uniVerSiTé pédagogique d’éTaT de BLagoVechTchenSK

Vladimir poZner : «A , je suis chez moi !»

interview exclusive, pages 14-16 Crédit photo: Liya Matiosova, www.matiosova.book.fr. Paris, le février  Paris, www.matiosova.book.fr. Matiosova, Crédit photo: Liya Le journal est publié avec le soutien Association des de l'Ambassade de France en Russie enseignants et du Lions club «Bandol, Sanary, de français de la MarS Six Fours «Les Baies du Soleil» région Amourskaya 2016 parlons de Blago aux 5 continents ! édiTo / oLga KuKharenKo a L’occaSion du 160e anniVerSaire de BLagoVechTchenSK, LeS éLÈVeS du Lycée de L’uniVerSiTé pédagogique onT décidé Chères lectrices, d’oFFrir À Leur ViLLe un cadeau originaL ! chers lecteurs, Au fur et à mesure que notre journal parait et affi rme son identité, il nous devient précieux, et si le résultat nous ravit à chaque fois, souvent même il nous surprend ! C’est parce qu’en dehors de la thématique prévue pour chaque numéro il se produit des choses surprenantes grâce à nos amis rédacteurs. Leurs messages des quatre coins du monde tra- versent spontanément les éten- dues du temps et de l’espace avant de prendre place dans les Lycéens russes de Blagovechtchensk pages de notre journal. Ainsi, un des messages nous est parvenu depuis l’Antarctique, le Pôle Sud ! Un ami de notre ls ont parlé des beautés de Sud et à Oued-Rhiou en Algérie en journal, l’écrivain Cédric Gras vient tout juste de revenir d’une Blagovechtchensk aux ly- Afrique. Les élèves francophones de expédition à bord du brise-glace céens francophones habi- ces pays sont tous du même âge que l’Akademik Fedorov. Et nous tant dans les villes des coins nos lycéens. Ils attendent déjà les car- avons le privilège de son tout I éloignés de la planète. Après tes de Blagovechtchensk et préparent premier témoignage sur cette ex- périence formidable ! Il a pensé avoir acheté des cartes ils les ont si- les leurs en réponse. à Blagovechtchensk ! Allez donc gnées en français en se présentant Les premiers heureux destina- voir de quoi il retourne ! et en présentant les curiosités de la taires ayant déjà reçu les fameuses Irina Korneeva notre correspon- ville fi gurant sur ces cartes. cartes sont les élèves de la Thaïlande dante parisienne a eu la chance incroyable de s’entretenir avec Ils ont pu facilement trouver des ensoleillée. Ils disent qu’ils sont tous Vladimir Pozner, le monstre partenaires pour ce projet. Chacun de trop contents de découvrir les images sacré de la télévision russe, ceux auxquels ils s’adressaient avec de Blagovechtchensk et les belles écrivain et journaliste célèbre. cette proposition de projet répondait écritures des élèves russes. Dans une interview exclusive à notre journal, il avoue qu’au fond « oui ! » enthousiasmé. Les échanges En attendant d’autres bonnes nou- de son cœur il est plus français par la poste avec des courriers écrits à velles on espère que les Postes russe, que russe. Pourquoi ? Allez vite la main deviennent de plus en plus ra- paraguayenne, cubaine et française découvrir ses confi dences ! res de nos jours. Mais nous sommes seront aussi nos partenaires dans ce Un autre ami de longue date de notre journal, l’écrivain Olivier tous d’avis que c’est beaucoup plus beau projet d’échange ! Rolin parle dans ce numéro de touchant et attentionné que des mails On pense organiser une exposi- son dernier livre « russe ». Cet par ordinateur. Alors les enveloppes tion des cartes reçues de Toulouse, amoureux de la Russie, qu’il ne cesse de découvrir depuis son sont parties à Encarnación au Para- la havane, Nonthaburi, Oued-Rhiou enfance, raconte le destin tra- guay en Amérique du Sud, à La ha- et Encarnación vers la fi n de l’année gique d’une victime de la Terreur vane à Cuba en Amérique centrale, scolaire. Merci à la langue française stalinienne, le météorologue à Toulouse en France en Europe, à qui crée ainsi des amitiés à travers soviétique et savant exception- nel Alexey Wangenheim. Nonthaburi en Thaïlande en Asie du les frontières et les distances ! Cinq pages de ce numéro sont dédiées à l’ours, seul ou en compagnie de Macha, vrai ou en peluche ! Vous apprécierez aussi les couleurs musicales russo- franco-libanaises, vous saurez où se cache la France dans la région de Khabarovsk en Russie Extrême-orientale, et à quelle occasion les accents corse, alsacien ou occitan résonnent en Bouriatie russe. Découvrez d’autres témoignages touris- tiques ou pédagogiques et vous ne serez pas déçus ! Lycéens thaïlandais avec leur professeur Bonne lecture et à bientôt au de français Pachuen Ongwandee mois de mai !

2 Salut ! Ça va ? acTuaLiTéS Mars, 2016 hommage à l’art poétique de Baudelaire

c’eST danS Le cadre de La 5e SeMaine de La LiTTéraTure éTrangÈre que Le concourS de La MaiTriSe décLaMaTiVe a eu Lieu Le 15 MarS danS L’uniVerSiTé pédagogique de BLagoVechTchenSK.

e bel évènement a été La poésie de Charles Baudelaire té en trois langues : anglais, français consacré au 195 anni- a été présentée en langue mater- et russe. versaire du grand poète nelle du poète grâce aux récitations Il y a eu même un poème composé français Charles Baude- d’une lycéenne et un grand groupe par une élève de l’école inspirée par C laire. Il a réuni des d’élèves-offi ciers de la Grande école la vie et l’œuvre de Charles Baude- écoliers et des étudiants, des ly- militaire venus des pays africains laire. céens et des collégiens et voire des francophones ! Ceci charmait et Le jury a eu beaucoup de mal de élèves-offi ciers africains des 10 éta- émouvait le publique. On a pu appré- sélectionner les meilleures récita- blissements d’enseignement de Bla- cier la version originale de la poé- tions. C’est pourquoi ils ont accor- govechtchensk ! sie qui est évidemment la plus belle dé des nominations très variées, tells Presque cinquante participants ont et la plus précise. Certains élèves-of- que “Pour la maitrise déclamative”, pu présenter leur vision de la poésie fi ciers récitaient des poèmes en “Pour l’artistisme”, « Pour la meil- de Charles Baudelaire et les particu- deux langues : russe et français, ce leure compréhension de Baudelaire », larités de son œuvre symbolique. Ils qui ne pouvait pas ne pas admirer. « Pour le lyrisme exceptionnel », « La ont réussi à plonger les spectateurs quel eff ort pour apprendre par cœur meilleure récitation en langue étran- dans la magnifi que atmosphère de sa du Baudelaire en langue étrangère, gère », « Pour la meilleure création poésie mélodieuse. Leurs récitations si compliquée qui est le russe ! Un artistique », « Pour le meilleur début émouvantes et pleines d’expression grand nombre de participants ont ré- en langue étrangère », etc. Et bien sur sentimentale entrainaient le publique cite les poèmes en russe. il y a eu un Grand Pris ! Iki Fred Stiv, dans le monde imaginaire du poète. Ils Le programme a été très varié : des l’élève-offi cier de la Grande Ecole mi- ont pu ressentir profondément l’âme vers amers et tristes plein de souf- litaire a été baigné dans les applau- sensible du poète, ses amours mys- frances dans « Don Juan aux enfers », dissements du publique et des cris « tiques et ses tourments internes. Ils « Le Vampire », « Le mauvais moine bravo » pour sa présentation très ex- ont transmis au publique la douceur », « Le tonneau de la haine », « Le pressive de « L’étranger ». Il a bou- mélodieuse, l’intensité des émotions, possédé » ou « La mort des artistes », leversé tout le monde par un petit la richesse des images et les résonnan- de l’amour et de la lumière dans « Le spectacle en deux langues que ces ces symboliques des œuvres du poète. serpent qui danse» et « Le Balcon » quelques lignes sèches ne peuvent Ils jouaient les rôles des personnages consacrées a sa muse Jeanne Duval. pas vous transmettre, nos chers lec- lyriques en se déguisant et ou en re- Le poème « Albatros » a été pré- teurs… courant à la magie de la musique clas- senté plusieurs fois et en versions Le poète, aurait-il jamais pu s’at- sique qui accompagnaient les réci- très variées : en français, en russe tra- tendre que ces vers retentissent sur tations des poèmes. Et le publique, duites par les diff érentes interprètes les rives de l’Amour lointain ? reconnaissant et bouleversé, applau- en russe, et voir en ukrainien ! « L’in- dissait généreusement ! vitation au voyage » a été interpré- Préparé par Olga Kukharenko

Mars, 2016 acTuaLiTéS Salut ! Ça va ? 3 olivier rolin et son dernier livre « russe »

oLiVier roLin eST L’aMi de Longue daTe de noTre JournaL. iL eST auSSi un grand aMi de La ruSSie.

oLga KuKharenKo

Il l’explore depuis 1986 en lui consacrant ses livres. Ayant fait trois fois la Russie en Transsibérien il poursuit ses découvertes de notre immense pays de Kaliningrad à l’ouest jusqu’au Kamtchatka à l’est, de Khatanga dans le Grand Nord jusqu’au sud des anciennes républiques soviétiques. Quelque chose de russe l’ac- compagne toujours dans sa vie, avoue-t-il, dès son enfance où à 4 ans, il a eu sa première amie russe, Olga… Lors de son dernier voyage en Russie il a rendu une visite à Blagovechtchensk, la ville qu’il a connue d’abord à travers notre journal. Cette rencontre si attendue nous a offert tant de moments marquants. Nos conversations ont été longues et intéressantes, celles qui laissent des souvenirs exquis et l’envie de se revoir. Et nous avons bien sur parlé de son dernier livre “russe”…

otre roman « Le Météo- qui est le personnage principal ? rologue » est basé sur C’est Alexey Wangenheim, le créa- une histoire vraie ? teur et le premier directeur du Service Oui, il est non seule- hydro-métrologique unifi é de l’URSS. V ment basé sur une his- quand et pourquoi vous vous êtes toire vraie, mais je me suis eff orcé de intéressé à son histoire ? raconter cette histoire le plus exac- En 2010, quand j’étais aux îles So- tement possible. En fait ce n’est pas lovki j’avais vu des copies des lettres un roman, je dirais que c’est un récit, d’Alexey adressées à sa fi lle Eleono- le récit d’une enquête. Toutes les da- ra. J’ai commencé à m’intéresser à tes, tous les noms et les faits, je les l’histoire de la vie de ce météorologue. ai vérifi és et revérifi és plusieurs fois. Un peu plus tard j’ai eu la chance de Donc, c’est une histoire vraie d’une rencontrer un Français vivant depuis victime de la terreur de l’époque sta- longtemps à Moscou, Emmanuel Du- linienne. rand, qui avait connu personnellement

4 Salut ! Ça va ? inTerVieW Mars, 2016 Eleonora. Et par lui j’ai pu avoir accès aux originaux des documents concer- nant sa personnalité et aux procès-ver- baux des interrogatoires d’Alexey. qu’est-ce qu’il y avait dans ces lettres pour qu’elles aient attiré votre attention ? C’était très touchant de les lire… Il s’adressait à sa fi lle, lui parlait, lui ap- prenait des choses diff érentes sur la nature, la vie en général. Il éduquait sa fi lle comme un père éduque une fi lle mais comme il était loin d’elle, il le fai- sait à travers des lettres. Il y a beau- coup de dessins, des devinettes, des herbiers. C’est très beau et très tou- chant. Lettre de Alexey Wangenheim adressée à sa fi lle est-ce que vous avez eu la Eleonora, écrite dans le camp de Solovki Paulsen Memorial/Editions chance de faire connaissance avec les parents et les proches d’alexey

