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Mahamane KARIMOU

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LES MAWRI ZARMAPHONES

ETUDES NIGERIENNES N°39

Mahamane KARIMOU

LES MAWRI ZARMAPHONES

ETUDES NIGERIENNES N° 39 ïliSii v:.v. :í«:''S'.-í;:i":-'r' ETUDES NIGERIENNES N° 39

LES MAWRI ZARMAPHONES

par

Mahamane KARIMOU

Institut de Recherche en Sciences Humaines

NIAMEY - 1977

Notables Mawri de l'Issa-me ()

La transcription adoptée est celle qui a été établie à la suite de la réunion du groupe d'experts pour l'unification des alphabets des langues nationales, sous l'égide de l'UNESCO, à Bamako en 1966.

Depuis cette date, les textes établis en langue nationale et publiés par les différents services nigériens (Université, Service Alphabétisation des Adultes, CRDTO) ou chercheurs étrangers (CNRS, ORSTOM, etc.) ont cherché à se confor¬ mer à cette règle.

La transcription obéit aux principales conventions suivantes, valables pour le Haoussa comme pour le Zarma :

u prononcé ou comme dans loup

c prononcé tch comme l'anglais choice sh prononcé ch comme le français chat g prononcé toujours dur, comme gâteau, même devant les voyelles i et e (gida)

w prononcé comme dans l'anglais water. Les voyelles longues sont marquées par le redoublement.

Toutefois les noms de lieux et la plupart des noms de personnes vivantes ont conservé la transcription habituelle dérivée de l'orthographe française. 1 i r

îi ! AVANT-PROPOS i t ( I i

Nous tenons à remercier tous ceux qui de loin ou de près nous ont aidé dans le choix de notre sujet et qui ont facilité nos recherches. I Qu'on nous excuse de ne pouvoir faire tenir ici la liste de toutes les personnes à qui nous devons pour l'élaboration de ce travail. Néanmoins l'intitulé définitif du sujet nous amène à parler de certaines d'entre elles.

» En 1968-69, J.-L. Triaud assurait, à l'Université d'Abidjan, les cours d'histoire d'Afrique, en classe de DUEL (2°). Il attira notre attention sur la nécessité de recueillir les traditions orales de nos différents groupes ethniques. Il fit organiser par Claude Perrot trois séminaires. Ces derniers avaient un objectif double : nous fournir les éléments indispensables à la collecte, mais aussi à l'interprétation des traditions orales. Dès les vacances 1969, nous avons pu grâce à ces séminaires, réaliser deux études : le rôle des griots dans la société sonraà'-zarma et les cultes religieux en pays zarma.

En 1970 Mlle Claude Perrot, qui nous avait chargé de faire un exposé sur notre première étude, nous encouragea à continuer cet effort d'investigation. A la fin de la même année, le professeur Brunschwig nous orienta vers une collecte plus rationnelle de la documentation pouvant servir de base à la rédaction d'un mémoire de Maîtrise.

Mais ce fut surtout notre entretien avec Dioulde Laya, Directeur du Centre Nigérien de Recherches en Sciences Humaines, qui nous guida définitivement vers l'étude des Mawri. Le sujet choisi et délimité : "La société mawri précoloniale", il fallut le meubler. L'aide matérielle du Centre Nigérien de la Recherche en Sciences Humaines (CNRSH) nous permit de parcourir toutes les zones d'occupation mawri. Nous avons pu ainsi collecter, avec le maximum d'aisance, les traditions orales et recenser les principaux lieux de culte. A aucun moment de cette phase préparatoire de notre travail, le soutien moral du Directeur du CNRSH, Dioulde Laya, ne nous a fait défaut. Toujours à ce niveau de notre étude, le concours de MM. Abdou Hassane et Insa Garba, respectivement Inspecteur primaire à Dosso et Régisseur du CNRSH, fut capital.

A Paris, notre Directeur de recherche, le professeur Yves Person, nous conseilla de restreindre notre sujet. C'est de cette entrevue que sortit le titre définitif de notre mémoire de Maîtrise : "Les Mawri de Sokorbé. Introduction à l'étude des 2

Mawri zarmaphones". Au fur et à mesure que nous creusions notre sujet, que nous avancions dans l'analyse des traditions orales, l'idée nous vint de tenter, pour la rédaction d'une thèse de troisième cycle, de faire l'étude des trois communautés mawri du Zigi (Sokorbé), du Issa-mé et du Tondi Kandje. Il s'agissait pour nous de suivre ces différents éléments depuis leur départ de la patrie d'origine, l'Arewa, jusqu'à leurs nouvelles zones d'implantation, d'en comparer les structures sociales et politiques en rapport avec l'environnement et la conjoncture. Un tel travail, en plus de l'étude des réactions des populations autochtones face à l'arrivée des Mawri, nécessite la collecte et l'interprétation des différentes traditions orales, mais aussi leur confrontation avec celles des populations voisines. Cela explique les inégalités au niveau du développement de notre sujet, les traditions étant obligatoirement plus ou moins nombreuses d'une région à une autre et plus bavardes sur certains faits que sur d'autres. A mesure que nous avancions dans l'élaboration du travail, nous avons été frappé par la variation de l'importance des traditions orales en fonction des caractéristiques propres à chacune de ces communautés. Ainsi nous avons pu constater que ces traditions étaient plus abondantes et mieux conservées dans le Zigi et le Issa-mé où se sont développés des systèmes politiques centraux avec une hiérarchisation bien marquée de la société, alors que dans le Tondi Kandje où l'assimilation à la société zarma a été presqu'immédiate, nous notons une dé¬ perdition de l'intérêt accordé à la tradition. Notre intention en entreprenant ce travail n'était pas de faire une étude académique avec tout ce que cela comporte de rigueur, d'équilibre entre les différentes parties de notre sujet, ni d'effectuer une étude historique au sens classique du terme, mais plutôt, à partir des traditions que nous avons pu recueillir, donner notre interprétation des faits et réinjecter le fruit de nos réflexions dans le milieu d'où nous avons tiré la matière qui a servi à ce travail. De ce fait des aspects particulièrement importants de l'histoire des popu¬ lations que nous nous efforçons d'étudier apparaîtront à certains égards comme peu ou mal approfondis. Nous avons accepté ce risque dans le souci majeur de ne pas déformer les traditions et de les étudier en fonction de ce qu'elles représentent par rapport à ceux à qui elles sont destinées. Pour atteindre cet objectif, nous avons volontairement écarté de notre vocabulaire toutes expressions qui pourraient paraître ésotériques au commun des lecteurs. Notre intention étant de nous adresser aux populations concernées, nous avons opté pour un style simple, parfois banal, mais offrant l'avantage de nous faire mieux comprendre et donc de susciter des critiques et, nous l'espérons, d'amener nos compatriotes à compléter ce travail en apportant leurs connaissances, pour qu'ensemble nous entreprenions d'écrire les merveilleuses pages de notre histoire, en étroite collaboration avec les détenteurs de la connais¬ sance africaine, les anciens : ceux-là qui ont vu, entendu et senti le monde et qui disent par expérience :

Hanga zeenu kaayi l'oreille est plus âgée que l'ancêtre. 3

INTRODUCTION

LES MAWRI EN QUESTION

Actuellement, Mawri est le terme employé par les Zarma pour désigner les populations caractérisées par deux cicatrices parallèles, allant de la commissure des lèvres à l'oreille, sur chaque joue.

Mais ce groupe ethnique lui-même s'appelle Arawa, c'est-à-dire les gens de Ari. Cette désignation double, d'origine linguistique différente, pour nommer le même peuple, pose quelques problèmes que nous devons éclaircir.

En effet, au départ, les Zarma donnaient le nom Mawri aux Arawa installés dans le Zarmatareï (1). Par extension, la dénomination finit par s'appliquer à l'en¬ semble des Arawa.

Dans le but de bien établir la distinction et de situer dans son aire géographique et linguistique la fraction qui nous intéresse, nous avons choisi de l'appeler Mawri Zarmaphone bien que, au sens étymologique, cela soit une tautologie.

Au cours de cette étude nous nous efforcerons de dégager les faits historiques marquants de la période allant de cette implantation au début de la pénétration française : formation et organisation des communautés mawri, difficultés dues aux guerres extérieures et aux querelles intestines, réaction mawri face aux diverses menaces, etc. Cette analyse sera précédée d'une rapide présentation géographique du pays dans lequel évoluent les Mawri. Mais auparavant examinons les matériaux qui ont permis la réalisation de cette étude.

EXPOSE DES SOURCES

LA TRADITION ORALE

Nous savons que toute étude historique doit tenir compte de ce que pense le peuple étudié de son passé. Or la communauté que nous étudions n'a, pour parler

(1) Zarmatareï : pays zarma. 4

de son histoire, que sa mémoire, ses lieux de cultes, ses tombeaux ancestraux et les vestiges de ses anciennes cités. Mais nous savons que la tradition orale ne peut constituer en soi une histoire, parce que basée sur la seule capacité de l'homme de recevoir et de conserver par sa mémoire des récits centenaires. Mais nous savons aussi que, lorsqu'elle est reçue avec prudence, puis soumise à une critique rigou¬ reuse et objective, et enfin manipulée avec soin, la tradition orale rend d'énormes services à l'historien d'Afrique. On comprend donc aisément la place que nous lui avons accordée.

Comment avons-nous recueilli ces traditions orales ?

Les techniques de collecte des traditions orales varient bien souvent avec les chercheurs. Nous avons utilisé quant à nous la méthode la plus commode pour un inexpérimenté, à savoir l'interrogation individuelle avec enregistrement sur bande magnétique. Ce procédé offre l'avantage de localiser avec plus de précision les points obscurs, mais il permet également de recueillir toutes les extrapolations du narra¬ teur, ainsi que les oublis volontaires qui, dans bien des cas, sont riches d'enseignements.

Quels moyens de locomotion avons-nous utilisés pour nos déplacements dans les différentes régions visitées ?

Ils varient de l'automobile à la marche à pied, en passant par le cheval, selon l'état des pistes et les distances à couvrir.

Quelles régions avons-nous visitées ? Ce sont essentiellement les départements de Dosso et de Niamey, principales zones d'occupation mawri.

Quels sont nos informateurs ?

NOS INFORMATEURS

Nous les énumérons en procédant par arrondissement et en précisant pour chaque arrondissement leurs centres d'habitation.

Dans le département de Dosso, nous avons visité les arrondissements de Loga et de .

Dans l'arrondissement de Dogondoutchi, principal foyer mawri, nos contacts ont été nombreux et variés ; nous signalerons seulement les plus importants.

Nous avons eu notre premier entretien à avec Guimba Dakaou, Mawri âgé de 90 ans environ, fortement initié aux cultes religieux. Son expérience a été un apport précieux dans l'orientation de notre recherche. 5

Nous avons ensuite contacté Zamman Allah (1), grand orateur, ses 96 ans lui ont permis d'accumuler des connaissances qui n'ont d'égales que la facilité déconcertante avec laquelle il entre et sort dans le passé des Mawri. Dernier survi¬ vant des quatre-vingt-dix fils du dernier grand chef de l'Arewa, Zamman Allah nous a donné un tableau complet des différentes cérémonies religieuses en pays mawri. Il nous a en outre retracé minutieusement toutes les grandes périodes de l'histoire mawri.

Toujours à Matankari, nous avons recueilli les informations de El Hadj Ali Aboubacar. Il nous a donné des indications précieuses sur la pénétration de l'islam en pays mawri et aussi sur les premiers occupants de la région : les Azna.

A dix-sept kilomètres de Matankari, Bagaji, le grand prêtre azna, Bawra Daouda a confirmé les informations de El Hadj Ali, relatives à l'antériorité des Azna dans la région. Il a également décrit avec précision les cérémonies d'introni¬ sation, les funérailles et le mariage en pays mawri.

A Lougou, autre grand centre religieux de l'Arewa, Dougourou Nouhou et Mato Ali ont accepté de relater ensemble ce qu'ils savent de l'histoire mawri, ainsi que du passage de la Mission Voulet et Chanoine dans leur village. Là, nous devons dire que leur récit, comparé à celui de Joalland dans "Le drame de Dankori", nous a donné entière satisfaction.

Dans l'arrondissement de Loga, nous avons eu :

— deux informateurs dans le centre même de Loga,

— un informateur à Goubey,

— deux informateurs à Sokorbé,

— un informateur à Komdili.

Ce sont pour Loga centre : Waziri Harouna, âgé de 85 ans, neveu du chef de canton de Loga. Il appar¬ tient du côté paternel au groupe Soudjé et du côté maternel au groupe Goubé.

Ali Hamma, âgé de 110 ans environ, est goubé (2).

Waziri, relativement plus jeune, nous a impressionné par sa connaissance des événements, mais aussi par son refus d'aborder certains problèmes.

Plus informé sur les événements les plus reculés, ses défaillances de mémoire ne permirent pas à Ali Hamma de nous faire un récit cohérent.

C'est dans le canton de Sokorbé, plus précisément dans l'agglomération même de Sokorbé, que nous avons fait la connaissance de l'un de nos principaux infor¬ mateurs : Djédé Gazibo.

(1) Zamman Allah est le fils de Bagagié qui régnait en 1898. (2) Ali Hamma est décédé en août 1971. Mawri âgé de 63 ans, Djédé Gazibo (1) est un orateur de talent. Conteur intarrissable et doué d'une prodigieuse mémoire, Djédé Gazibo est l'exemple même de "l'historien officiel". Une parfaite connaissance des grands moments de l'his¬ toire mawri fait de lui un informateur précieux.

Djibo Koko, naturellement moins expansif que Djédé Gazibo, notre deuxième informateur de Sokorbé, est le chef du quartier Koko. Il a 70 ans et paraît moins informé que le premier.

Toujours dans le canton de Sokorbé, mais dans un petit village situé à quelques quatre kilomètres de Sokorbé, nous avons rencontré Ali Halidou. Conduc¬ teur d'automobile, Ali a été contraint d'abandonner son métier à la suite d'un accident qui a lui paralysé une jambe. Agé de 40 ans, d'ethnie goubé, Ali nous a été très utile surtout pour les questions se rapportant à l'antériorité de l'occupation de la région qui nous intéresse, par les populations qui y vivent.

C'est à Komdili, berceau de la communauté mawri du canton de Sokorbé, que nous avons pris contact avec Amadou Kombeyzé, l'un de nos meilleurs informateurs.

Historien, Kombeyzé l'est à tous points de vue : au cours de nos entretiens, il a eu à faire lui-même la critique de ses informations, à dégager le voile "officiel" et à nous présenter les événements tels qu'ils se sont passés selon lui. Mais il n'a jamais omis de dire les raisons qui le font pencher pour telle interprétation plutôt que pour telle autre. Grand initié des cultes religieux, Kombeyzé a été précieux aussi bien dans l'étude politique, économique et sociale que dans l'étude culturelle et religieuse.

Dans le département de Niamey :

Les informations que nous a fournies Mme Sadi Moussa, communément lée appe¬ "Houmbourou-gna", alors âgée de 110 ans, sur les coutumes et les mœurs des Mawri furent précieuses. Notamment en ce qui concerne les mariages, les chants religieux et le partage des biens. Toujours à Niamey, Moussa Hamidou du CNRSH a eu l'amabilité de recueillir pour nous les traditions mawri du Issa-mé auprès de deux de nos principales sources quant à l'étude du Issa-mé : Djibo Salifou et Sou- maïla Siddo qui, en dépit de leurs inconfortables situations de juge et partie dans deux camps opposés, nous ont apporté, du fait même des contradictions inhérentes à leur position, d'inestimables renseignements. La parfaite connaissance des évé¬ nements marquants de l'histoire du Issa-mé, le désir de légitimer la chefferie que la colonisation lui a conférée et la manière particulièrement adroite d'éviter toutes les questions embarrassantes, que nous avons découvert chez Djibo Salibou ont été déterminants dans la conduite de notre travail.

La farouche volonté de Soumaïla Siddo, scandalisé par les prétentions zarma quant de leur à l'antériorité implantation par rapport aux Mawri, son désir de

(1) Djédé Gazibo est le fils du grand Gazibo. démentir cet état de fait, n'a d'égale que sa profonde connaissance des généalogies de toutes les populations de cette région. La précision des faits qu'il relate, l'exac¬ titude de ses références nous ont permis de rétablir l'équilibre en corrigeant les excès auxquels les informations de Djibo Soumaïla auraient pu nous conduire. C'est encore Moussa Hamidou qui nous permit de bénéficier des récits relatifs à l'histoire de Guéladio Hambodédio. Hamma Halidou a refait l'exode de son ancêtre et visité les villages qu'il a traversés. Il a pu ainsi collecter toutes les traditions sur ce dernier, depuis Ouro Gueladio jusqu'au Macina.

