PARIS 3 Bande Dessinée Et Terrorisme D'état En Argentine
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
MÉMOIRE pour obtenir le diplôme de MASTER DE L’UNIVERSITE SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3 Master 2 Recherche Mention : Études internationales et européennes Spécialité : Études latino-américaines Option Histoire présenté par Alice GAUTIER dirigé par Olivier COMPAGNON Professeur d’histoire contemporaine Bande dessinée et terrorisme d’État en Argentine Skorpio : une revue en temps de dictature (1974-1983) Mémoire soutenu le 8 juillet 2015 Institut des Hautes Études de l’Amérique latine 28 rue Saint-Guillaume 75007 Paris Source : Skorpio n°1, juillet 1974. 1 Remerciements À Olivier Compagnon, pour ses idées stimulantes et son accompagnement tout au long de mes études à l’IHEAL. À José María Gutiérrez, qui m’a permis d’accéder au Fonds d’archives de la bande dessinée et de l’humour graphique de la Bibliothèque nationale d’Argentine alors qu’il n’était pas encore ouvert au public. Je tiens à le remercier particulièrement pour les nombreuses conversations informelles autour d’un maté qui ont influencé mes choix et pour m’avoir si gentiment ouvert son carnet d’adresses. À José Antoño López Cancelo, Ernesto R. Garcia Seijas et Hernán Ostuni pour m’avoir accordé de leur temps. À l’ensemble du personnel de la Bibliothèque nationale d’Argentine, et notamment de l’hémérothèque. À mes nombreux relecteurs : Anne Laurence, Agathe, Bamdad, Antoine, Éloi, Julie, Geoffrey, Amalia. À Lola, pour sa solidarité. 2 Sommaire Introduction ............................................................................................................ 5 PARTIE I : Skorpio et le « monde de la grande bande dessinée », entre rénovation du genre et projection internationale ............................................................................ 16 Chapitre 1 Tableau de la bande dessinée dans les années 1970 : un paradoxe ? ............. 16 A) Du retour du péronisme au « Proceso » : mise en place d’une répression organisée 16 B) La bande dessinée en marge des sanctions ? ............................................................. 19 C) Le marché des revues de bandes dessinées : une relative bonne santé ...................... 24 D) Biennales et rencontres, une visibilité croissante ...................................................... 28 Chapitre 2 Skorpio, la revue phare d’un projet éditorial nouveau ................................... 32 A) Une stratégie commerciale à plusieurs facettes ......................................................... 33 B) Élargir les frontières de la consommation traditionnelle ........................................... 36 C) Un observatoire de l’internationalisation de la bande dessinée ................................. 39 D) Qualifier les connexions : la mise un jour d’un espace culturel italo-argentin ......... 44 Chapitre 3 De la création à la consommation : les différentes phases de la production .. 48 A) Les créateurs .............................................................................................................. 48 B) L’édition et la distribution ......................................................................................... 56 C) Composition du lectorat et pratiques de lecture ........................................................ 59 PARTIE II : Fragment d’un imaginaire social : les discours de la fiction ................... 65 Chapitre 1 Discours du quotidien ..................................................................................... 65 A) La « positivité » du régime : ordre, famille et genre ................................................. 66 B) Le discours des médias, de la banalisation de la violence à sa disparition (1974- 1978) ................................................................................................................................. 69 C) De la parodie du Mondial à la reconfiguration des discours ..................................... 70 Chapitre 2 Une décennie d’aventure ................................................................................ 74 A) Combats, crimes et passions humaines : une moralisation de la violence ? .............. 74 B) Histoires de guerre, l’humanité soulignée ................................................................. 77 C) La science-fiction, métaphore des angoisses de l’époque ......................................... 81 D) La figure de la femme ................................................................................................ 84 Chapitre 3 De la fiction à la réalité ................................................................................... 89 A) Buenos Aires en ruine, théâtre d’une critique idéologique........................................ 