Wangenheim ? concerné bien plus de monde que est aussi météorologue et habite ac- Non, parce qu’il ne reste plus de le peuple de l’Union Soviétique. Par tuellement à Koursk a eu, du temps de proches. Sa fi lle s’est suicidée à l’âge exemple, dans mon pays il y a eu plein Eltsine, l’autorisation de recopier à la de 80 ans le 9 janvier 2012, le jour de de gens qui ont mis leurs espoirs dans main (pas de photographier) les pro- l’anniversaire de l’arrestation de son le communisme soviétique. D’un autre cès-verbaux d’interrogatoires dans les père. Toute sa vie elle a été marquée coté, en France, les intellectuels avant archives. Il l’a fait, et me les a très ai- par l’arrestation de son père. Elle ne et après la guerre ont été très aveu- mablement communiqués. s’est jamais mariée et n’a pas eu d’en- gles en ce qui concerne les camps so- En plus j’ai beaucoup parlé aux fants... viétiques. Même aujourd’hui peu de gens. Par exemple à Irina Fligé et You- dans votre livre exprimez-vous gens savent ce que c’est la Kolyma. Il ri Dmitriev, deux chercheurs de Me- votre avis subjectif sur ces destins faut savoir ces histoires pour les éviter morial qui ont découvert le lieu et les tragiques du père et de la fi lle ? Vous dans l’avenir. circonstances de l’exécution de Alexey adressez-vous aux lecteurs pour le pour vous c’est plutôt une histoire Wangenheim, fi n 1937, avec 1111 autres faire passer ? d’une personnalité ou d’une époque ? détenus. J’ai aussi lu des livres avec Oui, vers la fi n du livre, dans la qua- C’est surement une histoire d’une les témoignages des survivants du trième partie, j’exprime mon senti- époque mais comme souvent dans la camp des Solovki. Et il y a avait aussi ment personnel, j’explique pourquoi littérature l’époque est vue à travers les lettres personnelles de Alexey. je me suis intéressé à cette histoire et une personnalité ! aujourd’hui en russie le nom de pourquoi elle devrait, à mon avis, rete- est-ce qu’il vous a été facile de re- alexey Wangenheim est malheureu- nir l’attention de ceux qui s’intéressent cueillir des informations pour le livre sement oublié et c’est vous, l’écrivain à l’histoire du monde. ? Les archives sont toujours fermées ? français, qui nous faites revoir les alors, pourquoi ? Pour tout ce qui est la partie poli- pages de notre histoire… pourquoi il Parce que l’histoire du commu- cière (NKVD), un ami d’Eleonora qui pourrait intéresser les lecteurs fran- nisme russe et de sa fi n tragique ont çais ? Vous savez, en général la lecture des romans met le lecteur face à des situations qu’il n’a pas connues, lui fait découvrir des choses et permet d’élar- gir sa vision du monde. Et puis le sta- linisme, la terreur, les camps, c’est une des grandes tragédies de l’histoire mo- derne, et elle concerne un peu tous les citoyens du xxe siècle. en tant que Français ça me concerne aussi fi - nalement. L’histoire de Alexey Wangenheim est l’histoire des 750000 victimes de la « Grande Terreur » stalinienne. Et je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent qu’il ne faut pas en parler, qu’il faut l’oublier. Tous les peuples doivent connaître leur propre histoire et savoir d’ou ils viennent pour vivre

Memorial/Editions Paulsen Memorial/Editions librement et intelligemment dans le

Mars, 2016 inTerVieW Salut ! Ça va ? 5 présent. Presque tous les peuples ont tuaient aussi mais ce n’était pas leur russe et le nom de alexey Wangen- des périodes noires et sombres (nous premier but… C’étaient des systèmes heim retrouvera ses mérites et sa aussi nous en avons, en France) et il absolument aff reux l’un et l’autre, mais place dans l’histoire et dans la mé- faut les connaître. complètement diff érents en même moire des russes. ces derniers temps les réfl exions temps. Donc, je ne pense pas que ce Oui, d’autant plus qu’il n’était pas sur l’époque stalinienne amènent à soit très utile de les comparer. seulement un excellent savant dans la comparaison des crimes de Sta- Vous expliquez-vous pourquoi les son domaine mais aussi un homme line avec ceux de hitler. qu’en pen- gens continuaient malgré tout res- qui avait des idées extrêmement no- sez-vous ? pecter et admirer Staline ? vatrices pour son époque et qui de- Oui, même Vassili Grossman rap- Non, pas vraiment. Je me pose vraient intéresser beaucoup mainte- proche les deux dans son grand livre cette question avec Alexey Wangen- nant ! « Vie et Destin ». Je pense que la ter- heim. Il y a une part mystérieuse. Peut- Aujourd’hui le climat est devenu reur de Staline a tué plus de gens dans être parce que la croyance était si forte une préoccupation majeure. Et lui, il les camps que le nazisme. Mais sure- qu’elle survivait même dans l’horreur avait prévu encore dans les années ment c’est parce que les camps stali- des camps. Ou peut-être les gens fai- trente que les énergies de l’avenir niens ont duré environ trente ans. Ces saient-ils semblant de continuer à c’étaient les énergies du vent et du so- deux systèmes sont tous les deux abo- croire même après avoir perdu cette leil. Il a fait faire des cartes ou étaient minables, mais ils sont aussi extraor- croyance, juste pour protéger leurs indiquées la force et la fréquence des dinairement diff érents. Les camps na- familles. Parce que dans les années vents et le taux de l’ensoleillement zis avaient une espèce de « rationalité 1937-1938 40 mille femmes ont été dé- dans chaque région de l’URSS. Il a » criminelle, je veux dire par là qu’on portées dans les camps pour la seule même écrit cela depuis son camp de savait qui étaient les victimes : princi- raison qu’elles étaient femmes de pré- détention à sa femme et a sa fi lle ! Il palement les juifs, et puis les tsiganes, tendus « ennemis du peuple ». disait que les énergies du soleil et du les résistants etc. Alors que les camps est-ce que le roman est traduit en vent sont inépuisables ! C’est quand staliniens n’avaient aucune logique russe ? même extraordinaire ! En 1935 il n’y apparente, n’importe qui pouvait s’y Pour l’instant non, et je le regrette avait pas beaucoup de gens qui pen- retrouver. Un simple ouvrier, une beaucoup parce que c’est évidemment saient ainsi. femme de ménage ou un général … ça ici le pays où il devrait surtout être lu. Et pourtant, bien qu’il ait été ré- pouvait être aussi (et c’était souvent) Il est traduit, ou va l’être, en anglais, habilité en 1956, on m’a dit qu’au- un bon communiste. Absolument tout en chinois, en allemand, en italien, en jourd’hui son portrait n’avait toujours le monde était susceptible d’y aller. portugais, en polonais. pas été raccroché parmi les portraits Les camps nazis étaient créés pour c’est bien dommage, on espère des autres directeurs de l’Institut mé- tuer, alors que les camps soviétiques que bientôt le roman sera traduit en téorologique…

Dessin de Alexey Wangenheim adressé à sa fi lle Eleonora, dessiné dans le camp de Solovki Memorial/Editions Paulsen Memorial/Editions

6 Salut ! Ça va ? inTerVieW Mars, 2016 L’antarctique russe

J’apprécie Le priViLÈge ! ceTTe année, L’inSTiTuT arcTique anTarcTique de SainT-péTerSBourg M’a perMiS de MonTer À Bord du BriSe-gLace aKadeMiK FedoroV pour La 61ÈMe expédiTion anTarcTique ruSSe.

tion de Vostok (où a été découvert té sur une terre qui n’a jamais connu le fameux lac Vostok, sous la ca- de peuple autochtone. CédRiC gRas lotte de glace). Progress et un peu La base française de Du- Écrivain la Blagovetshensk de l’Antarctique. mont-D’Urville est plus loin en- (Paris) Car à quelques centaines de mètres core. Nous ne nous y rendons pas se dresse une autre base, celle des mais nous en approchons en faisant Chinois ! Les poliarniki des deux na- route vers notre dernière escale : Mir- tions se rendent visite, échangent, ny. Mirny fut la toute première base coopèrent. Les Chinois apprécient soviétique en 1956. Nous en fêtons e navire a appareillé de Rus- le banya, les Russes viennent jouer les 60 ans cette année ! Depuis six dé- sie, je l’ai rejoint en avion en au ping-pong. L’aérodrome est com- cénnies, les poliarniki se relaient sur Afrique du Sud, au Cap. De mun, la piste qui y mène aussi. L’An- ces bases (jusqu’à huit à l’époque so- là, dix jours de mer vers la tarctique est un continent de paix, viétique), été austal comme hiver po- L première des bases : Moloe- dont le territoire n’appartient à per- laire. Les températures descendent jnaïa. A l’époque soviétique, on l’ap- sonne. Il est administré par un traité aisément sous les -50 et jusqu’à -89 pelait « la capitale » mais aujourd’hui international. Aussi les pays y sont ! Autant dire qu’en comparaison, il plus personne n’y hiverne. Néan- solidaires. Ils représentent l’humani- fait très doux à Blagovetshensk ! Je moins les Biélorusses en- croyais bien connaître treprennent de s’y im- la Russie mais j’en ai dé- planter. couvert un petit mor- Ensuite direction la ceau supplémentaire, base de Progress. L’Aka- au bout du monde. Sur demik Fedorov écrase la le brise-glace, les pi- banquise, les phoques lotes d’hélicoptères ve- viennent profi ter de naient de Vladivostok l’eau libre, les manchots et les scientifi ques de se dandinent. D’impo- Saint-Pétersbourg. Mais sants icebergs dérivent. d’Antarctique, l’Ex- Progress est la base d’où trême-Orient et Moscou partent désormais les sont tout aussi loin, il convois à chenilles ra-traduit par n’y a plus aucune diff é- vitaillant la célèbre nsta-athaLia rence ! pino-aLgasova Komsomolsk- Mars, 2016 sur-l’Amour Voyage Salut ! Ça va ? 7 (Russia) La francophonie sur l’amour en chansons

ceLa FaiT déJÀ 8 anS que Le FeSTiVaL de La chanSon FranÇaiSe a Lieu danS noTre uniVer- SiTé. iL eST organiSé par La chaire deS LangueS roMano-gerManiqueS eT orienTaLeS eT L’aSSociaTion deS enSeignanTS de FranÇaiS de La région aMourSKaya, aVec Le SouTien de L’aMBaSSade de France.