Dans le Tondi Kandje : nous avons été impressionné par la prodigieuse mé¬ moire de Hamma Issoufou, dit Sommokoï, que nous avons découvert grâce à l'action efficace de Hima Djedo, l'inamovible chauffeur du CNRSH. Chercheur, enquêteur à ses moments perdus, Hima est de ceux qui croient que "l'histoire du , c'est en brousse qu'il faut aller la chercher".

Enfin, le dernier de nos principaux informateurs dans le Tondi Kandje a été Zinka Sami, l'hôte magnifique dont nous n'oublierons jamais la bonne boule après vingt-quatre heures de jeûne.

Ce sont là nos principaux informateurs. On notera qu'au cours de la collecte des informations, nous ne nous sommes pas limité aux seuls Mawri. Nous avons également interrogé des anciens appartenant à différents groupes ethniques, recueilli les traditions relatives aux divers lieux de culte ainsi que les chansons populaires et les jeux d'enfants. Ce procédé nous a permis de reconstituer l'histoire des Mawri par eux-mêmes, puis l'histoire des Mawri par leurs voisins. Le travail qui va suivre est le résultat de la synthèse de ces deux reconstitutions, confrontées aux sources écrites, aux fonds d'archives et corrigées par l'inévitable interprétation de l'historien.

En hommage à tout ce que ces anciens nous ont appris sur notre incomparable pays et notre chère Afrique, nous les prions d'accepter ce travail comme une mo¬ deste contribution à l'éducation de nos jeunes frères. Au paysan nigérien qui a consenti des sacrifices incommensurables pour assurer le déroulement normal de nos études, afin de savoir qui, du Blanc ou du Noir, détient la vérité, nous vou¬ drions dire : voici le peu que nous avons pu acquérir à l'école du Blanc : "la Vérité n'appartient ni au Blanc ni au Noir, pas plus qu'au Rouge ou au Jaune ; ce n'est que la conjugaison des efforts de l'humanité entière qui pourra nous y conduire un jour". II

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A. - SITUATION GEOGRAPHIQUE DES MAWRI ZARMAPHONES

Les Mawri zarmaphones sont répartis dans trois régions principales :

1. Le canton de Sokorbé, qui forme avec ceux de Loga et de l'arron¬ dissement de Loga, que nous désignerons ici : Zigi.

2. Le canton du Tondi Kandje, relevant de l'autorité administrative de l'ar¬ rondissement de Filingué.

3. La région de Niamey, que nous appellerons ici Issa-mé, qui s'insère dans l'arrondissement de Niamey.

Ces trois arrondissements sont inclus dans les départements de Dosso pour le premier et de Niamey pour les deux derniers. Les deux départements eux-mêmes sont situés dans la partie ouest de la République du Niger.

B. - LE RELIEF

Pays enclavé, limité au nord par l'Algérie et la Lybie, au sud par le Nigéria et le Dahomey, à l'est par le Tchad, à l'ouest par le Mali et la Haute-Volta, la Ré¬ publique du Niger, avec une superficie de 1.187.000 km2, se présente sous forme d'un vaste bassin sédimentaire, marqué par quatre affleurements du socle : l'Adrar des Ifora, l'Aïr, le Damagaram et le Liptako. Ce bassin est également entaillé par de profondes vallées fossiles, les Dallols, et par la plaine alluviale du fleuve Niger.

Le territoire nigérien peut se diviser en trois parties essentielles :

7. - Les Hautes Terres, avec

a) Un massif montagneux, l'Aïr, long de 400 km et large de 250 km.

b) Les hauts plateaux du Nord-Est dont les trois principaux sont : le Djado, le Manguéni et le Tchigaï.

2. - Les zones sableuses du Sahara se divisent en deux parties :

— le Talak à l'ouest de l'Aïr,

— le Ténéré à l'est.

3. - Les plateaux du Sud

Situés à peu près au sud du 13e parallèle, ces plateaux groupent la quasi totalité de la population du Niger, sur une superficie de 400.000 km2. Ces plateaux peuvent se diviser en trois régions :

a) L'Est qui formait naguère le bassin versant de la rive gauche du Komadougou. 12

b) Le Centre comprenant l'Ader, les Goulbis et le Tegama.

c) Enfin, l'Ouest où se situent nos trois zones d'occupation Mawri, englobe :

— la plaine alluviale du fleuve Niger, au niveau de Niamey, quitte le socle pour traverser les couches du continental terminal, formées de grès et d'argiles ;

— la région des Dallols : vallées fossiles descendues de l'Aïr et de l'Adrar des Iforas, entaillant le plateau du continental terminal. Ces Dallols qui devaient autre¬ fois drainer en direction du fleuve d'importantes quantités d'eau, ont toujours constitué des voies naturelles de passage dont l'importance tout au long de l'his¬ toire sera déterminante dans l'occupation du cadre géographique qui nous intéresse.

C. - LE CLIMAT

1. - Les zones climatiques

Située entre les 12e et 18e parallèles, la République du Niger participe à trois zones climatiques :

a) le sud-ouest - nord soudanien, qui concerne essentiellement la région de Gaya dont la caractéristique principale est l'abondance des précipitations ;

b) la zone saharienne, couvrant environ 850.000 km2 et qui se singularise par l'absence ou l'insuffisance des précipitations, suivant les régions et les grandes amplitudes thermiques ;

c) la zone sahélienne dans laquelle s'intégrent les cantons de Sokorbé, du Tondi Kandje et la région de Niamey et leurs Mawri. Cette zone sud sahélienne est marquée par la possibilité des cultures maraîchères. C'est le domaine du petit mil et des sédentaires.

Les populations y distinguent trois saisons principales et deux petites saisons qui ne sont en réalité que des périodes de transition.

2. - Les Saisons

a) Une saison sèche et froide allant de novembre à février que les Zarma désignent sous le nom de jew. Elle est caractérisée par les grandes amplitudes thermiques atteignant parfois 20°C en janvier. C'est à cette saison que l'harmattan dessèche la peau, fendille les lèvres et réduit parfois la visibilité en provoquant des vents de sable.

b) La période mars-mai est marquée par la saison sèche et chaude que les Zarma appellent hayni. Saison des grandes chaleurs (jusqu'à 41°C à l'ombre en avril-mai), elle est éprouvante aussi bien pour les hommes que pour les animaux. A la dégradation de la végétation s'ajoute l'assèchement des quelques rares points d'eau. A cette période difficile, succède l'hivernage. Mais déjà en fin mai-mi juin, 13 les nuits sont plus fraîches, l'air est plus humide et les premiers nuages font leur apparition. C'est la saison intermédiaire : burabura burjina (1), marquée par l'éclo- sion de nouveaux bourgeons sur les arbres.

c) Comme pour soulager hommes et bêtes de la longue épreuve, fin juin apporte la pluie après 8 à 9 mois de sécheresse. C'est l'hivernage : kaydiya. De juin à septembre le temps est plus doux, les points d'eau se multiplient et favorisent la dispersion des hommes et des bêtes. Les précipitations, moins de 500 mm de pluie par an, avec l'évaporation, permettent à peine au mil d'arriver à la maturation.

d) La période des récoltes que les Zarma appellent heemar est une période d'abondance et de réjouissances collectives. C'est à cette période que se situent les grandes manifestations (séances de luttes, etc.). C'est une saison intermédiaire qui se caractérise par l'action conjuguée de kaydiya et de jew. Mais au fur et à mesure que décembre approche, les effets de kaydiya s'estompent : les pluies et les nuages sont de plus en plus rares, les nuits sont de plus en plus fraîches et l'air devient de plus en plus sec.

3. - La végétation

La flore qui souffre beaucoup de l'évaporation, de l'amplitude thermique et des variations hygrométriques se présente sous la forme d'une végétation clairsemée avec, par endroits, des formations arbustives difficilement pénétrables. Les espèces les plus répandues sont celles qui résistent le plus à ces conditions climatiques extrêmement rigoureuses :

a) Les combretacées (2)

*Saabara : Guiera senegalensis *Deeli nya : Combretum elliottii (la gomme) *Kuubu : Combretum mecranthum

b) Les Mimosacées

*Zamtuuri : Prosopsis africana *Baani : Acacia adansonii *Gaawo : Acacia albida *Bisaw : Acacia raddiana *Bagaruwa na miji (3) : Acacia nilotica

(1) La traduction littérale donne : buru = nuage ; jina = premier burjina : premier nuage.

(2) Cette classification a été établie par M. Mounkaïla Garba, Pr de Sciences Naturelles au lycée Issa Korombé. Tous les noms portant le signe * sont des mots zarma. (3) nom hawsa. 14

c) Les Ceasalpiniacées

*Kosey : Bauhinia senegalensis

d) Les Zygophyllacées

*Garbey : Balanites egyptiaca

e) Les Rhamnacées

*Daarey (jujubier) : zyzyphus mauritina f) Les Bombacées

*Kow (baobab) : Adansonia digitata g) Et aussi les Meliacées

*Farre (caïlcédrat) : Kaya senegalensis. A cette végétation il convient d'ajouter les karités, les fromagers, les tamariniers, les kapokiers, les palmiers-doum, les roniers, les gamsa, les fantou et autres kangawa.

D. - L'OCCUPATION DU CADRE GEOGRAPHIQUE

Voies naturelles de passage, les Daliois et la vallée du fleuve ont toujours mis en rapport l'Ouest du Niger avec le Dendi, le Sonraï, le Hawsa, le Zarma et l'Azawak.

C'est ce brassage continu des populations qui a donné à cette région son cachet si particulier : les mouvements de population consécutifs à l'invasion maro¬ caine et aux bouleversements politiques qui en découlèrent, virent les premiers éléments zarma, les Kalle, se diriger vers cette région d'accès facile et dont les légendes vantaient les richesses naturelles, l'abondance des eaux et la relative sécu¬ rité qui y régnait. Fuyant les exactions peul et touareg, ces Kalle s'infiltrèrent par petits groupes dans le Zarmaganda, le Boboye, le et le Zigi. Les autochtones Sakaranne et Soromsorom qui y vivaient alors furent rapidement submergés et assimilés ; ceci devait se passer vers la fin du XVIe siècle. Peu après, du XVIIe au XVIIIe siècle, d'autres éléments zarma, les Wazi, partis de la région de Maie des¬ cendirent dans le Dallol, à partir de Sargane d'où ils se divisèrent en deux groupes. Le premier se fixa dans le Dallol Bosso autour de Fandou, Damana et Boude re¬ poussant dans le Zigi et la région de Filingué, les Kalle qui y étaient déjà installés. Le second groupe alla fonder Dosso près des Sabiri qu'ils submergèrent, ne leur laissant que le privilège d'assumer le rôle de premier dignitaire de la cours des Djermakoye de Dosso.

De la fin du XVIIe siècle au début du XVIIIe siècle, les Soudié, fuyant les querelles et les pressions des Touaregs de la région de se rabattirent sur la région de Filingué où ils fondèrent le Kourfey avec quelques éléments hawsaphones, après avoir assimilé ou refoulé les Kalle dans les plateaux du Zigi. A peu près à la même période, les Peuls, qui avaient déjà commencé leur infiltration pacifique dans les pâturages relativement riches des Daliois et de la vallée du fleuve, se fixèrent 15

L'OUEST DU NIGER ET LES DALLOLS

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Echelle ï I GERlA 25 ta! 16 autour de Lamordé, et auprès des Gourmantchés autochtones.

Au cours du XVIIIe siècle, les Arawa qui se lancèrent dans l'exploration des Dallols et de leurs affluents, à la recherche de bonnes terres et de gibiers, com¬ mencèrent à se fixer près de Goubé, autour de Komdili, Darey, Sokorbé, refoulant vers les terres les plus inhospitalières les Kalle et autres fractions zarma apparentées parmi lesquelles les Kogori. Quelques-uns s'installèrent plus au nord, dans les brousses épaisses du Tondi Kandje dans les centres de Folo, Koussa et Bangario.

Dans la première moitié du XIXe siècle, les Zarma, dont la fraction Kalle avait étendu son occupation jusque dans la région de et soumis les auto¬ chtones Golé, durent faire face aux guerres peules déclenchées par l'appel d'Ousmane Dan Fodio. Les Touaregs appelés par les Sonraï de la région de Tera pour les aider contre les Peuls, mirent à profit les dissensions internes entre les différentes popu¬ lations et l'affaiblissement qui s'en suivit pour s'infiltrer dans la région de Tera et du Kokoro et s'implanter dans l' et le Tegazar où ils assimilèrent les fractions zarma y vivant.

A la fin du même siècle, les guerres d'occupation française dans le Kayor et le Soudan eurent pour conséquence l'arrivée des troupes de Ahmadou Chekou et Ali Bouri sur les bords du fleuve.

C'est dans ce cadre géographique où l'instabilité politique, l'insécurité et la lutte perpétuelle pour la survie faisaient loi, et où les cultures ne sont possibles que dans les vallées et sur les plateaux sablonneux, que vont se développer les trois communautés Mawri que nous nous efforcerons d'étudier.

A l'image de ce pays aux sols ingrats, aux conditions climatiques particulière¬ ment difficiles et où le seul cours d'eau permanent est le fleuve, l'histoire Mawri zarmaphone sera elle aussi insaisissable et fluctuante tant au niveau de la consti¬ tution des différentes communautés qu'à celui de leurs origines.

18

A. - LES TRADITIONS

"Nous sommes des Bornantchés, notre ancêtre vient du Borno", telle est la réponse donnée communément par les Mawri.

Les traditions relatant ce fait sont aussi nombreuses que variées. Afin d'avoir le plus large éventail possible, nous avons sélectionné cinq textes d'informateurs issus de régions et de milieux sociaux différents.

Texte n° 1 : de Zamman Allah Bagagie (1)

"Notre ancêtre vient de Borno. A l'époque, le chef de Borno était le chef de toute cette partie du monde. Son fils organisait des expéditions jusqu'à Bagaji et lançait des expéditions à partir d'ici. Or le chef animiste de Bagaji, Bawra, avait une fille qu'il chargea d'apporter le repas au fils du chef Borno, Ari. Chaque fois que la fille apportait le furaa (2) du midi, Ari demandait :

— "furaa koo da may furaa ? " le "fura" seul ou la propriétaire du fura avec ? ?

Le soir en déposant le tuwo (3) la jeune fille s'entendait demander par le prince bornouan :

— "tuwoo ko da may tuwoo ? " le "tuwo" seul ou le "tuwo" avec la propriétaire ?

La fille ne répondait pas. Un jour, agacée par cette manie de Ari, elle refusa de lui porter à manger. Bawra inquiet et surtout vexé par ce refus contraire aux usages, enferma la fille dans une case, prêt à lui donner une correction exemplaire. La fille expliqua la raison de sa désobéissance. Rassuré, Bawra lui dit : "la pro¬ chaine fois qu'il te posera cette question, réponds-lui "duk", c'est-à-dire, le fura et la propriétaire avec"'

La fille fit ce que lui conseillait son père. Quelques jours après, Ari demanda sa main. Elle lui fut accordée.

Trois mois après le mariage la jeune femme conçut. C'est alors qu'Ari décida de retourner à Borno, laissant sa jeune femme à Bagaji. Sarkin (4) Borno, inquiet du retour précipité et discret de son fils (5) ; lui demanda des explications. Ari lui dit alors, qu'il avait épousé la fille du chef animiste de Bagaji, ce qui en soi était une faute grave pour un musulman, mais qu'en plus la jeune femme était enceinte.

(1) Zamman Allah Bagagie : texte recueilli en 1971 ; l'informateur était alors âgé de 94 ans.

(2) Furaa : boule de mil qui se prend généralement à midi.

(3) Tuwo : pâte de mil.

(4) Sarkin : chef, en hawsa.

(5) La tradition orale rapporte que Ari était rentré au Bornou, sans fanfare, sans parade et sans annoncer son arrivée. 19

Son père le pria de se retirer. Lorsque la jeune femme arriva à terme, elle eut deux jumeaux. Sarkin Borno qui comptait les mois dépêcha des émissaires assurer le baptême de son petit-fils. A l'arrivée de la délégation bornouane, elle ne trouva qu'un seul enfant vivant. C'est qu'entre temps, l'un des jumeaux était venu en ram¬ pant toucher l'épaule de Bawra. Bawra se retourna brusquement et l'enfant tomba mort sur-le-champ.

