé un petit studio chez moi et je pro- groupe. J’ai dû les écouter de manière quasi- la deuxième génération du DC hardcore, celui duis quelques disques avec Jim White et George exclusive entre 7 et 12 ans. Puis je suis passé au qui allait devenir le guitariste et chanteur de Xylouris pour leur groupe, Xylouris White. punk avec les Sex Pistols et les Ramones. Mais Fugazi aux côtés de Ian McKaye a commencé Leur premier album est sorti récemment. Ils avant ça, c’était les Beatles que j’essayais de dans le groupe Rites Of Spring. Et de la même travaillent sur le second. Je continue à faire de la reproduire sur ma guitare accoustique. manière qu’on considère que Minor Threat a musique tout seul, et je ne sors rien. Ce n’est pas inventé le straight edge, Picciotto se traîne la encore prêt, mais j’en fais encore tous les jours, En grandissant à DC au début des années lourde responsabilité d’avoir donné naissance d’une manière ou d’une autre. 80, c’était possible de passer à côté du à l’emocore -étiquette dont il s’est affranchi hardcore ? depuis un bail. Après la fin (supposée) de Pourquoi as-tu déménagé à ? Il Probablement, vu le peu de personnes qui en Fugazi, Guy s’est illustré dans la production fallait fuir Washington ? écoutaient dans mon lycée. Quand j’ai com- (Blonde Redhead, The Gossip) et continue Ma femme a commencé à jouer dans un groupe mencé à en écouter, ce n’était pas évident d’en à gratter sur sa Rickenbaker 330, que ce soit là-bas. J’avais vécu à D.C. depuis toujours, mais trouver. Ça ne s’était pas encore développé pour illustrer les films de son pote Jem Cohen on a décidé d’essayer un truc différent, il y a 5 culturellement. Il y avait une radio qui a vite ou accompagner des pointures de la musique ans. Et puis, j’y ai vu l’opportunité de changer fermé qui nous filait des infos, mais c’était notre traditionnelle crétoise. Comme quoi l’adage « d’environnement, il était peut-être temps. Quand seule source. Le truc bien à Washington et la True ‘Til Death » mène à tout. Fugazi s’est arrêté, il m’a fallu du temps pour raison pour laquelle la scène a pris, c’est que me remettre en marche. Ça a été une transition les mineurs pouvaient sortir. Si vous aviez un Noisey : Salut Guy. On va parler un peu difficile, alors il a fallu que je me force à me bar, vous ne pouviez pas empêcher les jeunes du présent et beaucoup du passé dans cette retrouver dans un lieu étrange. de venir. Ce n’était pas vrai pour tous les lieux, interview. Ça te pose un problème ? mais il y en avait beaucoup qui accueillaient les Guy Picciotto : Non, je n’ai rien à cacher. L’inspiration est revenue ? groupes et ça faisait une grande différence de Il m’a fallu du temps, mais je suis plutôt heu- pouvoir les voir alors que vous aviez 13 ou 14 Tant mieux. Tu en es où aujourd’hui ? Tu reux aujourd’hui. J’ai un studio, et un endroit ans. Ça a eu un gros impact. Mais même quand fais quoi ? pour bosser, ce qui ne m’était jamais arrivé. la scène hardcore a démarré, ça restait un petit Principalement, je bosse avec Jem Cohen, Tu retournes à D.C. de temps en temps ? truc. Tout le monde se connaissait. Elle n’est qui est réalisateur. On avait déjà commencé à Oh oui, dès que je peux et je continue de voir devenue ce qu’elle est devenue que bien plus l’époque de Fugazi [c’est Jem Cohen qui a réa- tout le monde. tard. Mais à l’époque, si vous croisiez quelqu’un lisé le documentaire Instrument sur le parcours dans la rue qui ressemblait vaguement à un du groupe], mais depuis que j’ai bougé à New La scène est toujours active ? Elle t’intéresse punk, il y avait de fortes chances pour que vous York, où il vit, notre collaboration a pris de toujours ? le connaissiez. l’ampleur. On a monté un groupe à la composi- Oui, à fond. tion changeante qui accompagne la projection Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce mouve- de ses films, notamment avec Jim White et Revenons en arrière. Vraiment loin. C’est ment à la base ? Giorgos Xylouris. J’ai aussi composé les BO quoi le premier riff dont tu te souviens ? J’étais arrivé à un âge où je commençais à de certains de ses courts métrage. On collabore Le premier dont j’ai eu conscience, c’était les m’opposer à pas mal de trucs. Il y avait une pas mal et ça me plaît beaucoup. Beatles. Quand j’étais vraiment jeune, j’étais énergie et une colère dans cette musique qui obsédé. Je n’écoutais que ça. C’est le premier me parlait. C’était très éloigné du monde dans C’est ton projet principal ? groupe qui m’a fait me demander qui jouait quoi lequel je vivais. Plus j’en écoutais et plus je Interview ARTISTE - 02.04.2015 traînais avec des gens -vraiment des gamins Est-ce que tu penses qu’à ce moment-là, et le plus pur qui soit est vraiment séduisante. en fait- qui montaient des groupes. Et c’est plus tard avec Fugazi, le public ne vous a pas, Vous aimez un truc et vous en tirez le truc le devenu clair que c’est le truc que je voulais parfois, pris trop au sérieux ? plus extrême. La première fois que j’ai entendu faire. J’ai vraiment commencé à vouloir mon- C’est parfois très bizarre d’entendre la manière du punk, je me suis dit que rien ne pourrait être ter un groupe en allant voir les Bad Brains ou dont les gens vous perçoivent… Ils ne vous plus extrême. Puis tout d’un coup, voilà un truc Minor Threat. Je me souviens être aller voir connaissent pas personnellement, ne vous qui était plus extrême encore… Je me suis dit Minor Threat répéter parce que deux mecs de voient pas traîner avec vos amis… Moi, je putain c’est génial ! C’est dément ! Puis rapide- mon lycée étaient dans le groupe et je les ai vus ne me suis jamais vu comme quelqu’un de ment, comme tout, le terme a englobé un truc composer, bosser super sérieusement pour tout trop sérieux. Je suis sérieux avec les trucs très codifié, ritualisé et ça semblait d’un coup lâcher sur scène et je me suis dit que c’est tout avec lesquels je suis sérieux, ok ? Mais on beaucoup moins intéressant, alors il a fallu s’en ce que je voulais faire. J’ai eu le sentiment de s’est toujours marré au sein des groupes. Faut éloigner parce que ça s’était vidé de son sens. me faire enlever. Il n’y avait nulle part d’autre comprendre qu’on a toujours été des groupes Mais aujourd’hui, je n’ai pas honte de l’appel- où aller et de toutes manières, c’est là que je de potes, jamais de professionnels. On a tous lation. Je trouve que le hardcore, tout du moins voulais être. Avec ces gens. appris à jouer ensemble, et si on montait des sa première génération, n’est pas respecté Quand est-ce que tu t’es senti prêt ? groupes ensemble, c’est parce qu’on s’aimait comme il se doit. Je veux dire, j’aurais du mal J’ai commencé à jouer à 12 ans et j’ai eu ma bien. C’était le cas avec Fugazi, mais ça l’était à citer d’autres mouvements au sein desquels première guitare électrique à 15. Puis j’ai encore plus avec Rites of Spring parce qu’on les pionniers auraient eu 14-15 ans et auraient commencé à monter des groupes. J’ai rencon- était super jeunes. On avait 16, 17 ans. On créé une esthétique et un son aussi puissants. tré Brendan Canty et la première fois qu’il jouait ensemble, on traînait ensemble, on allait Et je trouve ça assez magnifique. Les groupes est venu chez moi, on avait déjà commencé à aux concerts ensemble, et on bossait même aux étaient vraiment incroyables. Ceux qui ont enregistrer des morceaux. On a dû avoir 4 ou mêmes endroits. Les groupes n’ont jamais été suivi étaient peut-être moins intéressants, 5 groupes ensemble avant Fugazi, donc entre qu’une extension de notre amitié. C’est un peu mais à l’époque, des groupes comme Minor 15 et 22 ans, on est passé par Insurection, Rites réducteur d’évoquer l’aspect sérieux. Threat, les Bad Brains ou Black Flag… Ils of Spring, One Last Wish et Happy Go Licky. n’avaient pas forcément les mêmes aspirations On arrêtait pas de monter des groupes, de se C’est une image que vous avez cependant musicales, mais ils partageaient une certaine séparer et d’en monter un autre. cultivé en revendiquant pas mal de trucs que énergie, et leur variété rendait la scène super plein des gens pouvaient trouver chiants et riche. J’aime toujours ces groupes mais je crois C’était un peu ce que tout le monde faisait à pas drôles : le refus de merchandising, d’in- que pour réussir à avancer, il faut toujours se l’époque… terviews dans des magasines qui publiaient remettre en question et trouver de nouvelles Certes. Mais on a emmagasiné un max de des pubs pour le tabac, l’interdiction du manières de faire. chansons en très peu de temps. Quand on mon- stage diving aux concerts… tait un nouveau groupe, on reprenait tout à zéro Mais la plupart de ces trucs n’étaient pas liés à Ce que tu dis résume parfaitement une des donc c’était très productif. Mais comme on ne une attitude spécialement sérieuse, contrairement spécificités de la scène de D.C., qui a réussi quittait jamais Washington, on n’avait jamais à ce que les gens peuvent penser. Tout ce qu’on a à entretenir une évolution constante, tout en de tournée, on a fini par avoir le sentiment de fait avec Fugazi, on l’a fait pour se faciliter la vie. conservant ses acteurs, qui se remettaient ne pas exploiter notre potentiel correctement. Quand vous êtes dans un groupe, plus vous don- constamment en question. Minor Threat Rites Of Spring a dû jouer deux fois hors de nez, plus vous perdez le contrôle sur la manière au départ, puis le Revolution Summer, puis DC : une fois à New York, et une fois à Detroit. dont on va vous percevoir. La musique que vous Fugazi, puis la suite qui partait à nouveau Avant de rejoindre Fugazi, je crois que j’avais faites finit alors pas ne plus vous ressembler et ça dans une autre direction… décidé d’arrêter la musique. J’en avais marre devient de plus en plus difficile d’en faire.... Je pense que ça vient de la jeunesse de ce que ça ne décolle pas et j’étais sur les rotules. Tous ces principes étaient une manière de mouvement. Souviens-toi de ce que tu étais à 15 J’ai rejoint Fugazi petit à petit et c’est vraiment permettre au groupe de fonctionner. Il ne ou 16 ans. Chaque année est un nouveau départ. le premier groupe auquel j’ai participé qui cir- s’agissait pas de règles destinées à l’industrie Chaque année, tu découvres de nouvelles choses, culait partout. Je veux dire, avant notre premier entière. Juste à nous. Il s’agissait de se créer de nouvelles envies, chaque année remet en ques- album, on avait déjà fait le tour des Etats-Unis un cadre afin qu’on puisse s’épanouir sans trop tion la précédente. À mon âge, ça se passe plutôt et de l’Europe… J’avais enfin trouvé un groupe de soucis. Et ça a plutôt pas mal fonctionné vu par blocs de 8 ans. Les choses ne changent plus dans lequel je pouvais m’épanouir, avec des qu’on a tenu presque 20 ans. Peu de groupes tant d’une année à l’autre. Mais à 15 ans, toutes gens aussi disciplinés que je l’étais. C’était peuvent en dire autant. On était super sérieux les informations que tu reçois sont fondamen- génial. avec la musique. Mais pas pour le plaisir d’être tales. Je trouve ça normal de changer d’année en sérieux. Simplement parce que c’est comme ça année, parce que ton environnement te pousse La musique de Rites of Spring était une qu’on arrivait à bosser. Et quand on se crée un à changer. Et la manière dont cette scène s’est réaction à la manière dont le hardcore avait tel cadre, on a le droit de le revendiquer. Il faut transformée reflète le fait qu’on était très jeunes évolué ou juste un truc instinctif ? en être fier, ce n’est pas rien. Quand vous avez quand on l’a démarrée. Nous progressions en J’ai déjà lu des trucs à ce propos. Certaines un groupe, vous êtes les seuls à pouvoir juger si jouant et nous n’avions pas peur de changer. personnes racontent qu’on s’était montés en vous avez du succès ou non. L’avis extérieur n’a opposition à un violence croissante au sein de rien à voir, vous ne pouvez pas vous en satis- À ma connaissance, la scène de Washington la scène. C’est peut-être un peu vrai, mais je faire. L’expérience créative est trop riche pour est la seule à avoir su entretenir cette « évolu- crois surtout qu’on était des amis très proches laisser quelqu’un d’autre la vivre à votre place. tion dans la révolution ». et on faisait notre truc dans notre coin, sans se Le truc à Washington, c’est que tous les dire qu’on allait avoir du succès ou quoi que Le terme « hardcore », c’est quelque chose acteurs de la scène ont suivi les mouvements. ce soit. On n’avait pas un plan derrière la tête. qui vous tenait à cœur ou c’était juste une Plus qu’ailleurs, j’ai l’impression qu’il y On aimait ce qu’on faisait, on aimait jouer et étiquette ? avait un sens de la communauté, un désir de ce n’était pas tant une réaction contre quelque Je crois que la première fois que j’ai entendu le la faire fonctionner. Ce qui était intéressant chose qu’une création qui ne ressemblait pas mot, c’était avec DOA, l’album Hardcore ‘81. à Washington, c’est la manière dont ça s’est à ce qui se faisait autour de nous. Quand on Et évidemment, j’ai trouvé ça cool. La première développé. On vivait tous chez nos parents, évoque l’aspect réactif de Rites of Spring, je fois qu’on l’a associé à D.C., ça me plaisait puis les groupes ont commencé à se former, trouve que ça laisse de côté cet aspect-là… parce que… quand on est jeune, l’idée du truc on a commencé à emménager, et dès qu’un Interview ARTISTE - 02.04.2015 groupe bougeait quelque part, ça bourgeonnait c’est dire oui à une autre. Pour moi, ces paroles d’appraître. Un truc costaud. Puis on a fini par autour de lui. Ça commençait par une maison, évoquent un truc très précis. On attend tellement se le dire. Les premières tournées ont permis puis une autre, puis finalement, c’est tout le de vous, que vous disiez oui à telle ou telle de mettre les choses au point, d’apprendre à se quartier qui était investi. Tout le monde traînait chose, de l’argent le plus souvent. Mais on n’est connaître. chez tout le monde, on habitait les uns chez pas obligé de dire oui. Il s’agit de créer sa propre les autres. C’était une vraie communauté. Un motivation, les raisons qui vous pousseront à Ian McKaye, c’est devenu un frère pour de village quasiment autonome. Quand Fugazi a faire quelque chose. La société vous pousse à bon en 20 ans de partage ? commencé à faire de l’argent, on a acheté un suivre tel ou tel précepte, mais le seul intérêt On était déjà très proches avant de commen- studio qui a encore rameuté d’autres groupes. est d’écrire vos règles vous-mêmes et de vous cer le groupe. J’adorais ses groupes, il avait Pendant longtemps, tout était très lié, tout le y tenir. Parmi ces codes, il s’agit de trouver ses produit Rites of Spring, mais dans le groupe, monde s’inspirait les uns des autres et c’était propres valeurs, quitte à ce qu’elles ne soient on était tous frères en fait. Joe était le seul que un filet très resserré de gens extrêmement com- pas celles qu’on essaie constamment de vous je ne connaissais pas très bien, mais quand plices. C’était cool. inculquer et qui finalement n’en sont pas. Le on a commencé à bosser ensemble, on s’est oui et le non se posent à cet endroit précis. Le transformés en un organisme symbiotique où Aujourd’hui, même en t’étant affranchi de oui doit me pousser à me dépasser. Si je dis chacun avait une place bien précise qui bénéfi- tout ça, tu continues à te réinventer. Tu joues non, c’est aussi une manière de me donner de la ciait aux trois autres. Nos personnalités étaient avec un joueur de laouto crétois… On est force. C’est comme ça que je fonctionne. complémentaires. Avec Ian, on n’avait jamais assez loin des larsens de Fugazi… partagé le micro auparavant, et on se deman- Le truc, c’est qu’après Fugazi, je me suis trouvé Aujourd’hui, c’est quoi une valeur qui fait dait si ça marcherait, mais c’est ce qui a fini bien démuni. J’adorais jouer dans un groupe, sens ? par offrir un équilibre au groupe et le rendre avec des gens avec qui je partageais plein de Pour moi, le sens de la communauté est extrê- intéressant. En plus, j’avais enfin l’impression choses, et pendant longtemps j’ai pensé que mement important. On attaque le communau- de retrouver les Beatles. Je dis pas qu’on était ça ne pourrait plus se reproduire. C’était mes tarisme, qui crée des entités séparées, mais je aussi bons, mais il y avait une concordance évi- meilleurs amis, je trainais avec eux depuis plus parle de vrai communauté. Quand j’étais jeune, dente. La beauté de la chose c’est que Fugazi de 20 ans, mais j’ai réussi à voir les choses on se trouvait des endroits où aller pour refaire exprimait réellement le point de vue de quatre autrement quand Jem Cohen m’a présenté Vic le monde. On avait un centre de loisirs, qui res- personnes. Pas seulement d’une, qui serait Chesnutt. C’était un vieux pote de Fugazi et semblait beaucoup à l’endroit où on est en train soutenue par les trois autres. Pour moi, c’est ça j’étais un peu anxieux à l’idée de jouer avec de discuter (le Centquatre, à Paris). Il y avait un le plus fort. lui. C’était l’époque de Thee Silver Mt. Zion. bureau au fond, qui avait une photocopieuse. Un Mais quand on a commencé à jouer ensemble, bureau et une photocopieuse, c’est tout ce qu’on Comment ça s’est terminé ? ça m’a vraiment ouvert les yeux. Je n’ai jamais avait pour glander après l’école. Mais putain, Très franchement, je ne sais pas. Chacun te don- eu trop confiance en mes talents de guitariste. Je sans cette photocopieuse, le Revolution Summer nera une version différente de l’histoire, mais on ne me suis jamais vu comme un vrai musicien. n’aurait jamais eu lieu ! Sérieusement, on a n’en a jamais vraiment discuté, et d’ailleurs on Mais en jouant avec ces mecs, j’ai découvert de photocopié tous nos tracts sur cette machine, on ne s’est jamais dit que le groupe se séparait et nouvelles manières de faire et j’ai été surpris de photocopiait nos visages, on photocopiait tout, que c’était terminé. pouvoir retrouver la même complicité avec des on refaisait le monde ! Il n’en faut pas plus. gens qui venaient d’ailleurs. Je savais bien que Quand je vois tous ces gamins qui viennent faire Alors c’est une pause ? ça pourrai arriver, mais de là à ce que ça arrive, du hip hop, danser, jongler, je n’ai pas l’impres- [Long silence] Je ne sais pas. Je ne sais pas c’est autre chose… sion qu’on leur dise quoi faire. Ils viennent, ils comment c’est arrivé, et je ne crois même pas investissent l’espace à leur manière, ils font leur que ça aurait dû arriver. Mais c’est arrivé. Je Du coup, ça m’a forcé à envisager la musique truc et c’est dément. Un endroit pour bosser, crois qu’on en était arrivé à un point où… Ma différemment, à en jouer différemment. En voilà une valeur qui fait sens. Franchement, mère est morte… D’autres personnes, des amis, plus j’ai toujours peur de dire oui à des trucs, ça m’éclate. Un espace gratos, sans règle, filez ou de la famille, sont morts aussi… Puis certains de m’engager dans quelque chose qui ne me quelques outils aux gens et laissez-les se démer- ont commencé à avoir des enfants. Brendan ressemble pas forcément, mais je suis obligé de der. Que rêver de mieux ? avait déjà des enfants et notre vie commençait le faire… C’est pareil quand je joue avec Jim à devenir un peu intense. On avait bossé dur et White. Ou quand je produis des trucs, je veux Fugazi, c’était une expérimentation à la en revenant de notre dernière tournée, on était dire, j’ai jamais pris de cours ! J’apprends en base ? tous à cran, c’était assez chaud, donc on s’est dit faisant. Les professionnels qui se revendiquent A la base, Ian McKaye voulait que Fugazi qu’on devrait faire une pause comme tels m’angoissent. Je suis un éternel soit un groupe ouvert, auquel tout le monde dilettante et je me retrouve toujours dans des pourrait participer. Les 6, 10 premiers mois, Mais Fugazi n’est pas le genre de groupe qui positions où je ne sais pas ce que je dois faire, la formation changeait constamment. Un jour prend une pause... mais je fais avec, même si c’est un peu gênant un mec venait jouer de la trompette, un autre, Précisément. Le groupe, c’était notre vie. A parfois. Forcément, ça crée des mécanismes, c’était des danseurs, ou un orgue… partir du moment où on arrêtait, on savait que ce et une certaine faculté à se renouveler. Avec serait très difficile de reprendre. Si on commen- Fugazi, j’étais grisé par le danger de me retrou- Vous étiez une putain de bande de hippies ! çait à partir sur de nouveaux projets, ou faire ver sur scène. Mais j’étais avec des mecs en qui Oui, complètement ! Je crois que Ian voulait des gamins, on savait qu’on ne pourrait plus j’avais absolument confiance. Je pouvais me que toute la ville puisse participer à quelque reprendre comme avant. Imaginez quatre mecs servir d’eux comme d’un filet. chose. Ce n’était pas un groupe comme les qui sautent d’un train à pleine vitesse, chacun autres, mais Ian, Joe Lally et Brendan Canty d’un côté et qui se demandent comment ils Tu dis que tu as peur de dire oui. Il y a une formaient le cœur du groupe et j’avais un vont pouvoir remonter… alors ils se mettent à chanson de Fugazi dans laquelle on entend peu les boules, parce que c’était mon batteur, marcher chacun de leur côté. qu’il faut apprendre à dire non. Le NON mais je ne me voyais pas interférer avec eux. On continue de se voir tout le temps, on bosse est super caractéristique de la scène de D.C. Je me suis barré au Texas et je me suis posé même ensemble sur certains projets, mais je ne Mais est-ce qu’à un moment, il ne faut juste- quelques questions. Quand je suis revenu, j’ai pourrais pas dire pourquoi on ne se remet pas ment pas apprendre à dire oui ? commencé à chanter avec eux et petit à petit, à jouer tous les quatre. On pourrait. Le groupe De toutes manières, dire non à quelque chose, on a eu l’impression qu’un groupe était en train existe encore en fait. Mais le truc c’est que Interview ARTISTE - 02.04.2015 si ce n’est pas pour donner 100% de nous, je crois qu’aucun de nous n’a envie de réitérer. Et je ne suis pas sûr qu’on soit prêts à le faire. Je crois qu’on y pense tous. Je crois qu’on a tous souffert d’en finir. Moi j’ai cru devenir fou. Si je pouvais revenir en arrière, je crois que je referais les choses différemment. Ça n’aurait pas dû se passer comme ça. Je ne comprends même pas ce qui s’est passé. Je ne regrette rien de ce qui s’est passé ensuite néanmoins.