périence dans ce domaine. Le choix prendre plaisir à écouter des chan- de la chanson était évident car notre sons des autres participants. groupe adore « Douce France », un Il y a eu des chansons très di- morceau chanté pour la première verses. Le festival a connu un grand yuLia fois en 1943 par Charles Trenet mais succès parce qu’il a réuni trois uni- TiToVa dont nous avons choisi la version la versités de Blagovechtchensk et et plus moderne interprétée par « Les même des nationalités diff érentes. irina Enfants du Pays ». Comme d’habitude les élèves-offi - aLiMSKaya étudiantes Nous avons passé beaucoup du ciers de la Grande école militaire Blagovechtchensk temps à répéter pour assurer notre d’Extrême-Orient ont beaucoup (russie) succès le jour du festival. On a déci- plu au public avec leurs interpréta- dé de chanter en dansant. On a ap- tions dynamiques et des danses en- pris les paroles de la chanson et on fl ammées. a mis en scène une chorégraphie. Mais le clou du festival fut la per- L’amour pour la langue française et formance de notre doyenne Natalia notre amitié nous enthousiasmaient. Kutcherenko avec l’étudiante de qua- Pour être belles et élégantes en trième année Valeria Mirochnitchenko epuis trois ans notre pe- chantant notre amour pour la France ! Elles ont interprété la chanson « tit groupe constitué des nous avons prévu pour chacune C’est le grand amour » grâce à laquelle étudiantes de la troi- d’entre nous des blousons rayés et elles ont fait une véritable déclaration sième année faisait sim- des écharpes rouges ! d’amour à la langue française. D plement partie des spec- Le jour du festival est arri- à la fi n du festival tous les parti- tateurs. Mais cette année Natalia vé. Et nous étions un peu stres- cipants ont reçu des cadeaux en sou- Kutcherenko, la doyenne de notre fa- sées dès le matin puisque nous de- venirs. culté et l’organisatrice principale du vions passer dans les premiers et Nous sommes si contentes d’avoir festival nous a proposé de prendre commencer le festival juste après participé au Festival de la chanson part à cet événement et elle nous a le groupe des danseuses qui ou- française cette année. Nous nous beaucoup encouragées et inspirées ! vraient le concert. La salle était sommes imprégnées de l’esprit de Et, motivées par notre professeur pleine de monde, plus que ja- cette Douce France qui nous a si et par l’amour pour la langue fran- mais. Finalement il s’est avéré que bien réussi de sorte que l’année pro- çaise nous avons décidé d’éprouver nous étions stressées inutilement chaine nous tenterons de réitérer nos capacités à chanter sur la scène parce que notre performance était notre succès ! universitaire malgré le manque d’ex- parfaite ! Ensuite nous avons pu

8 Salut ! Ça va ? Francophonie Mars, 2016 Mars, 2016 Francophonie Salut ! Ça va ? 9 L’extrême-orient russe : la France s’y trouve!

pour conTriBuer À L’année croiSée du TouriSMe cuLTureL eT du paTriMoine enTre La France eT La ruSSie, La chaire de phiLoLogie roMano-gerManique eT de coMMunicaTion inTercuL- TureLLe en coLLaBoraTion aVec La FacuLTé d’arT, de puBLiciTé eT de deSign de L’inSTiTuT péd- agogique de L’uniVerSiTé d’éTaT du paciFique de KhaBaroVSK, a Lancé À La Fin de 2015 Le con- courS régionaL «Ma peTiTe France” danS Le cadre de Son concourS MunicipaL de deSSinS «France-ruSSie : FaiSonS deS découVerTeS !».

gional de projets vidéo, il s’agissait d’Amour ont présenté leurs vidéos. eLéna Torgan de créer un court métrage de 3 mi- Les étudiants de Donetsk (Ukraine) Khabarovsk nutes environ portant sur un des ont aussi participé avec un projet. (Russie) aspects (culturel, historique, géo- Le concours municipal de des- graphique, économique etc.) de la sins a été proposé aux enfant et ado- présence française dans la région lescents qui pouvaient choisir selon d’Extrême-Orient. Les habitants leur âge entre trois options : « Dessi- de Khabarovsk, de Bikine, de la ré- nons les contes de Charles Perrault» e but principal de ce pro- gion de Khabarovsk, de la région pour les plus petits, « Ma petite pa- jet était d’un côté la mise trie Khabarovsk » pour les jeunes en évidence du patrimoine ados et «La fenêtre vers Paris » pour français dans la région de les 14-17 ans. L l’Extrême-Orient russe et Le concours a relevé que la « petite d’un autre côté la promotion via les France » était vraiment présente dans réalisations des participants d’Ex- la région d’Extrême-Orient russe. Elle trême-Orient de France et des pays se manifeste dans le vécu personnel francophones. comme par exemple dans le projet de Tous les amateurs de la culture Tatiana Osadtchouk (ville de Bikine) française, quel que soit leur âge, leur ayant eu le premier prix dans la ca- formation et leur profession, pou- tégorie «23+ » et parlant de l’histoire vaient prendre part au concours. de sa famille aux origines françaises. Le concours a commencé le 1er no- Un autre exemple : le projet d’Anas- vembre et a duré jusqu’au 17 dé- tasia Izmestieva présentant le rôle de cembre. Il a attiré plus de 100 per- la langue française dans sa vie, ho- sonnes de 6 à 66 ans. noré par une troisième place dans la Dans le cadre du concours ré- catégorie «18-22». Ou de multiples

10 Salut ! Ça va ? Francophonie Mars, 2016 dessins des enfants représentant les rencontre dans un café avec la vue héros bien aimés des contes de Per- sur la Tour Eiffel »). Ou encore les rault que tout le monde connait de- mêmes usages d’un pays à l’autre puis son enfance. (1ère place – Kira : par exemple la célébration de la Roudman, « Le Chat botté » ; 2ème journée de la Saint Valentin dont place – Slipetskaia, « Cendril- nous parlent dans leur vidéo les lon au jardin »; 3ème place – Sonia Pi- écoliers d’Ouglegorsk (la région tchouieva, « Le Petit Chaperon rouge d’Amour) Philippe Maslovsky, Kristi- ») na Belkina et Olga Gorbatchevskaia. On repère la présence française La vidéo considérée hors dans l’histoire de la région, dans concours des étudiants de l’Uni- sa culture, sa géographie. Un fait versité Nationale Technique de qui pourrait encourager non seu- Donetsk, Andrei Verjevkine, Nicolai lement l’esprit voyageur mais aus- Petrenko Ilia Dovgopolik et Aleksei si les tour-opérateurs. Cette idée est Larionov a montré avec évidence la présentée dans deux projets vain- présence de la France dans la région queurs. Le premier, qui a remporté de Donetsk. la victoire dans la catégorie «18-22 » Le concours avait pour ambition aux étudiantes de l’Institut Pédago- non seulement de révéler la pré- La France existe aussi dans la re- gique de l’Université d’État du Paci- sence française dans la région mais présentation des habitants. On s’en fique et réalisé par Iana Kornéeva, aussi d’attirer l’intérêt des Français aperçoit dans la vidéo comparant Daria Nazaretz et Tatiana Razak- pour la nature, pour l’histoire, pour Khabarovsk et Paris aussi bien que berguenova, parle du photographe les traditions et pour la richesse dans les dessins des ados de la ca- français Émile Ninaud qui habitait culturelle de l’Extrême-Orient russe. tégorie « La fenêtre vers Paris ». Les et travaillait à Khabarovsk au début Ainsi les tableaux peints par les ado- jeunes artistes, tous inspirés par les du XXème siècle. Le deuxième, réa- lescents pour la nomination « Ma livres, les films et les reportages tou- lisé par Aleksandra Podskalnyk et petite patrie Khabarovsk » y contri- ristiques sur la France, ont repré- Eugénia Seledkova porte sur les to- buent (1ère place – Natalia Firstova, senté l’image poétisée de la capi- ponymes de l’Extrême-Orient ayant « La fête russe »; 2ème place – Mila- tale française (Diana Bachan, « Les un accent français grâce à leurs dé- na Perkimova ; 3ème place – Ekateri- Vacances à Paris ») avec ses pe- couvreurs. On retrouve cette idée na Scherba, « La foire »). tites ruelles, ses cafés d’été (Vero- dans les réalisations moins abouties, L’annonce des résultats et la re- nika Gomzar, « Les amies dans un comme par exemple, celle qui parle mise des certificats et des diplômes café français »), ses ponts de pierre d’Elisabeth de Richemond, femme aux participants s’est tenue le 24 dé- sur la et ses vues sur la Tour du premier gouverneur de la région cembre 2015. Une exposition des Eiffel (Viktoria Braslavskaia, « La de Khabarovsk qui était française ou tableaux a eu lieu du 24 au 31 dé- dans le projet sur des anciens livres cembre à l’Institut pédagogique de français, parmi lesquels un livre de l’Université d’Etat du Pacifique. Nostradamus, se trouvant à la biblio- Les organisateurs du concours thèque régionale. espèrent que de nouvelles manifes- Le concours a révélé aussi la pré- tations, les expositions d’échange sence économique et commerciale entre la Russie et la France, par de la France dans la région. Ainsi exemple, seront la suite logique de les chaines de magasins de beauté ce projet qui favorise non seule- « Ile de beauté », « l’Etoile », « Rive ment le développement des liens gauche », les enseignes des bou- touristiques entre nos pays mais tiques, des cafés et des salons de aussi l’augmentation de l’intérêt beauté ont inspiré certains parti- des jeunes Russes et Français à nos cipants et sont devenus le sujet de cultures et langues respectives. leurs réalisations.

Mars, 2016 Francophonie Salut ! Ça va ? 11 diff user les cultures régionales c’est diff user le français !

L’apprenTiSSage deS LangueS Se TrouVe TouJourS SouS L’inFLuence deS MouVeMenTS de SociéTé incLuanT LeS éVéneMenTS Sociaux, cuLTureLS, éducaTiFS eT poLiTiqueS LeS pLuS MarquanTS.

Marina KoreneVa Oulan-Oudé (Russie)

uelques-uns des prin- cipaux mouvements du siècle précédant ont fa- vorisé la naissance des q théories de la culture qui ont beaucoup changé la vi- sion du monde. Une des caractéris- tiques de cette nouvelle vision est l’acceptation de toutes les cultures humaines comme égales et dignes la France ou n’importe quel autre en concevant ce petit spectacle d’être connues et respectées. pays est une notion restreinte. Ce- vous avez visé à motiver les appre- Pour ceux qui vivent en Bouriatie, pendant la France et la nation fran- nants ? une région qui abrite et accueille çaise c’est quelque chose de plus Bien sûr et en plus je voudrais plusieurs groupes ethniques et qui large et plus divers, ce n’est pas du montrer au public venu à ce concert représente une diversité de cultures tout homogène. la diversité des chansons et costu- et de nations ce ne sont pas de sim- nous avons pris plaisir au chant mes traditionnels, des coutumes ré- ples paroles mais une réalité à la- de vos étudiants. avez-vous long- gionales même de la manière de quelle on s’est habitué. temps préparé votre numéro pour chanter. Je voudrais faire voir qu’il C’est pourquoi Darima Erdinée- le concert fi nal ? existe des langues régionales et des va, enseignante de français à l’Ins- Nous avons beaucoup travaillé et cultures minoritaires, ce qui en- titut de Lettres et Mass Média, une avons tout fait avec plaisir. Je crois semble constitue le beau visage ac- des responsables de la Semaine de que c’est important pour les étu- tuel de la France. Je voudrais leur langue française s’est essayée à la diants de participer aux semaines de apprendre à comparer et trouver diff érence culturelle à la française la langue. Cela développe leur moti- des parallèles culturelles avec, par pendant le concert fi nal. Ce que le vation envers l’apprentissage de la exemple, la Bouriatie qui possède public a vu l’a agréablement frappé langue et leur compétence culturelle. aussi des coutumes, des traditions et fasciné : des voix douces, des cos- singulières et merveilleuses qui tumes authentiques, des airs mélodi- n’existent plus dans la Russie. Grâce ques et des dialectes charmants. Un à mes étudiants nous avons réussi à groupe d’étudiants de 3ème année a faire des échanges culturels. présenté un pot pourri des airs po- etes-vous d’accord qu’en diff u- pulaires en breton, occitan, alsacien sant la culture on diff use la langue ? et corse. Oui, absolument. Plus on ap- darima, qu’est-ce qui vous a prend la culture plus on s’intéresse à poussé à concevoir cette idée et la langue. Cela contribue à la forma- faire connaître au public ces dialec- tion du savoir, du savoir-faire et du tes de la France ? savoir-être de l’apprenant, à l’image A vrai dire les dialectes sont l’al- positive du pays dont on enseigne et sacien et le corse. Le breton et l’occi- apprend la langue. La culture fran- tan sont considérés comme langues çaise n’est pas quelque chose d’ho- régionales. J’ai vécu et travaillé en mogène, elle représente une espèce France pendant un an et j’ai compris de mosaïque. C’est pourquoi en dif- que la France est un pays à cent visa- fusant les cultures régionales, on dif- ges. D’ordinaire les gens croient que fuse le français !