Le survivant fut éloigné de son grand-père et caché quelque part dans le vil¬ lage. Depuis lors, Sarkin Arawa et Bawra ne se rencontrent jamais.

A l'arrivée de la délégation bornouane, qui avait pour mission de ramener l'enfant si c'était un garçon et de le laisser si c'était une fille, le baptême eut lieu. Après le baptême, les gens de Bagaji se demandaient quelles scarifications faire à l'enfant. Une vieille femme eut alors une ingénieuse idée. Elle prépara un bain pour le chef de la délégation bornouane. Puis à travers une fente qu'elle pratiqua dans le secko, elle put voir les scarifications que portait l'homme et revint donner des indications pour qu'on en fît des semblables à l'enfant.

Après son bain, l'homme fut surpris de voir que l'enfant portait les mêmes cicatrices que lui.

"Ces cicatrices, dit-il, ne sont pas celles du père, mais celles des esclaves du Sarkin Borno. Je suis un esclave".

Il refusa alors de ramener l'enfant au Borno comme il en avait reçu l'ordre. De retour, il se cacha et ne voulut pas rendre compte de sa mission, de peur de perdre la vie après ce qui s'était passé. Le chef le fit rechercher. Il avoua le regret¬ table incident et sur l'insistance de ses notables, Sarkin Borno lui laissa la vie sauve et dit — "Akazama can" — "que l'enfant reste là-bas". C'est cette expression qui va donner le nom Akazama à l'enfant de Ari. C'est cet enfant qui est le premier Sarkin Arewa (1), et son peuple prit le i\om de Arawa (2). C'est lui qui fut le premier Sarkin Arewa. Il était à Kawra (3) où il est enterré avec six autres Sarkin Arewa :

— Salma

— Koulmoulma Dan Indo

— Yaji Kawadawa

— Birima

— Kadan Biri Gasasaka

— Tassao

(1) Arewa mot hawsa désignant le nord ; mais les Mawri disent qu'ils s'agit ici du pays de Ari.

(2) Arawa les gens de Ari.

(3) Kawra situé au sud.de Dogondoutchi. 20

Texte n° 2 : de Bawra Bawa texte recueilli le 22 mars 1974 à Bagaji.

"Duk mazan Areewa tushin su nan shi kee " — tous les gens de l'Arewa ont leur origine ici.

Les Arawa de Matankari, les Konawa (1), ceux de , de Guécheme (2), tous les Arawa viennent d'ici et je vais t'expliquer comment.

Bagazaza Sarkin Borno avait un ami du nom de Bagarbi. Ce Bagarbi était à l'Est de Borno, à . Bagazaza émigra avec son ami, Bagarbi. Pendant plus de trois ans, il guerroya dans toutes ces régions.

C'est lui qui est à l'origine des chefferies de Zaria, Katsina, Kano, Damagaram. Toutes ces régions y compris la région de Bagaji lui payaient tribut. Il établissait son camp là, près de la Mare de Birni Lokoyo et c'est à partir de ce camp qu'il lançait des expéditions contre les régions rebelles ou pour se procurer des esclaves et des animaux c'est aussi dans ce camp que toutes les régions d'ici lui apportaient les tributs annuels. Chaque année, non seulement il renvoyait à Bagaji le tribut que nous lui envoyions, mais en plus il prélevait sur les tributs des autres pour nous donner. Au cours de ces déplacements, un homme du Dawra épousa sa fille. Lorsque la fille accoucha, elle eut un garçon. Bagazaza, au lieu de lui faire les scarifications du Dawra, lui fit des cicatrices fantaisistes pour prouver sa puissance. C'est ces cica¬ trices que tu portes aujourd'hui. Je te dirai pourquoi. L'enfant revint avec sa mère chez ses pères (3) ; il grandit, se maria et devint un grand prince. Mais le Dawra payait toujours tribut au Sarkin Borno. Un jour, le jeune prince renvoya les collec¬ teurs de redevances de son grand-père :

"Allez-y dire à ce vieux (4) qu'il nous embête ; le Dawra ne lui don¬ nera plus rien du tout".

C'est à partir de ce jour que le Dawra n'a plus payé quoi que ce soit au Sarkin Borno.

Les jours passèrent. Bagarbi quitta son ami Bagazaza, Sarkin Borno, et s'en¬ vola avec sa sœur Sarawnia jusqu'à l'emplacement actuel de Lougou où ils s'établirent.

Bagarbi décida en accord avec sa sœur d'aller explorer les environs. C'est alors qu'il découvrit l'emplacement de l'actuel Bagaji. De retour, il proposa à sa

(1) Konawa : les gens de Kona ; Kona est quartier de Doutchi. (2) Tibiri, sont des villages Arawa. (3) Lorsqu'une jeune femme conçoit son premier enfant, à partir du septième mois, elle revient dans sa famille et ne rejoint le foyer conjugal que trois mois après son accouchement. C'est l'occasion pour sa mère de lui donner l'éducation maternelle nécessaire à l'entretien de son bébé. (4) Il existe dans la société Arawa, comme dans presque toutes les sociétés nigériennes, des relations de plaisanterie entre petit-fils et grand-père. Le jeune prince en a profité pour affranchir le Dawra. 21

sœur d'abandonner "Lougou" pour Bagaji. Sa sœur répondit qu'elle préférait y rester. Bagarbi vint s'installer ici. Mais auparavant, il laissa à sa sœur leur pierre sacrée : "Tunguma" (1).

Bagarbi avait emmené avec lui une femme béribéri. La femme conçut et Bagarbi dit qu'elle accouchera d'une fille dont le mari viendrait d'ailleurs. La jeune femme protesta et dit : "je ne suis pas enceinte; je n'ai rien". A six mois, elle fut obligée de reconnaître le fait. Comme Bagarbi l'avait prédit, sa femme eut une fille qui grandit et devint majeure sans que personne ne demandai sa main.

Pendant ce temps,Bagazaza, inquiet de n'avoir aucune nouvelle de son ami Bagarbi, décida d'aller le chercher. C'était un grand guerrier et il passa tout son voyage à guerroyer dans les régions traversées. Il fit un énorme butin qu'il con¬ voya husqu'à Bagaji. Très heureux de retrouver son ami Bagarbi, il décida d'ins¬ taller son camp à Bagaji. C'est de là qu'il lançait des expéditions dans les régions environnantes.

Bagarbi chargea sa fille d'apporter à son ami ses repas. Mais chaque midi quand la fille déposait à Bagazaza son fura, ce dernier demandait :

"Da furaa da may furna ? " La boule et la propriétaire de la boule ?

Chaque soir en déposant le tuwo de l'étranger, ce demier questionnait :

"Da tuwoo da may tuwoo ? " le touwo et la propriétaire avec ?

La fille se taisait. Un jour, voulant informer son père elle dit qu'elle n'appor¬ terait plus le repas de l'étranger.

— "pourquoi, demanda son père ;

— "parce qu'il me dit toujours — Da furaa da may furaa.

Bagarbi dit alors à sa fille : "s'il te pose cette question, réponds-lui "duka", c'est-à-dire, la boule et la propriétaire de la boule". En d'autres termes, Bagazaza pouvait prendre la boule et celle qui a apporté la boule. C'est ce que fit la fille et Bagazaza demanda sa main. Elle lui fut accordée. Le mariage fut célébré. Mais avant la date prévue pour le retour de Bagazaza, la jeune femme avait conçu et de ce fait ne pouvait supporter le voyage. Il décida donc de la laisser dans sa famille. A terme, elle eut des jumeaux. Informé, Bagazaza envoya deux poignards (yukan hannu), deux boucliers, deux lances, deux sabres, deux turbans et chargea son petit-fils auquel il avait fait faire des cicatrices fantaisistes d'aller à Bagaji pour le baptême de ses jumeaux.

"Tu remettras, avait dit Bagazaza, toutes ces affaires aux grands-parents. Tu

(1) Tunguma : pierre sacrée dont les Aznas se servent pour rendre justice. 22

leur diras de remettre à chacun de mes enfants ces armements lorsqu'ils seront grands. Ils me trouveront ici".

Arrivée à Bagaji, la délégation bornuane dirigea la cérémonie du baptême, mais auparavant, les gens de Bagaji qui se demandaient quelles scarifications faire aux en¬ fants parce que leur père portait toujours un turban eurent une idée très originale. Une vieille femme vint dire au chef de la délégation :

— "on n'attend que toi pour le baptême, je t'ai porté de l'eau derrière la case, va te laver afin qu'on puisse faire le baptême".

Pendant que le petit-fils de Bagazaza qui dirigeait la délégation se lavait, la même femme put, grâce à une fente pratiquée dans le secko, voir ses cicatrices et donner des indications afin qu'on en fît de même sur les joues des jumeaux. Après son bain, l'homme surpris de voir les enfants porter les mêmes cicatrices que lui s'écria :

— "ce ne sont pas les scarifications de leur père ; leur père est babarbaré (1).

C'est alors qu'il leur dit qu'il est le petit-fils de Bagazaza et leur fit l'historique de ses cicatrices.

De retour à Borno, le jeune homme après bien des hésitations rendit compte à Bagazaza, Sarkin Borno, qui répondit :

— "Baabu koomii, asu zamaa can" ça ne fait rien, ils resteront là-bas.

C'est cette expression "assou zama can" qui a donné à l'ancêtre de tous les Arawa le nom Akazama : en hawsa, tu vas rester.

Les jumeaux grandissaient normalement et commençaient déjà à ramper lorsqu'un jour, Bawra, assis le dos tourné, fut touché à l'épaule par l'un des jumeaux. Il se retourna et l'enfant tomba mort sur-le-champ. Bawra baissa la tête et dit à ses gens : — "prenez vite le deuxième". Le survivant fut éloigné de Bawra et caché quelque part dans le village où il grandit. C'est depuis ce jour que Sarkin Arewa et Bawra ne se rencontrent jamais.

Texte n° 3 :de Dougourou Nouhou et Ali Mato recueilli le 24 mars 1971 à Lougou.

La première occupante de cette région c'est Sarawnia. Elle était avec un homme de Dany Gouffi. Ils étaient les premiers occupants de cette région. Mais nous ne pou¬ vons dire s'ils étaient mariés ou si l'homme était son esclave. Tout ce que nous savons, c'est qu'ils vivaient ensemble.

(1) Babarbé : mot hawsa connu en français sous la forme béribéri. 23

Par la suite un forgeron nommé Oukay qui était en même temps chasseur vint demander la main de la fille de Sarawnia. Cette dernière lui répondit :

— "je te donne ma fille à la condition que tu cesse de forger".

A cela Oukay répondit :

— "de quoi vais-je vivre" ?

Sarawnia lui dit :

— "va chercher où construire ta case et reviens me voir".

Oukay, dans ses recherches, découvrit l'eipplacement actuel de Bagaji et revint chez Sarawnia.

— "j'ai vu l'endroit où je vais m'installer".

Sarawnia lui dit :

— "arrivé là où tu fixeras ta case, creuse un trou suffisamment profond pour enfouir ton matériel de forge. Auparavant, verse de cette terre que voici au fond du trou, puis enterre tout ton matériel de forge. Tout ce que tu demanderas, tu l'obtiendras".

Ainsi fit Oukay, fondateur de Bagaji dont il devint le chef animiste et prit le titre de Bawra.

De ce mariage, Bawra Oukay eut une fille qui grandit et devint majeure. Un jour, Sarkin Borno vint guerroyer et collecter les redevances dans cette région. A l'époque, tout ce pays lui versait tributs.

Sarkin Borno établit son camp à Bagaji et le Bawra Oukay chargea sa fille d'assurer les repas de l'illustre étranger. Mais chaque fois que la fille apportait le repas, Sarkin Borno disait :

— "Naa amshii furag ga dud da fayfay ? " (1) je prends cette boule avec le van qui la couvre — en d'autres termes, je prends la boule et celle qui me l'a apportée ?

La jeune fille répéta à sa mère ce qu'avait dit l'étranger. La mère lui répondit : "il t'aime". Elle en informa Bawra. Peu après, le mariage fut célébré. Sarkin Bomo resta encore un certain temps à Bagaji, tout en lançant des expéditions dans l'arrière- pays. Puis il quitta pour Borno. Mais la jeune femme entre temps avait conçu.

(1) Fay fay : van utilisé en pays zarma et hawsa pour fermer les récipients contenant de la nourriture. 24

Elle ne put donc suivre son mari. A terme, elle eut des jumeaux et le mari dépêcha à Bagaji une délégation. Peu avant l'arrivée des Bornuans, un des jumeaux mourut de la façon suivante : un jour que Bawra était assis le dos tourné, un des enfants rampa jusqu'à lui et lui toucha l'épaule. Bawra au contact de cette main se retourna brusquement et l'enfant tomba mort. Si bien qu'à l'arrivée de la délégation bor- nuane, chargée de baptiser les enfants, elle ne trouva qu'un seul enfant caché quelque part dans le village pour échapper au regard de Bawra. C'est depuis cet événement malheureux que le Bawra de Bagaji et le Sarkin Arewa ne se rencontrent jamais.

Les émissaires du Sarkin Borno étaient des dogaray (1) qui avaient les cica¬ trices que nous portons en ce moment.

C'est une vieille femme qui dit aux grands-parents de l'enfant de lui faire les mêmes scarifications que celles que portaient les Dogaray. Lorsque Sarkin Borno l'apprit, il dit :

— "Akazama can" qu'il reste là-bas.

C'est ainsi que l'enfant ne fut pas ramené à Borno. L'expression "Akazama can" est à l'origine du nom de l'ancêtre de tous les Arawa. Car le jeune Akazama réussit par sa valeur guerrière à s'imposer. Si bien que tous ceux qui venaient se mettre sous sa protection se faisaient faire les mêmes cicatrices que lui. C'est ainsi que son "monde" (2) s'agrandit et qu'il devint le premier Sarkin Arewa. Akazama quitta Bagaji et vint s'installer à Kawra et comme il vient d'une bonne famille, le sang ne ment pas, il devint chef : Sarkin Arewa.

Texte n° 4 ï de Ali Boubacar recueilli le 22 mars 1971 à Matankari.

Les Arawa viennent de Borno. Le fils du Sarkin Borno est venu à Dawara. Il a logé chez une vieille femme qui lui dit qu'elle ne peut abreuver son cheval parce qu'il y a un Aljani (3) dans le puits. Cet Aljani retient la puisette. Le prince prit lui-même la puisette et alla au puits abreuver son cheval. Dès que la puisette toucha le fond du puits, elle fut retenue par le génie. Le fils du Sarkin Borno s'écria :

—"qui que tu sois, laisse-moi abreuver d'abord mon cheval et ensuite sors pour que je puisse te voir".

Le génie accéda à cette demande, et lorsque le prince bornuan eut abreuvé son cheval, il commença à sortir du puits. Quand il sortit à moitié, le prince le

(1) Dogaray : soldats du chef hawsa singulier : Dogari.

(2) Monde : ici, son peuple. (3) Aljani : génie, diable en hawsa. 25

coupa en deux avec son sabre. Une moitié tomba hors du puits et l'autre retomba dans le puits. Le prince déposa son sabre sur la partie tombée à l'extérieur du puits et s'en alla. Le lendemain, tous les jeunes du Dawra furent réunis dans le but de retrouver celui qui a pu abattre le monstre. Mais personne ne put rengainer le sabre abandonné par celui qui avait tué le Aljani. La vieille femme dit alors que son étranger avait été au puits hier nuit. On fit appeler l'étranger et il prouva qu'il était le vainqueur en rengainant le sabre dans le fourreau qu'il avait suspendu à sa ceinture. En récompense, on lui donna la fille du Sarkin Dawra.

La jeune femme conçut et le prince bornuan qui devait rejoindre Borno fut obligé de la laisser à Dawra parce que son état ne permettait pas un voyage aussi pénible. De cette union naquit un fils qui prit le nom de Ari. Cet Ari grandit et vint guerroyer dans cette région. Il établit son camp à Bagaji. Il épousa la fille du chef animiste de Bagaji : Bawra. Il quitta par la suite pour Dawra. Mais il ne put partir avec sa femme qui était en état de grossesse. De Dawra il envoya des émis¬ saires voir si elle avait accouché avec ordre de la ramener elle et l'enfant. Malheu¬ reusement, après le baptême, les parents maternels de l'enfant lui firent des cica¬ trices semblables à celles du Dawra ; mais ils les firent mal. Or le père n'était pas de Dawra, mais bien de Borno par son père ; c'était donc un babarbaré (1). La délégation surprise de voir que l'enfant portait la même cicatrice qu'elle, refusa de ramener la femme et l'enfant, et les laissa à Bagaji. L'enfant grandit et com¬ mença à chasser les poulets et autres animaux de Bagaji. Bawra lui demanda pour¬ quoi. Il répondit :

— "moi je ne fais pas comme toi, je fais comme mon père ; c'est pour cela que je m'exerce sur les poulets".