Mais est-ce qu’il ne s’agissait finalement pas d’une nouvelle révolution personnelle nécessaire ? Probablement, mais j’ai l’impression que notre dernier album était le meilleur de nos albums. Je n’ai pas l’impression qu’on ait perdu quoi que ce soit en chemin. Nos derniers concerts étaient parmi les meilleurs qu’on ait joué à mon sens. Ç’aurait été super triste de s’arrêter parce qu’on n’avait plus rien à faire, mais ce n’était pas le cas. Et je crois qu’on s’en est tous bien sortis.

Tu écoutes quoi aujourd’hui ? J’écoute un tas de truc, mais quand je bosse avec des gens, j’écoute les trucs qui tournent autour de ça. En commençant à travailler avec Gyorgos Xylouris, je me suis mis à écouter de la musique traditionnelle crétoise. Je n’y connaissais rien, ça m’ouvre les oreilles sur un tas de nouveau trucs, j’adore ça, mais je reconnais que le chan- gement est assez radical.

Bon pour finir avec 2015 dès le mois d’avril, c’est quoi le meilleur album de l’histoire de la musique ? Ah non, tu ne m’auras pas à ce jeu…

Bon ben les trois meilleurs albums de l’his- toire de la musique alors… Bah… Le premier Bad Brains… voilà un docu- ment parfait. L’album blanc de Beatles, pour sa variété. Puis Flipper tiens, j’y pense souvent récemment. L’album Generic sur Subterranean Records. Ça a été réédité il y a quelques années. Super album.

Guy Picciotto se produira ce soir et demain soir au Centquatre à Paris avec We Have An Anchor, dans le cadre du festival Sonic Protest. Le projet réunit, outre Guy Picciotto, des membres de Dirty Three et Godspeed You! Black Emperor, qui jouront sur un film de Jem Cohen. Une formation réduite du projet (avec Jim White et George Xylouris) se produira le 6 avril à Nantes, à Stereolux, sous le nom Gravity Hill : Sound + Image.

Par Virgile Iscan Interview ARTISTE - 02.04.2015

Le 8 avril dans le cadre du festival Sonic Protest et moi nous sommes très bien entendus et dans ta transe, ça n’a aucun intérêt. qui s’ouvre ce soir et de l’imposante église Saint- avons collaboré facilement,, donc ce n’était Merry à Paris, rôdée à des concerts hors-normes, pas une surprise qu’on nous demande de CP : Je préfère la notion de liquidité à celle Charlemagne Palestine rencontrera Mondkopf, et rejouer ensemble, et j’ai hâte que le second de répétition ,,,, transe, ouiiii ,,,,, des sons qui l’on ne sait pas du tout à quoi ça va ressembler. tour arrive, comme pour des boxeurs ou des viennent du centre aux bords,, ?? J’aime les On leur a donc demandé ce qui les rassemble : le catcheurs (haha)!! deux,, les territoires,,, tous les territoires,,, du jeune français Mondkopf, électronicien réservé proofond centre aux plus looointains et laaarges et tête du label In Paradisum, s’exprimant avec Mondkopf : Notre rencontre s’est faite par bords,,,,, touttt est bien !!! modestie, et le grand Charlemagne Palestine, hasard. Le festival In Finé Workshop pré- figure historique, chamanique et iconoclaste voyait de faire jouer Charlemagne Palestine Quel est votre regard respectif sur le monde d’une école «minimaliste» qu’il réfute lui-même avec Jackson & his computer band, mais musical de l’autre, non pas sur la musique avec veeeeeeeeerve et énerggggggie, répétant les celui-ci a annulé. Ils m’ont donc contacté pour que chacun d’entre vous fait personnelle- mêmes caractères comme il le ferait des notes le remplacer. Je connaissais les travaux de ment, mais la musique autour de vous, la d’un , d’un orgue, ou d’un harmonium. Dans Charlemagne et j’écoute beaucoup de musique musique dont chacun de vous provient, ou de la course, ses virgules se suivent comme autant répétitive, c’était donc un honneur de pouvoir laquelle il s’entoure ? Charlemagne Palestine, de points de suspension, d’indications de rythme : travailler avec lui ! comment ressentez-vous le monde musical de bien entendu, nous livrons en l’état la partition. Mondkopf, et Mondkopf, quel est votre senti- Charlemagne Palestine, Mondkopf, vos musiques Avez-vous l’impression que votre apparente ment sur celui de Charlemagne Palestine ? sont en apparence très différentes, pourraient différence a aussi des points communs plus presque paraître opposées : d’un côté, le pianiste abstraits, des « manières différentes de faire M : Je ne pense pas assez connaître ce « monde (et organiste, et harmoniumiste) minimaliste, à qui la même chose » ? Par exemple, un rapport musical » de Charlemagne pour pouvoir deux notes suffisent pour jouer une heure de belle au motif répétitif, ou une quête de transe, répondre à cette question. musique, et de l’autre, le musicien aux influences ou encore, si l’on peut le dire ainsi, des sons électroniques, black metal et industrielles. qui ne viennent pas du « centre du son » CP : ,,,, Je vois / entends le monde de Mondkopf mais en quelque sorte des « périphéries comme aussi des varrriations des évolutions Comment votre rencontre imprévisible a-t-elle » — comme les harmoniques du piano, par d’un continuum, drone, transe, traditions,,, eu lieu, et qu’en attendez-vous ? exemple, ne sont pas le « centre » du son, parmi d’autres, que ma génération et moi la note elle-même, mais en quelque sorte avons découvert une génération plus tôt, des,,,, Charlemagne Palestine : Bien que je puisse effec- arrivent des bords et finalement peuvent antiques,,,, primitives,,,, originelles,,, musiques tivement faire de la musique avec seulement deux envahir tout l’espace sonore ? des cultures du monde,,, et des rituels qui ont notes,,,,, je peux aussi faire et j’ai fait des musicss existé pendant des centaines et des milliers avec des milliers de notes ou des tuyaux d’orgues, M : Je suis vraiment attaché à l’idée de transe d’années déjà dans les traditions non-occiden- et je préfère le terme de « piano liquide » à celui, dans la musique. J’aime l’idée que la musique tales,,, de sorte que nous sommes des généra- surutilisé et mal utilisé et qui ne s’applique pas à soit puissante, qu’elle produise des émotions tions différentes influencées par des sources très moi, de « minimal »,,,, car comme je,,,, peux jouer qui passent par le corps. C’est très important anciennes et que nous nous sommes développés avec deux ou des milliers de notes,, le terme,,, pour moi, en particulier, la façon de déclen- différemment avec de nouvelles expressions et maximal, est plus approprié,,,,, Mondkopf et moi cher des mécaniques du corps qui peuvent de nouvelles technologies, parce que des temps avons joué pour la première fois ensemble à la aller jusqu’au vertige. Si un aspect harmonique nouveaux sont là, Carrière de Normandoux en 2012,,,, c’est Jérémy s’ajoute à ça, on peut toucher à ces moments Verrier et Stéphane Roux qui avaient proposé le de transcendance où ton esprit se déconnecte Que pensez-vous du Black Metal et du fait dduo et j’ai tout de suite accepté le challenge,,,, la de tout. Mais il faut que le public puisse que des gens comme Stephen O’Malley performance s’est très bien passée,,, Mondkopf ressentir la même chose, car si tu es tout seul soient profondément influencés par le mini- Interview ARTISTE - 02.04.2015 malisme américain et la musique contempo- moment de décrochage de la réalité. On peut je ferai pour Sonic Protest. raine académique ? penser que la musique se suffit à elle-même, M : Ce live à Poitiers, c’était le premier live mais j’aime trop les images pour ne pas en où j’ai utilisé ma voix. Depuis, j’adore crier M : C’est stimulant, ça ouvre des portes sur utiliser. dans un micro ! C’est l’étape ultime de la de nouvelles façons de faire de la musique, en catharsis que peut apporter une performance intégrant plein de techniques indépendamment Charlemagne Palestine, vos performances live. Pour ma part, ma musique a pas mal évo- des genres. Après, j’apprécie moins quand tout naviguent entre rituel et installation : vous lué depuis ce premier live ensemble. J’ai aussi ça est intellectualisé. apportez tout un environnement physique plus de machines analogiques qu’avant, et je et visuel avec vous. Ce lien entre votre compte bien les utiliser pour Sonic Protest, ça CP : Encore une fois, je résisterai à ce qui me musique et les arts visuels, la sculpture ne risque donc pas d’être une redite. semble un gros mot, ce terme de minimal,,, et je notamment, est-il particulièrement impor- Mondkopf, vous avez souvent dit que votre lui préferrrerai pour ma part celui de maxi- tant ou significatif pour vous ? musique était une façon d’en apprendre mal,,,,,,, quant à l’académie,, si pompeuse et davantage sur ses propres émotions. Char- coincée, dans tous les sens, formes, manières,,,, CP : Comme vous le dites, mes performances lemagne Palestine, on pourrait penser que une tradition,,, je l’évite autant que possible!!! relèvent à la fois du rituel et de l’installation, votre musique a une dimension plus céré- j’apporte avec moi tout un environnement vi- brale. Comment faites vous se rejoindre ces Charlemagne Palestine, même si vous conti- suel et physique afin de relier les arts visuels, contraires quand vous jouez ensemble ? nuez aujourd’hui de composer indépendam- la sculpture, l’installation, la performance,,,, ment d’une époque ou d’un style restreint, c’est pour ça, comment tout cet ensemble M : En s’écoutant, j’imagine. Une musique et que comme vous le dites vous réfutez serait-il minimal??? c’est plutôt « total » qu’il réellement transcendantale et cathartique doit l’académisme, vous êtes originellement relié faudrait dire. de toute façon intégrer ces deux aspects. au mouvement minimaliste américain, qui comprenait aussi des artistes visuels : Donald Votre collaboration à Sonic Protest sera-t- CP : Ma musique n’est pas plus cérébrale que Judd, Sol LeWitt, Dan Flavin, Carl Andre, elle complètement improvisée, ou un peu celle de Mondkopf,,,, juste un style différent,,, pour n’en nommer que les plus connus. écrite tout de même ? Est-ce que vous répé- si les auditeurss sont cérébrauxx, peut-être tez, ou jouerez-vous au débotté ? Comment perçoivent-ils une attitude cérébrale,, qui n’est CP : Une fois encore, je souhaite ne pas en êtes-vous venus à être en phase l’un avec pas mon intention,,, et c’est la première fois reprendre à mon compte votre remarque et l’autre ? que j’entends le terme de « cérébral » à propos votre obsession au sujet de ce mot, « minimal ». de mon travail. Pour moi, « minimal » revient à laisser un petit CP : Pour le concert de la Carrière de Nor- pourboire mesquin dans un restaurant ou un mandoux, nous n’avions absolument pas Comment tirerez-vous parti de l’espace spé- bar. Les minimalistesss visuels, ce n’est qu’un répété,,, à peine un sound check,,, avant la cifique de l’église Saint-Merry ? Avez-vous terme qu’ils ont proposé, « minimalisme »,,, performance,,, cette fois nous avons trois l’intention d’utiliser l’acoustique et l’écho un terme qu’ils ont apprécié,, accepté,, et qui, jours à passer ensemble,,, aucune idée de ce de l’église à votre avantage ? mêmme, exxxplique leur expérience. Pourtant qu’on va en faire,, je pense que LeWitt – si on fait bien attention CP : J’ai commencé dans des églises et des aux formes,, aux couleurss,, aux variations,, aux M : Notre live sera un peu de tout ça. De mon synagogues,, en ce qui concerne mon travail combinaisons,,, et à leurs développement,,, – côté, je prépare un set-up pour être a l’aise et son exécution, j’ai toujours adoré l’écho eh bien c’est trèsss difficile, en fin de compte, avec la musique de Charlemagne, et appor- et les propriétés acoustiques d’un lieu,,, donc de le ranger dans ce petit mott coincé du cul,, ter quelque chose en plus. On va répéter / j’attends beaucoup de cet aspect de notre minimalisme. improviser ensemble sur plusieurs jours avant collaboration,, même si nous répétons dans un le concert. Ces séances sont assez courtes en espace bien plus sec, les Instants Chavirés. Et que ressentez-vous face à l’art actuel ? général, mais ça suffit à ce se mettre en phase Vous sentez-vous proche d’une scène parti- avec lui, et à développer mon propre scénario M : Charlemagne travaillant la répétition à culière ? à l’intérieur de ses improvisations de piano / partir de sons qui se prêtent bien à ce contexte voix / field recordings. (piano, voix, field recordings), il ne devrait pas CP : Je me sens proche de tous les arts du trop avoir de problème avec l’acoustique. Pour présenttt, y compris les plus jeunes, plus ouverts Que voulez-vous faire de ce concert ? ma part, ça va être plus compliqué, mais j’ai à la fusion des atmosphères de ce présent,,, prévu de m’adapter. En même temps, j’y ai vu et prendre congé du minimal à jamaisss et M : Je tiens vraiment à être en harmonie avec Merzbow et la sonorisation était parfaite, donc accueillir le maximal pour toujourrrs,, sa musique. Je ne veux pas que ce live res- j’ai quand même des chances de pouvoir me semble à deux artistes qui font leur musique lâcher sur les fréquences. Mondkopf, vous avez créé un live avec le col- habituelle, sans s’écouter. lectif visuel Trafik. Est-ce une manière pour Charlemagne Palestine, vous avez com- vous de tisser un lien entre musique et arts CP : Pour moi,,,, miiiiieux que le meil- mencé comme carillonneur à l’église Saint visuels ou émotions visuelles ? leurrrrr,,, pirrrre que le pirrrre,,, au meilleurrrr Thomas de Manhattan. Mondkopf, quant à sens du terme !! vous, vous utilisez souvent des cloches dans M : À la base, je ne suis pas très amateur des vos morceaux. Y a-t-il pour vous une signi- lumières de scène. Je crois que je préfère un Qu’a apporté votre collaboration passée à fication de la cloche ? Est-ce que pour Sonic concert dans le noir total plutôt que d’avoir des vos musiques respectives ? Allez-vous sim- Protest, dans cette église, vous allez vous lumières de toutes les couleurs qui se bala- plement réitéré votre collaboration selon retrouver autour de cet aspect-là ? dent, surtout si elles sont en décalage avec la les mêmes termes ou allez-vous tenter de la musique. Mais comme j’aime aussi tout ce qui poussez plus loin ? M : Je crois que ça vient juste de l’amour de touche à l’image ou aux visuels, j’essaie d’en ce son. Il est pur, il peut être puissant aussi incorporer dans ma musique, pour lui apporter CP : Je ne me souviensss pas de ce que nous bien que délicat. J’aime la dimension drama- une dimension supplémentaire. L’idée étant que avons fait,,, dooonc rien à réitérer,, juste tique que des cloches peuvent apporter à une ça cela reste assez abstrait pour laisser de la vivre, voir, entendre dans le moment présent,, pièce. Il suffit d’écouter le Miserere d’Arvo place à l’imagination, que le live reste un pur c’est ce que je fais en généraaal et c’est ce que Pärt ! Je n’ai pas de vraie cloche chez moi, Interview ARTISTE - 02.04.2015 mais cette question me donne envie de trou- ver un moyen d’en utiliser.

