Thomas Hirschhorn Selected Press Galerie Chantal Crousel Hasard, Etc
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Thomas Hirschhorn Selected Press Galerie Chantal Crousel Gauthier Lesturgie. «Thomas Hirschhorn Höhere Gewalt», Zérodeux, n°72, Winter 2015, p. 70. 70 71 Thomas Hirschhorn Höhere Gewalt The Other Sight * Schinkel Pavillon, du 29 août au 28 septembre 2014 Berlin Contemporary Art Center, du 21 novembre 2014 au 11 janvier 2015 Vilnius Par Gauthier Lesturgie Par Patrice Joly « I’m not going to start trying to avoid wor- Pensée il y a tout juste un an comme une king like myself 1 » réflexion sur le poids de l’histoire et son influence Au cœur d’un quartier en pleine rénova- sur les travaux des artistes, sur fond d’occiden- tion, la proposition de Thomas Hirschhorn talisation accélérée des pays baltes, l’exposition à l’intérieur du Schinkel Pavillon semble « The Other Sight » au Contemporary Art Center faire écho aux innombrables échafaudages, de Vilnius prend tout à coup, au vu du retour- grues et capharnaüm de marteaux-piqueurs nement spectaculaire de la situation est-euro- qui environnent l’édifice. Sauf qu’ici, Höhere péenne, une coloration tout à fait différente. Gewalt fonctionne en réalité comme un La tension qui émane de cette seconde guerre trompe l’œil, une « simili destruction ». froide que la plupart des commentateurs géo- Thomas Hirschhorn use ici de son répertoire politiques n’hésitent plus à nommer de la sorte habituel pour former une sculpture éparse, est particulièrement vive par ailleurs dans ce détruite ou, en tout cas, qui en joue la repré- pays qui possède une frontière importante avec sentation. En pénétrant dans la salle d’expo- la Russie et qui redoute que ne se développe sition circulaire, d’innombrables images nous un scénario à la géorgienne ou à l’ukrainienne. viennent en tête, celles d’accidents, de crashs, On aurait donc pu s’attendre à une floppée de d’explosions, de constructions défaillantes, travaux en réaction à une situation stressante, de séismes ou encore de conflits, de guerres. peut-être à une énième revisitation de la diffi- Thomas Hirschhorn n’a bien évidemment pas culté de traiter de questions politiques quand la saccagé l’œuvre de Karl Friedrich Schinkel. Thomas Hirshhorn situation ambiante est susceptible d’affecter en Un faux-plafond a d’abord été installé, pour Hohere Gewalt, 2014 profondeur la vie au quotidien or, «The Other Morgane Tschiember ensuite être détruit, Höhere Gewalt est une Vue d'installation, Courtesy Schinkel Pavillon Berlin Sight » n’apparaît pas du tout dominée par l’ur- Pow(d)er, 2014 sculpture imprécise voire informe soumise gence d’une réaction à chaud, nulle œuvre n’est Métal, sable, dimensions variable. Courtesy of the artist and Galerie Loevenbruck, Paris à sa propre masse, suspendue au plafond empreinte de la moindre dimension protesta- comme les entrailles d’un édifice qui n’existe reconnu, nourrissent ensemble une imagerie texte et sa sculpture. La référence au Zettels taire. À cette absence de réactivité à la situation Galerie pas. Lors de notre exploration dans ces ruines globale. Une pseudo-ruine qui, par sa facticité, Traum devient matériau de construction : dis- proche, il est possible d’arguer de l’antériorité de sentative dans sa diversité de l’influence de la indicible légèreté. Ne serait-on pas dans le cli- factices, l’illusion est immédiatement révélée ne commente pas une situation précise mais persé, déchiré, plié, il nous est impossible de commandes faites à des artistes qui ont dû pen- chute du mur de Berlin sur la production des ché habituel d’un sérieux allemand éternelle- par des artifices brutaux : morceaux de car- en représente le simulacre d’une multiplicité. suivre une logique narrative. ser leur pièce bien avant que ne se déclenche la artistes. Le parti-pris de privilégier des artistes ment opposé à la légèreté française ? Du coup, Chantal Crousel ton grossièrement agrafés au plafond, bouts Höhere Gewalt ne s’inscrit pas dans un L’esthétique chaotique mais pourtant crise actuelle et que le temps de gestation et de de deux pays européens dont les affrontements la tentative de vouloir faire dire aux artistes com- de polystyrène et tuyaux d’aération placés au temps précis mais plutôt dans un répertoire construite qui nous « tombe » littéralement production des rares œuvres produites pour l’ex- récurrents au cours du siècle passé ont fini par ment ils ont été influencés par l’histoire récente hasard, etc. élargi. On peut alors s’étonner de l’absence dessus, est un écho en ce sens au livre de position a empêché de prendre en compte cette s’épuiser pour donner naissance au couple se tranforme un peu en la projection incons- Déjà en 2012 à la galerie Gladstone 2, d’images, pourtant constamment usitées par Schmidt. En effet, à peine avons-nous péné- nouvelle donne ; pour les autres, il s’agit essen- moteur de la construction européenne, la France ciente des supposés standards nationaux sur les Thomas Hirschhorn reproduisait les vestiges