12 Salut ! Ça va ? Francophonie Mars, 2016 un dîner-spectacle pour la Journée de la Femme : quand les saveurs libanaises se lient avec l’âme russe

iL a FaLLu un peu pLuS d’un MoiS pour organiSer À pariS ceT éVéneMenT « À La ruSSe » que L’on n’a paS L’haBiTude de céLéBrer en France. Si en ruSSie, on appeLLe Le 8 MarS « Le Second Jour d’anniVerSaire deS FeMMeS », en France c’eST une occaSion de Faire deS ManiFeSTaTionS danS LeS rueS... eT paS VraiMenT de S’aMuSer. donc, L’idée de S’oFFrir une FÊTe eST Venue TouT naTureLLeMenT.

irina KorneeVa Journaliste Paris (France)

Cette soirée qui se voulait inter- nationale, s’est déroulée dans un en- droit fort sympathique – le restaurant et lounge bar libanais le Sway, situé à deux pas de l’Opéra de Paris et di- rigé par Jérôme Dhaini, cosmopo- lite et amateur de musique. C’est une véritable découverte gastrono- mique qu’il nous a off erte à tous, un menu riche de délicieuses spéciali- tés du Liban, un pays oriental qu’on connait malheureusement si peu. Au programme culturel, des chansons russes et françaises in- terprétées par un magnifi que duo… franco-russe. Elle : Alexandra Te- nicheva, une très belle soprano, véritable représentante de l’école musicale slave. Lui : Guillaume Rat, un troubadour français : poète, chanteur et compositeur, diplô- mé des concours internationaux de poésie qui collabore avec plusieurs artistes musiciens européens. Ajoutez un saxophoniste de talent Ilfat Sadykov, diplômé de l’Académie d’Etat de Samara (Russie), de l’Ame- rican School of Modern Music et du Conservatoire à Rayonnement Régio- nal de Paris. Ce fut un moment mer- veilleux, vraiment ! En tant qu’organisatrice de cet évé- nement, je tiens à remercier encore une fois toute notre équipe et dire également merci à toutes ces per- sonnes qui sont venues le 8 Mars der- nier et qui, je l’espère, ont apprécié notre travail. En tous cas, leurs souri- res, leurs applaudissements et leurs belles émotions nous ont grandement touchés et ont permis d’en garder un

très beau souvenir ! Göncz Crédit photo : Pascal

Mars, 2016 cuLTure Salut ! Ça va ? 13 Vladimir poZner : parisien de nationalité

iL S’appeLLe VLadiMir TouT coMMe Le préSidenT de La ruSSie. eT on peuT SuppoSer qu’iL a Le MÊMe niVeau de popuLariTé cheZ LeS ruSSeS… éTaBLie d’aiLLeurS Bien aVanT L’arriVée de pouTine. Crédit Photo : ©Ekatérina Chtukina/RIA Novosti Chtukina/RIA Crédit Photo : ©Ekatérina

pense, écrit ou dit de lui. Plus en- irina core, il ne s’identifi e pas à « un vrai KorneeVa Russe ». Il se dit Parisien. Journaliste Au mois de février dernier, lors Paris des Journées du livre russe à Pa- (France) ris organisées par l’Association France-Oural, j’off re à Vladimir Pozner un exemplaire de Salut ! Ça va ? et demande timidement dix ladimir POzNER, on minutes pour une interview. La l’aime ou on ne l’aime pas, réponse fut positive et ma mais on le connaît tous ! joie grandissime. Un re- Né à Paris, ayant grandi à gard plein de sagesse, un V New-York, c’est en Union grand sourire et une Soviétique qu’il a pu faire sa carrière sorte de sympathie de journaliste, et puis monter sur « le ont accompagné trône de patriarche de la télévision » cette interview, postsoviétique pour y rester jusqu’à si importante aujourd’hui. Son opinion est écoutée pour moi et bien respectée par une partie de et dési- la population. En même temps, il est rée détesté par certains à cause de ses de- critiques du gouvernement, son at- titude loyale pour l’Occident et… ses trois passeports (russe, français et américain). Lui-même, dans ses in- terviews, avoue ne pas accorder une moindre importance à ce qu’on

14 Salut ! Ça va ? porTraiT Mars, 2016 puis toujours je pense. Faute de temps, je n’ai pas posé toutes mes questions. Mais je les reposerai un jour. Paris où il estime être chez lui n’est pas une si grande ville. - Lors des conférences à paris, vous avez toujours parlé en fran- çais que vous maitrisez parfaite- ment. et je sais que vous avez le même niveau en anglais. en quelle langue alors est-il plus facile pour vous de vous exprimer : en russe, en français ou bien en anglais ? - En principe, cela m’est égal. Les trois langues sont d’un usage permanent dans ma vie. Je crois

néanmoins que mon français est tv.ru photo : www. Credit un peu plus limité que les autres car je n’ai pas habité long- temps en France et n’ai jamais français. Et je n’ai connu mon père, il y a peu de monde ! été scolarisé ici non plus, et russe, qu’à l’âge de 5 ans. - peu de monde sur les donc des fois il me manque - et aujourd’hui, une fois tout champs-elysées ?! cela n’arrive ja- du vocabulaire. Sinon, c’est seul, en quelle langue vous par- mais… vrai que je parle français lez-vous…à vous-même ? avec aisance. - C’est une très bonne ques- - Vous souvenez-vous tion… qui n’a pas de réponse ! Bizar- L’une de mes du jour où vous avez dit rement, cela peut être indiff érem- votre premier mot en ment l’une ou l’autre et je n’ai pour plus grosses français ? cela aucune explication. Tout d’un - Pas du tout coup, je m’aperçois que je me parle émotions et souf- puisque c’est ma pre- en français. Une autre fois, en an- mière langue, celle frances même ré- glais… de ma mère. Elle - est-ce que vous venez souvent est d’origine fran- side dans le fait à paris, la ville de votre naissance ? çaise et m’a tou- - Oui, assez souvent car j’ai un que ma mère n’a jours parlé en appartement sur les Champs-Ely- jamais appris ce sées et j’aime beaucoup cette ville ! Et dès que j’ai une possibilité, que je suis de- j’aime prendre un avion et venir à Paris. venu. Certaine- - quel est votre endroit préfé- ment, elle aurait ré ici ? - Il y en a beaucoup. J’aime les été très fi ère. quais de la Seine, la . Pour une bonne balade, je choisis la Place de grève, le quartier Latin, le - Si, cela peut arriver ! (sourire). quartier de l’Alma… quand il pleut à fond, par exemple… - c’est-à-dire des endroits Paris n’est pas la plus grande ville ni touristiques ni très « au monde. Mais des avenues comme bling-bling » ? les Champs-Elysées n’existent nulle - Si si, pourquoi pas part ailleurs. Je me rappelle une vi- des « bling-bling site à Paris de mon ami, journa- ». J’adore les liste de télé américain, Phil Dona- Champs-Ely- hue avec qui nous avons travaillé sées, sur- aux Etats-Unis. Il connaît parfaite- tout ment New-York, Chicago. quand il a quand vu les Champs-Elysées, il a dit : mais qu’est-ce que c’est ? Je lui ai expli- qué que c’était une avenue…. Pour lui, c’était quelque chose d’extraor- dinaire ! Vous savez, mon père est originaire de Saint-Pétersbou- rg, une très belle ville aussi. Il a toujours discuté avec ma mère au sujet de quelle ville est la plus jolie.

Mars, 2016 porTraiT Salut ! Ça va ? 15 Moi-même j’ai visité Saint-Pétersbou- - grâce à votre excellent niveau - Votre petit frère pavel a sou- rg en étant déjà adulte. Et vous savez, de français, vous avez interviewé tenu une thèse à la Sorbonne. Vous- je pense que c’est incomparable. Une une pléiade de célébrités fran- même, n’avez-vous jamais eu envie toute petite partie de Saint-Péters- çaises, artistes et hommes poli- de faire le même compte rendu de bourg, construite par Pierre le Grand, tiques… qui vous a le plus marqué ? votre expérience professionnelle peut être comparée avec Paris. Mais - A vrai dire, la liste n’est pas aussi et de toutes ces connaissances ac- pas plus que ça. longue que vous l’imaginez (sourire). quises lors de votre carrière ? - Ça ne sonne - Vous avez pas très patrio- raison, mon tique, Vladimir Vla- frère est un dimirovitch. Mais scientifi que en même temps… spécialisé en je suis de votre histoire mé- avis ! diévale du Viêt - Cela n’a rien à Nam. Pour- voir avec le patrio- quoi a-t-il sou- tisme ! Le patrio- tenu à Paris ? tisme c’est aussi Parce que c’est la véracité qui ex- en France qu’on clut tous les men- a les meilleurs songes… Certains spécialistes de aiment chez eux, ce pays qui était moi j’aime Paris ! pendant assez - Vous affi rmez longtemps co- être français dans lonisé par les l’âme. comment Français. quant cela s’exprime- à moi, je ne suis t-il ? pas un scienti- - Oui, je me sens fi que. J’ai une français et cela autre façon de s’exprime dans penser, celle du la façon dont je me sens dans dif- Personne ne m’a marqué vraiment, journaliste. En même temps, je suis férentes circonstances. Je perçois mais je garde un très beau souvenir sorti de la faculté de biologie et de les choses comme un Français. Par de mon interview avec Alain Delon et physiologie de l’homme. Mais je sa- exemple, tout le monde sait que la Charles Aznavour qui a 90 ans et c’est vais depuis toujours que la science bureaucratie française est un enfer. incroyable quelle vitalité il y a en lui n’était pas ma tasse de thé. C’était Mais elle est absolument claire. On ! Je pense que ce sont ces deux per- très bien que j’aie tout de suite re- ne peut pas l’abolir puisqu’il existe sonnalités qui m’ont le plus impres- noncé à cette voie qui m’aurait ren- des règles de fer et des lois. Si vous sionné. J’aurais bien aimé en intervie- du, moi, profondément malheureux. les respectez, tout va bien. Et dans wer encore quelques-unes. On verra. - Votre maman qui portait un ce sens-là, elle est bien meilleure prénom typiquement français que la bureaucratie russe qui dé- – Jacqueline – aurait été fi ère pend de l’humeur de personnes de vous aujourd’hui. qu’en pen- concrètes, et si ces dernières sez-vous ? vous aiment ou pas. Je préfère la - L’une de mes plus grosses émo- France même pour cela. tions et souff rances même réside dans - Vous avez ce beau privi- le fait que ma mère n’a jamais ap- lège que même beaucoup de per- pris ce que je suis devenu. Certaine- sonnes qui vivent en France ment, elle aurait été très fi ère. Le fait n’ont pas. il s’agit de la nationa- que je suis athée exclut toute croyance lité française. qu’est-ce que cela qu’elle puisse me voir aujourd’hui de vous apporte et est-ce que cela là-haut et savoir tout sur moi. C’est vous simplifi e réellement la vie ? cela qui me chagrine plus que tout ! Je - J’ai trois nationalités : russe, suis une copie d’elle. C’est elle qui m’a française et américaine. Je dois éduqué, je lui ressemble… Elle est par- dire qu’avant tout c’est agréable tie en 1985, mais elle me manque tou- et cela me fait d’autant plus plai- jours. Pour moi, elle n’est pas morte. sir qu’ici en France je me suis vu - elle se réjouit pour vous, j’en décorer de l’Ordre national de la suis sûre ! Merci beaucoup pour Légion d’honneur. C’est une dé- cette interview, je suis heureuse ! coration très importante pour - Merci à vous ! moi. A part cela, mon passeport français me permet de voyager Salut ! Ça va ? remercie l’Association dans la plus grande partie du France-Oural, Antonina Alexeyenko et monde sans visa. Ce que j’adore Maria Silly-Yusakova qui ont contribué faire ! à la publication de cette interview.