90 Barbara .......................................................................................................................... 91 L’Éternaute .................................................................................................................... 93 B) La bande dessinée comme évasion ou rappel cru d’une réalité sombre ? ................. 97 3 Conclusion ........................................................................................................... 103 ANNEXES ........................................................................................................... 107 SOURCES ........................................................................................................... 112 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................... 114 4 Introduction « (…) l’aventure est située en dehors du sens spécial et du cours constant de l’existence, et cependant elle est liée à elle par un sort et une symbolique secrète ; elle est un hasard fragmentaire, et cependant elle est achevée en elle-même, ainsi qu’une œuvre d’art. Elle réunit en elle toutes les passions, comme le ferait un rêve, et cependant elle est destinée comme celui-ci à être oubliée ; elle fait comme le jeu opposition au sérieux, et cependant comme le « Va, Banque » du joueur, elle se résout en une alternative entre le gain le plus élevé ou la destruction complète1. » À l’origine de ce travail, un questionnement : celui de comprendre quels étaient les espaces de divertissement et d’évasion lors de l’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’Argentine, celle du régime de Sécurité Nationale instauré par les militaires entre 1976 et 1983. Dans le contexte d’un pays qui se délite sous le poids des déchirements politiques, la Junte au pouvoir tente d’instaurer un nouvel ordre politique et social. Extirper la « subversion » pour repartir sur de saines bases. Un programme qui engendre la pratique d’un terrorisme d’État, c’est-à-dire l’utilisation de la violence à des fins politiques. Cette violence se décline dans son pan clandestin par un formidable appareil répressif chargé d’orchestré les disparitions. Mais c’est également une contrainte de l’ordre de la surveillance, qui sollicite une organisation tout aussi complète. La censure vise à faire taire et à imposer un discours unique à tout type d’expression émanant de la société, et notamment les manifestations culturelles. Quant à la bande dessinée, c’est par définition une machine à rêve, un médium qui, semble-t-il, a quelque chose à voir avec la liberté. Quelle place occupe-t-elle alors dans ce panorama mortifère ? Quelle autre réalité donnent à voir ces petites bandes de fiction ? La revue de bandes dessinées d’aventure sur laquelle porte cette étude, Skorpio, publiée par la maison d’édition Record, apparaît en 1974, au moment où la censure et la répression s’accentuent en Argentine. Pour le monde de la bande dessinée, il s’agit paradoxalement d’un moment de relance de la production avec la naissance de nouveaux projets éditoriaux. Cette revue fait irruption avec une nouvelle force de proposition. Elle représente une forme de rupture dans le panorama de la bande dessinée de l’époque, par des propositions innovantes et de meilleure qualité, à destination d’un lecteur plus « adulte ». D’autre part, les Éditions Record instaurent une nouvelle dynamique commerciale et créent un pont avec l’Europe, par un lien extrêmement fort avec le marché italien de la bande dessinée. 1 SIMMEL Georg, La philosophie de l’aventure, Paris, l’Arche, 2002, p. 76. 5 Au cœur de notre sujet, l’objet bande dessinée. D’emblée, sa délimitation pose problème et s’avère ambiguë. Si la définition de l’art est en soi une difficulté, la validité de la bande dessinée en tant que tel affronte encore aujourd’hui des réticences2. La légitimation du « Neuvième art » n’est cependant pas notre débat, même si cette tension entre la bande dessinée et une culture qui serait « officielle » doit être signalée pour éclairer la question d’une éventuelle marginalité de la bande dessinée. L’entreprise de définition se complique de plus belle une fois resserrée à l’objet lui-même. Chaque spécialiste propose la sienne, rendant impossible un concept générique applicable systématiquement3. D’autant plus que l’évolution historique du média tend à en déplacer les frontières : l’introduction de la peinture et du montage photo à partir des années 1980, à l’image de l’Ouvroir de Bande Dessinée Potentielle créé en France en 1992 ; la mondialisation des tendances qui voit notamment le déferlement du manga asiatique ; ou encore la « révolution numérique » en marche qui introduit un nouveau support de diffusion, modifie les techniques de travail et multiplie les possibilités expressives. Art séquentiel qui investit l’agencement des images comme critère prégnant ? Art hybride bâti sur la jonction du texte et