CP : Généralement, j’ouvre mes rituels avec deux verres,,, dernièrement je les entrrre- choque comme des cloches,,on verrra bien et on entendrrra bien si, tous deux, nous acquiescooons au DingDong ou si nous le refusoooons !!

Vos travaux respectifs explorent la dimen- sion rituelle, spirituelle de la musique, mais avec des moyens très différents, des gram- maires sonores presque opposées. Pensez-vous que vos lexiques musicaux respectifs seront complémentaires ?

CP : C’est vous qui nous dirrez s’ils le furrent ou noon.

M : Je ne crois pas apporter quoi que ce soit à Charlemagne, mais je sais que sa musique peut me servir de chemin pour faire évoluer la mienne.

Charlemagne Palestine, vous êtes un contem- porain de , , , , autant de musiciens qui ont beaucoup compté dans le parcours musical de Mondkopf. Jouer ensemble, est-ce trans- mettre un héritage ?

CP : Écoute le préseeent,,, joueee le préseeent,,, agis avec le préseeent,,,, c’est tout c’qui compte !!!! Ce qui est fait est fait,,, le passé appartient au passé,,,, owww is nowww and wowwww is wowwww!!!

Par Jérémie Grandsenne Interview ARTISTE - 04.04.2015

Face à la mascarade snobinarde de La Movida, Noisey : Hey Arturo, comment ça va ? Vous étiez un groupe politique ? qui s’étendait à toute l’Espagne dès le début des années 80, le groupe Esplendor Geometrico Arturo Lanz : Je vais très bien, merci. On ne voulait exprimer aucune idéologie avec (formé de Arturo Lanz, Gabriel Riaza et Juan notre musique, et c’est toujours le cas, c’est très Carlos Sastre) a voulu pousser un cri. Ce cri Ça se passe comment la vie en Chine ? important. Chacun possède la sienne, mais la s’est transformé en Necrosis En La Poya, un EP musique doit simplement rester de la pure énergie, sorti en 1981 doté d’une pochette particulière- Vivre à Pékin est super excitant, vraiment. La ville sans idéologie. ment gênante représentant un bébé mort à l’oeil est tellement grande, ça bouge tellement. Je ne bionique (et on ne parlera même pas des lyrics m’ennuie jamais ici. Je dois juste revenir de temps C’était important pour vous de chanter en qui tomberaient aujourd’hui sous le coup de la en temps à Madrid pour le boulot. espagnol ? Ca a dû vous fermer des portes. loi). À linstar de Throbbing Gristle en Angleterre ou Einstürzende Neubauten en Allemagne, le Tu pourrais plus y vivre ? C’était comment les Non, la lanque n’est pas importante. On a pays de Franco possédait désormais lui aussi années 70 en Espagne ? chanté en espagnol, en japonais, en allemand, en son commando electro-industriel. Les mecs basque, en chinois. Toutes sont des langues fortes n’étaient pas sortis de nulle part non plus. Après À Madrid c’était incroyable. Dès la mort de qui colllent très bien avec la musique de Esplen- un passage éclair au sein de la première mouture Franco, tout a changé super rapidement. dor Geometrico. de El Aviator Dro Y Sus Obreros Espezialidos, groupe qualifié de croisement entre Kraftwerk et Parle-moi d’Aviator Dro, ton premier groupe. Justement, durant les années 90, votre musique Devo, qui, paraît-il, inventa le terme techno-pop On dit que vous avez inventé le terme « techno- est devenue plus « accessible ». T’en avais en son temps, les trois ladrons, pas satisfaits de la pop » à la fin des années 70. marre de brailler ? tournure pop kermesse du truc, ont vite quittés le navire avec un seul objectif en tête : créer des sons Les Aviator Dro étaient un groupe de pop. On Les années 90 font partie du passé. Je ne m’en pour tout flinguer sur scène. Et c’était bien vu. Qui était juste une bande de jeunes qui voulions nous rappelle même plus. Je n’écoute aucun de mes se souvient d’Aviator Dro aujourd’hui ? Esplendor marrer. Rien de plus. anciens disques. Même les nouveaux d’ailleurs... Geometrico, eux, ont désormais leur place pépère au panthéon de la noise, ont sorti une chiée de Ok. Pourquoi le futurisme a influencé autant Quelle musique t’as envie de faire aujourd’hui disques et projets en tous genres, encore réédités, de groupes indus et électroniques selon toi ? ? ne se sont fait récupérer par aucun concept ni aucune idéologie, et surtout, malgré la distance J’en ai aucune idée. Personnellement, Esplendor J’ai toujours fait ce que j’ai eu envie de faire, sans séparant les membres du groupe (qui est un duo Geometrico n’était pas directement influencé par m’embarasser de concepts ou d’idées compli- depuis le milieu des années 1990), Arturo Lanz ce mouvement. Il y avait juste notre nom qui y quées. Je veux juste balancer un rythme pur qui vivant désormais à Pékin et Saverio Evangelista à faisait référence. attaque directement le cerveau. Rome, continuent toujours à faire de la musique et à tout exploser sur scène. Vous pourrez d’ailleurs Il y avait peu de groupes dans le genre en Quoi d’autre ? vous en rendre compte samedi 4 avril au Centre Espagne à l’époque. Avec qui vous traîniez ? Je n’ai rien d’autre à dire. Barbara FGO (75018, Paris) où Esplendor Geo- metrico se la donnera en point d’orgue du festival On traînait avec tout le monde. Mais au fil des an- Par Rod Glacial Sonic Protest. À l’occase de ce rare concert, on nées 80, on a perdu contact avec tous les groupes a posé quelques questions à Arturo qui préfère espagnols. On jouait toujours tout seuls. Et perso, toujours bouffer des micros que de brôder autour je préférais sortir avec des potes de l’université qui du bruit. n’avaient rien à voir avec la musique. Interview ARTISTE - 04.04.2015

Empruntant son nom à un passage du de réminiscences orientales, baléariques je me rappelle, j’ai toujours aimé les manifeste Futuriste, dans lequel Mari- et andalousiennes, mais sans jamais ryhtmes. Notre influence primordiale netti évoque la “splendeur géométrique tomber dans l’écueil de la world music. était Throbbing Gristle et nous cher- et mécanique”, le groupe espagnol Leur unique raison d’être ? Balancer un chions à surprendre les gens, à créer un Esplendor Geometrico est un pilier in- rythme pur et abrasif « qui attaque le choc esthétique. Mais au fur et à mesure, contournable de la musique industrielle, cerveau » et déborde des frontières, au nous nous sommes concentrés sur l’im- aux côtés de SPK et Throbbing Gristle. propre comme au figuré. A l’occasion pact sonore davantage que sur l’impact Après avoir démissionné du groupe de leur concert dans le cadre du festival visuel. La musique expérimentale synth-pop Aviador Dro devenu trop Sonic Protest, avec les non moins in- des années 1980 faisait fréquemment commercial à leur goût, Arturo Lanz, tenses Fusiller et Ryan Jordan en charge référence aux courants d’avant-garde Gabriel Riaza et Juan Carlos Sastre d’ouvrir le bal, nous les avons soumis à du 20ème siècle, comme le dadaïsme, le forment Esplendor Geometrico en 1980 une poignée de questions. Arturo Lanz, constructivisme, le futurisme, et votre à Madrid, sans songer que leur œuvre fondateur du groupe, y a répondu avec nom est un emprunt direct à Marinetti. sonore allait se déployer toute une vie un certain laconisme. durant. Leur musique électronique dure, Etiez-vous fortement influencés par répétitive et percussive préfigure avec Chro_ Esplendor Geometrico a tou- ces mouvements artistiques ? trente ans d’avance l’EBM et la harsh jours été très en avance sur son temps techno qui font désormais fureur dans et semble obtenir enfin la reconnais- Seulement en des termes esthétiques, et les clubs de Paris ou Berlin. sance qu’il mérite. Comment étiez- non théoriques. Il n’y a aucune dé- Réduit depuis 1990 à un duo (Arturo vous perçu en Espagne à vos débuts ? marche intellectuelle dans notre mu- Lanz & Saverio Evangelista), le groupe sique. C’est purement intuitif. Rien de légendaire n’a pas changé son fusil Arturo Lanz : Nous avons toujours été conceptuel. Une pure décharge d’énergie d’épaule et continue de sortir ponc- ignorés et méprisés en Espagne. Très transmise par les rythmes. tuellement des disques sur son propre peu de gens nous connaissaient. Le type label, Geometrik. Le dernier en date, de musique que nous pratiquions était Vous n’avez jamais utilisé d’instru- Ultraphoon, est sans doute l’un des plus très rare en Espagne à l’époque. Il y ments « rock » traditionnels, comme ambitieux de leur carrière et n’a rien à avait très peu de groupes expérimentaux, la guitare ou la batterie. Pourquoi envier aux « classiques » Kosmos Kino et nous n’étions pas en contact les uns avoir fait ce choix initial d’utiliser (1987), Mekano Turbo (1988) ou Sheikh avec les autres. Nous avons toujours fait seulement des synthétiseurs, des Aljama (1991). Auteur d’une quantité notre musique dans notre coin. J’étais bandes et des effets électroniques? considérable d’albums devenus introu- étudiant à l’époque et ça ne m’intéres- vables, rien ne semble pouvoir l’arrêter sait pas d’entrer en contact avec d’autres A l’époque, on se disait qu’on pourrait dans sa quête de la transe au moyen de groupes. D’où vous est venu ce goût faire davantage de boucan avec des fréquences distordues, de samples de pour une musique dure, agressive et synthétiseurs qu’avec des instruments discours glanés à la radio ou à la télé et mécanique, qui était très radicale pour conventionnels. On a vendu guitare et de boîtes-à-rythmes à la cadence brutale l’époque, voire même considérée comme basse pour acquérir à la place deux syn- et obsessionnelle. Le tout souvent teinté inécoutable. Eh bien, d’aussi loin que thétiseurs Korg : un MS10 et un MS20. Interview ARTISTE - 04.04.2015

Et on est resté fidèle à l’électronique, Non, nous n’avons jamais eu la chance même si on s’est adapté à la technologie de travailler ensemble et je n’ai jamais digitale. eu l’occasion de les rencontrer, mais j’ai un immense respect pour eux. Vous incorporez beaucoup de réfé- rences au Moyen-Orient, à l’Asie, Les sonorités industrielles et les ryth- surtout sur les disques Sheikh AJima miques abrasives sont aujourd’hui et Polyglophone, tout en restant très monnaie courante dans la dance music ancré dans la culture hispanique. et la techno expérimentale. Vous inté- Pouvez-vous nous en dire plus sur ces ressez-vous à la club culture ? collisions de cultures ? J’adore la musique de danse. En particu- La musique est universelle. Les fron- lier la plus tribale. J’adore danser. tières sont des constructions artificielles. On peut toujours trouver des liens entre Votre musique est néanmoins plus des cultures diverses dans la musique et sophistiquée et moins primitive qu’à les chansons de n’importe quel pays. Je vos débuts. Comment s’est opéré votre n’ai jamais été limité géographiquement. passage de l’analogique au digital ? La langue espagnole possède une sono- rité très particulière qui fonctionne à L’arrivée de l’ordinateur nous a simpli- merveille dans nos morceaux. Mais nous fié la tâche, pour moi c’est un outil plus utilisons aussi bien le japonais, l’alle- flexible, plus versatile. Ca permet de mand, le chinois… Nous ne cherchons produire une palette de sons bien plus pas à transmettre un message particulier. vaste. Mais je n’ai pas de préférence, l’important ce sont les rythmes et les Vous faites une musique qui repose sonorités qui en résultent. beaucoup sur les nombres, les boucles, le tempo… Vous intéressez-vous aux « Ultraphoon » est un album plus méthodes de composition issues des produit, avec des sonorités très mathématiques ? actuelles qui rappellent parfois celles d’Autechre. Pouvez-vous raconter l’ « Saverio s’intéresse aux mathématiques, histoire » du disque ? mais à vrai dire, on ne pense pas à grand chose quand on compose. Je ne pense Il n’y a pas d’histoire. Il y a juste besoin plus à rien dès le moment où je me d’écouter et de se perdre dans la profon- laisse entraîner par les rythmes. deur du son.

