Colorations des eaux souterraines de Haute- Ajoie

Autor(en): Gretillat, P.-A. / Schindler, B. / Schütz, F.

Objekttyp: Article

Zeitschrift: Les intérêts de nos régions : bulletin de l'Association pour la défense des intérêts jurassiens

Band (Jahr): 58 [i.e. 59-61] (1988-1990)

Heft 4: Les ressources en eau du Jura : que se passe-t-il en amont de notre robinet?

PDF erstellt am: 11.10.2021

Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-824333

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http://www.e-periodica.ch 44 Colorations des eaux souterraines de Haute-Ajoie Par P.-A. GRETILLAT, du Centre d'hydrogéologie de l'Université de Neuchâtel, B. SCHINDLER et F. SCHÜTZ, du bureau d'études géologiques Schindler, à Delémont, et A. LIÈVRE, de l'OEPN, à Saint-Ursanne

Il n'y avait rocher qui ne me fut ouvert. Ni antre qui ne fut à mon oeil découvert, Ni source que des mains boivant je n 'épuisasse. Ronsart

Le multitraçage (colorations multiples) du nat, important trou émissif, et à découvrir 2 mai 1988, réalisé en trois endroits de l'origine de ses eaux. Actuellement Haute-Ajoie, a constitué une opération encore, dans l'esprit des gens, il ne fait aucun d'envergure régionale. Pour la réaliser, doute que la rivière souterraine draine les deux partenaires ont uni leurs moyens, eaux de toute la Haute Ajoie, de Damvant soit: à , en y incluant Grandfontaine. -le Centre d'hydrogéologie de l'Université Toutes les études publiées à ce jour en de Neuchâtel (CHYN), mandaté par l'Office font d'ailleurs état. des eaux et de la protection de la Certes, l'existence de cette rivière souterraine, nature à St-Ursanne (OEPN), pour mener dont une partie a été explorée par une vaste étude visant à une meilleure les spéléologues, est reconnue. Pour ce compréhension des écoulements dans les qui touche au reste du tracé, nul ne le systèmes souterrains; connaît. De plus, s'agit-il vers l'amont -le bureau de recherches géologiques B. d'une rivière souterraine ou plus Schindler, occupé depuis plusieurs années vraisemblablement d'un réseau de conduits et de par le programme d'assainissement des fissures impropres à l'exploration par terrains d'exercices de la Place d'armes de l'homme? Bien qu'aucune réponse n'ait Bure, dont l'affectation particulière a été apportée à ce jour, les anciens et conduit également à la nécessité d'une même plus près de nous, Schweizer, ont meilleure connaissance des relations entre émis leur hypothèse quant à ce tracé le haut plateau de Bure et les sources (fig. 1). Cette pratique est dangereuse... avoisinantes, tant en France qu'en Suisse. car l'hypothèse unique se transforme Les deux actions ont été à la fois convergentes rapidement en vérité. et complémentaires. De cette Ceci dit, l'existence d'une relation souterraine collaboration fructueuse sont issus des résultats entre le Creugenat et la source de la qui donnent une image nouvelle des Beuchire à Porrentruy a été mise en paysages souterrains régionaux, évidence en 1934 déjà. Suite à des particulièrement dans le secteur de Damvant, pompages dans le Creugenat, la Beuchire ainsi et Grandfontaine. que la source voisine de la Chaumont furent mises à sec. En juillet Un presque aperçu historique 1936, suite à un orage localisé sur Bres- Dès le XVIIIe siècle, les savants comme les saucourt, de l'eau trouble fut observée à la habitants de la région se sont vivement Beuchire, alors même que le Creugenat intéressés à comprendre le cas du Creuge- demeura limpide. Ce fut un premier élé- 14 45

Figure 1.

Hypothèses sur l'extension de l'Ajoulote

260 1 N

-Ajoulote selon L.Lièvre(l940) *" •Ajoulote selon Schweizer (1970) +lnventaire spéléo.Jura(l986) '

