L'arménien Occidental En France Prendra Donc En Compte Les Questions De L'âge Des Locuteurs Autant Que Des Domaines Sociolinguistiques
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L’arménien occidental en France : dynamiques actuelles Anaid Donabedian-Demopoulos, Anke Al-Bataineh To cite this version: Anaid Donabedian-Demopoulos, Anke Al-Bataineh. L’arménien occidental en France : dynamiques actuelles. [Rapport de recherche] Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco); Institut de Recherche pour le Développement (IRD). 2014. hal-01103172 HAL Id: hal-01103172 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01103172 Submitted on 14 Jan 2015 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Anaïd Donabédian, Inalco/IRD Anke al-Bataineh, Inalco L’arménien occidental en France : dynamiques actuelles Rapport remis à La Direction Générale à la Langue Française et aux Langues de France (Ministère de la Culture, DGLF-LF) et à La Fondation Calouste Gulbenkian (Lisbonne- Portugal), département Communautés arméniennes Paris Octobre 2014 Le travail de recherche dont résulte le présent rapport a été réalisé par une équipe de chercheurs au sein de l’Unité Mixte de Recherche Structure et Dynamique des Langues (SeDyL, UMR8202 CNRS/Inalco/IRD): Anaïd Donabédian : Professeur des Universités Inalco-IRD co-responsable scientifique du projet, a assuré la conduite scientifique et la coordination du projet, et plus particulièrement la rédaction des parties 1.1 à 1.3, 2 et 4. Anke al-Bataineh : Doctorante à l’Inalco, boursière Fondation Calouste Gulbenkian co-responsable scientifique du projet, a participé activement à la conception scientifique du projet et à ses orientations, a réalisé le travail de terrain et les analyses concernant les observations en milieu scolaire. Elle a réalisé les enregistrements de corpus spontané à Marseille. Elle a assuré plus particulièrement la rédaction des parties 1.4. et 3. Tork Dalalian : Post-doctorant Fondation Calouste Gulbenkian a réalisé le questionnaire en ligne bilingue, sa maintenance et le contact avec le public, a participé à la formation des étudiants ayant collaboré à la réalisation des corpus, a transcrit une partie du corpus, a réalisé le dépouillement des annonces de Nor Haratch, a rédigé l’annexe 4. L’équipe a bénéficié des compétences de : Vartouchka Samuelian, ancienne doctorante à l’Inalco, qui a contribué activement à la conception du questionnaire et à la formation des étudiants ayant collaboré à la réalisation des corpus Pegah Faghiri, doctorante à l’Université Sorbonne-Nouvelle, a assuré l’analyse statistique présentée 1 en partie 1 et participé à la réflexion sur l’exploitation des données issues du questionnaire en ligne. Les étudiants en master de l’Inalco, et tout particulièrement Nathalie Karamanoukian, ont réalisé les enregistrements de corpus spontanés à Lyon, Paris, Strasbourg, et transcrit une partie des données dans le logiciel ELAN avec le soutien de Rosa Meliksetyan, chargée de cours à l’Inalco Araz Kojayan, étudiante à l’Université américaine de Beyrouth, a transcrit le corpus dans ELAN. Cette recherche a été rendue possible par les subventions de : - la DGLFLF (dans le cadre de l’appel à projets 2013 de l’Observatoire des pratiques linguistiques) - de la Fondation Calouste Gulbenkian (dans le cadre de son programme de soutien à l’arménien occidental), et par l’implication (sur masse salariale) de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales et de l’Institut de Recherche pour le Développement. Cette recherche s’inscrit également dans les travaux du Labex Empirical Foundations of Linguistics 1. Introduction 1.1. L’arménien occidental : aperçu historique L’arménien est une langue indo-européenne, classée comme un rameau isolé de la famille, et ayant cependant des affinités avec les branches grecque, iranienne et slave. Attestée depuis la création, au cinquième siècle, d’un alphabet propre, qui a permis l’apparition d’une littérature prolifique, cette langue a pour berceau le Plateau arménien, région géographique englobant l’Anatolie orientale et le Sud-ouest du Caucase, et située de manière constante dans l’histoire au carrefour des Empires (romain d’Orient, byzantin puis ottoman à l’Ouest, perse puis russe et soviétique à l’Est). La langue et la culture arménienne se sont alimentées de cette rencontre entre Est et Ouest, entre Europe et Asie, entre cultures antagoniques et rivales, qui font la spécificité et la richesse de l’héritage arménien. La langue attestée au cinquième siècle est l’arménien classique, la langue littéraire commune pratiquée par les clercs lettrés qui ont produit