L'enfant devint insupportable, fort et courageux. Par sa valeur, il devint le chef de l'Arewa et fut le premier Sarkin Arewa.

Texte n° 5 : de Oumarou Moussa (2).

Le fils du chef de Bornou allait vers l'Ouest avec son père. Il épousa la fille du chef animiste de Bagaji, Bawra. Au moment du retour, la jeune femme ne put effectuer le voyage parce que son état... (3)... De ce fait, l'enfant prit le nom de Akazama. A sept ans, la Sarawnia décida de l'envoyer voir son grand-père, le Sarkin Bornou. Le jeune Akazama fut très bien reçu par sa famille paternelle qui lui donna le nom de Ari, c'est-à-dire Ali. Ari est donc une déformation du nom Ali due à la prononciation béribéri. Son grand-père, le chef du Bornou lui dit de retourner à Bagaji et de prendre à son propre compte toutes les possessions du Bornou sur une distance de sept jours de cheval à l'est, à l'ouest, au nord et au sud, à partir de Bagaji. Pour asseoir son autorité, le Sarkin Bornou lui donna une garde de trois cents cavaliers.

(1) Babarbaré : béribéri.

(2) Texte recueilli en 1972 auprès du "Lion" M. Oumarou Moussa, alors Directeur du Crédit du Niger, actuellement Directeur de la Banque de Développement de la République du Niger. (3) Les pointillés indiquent la même version que les précédents récits. 26

B. - ANALYSE DES TEXTES

Les points d'accord

Une première observation permet de constater que les traditions s'accordent sur certains points.

Toutes reconnaissent que les Arawa ne sont pas les premiers occupants de la terre devenue leur pays : "Azna suneyan kasa" disait Zamman Allah. Les Azna sont les premiers occupants de cette terre.

Les traditions affirment également l'autorité religieuse dont jouissaient Sarawnia et Bawra.

De même les traditions acceptent que toute la région était sous l'autorité du Sarkin Bomo.

Un autre point d'accord se situe au niveau de la création et de l'extension de l'Arewa par la force. Tous nos textes sont explicites : "c'est par sa force et ses qualités guerrières que Akazama a créé l'Arewa".

Enfin, toutes les traditions insistent sur l'origine bornuane des ancêtres Arawa.

Mais cette même analyse nous fait constater qu'il y a des points de désaccord.

Les points de désaccord

Ces contradictions concernent non seulement le nom même de Akazama, mais aussi celui de son père. De même certaines informations sont données par certaines traditions, tandis que d'autres n'en font pas mention. De ce fait, les textes que nous avons recueillis posent des problèmes que nous ne pourrons résoudre qu'après une interprétation rationnelle des traditions.

C. - INTERPRETATION

La monographie du cercle de Dogondoutchi, se fondant sur deux traditions, affirme : "originaires du Bornu, les Arawa sont venus en conquérants s'installer dans la province qu'ils occupent actuellement, repoussant vers le nord les Azna (1), race autochtone, mais proche parente".

Partant des mêmes traditions, Urvoy écrit : "Un principe d'unité supérieure fut apporté au XVIIe siècle, semble-t-il, par une bande de gens venus du Bornu qui fut le noyau du peuple Mawri... La bande a été dans une société invertébrée, simple réseau de villages indépendants, l'initiateur d'une forme d'organisation plus

(1) Pour les Azna, cf. Piault, 1970. 27 haute. La plus grande partie des Azna entra dans cette nouvelle communauté... mais sans s'intégrer complètement, en particulier sans en adopter les cicatrices et en conservant leur nom Azna et leur pouvoir religieux".

Perié et Sellier rapportent également : "Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, une bande de guerriers venus de l'Est s'installa provisoirement dans le Raffi (1), le chef de cette bande présenté comme le fils du Sarkin Bornu... épousa une fille du Bawra de Bagaji. De cette union naquit Akazama qui, fixé à Karfé, au nord d'Argoungou, opéra des razzias aux dépens des Kabbawa. Les gens de Ari prirent le nom Arawa, singulier Ba'aré, dont les étrangers ont fait Mawri. Le succès s'at¬ tacha aux entreprises de Ari ; la petite bande se renforça de guerriers nouveaux et s'installa à Kawra dans les collines rocheuses à 30 km au nord-est de Dogondoutchi. Un petit état féodal se forma avec les parties autochtones : c'est l'Arewa".

Retenons donc pour l'instant qu'originaires du Bornou, les Arawa ont réussi à créer un noyau particulièrement dynamique dans une zone où naguère vivait une société répartie dans les villages indépendants les uns des autres, et n'ayant pour seuls liens que la croyance en une même religion, et l'appartenance à une même aire linguistique : les Azna. Mais ce noyau qui a joué le rôle d'incitateur, d'où tire-t-il son nom ? D'où vient-il ? A quelle époque s'est-il implanté dans la région qu'il a conquise ?

D'où vient le nom Arawa ?

Nous avons retrouvé la première mention d'une expression qui se rapproche du nom Mawri chez IBN BATTOUTA (2) :

"...le Nil descend ensuite vers Tunbuktu, puis vers Kawkaw que nous men¬ tionnerons l'un et l'autre plus tard, puis vers Mùli qui est le pays des Limiyyum et le dernier district du Malli en aval de Gao puis à Yufi qui est un des plus impor¬ tants. Le blanc n'y pénètre pas car on le tuerait avant d'y arriver. Ensuite le Nil descend vers le pays des Nuba qui suivent la religion chrétienne, puis vers Dankula la plus grande de leurs villes...".

Dans "The Negroland" (p. 30), Cooley place Mùli à quatre jours de Sokoto.

Peut-on établir un parallèle entre Mùli et Mawri ?

1. — Selon que l'on emprunte la route Matankari-Dogondoutchi-Keche-Kore Mayroua-Tibiri-Zaziatou-Sojcoto ou que l'on prenne l'axe Matankari-Dogondoutchi- Lido-Guecheme-Argoungou-Sokoto, ou encore l'itinéraire Matankari-Dogondoutchi- Goubey-Dogontapki-Dankasari-Sokoto, on constate que le voyageur peut se rendre du centre de l'Arewa à Sokoto en quatre jours.

2. — Il existe dans l'Arewa, à la frontière du Sokoto et de l'Arewa, une ville

(1) Raffi : vallée (Dallol mawri). (2) Voyage das le Bilad al Soudan en 753-754 (1352-1353 après J.C.). 28

du nom de Bankoula qui a connu sa période de gloire avec un important marché. On est tenté d'établir là aussi un parallèle entre Dankoula et Bankoula.

3. — Quand on sait que le nom Mawri est donné par les Peuls et les Zarma aux Arawa implantés en pays Zarma, et par extension à tous les Arawa, on est tenté d'établir une liaison entre MiHi et Mawri. Mais toutes les traditions et toutes les sources dont nous disposons ne nous permettent pas de remonter au-delà du XVIe siècle pour l'apparition des Arawa en pays Zarma. Or Ibn Battouta a effectué son voyage entre 1352 et 1353. En tout état de cause, nos connaissances actuelles ne nous permettent pas de rejeter ou d'admettre l'identité Muli-Mawri. Nous pen¬ sons néanmoins approfondir cette question dans la suite de nos travaux qui porte¬ ront essentiellement sur les Arawa c'est-à-dire les Mawri Hawsaphones.

Selon Urvoy, deux hypothèses sont à envisager.

"Mawri est le nom que se donnent les habitants, mais ils appellent leur pays Arewa. Ce mot désigne généralement pour le Hawsa, le Nord. Le Mawri serait-il "la terre du Nord". Mais il est plutôt à l'Est du pays hawsa. Je suggère une autre hypothèse".

"Les organisateurs du pays sont venus vers le XVIIe siècle du Bornou. Or parmi les sept petits Etats qui formaient à cette époque l'hadeijia, sous la souverai¬ neté du Bornou, deux, le Fagi et le Kazawré, avaient des chefs appelés "Sarkin Arewa". Les premiers chefs Mawri issus de famille princière bomouane peuvent être des rejetons de ces rois de l'Arewa et avoir transplanté le titre avec eux".

Que penser de ces deux hypothèses ?

D'abord il faut noter une confusion quant aux termes. Les habitants de l'Arewa ne se sont jamais donné le nom de Mawri. Mawri est plutôt le nom que les Zarma leur ont donné.

"Nous sommes", disait Zamman Allah, "des Arawa, c'est-à-dire, les gens de Ari. Le nom Mawri nous a été donné par les Zabarmawa (les Zarma)". Tous les informateurs sont formels :

— Arawa : les gens de Ari ; — Arewa : le pays de Ari et de ses gens.

La deuxième hypothèse formulée par Urvoy ne résiste pas non plus à la cri¬ tique. Bien que les Sarkin Fagi et Kazawré aient pris le titre de Sarkin Arewa, les populations de ces régions n'ont jamais été appelées Arawa. D'autre part, les Hawsa n'ont jamais désigné les gens du nord par le nom Arawa. Il s'agit ici d'une extra¬ polation de Urvoy. Extrapolation d'autant plus fragile que les Sarkins Kazawré et Fagi n'ont jamais porté les cicatrices Arawa. Nous retiendrons ici l'étymologie donnée par la tradition orale :

— Arewa : le pays de Ari ; — Arawa : le peuple, les descendants, les gens de Ari. 29

Après avoir élucidé cette question, il nous reste à situer dans le temps l'arrivée des Arawa dans le pays Azna.

Dans le texte n° 2, Bawra Bawa nous dit :

"Bagazaza Sarkin Borno ya Kira : il s'exila, émigra. Pendant trois cents ans, il guerroyait dans toutes ces régions ; c'est lui qui est à l'origine des chefferies de Katsina, Zaria, Kano, Damagaram. Toutes ces régions lui payaient tribut..."

Ce qu'il faut surtout retenir de ce texte c'est l'exil du Sarkin Borno, la réfé¬ rence à Katsina, Kano, etc., et la toute puissance du Bornou. Une comparaison avec les sources écrites nous permettra sans doute d'émettre des hypothèses.

En effet, Barth (1863, II, 100-102) relate de façon très instructive les évé¬ nements qui ont entraîné le déclin momentané du Bornou, et les difficultés que connut à cette époque la dynastie bornouane.

"Epuisé par ses infatigables ennemis, Omar leur abandonna entièrement le Kanem (1394-1398) (1) et transféra sa résidence dans le Kagha situé dans le Bornou. Forcée de se réfugier dans des contrées à moitié insoumises, derrière des marécages, réduite à n'avoir d'autre résidence qu'un camp aux stations incertaines et toujours menacées, la dynastie du Bornou était à deux doigts de sa perte. Pendant soixante- dix ans, elle traîna ainsi un sort misérable, lorsque surgit le grand roi Ali Douna- mami (1472-1504) (2), célèbre sous le nom de Maï Ali Ghajeni. Ce prince qui ouvrit au royaume une seconde ère de prospérité peut être considéré comme le nouveau fondateur du Bornou... Ses campagnes aussi éclatantes que nombreuses lui valurent le nom de "El Rhasi", le guerrier, le conquérant. Ali étendit ses entre¬ prises militaires fort loin vers l'ouest, jusqu'aux rives du Kouara et ce ne fut qu'une invasion des Boulala, ses anciens ennemis, qui l'empêcha de s'emparer du Wangara et du Manding oriental".

Cet extrait, qui se fonde sur les chroniques du Bornou montre qu'effective¬ ment durant un siècle la dynastie bornouane dut se déplacer ; nous rejoignons ici la tradition orale qui, pour souligner l'importance de l'épreuve et sa durée, donne trois cents ans. Il est bon de noter que ces trois cents ans que la tradition attribue à Ali doivent être mis sur le compte de la dynastie bornouane entière. Urvoy nous en donne la raison (1936 : 323-324).

"La capitale erra longtemps ; la faiblesse de la monarchie, les luttes étrangères avaient brisé l'armature du vieux Kanem émigré. Pour donner une idée du chaos, il suffit de dire que de 1432 à 1472 quatorze sultans se succédèrent dont la plupart tués ou détrônés ne régnèrent pas un an".

Dans une telle confusion où les événements se précipitèrent, la tradition

(1) Selon Lange : Omar aurait régné entre 1322 et 1384. Il semble qu'il faille retenir ces der¬ nières dates.

(2) Toujours selon l'ouvrage de Lange : le règne de Ali Dounamami se situerait entre 1465 et 1497. 30

orale a vite fait de retenir le seul nom de celui qui apporta au Bornou la paix et la prospérité. Il ne faut pas non plus oublier que c'est à partir de son exil que Ali prépara son armée, organisa l'ouest du Bornou et alla à la conquête du "pouvoir" et de sa' capitale. Un deuxième élément du texte de Bawra est la référence à Katsina; Urvoy donne, sur la question, la précision suivante :

"...Refoulés à l'Est, les Kanouris pesaient sur les Hawsa à l'Ouest. Au cours du XVe siècle, ils lancèrent de ce côté plusieurs expéditions et dominèrent même un moment le Katsina... Vers la fin du siècle, un homme se trouva pour ressaisir l'empire : Mai Ali Ghadjeni Dounamami (1472-1504) qui fut le véritable fondateur du Bornou..." (1936 : 324).

Cette référence à la domination sur le Katsina, les expéditions nombreuses et éclatantes en pays hawsa, ainsi que la migration, l'exil, nous incitent à situer l'implantation Arawa dans le pays Azna entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle. Cette hypothèse est soutenue par la tradition elle-même.

Dans un récit de Zamman Allah, il mentionne une attaque du Kebbi que Tassao aurait repoussée : c'est à l'issue de cette attaque que Tassao aurait pris aux Kabbawa les premiers tambours de l'Arewa.

Se référant à l'ouvrage de M. Bello, "Infaq al Maïsur", Piault (1970 : 119) fait état de la coalition des Sarkins Aïr, Gobir et Zamfara-Agba Iboun Mohammed, Mohammed Ibn Chiroma et Babba Iboun Mohammed. Cette coalition dirigée contre le Kebbi a eu pour conséquence la destruction de la capitale du Kebbi, Souranne, et des deux principales villes : Goungou et Leka. Cette coalition se situerait vers 1700. Marc Piault pense que la bataille Sarkin Kebbi-Sarkin Arewa Tassao peut se situer à cette époque : "Il est fort possible que les Sarkins Arewa trouvèrent là l'occasion de se détacher de leur dépendance à Kebbi".

L'étude comparée de la généalogie des Sarkin Arawa nous permet de situer chronologiquement l'événement relaté.

Selon les archives de l'ancienne subdivision de Dogondoutchi (1), trente et un Sarki se sont succédé sur le lit de la chefferie dans l'ordre suivant :

1) Akazama ou Ari 2) Salma, fils d'Akazama 3) Bambaloma, fils de Salma 4) Tamo 5) Yazi, fils de Salma 6) Babba, fils de Salma 7) Kabarin Kabara, fils de Salma 8) Manakarey, fils de Salma 9) Bambaloma, fils de Salma

(1) "Monographies de la subdivision de Dogondoutchi". Archives IFAN-CNRS, n° 5, pp. 3 et t. 31

10) Babba, fils de Salma 11) Sakarao, fils de Babba n° 6 12) Dambazi, fils de Nanakaréi 13) Tama, fils de Sakarao 14) Koli, fils de Nanakaraéi 15) Kada Biri, fils de Biri, fils de Salma 16) Tassao, fils de Kada Birni 17) Dakao, fils de Tassao 18) Albarka, fils de Kada Biri 19) Na-Ato, fils de Koli 20) Sékarao, fils de Biri, fils de Salma 21) Goga, fils de Sakarao n° 11 22) Asman, fils d'Albarka 23) Gaya, fils de Dambazi 24) Gagara, fils de Dakao 25) Ali Sina, fils de Konan, père de Goga 26) Lifida, petit-fils de Tassao 27) Bagadié, fils de Gagara

Arrivée des Français

1) Bagadié 2) Kossé, fils de Ali Sina 3) Gao Tassao, fils de Lifida 4) Arzika Gao, fils de Gao Tassao.