16 Salut ! Ça va ? porTraiT Mars, 2016 découvrir la russie authentique

cerTainS FranÇaiS qui ne VoyagenT paS en dehorS de L’union européenne eT qui Se conTenTenT d’écouTer, de Lire eT de regarder LeS inForMaTionS deS MédiaS de MaSSe onT SouVenT une ViSion erronée deS payS horS union européenne.

fait de sa langue et de son alphabet derne et un moyen de transport fer- cyrillique. roviaire vers la capitale très effi cace, LaurenT neau Puis en 2014, en voulant améliorer l’Aeroexpress. Toulouse mon niveau en anglais j’ai rencontré A mon arrivée à la gare Belorus- (France) Anya, une étudiante en danse d’ori- skaya, j’ai retrouvé mon amie Anya gine Russe de passage pour 6 mois en et nous avons plongé dans le mé- France à Toulouse. Elle accepta de me tro pour rejoindre le centre ville de donner des cours d’anglais. A cette Moscou. Et là ! Nouvelle surprise ! époque ma carrière était stabilisée, J’ai trouvé un métro d’une propreté DES CLIChÉS SUR j’avais donc de l’énergie à consacrer exemplaire et de très jolies stations LA RUSSIE pour ouvrir mon esprit et tenter de décorées chacune selon un thème es stéréotypes véhiculés sortir des stéréotypes concernant la diff érent. Les gens n’étaient pas très par ces médias sont telle- Russie. J’ai donc décidé de poser de souriants mais je pense que je peux ment ancrés chez certaines nombreuses questions à Anya sur son faire le même constat à Paris ! En ce personnes que même lors- pays et elle m’a convaincu de venir lui qui concerne la propreté et la déco- L qu’elles ont l’opportunité rendre visite à Moscou. ration, le métro parisien n’est pas au de voyager, elles ne sont pas capa- J’ai demandé un visa de tourisme niveau de celui de Moscou. bles d’observer le pays qu’elles vi- d’un mois, très facile à obtenir, et je La ville présente toutes les carac- sitent de façon objective et elles re- suis allé à Moscou en novembre 2014 téristiques d’une grande ville mo- viennent en France avec une vision pour une dizaine de jours. derne, j’y ai vite trouvé de nouveaux qui renforcent leur avis initial. repères et dès le lendemain de mon Ces gens sont souvent conscients PREMIER CONTACT arrivée je me sentais suffi samment que les médias de masse sont en gé- AVEC LA RUSSIE à l’aise pour circuler seul, utiliser le néral manipulés mais ils sont pris La première bonne surprise, à métro et commencer ma découverte dans leur vie quotidienne, le déve- mon arrivée à l’aéroport, a été de de la ville avec un sentiment de to- loppement de leur carrière, l’éduca- constater que les contrôles à la tale sécurité. Anya travaillant dans tion de leurs enfants et ils préfèrent douane sont aussi simples que pour la journée, nous nous donnions ren- utiliser leur énergie sur d’autres su- entrer dans un pays comme l’Angle- dez-vous le soir. J’ai découvert à jets au lieu de chercher à diversifi er terre. J’ai découvert un aéroport mo- cette occasion un aspect surprenant leurs sources d’informations. de la vie moscovite, la vie la nuit et Jusqu’en 2014, concernant la le week-end ! Chose impossible en Russie, j’étais l’un de ces Français. France où tous les commerces fer- Depuis la fi n de mes études, j’avais ment très tôt le soir et le dimanche. consacré toute mon énergie au dé- veloppement de ma carrière. Ma vi- MILLES VISAGES sion de la Russie était le résultat des DE MOSCOU images TV sur l’actualité en Ukraine J’ai commencé ma visite de la et de mon éducation scolaire qui se ville par les sites les plus connus limitait à l’étude de la guerre froide. pour un Français, c’est-à-dire la Pour moi la Russie c’était donc : Place Rouge, le Kremlin, le théâtre - Un gigantesque du Bolchoï. Mais pays, froid et aus- j’ai aussi découvert tère. le GUM, les nom- - Un pays où la breuses et gigan- corruption et la tesques galeries mafi a sont omnipré- marchandes et les sentes. très grands parcs - Un pays fermé dont j’ai pu profi ter avec de nombreux lors de mes voyages contrôles aux fron- suivants en été. tières. J’aime me pro- - Un pays agressif mener dans les vis-à-vis de ses voi- grandes villes sans sins. objectif particulier, - Un pays diffi cile juste pour obser- à comprendre du ver l’architecture. Je

Mars, 2016 Voyage Salut ! Ça va ? 17 ne suis pas un expert mais été confirmés. En ce j’aime simplement noter, qui concerne la corrup- sans les analyser, les émo- tion et la mafia, pour tions que provoque chez être honnête, en tant moi une construction. A que touriste, je n’en ai Moscou, j’ai été comblé de pas été témoin. Je suis ce point de vue. En effet, revenu en France avec la ville n’est pas monotone pleins d’idées de futurs car on y trouve des styles et voyages pour continuer des couleurs très différents. ma découverte du pays. Certains disent que c’est le J’ai donc acheté une résultat de la destruction carte de la Russie et anarchique des bâtiments j’ai construit un pre- historiques, mais pour moi mier projet de traver- c’est un point positif. sée du pays d’Ouest en Et puis à Moscou il y a Est en plusieurs étapes aussi « Moscow City » avec en allant des Iles Solo- ses buildings modernes à vki jusqu’à Vladivostok. l’architecture audacieuse. et l’ambiance était très festive. Nous Puis ce projet a été légè- On peut aussi y découvrir de nom- avons visité les principaux lieux tou- rement modifié suite à une discus- breuses églises orthodoxes avec ristiques, y compris le Peterhof. J’ai sion avec Daria, une artiste Russe leurs dômes colorés et aussi une très gardé de Saint Petersburg l’image habitant actuellement à Paris, qui grande mosquée. d’un centre ville pittoresque et ro- m’a suggéré de visiter sa ville natale, D’un point de vue culturel, la ville mantique avec ses nombreux canaux Blagovechtchensk. offre de nombreuses possibilités. Des entourés de verdure. L’architecture du Une première étape de ce projet a galeries de peintures qui exposent centre ville est très homogène. C’est été réalisée pendant l’été 2015. Je me des artistes de tous les pays, certains sans doute le résultat d’une volonté suis rendu dans les Iles Solovki, à Pe- cinémas qui proposent des films fran- plutôt positive de sauvegarder le pa- trozavodsk et dans l’Ile de Kiji en Ca- çais sous-titrés en Russe, un planéta- trimoine historique. Mais de ce point rélie puis à Kazan au Tatarstan. rium, un océanarium, de nombreux de vue je préfère Moscou qui offre au La deuxième étape est très ré- musées et, un lieu mythique pour promeneur plus de surprises liées à la cente car elle date du mois de février moi, le théatre du Bolchoï ! Anya m’a variété des styles de bâtiments. 2016, j’ai visité la ville d’Irkoutsk et fait la surprise d’obtenir des places J’ai cherché à m’éloigner du l’Ile d’Olkhon sur le lac Baïkal totale- pour assister à une représentation du centre ville pour me rendre dans les ment gelé. ballet « Giselle ». quartiers plus résidentiels. J’y ai vu La troisième étape est planifiée Avant ce premier voyage, je m’at- des grands immeubles avec à leur en Août 2016, j’ai prévu de partir de tendais à trouver un pays austère, pied de nombreux commerces de Moscou en train et d’arriver à Blago- fermé. Au contraire, j’ai découvert proximité. J’ai eu l’impression à cet vechtchensk en visitant en chemin des personnes très accueillantes, endroit de me rapprocher davantage les villes d’Ekaterinbourg, Omsk, No- qui aiment la France et, ce qui m’a le du quotidien de la population. vossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk à plus surpris, un sentiment de sécuri- Le même type d’architecture se re- nouveau, Oulan-Oudé et Tchita. té totale pour me déplacer seul dans trouve à la périphérie du centre ville Pour aller dans les Iles Solovki, je les rues de la capitale. de Moscou. suis parti en train de Saint Petersburg. Suite à cette expérience très posi- Le voyage a duré une nuit jusqu’à Kem tive, j’ai décidé de revenir en Russie six De Solovki à Kazan, puis un car m’a amené sur les rives de mois plus tard, en Mai 2015. L’objec- à la découverte de la la mer Blanche où un bateau, le « Vas- tif de cette deuxième visite était bien diversité Russe sili Kociakov », m’attendait. sûr de revoir mon amie mais aussi de A l’issue de ce second voyage, le J’ai découvert à cette occasion le continuer ma découverte du pays. sentiment de sécurité et l’excellent transport ferroviaire en Russie : La « accueil vécus la première fois ont provonidsa » qui assure la tranquil- Saint-Pétersbourg, lité du wagon, la ponc- un patrimoine his- tualité irréprochable torique préservé du train qui s’est J’ai commencé par confirmé plus tard lors poursuivre ma visite de de mes autres voyages Moscou. J’ai profité de ses et le Samovar, toujours nombreux et très grands présent, pour le thé. parcs, du mont des moi- J’ai voyagé en seconde neaux qui offre un point classe dans un compar- de vue sur le centre ville et timent composé de 4 sur la Moskova. Puis je suis couchettes. J’ai parta- allé à Saint-Pétersbourg. gé cet espace avec un Nous y sommes arrivés couple de grands-pa- un samedi soir par le train rents accompagnés rapide Sapsan. C’était le de leur petite fille. Ils début des Nuits Blanches se rendaient à Mour-