l’artiste. Seules les photocopies du Zettels tré dans la salle du Schinkel Pavillon que nous tiellement de prêts qui ont été décidés bien en et l’Allemagne, montre effectivement des posi- scènes artistiques… Heureusement que les rôles d’une violente catastrophe : celle du naufrage Traum d’Arno Schmidt dispersées en feuilles nous retrouvons intégrés à l’environnement, amont. De fait, l’exposition qui est censée avoir tions assez tranchées et des rapports à l’histoire s’inversent par endroits et que ceux censément du Costa Concordia. Concordia Concordia volantes dans tout l’environnement prennent amenés à parcourir ses différentes cavités. pour arrière-plan la prégnance des bouleverse- assez divergents : à l’opposé du travail du duo dévolus à l’équipe allemande se voient assu- jouait le jeu de la reconstitution, celle des cette position. Zettels Traum est publié en L’expérience s’apparente à celle de la visite ments historiques semble bizarrement passer à Pauline Boudry & Renate Lorenz, à la pointe de més pleinement par la française : ainsi l’image omniprésentes photographies de l’intérieur 1970 : 1334 pages structurées en trois colonnes, d’un studio de cinéma : violence mise en côté de cette réalité qu’elle est supposée décrire, la réflexion sur la question queer, de Clemens de la chute du mur de Berlin s’incarne de belle désolé du bateau. En revanche, le chaos qui réunissant un assemblage labyrinthique de scène, décor de théâtre qui assure une nou- en donnant le sentiment étrange que l’histoire von Wedemayer, également marqué, du moins manière dans la pièce de Morgane Tschiember nous fait face dans le Schinkel Pavillon ne se notes, collages, textes tapuscrits, images et velle fois et avec puissance que toute image est allée beaucoup plus vite que la fabrique de dans la vidéo (Muster (Rushes), 2012), par les fan- qui réussit à s’emparer adroitement d’un patio place aucunement comme représentation correspondances. Résultat de dix ans d’un est construite. l’art qui n’a pu suivre son rythme… Mis à part tômes récurrents de l’histoire jusqu’à Martin pour le moins difficile à investir (Pow(d)er, 2014), d’un quelconque fait divers. esprit complexe matérialisé en 130 000 fiches Avec Höhere Gewalt Thomas Hirschhorn ce décalage après tout explicable et qui produit Neumaier, lui aussi mettant en scène, dans un jusqu’au pari risqué de la présence de la neige Installé au centre du pavillon et investis- qui construisent vingt-quatre heures de récits érige un monument à l’incompréhension, à aussi des effets intéressants, comme celui un style beaucoup plus allusif et éthéré d’autres qui offre une touche picturale inattendue en sant tous ses recoins de manière apparem- narratifs. Les protagonistes discutent la com- une fatalité surgissant sans contrôle possible. peu schizophrénique d’avoir désormais princi- revenants tout aussi inquiétants (Das abenteuer- venant en atténuer judicieusement l’aspect ment aléatoire, la sculpture perturbe avec bru- plexité de traduire Edgar Allan Poe en alle- L’incompréhension comme donnée essen- palement à se préoccuper des problématiques liche Herz, 2014), le contingent français semble métaphorique un peu trop prononcé. Quant à talité l’architecture néo-classique de Schinkel. mand. Se plonger dans Zettels Traum est une tielle à nos systèmes de connaissance ; l’artiste liées au développement de la personnalité et beaucoup moins grave dans la forme, sinon dans l’équipière allemande jouant à la française, c’est Entièrement vitré sur ses façades circulaires, entreprise difficile qui échappe à une lecture nous invite à pénétrer une « zone d’igno- à l’affirmation du choix du genre dans une le contenu. Les pièces de Louise Hervé & Chloé Katinka Bock qui en endosse le maillot, avec le bâtiment semble alors sceller sous vitrine logique. Arno Schmidt produit son propre rance 3 ». Europe totalement pacifiée de l’intérieur, per- Maillet, par exemple, parodient gaiement les son ballon de basket perché sur le toit du centre les vestiges de cette « catastrophe ». Höhere langage, restructure les conventions linguis- mettant à ses ressortissants de se déplacer sans utopies de tout crin, celle de Saint-Simon trai- d’art, emblème quasi invisible d’une Lituanie Gewalt est une une réalité (dé-)construite en tiques si bien que l’écriture n’y est pas pensée entrave aucune – thème de la pièce de Simon tée sous la forme d’une délicieuse comédie en triomphante, venant grever ainsi la partie d’une décor de carton. Nous ne sommes pas face comme médium de transmission mais plutôt 1. Fernando Oliva et Marcelo Rez, « I believe the solu- Fujiwara, The Mirror Stage (2009-2013), qui décrit costumes d’époque et diaporama, celle du héros insouciance parfaitement déplacée. à une pratique du délabrement mais bien comme une introspection instable dans la tion is panic : an interview with Thomas Hirschhorn », l’itinéraire de ce natif du Japon ayant grandi en fluxusien local Maciunas aboutissant par la grâce dans un système réfléchi précisément dans psyché d’un individu.