Tilho propose quant à lui une généalogie assez différente (1911 :

— Akazam, fils d'Ari et petit-fils de Kaloumbou, sultan du Bornou, — Salama, fils d'Akazam

— Kada, fils de Salama — Koli, fils de Salama

— Albarka, fils de Salama

— Tassao, fils de Kada

— Tamna, fils de Salama — Dam Baji, fils de Tamna, 16 ans, 1734-1750 — Dako, fils de Tassao, 17 ans, 1750-1767 — Mato, 19 ans, 1767-1786 — Goga, fils de Tchékaro, 17 ans, 1786-1803 — Osmane, fils de Kossagourou, 18 ans, 1803-1821 — Gay Ya, fils de Dam Baji, 1 an, 1821-1822 — Gagara, fils de Dako, 27 ans, 1822-1849 — Alissina, fils de Koana, 12 ans, 1849-1861

— Lefedda, fils de Guimba, 12 ans, 1861-1873 — Bagaguié, fils de Gagara, 28 ans, 1873-1901 — Koché, fils d'Alissina, depuis 1901.

Piault propose l'hypothèse de succession suivante : (1970 : 116-145) — Akazama (fils de Ari) 32

— Salma (fils de Akazama) — Bambaloma (fils de Salma)

— Ambarka ou Albarka

— Yaji Kawadawa — Kada'n Biri (frère de Yaji Kawadawa) — Kabrin Kabra (fils ou frère de Bambaloma) — Tongohorma (frère de Kabrin Kabra) — Tassao (frère ou fils de Dada'n Biri) — Koli (fils de Salma) — Dambaji — Dakaou (fils de Tassao)

— Nabirni ou Nabiri

— Shekaraou

— Inno (fils de Shekaraou) — Goga (fils de Shekaraou) — Assuman (frère de Dakaou) — Gaya (fils de Dambaji) — Gagara (fils de Dakaou) — Alshina (fils de Kona, fils de Abarchi, frère de Goga) — Lifidda (fils de Guimba) — Bagajié (fils de Gagara) — Koshé (fils de Alshina) — Gao Tassao (fils de Lifidda) — Arzika Gao (fils de Gao Tassao) — Soumana (fils de Arzika Gao).

La comparaison de ces trois généalogies nous permet de constater que les archives de Dogondoutchi font de Tassao le seizième Sarkin Arewa alors que Piault le situe au neuvième rang et que Tilho lç situe au sixième rang.

La difficulté qu'éprouvent les détenteurs de la tradition orale pour énumérer de façon rigoureuse l'ordre de succession s'explique par l'utilisation de la méthode mnémotechnique : en effet, les sons émis par les tambourins (1) ne rappellent que les Sarkins dont le règne s'est signalé par un événement marquant. Il s'établit ainsi une sorte d'histoire officielle qui raye de la généalogie tous ceux dont le règne ne s'est pas distingué d'une manière ou d'une autre.

Ce n'est que la confirmation des traditions recueillies auprès des quatre prin¬ cipaux lignages royaux ayant participé à la lutte pour la succession, en l'occurrence Wajan Guebe, Bilawa, Delleyni et Bozarawa, qui permet d'avoir une liste approxi¬ mative.

C'est cette méthode qui nous a permis d'obtenir avec Guimba Dakaou, Ali Boubacar et Zamman Allah une généalogie identique à celle donnée par les archives de la subdivision de Dogondoutchi. Nous avons noté que la liste recueillie auprès de Zamman Allah (2) est identique à celle de Piault.

(1) Ces tambourins sont attachés à la personne du Sarki.

(2) Zamman Allah : dernier survivant des 90 fils du Sarkin Arewa, Bagagié, qui régnait lors du passage de la mission Voulet-Chanoine. 33

Dans ces conditions, nous retiendrons l'hypothèse selon laquelle Tassao serait le seizième Sarkin Arewa. En tenant compte de la très grande instabilité politique qui a toujours caractérisé l'Arewa, les assassinats, les complots, les expulsions et les exils volontaires et d'après l'avis de nos informateurs, nous ne pouvons prendre plus de 15 ans comme durée moyenne de règne, ce qui nous permet d'avoir de Akazama, premier Sarkin Arewa, à Tassao, seizième Sarkin Arewa, une tranche de 240 ans.

Mais nous savons que le règne de Tassao se situe aux environs de 1700 (1) ; ce qui fixerait l'avènement d'Akazama dans la seconde moitié du XVe siècle.

Nous pouvons là aussi établir le recoupement avec le règne de Ali Gadjéni (1465-1497) surnommé El Rhasi ou encore Bagazazar par les Azna.

La tradition dit : "Ali a installé son camp ici et allait faire la guerre dans les régions environnantes". Les chroniques du Bornou affirment que Ali a failli "envahir le Manding oriental et le Wangara". Il a donc du traverser le pays Azna pour s'y rendre. Il est alors permis de penser que l'épisode de l'implantation de son camp à Bagaji, rapportée par les traditions, se situerait à cette époque.

Deux autres points de repère sont donnés par Tilho :

Du Sarkin Arewa Bagaguié qui est mort en 1901 à Dam Baji qui aurait accédé au trône en 1734 (2), il s'est écoulé une tranche de 167 ans pour dix règnes, soit environ 17 ans par règne. Quand on sait que la généalogie donnée par Tilho fait état de sept règnes de Akazama, premier Sarkin Arewa, à Dam Baji, on remonte aux environs de 1612 pour l'accession au trône du premier Sarkin Arewa.

Cette conclusion est en contradiction avec le second repère qui fait état du règne de Kaloumbou, père de Ari, contemporain de Maammarou (Tilho, 1911 : 494-495) :

"L'ancêtre des chefs actuels serait Ari, fils de Kaloumbou, qui régnait sur le Bornou lorsque Maammarou régnait à Gao sur l'empire songhaï''

Maammarou, chef de Gao, étant son vassal et payant mal le tribut qui lui était imposé, Kaloumbou vint dans le pays pour y recouvrer les impôts en retard ; d'autres, au contraire, soutiennent que Maammarou était indépendant et que Kaloumbou vint razzier ses terres ; enfin, d'autres encore croient qu'il ne vint sur les bords du Niger que pour rendre amicalement visite à Maammarou, qui s'était arrêté chez lui au Bornou en revenant de La Mecque.

En ce temps-là, Matankari n'existait pas ; Kaloumbou, traversant le Maouri, s'arrêta dans les villages de Lougou et Bagadji ; dans ce dernier, son fils Ari s'éprit

(1) Cf. p. 30.

(2) Tilho a retenu les durées de règne données par les traditions. 34

de la fille du chef et résolut aussitôt de l'épouser ; dans ce but, il simula une maladie, prétendit ne pas pouvoir suivre plus longtemps l'armée de son père et fut autorisé à s'arrêter à Bagadji, où, dans les délais d'usage, il put devenir l'heureux époux de la jeune fille qui l'avait charmé.

Selon d'autres informateurs, les choses se seraient passées un peu différem¬ ment : Ari aurait accompagné son père jusqu'à Gao et, à son retour seulement, s'étant égaré dans la brousse, serait arrivé à Bagadji dont le chef lui offrit l'hospi¬ talité ; celui-ci lui ayant envoyé son repas par sa fille, laquelle était d'une grande beauté, Ari, subitement très épris, demanda à son hôte de lui donner la calebasse qui avait contenu le "foura" qu'il avait mangé, ainsi que la cuillère, métaphore indiquant, paraît-il, qu'il désirait devenir son gendre.

Le chef de Bagadji, flatté, y consentit sans peine et le mariage fut célébré ; peu après, Ari, obligé de rejoindre son père, se remit en route pour le Bornou, promettant de revenir bientôt : sa jeune femme restait à Bagadji et quelques mois plus tard mettait au monde un fils qui fut appelé "Akazama" (mot haoussa signi¬ fiant : "il est resté").

AKAZAMA. — Devenu homme, Akazama voulut connaître son père et se rendit au Bornou ; mais lorsqu'il y arriva, Ari venait de mourir, tandis que son grand-père Kaloumbou régnait encore ; celui-ci l'accueillit avec bienveillance et le nomma chef du pays Maouri, qui ne s'appelait pas encore l'Aréoua. Akazama, solennellement investi, rentra dans son pays natal accompagné d'une brillante escorte de guerriers bournouans, et fut sans difficulté accepté comme chef par ses compa¬ triotes : il était en effet petit-fils du chef de Bagadji par sa mère et petit-fils du sultan du Bornou par son père.

Akazama établit sa résidence à Toullou, près d'une colline qui se trouve au Nord de Goumbi ; ce village n'existe plus depuis longtemps déjà, et a été remplacé par Goumbi.

Akazama est donc le premier chef maouri de race bornouane ; le pays, dès lors, s'appela également l'Aréoua (pays des gens d'Ari (1)) : cette appellation ne pro¬ viendrait donc pas du mot haoussa, "Aréoua" signifiant Nord, comme d'aucuns l'ont cru, avec grande apparence de raison, il faut le reconnaître. Depuis ce temps et jusqu'à l'invasion du pays Maouri par les Peuls, tous les successeurs d'Akazama reçurent leur investiture du sultan du Bornou qui leur remettait à cet effet un burnous, un boubou, un pantalon, une calotte et un turban. En retour, les chefs de l'Aréoua lui envoyaient chaque année quelques chevaux à titre d'hommage".

Les éléments contenus dans la tradition recueillie par Tilho (1910-11 : 505) et relatifs à la mère, à la naissance et à l'accession au trône de Maammarou nous permettent d'affirmer qu'il s'agit de Askia Mohamed qui aurait régné de 1493 à

(1) Les habitants du Maouri n'appellent généralement pas leur pays "Maouri", mais "Aréoua" le nom de "Maouri" est surtout employé par les Peuls et par les Djermas. 35

1529 (1). Ceci nous permet de situer la naissance du noyau Arawa entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle.

Ainsi apparaît la contradiction entre la date de 1612 obtenue à partir des règnes donnés par Tilho et la référence à Maammarou. Cette contradiction s'explique par le fait que la liste donnée par Tilho est incomplète.

Dans ces conditions nous retiendrons comme plausible la période obtenue par référence à Maammarou c'est-à-dire fin XVe, début XVIe siècle.

La mention faite par les traditions orales d'un problème de vassalité entre le Bornou et le Sonraï s'explique par les coups de main que ces deux Etats ont pu effectuer sur leurs territoires respectifs. Urvoy rapporte l'expédition lancée par Askia Mohamed contre le Bornou, expédition à l'issue de laquelle un des alliés de l'Askia, Kanta, mécontent de sa part de butin se retourna contre la colonne Sonraï, vainquit l'Askia et dispersa ses hommes jusqu'à la limite de l'actuel Arewa. Ce Kanta serait le fondateur du Kebbi.

Certaines traditions situent la naissance de l'Arewa à cette période et disent que des rescapés de cette colonne sonraï seraient à l'origine de la fondation de l'Arewa. De fait ces traditions font remarquer que les colonnes viennent du Bornou mais que ces rescapés seraient des mercenaires engagés par l'Askia Mohamed dans sa campagne contre le Bornou. C'est pour se singulariser que le noyau constitutif de l'Arewa a adopté les scarifications qui sont celles que portent les Mawri aujourd'hui.

Tous ces éléments permettent de formuler l'hypothèse selon laquelle la création de l'Arewa remonte approximativement à la deuxième moitié du XVe siècle et au plus tard au premier quart du XVIe siècle.

Mais un problème demeure. Si les Arawa sont descendants de Ari, comment expliquer qu'ils portent des cicatrices absolument différentes de celles des Bornouans ?

D'où viennent les cicatrices Arawa ?

Dans le texte numéro 1, Zamman Allah nous dit : "Les cicatrices Arawa sont celles que portait l'esclave du Sarkin Bornou chargé de diriger le baptême de Akazama".

S'il en était ainsi, on devrait logiquement retrouver dans le Bornou des des¬ cendants d'esclaves ou des anciens esclaves même très âgés, portant les mêmes cicatrices ; or cela n'est pas le cas. En plus, il faut retenir que nous sommes ici en régime patrilinéaire et que dans un tel régime c'est toujours un oncle paternel qui dirige le baptême. La tradition orale que nous avons recueillie respecte bien cette logique puisqu'elle dit : "on a fait aux enfants les cicatrices de celui qui dirigeait

(1) Cf. Tarik El Fettah, p. 149. 36

le baptême, parce que les gens de Bagaji ont cru qu'il était le frère du Sarkin Borno". Enfin, dans un tel contexte, il nous semble douteux que Sarkin Bornou envoie un esclave assurer le baptême de son fils.

Dans le deuxième texte, Bawra Bawa disait : "Les cicatrices Arawa sont celles imposées par Sarkin Borno à l'enfant de sa fille (son petit-fils)...". Cela nous semble difficilement acceptable. En effet, en régime patrilinéaire, les parents maternels n'ont aucun droit de pratiquer leurs scarifications sur les enfants, ce droit étant exclusivement réservé aux parents paternels. Enfin, il est inconcevable qu'une femme vive avec son mari pendant plus de trois mois au moins sans savoir quelles cicatrices porte ce dernier.

Ces observations nous prouvent que le père de Akazama n'est pas le Sarkin Bornou, Ali. Nous retiendrons que la référence au Sarkin Bornou exprime ici le désir de rattacher les Arawa à l'une des plus anciennes dynasties musulmanes et de surcroît jouissant à l'époque d'un très grand prestige. Nous n'en voulons pour preuve que cet extrait du Farikh El Fettach, p. 65 :

"Nous avons entendu dire par la masse de nos contemporains qu'il y a au monde quatre Sultans, non compris le Sultan suprême (c'est-à-dire le Sultan de Constan¬ tinople), à savoir le Sultan de Bagdad, le Sultan du Caire, le Sultan du Bornou et le Sultan du Mali".

Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle les cicatrices Arawa seraient une dé¬ formation des cicatrices béribéri nous semble également irrecevable, car, en plus des deux scarifications sur chaque joue, les Béribéri portent une longue cicatrice allant du front à la pointe du nez.

Quelles hypothèses pouvons-nous alors formuler quant à l'origine des scari¬ fications Arawa?

Il serait hasardeux d'en formuler avant d'avoir défini la signification de ces scarifications. Le commun des Arawa retient que leurs cicatrices permettent de les identifier par rapport aux autres groupes ethniques et aussi de les situer géo- graphiquement. Selon certains informateurs, en cas de razzia, si nos alliés prennent sans le savoir des gens à nous, grâce aux arawtchi (cicatrices arawa), ils sont re¬ connus et relâchés. Djedé Gazibo affirme "qu'après l'entente de Sokorbé avec les Touaregs, ces demiers n'attaquaient pas ceux qui portaient les arawtchi".

Les cicatrices seraient ainsi une sorte de pièce d'identité. Retenons qu'il ne s'agit là que d'une fonction dérivée et que la fonction première des arawtchi se situe au niveau de l'identification des Arawa à la panthère. Pour le Zarma, la pan¬ thère ne s'attaque jamais à un Ba'aré pur. Comme les Arawa, la panthère porte sur chaque joue deux rangées de poils noirs allant de la gueule aux oreilles, exac¬ tement comme les arawtchi. Les Zarma affirment également que les Arawa sont aussi féroces et courageux au combat que la panthère. A la limite, pour le Zarma, la panthère est un "Ba'aré".

Ces considérations nous permettent de formuler notre première hypothèse. 37

A l'époque où se situe la formation de l'Arewa, les traditions soulignent les incursions des guerriers du Dawra dans la région. Or les Dawrawa portent sur la joue deux cicatrices allant en s'écartant des commissures des lèvres au niveau des pommettes. D'autre part, les populations Azna, au sein desquelles évoluait le noyau Arawa, portent sur la joue deux cicatrices parallèles longues de deux à trois centi¬ mètres à partir de la bouche. Il est donc possible que la bande armée venue du Bornou et chargée de collecter les redevances annuelles ait pu choisir délibérément les cicatrices arawa pour se singulariser des Dawrawa et des Azna. Il est possible aussi que leur identification à la panthère ait eu pour origine le désir de signifier leur ardeur au combat et la réussite qui s'attacha à leur entreprise. Barth rapporte que "Ali Ghadjeni a failli s'emparer de Wangara et du Manding oriental". L'épisode de son passage en pays Azna fortement ancré dans les traditions de cette région pourrait bien se situer à cette époque qui se place entre 1465 et 1497. C'est peut- être à cette période qu'Ali y laissa un gouverneur et des soldats, chargés de collecter les redevances. Ce groupe serait ainsi à l'origine du noyau Arawa. Ici se pose le problème de l'organisation politique et administrative du Bornou qui verrait l'une de ses provinces, sous l'impulsion de son gouverneur, évoluer parallèlement, prendre son autonomie, et former un ensemble qui tout en se structurant s'adapte au milieu dans lequel il évolue en établissant avec les communautés autochtones des chaînes de relations absolument originales.