18 Salut ! Ça va ? Voyage Mars, 2016 mansk. Le matin, le grand-père, Vo- que j’ai visité. L’hiver, avec la neige, la lomètres se sont fait sur la glace du lodia, m’a gentiment invité à par- situation est un peu différente. lac. Selon ma guide son épaisseur tager le petit déjeuner avec lui et était de 60 cm. Certaines parties sa famille. Bien que je ne parle pas La Sibérie, une sont complètement lisses alors qu’à russe et que Volodia ne parle ni fran- dimension spirituelle d’autres endroits on a l’impression çais ni anglais nous avons réussi à surprenante d’être spectateur de la tectonique sympathiser et à échanger quelques Depuis le début de mon projet des plaques à échelle réduite. En ef- idées sur la Russie et sur la France de traversée du pays, mon voyage a fet, les plaques de glace entrent en en dessinant sur un livre que j’avais principalement été réalisé au prin- collision les unes avec les autres dans mes bagages. Cette expérience temps ou en été. Pour découvrir la pour former un paysage chaotique. m’a beaucoup touchée. Elle montre Russie en hiver, j’ai donc décidé de J’ai particulièrement été impres- l’importance de l’hospitalité Russe. me rendre à Irkoutsk et au lac Baïkal sionné par la pureté et la transpa- Le trajet à bord du « Vassili Kocia- en février 2016. rence de ces plaques. Les bulles kov » a été magique, le ciel était d’un Irkoutsk est une ville surprenante d’air emprisonnées au moment de bleu profond et j’ai pu apercevoir dans laquelle coexistent au centre la formation des glaces forment à furtivement et de loin des baleines ville des immeubles modernes et des certains endroits des figures qui blanches. Ce sont des animaux très « maisons en bois. Certaines de ces donnent l’impression que des créa- timides » et malheureusement je n’ai maisons en bois se sont affaissées tures étranges y ont été emprison- pas réussi à les prendre en photo. Et dans le sol au rythme des gels et des nées. puis progressivement l’Ile principale dégels successifs. Cela donne une vi- La lac Baïkal est un endroit très de l’archipel des Solovki est apparue sion irréaliste avec des fenêtres si- riche d’un point de vue spirituel où et le monastère s’est dessiné à l’hori- tuées en dessous du niveau des trot- coexistent le bouddhisme et le cha- zon. Bien sûr la visite de ce manisme. monastère est une activité Et enfin, en tant que incontournable mais ce que français, je ne peux pas ne j’ai le plus apprécié c’est la pas aborder l’aspect cu- possibilité de me promener linaire. Les plats que j’ai dans un lieu qui dégage une particulièrement appré- impression de calme et de ciés sont la Solianka, plus sérénité malgré son histoire que le Borchtch, les Piro- et la présence touristique. jkis, les Pelmenis, les Va- Sur le trajet de retour vers renikis, la Kacha qui est Saint Petersburg j’ai fait un un plat très nourrissant arrêt à Petrozavodsk pour vi- et l’Omoul, poisson endé- siter l’Ile Kiji et découvrir les mique du lac Baïkal, que très belles églises en bois et j’ai pu déguster sous plu- leurs iconostases à plusieurs sieurs formes. Seule sa niveaux et toujours très colo- version « fumé et sec » ne rées. Cette visite a été l’occa- m’a pas séduit car je n’ai sion d’assister à un concert pas réussi à dépasser l’a improvisé de carillons qui est priori lié à l’aspect. resté un souvenir marquant Pour conclure, je pense de ce voyage estival en Russie. toirs. Les motifs de décoration autour que pour pouvoir vraiment com- Mon voyage de l’été 2015 s’est ter- des portes et des fenêtres de ces mai- prendre et connaître un pays il faut miné à Kazan. J’ai découvert une ville sons étaient utilisés dans le passé y vivre et y travailler. Mon opinion qui est engagée dans des travaux de pour repousser les mauvais esprits. sur la Russie est donc incomplète et restauration colossaux depuis le dé- L’histoire des Décembristes est partiellement inexacte. Elle est celle but des années 2000. A l’intérieur du très présente à Irkoutsk et bien que d’un touriste de passage. Cependant, Kremlin, aux murailles blanches et je sois très loin de Saint Petersburg, mes voyages me permettent de cor- immaculées, coexistent une très belle la visite de la maison des Volkonsky riger les stéréotypes que j’avais au mosquée et des églises orthodoxes. m’a permis de faire un lien inatten- départ. Je ne m’attendais pas à trouver en du avec ce que j’avais vu dans l’an- J’ai découvert beaucoup de géné- plein milieu de la Russie une région cienne capitale des tsars. rosité, d’hospitalité, un grand intérêt où une part importante de la popula- La ville est aussi très marquée par pour la France. La Russie est un pays tion est de confession musulmane. l’histoire de son usine de mécanique où il est très facile de se déplacer Le quartier Tatar historique avec dont la production a été presque en- pour un touriste même lorsqu’il ne ses maisons en bois très colorées est tièrement stoppée dans les années 90. parle pas le russe. Les paysages sont aussi très agréable à traverser. Il se Les anciens bâtiments sont encore grandioses en hiver comme en été. situe à proximité d’un grand lac sur présents à proximité du centre ville. C’est aussi un pays où existent énor- lequel des familles et des touristes Le trajet entre Irkoutsk et le lac mément de cultures et de religions font de la barque en été. Baïkal s’est fait en voiture, environ différentes. Les contrastes entre les La propreté et l’ordre qui règnent 4 heures. Tout au long de la route différentes régions sont également dans le centre ville de Kazan est im- on peut observer des sites dédiés au très enrichissants. J’espère que mes pressionnant. C’est d’ailleurs une ca- chamanisme. Les gens peuvent s’y futurs voyages vers l’Est me permet- ractéristique que j’ai pu trouver en été arrêter pour faire des vœux et dépo- tront de compléter ma connaissance dans toutes les grandes villes russes ser des offrandes. Les derniers ki- du pays.

Mars, 2016 Voyage Salut ! Ça va ? 19 Vive les ours !

coMBien de FoiS ai-Je éTé coMparé À un ourS. Tu eS un « ourS » Me Lance-T-on au ViSage régu- LiÈreMenT, danS Mon enTourage proche eT LoinTain. au-deLÀ de L’iMage, que ceLa Signi- Fie-T-iL ? que repréSenTenT LeS ourS pour nouS ?

eric BarriÈreS Toulouse (France)

asser les dessins ani- més « Маша и Медведь » en Russie et « Petit ours brun » en France, P quelles sont les images associées aux ours ? La première image qui me vient à l’esprit est celle de cette peluche que nous off rons à nos enfants. Une autre image, qui est à l’opposée de la première, est celle d’un Ours dans une rivière qui attrape des saumons avec ses ron. Il s’installe en Europe, dans les pèce a connu un déclin rapide pour pattes. Cela renvoie à une image de zones tempérées 250 000 ans avant arriver dans les années 80 à une puissance, de maître de la Nature, notre ère. quinzaine d’individus puis à 6 (ré- comme le Lion. Je ne rentrerais pas L’occupation humaine a forcé le partis sur les vallées d’Ossau et dans des considérations psycholo- recul de l’ours brun vers les zones d’Aspe) au début des années 90. Ces giques à propos de ces images. de montagnes, moins accessibles. deux vallées sont des vallées très Je vais essayer de décrire les Dès le 19ème siècle, en France, la connues des Pyrénées. ours bruns que l’on retrouve en population ursine n’existe plus que L’ours brun, Ursus arctos est une France et en Russie afi n de mieux dans les Pyrénées et les Alpes. De- espèce présente sur de vastes zones les connaître. puis le début du 20ième siècle, l’es- de l’hémisphère nord : en Russie, Amérique du Nord, Asie, Orient ain- LES OURS BRUNS EN FRANCE si qu’en Europe orientale et occi- ET EN RUSSIE dentale. Les individus d’Europe oc- Il faut savoir cidentale pèsent de 100 kg pour les Le premier ours, l’hémicyon, est femelles à 250 kg pour les gros mâ- apparu il y a environ 20 millions que bien avant le les et mesurent de 0,8 à 1,2 m au d’années. lion, et pendant garrot. Leur durée de vie est estimée Les évolutions successives ont entre 25 et 30 ans. fait apparaître l’ancêtre de l’ours des millénaires En France, il fréquente essentiel- brun, il y 8 millions d’années : l’ours lement les milieux forestiers et n’est d’Auvergne ou ours étrusque. C’est jusqu’au Moyen- présent que sur le massif pyrénéen. de cette branche que descend le cé- Âge, c’est l’ours Ci-dessous une répartition mon- lèbre ours des cavernes (Ursus spe- diale des ours pour information. laeus) dont les premières traces re- qui était consi- Le domaine vital d’un indivi- montent à 1,5 millions d’années. du adulte stabilisé varie de 70 km² Très répandu en Europe, il dispa- déré comme le pour une femelle avec des oursons raît à l’époque aurignacienne (- 30 roi des animaux de l’année, à plus de 500 km ² pour 000 ans env.) qui coïncide avec l’ex- un mâle adulte. Il utilise essentiel- plosion démographique humaine. en Europe, sur- lement l’étage montagnard (entre 1 à la fi n de l’ère tertiaire, les ours 300 et 1 800 m). d’Auvergne et étrusques se ré- tout dans le nord Omnivore opportuniste, son ré- pandent sous diff érents climats et et le nord-est du gime alimentaire est majoritairement donnent naissance en Chine, à l’ours constitué d’éléments d’origine végé- brun actuel, il y a 600 000 ans envi- continent. tale (environ 75 %). La fraction ani-

20 Salut ! Ça va ? opinion Mars, 2016 male concerne les insectes, les cha- de concevoir un ours en peluche, et rognes mais également des animaux demanda à la Maison-Blanche l’au- sauvages ou domestiques. Animal torisation de baptiser son œuvre « principalement nocturne, il peut être Teddy », en hommage à Théodore actif pendant la journée. Son hiber- Roosevelt. Le célèbre « Teddy Bear nation, entre les mois de novembre et », premier produit dérivé de l’his- avril, n’est pas profonde et il est d’ail- toire, est né. leurs possible de trouver des indices Dans le même temps, outre-At- frais pendant l’hiver. lantique, Margaret Steiff , fabricante Les femelles sont mâtures vers de jouet dans la région de Stuttgart, 3 ou 4 ans et les mâles vers 4 ou en Allemagne, conçoit un ours en 5 ans. La période du rut s’étale de feutre et laine, sans connaître l’anec- mai à juin mais la gestation propre dote qui se déroule aux États-Unis. est repoussée à l’hiver où elle dure En 1902, l’ours en peluche remporte environ 2 mois. La femelle donne un vif succès pour les fêtes de Noël, naissance en tanière à 2 ou 3 oursons et demeure encore aujourd’hui le tous les 2 à 3 ans en moyenne. jouet incontournable, pour les petits Une nouvelle introduction d’un et grands. » mâle ours dans les Pyrénées a ré- « Avec l’ours en peluche, on joui les inconditionnels des ours voit renaître des pratiques de type des Pyrénées. Voici le détail de leur cultuelles comparables à celles des population dans le massif mon- sociétés anciennes. L’enfant trouve tagneux dans la carte ci-dessous. en lui son premier compagnon, son Le mâle Pyros, lâché à Melles le 2 ange gardien, son premier Dieu. mai 1997, est en eff et le père de la Pour conclure cet article : « être grande majorité des oursons nés ou ne pas être un ours ? Là est vrai- dans les Pyrénées depuis. ment la question ». Et je laisse mon Âgé de 28 ans, il arrive bientôt entourage en juger. Cependant, la au terme de sa capacité de repro- douceur de cet animal et son autori- duction et le mâle qui doit arriver té ne sont-elles pas deux valeurs qui en mai pourrait lui succéder.. fense, refusa de tirer, déclarant qu’il manquent cruellement au monde ? ne pourrait plus jamais regarder ses La prochaine fois que vous croi- L’OURS EN PELUChE enfants dans les yeux s’il commet- sez un plantigrade (même en tait un tel acte de cruauté. L’aff aire peluche), demandez-vous ce qu’il Pendant très longtemps, l’ours a été très médiatique et a largement représente pour vous. Alors, mes- a suscité l’admiration et la fascina- contribué à la popularité de Roose- dames / messieurs avant de traiter tion auprès des hommes, au point velt. Suite à cette histoire, un fabri- votre entourage d’ours, serait-ce une que ceux-ci vouent à l’animal un vé- cant de jouet de New-York eut l’idée pointe de jalousie de votre part ? ritable culte. Il faut savoir que bien avant le lion, et pendant des millénaires jusqu’au Moyen-Âge, c’est l’ours qui était considéré comme le roi des animaux en Europe, surtout dans le nord et le nord-est du continent. Mais d’où vient la naissance de l’ours en peluche ? Voici une explication : « L’ours en peluche naît si- multanément en novembre 1902 aux États-Unis et en Alle- magne. Théodore Roosevelt, pré- sident américain à cette époque, était un chasseur. Une anecdote ra- conte qu’un jour, rentré bredouille d’une battue, il découvrit un ourson attaché à un arbre, que l’entourage du Président avait placé là pour le satisfaire... une sorte de lot de consolation à cette partie de chasse infructueuse. Roosevelt, ému par l’image de ce petit être sans dé-