O Bure

O Fahy

250 Rocourt Grandfontaine^-zr^.-^ A? <5 • Chevenez O s' /Bressaucourt Réclère ; '/ i S o —=r" Damvanto ^

O O 10 N m m

15 46 ment qui permit de penser que la région les emposieux*, des eaux usées épurées de constituait une branche ou non. Loin de disparaître, ces eaux indépendante de l'Ajoulote. réapparaissent dans des résurgences* C'est ainsi que les naturalistes de l'époque comme en témoignent les nombreux collectèrent des informations qui les essais de traçage menés pendant cette conduisirent petit à petit à connaître cette période par le professeur A. Burger, ainsi région. Même si toutes les hypothèses que par le bureau Schindler. Les efforts n'ont pas été vérifiées, leurs travaux nous consentis sont aussi à la mesure de la sont d'une grande utilité aujourd'hui. Si pression toujours plus forte des activités nous pouvons établir un début de humaines sur l'environnement, eaux synthèse, c'est grâce à ces nombreuses souterraines comprises. recherches isolées qui, chacune à leur D) Actuellement, nous vivons ce que nous manière, ont rempli le catalogue de nos pouvons appeler le modernisme connaissances. hydrogéologique. Les premières synthèses Les géologues qui travaillent ici depuis régionales importantes pouvent être faites, longtemps disposent, lentement mais par exemple en ce qui concerne l'Ajoulote sûrement, d'éléments leur permettant et ses relations aux bassins voisins. Le d'avoir une vue d'ensemble utile à la bonne multitraçage du 2 mai 1988 s'inscrit gestion des eaux de toute une région. Et logiquement dans ce courant qui tient compte notre monde moderne nous démontre, des notions actuelles en matière d'écoulements notamment par les pollutions qu'il engendre, souterrains. le bien-fondé de ces travaux. En résumé, l'aventure hydrogéologique Les cadres de l'étude peut se subdiviser en quatre périodes La région étudiée est délimitée grosso importantes : modo par un triangle dont les sommets A) La période des pionniers elle débute sont Porrentruy, Delle et Damvant et dont grâce à la curiosité et à la sagacité de les côtés sont: à l'est, la vallée de la spéléologues éclairés et de naturalistes Basse-Allaine, au sud, la vallée sèche de humanistes; c'est l'époque des travaux l'Ajoulote, et, à l'ouest, le plateau de Fahy isolés, elle se poursuivra jusque dans les et le Val St-Dizier (cf. fig. 3, p. 19). années soixante. Du point de vue géologique B) La de période du premier travail La Haute-Ajoie appartient au Jura tabulaire, base : dans toute l'Ajoie elle est marquée terme dérivé du latin tabula, qui signifie de de H.-U. Schweizer dont la l'empreinte table. Il doit son nom au fait que les thèse sur l'hydrologie de l'Ajoie, publiée en calcaires et les marnes le constituant sont référence. 1970, demeure une arrangés en couches, ou strates, presque C) La mise en vigueur de la loi fédérale horizontales. Seuls quelques plissements de 1971 sur la protection des eaux il peu marqués apparaissent localement: existe dès lors une base légale qui permet citons les anticlinaux* du Perchet, au nord de s'occuper d'une manière scientifique, de Réclère, et du Banné, entre Bressaucourt, donc rigoureuse et rationnelle, de la gestion et Porrentruy. Cette structure de nos ressources en eau. Ainsi, en forme de plateau s'oppose à celle toutes les expériences hydrogéologiques qui, au sud, caractérise le Jura plissé. nécessaires à la mise sous protection des Celui-ci est constitué des grandes chaînes sources et des captages ont fourni de jurassiennes bien connues dont la plus précieuses données utiles également pour septentrionale, celle du Lomont - Mont- régler l'important problème du rejet, dans Terri, d'orientation est-ouest, sépare la 16 47 vallée de l'Ajoulote de celle du Doubs aquifère* karstique. L'eau qu'il contient (cf. fig. 10, p. 31, zone de partage des eaux). peut circuler, plus ou moins rapidement, Les calcaires intensément karstifiés (voir la dans des chenaux et conduits de dimensions définition de ce terme ci-dessous) qui relativement grandes voire des constituent les terrains de la Haute-Ajoie cavités (exemples: la rivière souterraine de sont tous d'âge Jurassique supérieur* l'Ajoulote, les grottes de Milandre), ainsi (Malm). Ils sont intercalés avec des que, bien entendu, dans des fissures. niveaux marneux de faible épaisseur. Dans les régions karstiques, on obseive L'ensemble est parcouru de nombreuses une prépondérence de l'écoulement failles de direction nord-sud ; ce sont des souterrain par rapport à l'écoulement total, ce cassures qui recoupent les couches qui signifie qu'une forte proportion des géologiques et les séparent en blocs de dimensions précipitations s'infiltre au détriment du hecto à kilométriques. Leur rôle ruissellement superficiel. conditionne dans une mesure non Donc, un aquifère*, terme important qui négligeable les circulations d'eau souterraines. reviendra souvent au cours de cette présentation, est massif de roches Du point de vue hydrogéologique un perméables* comportant, vers le bas, une L'hydrogéologie est la science des eaux zone saturée ou noyée. C'est l'ensemble souterraines, laquelle se d'acquérir propose du milieu rocheux et de l'eau qu'il contient. des connaissances sur les dites eaux en Cette eau est ce qu'on appelle la nappe vue de leur prospection, de leur exploitation souterraine. Le massif de roches situé au- et donc de leur protection. Ce qu'on dessus de la surface de la nappe constitue nomme hydrologie désigne la science qui la zone non saturée ou dénoyée. Le niveau se préoccupe des eaux de surface uniquement. de la nappe fluctue en fonction des précipitations qui percolent à travers la zone du Un essai de traçage est un moyen pratique, karst dénoyé. La figure 2 (p. 18) illustre souvent utilisé, mieux connaître pour schématiquement cette notion. l'hydraulique souterraine ou, en d'autres Prenons pour exemple le plateau de Bure termes, ce qui est mû par l'eau, ce qui est qui présente un cas typique de morphologie relatif au mouvement de l'eau à l'intérieur karstique. Sommairement, il se scinde de massifs rocheux, ici le karst de la en deux régions bien visibles sur le terrain : Haute-Ajoie. -la région ouest, comprise entre Fahy et Qu'est-ce que le karst? Bure, faite de micro-bassins fermés et de Dans une approche géomorphologique*, pertes diverses : l'évacuation des eaux est le karst est une région constituée par des uniquement karstique: roches carbonatées (les calcaires par -la région nord-est et est, qui se poursuit exemple) compactes et solubles, dans jusqu'à l'Allaine, est caractérisée par un lesquelles apparaissent des formes superficielles réseau karstique avec de nombreuses caractéristiques: dolines*, empo- sources captées ou non et, superposé au sieux*, ouvalas*. Ces formes représentent premier, par un réseau hydrographique*, des points d'infiltration préférentiels essentiellement temporaire, mais très actif de l'eau (alimentation du karst) auxquels il et dévastateur en période de crue. faut adjoindre les fissures de toutes Revenons à l'ensemble de la Haute-Ajoie. natures apparaissant en surface, et connectées Schématiquement, les aquifères karstiques avec les réseaux souterrains. sont développés dans la série du Un volume défini de roches calcaires Malm*, qui surmonte les marnes oxfor- perméables* et karstifiées qui est le siège diennes*. On admet que ces dernières d'un flux d'eau souterrain s'appelle un constituent le niveau imperméable* régio- 17 48

Figure 2. ZONES NOYEE ET DENOYEE DANS UN AQUIFERE KARSTIQUE

I M I I P

N\veau Légende :

I IP Précipitations I—_ Schéma de l'écoulement à travers le massif S Calcaires karstifiés Limite entre la zone noyée et la zone dénoyée Ms En traitillé surface fluctuante de la nappe souterraine