Dès lors, comment expliquer le partage des pouvoirs entre les Arawa venus de l'extérieur et les Azna autochtones ?

Toutes les traditions soulignent l'importance du pouvoir religieux des chefs spirituels Yan Kassa, Bawra et Sarawnia. Mais nous pouvons dire que l'interdit qui veut que Bawra et Sarkin Arewa ne se rencontrent pas n'a pas pour seule expli¬ cation le décès de l'un des jumeaux. En effet, il existe aussi bien dans la société gubé que dans la société zarma des prescriptions que tout enfant devrait respecter, à savoir :

— ne pas rôter en présence des personnes âgées, — ne pas retirer le bonnet des personnes âgées, — ne pas les toucher par derrière à leur insu...

Mais ces prescriptions, dont la violation a occasionné dans toutes ces sociétés des décès, n'ont jamais donné lieu à un interdit selon lequel grands-parents et petits-fils ne se rencontrent pas. Ceci est d'autant plus paradoxal qu'entre grands- parents et petits-fils existent des rapports sincères et empreints d'une liberté qui a toujours fait le souci des parents.

Cet interdit qui veut qu'au cours des cérémonies officielles un pagne noir sépare Bawra et Sarkin Arewa est l'expression de la dualité entre le pouvoir poli¬ tique incarné par Sarkin Arewa et le pouvoir religieux personnifié par Bawra. Mais comment expliquer cette dualité ? Comment expliquer cette prise du pouvoir poli¬ tique par des éléments étrangers? Enfin, comment expliquer le maintien du pou¬ voir religieux par les Azna ? Quatre traditions nous aideront à répondre à ces questions. 38

Texte n° 1 : de Bawra Bawa

"Après le décès de son frère, Akazama fut transféré à Mantankari où il grandit et se maria. Entre temps, il fut question de nommer un nouveau Sarkin Arewa. Tous les princes prétendants au trône manifestèrent leur candidature en apportant, qui des boeufs, qui des moutons, qui des chevaux.

Le lendemain soir, Bawra réunit tous les notables pour la désignation du nouveau Sarkin Arewa. C'est alors que, sortant de sa case, un vieux demanda :

— "Taaron miinaana ku kay ? " pourquoi vous réunissez-vous ?

On lui répondit :

— "Taaron shaawaraa na" une réunion pour nous concerter.

Le vieux reprit :

— "Shaawaran mi"? quelle concertation ?

On lui dit :

— "Pour nommer le nouveau Sarkin Arewa".

Alors le vieux s'écria :

— "Ana swaahwa ma akuyyad daaji kolli gaa ta gida ? pourquoi mettre de l'antimoine à la chèvre d'autrui, alors qu'on en a soi- même.

— "allez chercher notre petit-fils (1) qui est à Matankari et intronisez-le". C'est ainsi qu'on alla chercher Akazama à Matankari pour en faire le premier chef de l'Arewa. C'est nous qui l'avions intronisé, nous les Azna".

Que dire de ce texte? Il laisse entendre que les Azna ont conservé le pouvoir religieux parce qu'ils ont eux-mêmes donné le pouvoir politique aux Arawa. Mais aucune autre tradition ne fait état de ce fait, même dans les autres centres Azna. Voici ce que nous en dit Dougourou Nouhou de Lougou :

"Avant, c'était la Sarawnia qui intronisait le Sarkin Arewa. Mais comme elle ne voulait pas tomber sur les hommes comme ça, elle chargea son gendre Bawra de le faire à sa place. Mais cette intronisation n'intervenait qu'après l'accord de la

(1) Le petit-fils de Bawra. 39

Sarawnia. Pour désigner le Sarkin Arewa, voilà comment nous procédions : nous amenons de petites calebasses en brousse près du trou de petits animaux ressem¬ blant à des chacals. Chaque petite calebasse représente un candidat. Le lendemain matin, nous venons prendre les calebasses. C'est le prétendant dont la calebasse a été remplie de sable par les animaux qui sera Sarkin Arewa. Parce que son règne sera prospère, il y aura de bonnes récoltes et pas d'épidémies".

Ce récit confirme la version que nous avons recueillie auprès de Guimba à Matankari. Il prouve que l'autorité religieuse azna s'est affirmée au moment où, devenus nombreux, les descendants de Akazama durent recourir à l'arbitrage des Azna pour se départager. C'est à cet instant qu'il a fallu aux princes Arawa rivaliser de courtoisie et de largesse pour s'assurer le soutien des Azna et de leurs chefs religieux. Marc Piault relate de façon intéressante les avantages que les différents Bawra ont pu tirer de leur rôle d'arbitres. Il faut toutefois noter que les rapports entre les deux communautés n'ont pas toujours été pacifiques ou cordiaux. Les cas de conflits et même de guerres ouvertes ont été signalés (Piault, 1970).

Texte n° 2 : de Oumarou Moussa

"Lorsque Akazama arriva au Bornou chez son père, ce dernier ne pouvant le garder à cause de ses cicatrices, lui donna une garde de trois cents cavaliers pour aller consolider son pouvoir à l'ouest sur une distance de sept jours de cheval, à l'est, au nord et au sud à partir de Bagaji".

Ce texte rejoint celui que nous adonné Hamma Issoufou, du village de Damana, dans le Tondi Kandje.

"Les Arawa sont des descendants du Rabi'n Borno (chef du Bornou). C'est son fils qui, venu se guérir de la lèpre à Birni Lokoyo, y épousa une fille. La fille conçut et ne put effectuer le voyage avec son mari. A terme, elle eut un fils auquel on fit les cicatrices Arawa par erreur. Grâce à un papier que le prince bornouan avait laissé et qui portait son adresse, le jeune homme put aller jusqu'à Borno, chez son père. Peu avant son retour dans son pays maternel, le jeune homme fut intronisé Sarkin Arewa par le Rabi'n Borno qui le fit accompagner par des soldats jusqu'à l'Arewa".

Ces deux textes prouvent bien qu'il s'agit au départ d'une bande armée qui organisait des razzias comme le dit le texte de Ali Boubakar :

"Akazama s'attaquait avec les jeunes de son âge aux animaux domestiques. Bawra se fâcha et lui demanda pourquoi. Alors Akazama dit : "Je ne fais pas comme toi, je fais comme mon père". Cette attaque des animaux, la référence aux jeunes de son âge et aussi la mention "je fais comme mon père" indiquent qu'il s'agit là d'une bande qui organisait des razzias, mais qui, grâce à son dynamisme, réussit à se renforcer et à consolider sa position par l'arrivée de nouveaux éléments et l'assimilation de populations autochtones. Extrêmement dynamique, et évoluant dans un milieu où n'existait aucune organisation politique centrale, et où le seul lien entre des villages accrochés aux flancs de collines rocheuses ou dans des vallées 40

relativement fertiles était la croyance en une même religion, ce noyau Arawa, par le biais des mariages et des alliances eut vite fait de s'emparer du pouvoir poli¬ tique,, en introduisant dans la région une forme nouvelle d'organisation. Les Azna pour la plupart intégrèrent le nouveau système, mais leur rôle d'arbitre, quand il fallut départager les princes Arawa au niveau de la succession au trône, et aussi leur apparente neutralité dans les conflits, leur permirent non seulement de conserver le pouvoir religieux, mais aussi leur identité propre.

La nouvelle organisation introduite par les Arewa porta vite ses fruits : la communauté s'agrandit et prit de l'importance. Après s'être fixée à Kawra, elle se déplaça pour Katanga, puis Birni Lokoyo, et enfin Matankari. La communauté Arawa commença à proliférer dans le Dallol et ses vallées affluentes jusqu'au pays zarma où elle prendra le nom de Mawri.

L'objet de notre étude c'est d'expliquer comment s'est effectuée cette mu¬ tation. Quelles sont les origines des migrations Arawa en pays zarma ? Quels pays ont-ils occupés ? Quelles populations y vivaient avant leur arrivée ? Quels rapports ont-ils eus avec ces populations ? Qu'ont-ils gardé de leurs traditions et de leurs relations avec la mère patrie : l'Arewa ? Comment se sont-ils organisés socialement et politiquement ? Quels ont été les grands moments de leur histoire ? Enfin, com¬ ment se situent-ils par rapport aux Arawa ?

42

A. - INTRODUCTION

Comment s'est effectué le départ ? A quelle époque est-il intervenu ?

Nous ne pouvons y répondre sans nous référer aux traditions orales des dif¬ férentes zones d'occupation Arawa en pays zarma.

Partis de l'Arewa pour le pays zarma, les Arawa s'orientèrent vers trois directions principales :

— le Zigi, où ils formèrent la communauté de Sokorbé, avec une organisation politique centrale solide, adaptée à la conjoncture et au tempérament Arawa, évi¬ tant ainsi l'émiettement du groupe, grâce à la rotativité de l'exécutif ;

— le Tondi Kandjé, où ils se répartirent dans les principaux centres de Folo- Bangario-Koussa, sans organisation politique centrale, mais un système établissant des relations étroites entre villages indépendants les uns des autres, solidaires aussi bien dans les épreuves que dans les réjouissances. Ici l'assimilation par la société zarma est plus marquée ;

— le Issa-mé, où ils créèrent à Neni-Goungou une organisation centrale basée sur l'autorité incontestée du Mawrikoï Neni.

Comment expliquer ces migrations ?

Toutes les traditions mettent en rapport ces migrations avec les luttes de succession. Voici ce qu'en dit Guimba Dakaou :

"Kabrin Kabra était un grand Sarki. Lorsqu'il monta sur le lit (1), il demanda à ses sujets de tuer tous les vieux. Chaque jeune fut chargé d'assassiner son père et ses vieux oncles. Seul un jeune homme eut l'idée de cacher son père dans un trou qu'il recouvrit de branchages.

Kabrin Kabra réunit par la suite tous ses jeunes sujets et leur dit : "Avez- vous exécuté mes ordres? " On lui répondit "Oui". Peu après il dit aux jeunes gens : "Demain, vous m'apporterez un corps sans vie, mais capable de se mouvoir". Le lendemain, seul le jeune ayant caché son père réussit à sortir ses camarades d'une situation aussi difficile ; il jeta devant Kabrin Kabra une corde entortillée au

(1) Monter sur le lit : accéder à la chefferie. 43 préalable. Furieux, Kabrin Kabra s'écria : "Tu as caché ton vieux !" Le jeune homme nia. Puis, Kabrin Kabra demanda à ses jeunes sujets de lui construire une résidence entre ciel et terre. Sur conseil de son père, le jeune homme pria Kabrin Kabra de bien vouloir leur tracer le plan de sa résidence afin que les dimensions soient conformes à ses désirs. Kabrin Kabra ordonna une fouille chez le jeune homme, mais elle ne donna aucun résultat. Infatigable, Kabrin Kabra demanda encore : "Demain, nous livrerons bataille, mais que chacun monte un poulain et non un cheval". Le jeune homme, toujours lui, fit ce que lui dit son père : il tailla la cri¬ nière et la queue de son cheval, coupa ses poils par endroits, jusqu'à ce que le che¬ val ressembla à un poulain. La bataille fut un désastre pour les jeunes Mawri qui périrent en grand nombrè. Le jeune homme fut l'un des rares rescapés. Tout l'Arewa en avait assez des excès de Kabrin Kabra. Un jour, un Peul vint le voir et lui dit : "Tu es le plus grand des Sarki, il ne te reste qu'une seule chose, une monture hors du commun. Il te faut un dari (1)". Flatté, Kabrin Kabra informa ses sujets de son désir de n'avoir désormais comme monture qu'un dari. Après bien des souf¬ frances, les Arawa réussirent à capturer le dari et à l'amener à la cour de Kabrin Kabra. Ce dernier, ne soupçonnant rien, enfourcha l'animal et se fit solidement attacher au dari par des bandes de cotonnades.

Les Arawa, réunis en cercle, tenant à la main qui un gourdin, qui un bâton, qui un pilon, devaient empêcher le dari de s'enfuir. Mais lorsque Kabrin Kabra fut solidement lié au dari. le Peul cria : "Ecartez-vous et laissez passer le dari". Ainsi firent les Arawa. Le dari, emporta Kabrin Kabra et les griots crièrent :

"Sabkaa laahiyaa Kabrin Kabra bon voyage Kabrin Kabra

"In baa kay baa wa haw dari " excepté toi, qui a monté un dari

"Balle kay ka haw dari" pour que toi tu montes le dari.

Autrement dit : "Bon voyage, Kabrin Kabra ; à part toi, personne n'a monté le dari ; pourquoi l'as-tu fait ?"

Lorsque les parents de Kabrin Kabra suivirent les traces du dari, ils aperçurent un chacal creusant un petit trou. Les Arawa purent voir que le chacal avait réuni les lambeaux de chair de leur Sarki et s'apprêtait à les enterrer. Depuis ce jour, les descendants de Kabrin Kabra ne mangent pas le chacal. C'est à partir de cette mort que les partisans et les parents de Kabrin Kabra, mécontents du traitement que l'Arewa a fait à ce demier, se sont dispersés et sont partis dans le pays zarma.

Ali Boubakar, après avoir donné la même version, a conclu en ces termes :

"Tous les Arawa étaient à Katanga ; c'est la mort de Kabrin Kabra qui les a

(1) Dari : coba. 44

éparpillés. C'est de là que ses partisans et ses parents ont abandonné l'Arewa pour le Zabarma. Les Arawa du Zabarma sont des descendants de Kabrin Kabra".

Zamman Allah nous donne quant à lui un récit plus significatif :

"Les Arawa du Zabarma sont des descendants de Kabrin Kabra. Lors du règne de Koshe (1), quatre de ces Arawa sont venus demander le tombeau de Kabrin Kabra. Mais Sanoudoubou, frère de Koshe, lui avait conseillé de ne pas le faire : "Koshe, ces gens sont des descendants de Kabrin Kabra, si tu leur montres la tombe de ce dernier, ils vont revenir s'installer ici et nous retirer la chefferie". On refusa de leur montrer le tombeau, sous prétexte que personne n'en connaissait l'empla¬ cement. A leur retour, ils reçurent du Sarkin Arewa Koshe, chacun un cheval, un grand boubou et un turban. Tous les Arawa de Komdili jusqu'au bord du fleuve, qu'on appelle là-bas Mawri, sont les hommes de Kabrin Kabra. C'est eux qui sont aussi à Niamey. C'est la mort de Kabrin Kabra qui les a dispersés. Kabrin Kabra a été terrible. C'est lui qui a demandé à ses sujets de tuer tous les vieux. C'est lui qui a demandé de lui apporter un corps sans vie, mais capable de se mouvoir. C'est encore lui qui a demandé la construction d'un palais entre ciel et terre. C'est encore lui qui a exigé de ses sujets d'aller à la guerre sur des poulains. C'est un Sarkin qui, pour montrer sa puissance, ne voulait plus du cheval comme monture, il exigea un coba. Les Arawa réussirent à capturer le coba et à attacher Kabrin Kabra là- dessus à l'aide de bandes de cotonnades. Kabrin Kabra ordonna à ses gens de former un cercle afin de maintenir l'animal. Les griots chantaient :

"Kabrin Kabra in baa kay ba wa ga hawwan dari" Kabrin Kabra, si ce n'est toi, qui peut monter sur un coba?

Les princes de l'Arewa, adversaires de Kabrin Kabra, qui en avaient assez de sa tyrannie, laissèrent le dari s'échapper et les griots improvisèrent :

"Kabrin Kabra sabka lahia Kabrin Kabra, bon voyage

"N'ba kaïba wa haw dari" si ce n'est toi, qui a monté un coba

"Baie kaï ka haw" pour que toi tu montes dessus" !