Vous avez entamé une collaboration Par Julien Bécourt avec Francisco Lopez (compositeur espagnol et biologiste dont la musique bruitiste et radicale s’appuie essen- tiellement sur des sons d’environne- ments naturels, NDR) sous le nom de Biomechanica. Comment avez-vous été amenés à collaborer ?

Francisco et moi sommes amis depuis l’adolescence. Notre collaboration résulte d’une envie mutuelle de faire converger nos styles. Francisco a investi bien plus de travail que moi pour la réalisation de ce projet. Nous avons pris beaucoup de plaisir à travailler ensemble.

Chris & Cosey et Coil ont contribué à l’album de remixes EN-CO-D-Esplen- dor. Avez-vous continué à collaborer ensemble par la suite? Interview ARTISTE - 08.04.2015

D’un côté, le taulier de l’expérimentation je connais depuis presque 50 ans, mais on la mélodie. J’adore crier. Bon là, ça va peut qui a passé toute sa carrière à remettre en n’avait encore jamais enregistré ensemble. être un peu plus délicat, mais si je com- question l’étiquette lourdingue du minima- On a fait ça dans des circonstances très mence à être vraiment en transe, je peux lisme, qu’on a injustement voulu lui coller. intimes, à la maison, où j’ai tous mes ins- commencer à hurler. De l’autre, le celui qui a fait entrer le froid truments, et cette magnifique acoustique. et la désolation dans une scène électronique J’ai aussi joué avec Áine O’Dwyer au Café CP : On va travailler dans l’instant. On va française un peu trop branchée sur la fête et Otto à Londres. J’aime quand on vient jouer ensemble mais on ne va pas vraiment le superficialité. 40 années séparent peut- me voir pour me demander de jouer avec répéter ou décider quoi que ce soit. Juste être Charlemagne Palestine de Mondkopf, d’autres musiciens, même avec un monstre demander à l’ingénieur du son de nous mais on retrouve chez eux la même posture comme Mondkopf [Rires]. Je n’ai pas peur, donner les moyens de nous battre à armes apostatique, la même volonté d’éclater les et eux non plus j’espère. J’aime bien ce égales, Paul et moi. Qu’on puisse se tuer sacro-saints carcans, qui n’intéressent au côté Clash des Titans. l’un et l’autre à égalité ce soir. final que les critiques musicaux. Quoi de plus naturel alors que de les faire jouer C’était l’ambiance de votre première Mondkopf parlait de transe à l’instant. ensemble dans une église qui plus est - répétition cet après-midi? On parle souvent de musique rituelle celle de Saint-Merri ? A quelques heures pour définir le son de Charlemagne. J’ai de leur concert pour Sonic Protest, on les Mondkopf : Ouais, c’est un peu King Kong l’impression que vous avez en commun a retrouvés, pour prendre la température et contre Godzilla… cette réthorique quasi-religieuse. discuter autour d’une généreuse ration de whisky. CP : Oui, quelque chose comme ça. Un CP : Religieux, je ne sais pas. Je n’aime clash, un gentil clash, mais c’est ça que pas parler de religion, le sujet reste délicat. Noisey : Vous avez déjà joué ensemble il j’attendais. Je ne sais pas encore ce qui est Je pense plus en terme de sacré… Quand y a trois ans lors du workshop InFiné. Il vraiment prévu pour la performance finale, j’ai commencé à jouer des drones ou des s’est passé quoi pour vous, entre-temps ? mais en tout cas j’ai toutes mes armes avec musiques de transe, j’ai commencé à tou- moi et Paul aussi. Mon piano déjà, mais j’ai cher une toute autre génération, à attirer Mondkopf : Depuis ce concert, j’ai sorti un aussi amené beaucoup de morceaux électro- des collaborateurs différents, religieux ou nouvel album et j’ai cherché à développer niques issus sur mon laptop. Paul com- non, avec qui on a commencé à faire des les collaborations. Ça fait aussi trois ans mence à chanter un peu plus, on va pouvoir communions. Des communions sacrées, qu’on cherche à ré-itérer l’expérience du gueuler ensemble. Et puis tout se passe sans religion particulière. concert commun avec Charlemagne, de dans une architecture gothique, ce qui est trouver des gens pour produire cet événe- parfait pour la musique de Mondkopf. Une Mondkopf : Oui je pense que c’est propre ment, et Sonic Protest a bien voulu nous église résonnante et réverbérante. J’adore à ce genre de drones, il y a quelque chose aider là-dessus. ce genre de nature acoustique pas trop d’assez universel. sèche où tout le son coule. Bien sûr on peut Charlemagne Palestine : Je crois que depuis avoir des problèmes, ça peut vite devenir CP : Le drone est devenu un langage uni- notre dernière rencontre j’ai sorti trois muddy... versel, comme le jazz finalement. disques sur Sub Rosa, avec . Du coup, est-ce que jouer dans une Un truc enregistré chez moi, à Bruxelles, il Mondkopf : Comme Charlemagne l’a dit, je église mercredi donne une résonnance y a deux ans et demi. C’est quelqu’un que chante beaucoup plus, du growl comme de particulière à ce caractère sacré ? Interview ARTISTE - 08.04.2015

je me laisse un peu aller et étonner par ce qui ner qu’il va faire autant de bruit. Il est CP : Il y a des années de cela, j’avais joué sort. Pendant mes lives, mes visuels forment assez trompeur, il a un « moi intérieur » et avec Gol à l’Église Saint Eustache, près une espèce de scénario, mais qui sont plutôt de un « moi extérieur ». de Saint-Merri. On avait fait une magni- l’ordre du conte, de l’histoire, que du rituel. Mondkopf : On va enregistrer cette ses- fique performance, qui a d’ailleurs été Dans la présentation du concert on a eu sion et c’est une grande première pour enregistrée. On était plein de jeunes - tous tendance à mettre en avant vos diffé- moi. En même temps, c’est quelque chose très polis - mais pourtant le lendemain, rences, mais j’aimerais plutôt entendre que j’avais envie de tester. Quand je suis l’église a dit « PLUS JAMAIS ». C’était parler de vos points communs. dans le studio et dans la partie création, vraiment une église dans le pire sens du vraiment dans un morceau, et que je terme. Un « club » fermé avec une magni- CP : J’ai fait un bruit, il a fait un bruit. l’enregistre, je le travaille, je le produis, fique architecture, seulement fréquenté Et voilà. Les gens ont voulu nous sépa- j’ai tendance à perdre cet instant magique, par quelques personnes agées. Elle n’a rer, nous mettre dans deux catégories j’oublie presque le côté féral du live. pas su s’ouvrir aux nouvelles générations, différentes, mais cette séparation n’existe incapable de faire le moindre compro- pas. Ma propre génération était vraiment CP : Il y a un côté funambule dans le mis pour que jeunes et vieux puissent remplie de gens chiants. Et je reste très live, tu es sur une corde. Je n’ai jamais communiquer ensemble. Tout l’inverse poli quand je dis ça. À cette époque, on été plus concentré - même en studio - que de l’église Saint-Merri. J’ai déjà joué me disait que j’en faisais trop et tout dans cette situation précaire où tu peux te là-bas et le curé est quelqu’un de génial. était bien trop segmenté. Quand tu étais foirer complétement et que tout le monde C’est un lieu ouvert à l’art contemporain, multi-disciplinaire comme Jean Tinguely en sera témoin. j’imagine que c’est ce qu’il faut pour que où mon ami Takis, tu étais très mal vu. jeunes n’aient plus peur d’entrer dans les Maintenant je suis dans la norme. Car Justement, ça serait quoi le pire foirage églises. Ne plus en faire un lieu de disci- la génération actuelle fait tout, elle a pour ce concert ? pline. C’est la meilleure propagande qui gagné en indépendance avec l’évolution soit, qu’on laisse les choses se faire. des technologies. Ce sont des choses CP : Eh bien, c’est ça mon problème, c’est auxquelles on a touchées à notre époque, que je ne sais pas ce qu’est un foirage. Ça me rappelle cette histoire où les mais différemment. Si t’en parles à mes collègues, à Steve autorités écclésiastiques avaient voulu Reich, à , à Philipp purifier la cathérale de Reims après le Quand j’ai commencé à faire du drone Glass… Eux seront en mesure de te dire concert de Tangerine Dream... et des musiques de transe et que nous ce qu’est un fuck up… Moi je suis imbé- n’étions que quelques uns là-dedans, cile, je ne sais pas ce que c’est. Quand CP : Oui, mais Tangerine Dream vient on n’était pas vraiment intégrés à notre j’ai enregistré mes disques avec Rhys plus s’inscrire dans une période de environnement. Même entre nous ça ne Chatham - qui a un côté assez introverti mumbo jumbo, une époque post-hippie collait pas forcément. Mais aujourd’hui, comme Paul - il se posait la question de dans laquelle on inventait toutes sortes de la connexion se fait naturellement, on les sortir ou non parce qu’il se trouvait nouvelles religions. D’une certaine façon, joue tous ensemble, comme à l’époque légèrement out of tune, désaccordé. Moi on a aussi dit de moi que j’ai inventé une où le jazz est arrivé. On vient de parties j’ai trouvé ça génial, être out c’est être in. nouvelle religion. Ok, mais ça s’appelle opposées du monde ou de générations dif- C’est comme ça qu’on arrive à faire des le CharleWorld, et ce n’est pas quelque férentes et pourtant, ça marche. Ça s’est choses inédites, en dehors des normes et chose qui est dangereux ou menaçant. passé comme ça avec Paul. Je n’avais pas des traditions si l’on peut dire, juste en écouté sa musique avant que l’on joue laissant faire. Et quels sont les préceptes du Char- ensemble, mais j’ai immédiatement eu leWorld alors ? confiance. Par François Vesin

CP : Déjà, il y a mes animaux en peluche Mondkopf : D’un point de vue purement et mes vêtements colorés. Et puis une technique, je dirais que nous sommes atmosphère où les gens sont concentrés. reliés par ce sens de la répétition, de la Il y a certaines religions où il est autorisé mélodie et par l’aspect physique de la de boire, j’aime quand les gens ont un peu performance. bu. Personne n’y est obligé, mais si on participe à une célébration où l’on chante CP : Paul produit une musique viscérale. et l’on joue, c’est mieux si tout le monde On est deux personnes « viscéralistes ». à « slouké » un peu. Je trouve ça pas mal On a pourtant longtemps essayé de me pour entrer dans une autre dimension. coller cette étiquette horrible du minima- Sub Rosa a fait un film sur moi intitulé lisme. Mais le minimalisme, c’est comme Whisky Time. On touche presque au rite aller boire un verre dans un bar et ne pas religieux, parce qu’à partir de 17h30, laisser de pourboire. C’est cheap. peu importe où je me trouve, c’est le « Minimalism = cheapism ! Mais bon, Whisky Time » : je bois mon Johnny Wal- depuis, j’ai réussi à m’affranchir de cette ker Red, auquel j’ai été converti par Igor étiquette. Comment pourrais-je encore Stravinsky. C’est ce qu’il buvait quand je entrer dans cette forme cheap de musique, l’ai vu diriger sa musique. qui n’a rien à voir avec moi ? La seule différence entre Paul et moi, Et quels sont les préceptes ou rituels c’est qu’il semble assez austère à pre- liés à la musique de Mondkopf alors ? mière vue mais les choses qui sortent de lui sont assez différentes de ce qu’il laisse Mondkopf : Il faut être ouvert, le plus tolérant paraître. Quand je crie, l’animal que tu possible à ce que l’on peut recevoir. Être éton- vois est assez proche de ce que j’incarne. né par les choses. Sinon, de manière générale, Quand tu vois Paul, tu ne peux pas devi- Interview ARTISTE - 08.04.2015

Phil Minton est un improvisateur vocal avec des personnes en marge de la société La musique, c’est ce que nos oreilles font anglais inlassable, actif depuis plus de qua- dite « normale » ? avec les sons. Un des aspects importants de rante ans. S’il est également trompettiste, votre musique consiste à pousser le corps c’est avant tout sa voix, organe protéiforme PM : La plupart des participants sont en jusqu’à certaines de ses limites. et virtuose, qui a fait sa renommée. Minton marge du normal, moi y compris ! Les semble capable de faire passer tout le réel improvisateurs d’hier et d’aujourd’hui Comment menez-vous vos choristes à dans sa voix : chant, bruits d’animaux, sons disent souvent que l’improvisation, c’est la expérimenter leurs propres limites? d’objets, borborygmes, cris, plaintes… liberté, l’émancipation, égalité. Le monde entier des sons défile sur ses PM : Avant les répétitions et les concerts, je cordes vocales. Pour son concert dans le Et vous, quelle est votre conception poli- fais un atelier d’échauffement. Nous rions cadre du festival Sonic Protest, ce soir tique de l’improvisation ? beaucoup et je dis à mes camarades de ne même à l’église Saint-Merry, il dirigera pas forcer leur voix. Chanter lorsqu’on est le Feral Choir, une chorale participative PM : L’anarchisme. anxieux, ou simuler la colère à l’aide de improvisée qu’il dirige à l’aide de gestes sa voix, par exemple, peut l’endommager. simples. Le but ? Non pas chanter à l’unis- Vous partez parfois de textes de William Je recommande également de ne pas parler son mais éclater les multiples voix en un Blake ou de James Joyce. Vous percevez- trop. chaos sonore sans unité, dans une anarchie vous comme un poète sonore ? Que vous joyeuse et cathartique. apporte la poésie ? Avez-vous préparé quelque chose de par- ticulier pour ce concert à l’église Saint Chro_ Le Feral Choir existe depuis plus PM : Les mots n’ont de signification que Merry ? de vingt ans à présent. Qu’est-ce que ça locale. Au contraire, Blake et Joyce sont fait de le diriger après tant d’années ? parvenus à transcender les significations PM : Une église est une formidable chambre littérales des mots. acoustique qu’il vaut savoir utiliser à bon Phil Minton : Je suis toujours galvanisé et escient. Sur place, je ferai les ajustements surpris par les possibilités vocales de cha- Nous avons en France une longue tradi- nécessaires pour adapter le chœur à cette cun, où que j’aille. tion de poètes sonores, d’Henri Chopin à situation unique, mais chaque incarnation Bernard Heidsieck en passant par Fran- du Feral Choir est déjà unique. Quel était votre but en le créant ? çois Dufrêne. Que pensez-vous de leurs œuvres ? Quel est votre meilleur souvenir avec le PM : Je voulais mettre sur pieds un son Feral Choir? vocal collectif jamais entendu auparavant. PM : Je ne me suis jamais perçu comme un poète sonore, seulement comme un chan- PM : Un participant m’a dit un jour que Vous performez avec des adolescents, des teur, mais j’admire ces trois poètes et bien participer au chœur avait été la plus belle musiciens amateurs, avec des autistes et d’autres parce qu’ils ont bouleversé la poé- expérience de sa vie. des détenus également. sie, de même que j’admire Cage, Coltrane, Quelle signification ça a, de travailler Stockhausen, Pollock et bien d’autre. Par Mathias Kusnierz Interview ARTISTE - 15.04.2015