Cf 1 Exutoire ou source

0*2 Exutoire temporaire : source qui ne fonctionne qu'en période de hautes eaux ici lorsqu'elle est atteinte par la zone noyée

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Figure 3. Mu I fi traçage du 2 mai 1988 en Haute Ajoie Situation géographique des points d'eau surveillés Les nombres se au tableau 1, page 21. OD -localités rapportent .5 -puits/source surveillés _F -frontière franco suisse CH~

0 1 2 3 4 5 km Fesche®25

®26 27,. 24i?Boncourt Badevel 232)70 ^ 2lVAj9àfH 260 St-Dizier CH

Villars -le-Sec

Courtedoux Fontenais ,.-rV O O 38 Dannem'arie Rocourt Blamont Bressaucourt O Villars-,''' O Pierrefontaine O O Réel ère -les-Blamonf Damvant O Roche d'Or

nal, sans exclure toutefois des communications -l'Ajoulote, à l'ouest de Porrentruy par des failles avec les aquifères (exutoire* principal: la Beuchire); sous-jacents (calcaires du jurassique* A ces deux rivières souterraines vient moyen). s'ajouter le seul cours d'eau superficiel Dans les aquifères du Malm, les principaux pérenne*, l'Allaine, qui traverse l'Ajoie du collecteurs sont: sud au nord et constitue le niveau de base -la Milandrine dans la région Bure-Bon- d'une partie des eaux souterraines court (exutoire* principal: le Saivu); régionales. 19 50

En Franche-Comté, la rivière du Gland joue le colorant fluorescent. Ils sont prélevés en également le rôle de niveau de base moyenne tous les cinq jours. régional. Elle s'écoule vers le nord, parallèlement Un essai de traçage est strictement à l'Allaine, en direction de Montbé- réglementé et seules des instances dûment liard. Les principales sources karstiques agréées sont habilitées à le réaliser. Les qui l'alimentent sont la Creuse et la Doue. essais sont répertoriés dans le fichier central du Service hydrologique et géologique Qu'est-ce qu'un essai national à Berne. Cette centralisation de traçage permet de s'assurer qu'aucun autre essai n'est en cours dans la même région au La technique du traçage artificiel est même moment. couramment employée en hydrogéologie Il traceur karstique. s'agit d'injecter un Le du 2 mai 1988 chimique ou biologique en un point choisi multitraçage d'une région et de surveiller pendant une Plus d'une cinquantaine d'essais de période donnée sa réapparition dans les traçage ont été recensés depuis une sources avoisinantes. Les objectifs d'un trentaine d'années en Ajoie et en France traçage sont d'ordre divers : voisine (vallée du Gland et région de St- La 9 a) la reconnaissance du bassin hydrogéologique Dizier). figure (p. 30) schématise les d'une ou de plusieurs sources. Par relations souterraines démontrées par exemple, lors de notre essai du 2 mai cette méthode. 1988, un traceur injecté dans la région de La Fahy est ressorti à la source de la Beuchire démarche méthodologique quinze jours plus tard. Cela nous mène Conformément aux objectifs fixés, les directement à connaître: trois points d'injection se situèrent au nord b) la vitesse et les conditions de circulation de Fahy (près de la frontière), à Grandfontaine Damvant. Restait à définir les des eaux souterraines et ; et c) l'impact de toute forme d'activité traceurs fluorescents les plus efficaces humaine sur la qualité des eaux souterraines dans le domaine karstique. Notre choix d'une région et conséquemment des s'est porté sur la fluorescéine (variété sources et des cours d'eau auxquels elles uranine), la sulforhodamine G et le naphtio- donnent naissance. nate qui sont des substances d'usage courant inoffensives pour l'environnement Nos expériences ont contribué prioritairement lors d'essais normalisés. Elles circulent à remplir le troisième objectif. Une très bien dans les karsts à chenaux et fois le colorant injecté, toutes les sources, présentent un bon taux de restitution (peu cours d'eau ou puits où il est susceptible de pertes de colorant en cours de d'apparaître font l'objet d'une longue cheminement souterrain). surveillance. Chaque jour, des échantillons d'eau y sont prélevés puis conduits au L'utilisation de traceurs peut être compromise laboratoire du Centre d'hydrogéologie de dans des aquifères où l'intervention l'Université de Neuchâtel où ils sont humaine est trop dense. Il en résulte des analysés à l'aide d'un appareil très sensible: pollutions, soit par résidus de traceurs le spectrofluorimètre*. Certains points piégés lors d'essais antérieurs, soit par d'eau, parce qu'ils sont d'un accès difficile des produits chimiques ou des matières ou parce que la réapparition du colorant y organiques. Une reconnaissance des est moins probable, sont équipés de fluo- points d'eau à surveiller est donc nécessaire capteurs. Il s'agit de sachets contenant du avant de pratiquer l'essai. Dans notre charbon actif, substance capable de piéger cas, les tournées d'échantillonnage préli- 20 51

Tableau 1. Liste des points de surveillance (selon fig. 3, p. 19)