En traînant Kabrin Kabra dans les buissons et les épineux, le coba le dé¬ chiqueta ; sa barbe fut retrouvée à l'endroit qu'on a surnommé de ce fait "Far'n gueme". Un chacal ramassa les lambeaux de chair et les mit dans un trou qu'il re¬ ferma et y déposa le turban. Depuis lors, les descendants de Kabrin Kabra ne mangent plus de chacal. Ce qui restait de Kabrin Kabra fut enterré à Katanga dans sa cour. Les Arawa cherchèrent alors celui qui irait avertir la mère de Kabrin Kabra,

(1) Koshe Sarkin Arewa succéda à Bagaji qui régnait à la pénétration française. 45

Magajia Shàtou. Mai algaïta (1) refusa : "Elle va me tuer", répondit-il. Mai kkaki accepta à la seule condition d'avoir un cheval particulièrement rapide et solide. Arrivé près de la maison de Magajia Sha àtou, il souffla dans sa trompette :

"Kaay Magajiyaa Shatu, Kabrin Kabra yaa mutu " hé, Magajia Shàtou, Kabrin Kabra est mort.

Magajia Shàtou se leva précipitamment, fit seller son cheval et se lança à la pour¬ suite de Maïkakaki, depuis Bawada jusqu'à Tabkin Gazo (2), en passant par Tabkin Katarma. C'est à Tabkin Gazo que le cheval de Magajia s'embourba ; elle réussit à le sortir mais jura :

"Tabkin ga da iikon Alla Ka na zama tabkin kariya s'il plaît à Dieu, cette mare-là, tu seras une fausse mare.

Et depuis la mare s'est asséchée ; elle n'a jamais plus contenu de l'eau. C'est à côté de Barébéri qu'il y a le lit, mais pas d'eau. C'est ainsi que Maïkakaki réussit à sauver sa tête. Magajia Shàtou revint alors chez elle, prit un coq blanc et réunit ses sujets. Quand tout son monde fut réuni, elle récita des incantations et passa la main sur le coq. Presqu'aussitôt, la terre s'ouvrit et l'avala avec tout son monde".

Que peut-on retenir de ces traditions ?

Toutes présentent Kabrin Kabra comme un Sarki particulièrement autoritaire et tyrannique.

Garba Souna, le dounka (3) de nous rapporte ce que les Zarma ont retenu de ce règne tyrannique.

"Duwaasu baa su yaaki da babba" les pierres ne peuvent faire la guerre contre les grands,

"Kasa raana bisa raana" (4) en bas soleil, en haut soleil ;

"Beena burn ganda burn" en haut nuage, en bas nuage ;

(1) Algaiata, Kakaki: instruments de musique Mai algaïta : le joueur d'algeita, Mai Kakaki : le joeur de trompe.

(2) Tabkin Gazo : la mare de Gazo.

(3) Dounka : chef desgesere (des griots). (4) Les deux premières phrases sont en hawsa ; tout le reste en Zarma. 46

"Babba haama, Babba Romo Taamo haama" petit-fils de Babba, Babba Romo petit-fils de Tamo (1) ;

"Tamo Koulounkosso (2) Kaman Kagar Kasa Ize Kabrin Kabra fils de Kasa

"Nga ga misa te Zarmatarey " c'est lui qui a fait une chose dans le Zarmatarey (3)

"Kan hanga hiyka mana maara" que deux oreilles n'ont pas entendu (4)

"Mo hinka mana diya" deux yeux n'ont pas vu (5)

"A go ga jingar no hira (6) go ga bisa il priait lorsque le coba passait

"A deebe ga a di gaabi alformey se il tendit la main pour l'attraper grâce à sa force

"Da nga kambu wa, a jingar da kambu naaro " avec sa main gauche, et il pria avec la main droite

"Jingaro mana pati, hira mana koma gaabi alformey se" il n'a pas interrompu sa prière et le coba ne s'est pas échappé à cause de sa force ;

"A ne i ma fundi dan nga se bukoo ga " Il a dit de lui ranimer un mort

"hanga hinka mana maara, mo hika mana diya" deux oreilles n'ont pas entendu ça, deux yeux n'ont pas vu ça

"Gaabi alformey se" à cause de sa force ;

"A ne i ma fu cina nga se beene nda ganda gama ra il a dit de lui construire une maison entre ciel et terre

(1) Ici la tradition nous apprend que Kabrin est le fils de Kasa, lui-même fils de Babba, lui-même fils du petit-fils de Tamo Koulounkosso. (2) Koulounkosso est la déformation de Koutouroun Koussou.

(3) Zarmatarey : dans le pays zarma.

(4) La traduction littéraire donnerait : ce que personne n'a jamais entendu.

(5) La traduction littéraire donnerait : ce que personne n'a jamais vu. (6) Hira : coba en Zarma. 47

"Gaabialformey se" à cause de sa puissance

"Han kan hanga hinka mana maa" ce que deux oreilles n'ont pas entendu

"Mo hinka mana di" deux yeux n'ont pas vu.

Ce texte montre jusqu'à quel point la puissance de Kabrin Kabra était grande et son autorité tyrannique. Au-delà des frontières de la communauté Arawa, on parle de Kabrin Kabra comme du Sarkin Arewa qui a fait mettre à mort tous les vieux de son pays. En fait, il s'agit d'une véritable révolution dans l'exercice du pouvoir. Jus¬ qu'alors, la réalité du pouvoir était détenue par les vieux notables de l'Arewa qui de fait infléchissaient la politique du pays dans tel ou tel sens, en se gardant bien d'em¬ piéter sur le pouvoir religieux des Azna autochtones. Ce respect de l'autorité religieuse azna, les notables l'utilisaient pour introniser tel ou tel Sarkin Arewa, en fonction de ses largesses, de son caractère et de ses relations sociales. Pour Kabrin Kabra, les choses ne se déroulèrent pas selon le schéma classique. Dès la mort de son père, il prit le pouvoir, mais il savait qu'il devait faire face à l'opposition des notables qui lui reprochaient de ne s'être pas soumis à l'examen divin (1). Il prit donc les devants, décréta la fin de la gérontocratie, brisa le Conseil des notables et institua un Conseil comprenant les vieux favorables à sa cause et beaucoup de jeunes, afin, dit-il, de "mettre fin au commandement des têtes grises". Dès lors, Kabrin Kabra apparut comme un Sarki sanguinaire parce qu'il a fait assassiner ceux qui s'opposaient à sa venue au pouvoir ; et un usurpateur parce qu'il n'a pas permis à la compétition de s'exercer conformément aux principes qui avaient jusqu'alors régi l'intronisation des Sarkins Arewa.

Cette politique nouvelle, en même temps qu'elle introduisait l'automaticité de la succession de père en fils, écartait de la chefferie de l'Arewa tous les autres princes descendants de Akazama. Du même coup, l'autorité des notables se trou¬ vait amoindrie alors que les chefs religieux Azna qui dirigeaient les cérémonies d'intronisation et désignaient officiellement les Sarkins Arewa en interprétant les vœux divins, voyaient leur pouvoir religieux menacé. C'était pour eux la porte ouverte à leur assimilation pure et simple et par concomitance, la perte de leur identité.

Dans un tel contexte, les princes Arawa voyant s'évanouir leur rêve d'être un jour Sarkin Arewa ; les notables voyant leur autorité s'envoler en éclats parce que ne pouvant plus jouer le rôle du collège électeur chargé de retenir le nom des candidats éventuels ; les chefs religieux dont le pouvoir était menacé, s'unirent pour comploter la perte de Kabrin Kabra. Cela commença d'abord par une campagne de dénigrement systématique qui explique toutes les extravagances qu'on lui attribue Kabrin Kabra réagit en faisant écarter ou tuer les éléments les plus irréductibles.

(1) Voir page 39, sur la nomination du Sarkin Arewa. 48

Dès lors, il est permis de se demander si la mort de Kabrin Kabra est le résultat de sa tyrannie, de son orgueil, ou s'il s'agit de l'aboutissement d'un complot.

Il semble bien que le mécontentement provoqué par l'arrivée de Kabrin Kabra au pouvoir, sa violente réaction face à l'opposition grandissante, aient abouti à une guerre civile qui aurait eu pour résultat la victoire de l'opposition et par conséquent la persécution des partisans et de la famille de Kabrin Kabra qui, pour échapper à un massacre certain, se seraient réfugiés en pays zarma. Tout porte à le croire et la référence à l'engouffrement de sa mère et de son monde sous la terre relaté par Zamman Allah, est significative à bien des égards. Cette référence permet de penser à l'enterrement de Magajia Shàtou et de ses gens dans une fosse commune après leur massacre. Cette hypothèse est par ailleurs renforcée par une tradition citée par Urvoy (1936 : 263).

"Kabrin Kabarnu-Kabara finit par devenir odieux à son peuple qui se souleva. Le souverain vaincu fut attaché aux cornes d'un coba et lâché dans la brousse où il fut déchiqueté. Sa famille et ses partisans pourchassés, s'enfuirent vers l'ouest en pays zarma".

Enfin l'arrivée à la direction de l'Arewa des trois familles Dalaïni-Gabas, Bozarawa et Wazan Guébé, qui avaient provoqué la mort de Kabrin Kabra en lais¬ sant le coba emporter ce dernier, milite en faveur de cette hypothèse.

Cette guerre civile a également vu l'intervention d'éléments extérieurs entre autres les Peuls. Nomades pasteurs, les Peuls qui commençaient à s'infiltrer dans la région, voyaient d'un mauvais œil l'instauration dans l'Arewa d'une dictature qui n'aurait pour eux que des conséquences désastreuses. Ils rejoignirent ainsi le camp de l'opposition. La tradition dit bien que c'est un Peul qui conseilla à Kabrin Kabra d'enfourcher un coba et c'est le même Peul qui demanda aux princes Arawa de s'écarter pour laisser passer le coba. Cette mention montre bien la part active prise par les Peuls dans la guerre civile qui éclata, entraînant avec son cortège de massacres l'exil des partisans et des parents de Kabrin Kabra en pays zarma, où ils prirent le nom de Mawri et adoptèrent la langue zarma, abandonnant ainsi et l'ap- pelation Arawa et la langue hawsa. Par voie de conséquence, ils sortirent de la chefferie Arawa pour en fonder d'autres dans les nouvelles zones d'occupation.

B. - LE TONDI KANDJE

Les traditions sur la migration Arawa dans le Tondi Kandjé nous sont rap¬ portées par trois informateurs.

1. - Zinka Sami, du village de Koussa, dans le Tondi Kandjé

"Bawa venu se soigner à Foolo, s'installa près de Maazé Béri, dont il épousa la sœur. Puis il quitta pour Néni et ensuite Komdili". 49 50

2. - Kombeyzé de Komdili

"Bawa notre ancêtre a épousé une fille à Foolo, il eut avec elle un fils : Koungobano qui vint par la suite à Komdili. Mais il y avait déjà à Foolo un Mawri du nom de Maazé Béri ; c'était un chasseur".

3. — Djédé Gazibo de Sokorbé

"A l'arrivée de Bawa à Foolo un chasseur Mawri du nom de Maazé Béri y était déjà installé avec sa famille. C'est par son biais que Bawa épousa une jeune touarègue".

4. — Analyse et essai d'interprétation

A Foolo même, les Mawri refusèrent de nous donner d'autres informations, se bornant à dire qu'ils n'en savaient pas plus que les gens de Komdili et Sokorbé. Ils reconnurent toutefois que Maazé Béri est le premier Mawri installé dans la région.

A Bangario, les Mawri n'ont voulu nous donner aucune information : "Tous les Mawri sont les mêmes", dirent-ils. C'est à Komdili que Kombeyzé nous a appris la raison de ce mutisme : "les Mawri de Foolo sont des descendants de Maazé Béri, qui est un chasseur ; mais il y a aussi tous les Kallé qui ont fait les cicatrices Mawri depuis notre entente avec les Touaregs. C'est pourquoi ils ne parlent jamais de leurs ancêtres. A Bangario, c'est la même chose aussi, mais eux sont des descen¬ dants des esclaves de Foolo. C'est les Mawri de Foolo qui leur ont fait des cicatrices et les ont fixés à Bangario".

Quoi qu'il en soit, ces éléments nous autorisent à dire que tous les villages Mawri environnants sont issus des éclatements successifs de Foolo, berceau des Mawri du Tondi Kandjé. Nous verrons ultérieurement comment s'est opéré cet éclatement.

Nous pouvons également constater que la communauté Mawri du Tondi Kandjé s'est agrandie, soit par l'arrivée d'éléments nouveaux, soit par l'assimilation pure et simple des populations autochtones ou d'éléments étrangers venus se faire la main et tenter leurs chances auprès de ces bandes armées sillonnant la région à la recherche de bonnes terres ou de gros butins. Pour l'instant, retenons qu'attirés par les régions giboyeuses du Dallol Bosso, les chasseurs Mawri en suivant les vallées affluentes des Dallols, s'installèrent dans le Tondi Kandjé. Plus tard, ils essaimèrent dans la région. Mais l'installation du premier groupe remonterait aux environs de la fin de la première moitié du XVIIIe siècle. Elle est antérieure à celle des Mawri du Zigi et du Issa-mé, comme le montrera la suite de l'étude.

C. - LE ZIGI

Nous avons choisi pour cette étude deux textes, les plus complets et à notre avis les plus représentatifs. 51

LE CANTON DE SOKORBE

TABU

4 13*40'

4- t3°30'

-)— 1 3*20' 4 3*20' 3* 52

Texte n° 1 : de Djédé Gazibo

"Nous sommes des Bornantchés. Notre ancêtre vient du Bornou, mais nous descendons directement de Bawa, fils de Tamo, lui-même fils de Kabrin Kabra. Bawa vient de Matankari, son père était Sarkin Arewa. Son règne a été très dur. A sa mort, les gens qui craignaient que le règne de Bawa ne soit plus tyrannique encore, voulurent l'assassiner, pour qu'il n'accédât pas au trône. Les courtisans de son père l'en informèrent et lui dirent de fuir. Bawa refusa. C'est alors que le jin (génie) de son père lui apparut et lui apprit que son destin s'accomplira par¬ tout où il ira ; il sera chef. La même nuit, Bawa fit partir ses "demi-frères" et leurs mères vers Jiwayé et Kara-Kara, leurs villages maternels. A l'aube, il monta sur son cheval et partit. Il marcha longtemps, jusqu'à un village nommé Korodango, qui s'appelle aussi Soukourdo (1). Il passa une partie de la journée seul à se reposer derrière le village de Kordango sous un baobab. Vers le soir, il fut pris de remords et décida de rebrousser chemin. Il prit le chemin du retour vers Matankari, quand une voix l'interpela. Il se retourna et ne vit personne. Il reprit la marche. La même voix l'interpela. Il se retourna, toujours rien. Bawa revint alors sous l'arbre, mais il ne vit personne. La troisième fois, après avoir regardé partout dans l'arbre, il cria :

"Qui que tu sois, Djin, Gangi ou Sahytan, montre-toi que je te voie"

"que tu sois génie, diable ou satan, montre-toi".

La voix lui répondit :

"Bawa Tamo, c'est moi le génie de ton père ; je serai avec toi partout où tu iras ; mais ne retourne pas à Matankari ; poursuis ton chemin, il y a un village du nom de Foolo (2), va vers ce village, je serai avec toi".

Bawa arriva ainsi à Foolo et s'y installa. Dans ce village vivait déjà un Mawri, du nom de Maazé Béri (3). C'est un Mawri, originaire de Matankari. Il appelait Bawa "petit frère" et ce dernier l'appelait en retour "grand frère". Ils restèrent ensemble. Un jour, Maazé Béri dit à Bawa : "petit frère, peut-on vivre comme ça sans compagne" ? Bawa répondit : "peut-on vivre avec une compagne si on n'en a pas" ? Maazé répliqua : "laisse-moi faire" ! Peu après, Maazé lui dit : "je t'ai trouvé une épouse, si elle te convient" ! Bawa donna son accord, et le mariage eut lieu. C'était une Targui venue dans le village sans mari. Avec cette femme, Bawa eut un fils du nom de Koungobano. Mais avant la naissance de l'enfant, le jin avait dit à Bawa de se rendre à Yéni (4) et d'y demander la route de Komdili. C'est dans

(1) Soukourdo, situé à environ 35 km au nord-ouest de Matankari ; ce village est encore appelé Kordango.

(2) Foolo : village situé dans le canton de Damana, à environ 120 km de Niamey. C'est un impor¬ tant carrefour où convergent les routes du Zarma Ganda et du Tondi Kandjé.