Du 2 au 12 avril se tnait la 11e édition du entre physique, chimie et acoustique pure. sorte de bourdonnement sonore festival Sonic Protest. Entre expérimentation Mais attardons-nous un peu sur deux gros fossoyeur de tympans sur la gauche, tandis défricheuse et furie sonore, on en aura morceaux de choix. Le 11 avril, la salle du que Caspar Brötzmann, sur la droite, s’échinait profité pour rencontrer Charlemagne Générateur à Gentilly programmait la collabo- à produire des boucles de guitare noise et Palestine et Mondkopf, deux des têtes d’affiche ration entre le percussionniste FM Einheit et le ferreuses. Le tout avec autant d’implication dont la collaboration promettait des étincelles. guitariste noise Caspar Brötzmann. La soirée que de sensualité, la performance fut ponctuée Le festival Sonic Protest s’achevait dimanche commença avec les attaques de Klaus Legal par l’éclatement d’une brique sur une tôle de soir dans le bruit et la fureur des assauts punk (musicien français passé par les formations fer : stridence, sifflement des oreilles, entre et hardcore de No Balls, Pierre & Bastien et Death to Pigs, Dalida ou encore La Race) et happening visuel et performance sonore brute, T.I.T.S. au Chinois, à Montreuil. Mais avant qui offrait ce samedi une performance entre le geste valut cette réflexion pleine de sagesse cette salve de guitares furibardes, le festival harsh noise et power electronics infernaux, de la part de notre voisin de droite : “Germans aura vu passer un florilège d’expérimentations faite de dégueulis de bile (vomis en français) are fucked up”. Soit. sonores, durant une semaine chargée en débou- sur des beats concassés. Seul sur scène, le lonnages de tympans. musicien éclairé/flashé par un stroboscope Nos plus grosses attentes se situaient surtout épileptique proposa une musique difficile- dans la rencontre entre Charlemagne Palestine Du 2 au 12 avril, on aura assisté à un décras- ment soutenable et qui provoqua rapidement et Mondkopf, qui se déroulait le 8 avril à sage sonique en bonne et due forme : du centre l’épuisement physique complet. Vint ensuite l’église Saint-Merry. Monstre sacré (dans tous Barbara à l’église Saint-Merry, de Montreuil le groupe Dial, mené entre autres par la musi- les sens du terme) du minimalisme américain à Gentilly, le festival aura investi des lieux cienne Jacqui Ham (ex-Ut, groupe 80’s présent des années 60-70 (terme qu’il abhorre néan- inédits. En ouverture, on aura pu assister à sur la cultissime compilation New York Noise) moins, on y revient) aux côtés de Philip Glass We Have An Anchor au 104, ciné-concert qui se plaignit régulièrement de problèmes de ou Steve Reich, Charlemagne Palestine ne ren- autour du cinéaste Jem Cohen et réunissant des son, en bonne harpie post no-wave. contra pas le succès populaire de ces derniers, membres de Fugazi, Godspeed You! Black Em- Dommage, l’empilement rythmique des bien décidé à ne jamais rentrer dans les cases peror ou encore Dirty Three. On croisa durant couches de guitares dissonantes avait de la qu’on aura voulu lui attribuer (et à envoyer ce festival les pionniers espagnols electronico- gueule. chier tout le monde, soit dit en passant). industriels de Esplendor Geometrico, le no-jazz des Australiens de The Necks, la weird-folk de FM Einheit et Caspar Brötzmann Outre un certain sens de l’excentricité et de Richard Dawson, ou encore le projet Motus, enchainèrent, pour une performance en forme l’exubérance (accoutrement à la Crocodile fruit de la rencontre entre l’artiste sonore Pierre de surenchérissement dans le bruit et la Dundee, performances ritualistes avec peluches Bastien et la chanteuse et multi-instrumentiste déconstruction arythmique. et verres de cognac comme fétiches scéniques Emmanuelle Parrenin. Signalons aussi l’expo- Percussionniste ayant largement contribué à – on est loin du sérieux papal du milieu), c’est sition Science de la Superstition de Tetsuya façonner le son de Einstürzende Neubauten à surtout dans la radicalité et la démesure de son Umeda, qui se tenait à la Halle Bouchoule des grands coups de marteaux-piqueurs, œuvre qu’il se démarqua de ses contemporains Instants Chavirés : faite de collages sonores et Frank-Martin Strauß de son vrai nom : dans une perpétuelle quête du “golden d’utilisation des énergies premières telles que s’employa ce soir à maltraiter un ressort à sound”, dans sa recherche et ses manipulations le gaz et l’électricité, elle proposait un mélange coup de marteau, puis de perceuse, créant une des cloches, bandes magnétiques, oscillateurs, Interview ARTISTE - 15.04.2015

chants indiens, sa technique de strumming (du M – On va commencer avec le chant, parce que nique aussi, c’est vrai que c’est dommage de fait de répéter les deux mêmes notes de piano l’acoustique s’y prête. pas pouvoir l’avoir…Pour aller un peu avec jusqu’à la transe et la douleur) alliée à son sens Charlemagne j’ai simplifié mon set up, je constant du jusqu’au-boutisme ne pouvaient Justement on t’a vu récemment au Garage vais un peu à l’essentiel, je n’utilise pas de fait se marier aux exigences policées de Mu avec ton nouveau projet Extreme beaucoup d’instruments, surtout dans une la commercialisation de l’avant-garde. Héros Precautions où tu mettais beaucoup plus ta église c’est bien d’épurer, ou alors, à la quelque peu oublié d’une période qu’il contri- voix en avant…D’où te vient cette volonté limite faire une sorte de gros mur du son, bua pourtant grandement à façonner, Charle- nouvelle de t’exprimer par la voix ? pour que tout soit clair. magne Palestine fut tout de même redécouvert à la fin des années 90 (grâce, entre autres, à la M – Ça a commencé par le live avec Charle- Sans aller jusqu’aux orgues, j’ai lu que réédition de certains de ses albums), et jouit magne il y a 3 ans justement, au moment des tu utilisais beaucoup plus d’instruments d’un culte aujourd’hui tout sauf immérité. balances j’ai décidé de prendre un micro et analogiques aujourd’hui, est-ce un choix Sa rencontre avec Mondkopf, artiste électro- de l’accompagner, et c’est quelque chose que conscient ? nique français à la trajectoire discographique j’explore de plus en plus aujourd’hui. Pour moi des plus passionnantes, si elle pouvait paraître ça représente vraiment une étape en plus pour M – Oui, disons que j’ai commencé par les quelque peu incongrue sur le papier, n’en of- se lâcher vraiment sur scène, il y a quelque logiciels parce que c’était pas cher, tu pou- frait pas moins des perspectives réjouissantes. chose de cathartique, c’est un peu le dernier vais faire directement de la musique avec, niveau d’implication dans un live… mais plus tard je voulais avoir quelque chose A l’église Saint-Merry, leur performance de l’ordre du toucher. se composa de chants alternés par les deux Et pour toi, Charlemagne, est-ce que c’est la artistes, entre hululements tribaux et com- même chose ? On lit souvent dans les interviews de plaintes paganisantes, manipulant des sonorités musiciens électroniques, la volonté de se électroniques/analogiques répétitives à l’aide CP – Moi je chante depuis que je suis tout détacher de logiciels, ou de l’ordinateur en du laptop du premier et du piano Bösendorfer petit, à la synagogue. En fait le chant c’est général, car ils offrent trop de possibilités du second, créant ainsi des nappes de drone mon premier instrument, mon deuxième étant : il y a alors le risque de se perdre, de et une transe continue, entre hésitations et les cloches, et le troisième la musique électro- s’éparpiller. fulgurances. L’acoustique du lieu, superbe, nique. Dans la période “jurassique” des années permit d’appréhender cette musique ritualiste 60, c’était encore avec les bandes magnétiques M – Oui, c’est ça, j’ai des envies de réduire à sa juste mesure. Sur fond rouge vif, il y et tout ça…C’est seulement après que je suis les possibilités, pour aller vraiment vers avait quelque chose d’assez truculent à voir se arrivé à tous ces autres instruments, comme l’essentiel, ne pas me perdre, et ainsi perdre déployer dans un lieu de culte une musique et le piano, en particulier le piano Bösendorfer. l’émotion de départ de la création, rester une scénographie aussi…païennes. Maintenant j’ai tout un catalogue de mes dans cette bulle créative de sensation, L’après-midi précédant le concert, on avait anciennes musiques électroniques que je vais d’émotion. interviewé les deux musiciens/performers. mélanger, et on va chanter ensemble dessus ce CP – Je vais faire une série de performances Assis à la terrasse d’un café, Mondkopf avec sa soir. On a 3 systèmes de micros différents qui avec des Moog, c’est Paul Smith, du label tasse, ce sacré Charlemagne avec un bon verre nous permettent de mélanger les choses, et bien Blast First, qui organise ça avec l’univer- de rouge, cette rencontre s’annonçait forcément sûr l’acoustique de Saint-Merry, il n’y a rien de sité de Surrey. J’y ai travaillé pendant une expansive. tel, tu ne pourras jamais reproduire ça avec une semaine, et je vais maintenant commencer à machine, même une reverb’ numérique. faire des live solo. Il y a un retour à ça parce Comment en êtes-vous venus à collaborer M – Il n’y a pas besoin de mettre de reverb’ sur que les gens recommencent à aimer tous ces ensemble ? Sur le papier, votre rencontre nos sons, il y en a déjà une magnifique dans synthétiseurs vintage. Et comme je suis une semblait assez inattendue. l’église. relique de l’ancien temps qui a travaillé avec tout ça, j’aime bien être invité à présenter Mondkopf – En fait c’est le festival Worshop Justement, on se demande comment marier tout cela dans le nouveau temps, avec un Infiné, il y a 3 ans de ça, qui nous a invités, à vos deux instrumentations, parce qu’on nouveau langage. faire une résidence là-bas et à jouer ensemble imagine qu’elles sont assez différentes. un soir, donc c’était un peu par hasard. Et ainsi ne plus être réduit au simple M – Charlemagne a le piano, mais il utilise statut de compositeur minimaliste, appel- Quelle était la part de répétition et d’impro- aussi des bandes enregistrées. lation que vous réfutez totalement. visation à ce moment-là ? CP – J’ai déjà joué là il y a très longtemps, il y a quelques années. J’ai joué de l’orgue, il y CP – Ça, c’est une maladie ! C’est comme Charlemagne Palestine – Non je n’aime pas a un orgue ici qui malheureusement est en très une sorte de typhus, un truc impossible à du tout le mot “improvisé”, je préfère “dans mauvais état, il date de la fin du 19e, avec les éradiquer ! J’ai tout connu, des artistes rock, l’instant”. timbres et ces sonorités françaises, c’est un joli j’ai connu , j’ai même connu M – Voilà, disons qu’on a un peu tout notre set son mais il a besoin de restauration. C’était Stravinsky… Ce terme de minimaliste, up, et on a un peu notre technique avec nous, et l’orgue de Charles Marie-Widor, un grand franchement. Ma musique est liquide, elle dans l’instant on voit un peu ce qu’on en fait, organiste de Paris, mais le festival a décidé change toujours, j’ai fait certaines œuvres par quoi on commence, par quoi on finit…On que c’était trop délicat pour moi de jouer avec qui étaient très réduites, si on peut dire, mais a eu quand même trois jours où on faisait de la des bandes électroniques sur cet instrument, après cinquante ans j’ai fait énormément de musique pendant une heure, là on a commencé donc on a renoncé. Mais je reviendrai un jour choses différentes, de minimal à maximal, pareil lundi, on a fait deux fois deux heures aux ici, parce que pour moi, c’est le saint orgue de méditatif à psychopathique… Je préfère Instants Chavirés. suprême : un grand orgue dans une grande rester comme ça, je suis toujours ouvert, CP – Mais maintenant il chante plus qu’il y a 3 église, avec des milliers de tuyaux, de sons, de comme ce soir, dans l’instant, moi je n’aime ans, on va commencer par une première partie pipes, de tout ce qu’on veut. pas du tout ces labels qui te réduisent. Si composée exclusivement de chants. M – L’orgue se mélange bien avec l’électro- tu me connais un peu tu verras au bout de Interview ARTISTE - 15.04.2015 dix minutes que ce terme de minimaliste, ce les distinctions entre musique savante/ CP – Malheureusement, beaucoup de nou- n’est absolument pas moi. musique populaire, et même dans ses veaux lieux ne sont pas spécialement conçus On a l’impression que vous partagez ce fonctionnements internes, comme musique pour le son, comme les églises l’étaient refus d’intellectualiser ce que vous faites, concrète, musique minimaliste, expérimen- dans le Moyen Âge. Là on est souvent dans en particulier, justement, quand vous met- tale, électro-acoustique, etc… des endroits interchangeables, où que tu te tez l’accent sur l’instant. Il y a une histoire derrière ça. Je préfère trouves dans le monde (Melbourne, Mexico utiliser un terme ambigu, le plus ambigu City, Tokyo, Chicago) c’est la même chose : M – Moi je sais que je n’aime pas trop possible, comme ça je peux changer, de une scène avec quelques micros, aucun sens intellectualiser les choses, mettre des mots l’instant à l’instant. C’est comme l’improvi- de l’espace. Ce ne sont pas des lieux faits sur les choses, je préfère vraiment le ressenti sation. Je ne suis pas comme Dave Brubeck, pour ça, contrairement à une église comme du moment. lui a improvisé en piano, rien à voir avec celle de Saint-Merry. CP – Finalement ce qu’on fait c’est très vis- moi. Il était aussi dans l’instant, certes, mais J’ai joué à Saint Eustache il y a quelques céral, lui de sa façon, moi de la mienne. Si c’est lui l’improvisateur, pas moi. C’est un années. Chaque église est unique, possède des grands intellectuels viennent ce soir, eux terme assez jurassique aussi. cette patte sonore, cette architecture que l’on auront besoin vraiment d’amener leur propre ne retrouve jamais ailleurs, ou rarement. langage, mais nous, on ne va pas donner de Et puis dans “improvisation”, il y a déjà Même dans les nouveaux musées, dans matériau conceptuel. Chaque bruit, chaque une grille. certaines nouvelles salles de performances, cri, chaque silence va être immédiat, réel et c’est vraiment neutre, c’est nul, c’est fait total. Rien ne va être impliqué. M – C’est bien, parce que les gens ne savent comme un closet. Aujourd’hui il y a des pas à quoi s’attendre, c’est assez important grandes salles pour l’art plastique et des Du coup, est-ce que ça vous dérange que lorsqu’ils reçoivent la musique ils petits closets pour la musique. Il n’ y a rien lorsqu’on essaie d’y coller des concepts ou n’aient pas de repères. qui a été fait pour les rites, si l’on peut dire, des grilles de lecture ? Vous pensez que ça CP – J’ai toujours trouvé bizarre qu’après que l’on a dans les églises. peut freiner la portée de votre musique, toutes ces années, presque un siècle, entre ôter la physicalité ou la spiritualité un certain rigidement construit et un autre Justement, on accorde souvent à votre qu’appelle votre performance ? plus loose si l’on peut dire, le seul mot qu’on musique un caractère ritualiste. ait trouvé c’est improvisation, je trouve ça CP – Lui d’abord ! (rires) vraiment paresseux. J’ai toujours essayé CP – Ça, c’est les gens qui le disent, moi M – Non, la critique musicale, ou l’étude de de trouver un mot simple, et “l’instant”, ça je n’en sais rien, peut-être que c’est moi l’histoire de la musique, ça ne me dérange marche : ça peut nous échapper d’un seul qui mens ! Je fais ce que je fais, avant tout. pas, au contraire, c’est comme ça aussi que coup, et c’est plus comme ça que je pense Je préfère ne pas proclamer ce que je fais, j’ai fait, et que je continue à faire, mon ap- faire ma musique, c’est le temps qui passe. même si je crois que oui, probablement, je prentissage. C’est juste plus compliqué quand fais des choses ritualistes. les gens nous demandent à nous de concep- Kant disait que le beau est sans concept. M – Disons que si on pratique un rituel, il tualiser les choses, ou de faire semblant de Lorsqu’on écoute votre musique, on sent n’est pas formaliste : l’important est avant trouver des concepts qui n’ont pas lieu d’être, une certaine quête du sublime, ce qui va tout de se laisser aller. donc oui c’est plus dans ce rapport-là que ça avec ce que vous dites : saisir l’insaisis- peut être dérangeant, mais mettre des mots sable, dépasser le pouvoir de représenta- Il n’y a donc pas un rapport de prêche d’un point de vue subjectif et extérieur, ça ne tion et de conceptualisation. avec le public ? me dérange pas du tout. CP – Pour ma part j’ai toujours été ouvert CP – Quand j’étais à la California Institute CP – Il y a des séquences, parfois, qui à toutes sortes de différentes choses, j’ai of The Arts, en 71 j’ai assisté à une sorte peuvent aller dans ce sens-là. Ce soir je vais des collègues qui sont dans des différentes de classe ouverte, et le nom de cette classe commencer avec des petits verres, un petit approches avec qui je peux dialoguer, mais était “musique du sublime”, donc depuis alcool, je vais mettre une nouvelleveste moi je préfère l’instinct, comme une sorte longtemps c’est un mot qui me tient à cœur, comme un serpent… de mammifère. Si ça passe par des mots, je chercher ce que peut être le sublime, j’aime M – Un mélange de serpent et de félin peux le faire, je suis doué de parole, j’écris bien ce terme. (rires). aussi beaucoup, mais j’écris plus comme un M – Chercher le son d’or… mammifère que comme un professeur. Dans CP – On ne sait pas ce qu’est le sublime, Au niveau de la scénographie, justement, tout ce que je fais je me sens plus proche d’un peut-être que je l’ai trouvé et que je n’ai pas Mondkopf, on sent que ta musique animal, et ce soir je suis venu voir une de nos réalisé, mais c’est un terme que je trouve aujourd’hui devient de plus en plus indis- familles des animaux qui sont venus pour délicieux. sociable de certains visuels. nous écouter. Pour moi l’animal qui écoute, qui crie, qui rie, qui montre, qui explique, qui D’où le fait de voir ce genre de musique M – C’est vrai, mais pour Extreme Precau- taquine, a parfois une intelligence instinctive jouée dans une église. tions par exemple je n’en utilise pas, mais supérieure à celle des êtres humains. j’utilise toujours des strobes, et je demande M – Pareil (rires) M – C’est un des meilleurs moyens pour à être toujours dans le rouge. pouvoir le capter, se retrouver dans un cer- CP – Tu aimes le rouge, toi aussi ? Ah moi Est-ce que le terme d’artiste sonore tain état. Dans une église tu es plus concen- j’aime beaucoup le rouge, c’est la couleur s’applique plus à ce que vous faites, plutôt tré, ça relève de l’ordre du recueillement. du sexe, du Red Light District ! Le New Red que celui, plus réducteur, de compositeur Light District ! Car maintenant tu appuies minimaliste ? Et de la transe aussi, que vous semblez sur un bouton sur internet et comme Uber CP – Je préfère ce terme, c’est plus ouvert rechercher ? y’a quelqu’un qui arrive à ta porte. Il faut que musicien, ou compositeur, parce que ça retourner à la véritable couleur rouge, lui veut dire quoi, je sais pas ? Et moi je préfère M – Et de la transe aussi, exactement, du donner fière allure. quand je ne sais pas. coup on est plus ouvert à la capter dans une On pensait dans la manière qu’il a d’ignorer église. Marc-Aurèle Baly ANNOCE FESTIVAL - FOCUS ARTISTE