Ni LIEU ALT A B Ç (m) PORRENTRUY 1 Creugenat 451 P F-N-S 2 Beuchire 424 P + C F-N-S 3 Chaumont 423 P F-N-S 4 Masset 422 P F-N-S 5 Bacavoine 450 P S 6 Betteraz 418 P + C F-N-S 7 Parietti 420 C F-N-S 8 Pont d'Able sud 412 P+C F-N-S * 9 Pont d'Able centre 412 c F-N-S * 10 Source Domont 400 c F 11 Ecole Mormont 533 p F COURTEMAICHE 12 Puits SEHA n°2 397 c F-N 1 3 Puits SEHA n°1 397 c F-N 14 Puits communal 397 c F-N * 1 5 La Fontaine 395 P + C F-N 1 6 La Favergeatte 400 p F BUIX 17 Puits communal 383 c F * 18 Les Cotais 400 p F 19 La Marmitaine 380 c F BONCOURT 20 La Bâme 375 p F 21 Le Saivu 373 p F-N-S 22 Puits Lômennes n°2 370 c F 23 Puits Lômennes n°1 370 c F 24 La Font 370 c F FRANCE 25 Mazarin Fesche 355 c F-N 26 Usine Badevel 360 p F-N-S 27 Trou de la Doux Delle 389 c F-N-S 28 Captage Val St-Dizier 460 c F-N-S 29 Source Val St-Dizier 465 p F-N-S 30 Lavoir Val St-Dizier 465 p F-N-S 31 Ruisseau Abbévillers 51 5 c F 32 Puits Abbévillers 475 c F-N-S 33 Mérat Meslières 391 p N-S 34 Pierre Meslières 420 p N-S 35 Ruisseau Glay 430 P + C F-N 36 La Doue Glay 440 P + C F-N-S 37 Fontaine Dannemarie 469 p N-S 38 Rosière Dannemarie 460 p N-S 39 La Laronesse Blamont 430 P + C N-S 40 Fontaine Ronde Blamont 445 c N-S 41 La Creuse Blamont 480 c N-S 42 La Roide Pont-de-Roide 400 c N-S 43 Ronde Fontaine Montjoie 400 c S 44 Source Barrage Montjoie 535 c S 45 Château de la Roche 505 c S A -Type de prélèvement: P -échantillons d'eau C -charbons actifs B -Type d'analyse: F -fluorescéine N -naphtionate S -sulforhodamine G C -Type d'eau: * -eau captée 21 52 minaires nous ont conduits à une mise en L'essai de Fahy œuvre sans restriction. Cinq kilos d'uranine suivis d'environ 20 m3 La situation des laissait points d'injection d'eau de rinçage ont été injectés dans un la de des ouverte possibilité réapparition petit emposieux situé dans une zone où à traceurs l'intérieur d'un grand périmètre. l'on en dénombre plus d'une dizaine d'un Il en résulte que le nombre de points d'eau diamètre de quelques mètres à une à surveiller s'est élevé à 45 (sources, puits, quinzaine de mètres et d'une profondeur de 2 cours d'eau). On consultera le tableau 1 et à 5 m. Situés au nord-est de Fahy, non loin la figure 3 pour ce qui concerne respectivement de la frontière française, ils sont tous plus le mode de surveillance et la ou moins alignés selon des directions situation géographique. identiques à celles des grandes failles qui

Figure 4. Essai de Fahy du 2 mai 1988 a Le Creugenat Courbes de restitution de fluorescéine o La Beuchire o La Cnaumont

0,1 q

n VISIBLE A L'OEIL NU o 0,01 o DETECTABLE AU m SPECTROFLUORIMETRE

70 > 0,001-

0,000k

TEMPS (jours)

0,00001- i > i i i i i i ~~I—i—i—i—i—|—i—i—i—i—i—r i I i—i i i i i i i i i i i i i i i i i i 5 10 15 20 25 30 35 40 45 10 15 20 25 30 5 10 15 MAI JUIN 1988 Chaque point de ces trois graphiques correspond à une analyse journalière de trois échantillons d'eau en vue de rechercher la fluorescéine. On obtient alors le taux de concentration du colorant dans chaque échantillon : l'unité choisie est le gramme de fluorescéine par mètre cube ou mille litres d'eau (g/m-). On observe que, jusqu'au 15 mai, les taux obtenus sont de l'ordre de un dixmillième de g/m: Cela correspond à la fluorescence naturelle que l'on rencontre dans ces eaux et qui masque la fluorescéine injectée artificiellement. Puis les courbes montent brusquement : c'est l'arrivée du colorant, déterminé ici sans équivoque, dont la concentration va atteindre un maximum (pointes des courbes) avant de diminuer progessivement jusqu'au début du mois de juin. Le traitillé horizontal dessiné à la hauteur du taux de concentration de 0.01 (ou un centième de g/m représente une limite de visibilité: au-dessus de cette * droite, le colorant est visible à l'oeil nu dans la source ; au-dessous, le spectrofluorlmètre du laboratoire seul peut le detecter. 22 53

Figure 5. Essai de traçage du 2 mai 1988

Hypothèses sur les trajets réels possibles de fluorescéine entre le point d'injection et les exutoires du Creugenat et de la Beuchire

» cheminements souterrains probables

— - cheminements souterrains très peu probables 23 54

Tableau 2. Multitraçage Haute-Ajoie Injection des traceurs

LIEU COORDONNEES ALT TRACEUR Date/heure nord de Fahy 564.800/253.775 580 Fluorescéine 2.5.1988 5 kg 14 h Grandfontaine 562.425/249.030 525 Naphtionate 2.5.1988 25 kg 15 h Damvant 559.550/247.015 595 Sulforhodamine 2.5.1988 G extra 5 Kg 16 h