Mars, 2016 opinion Salut ! Ça va ? 21 denis Tcherviatsov: « Nous avons juste créé un dessin animé pour nous amuser »

Le deSSin aniMé ruSSe Macha eT L’ourS (« MaSha i MedVed ») FaiT un carTon pLanéTaire. un deS 55 épiSodeS de La Série a MÊMe dépaSSé Le MiLLiard de VueS Sur youTuBe, deVenanT La Vidéo en Langue ruSSe La pLuS ViSionnée au Monde. « Le courrier de ruSSie » a cherché À coMprendre LeS raiSonS de ce SuccÈS eT a renconTré Le créaTeur de Macha eT L’ourS, deniS TcherViaTSoV.

ruSina ShiKhaToVa Le Courrier de Russie Moscou

où vous est venue l’idée de créer Macha et l’ours ? De la vie même… En D’ 1996, mon ami Oleg Kouzovkov, aujourd’hui di- recteur artistique de la série, était en vacances sur une plage au bord de la mer Noire avec des amis à lui et leur fi lle de Notre inves- son, puis la deuxième, la troisième… quatre ans. La pe- tisseur a sen- Nous avons envoyé quelques épi- tite se comportait ti le potentiel. sodes à des festivals et reçu des ré- avec tout le monde Ensuite, peu à peu, nous compenses prestigieuses : Bradford avec un grand natu- avons trouvé un local à nous, ache- Animation Film, Kids Awards… rel et beaucoup de spontanéité : elle té des ordinateurs et des logiciels… La série est aujourd’hui large- allait voir les inconnus, leur parlait, Nous avons créé la première sai- ment diffusée à la télévision. les imitait… Au début, c’était drôle. Oui, dans plus de cent pays au Mais au bout de quelques jours, sur total, car plusieurs chaînes dans le la plage, les gens ne cherchaient monde entier ont acheté les droits plus qu’à éviter la fillette ! Oleg a de diffusion. L’épisode Macha + ka- écrit une histoire là-dessus et, plus cha a même dépassé le milliard de tard, m’a proposé de réaliser le des- vues sur YouTube. C’est d’ailleurs la sin animé que vous connaissez au- seule vidéo visionnée plus d’un mil- jourd’hui. liard de fois qui ne soit pas un clip racontez-nous les premiers pas musical. Le personnage de Macha de Macha. est aussi populaire chez les fabri- L’agence publicitaire qui m’em- cants de souvenirs et de jouets déri- ployait a accepté que j’utilise leur vés de la série. studio pour créer le premier épi- prenez-vous en compte les sode. J’ai sollicité des amis pour commentaires, les critiques… les m’aider, et nous avons conçu un film remarques des parents, peut-être ? sur la rencontre de la fillette Ma- Nous n’avons jamais fait de tests cha avec un ours. Nous l’avons char- avant de lancer la série, du type étu- gé sur YouTube, et les premiers des de marketing, sondages, fo- avis des internautes ont été bons. cus groups… Nous avons juste créé

22 Salut ! Ça va ? inTerVieW Mars, 2016 un dessin animé pour nous amuser venue plus sage, nous-mêmes ! Mais à un moment, plus intelligente nous avons dû imaginer deux sé- qu’au début. Plus ries supplémentaires de Macha et belle, aussi. Au l’Ours qui pourraient être diffusées départ, Oleg le soir, parce que les parents nous avait même insis- réclamaient une « version zen » de té pour que l’hé- Macha : ils se plaignaient de ne pas roïne ne soit pas pouvoir coucher leurs petits après belle physique- les épisodes classiques ! Finale- ment, afin que ment, nous avons conçu Les contes le spectateur de Macha et Les histoires d’hor- l’aime comme reur de Macha, de 26 épisodes cha- elle est. Mais cune, spécialement pour les proje- elle est devenue ter en soirée. Macha y raconte des plus sympa- histoires magiques et effrayantes. thique, elle a ap- C’est notre façon de travailler sur les peurs enfantines : nous voulons mon- trer qu’au final, il n’y a en réalité rien à lescente. Une vraie craindre. demoiselle ! Nous certains parents avons dû lui cher- interdisent à leurs cher une rem- enfants de regar- plaçante plus der vos dessins ani- jeune. Parce que més, craignant que plus les enfants leur progéniture ne sont jeunes, plus devienne désobéis- ils sont spon- sante… tanés. C’est vrai Ah, ces critiques… ! – jusqu’à l’âge de Les Russes adorent cri- cinq ans, les en- tiquer. Mais si vous re- fants du monde gardez nos films avec entier sont tous attention, vous vous les mêmes. Et à rendrez rapidement mon avis, c’est compte que Macha agit là que réside le dans un cadre donné et secret du succès dans certaines limites de notre série ! bien précises. Macha ne qui est l’ours, alors ? fait pas ses bêtises ex- C’est une image collective du près : c’est une enfant normale, qui pris à sourire… Pour tout dire, nous parent : je suis certain que tous découvre, qui explore tout ce qui sommes presque déçus par cette les parents comprennent la réac- l’entoure. Nous devons tous avoir évolution. Et puis, la fillette qui fai- tion de l’ours aux bêtises de Ma- droit à l’erreur : c’est la meilleure – sait la voix de Macha au début, Ali- cha. En même temps, c’est un ours la seule ? – façon d’apprendre. na Koukouchkina, qui avait six ans de cirque à la retraite. Il a travail- à l’époque, est aujourd’hui une ado- et où sont les parents de Macha lé longtemps à faire des spectacles, ? pourquoi n’apparaissent-ils ja- puis il en a eu marre des enfants, il mais à l’écran ? voulait enfin se reposer dans la fo- Nous avons pensé à les intro- rêt… Mais Macha ne le laisse pas duire dans certains épisodes, mais tranquille. nous nous sommes dit que ce serait un long-métrage est-il prévu ? encore pire : les parents de Macha C’est une idée qui vient naturel- seraient encore plus rebelles qu’elle, lement, nous y réfléchissons. Mais et les critiques nous mangeraient dans un vrai film, il faut beaucoup tout crus ! Nous avons donc inventé de personnages, alors que nous, cette légende selon laquelle Macha nous n’avons que deux clowns roux est en vacances chez ses grands-pa- – un petit et un grand, et très peu de rents qui vivent à la campagne et dialogues ! travaillent à la gare. Lisez l’interview dans son Macha deviendra-t-elle adulte intégralité sur le site un jour ? du « Courrier de Russie » Je crains que oui, parce qu’elle grandit toute seule – malgré nous. Si l’on compare les premiers et les http://www.lecourrierderussie.com/culture///macha-ours-dessin-anime/ derniers épisodes, Macha est de-

Mars, 2016 inTerVieW Salut ! Ça va ? 23 « Le bonheur c’est quand on te comprend ! »

« Le Bonheur c’eST quand on Te coMprend !» a écriT un éLÈVe danS Sa coMpoSiTion Sur Le SuJeT « qu`eST- ce que c’eST Le Bonheur ? » Tiré de Mon FiLM Lyrique préFéré « ViVonS JuSqu’À Lundi ».

l’Université pédagogique. La pos- âme. Créer les conditions confor- sibilité heureuse de travailler avec tables. « Semer de la raison, de la eLena les enfants de cet établissement bonté, de l’éternité ». Etre toujours à rudaKoVa d’éducation m’a off ert communi- côté, aider par un conseil ou par une Blagovechtchensk cation intéressante, joie absolu- action. Etre compatissant et atten- (russie) ment particulière et inspiration. Je tionné. Et, le cœur ouvert, je faisais leur enseignais l’anglais et le fran- de mon mieux pour y arriver. çais, parallèlement à une commu- Je pense que mes élèves du lycée nication interculturelle. Chaque peuvent apprendre eux-mêmes ’était une seule phrase, jour que nous avons passé en- beaucoup de choses. J`étais im- lentement rédigée par semble, à chaque leçon, ils m’ont pressionnée par le fait qu’ils ai- sa main grande et droite. donné l’envie de travailler et inspi- ment fort leur pays, leur ville na- Puis il l’a relue encore ré de nouvelles réalisations ! N’im- tale, quels intérêts variés ils ont et C une fois et a ajouté un porte quelle proposition, n’importe comme leur système de valeurs est point d’exclamation à la fi n. Je me quelle initiation ou activité trou- stable. Je suis sûre que c’est une rappelle qu’en suivant le mouvement vait sa réponse mais le rendement à nouvelle génération, forte, bien de sa main et en examinant son vi- cent pour cent et l’engagement dans cultivée, constamment orientée vers sage triste et pensif, j’ai pour la pre- le processus scolaire et créatif em- le but choisi. Ils sont le nouvel ave- mière fois réfl échi sérieusement au portaient du succès et les résultats nir de la Russie et j’ aime à imagi- fait que « la compréhension » peut positifs. Les enfants, bons, intelli- ner dans quel domaine chacun va en eff et nous apporter le bonheur gents, amicaux, motivés m’ont éton- se réaliser. Peut-être quelqu’un de- désiré celui que notre cœur attend née par leur érudition, leur curiosité viendra écrivain ? Savant ? Ou mé- dans les replis de l’âme. et leur talent ! Chacun est une per- decin ? L’avenir n’est pas si loin qu’il Ce fi lm a été tourné il y a très sonne brillante et unique avec son peut paraitre. Tu as 15 ans, tu penses longtemps, en1968. Beaucoup de caractère et ses intérêts. C’est pour- à l’avenir mais l’avenir est ici... Il est choses ont changé depuis mais la quoi il fallait trouver une approche aujourd’hui. valeur de cette phrase est restée la individuelle. Comme mon grand- Leurs visages resteront pour même. père aime dire : « Il faut aimer ses toujours dans ma mémoire : gais J’ai eu la chance de m’en élèves » et c’est vraiment comme et riants ou pensifs, ou rêveurs, convaincre pendant mon premier ça. Aimer. Evaluer. Comprendre ou intéressés, ou enfantins et sou- stage pédagogique au lycée de leur monde, leur psychologie et leur dain sérieux. Je ne vais pas ou-