A l’occasion de son passage ce soir au Festival chemises dignes de Tom Selleck tout en s’inspi- Sonic Protest en duo avec Mondkopf, Charle- rant de l’argot yiddish pour inventer des termes magne Palestine a accepté de revenir pendant une comme « Strumming », qui donnera son nom au heure sur sa drôle d’histoire pas répétitive : les plus célèbre de ses disques, enregistré en 74 dans débuts à New York, la rencontre impromptue avec un loft new-yorkais pour le label français . Moondog, l’amour des teddy bears ou encore la Bref. Charlemagne (le nom, déjà…) c’est l’anti- rivalité qui l’a longtemps opposé aux pionniers héros de pianiste de conservatoire adulé jusque du mouvement minimaliste qu’il continue de dans la scène indie-rock par Lee Ranaldo de Sonic dénigrer… Ladies and gentlemen : here comes the Youth, comme le rappelait récemment Rubin maximalist ! Et rencontre nec peluche ultra. Steiner dans un portrait à (re)lire si vous voulez Steve Reich au musée, Philip Glass remixé par tout comprendre au Palestine pour les nuls. Avec les kids, concerts de John Adams à 50 euros la ses peluches de fête foraine trônant comme des place, Michael Nyman réhabilité depuis le fond totems autour du clavier, l’Américain a fait de la de la commode… le mouvement minimaliste n’a légèreté une affaire sérieuse. Et nous le prouve jamais été autant à la mode que depuis que ses encore une fois le samedi matin de notre rencontre pères fondateurs rampent – littéralement – dans en se pointant peinard dans la salle de déjeuner toutes les salles institutionnelles pour jouer des de l’hôtel pour déballer en Français dans le texte pièces souvent vieilles de 40 ans devant des foules comment il a flip-flopé [1] 50 ans durant pour ébahies avec souvent, disons le, du pognon plein rester, à 67 ans, ce mec qui se souvient de tout. les poches. Si la majorité de ces œuvres avant- Du premier souvenir de sa vie (une suffocation gardistes n’ont pas pris une seule ride et qu’un à seulement 1 an qui lui vaudra son premier fou- Different Trains de Reich pourrait désormais lard.. qu’il porte encore autour du cou comme un illustrer une pub pour déodorant sans que per- fétiche) aux origines de l’ours en peluche, crée à sonne ne trouve à y redire, il en va autrement pour New York cinq ans avant l’arrivée de ses parents, Charlemagne Palestine, 45 disques et quelques au émigrés juifs, à Big Apple en 1910. compteur, un demi-siècle de carrière et un accou- trement digne de Broadway (il est né à deux rues) Après ce long préliminaire, le rideau s’ouvre. quand tous les autres arborent des looks austères Musique, maestro. de profs d’histoire-géo. Incontestablement, on Charlemagne Palestine en concert avec Mondkopf tient là le Poulidor de la musique contemporaine, le 8 avril à l’Eglise Saint-Merry. et certainement pas le plus gâteux (coucou Pierre Henry). http://www.sonicprotest.com Charlemagne Palestine, c’est donc une carrière qui échappe aux nomenclatures. Et qui permet à https://www.youtube.com/ celui qui se considère davantage comme un oncle watch?v=TrwRgZMzg7E que comme un père de quoi que ce soit d’afficher un look de boxeur martelant son piano avec des Par Bester Langs ANNONCE FESTIVAL + FOCUS ARTISTE

On entame une série de Dronecasts spécial Deuxième Dronecast de notre série spéciale Dernier épisode de notre série spéciale Sonic Sonic Protest avec Thomas Bonvalet, pas- Sonic Protest avec un double-programme Protest 2015, cette carte blanche à l’artiste sionnant fouilleur de son et collectionneur de très, très spécial. A ma droite Pierre Bastien, visuel et sonore Vincent Epplay ne pouvait documents sonores étranges échappé de Cheval bricoleur de musique mécanique adulé de chez pas être une mixtape comme les autres. En de Frise et L’ocelle Mare qui accompagne à Robert Wyatt à chez Aphex Twin qui nous fait avant-goût à sa performance du 10 avril aux l’occasion nos chouchous Powerdove et Arlt. une visite guidée et commentée de son univers; côtés d’Islam Chipsy, le collecteur de sons Il jouera en duo avec le saxophoniste Jean-Luc à ma gauche Emmanuelle Parrenin, songwri- parisien nous offre une extension inédite de son Guionnet le 8 avril à l’Eglise Saint-Merry, en teuse expérimentale et égérie de l’under- projet Azurazia, projet de bande-son imaginaire compagnie de Phil Minton et Mondkopf en duo ground français 70’s revenue aux affaires avec imaginé par Nicolas Moulin, boss de Grautag avec Charlemagne Palestine. En attendant, ce Etienne Jaumet et les Disques Bien, qui nous Records et élaborée avec Pharoah Chromium mix bourré de trésors ethnomusicologiques et sélectionne rien de moins que ses morceaux et Arnaud Maguet qui entend nous faire voir dérivés n’a pas fini de nous fasciner. préférés. Ensemble ils font Motus, duo folk à quoi ressemblerait un Sahara irrigué par les idiosyncratique spectaculaire et on ne ratera eaux de la Méditerranée. Une fois n’est pas http://www.the-drone.com/magazine/drone- pour rien au monde leur spectacle à l’Eglise coutume, c’est le «bon voyage» plutôt que la cast-144-thomas-bonvalet/ Saint-Merry de Paris le 9 avril. bonne écoute qui s’impose.

http://www.the-drone.com/magazine/drone- http://www.the-drone.com/magazine/drone- cast-145-motus-pierre-bastien-emmanuelle- cast-147-vincent-epplay/ parrenin/ discordance ANNONCE FESTIVAL + FOCUS ARTISTE magazine hors format

Klaus Legal est l’alias de Pavel Viry. L’excel- Islam Chipsy produit une musique inénarrable. Pas No Balls disperse sa chaude crasse avec une lent gentleman s’est déjà fait noter dans une inénarrable comme peut l’être la vision d’une drag morgue propre à ceux que tout indiffère. Les pléiade de groupes aussi divers qu’efficaces, queen chevauchant une luge au rayon surgelés, riffs se traînent, s’enroulent dans la tiède multipliant les projets comme les sangsues non ; mais inénarrable comme quelque chose de mélasse d’une boue lourde et humide, puis s’accrochent en nombre sur les jambes pleinement improbable : une sensation qui sort s’enfoncent inexorablement dans une lubrique traînantes d’une jeune et pâle vierge gorgée clairement de l’ordinaire, une image déraisonnable situation de morbide aliénation. Cet état un peu de sang frais. L’artiste s’est attelé à redéfinir qui arrache le visage, des éclairs écarlates qui douteux de semi-coma propre à l’ivresse pois- à chaque reprise les contours d’une musique crèvent le ciel blafard d’une musique qui exprime seuse, celle qui provoque un dédale de mala- dure, rêche et salace, à coups de riffs éblouis- clairement l’extravagance. Les notes hystériques dresses, qui plonge dans l’abîme de l’antipathie sants comme des lames de rasoir luisantes dans de claviers jaillissent et s’échappent comme mille et laisse la même infecte plaisanterie se répéter le plein axe d’un lourd soleil. Death To Pigs, fantômes hurlant, c’est littéralement affolant, toute et s’avilir jusqu’à l’infini. Les riffs s’effondrent Hallux Valgus, La Race et bien d’autres, encore pensée s’effondre à l’approche de cette transe et sur eux-mêmes à force de reproduire l’inlas- actifs ou pas, il était temps qu’il se lance dans saisit à pleine main cette état d’extase profonde qui sable même structure: ils sembleraient presque l’ambiance solo, avec la naissance du projet s’accroche à la peau. Islam Chipsy provoque ces avoir trop bu, dégoulinants de paresse morne et Klaus Legal. Comme il se dit gaiement par les folles visions, ce brouillard mental pratiquement malpropre, digne d’une sordide défonce, incer- endroits plus exaltés, Klaus Legal semence sa impénétrable, cette espèce d’impalpable sensation tains et tremblotants, malingres et fangeux. chaude merde à travers de sourdes vagues d’in- où les pensées se cognent les unes aux autres, On erre dans un océan de crasse brouillonne et fâmes larsens, de bruitages biscornus, malades où celles-ci donnent la terminale impression de pisseuse, comme un sac plastique à la dérive et boitillants, adressant avec force vigueur les dégringoler un interminable escalier en colimaçon dans une eau souillée et salie par cette espèce maux d’estomacs les plus récalcitrants. Toute qui se muterait petit à petit en piste géante pour de molle et cotonneuse absence de réflexion cette vague de saleté est nettement portée par bobsleighs défoncés. qui annihile tout effort de pensée, se vautrant un rythmique quasi-gettho dégobillant une Islam Chipsy représente le crooner en soli- petit à petit dans cette cuve fétide de l’abandon atmosphère brouillardeuse valant à pleines taire muni de son clavier et de son inalté- parfois parcourue de maussades soubresauts. mains la misère, le déni et l’incertitude. rable sourire, et E.E.K représente la version No Balls se compose d’une équipe de diverses En live, le niveau s’élève d’autant plus : Klaus power trio de l’ensemble, où Islam Chipsy stars de la musique rêche et rude du grand est grimé, s’agite dans l’obscurité, repeint les est accompagné par deux batteurs artistes Nord, avec la présence de la section rythmique visages d’une latente dose d’angoisse, et sa d’une meurtrière mécanique et probablement des incroyables Noxagt, du mortel trompettiste performance s’avère tout aussi impression- possédés par quelque diable du rythme. Stars des salaces de Brainbombs et de la guitare nante du point de vue de l’ambiance délétère notoires en Egypte, le trio est en passe de démente d’un des gars d’Anal Babes. Ils clôtu- qu’au niveau technique, où celui-ci gère produire la sensation en France puisqu’ils ont reront dans l’immondice et le stupre le festival manuellement une multitude de paramètres déjà bonhommement mis le feu aux Transmu- Sonic Protest, se produisant pour la première tout aussi précis les un que les autres pour un sicales de Rennes, s’apprêtent à désintégrer fois en France à l’affiche de la dernière soirée, rendu frisant la boule de haine la plus moite le Printemps de Bourges le mois prochain, aux côtés des parisiens de T.I.T.S et de Pierre et infectée que j’ai entendu depuis longtemps. et, d’ici quelques semaines, s’appliqueront à et Bastien. Le bonhomme sera en concert ce soir dans le consciencieusement effacer toute trace de vie cadre du Sonic Protest avec les durs tontons lors de l’excellente soirée programmée par les Ambroise Colère de Caspar Brötzmann & FM Einheit et Dial: valeureux spadassins du Sonic Protest, par- courez-y ! tageant l’affiche avec le fabuleux C_C (dont on reparlera) ainsi que Pharoah Chromium & Ambroise Colère Vincent Epplay.