Tableau 3. Résultats de l'essai de Fahy Réapparition de fluorescéine

LIEU N° TRAJET DATE VITESS E (m/h) TEMPS PENTE (m) max modale passage moyenne

Creugenat 1 6400 16.5 19.2 16.8 22 jours 2.0 % 8h

Beuchire 2 1 0700 18.5 28.4 25 1 20 jours 1.5% 1 2h

Chaumont 3 1 0600 idem Beuchire

compartimentent toute la région du nord ment qu'à partir du 19 mai, présente au sud jusqu'à la latitude de Damvant. également une courbe descendante quasi- Le colorant est réapparu pour la première parallèle aux deux autres. fois, 14 jours après l'injection, au Creuge- Ces résultats nous permettent de faire les nat (N° 1). Deux jours plus tard, le traceur remarques suivantes: était détecté aux sources de la Beuchire et -les sources de la Beuchire et de la de la Chaumont (Nos 2 et 3), à Porrentruy. Chaumont sont deux exutoires* du même Chaque échantillon prélevé dans les trois bassin: l'Ajoulote; sources suscitées a fait l'objet d'une analyse — nous pouvons admettre que la fluorescéine en vue de mesurer le taux de concentration ou, pour le moins, une grande partie de fluorescéine. On construit de celle-ci passe d'abord par le Creugenat ensuite les courbes de restitution du traceur avant de ressortir à Porrentruy; on peut rapportées sur la figure 4 (p. 22). donc proposer, comme illustration On remarque que les deux courbes obtenues schématique du trajet souterrain, le parcours au Creugenat et à la Beuchire ont à vol d'oiseau Fahy-Creugenat-Beuchire pratiquement la même allure, celle de la (cf. fig. 5, p. 23). Beuchire étant décalée de deux jours par Dans la foulée de ce schéma, on peut être rapport à celle du Creugenat. Le colorant a tenté d'émettre des hypothèses sur les donc mis deux jours pour parcourir la cheminements réels possibles du colorant. distance Creugenat-Porrentruy. La source Il est bien clair qu'un essai de traçage de la Chaumont qui, pour des raisons ne donne aucune information à ce sujet. techniques ne fut surveillée quotidienne¬ Ainsi, à part l'exploration spéléologique qui 24 55 permet de reconnaître des fragments de L'essai de Grandfontaine passages souterrains, ii ne nous reste que Les 25 kg de naphtionate ont été dissous le domaine (oh combien dangereux) de dans le bassin de la fontaine au bas du l'hypothèse. village. Cette solution, d'un volume de Dans le karst, l'interprétation fondée sur 3 m3, s'est ensuite mélangée aux eaux des suppositions ou des comparaisons usées de Grandfontaine qui disparaissent débouche la plupart du temps sur des dans une doline* située en aval. Il est à théories erronées dont le moindre défaut noter qu'en condition de crue (ce qui n'était le le de n'est pas leur persistance. Citons par pas cas jour l'injection), à absorber la exemple l'hypothèse simpliste par laquelle cette perte ne paivient plus si bien on décalque la morphologie de surface sur totalité des eaux, qu'une partie s'écoule direction de ce que l'on pense être le tracé souterrain. superficiellement en Rocourt. En à des Ajoie, cela consiste imaginer Moins de 10 jours après l'injection, le rivières souterraines vallées parallèles aux colorant a été décelé à la source de la sèches. Si à de ce cas n'est pas exclure, Doue, en France. Cette résurgence* nombreux essais de dont le traçages, karstique est l'une des plus importantes de la nôtre, ont définitivement convaincus nous région avec un débit moyen évalué à 10 de des ne manipuler l'interprétation mètres cube par minute, soit un débit phénomènes souterrains la qu'avec plus comparable à ceux des sources de la Dand la grande prudence. cette optique, Beuchire ou du Betteraz à Porrentruy. 5 faisceau d'hypothèses figure présente un Jusqu'ici, on pouvait supposer que le qui traduisent approximativement sous-sol de Grandfontaine appartenait les cheminements possibles qu'a pu entièrement à l'Ajoulote. Cette expérience a le colorant. emprunter démontré de manière spectaculaire que les circulations souterraines ne sont pas Comment calculer la vitesse le reflet de ce qui se passe en surface, La vitesse est le quotient d'une longueur particulièrement en région karstique. par un temps. L'unité choisie ici est le mètre par heure (m/h). C'est une vitesse L'essai de Damvant de déplacement ou de transport d'eau Les 5 kg de sulforhodamine G dilués dans souterraine; elle correspond à la distance 100 I d'eau ont été déversés dans une à vol d'oiseau (donc schématique et recti- fracture ouverte sise à l'est du village. A ligne) divisée par le temps écoulé entre cet endroit s'écoulent également les eaux l'injection et la toute première réapparition usées de Damvant, qui ont ainsi fait office du colorant. Le trajet souterrain réel des d'eau de rinçage pour le colorant. particules d'eau étant en fait plus long, la Dans ce cas également, on pouvait vitesse réelle est en conséquence plus s'attendre à ce que le colorant, pour le moins, élevée. Le tableau 3 contient deux chemine vers l'ouest en direction de la vitesses : l'une calculée pour le trajet Fahy- région de Blamont (Nos 39, 40, 41). Les Creugenat, l'autre pour le trajet Fahy- numéros se rapportent à la fig. 3, p. 19. Beuchire. On voit que cette dernière est Contre toute attente, on l'a décelé au sud, plus élevée, ce qui laisse entendre qu'entre à la source de Ronde Fontaine (N° 43) à le Creugenat et Porrentruy, l'eau circule Montjoie (France) dans la vallée du Doubs. plus vite qu'en amont. Il y a donc une Ainsi le traceur a-t-il traversé de part en accélération des circulations souterraines part la Chaîne du Lomont. Aucun prélèvement dans ce secteur où l'eau doit se déplacer d'eau n'ayant été prévu en cet dans des chenaux karstiques. endroit, seuls les fluocapteurs ont piégé la 25 56