la littérature de cette époque. Peu à peu, avec l’apparition de thématiques profanes dans la littérature arménienne, la langue laisse apparaître des traits dialectaux, et au douzième siècle, à l’époque du Royaume arménien de Cilicie, lorsque pour la première fois l’arménien prend le relais de l’araméen et du grec dans l’administration, on voit apparaître des témoignages écrits massifs de que l’on appellera l’arménien moyen : une langue déjà très éloignée de l’arménien classique et présentant des traits dialectaux caractéristiques des régions arméniennes occidentales. Ce n’est qu’au dix-neuvième siècle, dans l’esprit des Lumières 2 et du réveil des Nations, que l’arménien moderne est standardisé et supplante l’arménien classique comme langue littéraire et langue de scolarisation, parallèlement à un début de laïcisation de la société arménienne dans l’Empire ottoman et dans l’Empire russe. Les dialectes arméniens, souvent classés en orientaux et occidentaux, constituent en réalité un continuum linguistique qui s’étend de Constantinople à l’Ouest à Tiflis et Bakou à l’Est, avec des zones compactes de dialectes autochtones allant du centre de l’actuelle Turquie au Nagorno-Karabagh et au Sud actuel de la Géorgie. Au dix-neuvième siècle, l’activité culturelle des Arméniens est implantée dans les villes des différentes régions arménophones, mais surtout dans les métropoles régionales que sont Constantinople à l’Ouest et Tiflis à l’Est. Ainsi le dix-neuvième siècle voit apparaître deux standards modernes arméniens, l’arménien occidental, ancré à Constantinople sur la base des dialectes occidentaux, et l’arménien oriental, ancré dans le Caucase sur la base des dialectes orientaux. Au vingtième siècle, l’arménien oriental est devenu une langue d’Etat avec la constitution de la République d’Arménie en 1918 (soviétique entre 1921 et 1991), cependant que l’arménien occidental, après avoir été langue de minorité en Turquie, est devenu une langue de diaspora mondiale (Dum-Tragut, 2011), suite à la dispersion massive des survivants du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman (1915-1922). La langue est restée vernaculaire1 dans les communautés arméniennes du Proche-Orient (avec pour communautés les plus nombreuses la Syrie et le Liban, et dans une moindre mesure à Jérusalem, en Jordanie, en Egypte, en Irak), alors que son usage a beaucoup 1Bien que classée comme langue en danger par l’Unesco en février 2010 précisément au Proche-Orient (Moseley, 2010). reculée en Turquie2, et qu’elle est une langue minoritaire dans les pays occidentaux de la diaspora arménienne. 1.2. L’arménien occidental et ses locuteurs en France En France, l’arménien occidental est pratiqué dans les familles issues de différentes vagues d’immigration depuis les rescapés du génocide venus dans les années 1920, directement de Turquie, ou via la Syrie, le Liban ou la Grèce, pour certains depuis les orphelinats de la région. La première grande vague d’immigration a fondé, dans les années 1920, une communauté très solidaire, qui s’est implantée dans certains bassins d’emploi où elle est encore aujourd’hui fortement ancrée (Région parisienne, PACA, Rhône-Alpes), représentant même un pourcentage significatif de la population dans certaines localités ou quartiers (Marseille-Beaumont, Lyon-Décines, Alfortville, Issy-les Moulineaux, Gonesse, etc.). Dès les débuts, malgré ses faibles moyens, la communauté déploie non seulement un réseau de solidarités familiales et villageoises, mais aussi des structures inspirées de la vie communautaire très organisée dans l’Empire Ottoman. Des ‘écoles arméniennes’ hebdomadaires réunissent les enfants et leur enseignent la langue, la culture et les traditions, cependant qu’en famille, la langue est le plus souvent réservée à la communication avec les générations précédentes. Cette première vague a atteint aujourd’hui sa troisième génération née en France, parfaitement intégrée, et, après l’extinction de la première génération, elle a, au mieux, une compétence passive et très parcellaire de la langue, à l’exception d’une minorité qui a fait de la langue une priorité. 3 On constate en effet généralement que dans les familles s’installant en France, dès la première génération née sur place, l’arménien cesse d’être le vernaculaire dominant dans la communication avec les pairs. Le vécu traumatique, lui, est plus systématiquement transmis aux générations futures, et le sentiment identitaire qu’il génère implique le souci de la pérennisation de cette identité en diaspora. La langue est ressentie jusqu’à présent comme un marqueur fort d’appartenance identitaire, cependant, ses domaines