Ambroise Colère ANNONCE FESTIVAL

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Staer impose sa froide mécanique. Cela Gravity Hill invoque en sons et lumières une hu- Pour sa 11ème édition, ce festival inclassable s’avance et progresse inexorablement comme manité vacillante à Nantes Entre recueil de photos va nous surprendre avec un programme qui une machine, programmée pour écraser toutes animées sur grand écran du réalisateur Jem Cohen, mélange, musiques, arts, cinéma et rencontres, choses se dressant sur l’éternelle ligne que discrètes circonvolutions post-rock du guitariste de le tout avec des artistes qui viennent des 4 représente son droit chemin. Solide et cli- Fugazi Guy Picciotto et élans d’un âpre lyrisme du coins du globe : D’Égypte (E.E.K. / Islam nique, la musique des trois norvégiens inspire grec George Xylouris, le spectacle «Gravity Hill : CHIPSY), d’Australie (The Necks), des États- cette extrême sensation de vide et d’absence, Sound & Image» à Nantes a tissé lundi soir sur la Unis de Belgique (Charlemagne Palestine vient comme si cette douloureuse masse de larsens toile océanique de Stereolux à Nantes les couleurs rencontrer Mondkopf !), d’Allemagne (Caspar absorbait tout effet de pensée, comme si ces et les ombres d’une humanité fragmentée. Brötzmann & F.M. Einheit), de Scandinavie métronomiques coups de semonce annon- Lundi 6 avril 2015 au soir. Salle Maxi à Stereolux (No Balls, Staer), d’Espagne (Esplendor Geo- çaient une irrémédiable détermination, comme à Nantes. Un écran gigantesque. Des musiciens, métrico, Thomas Bonvalet qui vient jouer avec si cette basse résonnait à partir d’une fosse trois clochards célestes un peu hirsutes, qui Jean-Luc Guionnet) ou de moins loin : il en où l’on étoufferait tout type d’émotion. Cette prennent place dans le coin gauche de la scène. arrive de partout ! musique agit par flashs constants, régulières Tournent le dos au public d’emblée, les yeux rivés On vous encourage, évidemment, à ne manquer projections d’une violente couleur blanche, à l’écran, comme pour lui signifier qu’il convient sous aucun prétexte les deux séances excep- aveuglante et sans vie, brûlant la peau de par ici avant tout d’être cinéphile et qu’on ne sacrifiera tionnelles de We Have An Anchor, ciné-concert cet aspect cruellement désincarné, glacial pas une seconde au «rock’roll circus». deluxe qui regroupe les membres éminents des et mortel, à l’image de la guitare de Kristo- Un hommage à Fugazi ? Oui, même si le cinéaste scènes posthardcore et post-rock nord-améri- fer Riis, qui surplombe cet immense amas auteur des images Jem Cohen dédie ce ciné concert caines et australiennes (Fugazi, Godspeed You! d’entrechocs cinétiques d’une infinie couche à Jacques Tati. Car au delà même de la présence de Black Emperor, Dirty Three, etc.) autour d’un de givre électrique à la fatale morsure. leur guitariste Guy Picciotto, c’est toute l’esthétique film du cinéaste culte Jem Cohen, le tout pour Issu de cette scène norvégienne mêlant plu- fragmentée des splendides photos de pochettes de la première fois en Europe, à l’invitation de sieurs groupes au même terrible son (Ultralyd, Fugazi qu’on retrouve ici sur grand écran. Sonic Protest. Noxagt, MoHa !…), les Staer ont publié deux Dans ses fêtes populaires à Coney Island, à albums en 2012 et 2013, sur l’excellent label Istambul, sous ses feux d’artifices ou ces enseignes Interview de Sonic Protest ici Gaffer Records. Ecouter le trio sur enregis- chétives des quartiers de New York, c’est la trement est une chose, déguster la sainte gifle même humanité tendre, chancelante, sous la pluie. Toutes les infos concernant la programmation, qu’ils infligent sur scène en est une autre : Toujours attachante, même quand elle est incarnée, les lieux, sont dans le lien ci-dessous. Staer fait partie de ce rare club de groupes sur le quai d’un métro, par un cadre au costume qui peuvent se permettre, live, d’administrer anthracite, au front barré de plis soucieux. Cette une saignante et bouleversante demi-heure humanité vue des fenêtres d’un train embué. d’une énorme et terrifiante chape de plomb, Longtemps, les musiciens gardent le silence. Le pour, quelques minutes plus tard, gaiement temps que soient projetés un, deux, trois courts mé- partager la bière de l’amitié en affichant le trages de Jem Cohen. Puis, comme des automates discret sourire du paisible. Les norvégiens rouillés, ils se mettent en branle. seront de passage pour le festival Sonic Les caresses cotonneuses du batteur Jim White, Protest, programmés lors de l’exquise soirée qu’on avait déjà vu accompagner les mélopées convoquant Casper Brötzmann & FM Einheit, marines des Dirty Three à Saint-Nazaire servent au Générateur, à Gentilly, et on a des places à d’ossature à la discrète guitare de Guy Picciotto et faire gagner par ici. au joueur de luth grec George Xylouris. Par Ambroise Colère Guy Picciotto n’est pas là pour briller sous les projecteurs et perpétuer le mythe de l’éternelle rock star. Fugazi refera des disques quand l’envie sera là. En attendant, il joue le rôle du passeur, de celui qui s’efface et laisse ses deux comparses se lâcher, dans des raclements de corde et des explosions lyriques. Plein d’une joie inquiète, le chant du grec George Xylouris est un vibrant cri d’espoir dans la nuit. Nicolas Mollé ANNONCE FESTIVAL

Vendredi - Sonic Protest invite Islam Tous les sons sont au Sonic Protest 2015 Mondkopf, de son vrai nom Paul Régimbeau, wChipsy au Générateur Du bruit, des furieux, du folk tordu, de l’électro est un musicien et producteur français de chaabi, de la noise, de la techno industrielle… musique électronique né en 1986 à Toulouse et Vous ne pouvez plus faire l’autruche : la toutes les couleurs des musiques expérimen- vivant à Paris. Au sujet de son pseudonyme il musique électronique prend son essor de tales se retrouvent au Sonic Protest 2015. Pour donnait l’explication suivante lors d’une inter- l’autre côté de la Méditerranée. A ce stade, sa 11e édition, le festival reste fidèle à sa ligne view : «On me disait que j’avais toujours la normalement, vous êtes plus que familiers : proposer une alternative au tout-venant musi- tête dans la lune et que je n’étais pas concentré. avec les deux MC stars Sadat et Alaa 50 cal, en multipliant croisements et expériences Finalement j’ai trouvé ce nom en allemand, je avec qui le duo français Acid Arab vient pendant dix jours – et dans vingt villes ! Autant trouvais que ça sonnait bien (...) de collaborer. Plus bizarre, mais aussi plus dire qu’il est bien difficile de choisir dans une dancey et hypnotique, le merveilleux Islam programmation roborative qui multiplie, soirée Minton naît et grandit dans un milieu imprégné Chipsy propose sa vision synth-techno de après soirée, les curiosités et les propositions par la musique : ses parents sont tous deux la musique de mariage Égyptienne. Grande inédites. Sélection express. chanteurs et très jeune déjà il fait partie d’une révélation des dernières Transmusicales, il chorale et apprend la trompette. Au cours de est aujourd’hui invité par l’excellent festi- Ça attaque fort dès l’entame du festival avec son adolescence il joue dans différentes forma- val souterrain Sonic Protest au Générateur. un ciné-concert au casting rutilant (104, 02- tions du Devon. En 1962 il se rend à Londres Rater ce live serait pêcher. 03/04). Pour présenter son nouveau film « We où il collabore avec le compositeur de jazz Have An Anchor » en première européenne, Mike Westbrook jusqu’en 1964, où il se sépare le cinéaste américain culte Jem Cohen (« de lui pour travailler avec des (...) Instrument ») sera entouré de sept musiciens et pas des moindres : Guy Picciotto de Fugazi, Il y avait pas mal de temps que nous attendions Efrim Manuel Menuck et Sophie Trudeau de une bande de scouts venimeux prêts à tout dé- Godspeed You ! Black Emperor (pour ceux foncer. Du fin fond du 11ème arrondissement, qui les auront ratés ce mercredi), 4 expatriés plogués sur la même longueur d’A Silver Mt. Zion, Jim White de Dirty Three, d’onde distillent un aromate inédit parfum T. Griffin de The Quavers et Mira Billotte danger. Les T.I.T.S : thugs in trendy style, de White Magic. Soit la crème de la scène renouvellent à leur sauce psyché-métallurgique post-punk et post-rock défendue régulièrement le punkrock des bastons et des mauvais deal: ici même qui habillera une dérive sur la côte deux guitares en montée, un chant tripé, une canadienne de Nouvelle-Ecosse. basse montagne chorus (...) Annick Rivoire REPORT festival - 01.05.2015

report

Klaus Legal

Charlemagne Palestine et Mondkopf C_C Guy Picciotto

Sonic ProtePar Laurent Catala I Photos : Céline FernbachSt 2015 cris et chuchotements. certes, laire : art sonore, avec les expériences à squat-party industrielle. Bouquet final de « Burning Hell » des Brainbombs chantée base de cuisson de riz et de pierre tour- la soirée, le trio égyptien réunissant Islam par Gurrik. une église n’est pas tout à fait nante de Tetsuya Umeda ; poésie sonore, Chipsy et les deux batteurs d’E.E.K. ap- un lieu comme les autres et avec les salmigondis quotidiens de Damien portait une touche de fraîcheur, en faisant Du côté des scénarios plus singuliers, on Schultz ; musique bricolée dans les mailles danser les mélodies synthétiques orientales attendait bien sûr le petit jeu toujours risqué encore moins avec le festival du projet Motus de Pierre Bastien et Em- du prince de l’electro chaâbi cairote sur les de la collaboration duettiste. Dans ce regis- Sonic Protest qui a pris la bonne manuelle Parrenin ; musique improvisée rythmes martelés des batteries. tre, la bonne surprise est venue de la per- à travers les joutes électro-acoustiques de formance commune à l’église Saint-Merry habitude de transformer chaque Thomas Bonvalet (L’Ocelle Mare) et Jean- Autre réussite, la nuit à géométrie techno-in- de Charlemagne Palestine et Mondkopf. année Saint-Merry en un lieu Luc Guionnet ; musique minimaliste avec dustrielle du Centre Barbara FGO a marqué Portés par les nappes chamaniques, tant de performances et concerts les Australiens de The Necks ; ciné-concert les esprits grâce à la performance haute- vocales que synthétiques, particulièrement enfin avec le projet We Have An Anchor, ment hypnotique de Ryan Jordan. En jouant enveloppantes et moins grandiloquentes atypiques. Mais à entendre les réunissant quelques figures indie – parmi des flux électriques passant par ses étran- que d’habitude de Mondkopf, les man- bourdonnements impromptus qui lesquelles Guy Picciotto de Fugazi, Jim Whi- ges dispositifs minéraux, le musicien britan- tras pianotés de Charlemagne Palestine, te de Dirty Three, Efrim Menuck et Sophie nique a mis sous tension les rétines et les lui aussi vocaliste à ses heures, ont offert s’élèvent dans la nef, il y a de Trudeau de Godspeed You! Black Emperor – ouïes, par des jeux de flickers stroboscopi- une intéressante mise en perspective des quoi se demander quelle expé- pour une bande-son live d’un film de Jem ques hautement intrusifs et par les vibrantes univers si différents des deux artistes. Une Cohen, réalisateur new-yorkais notamment altérations rythmiques qui découlaient de véritable collaboration qui faisait sens, et rience cathartique se joue ici… connu pour son fortiche Instrument sur Fu- ses manipulations subtiles. Plus basique, la mouche aussi, quand les loops électroni- gazi. Mais, à l’image de ce méga-groupe, force de frappe des légendaires Esplendor ques de Mondkopf venaient subitement se Emmené par Phil Minton, vétéran des musi- trop sage pour véritablement transcender Geométrico s’est pour le moins montrée substituer, mimétiques, denses et froides, ques libres, 75 printemps, le Feral Choir est le roadtrip intériorisé de Cohen, beaucoup efficiente, notamment quand le pouvoir en- aux boucles de piano plus cristallines de un collectif choral dont la particularité est de ces performances ont parfois pâti d’un voûtant des images vidéo (scènes de transe son aîné. de réunir des participants sans expérience. certain manque de folie. en provenance d’Afrique noire ou de rondes Une troupe composite que Minton balade rituelles musulmanes) venait se heurter aux Cette convergence de sens, c’est sans dans une frénésie totalement débridée. De Pour trouver plus de sensations, il ne fallait beats martiaux de ces pionniers ibériques doute ce qui a manqué le plus au concert vagues descentes de cris et d’onomato- pas manquer la première soirée au Généra- du son proto-techno des années 80. du percussionniste allemand F.M. Einheit et pées hirsutes filent en flux intensif tandis teur de Gentilly. Derrière une ligne de fuite de son compatriote, le guitariste free rock que des trémolos plus aigus titillent ces electro-world mutante, y flottait le fantôme La facette free noise de Sonic Protest n’a Caspar Brötzmann. Il y a vingt ans déjà, drones de leurs aspérités plus tranchantes. de Muslimgauze, de ses nappes tribales pas démérité non plus, puisque du côté du leur (unique) collaboration discographique, Dans le chœur, quelques jeunes autistes de désaxées et de ses tonalités électroni- Chinois de Montreuil les Scandinaves de No Merry Christmas, donnait un aperçu du pro- l’hôpital de jour d’Antony témoignent d’une ques spectrales. La performance rituelle Balls ont donné une prestation ravageuse. blème : une difficulté latente à faire surgir démarche participative tournée vers tous de Vincent Epplay et du multi-instrumen- Imaginez la section rythmique de Noxagt, le feu sacré d’une musique trop stylistique- les publics puisque Sonic Protest accueille tiste berlinois Pharoah Chromium ouvrait la science du riff répétitif du discret Anders ment éloignée, entre les tourbillons de ma- également cette année le projet Astéréo- les hostilités, entre les jeux de gravitation Bryngelsson des Brainbombs, la rage de tières anarchiquement manipulés par l’an- typie, formation rock initiée par le musicien analogiques et fantomatiques du premier, David Gurrik, guitariste des défunts piliers cien percussionniste en chef d’Einstürzende et éducateur Christophe Lhuillier qui intègre et les exercices de flûtes sidérales du se- du punk-metal norvégien Anal Babes, en- Neubauten et l’emphase presque heavy de jeunes autistes – véritables frontmen sur cond, « une expérience de méta musique » trant en collision dans un exercice de style metal de Brötzmann, jamais aussi bon que scène ! Une façon de se placer aussi dans comme la qualifiait Vincent Epplay lui-mê- pointant entre Helmet période Strap It On et dans le psychédélisme free noise de son le sillage des visions sociales de musiciens me, également responsable des projections les Cows, pour cette trompette ombrageuse groupe Massaker. Le concert de cette an- comme John Cage ou Cornelius Cardew. épileptiques de films super 8. Encore plus montrant de temps en temps le bout de ses née n’a pas donné d’autre impression, mais syncopée dans ses effluves de dub lanci- pistons. De la mise au point sanguinolente on n’en voudra pas à Sonic Protest d’avoir Encore plus inclassable que d’habitude, nant et de breakcore sinueux, la prestation qui a d’ailleurs progressivement muté au voulu (re)tenter le coup. cette édition 2015 de Sonic Protest a du Parisien C_C faisait passer un frisson de fil du concert vers une ligne définitivement d’ailleurs exacerbé cette nature multipo- groove infecté dans l’assistance en mode punk/hardcore, conclue par la reprise du sonicprotest.com

128 REPORT festival - 22.04.2015

Russell Williams attends the 11th edition something «accessible to all, without of the contemporary hipsters, trundle their of the left field Parisian festival and reports baggage or any background knowledge kids in pushchairs to Keith Haring on performances from Richard Dawson, required», and its easy to see how the ethos exhibitions there, but kids from the Astéreotypique, Phil Minton’s Feral Choir pervades. In contrast to the rules, regula- local tower blocks also use the space to and more. Paris has a complex, even parado- tions and limitations imposed by the Paris breakdance. For two nights, the centre plays xical relationship with noise and irreverent town hall and the long-suffering neighbours, host to We Have An Anchor, an ongoing sounds. The city, given the density of its Sonic Protest is responsible for creating «da- project which sees musicians including Guy living spaces, transport routes and busi- ring aesthetic mixtures» and offers an intel- Picciotto from Fugazi, the Dirty Three’s Jim nesses within a relatively small space inside ligent and sophisticated reconsideration of White and Efrim Menuck from Godspeed the périphérique ring-road is often acutely the City Of Light’s relationship with noise. You! Black Emperor soundtracking noisy. Neighbours, bars and juddering métro For De Quengo and Rivière, who proclaim filmmaker Jem Cohen’s visual essay, or trains are a frequent source of annoyance «demanding music for everyone!», noise is ‘moving collage’ about the Cap Breton for many and the Parisian authorities have, a great deal more than just a problem to be district of Nova Scotia. since 2004, established a taskforce to inves- regulated. tigate and respond to noise as a significant There is a pleasing juxtaposition at the source of bother. Noise limiting technology One of the most interesting aspects of Sonic heart of this collaboration as the musicians is often a bane for live musicians. Protest is its relationship with place. laid down their evocative, part-improvised Drunken late-night pavement chatterers The ten-day festival shuns the traditional instrumentals built around traditional regularly come into conflict with the bleary- city-centre nightclubs and concert halls folksongs, Fugazian intensity and Gods- eyed locals they’ve just woken up. At the in favour of unconventional performance peed-esque crescendos in the heart of the same time, noise in its myriad forms is also spaces both in central Paris and on its more nineteenth arrondissement, one of Paris’ valued and celebrated in some parts of the liminal fringes. Events take place at venues more impoverished districts. French capital. The Centre Pompidou is like Le Chinois in Montreuil, notorious While frequently beautiful, and the reso- home to IRCAM, the noise and acoustics 1980s home of anti-capitalist squats and nances between the implicit anti-globa- research institute. On a less lofty, theoretical violent confrontations between punks and lisation message of Cohen’s film and the and polar-necked level, the suburb of police, Le Générateur in Gentilly, also just irreverent spirit of Sonic Protest are clear, Montreuil has been home to Les Instants beyond the city borders and, most the overall event was possibly more sombre, Chavirés since 1991, a famed venue for strikingly, at the Saint Merri church right contemplative and low-key that might avant-garde and leftfield sound and oddball in the middle of Paris, a stone’s throw from have been appropriate to launch a festival music performances. The influential Bimbo both the Pompidou and the Hotel de Ville that prides itself on discordancy. On the Tower record store may be no more, but the where, ironically, the anti-noise other hand, the evening openers, however, Sonic Protest which has organised a yearly bureaucrats have their spiritual home. It’s Astéreotypique, are completely in the spirit festival of esoteric, obscure but intelligent- apt, then, that Sonic Protest 2015 kicks off of the festival. Their gleeful post-punk funk ly-curated noise and music performance at Le Centquatre, another interesting space was exuberant, overlayed with Mike Skin- since 2003. Its organisers Franq De Quengo on the fringes of Paris. A former council-run ner-esque spoken word drawls and topped and Arnaud Rivière describe the aim of the funeral parlour, it is now both an art space off with both an impromptu Johnny Hally- festival as foregrounding the human expe- and site of community engagement. Bearded day cover and some (possibly ill-advised) rience of performances and creating middle-class bobos, the Parisian forefathers breakdancing. REPORT festival - 22.04.2015