Tableau 4. Résultats de l'essai de Grandfontaine Réapparition du naphtionate

LIEU N° TRAJET DATE VITESS E (m/h) TEMPS PENTE (m) max modale passage moyenne

La Doue 36 2650 12.5 11.7 10.6 20 jours 3.3 % 8h

sulforhodamine G entre le 18 mai et le ment ou piégé dans le karst, sont remises 6 juin, avec une concentration maximale en circulation et réapparaissent tardivement. autour du 20-21 mai, soit environ 18 jours On voit donc que la durée de après l'injection. l'expérience doit être adaptable aux conditions Les explications quant au tracé qu'a pu météorologiques. suivre le colorant relèvent du strict En Ajoie, les valeurs de précipitations domaine des hypothèses. Il n'est pas exclu journalières sont mesurées à deux que le faisceau de failles situé à la hauteur stations: celles de Fahy et de Mormont. de Réclère ait joué le rôle de drain en Toutes les données de l'ensemble des direction du Doubs. Ainsi, depuis le point stations suisses sont répertoriées dans les d'injection, le traceur, aurait cheminé annuaires pluviométriques édités tous les d'abord vers l'est, avant de virer vers le sud trimestres par l'Institut suisse de météorologie en empruntant ces failles qui recoupent (ISM) à Zurich. plus ou moins perpendiculairement les Lors de nos essais, les précipitations n'ont structures géologiques. pas eu d'influences importantes sur les Quelle est l'influence résultats obtenus, raison pour laquelle des précipitations? elles ne font pas l'objet de graphiques. Les résultats d'un essai de traçage sont Interprétation globale très différents selon qu'ils sont mis en des résultats œuvre en période de basses ou de hautes Le lecteur se reportera à la figure 10 eaux. Lors de nos essais, jusqu'à la pour prendre connaissance de nos nouvelles réapparition des colorants, les conditions propositions de délimitation des bassins hydrologiques furent celles de l'étiage*. Les versants constitutifs de la région étudiée. vitesses calculées, de l'ordre de 10-20 m/ Le document présente une interprétation h, sont faibles pour le karst. En conditions qui se fonde à la fois sur les informations de crues, les vitesses de déplacement collectées au cours des essais antérieurs, peuvent dépasser 100 voire 200 m/h. scrupuleusement compilés sur la figure 9, Certains essais ont même transité à plus ainsi sur nos trois essais. Mais avant de 500 m/h. Dans une région donnée où que de commenter notre point de nous d'autres essais ont déjà eu lieu, on effectue vue, nous sommes proposés d'approcher la dans la mesure du possible les notion de «zone de partage des eaux» nouvelles expériences dans les mêmes conditions notion qui, en quelque sorte, charpente afin que les résultats des uns et des notre interprétation. autres soient comparables. De fortes pluies peuvent survenir en cours Essai de définition : d'essai, voire à la fin de la période de la notion de bassin versant surveillance normale. Dans ce cas, des Un bassin versant est une région drainée quantités de colorant circulant très lente¬ par une rivière et ses affluents. Elle repré- 26 Von Roll dans le Jura

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Figure 6. Essai de Grandfontaine du 2 mai 1988 Courbe de restitution de naphtionate : source de la Doue

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 1 i I I I I I I I I I t I I I I I I I I I I I I I I I t I I I I t I I t I I t I I I 1 I I I

MAI JUIN 1988

Le colorant a été injecté le 2 mai à 15 h (jourO). Il a été décelé à la Doue à partir du dixième jour (12 mai) et a atteint une concentration maximale de un gramme par mètre cube le douzième jour (14 mai). Par la suite, le naphtionate a vu sa concentration diminuer progressivement jusqu'à sa limite de détection. sente une surface alimentée par les peut être variable en fonction des conditions précipitations. Chaque bassin versant est hydrologiques. La figure 7 illustre un séparé de ceux qui l'entourent par une ligne cas théorique de mobilité de limite souterraine de partage des eaux. Cette limite suit les entre deux bassins en fonction des lignes de crêtes bordant le bassin : il s'agit- quantités d'eau de pluie infiltrées. Entre là du bassin versant topographique. autres choses, cela signifie qu'un colorant Le bassin versant pour les eaux souterraines injecté dans le voisinage de cette limite est parfois différent du bassin variable peut ressortir dans l'un ou l'autre versant topographique, particulièrement en bassin versant qu'elle sépare, selon que paysage karstique, tel qu'il se présente en les eaux sont basses (étiage *) ou hautes Haute-Ajoie. Il est alors indispensable de (crues). connaître au mieux le bassin versant La détermination exacte d'un bassin hydrogéologique qui, seul, donne une versant hydrogéologique se heurte à une image réelle des surfaces drainées vers tel autre difficulté : le phénomène de dif- ou tel exutoire*. De plus, si la limite fluence souvent observé dans les topographique est fixe, la limite souterraine calcaires karstifiés. Par exemple, un ancien entre les systèmes d'écoulement essai de traçage réalisé au Maira est 27 58

Figure 7. Variation de la limite entre deux bassins en fonction des conditions hydrogéologiques

SCHEMA THEORIQUE

Cette figure illustre trois états |CAS A ; Hautes eaux] hydrogéologiques dans un massif karstique présenté en coupe verticale.

Cas A : La limite est déplacée vers la source 2: les eaux de pluie qui ruissellent à gauche de la ligne de crête peuvent également, une fois infiltrées, s'écouler vers la droite ou la source 2. Les deux sources sont alimentées. Cas B : La limite est déplacée vers la source I : les eaux de pluie qui ruissellent à gauche de la ligne de crête peuvent également, une fois infiltrées, s'écouler vers la droite ou |CAS B : Conditions moyennes la source 2. Les deux sources sont alimentées. Cas C : La limite est à l'aplomb de la source 1. Toutes les eaux qui s'infiltrent sur le massif s'écoulent vers la source 2. La source 1 est momentanément tarie. L'espace dans lequel se déplace la limite constitue la zone de partage des eaux. Sur la carte de la figure 10, elle est représentée par une surface hachurée.

ZONE DE PARTAGE DES EAUX OU ZONE D'INCERTITUDE ENTRE LES BASSINS ©ET® 28 59 ressorti à la fois à la source du Saivu Figure 8. Illustration schématique (exutoire* principal de la Milandrine) et de du phénomène de diffluence la Font à Boncourt. La figure 8 illustre en paysage karstique schématiquement ce cas. Ces différents exemples nous enseignent que, généralement, des limites précises entre des bassins hydrogéologiques ne peuvent pas être tracées en domaine karstique. En conséquence, nous avons choisi de séparer les différents bassins versants constitutifs de la Haute-Ajoie par une surface appelée zone de partage des eaux (ZPE); elle peut contenir: a) une partie de bassin résultant de la mise en commun de deux ou plusieurs bassins comme l'illustre la figure 8. Dans ce cas, cette zone résulte d'un phénomène naturel