24 Salut ! Ça va ? expérience pédagogique Mars, 2016 blier un matin calme où par la fe- nêtre de la classe on pouvait voir une aube rose, ni les notes de la guitare pendant la récréation du déjeuner ou le dessin illuminé par les rayons du soleil sur les vitres toutes glacées ou les pigeons tran- sis de froid nous regardant par la fenêtre. Je vais penser aux mo- ments où j’entrais à l’Université et puis, d’un pas rapide, je tour- nais la gauche et montais l’escalier de fer. « C’est comme lorsque je le faisais à l’époque où je travail- lais à l`Université ! » se réjouissait pour moi mon grand-père quand je partageais avec lui mes joies quotidiennes vécues lors de mon stage au lycée. Chaque jour, ses histoires sur son expérience pé- dagogique faisaient écho avec les miennes et je pensais que ça serait merveilleux si les traits de son ca- ractère et son talent inné se mani- festaient dans ma personnalité. Resteront dans ma mémoire non seulement mes premières leçons cellente proposée par Olga Kukha- puis réaliser que malgré des mil- et les répétitions avec les enfants renko a été accueillie avec intérêt liers de kilomètres une petite par- pour les fêtes, mais aussi le pro- et un grand enthousiasme ! Je dé- tie de lui est entre tes mains. Ce jet international que nous avons visageais sur mon bureau une mul- projet va aussi contribuer à l’ami- mis en place avec mon groupe de titude de cartes postales en cou- tié des peuples, au dialogue et à la langue française. Nous l’avons leurs signées par mes élèves et l’intercompréhension entre les consacré au 160ème anniversaire j’attendais avec impatience le mo- cultures, il va contribuer aussi à de Blagovechtchensk. Les enfants ment de les mettre dans les enve- la motivation d’étudier le fran- ont signé en français des cartes loppes et de les faire s’envoler aux çais. Nous attendons en réponse postales avec les curiosités de leur quatre coins du monde ! L’habitu- des cartes postales signées par les ville natale. Et ils les ont envoyées de d’écrire les lettres classiques jeunes francophones de ces cinq aux jeunes de leur âge habitant sur est restée associée au passé loin- pays. les cinq continents du monde. Nos tain mais quelle joie de recevoir Pris globalement, mon stage pé- cartes postales seront lues bientôt une carte postale rédigée à la main, dagogique au lycée m’a offert une pa- à Cuba, en France, en Thaïlande, en d’essayer de démêler l’écriture, de lette d’émotions : de l’inspiration, de Algérie et au Paraguay. L’idée ex- deviner l’image de l’expéditeur et la joie infinie, du ravissement parfait. Par contre, la fin du stage m’a causé un sentiment de vraie tristesse dans mon âme. Ma première expérience profes- sionnelle a été sans doute précieuse pour moi. Et je suis sûre que ça n’au- rait pas été le cas sans mes élèves mer- veilleux qui m’ont offert des sourires et qui essayaient avec moi de conquérir des nouveaux sommets. Je les remercie chaleureusement ! Je veux aussi remer- cier mon professeur Olga Kukharen- ko pour son intérêt, son soutien et son aide dans toutes mes entreprises ! En conclusion, je voudrais dire que je suis sûre que mes élèves au- ront du succès dans l’avenir et comme les fleurs, qu’ils se tourne- ront vers la lumière du soleil et aspi- reront à la bonté et la connaissance ! « Le bonheur c’est quand on te comprend ». Trouvez votre bonheur et offrez-en une partie aux autres ! Que votre étoile vous donne de la lu- mière sur l’horizon!

Mars, 2016 Expérience pédagogique Salut ! Ça va ? 25 Jouons !

iL y a deS renconTreS que L’on FaiT par haSard eT deS renconTreS que L’on FaiT grÂce À un JournaL édiTé À 10 000KM de cheZ Soi…

LaËTiTia giorgiS Enseignante FLE/FOS région Rhône-Alpes

’ai fait la connaissance de Anne-Marie Pauleau lors de la diff usion du dernier numéro du « Salut ! Ça va ? J ». Dès sa réception, elle m’a tout de suite fait part de son enthou- siasme à propos du journal. Ayant travaillé, il y a quelques temps, dans une partie de l’URSS, aujourd’hui l’Ouzbékistan, elle reste attachée à Les élèves de l’école El Zouhour, à Khartoum (Soudan) cette culture slave que nombreux d’entre vous connaissent… Très active dans le monde du FLE, elle m’a parlé d’un projet qu’elle avoir à réfl échir sur le dernier point de page Facebook (http://www.face- mène actuellement avec une col- grammaire ou de phonétique abordé, book.com/ouifaitesvosjeux/ ) pour lègue enseignant le FLS à des jeunes mais en réactivant toutes les connais- vous rendre compte comment et nouvellement arrivés en France, San- sances nécessaires pour atteindre ce à quoi on joue dans les classes de drine Boussard-Nilly ; je suis heu- nouveau but éphémère. Motivés par Roumanie, de Suède, du Soudan reuse de le relayer aujourd’hui à tra- le jeu, les apprenants reportent toute ou ailleurs encore. Apprenez ainsi vers ces quelques lignes. leur première attention sur celui-ci. Le d’autres manières de jouer avec vos Soutenu par l’Asdifl e (Association langage n’est donc plus un but mais élèves et enrichissez vos pratiques de Didactique du FLE) et la Fédéra- un moyen d’atteindre ce but, il est uti- et celles des autres en vantant les tion Internationale des Professeurs de lisé inconsciemment… comme dans la mérites du ludique ! Français (FIPF), le projet pédagogique vie réelle ! Pour participer, il vous suffi t d’en- « On JOUE ! » a pour but de promou- Et le projet « On JOUE ! » voyer un mail à faitesvosjeux@out- voir le jeu en classe, et tout particuliè- promeut cette approche de l’appren- look.fr . Vous pouvez parler de vos rement en classe de langue. Pourquoi ? tissage par l’implicite et l’action expériences de jeux en classe, poser C’est simple ! jouer, c’est ludique, c’est en créant un réseau international des questions, envoyer des photos sympa, c’est convivial… Et le travail de classes qui jouent. Rendez-vous de vos apprenants en train de jouer, alors ? Et la progression ? Eh ! bien donc sur leur blog (http://faites- présenter un jeu typique de votre justement, le jeu permet d’interagir et vosjeux.over-blog.com/) ou leur pays… Car oui, il y a des jeux typi- de communiquer spontanément, sans ques qui méritent d’être connus et qui donnent une belle dimension in- terculturelle à ce fabuleux projet. Alors ? Un petit jeu russe à propo- ser ? Il me tarde de vous voir y par- ticiper !

N.B. : Le projet cette année est en phase expérimentale mais tous les inscrits recevront une réponse et un petit cadeau d’encouragement. De plus, Anne-Marie et Sandrine mettent en place pour l’année scolaire 2016- 2017 le « Grand jeu » qui sera bientôt Elèves en UPE2A au lycée Algoud-Laffemas, Valence (France) détaillé sur le blog et la page FB

26 Salut ! Ça va ? expérience pédagogique Mars, 2016 Fiche pédagogique sur l’article deniS TcherViaTSoV : « nouS aVonS JuSTe créé un deSSin aniMé pour nouS aMuSer » (pages 10-11)

éalisée par R Fiche apprenant entrée en matière : LaeTiTia Niveau : B1/B2 avant la lecture : giorgiS ▪ Le lexique des médias Enseignante - quels dessins animés connaissez-vous ? FLE/FOS ▪ Exprimer ses goûts et ses - Y en a-t-il un qui a particulièrement marqué votre jeunesse ? région choix (ou que vous regardez souvent actuellement?) Lequel ? Rhône-Alpes ▪ Comprendre une interview - quel était/est le sujet de ce dessin animé ? Expliquez votre in- sur l’évolution d’une série térêt pour celui-ci. ▪ Situer des événements dans le temps a l’approche du texte… ▪ Donner son opinion / Ex- - Observez l’ensemble de l’article (structure, titre, chapeau…). primer son point de vue - D’après-vous, de quel type d’article s’agit-il ? qui l’a écrit ? Pour quel média ? Expliquez. activité 1 activité 2 - Compréhension - - Lexique : les médias - Dites si les affi rmations suivantes sont vraies ou Liez chaque terme à sa défi nition. fausses puis justifi ez en citant le texte. ▪ Brève œuvre audiovisuelle issue d’un morceau Vrai Faux Justifi cation ▪ Dessin animé de musique Lieu de création et d’enregistrement audio ou 1. Le dessin animé « Macha et l’ours » ▪ Épisode ▪ a beaucoup de succès. audiovisuel ▪ Diff user ▪ Une des parties composant une série 2. C’est la fi lle de Denis Tcherviatsov qui a inspiré à créer ce dessin animé. ▪ Série ▪ Film de plus de 40 minutes 3. La deuxième saison de la série va ▪ Clip musical ▪ Film d’animation bientôt être réalisée. ▪ Responsable de l’aspect visuel et artistique ▪ Doublage d’une production 4. En général, les clips musicaux sont ▪ Studio ▪ Projeter en public plus visionnés que les dessins animés. ▪ Directeur artis- ▪ Enregistrement vocal à synchroniser avec le 5. La personne qui fait actuellement la tique fi l m doublure de Macha n’est plus la même ▪ Long-métrage ▪ Œuvre qui se déroule en plusieurs épisodes que pour les premiers épisodes. ▪ Légende ▪ Récit d’aventures totalement imaginaire 6. Les parents de Macha vont prochaine- ▪ histoire imaginaire reliée à un espace, une ac- ment apparaître dans la série. ▪ Conte tion ou des personnages connus. activité 3 activité 4 Organisation du discours Production et Compréhension Orale

remettez les phrases ci-dessous dans l’ordre 1. Visionnez un épisode de la série « Macha et l’Ours » pour reconstituer l’histoire de la série : 2. quelles peuvent être les craintes des parents au su- a. Il proposa à Denis Tcherviatsov d’en faire un des- jet de l’épisode que vous avez regardé ? sin animé. 3. quelles sont les bêtises que fait Macha ? Pourquoi b. La série « Macha et l’Ours » remporta de nombreux prix et les fait-elle ? c. Il y a 20 ans, Oleg Kouzovkov écrivit une histoire 4. Dans l’interview, Denis Tcherviast- en s’inspirant de sa fi lle. sov dit : « Nous devons tous avoir d. Malgré sa réalisation « avec les moyens du bord », droit à l’erreur : c’est la meilleure le premier épisode plut au public et – la seule ? - façon d’apprendre. e. fut vite diff usée dans de nombreux pays. ». Comment cela s’applique-t-il f. permit d’avoir confi ance pour la réalisation des pro- à Macha dans l’épisode chains épisodes. que vous avez vision- g. Aujourd’hui, le succès est tel qu’il est envisageable né ? d’en faire un long-métrage. 5. que pensez-vous h. pour s’adapter aux demandes des parents, des épi- de l’apprentissage sodes plus calmes ont été créés. par l’erreur ? i. La série avait déjà remporté un énorme succès sans même avoir sondé le marché mais Le personnage de Macha évolua aussi, parfois malgré ses j. Retrouvez la fi che enseignant sur créateurs mais toujours pour mieux satisfaire le public. aefra.wordpress.com ou sur notre Mais est-ce vraiment possible ? k. page facebook.com/salutcavablago

Mars, 2016 expérience pédagogique Salut ! Ça va ? 27 PRINTEMPS

Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire ! Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire, Mai fl euri, juin brûlant, tous les beaux mois amis ! Les peupliers, au bord des fl euves endormis, Se courbent mollement comme de grandes palmes ; L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ; Il semble que tout rit, et que les arbres verts Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers. Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ; Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre, A travers l’ombre immense et sous le ciel béni, Quelque chose d’heureux chanter dans l’infi ni.

Victor Hugo

Ce numéro est préparé par Contacts Mise en page: Olga Kukharenko, Nathalia Kutcherenko, salutcava@gmail.com Maria Kozyrina Irina Korneeva à Paris, Sébastien Cordrie à Rennes, , rue Lénine, a, Blagovechtchensk Laëtitia Giorgis à Valence. Région Amourskaya,  , Russie