Astéreotypique are a collaboration between the Sonic Protest sound techs – they make but their performance seems a little too some Parisian indie musicians and mem- all their artists, unfailingly, sound great styled, a little too rock & roll within the bers of a local group for young people with and form part of a committed network of progressive context of Sonic Protest. autism, and it is exactly this spirit of inclu- talented volunteers – such petulance from sion, frequently billing amateur performers a member of avant-garde royalty is a little Pierre & Bastien, a Paris punk trio, start alongside established professionals that disappointing. brightly with joyously geeky oddball melo- contributes to the distinctive dynamic of The following night sees The Necks dies that recall the Super Furry Animals and Sonic Protest, reflecting De Quengo and headline Saint Merry. The Sonic Protest fellow French noise popsters Cheveu but, Rivière’s vision. A shared spirit infuses crowd is most regularly ebullient and gently as the set progresses, they steer towards British vocal performer Phil Minton’s Feral beery; tonight’s ambiance was one of reve- plodding rock turgidity. It is left, then, to Choir project, which sees him appear the rence, befitting a place of worship, sure, but No Balls, comprised of members of The following night alongside his singers, fea- also reflecting the awed, hushed tones which Brainbombs and Noxagt, to provide a fittin- turing members of the Antony day hospital, their admirers adopt when speaking of the gly abject, discordant and brutal end to this workshopped and rehearsed in the days Antipodean improvisers. As the trio take to year’s Sonic Protest. They are less concer- immediately preceding the event. The result the stage, mobile phones are extinguished, ned with songs, then with seven-minute is an explosive blend of chattering, bird heads gently bowed and eyes closed. slabs of bulldozer intensity, almost the polar noises, freaky laughter and smiles: great fun Pianist Chris Andrews opened delicately opposite of The Necks a few days earlier. for performers and audience alike. with some tentative high notes and the The Necks created a space, but No Balls are drums, percussion and double-bass built determined to destroy. Minton and his choir are appropriately little-by-little over the hour-long set. located just in front of the choir stalls at Drummer Tony Buck scares the bejeezus out Opening with ‘Come Clean’, the band deli- the Saint Merry church, a working place of of everyone with some jarring kick-drum ver a set of noise rock that is concurrently worship by day. Saint Merry has quickly interventions, but The Necks’ performance both incredibly dumb and acutely clever: become synonymous with Sonic Protest, is one of control and precision, using their the primitive, incessant riffs make you hosting its major performances: 2014 saw instruments to evocatively sketch their own think of the Monks and the Stooges while Merzbow coming close to blasting the sonic place within the church. This is an the complex, controlled bass and drums vestry into the Seine with his trademark impossible place, one that calls to mind rhythm section has an almost jazz-esque harsh sounds and festival-goers were given those created in HP Lovecraft’s anti-Eucli- percussiveness. Trumpeter Dan Råberg, free reign of the church, some watching the dian palaces. adds to the mix, but is most often standing dark Pope of noise while perched on the Their precise control of dynamics makes lost in noise, a lightly bewildered fulcrum altar. This year, the crowd had less room to it easy to see why they’ve been cited as for the group. Set closer, the Brainbombs, roam, but Sonic Protest makes full use of Swans’ favourite band: many of Buck’s per- ‘It’s A Burning Hell’ was an aggressively the ecclesiastical space: Thomas Bonvalet cussive techniques also seem to have found uncouth and nihilistic bras d’honneur to and Jean-Luc Guionnet’s brutiste perfor- their way into Michael Gira’s work. boring conformity, and an appropriate mance took place on the floor between the closer to the festival. church transepts. The ascending left field star that is Sitting down write this review, I’d Richard Dawson is visiting Paris for the first intended to use it as a way of displaying Legendary minimalist performer/composer time, fresh off the back of a whistle-stop how the Paris avant-garde scene was alive, Charlemagne Palestine’s collaboration with tour of its sights by De Quengo and Rivière well and even vibrant in the face of perpe- the acclaimed and industrious French elec- and apparently over the moon to be in tual descriptions of the place as a ‘museum tro-doom performer Mondkopf, recreating France. You have to wonder what a French- city’. On the whole, that wasn’t actually their first live project together from 2012, speaking crowd makes of Dawson as he what Sonic Protest 2015 was all about. took place on a temporary stage erected shuffles on stage, looking bemusedly at his Aside from the contributions by Astéreoty- under Saint-Merri’s imposing church organ amp, mumbling into his mic and wondering pique and poet Damien Schultz, my festi- which, alas (particularly considering Palens- aloud «How to start a gig?». What do they val hero who peformed his energetic odes tine’s previous organ projects) wasn’t used make of his gleefully strange murderous a every night of the festival (even, wonder- in their performance. Given Mondkopf’s capella folk songs sung with a no-doubt fully, from the Saint Merry pulpit), the involvement, the night drew a big crowd, perplexingly broad Geordie brogue? When most vibrant and engaging performances but their partnership, tonight at least, proved he stamps his foot and his rich, powerful didn’t have their origins inside France. to be less than the sum of its parts. voice fills the church acoustics, his perfor- As it get stronger from year to year, Sonic The pair sat behind desks, looking a little mance transcends any problems of cultu- Protest is evolving as potent symbol of ty- like newsreaders: Mondkopf in perennial ral translation. Whether or not the crowd pically French revolutionary spirit in terms black hoodie and Palestine, grand piano understand his lyrics, it is clear that Dawson of how it fosters and encourages its artists to his left decked out in rags and ribbons, is claiming his patch of Paris for the North to think differently, bringing together looking more perhaps like a lysergically-in- East of England, imposing his own sense of performers from around the world to do so. fused Pearly King in his characteristic psy- place in the Saint Merry confines. It is a festival that creates and reinforces chedelic garb. The fusion of Palestine’s dis- places of artistic exchange and collabo- cordant, repetitive chords and Mondkopf’s The closing night of Sonic Protest 2015 ration in the context of a major European sinister electronic drones was patchy: it takes place in Montreuil, a town on the capital city. Paris, of course, has always came together wonderfully at points, but fringes of the city whose fusion of radical welcomed artists, radicals and freethinkers the overall impression was of both artists politics and suspicion of Paris suits the from around the world. Sonic Protest is a doing their own thing, rather than genuinely festival down to the ground. This is the glorious and important continuation of this collaborating. This possibly isn’t helped most conventionally ‘rock’ line-up of this lineage – one all the more needed in an age by the preparation: Palestine spends the year’s festival. Rising stars of the Paris of growing mainstream mediocrity, ten minutes prior to stage time very visibly garage rock scene, T.I.T.S are first up with homogenisation and music festivals spon- bawling at the Sonic Protest technical team, a raw and unreconstructed set that harked sored by energy drinks and beer brands. apparently over a malfunctioning micro- back to both no-wave and early Jon Spen- phone. Given the impeccable credentials of cer. Sure, they have swagger and energy, RUSSELL WILLIAMS REPORT festival - 28.04.2015

Le 4 avril 2015, CENTRE BARBARA FGO à bale qui me fera autant rire que réfléchir, tant mur pour mieux ressentir la déflagration. Paris par David Fracheboud elle résume pour moi l’attitude souvent conve- L’expérience sensitive est alors totale, je ne nue des gens qui vont à Sonic Protest, et qui pense plus à rien ni à personne, je frotte ma Le meilleur moyen de se remettre dans le n’ont pas toujours envie, ni grand-chose à se boîte crânienne de haut en bas et de droite à bain, quand on revient d’un plongeon de trois dire. Sa prestation n’est pas si éloignée de celle gauche inlassablement. Si tu décides l’année mois dans la grosse pomme, c’est de se rendre d’Arturo, le chanteur d’Esplendor Geometrico, prochaine de venir toi aussi à Sonic Protest, au Centre Barbara de la Goutte d’Or pour un qui répète lui aussi la même phrase jusqu’à tu pourras par exemple te faire caresser la concert de Sonic Protest, et là, Paris redevient épuisement, mais on y reviendra plus tard… caboche par des LFO. en une soirée la ville la plus cool au monde. Esplendor Geometrico arrive et on est déjà Car ce fût aussi l’occasion de retrouver l’exci- On rentre dans la salle obscure du Centre cuit à point. Un videoproj balance leur tation, ce moment où tu patientes dehors avec Barbara pour se prendre une première balle playlist vidéo YouTube où l’on peut voir ta clope et ta bière en tournant la tête comme en pleine tête – difficile d’échapper au jeu de des Arabes, des Noirs, des Jaunes dans une girouette avec le plaisir feint ou non de mots avec Fusiller. Il choisit de se placer en des actions en complet décalage avec leur mu- saluer toutes les autres girouettes. Une chose plein milieu de la salle pour régler au mieux sique sale, mais qui toutes évoquent la transe. est sûre, si ce sont toujours les mêmes têtes ses appareils couplés qui produisent un larsen Arturo, le chanteur, ressemble à un pilote de que l’on croise à Sonic Protest, il y en avait qui nous remplit au taquet les esgourdes. Dans rallye, Saverio, aux machines pourrait lui être heureusement aussi de nouvelles… un déluge de sons noise aux relents techno un cousin éloigné de l’oncle Fester dans la acid/hardcore mais privé de boîte à rythmes, famille Adams si son visage n’était pas aussi La soirée affichait complet, grâce à la sensation ses quelques circuits imprimés clignotants figé que celui de Fantomas. Toujours impla- espagnole Esplendor Geometrico, arrivée an branchés à ses pédales d’effets et ses loopeurs cablement concentré comme un laborantin, il vainqueur. On s’entasse derrière le bar avant de semblent tous être parfaitement déréglés ou ne lève pratiquement jamais la tête de son PC. passer dans l’obscurité. Damien Schultz tente en mode random. Le gars bouffant son micro Arturo vivant en Chine et Saverio à Rome, il une diversion ; assis dans un coin, il prend comme un Arturo Lanz envoie un set puissant semblerait que ces deux-là soient capable de son micro relié à une valise contenant un petit et énergique aussi précis qu’un tir de sniper à communiquer par télépathie pour faire leur haut-parleur, regarde son cahier, et se met à l’AK47. musique. Ceux qui comme moi attendaient de parler tout seul, un peu fort, comme le vieux voir Arturo se chatouiller les amydales avec pote surexcité qui te crie déjà dans l’oreille Si l’envie d’aller m’encastrer dans un mur ne son micro auront patienté en vain. La puis- alors que le concert n’est même pas commencé m’était pas encore tout à fait passée après ce sance de son chant est malgré tout éloquente. : « Hé, mais je t’ai déjà vu au concert, je me premier live, Ryan Jordan allait surenchérir Il s’impose une véritable discipline pour rappelle, on s’est vu au concert, tu te rappelles, avec un puissant stroboscope de 200 000 appuyer le plus fort possible sur ses cordes et dis, tu m’aimes bien ? Moi je t’aime bien, Tu watts balancé en pleine tronche du public. Si vocales et répéter toutes sortes de sortes de m’aimes bien ? Mais je t’ai déjà vu au concert, certains avaient mis leurs bouchons d’oreilles, mantra qui l’amènent à flirter avec la perte de tu te souviens, on s’était vu au concert, mais peu avaient pensé à prendre aussi une paire de connaissance qui se manifestera tout le long tu m’avais vu au concert, tu te souviens, je me lunettes de soleil. Je me contenterai de fermer du concert par ses globes oculaires toujours à souviens… » C’est parti pour une diarrhée ver- les yeux et d’appuyer fort ma tête contre le deux doigts d’exploser. REPORT festival - 28.04.2015

Le dernier morceau sera particulièrement mal- l’épiphanie. Le langage est sobre (contrebasse, sain. Une vidéo au ralenti montrant une Kawai- batterie, et piano répétitif), les déplacements teen qui fixe sa webcam avec tantôt un air de intuitifs, presque invisibles, et pourtant le trio « je vais me mettre un truc dans la chatte« , australien désarme sur le champ, touche le tantôt un air de « t’as pas honte de mater, vieux cœur sans excès de lyrisme et signe l’instant dégueulasse« . Un dernier corps-à-corps avec magique de cette édition. les boucles techno boueuses pour Arturo qui se rapproche du bord de la scène, secouant son L’humeur est plus abrupte le bassin sous notre nez, les genoux bien écartés, lendemain soir au Générateur de nous laissant admirer ce parfait coup de Gentilly. Vincent Epplay dresse un lit de braise hanches espagnol. On sort convaincu malgré électronique sur lequel Pharaoh Chromium l’absence de rappel, Esplendor Geometrico n’a intervient sournoisement avec une sorte de rien perdu de sa superbe et nous fait kiffer la flûte traversière synthétique qui appuie la vie, à Paris ou ailleurs… tonalité orientale de l’ensemble. C’est rond, chaud, menaçant, mais ça n’attaque jamais Le 9 avril 2015, EGLISE SAINT-MERRY à vraiment, et ça se tient très bien comme ça. PARIS et le 10 avril 2015, LE GENERATEUR On se rassemble autour de C_C dans l’obscu- à GENTILLY par Thomas Corlin rité, pour une bonne dose de techno en circuit bending qui croustille bien sous les dents, et En ouverture le jeudi soir, le cliquetis des on se dit qu’on aimerait bien voir la « nouvelle mécanismes bricolés par Pierre Bastien génération techno » danser là-dessus un de résonne discrètement dans l’église Saint-Merri. ces quatre matins. Annoncés en grande pompe L’ombre de ses constructions s’étale sur des pour leur première date française, Islam Chipsy boucles extraites de concerts jazz ou rock sont la caution festive de cette édition : deux télévisés dans les 50’s ou 60’s, et qui servent batteurs soutiennent un numéro joyeusement de lancinante toile de fond sonore et visuelle. cheap de chaabi sur synthé, entre Charanjit C’est un ensemble délibérément disjoint qu’il Singh et le 8-bit. La blague est percutante élabore avec Emmanuelle Parrenin, usant bien qu’on en fasse vite le tour, et ouvre un de superpositions toujours un peu bancales : dancefloor égyptien en plein Sonic Protest. Le théière, balance, instruments à vents, à cordes DJ-set d’Arc de Triomphe le prolongera avec et à bulles, bruitisme en tout genre ainsi que une sélection d’authentique raï algérien comme quelques variations autour du Comme À La on en a peu l’habitude dans le contexte des Radio de Brigitte Fontaine. Inoffensif de prime festivals de musiques interlopes, mais souvent abord, ce petit théâtre d’objets sonores se occidentales. révèle bizarrement immersif sur la durée.

Disséminées sur tout le festival, les interven- tions du poète sonore Damien Schultz se jouent du lieu et de la situation. C’est une proposi- tion amusante dans le cadre de Sonic Protest, comme si un prédicateur nous faisait l’honneur de ses visions du moment. Ce soir, il se niche dans un des balcons de l’église et en profite pour travailler son rapport à Dieu. Sa diction effrénée, ses répétitions autistes et ses thématiques le rapprochent de Jean-Michel Espitallier ou Charles Pennequin, alors que sa présence nous fait songer que ce type d’inter- lude devrait se généraliser à l’avenir.

Richard Dawson est tout aussi seul, mais sur scène. Il ressemble à ce tavernier qui t’accueille dans son pub de rase campagne anglaise et t’en offre une avant que tu partes parce qu’une longue route t’attend. L’ours folk tape du pied, et remplit la paroisse de ses fables sur des bergers, des moutons et des chevaux. C’est plus rustique, et l’éloquence de son chant évoque même un Nico masculin, la morgue en moins. Il attrape parfois sa guitare acoustique électrifiée taille enfant pour taper un blues détraqué, mais le gros de son concert est un récital a cappella drôle et poignant avec un esprit de feu de camp. C’est The Necks qui décrocheront cependant la timbale ce soir : leur séance de jazz circulaire de haute volée convoquera une force dramatique propice à REPORT FESTIVAL - 04.04.2015