irréductible. T T b) une limite fixe (p.ex. une faille jouant le ® rôle de barrage, une couche géologique 0 imperméable*) entre deux ou plusieurs (Â) Bassin dont l'exutoire principal bassins, dont la position n'est pas encore est la source (T) exclusivement connue avec précision. Dans ce cas, seuls des essais de traçage répétés peuvent (B) Bassin dont l'exutoire principal l'approcher petit à petit. Dans ce cas il s'agit d'une zone d'incertitude de nos est la source (2) exclusivement connaissances, réductible avec le développement de celles-ci. (C) Bassin commun aux systèmes Lorsque l'on dessine un plan tel que la (Â) et (B) dont les deux exutoires figure 10, on ne peut pas séparer ces deux sont les sources (T) et (2) : éléments. c'est la diffluence Notre proposition de zone de partage des eaux (figure 10) faite à la lumière des 9 exutoire ou source résultats du multitraçage du 2.5.1988 est T donc un instantané. Elle est la photographie —»-sens des écoulements obtenue à la suite d'expériences réalisées dans des conditions données. Elle représente un état d'une situation a) qu'il a fourni des connaissances évolutive: elle est ainsi logiquement nouvelles sur les circulations d'eau souterraines soumise à des modifications au fur et à dans la partie occidentale du bassin mesure que s'étoffe le catalogue de nos de l'Ajoulote : connaissance. b) qu'il a constitué le lien entre les travaux passés et la synthèse régionale que nous Propositions de zones de partage présentons sur la figure 10. des eaux (ZPE) L'essai au nord de Fahy a révélé la relation Le multitraçage du 2 mai 1988 revêt une souterraine entre le secteur proche de la importance particulière pour la région en frontière française et la source de la Beu- ce sens : chire. Dès lors, le bassin de l'Ajoulote a 29 60

Figure 9. Carte des essais de traçage antérieurs

Essais de traçage

point d'injection conditions hydroqêologiques

direction schématiaue et rectiliqne vitesse maximale m/h 1 du cheminement souterrain du traceur

réaooantion hors carte — vitesse modale t m/h I

E * êtiage H * hautes eaux M * conditions moyennes 30 61

Figure 10. Multitracage du 2 mai 1988 en Haute-Ajoie Proposition de zones de partage des eaux

Géologie Hydrogeologie

O Ù antichnol numérotés voir tableau 2 X synclinal 9

faille visible er/ou supposée zone de partage des eaux IHHUUHHHHtMlM'Hi'l chevoucttemeni Jura plisse * Jura tabulaire

Les surfaces hachurées horizontalement représentent les zones d'incertitude qui subsistent entre les différents bassins hydrogéologiques de la Haute-Ajoie : ce sont les zones de partage des eaux que seuls de futurs essais de coloration pourront petit à petit résorber. Pour ce qui est des parties de bassins où s'observe la diffluence, les limites entre deux bassins souterrains ne seront jamais des lignes précises de séparation. Il en va de même pour les limites variables entre des bassins en fonction de la hauteur des eaux souterraines (voir figure 7). Quant aux surfaces blanches, elles représentent les bassins hydrogéologiques connus à ce jour, sous réserve de modifications ultérieures en fonction de l'évolution de nos connaissances.

31 62 subi un petit ajustement par rapport à sa intéressé par le détail de nos propositions dimension évaluée suite aux essais de peut se procurer le bulletin N° 8 du Centre 1983 réalisés à l'est de la localité (voir d'hydrogéologie de Neuchâtel. Destinée à figure 9 essais de traçages antérieurs). La un public scientifique, cette publication surveillance continue du Creugenat a annuelle contient les informations susceptibles apporté une nouvelle preuve de sa relation de toucher toute personne qui avec la Beuchire. voudrait approfondir le sujet. Les essais de Grandfontaine et de Dam- vant ont rassemblé les éléments propres à Portée pratique des résultats donner une image complètement La mise en évidence de l'écoulement des différente de la partie supérieure de l'Ajoulote. eaux usées du village de Grandfontaine Jusqu'ici, on ignorait que les eaux de vers la résurgence de la Doue est importante Grandfontaine contribuent à alimenter la ; en effet les autorités françaises ont rivière française du Gland. décidé d'entreprendre une étude multidis- L'essai de Grandfontaine est tout ciplinaire visant au réaménagement de la particulièrement spectaculaire car il est un exemple rivière du Gland, aussi bien en ce qui concret de dysharmonie flagrante entre concerne sa morphologie que sa qualité le bassin topographique et le bassin bactério-chimique et biologique. Les eaux hydrogéologique, entre la surface et le de la Doue constituant l'un des apports monde souterrain. De plus, il nous conduit principaux du Gland, l'amélioration de leur à dresser une ZPE plus précise qu'auparavant qualité chimique est l'une des clés du entre les bassins de l'Ajoulote et de la succès de cette entreprise. Doue. Le lecteur remarquera que nous Il est maintenant démontré que les eaux avons choisi de faire passer cette zone de usées de Damvant contaminent une partage entre les deux grandes failles de source, non utilisée comme eau de boisson, Grandfontaine et Rocourt. Cela reste une mais située sur territoire français. En hypothèse vraisemblable à nos yeux, que conséquence, il conviendra, dans ce cas seules de futures données pourront confirmer, également de prendre les mesures modifier ou infirmer. adéquates. Pour ce qui touche aux autres bassins, à La résurgence de la Beuchire, dont les savoir ceux de Croix - Val St-Dizier, de la eaux charrient de grandes quantités Milandrine et de la Basse-Allaine, ils n'ont d'argiles et de limons lors de chaque épisode fait l'objet que de réglages de détail. pluvieux important, voit son aire alimentaire Le choix de délimiter les différents bassins se préciser vers le nord de Fahy en hydrogéologiques par le moyen de direction de Croix. On peut donc raisonnablement surfaces illustre l'importance des secteurs avancer que l'érosion intensive souterrains qui dérobent encore à nos des sols de la place d'armes de Bure due connaissances leurs contours réels. au fort ruissellement concentré vers des Paradoxalement, ce multitraçage a contribué points d'infiltrations (dolines *) préférentiels, à augmenter les surfaces d'incertitudes. constitue une des causes majeures Les essais de Fahy, Damvant et de la forte turbidité* observée de manière Grandfontaine posent en fait plus de endémique à la Beuchire. Les travaux questions qu'ils n'en résolvent. d'assainissement actuellement en cours Il n'est pas naturellement possible, dans le sur la place d'armes traduisent les gros cadre du Bulletin de l'ADIJ de mentionner efforts consentis pour contrer cette évolution. tous les raisonnements et déductions qui nous ont amenés à proposer cette Le but général des études entreprises est synthèse régionale. Cependant, tout lecteur atteint : les pouvoirs publics ont en main 32 63 les informations nécessaires à une prise -La société sollicite de plus en plus les de décision touchant aux priorités en eaux souterraines. Dans ce sens, l'expérience matière d'épuration des eaux et à la mise au scientifique apporte les éléments point d'un concept d'utilisation des eaux nécessaires à l'évaluation des conséquences souterraines. de ces sollicitations sur la santé des eaux. Conclusions -La connaissance des relations souterraines Le multitraçage du 2 mai 1988 réalisé à entre des pertes naturelles et des Fahy, Grandfontaine et Damvant a constitué sources doit faciliter une prise de une étape importante vers une conscience de la population et de ses élus. La meilleure connaissance des écoulements pratique qui consiste à rejeter les eaux souterrains de Haute-Ajoie. usées directement dans les ruisseaux sou- Dans le domaine de l'expérience scientifique, terains conduit immanquablement à la il a mis en lumière des relations contamination des sources, donc d'un souterraines jusqu'ici inconnues. Les bien nécessaire à l'homme. nouvelles interprétations qui en découlent La Haute-Ajoie est un exemple et un cas sont fondées sur une vision moderne de d'école. La prise de conscience des l'hydrogéologie. Il en résulte une image problèmes liés aux eaux a déjà conduit à des des écoulements souterrains différente de réalisations concrètes. C'est un premier celles auxquelles on nous avait habitué en pas vers une gestion cohérentes des eaux Haute-Ajoie. Elle est aussi plus correcte de cette région. A court terme, de même si, paradoxalement, elle contribue à nouveaux essais de traçages viendront agrandir, pour l'instant, le domaine qui compléter ceux de Damvant et Grandfontaine. échappe à nos connaissances. Dans ce cadre, les investigations tendront La portée pratique de ce multitraçage, à déterminer notamment tous les exu- ainsi que de tous les essais antérieurs est toires* pollués par des rejets d'eaux essentielle. Ils débouchent sur une usées, tant en Suisse que chez nos voisins synthèse régionale importante dont on tiendra français. compte en fonction des problèmes suivants : P.-A. G., B. S., F. S., A. L

Association pour la défense des intérêts jurassiens Co-présidents : Secrétaire général Jean-Baptiste Beuret, Delémont et rédacteur responsable : Philippe Eichenberg, Moutier Pierre-Alain Gentil, Delémont Administration de l'ADIJ et rédaction des «intérêts de nos régions» Rue du Château 2, case postale 344, 2740 Moutier 1, ® 032 934151, c.c.p. 25-2086-1

33 64 Glossaire

AQUIFERE: Massif de roches perméables* et l'eau qu'il contient. ANTICLINAL: Dans le Jura, généralement plissement en forme de bosse d'une alternance de calcaires et de marnes. COMBE: Petite vallée jurassienne. DOLINE: Forme élémentaire de dépression karstique fermée, circulaire ou elliptique. Constitue souvent une perte naturelle pour les eaux de ruissellement. EMPOSIEUX : Synonyme local d'une doline*. ETIAGE: Période de l'année pendant laquelle les débits des sources et cours d'eau sont les plus faibles. Utilisé abusivement, mais répandu, pour toutes périodes de basses eaux. EXUTOIRE : Toute issue par laquelle l'eau sort, ou peut sortir, d'un aquifère*. GEOMORPHOLOGIE: Science des formes et de l'évolution du relief terrestre. IMPERMEABLE: Qualifie un niveau théoriquement impénétrable et non traversable par un fluide (eau) dans les conditions naturelles des aquifères. Les marnes oxfordiennes constituent le niveau imperméable régional de l'Ajoie. JURASSIQUE: Période de l'ère secondaire; les roches qui la constituent, ici les calcaires et les marnes, ont un âge compris entre 140 et 200 millions d'années. Le Jurassique est subdivisé en trois partie, du plus récent au plus ancien : Jurassique supérieur (Malm), moyen et inférieur. KARST, KARSTIQUE: Cf. explication détaillée en page 17. MALM : Voir Jurassique MARNES OXFORDIENNES: Marnes localisées à la base du Malm*. NAPPE ALLUVIALE : Eau contenue dans les vides (interstices) se trouvant entre des éléments (graviers, sables...) déposés par un cours d'eau. OUVALAS: Dépression karstique formée par la jonction de plusieurs dolines (diamètre hecto à kilométrique) où toutes les eaux de ruissellement s'infiltrent (exemple : sur le plateau de Bure). PERENNE: Durable. Qualifie un cours d'eau ou une source qui ne tarit jamais. PERMEABLE : Qui peut être pénétré et traversé par un fluide, en particulier par de l'eau. RESEAU HYDROGRAPHIQUE: Ensemble des cours d'eau superficiels. RESURGENCE: Type de source karstique alimentée au moins en partie par la perte de cours d'eau superficiels. SPECTROFLUORIMETRE: Appareil mesurant la concentration de colorants fluorescents dans un échantillon d'eau (exemples: fluorescéine, sulforhodamine, naphtio- nate...)

Bibliographie GIGON, R. & WENGER, R. (1986): Inventaire spéléologique de la Suisse. Tome II: Canton du Jura. Porrentruy LIEVRE, L. (1940): Le karst jurassien (épuisé) SCHWEIZER, H.U. (1970): Beiträge zur Hydrologie der Ajoie (Berner Jura). Beit z. Geol. Schweiz Nr. 17. 34