(3) Maazé Béri : en zarma, Maazé = le plus grand. (4) Yéni : plaque tournante du commerce interrégional à environ 100 km de Niamey. 53

ce village que ton destin s'àccomplira. Bawa partit de Foolo, arriva à Yéni et de¬ manda la route de Komdili. On lui répondit "les femmes là-bas vont à Komdili". Bawa les suivit jusqu'à Komdili où il occupa une vieille mansarde : Bouka Ze'no. Bawa était venu à Yéni le jour du marché, c'est pourquoi il a suivi les femmes de Komdili venues vendre leurs affaires et acheter de la viande, du manioc, etc. A son arrivée à Komdili, Bawa passait tout son temps à jouer. Lorsqu'il gagnait quelques cauris, il envoyait les enfants chercher de l'herbe pour sa jument, ou l'abreuver. Un jour qu'il jouait, un enfant vint lui dire que sa jument a été tuée par un cultivateur tout près du puits. Bawa se rendit sur les lieux. C'était au mo¬ ment des récoltes et la jument de Bawa avait pénétré dans le champ du cultivateur, tout près du puits. En voulant chasser la jument, elle tomba sur son cou et mourut. Bawa invita la population à constater le fait. Puis, sortant son couteau, il éventra la jument, et en sortit une pouliche. Alors, Bawa dit : "Vous voyez, cette jument a conçu pour la première fois et elle porte en son sein une pouliche. Vous voyez aussi que c'est le propriétaire du champ que voici qui a tué ma jument". C'est vrai, dirent les témoins, les traces sont encore très nettes. Bawa leur dit : "Vous pouvez vous retirer". Le lendemain à la première heure, Bawa prit le séko qui fermait la porte de sa hutte et se rendit au puits, qu'il ferma avec le séko. Les premières femmes venues puiser de l'eau furent refoulées par Bawa : "Personne ne boira de cette eau tant que vous n'aurez pas payé ma jument". Le bruit se répandit que l'étranger interdisait l'accès du puits. Les habitants de Komdili décidèrent d'atta¬ quer cet opportun qui pensait empêcher l'accès du puits, parce qu'on a tué sa jument. Mais ils furent repoussés. C'est alors que Sala, chef des Kallé de Komdili, vint voir Bawa et lui dit : "Etranger, regarde ce que tu as fait. Depuis ce matin personne n'a bu de l'eau dans ce village et toi aussi tu ne t'es pas reposé". Bawa répondit : "Personne ne boira de l'eau si vous ne me donnez pas vingt-quatre che¬ vaux, car chaque jument peut mettre bas douze poulains et comme ma jument avait en son sein une pouliche, cela fait vingt quatre chevaux puisque la pouliche aurait pu donner douze poulains". Alors Sala dit : "C'est ce que tu demandes?" Bawa répondit : "Oui". Sala répondit : "Viens avec moi jusqu'à la maison, je vais te donner tes vingt-quatre chevaux". Sala fît construire une case ; il invita Bawa à y entrer avec lui afin de régler les modalités de paiement. Sala referma la porte sur Bawa et lui, tandis que la foule attendait dehors. Sitôt la porte fermée, Sala se transforma en lion. Le djin de son père aidant, Bawa en fit de même. Sala redevint lui-même, Bawa aussi. Sala devint éléphant, Bawa aussi, grâce au génie de son père. Sala redevint lui-même, Bawa aussi. Sala devint buffle, Bawa aussi. Puis Sala rede¬ venu lui-même, se frotta le corps et son corps se couvrit de larges plaques de lèpre. Or Bawa avait justement la lèpre et cherchait à s'en guérir. Bawa regarda Sala qui lui dit : "Tu fais toutes les transformations que je fais, qu'attends-tu?" Bawa lui répondit : "Si tu peux soigner cette maladie, je veux que tu me soignes". Alors Sala dit : "A condition que tu abandonnes tes réclamations". Bawa acquiessa. Sala ouvrit alors la porte et dit aux gens : "Mon étranger et moi nous nous sommes entendus ; il n'y a pas de différend entre nous". Sala soigna Bawa jusqu'à la gué- rison. Pendant qu'on le traitait, des guerriers attaquèrent Komdili ; Bawa repoussa l'attaque et captura quelques chevaux. Sala décida de fixer ce bon guerrier à Komdili. Pour ce faire, il lui proposa l'une de ses trois filles en mariage. L'aînée répondit à son père : "C'est que tu ne m'aimes pas, me donner à ce vieillard, jamais de la vie ! " La seconde eut la même réaction, mais la dernière, la cadette : Koda, accepta, et le mariage fut célébré. Avec Koda, Bawa eut trois fils : 54

— Fodi, l'aîné, — Koumbayzé, — Tileyzé, le cadet.

Bawa vivait avec sa femme et ses enfants lorsque le djin de son père lui dit à nouveau : "Bawa, ton destin ne s'est pas encore accompli ; va, il y a un petit village aux pieds des collines là-bas, et épouse Tilo, l'une des deux sœurs que tu y trouveras". Bawa arriva à Sokorbé, mais comme Sawo était très belle, il com¬ mença à la courtiser. Le génie le rappela à l'ordre et il épousa Tilo. Du mariage naquirent deux fils :

— Salma

— Bakiri.

Bawa revint ensuite à Komdili où il mourut.

Texte n° 2 : de Kombeyzé, du village de Komdili.

"Bawa est le petit-fîls de Kamar Kagar (1). Son père Tamo était Sarkin Arewa. A la mort du père de Bawa, ses oncles, pour l'empêcher d'accéder à la chefferie, l'empoisonnèrent et il contacta la lèpre. Bawa quitta Matankari dans le but de se faire soigner. Il arriva à Foolo et y séjourna quarante jours. Maazé Béri, un Mawri, était déjà installé à Foolo. C'est grâce à lui que Bawa épousa une jeune Targui. Il se rendit à Sakadama, consulta les djins qui lui dirent qu'il ne guérira que dans un village Kallé : Komdili. Les djins lui conseillèrent dès son arrivée à Komdili de s'installer près du puits. On lui apprit aussi que sa jument sera la cause qui lui permettra de dominer toute la région. Il revint à Foolo après cette consultation. Sa femme eut un fils du nom de Koungobano, mais l'enfant naquit en son absence car il était déjà parti pour Komdili. Dès son arrivée dans ce dernier village, les Kallé l'attaquèrent ; il repoussa l'attaque. Devant cet acte qui les impressionna, les Kallé qui pensaient avoir trouvé un esclave en la personne de Bawa allèrent dire au chef Sala qu'un seul guerrier a réussi à repousser leur attaque. Sala vint l'inviter chez lui. Bawa accepta l'invitation et suivit Sala qui chargea un de ses enfants d'aller abreuver la jument de Bawa. Par malheur, en voulant faire avancer la jument, l'enfant la brutalisa et la jument tomba et se cassa le cou. L'enfant revint dire à son père ce qui s'était passé. Bawa se rendit sur les lieux. En compensation, il de¬ manda neuf esclaves, sinon dit-il : "J'emporterai l'enfant". Sala accepta de payer et demanda en conséquence la libération de son fils. Bawa refusa avant d'être payé. Comme il faisait chaud, Sala ordonna la construction d'une case et invita Bawa à y entrer avec lui. Dès qu'ils furent dans la case, Sala referma la porte et devint aussitôt un éléphant. Bawa le chargea avec son sabre (2). Sala devint lion, Bawa le chargea et Sala prit sa forme normale. Bawa lui dit : 'Tu n'échapperas pas à la mort quelle que soit la forme que tu prendras". Avant qu'il n'eut terminé sa phrase,

(1) Kamar Kagar : Kabrin Kabra.

(2) La tradition rapporte que Bawa avait le sabre de Kabrin Kabra. 55

Sala était devenu un cadavre en décomposition. Bawa hésita un instant et dit : "En enfonçant mon sabre dans ce cadavre, il y aura certainement du sang". Il leva son sabre pour frapper le cadavre, lorsque Sala reprit son vrai visage. Il dit alors à Bawa : 'Tu es un homme courageux et fort. Moi je suis un grand magicien gué¬ risseur. Une alliance nous serait profitable à tous deux. Je te guérirai de ton mal et toi, tu défendras mon village qui est perpétuellement razzié". Bawa accepta le marché et renonça à réclamer la compensation exigée. C'est avec l'arrivée de Bawa à Komdili que les Kallé quittèrent la colline pour descendre dans la vallée. Bawa repoussa toutes les attaques. En reconnaissance et pour sceller leur amitié Sala lui donna sa fille cadette en mariage. Avec cette fille, Koda, Bawa eut quatre fils :

— Fodi,

— Zibdin, — Koumbayzé,

— Bilan Koda.

C'est après qu'il épousa la fille d'un Mawri, Magaji Bééri, installé au nord- est de Komdili dans une vallée couverte de Sokorbia (1). Avec cette dernière femme, Tilo, Bawa eut :

— Salma,

— Bakiri.

ANALYSE ET ESSAI D'INTERPRETATION

Les traditions sur l'installation Arawa en pays zarma sont nombreuses. Nous aurons l'occasion de revenir sur certaines d'entre elles au cours de notre analyse. Cependant, toutes reconnaissent que ces migrations sont causées par des luttes de succession. En ce qui concerne le Zigi, les deux textes nous permettent de voir que les migrations se sont échelonnées dans le temps.

A l'arrivée de Bawa à Sokorbé, un Mawri du nom de Magaji Bééri y était déjà installé et Bawa épousa l'une de ses filles, Tilo. Selon les traditions, Magaji Bééri aurait quitté Matankari pour s'installer dans cette vallée couverte de Sokorbia, d'où Sokorbé a tiré son nom. Toujours selon la tradition, Magaji Bééri serait éga¬ lement un chasseur venu avec tout son monde : comme le gibier y abondait, il s'y installa définitivement ; à l'époque, il y avait des biches, des cobas et aussi des éléphants qui passaient par là et descendaient vers le fleuve. Mais la tradition ne donne pas les causes du départ de Magaji Bééri pour le Zarma. En ce qui concerne Bawa, le règne de son père serait à l'origine de son exil. Quels souvenirs la tradition en a-t-elle gardés ?

Selon Guimba Dakaou (2)

(1) Sokorbia : sorte de bambou appelé akawra en yoruba. (2) Tradition recueillie à Matankari. ON LA

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"Dan Sarkin Arewa Tamo (le fils du Sarkin Arewa Tamo) vivait très misé¬ rablement. Il était très mal vêtu et de plus, il avait la lèpre. Il fuyait de ce fait le monde des courtisans. Il était toujours seul, mais il était très malin et rendait visite de temps en temps au Sarkin Gobir. C'est là-bas que nos chefs étaient intro¬ nisés. Il le faisait en cachette. A la mort du Sarkin Arewa (1), il fallut nommer un nouveau Sarki et les prétendants furent tous réunis chez le Sarkin Gobir. Ce dernier leur demanda si tous étaient présents ; ils répondirent : "Nous sommes tous là". Sarkin Gobir qui avait constaté l'absence de Tamo dit "Vous êtes sûrs qu'aucun Dan Sarki (2) ne manque ?" Les prétendants répondirent alors : "II ne manque que Tamo ; mais il est lépreux ; la Sarawta (3) ne le concerne donc pas". Sarkin Gobir logea tout le monde et fixa l'intronisation pour la semaine suivante. La même nuit, il envoya ses Dogari (4) très discrètement à Matankari avec mission de remettre à Tamo un cheval, deux grands boubous, un blanc et un noir, et de le ramener. Tamo arriva avant la date de l'intronisation et Sarkin Gobir le cacha. Le jour de l'intronisation, tout le monde est réuni, les fils du chef d'un côté, les autres de l'autre. Tout le monde attendait devant la maison du Sarkin Gobir celui qui serait nommé par ce dernier. C'est longtemps après que l'on vit un homme que personne ne reconnut, mais bien habillé, venir s'asseoir sur la natte de la chef- ferie. Sarkin Gobir dit aux Arawa : c'est Tamo, c'est lui votre nouveau Sarki. A partir d'aujourd'hui, c'est Tamo qui est le Sarkin Arewa. Avec l'autorisation du Sarkin Gobir, les tambours se mirent à battre ses louanges et celles de l'Arewa. Lorsque Tamo quitta le Gobir, il demanda aux Arawa de battre :

"Kuturun kuusu "baata sheka da jini la souris lépreuse laisse du sang partout où elle passe ! "

Il s'agit ici d'une allusion à la ruse employée par Tamo, le lépreux, pour s'assurer le gadoun Sarawta (le lit de la chefferie). En clair, le lépreux Tamo a réussi à se faire introniser, grâce aux traces qu'il a laissées, c'est-à-dire, aux visites répétées au Sarkin Gobir, visites qu'il ne faisait sanjs doute pas les mains vides".

Marc Piault qui a recueilli à peu près la même tradition auprès de Zamman Allah traduit l'expression :

"Kuturun kuusu "baata sheka da jini comme signifiant :

la souris lépreuse, elle ne gâte pas le lit de la chefferie !

Il convient de rappeler que Koussou en hawsa est un nom masculin. De ce

(1) Sarkin Arewa : chef de l'Arewa.

(2) Dan Sarki : fils de chef, prince.

(3) Sarawta : chefferie.

(4) Dogari : soldats. 58

fait, la traduction donnée par Piault s'écrirait en hawsa :

Kuturun kuusu bashi sheka jini

D'autre part, le mot sheka ici signifie : l'action de courir et non éjecter comme le laisse entendre M. Piault. (1970,

Il est permis de penser que ce nom Tamo Koutouroun Koussou a été dé¬ formé par les Mawri du Zigi en Tamo Koulounkosso. Dans ce cas nous admettrons volontiers que Bawa ait pu prendre la lèpre au contact de son père Tamo. Il n'est pas exclu que les Arawa, afin d'éviter l'avènement d'une famille de lépreux, aient tout mis en œuvre pour écarter Bawa du pouvoir. Surtout quand on sait la vio¬ lence faite à l'Arewa par Sarkin Gobir, en lui imposant un chef qu'il n'avait aucu¬ nement souhaité. Pris sous cet angle, le départ de Bawa, évitant ainsi un assassinat éventuel, s'explique parfaitement. Du reste, les grandes infirmités ont toujours constitué un sérieux handicap dans la course à la Sarawta : la tradition rapporte bien la réponse des princes Arawa à la question du Sarkin Gobir : "Il ne manque aucun prince de l'Arewa, car Tamo est un lépreux, la Sarawta ne le concerne pas". Un autre élément important dans la dispersion des descendants de Kabrin Kabra est le souvenir laissé par ce Sarkin Arewa. Bawa, fils ou petit-fils de Kabrin Kabra, selon les traditions, n'a pas échappé à cette méfiance de l'Arewa vis-à-vis de la famille de Kabrin Kabra. Enfin, il convient d'ajouter que toute l'histoire de l'Arewa est dominée par cet éclatement perpétuel du noyau originel et la constitution de nouvelles unités autour desquelles vont se cristalliser de nouveaux éléments et se créer de nouvelles chefferies. Ainsi, un parti évincé du pouvoir sous la direction de Babba fonda le Roukoundoum. A la suite de l'éclatement de ce groupe, Nasa- rawa fut fondé par les dissidents conduits par Albarka. Un autre Sarki détrôné, Yazi, fut à l'origine de la fondation de Kara-Kara. Descendants de guerriers, fiers, épris de liberté, alliant le goût du risque à l'amour du commandement, les Arawa ont toujours refusé de se soumettre à l'autorité de la famille gagnante, dans la dure course à la Sarawta. Dans bien des cas, ils préfèrent aller fonder de nouveaux vil¬ lages, et par là-même de nouvelles chefferies.

Bawa n'a sans doute pas échappé à la règle et l'allusion à son cousin Yayi, faite par la tradition, est significative à cet égard.

Comment s'est effectuée cette implantation Arawa dans le Zigi ? Perié et Sellier (1950 : 1033) pensent à l'installation de quelques Arawa, de retour d'un coup de main dans le . En fait le problème est plus complexe et l'itinéraire pour le moins bizarre suivi par Bawa montre bien que cette installation en pays Zigi s'est échelonnée dans le temps et dans l'espace. Mieux, ces départs n'ont pas entraîné une rupture définitive avec la mère patrie. Ainsi, un lutteur du nom de Fodi, quittant Kona (Dogondoutchi) vint affronter un des fils de Magaji Bééri, beau-père de Bawa. Vaincu par le fils de Magaji Bééri, Fodi décida de se fixer à Sokorbé, où il fonda le quartier Kona avec son monde. Dans le même ordre d'idées, en suivant Bawa à travers son périple, on peut facilement constater qu'il était par¬ faitement renseigné sur les lieux d'implantation des membres de sa famille : Foolo - Sokorbé - Néni. Trois raisons essentielles expliquent ces départs successifs : 59

— querelles de succession et dissensions internes :

— recherche de bonnes terres : la communauté Arawa commençait à se sentir à l'étroit dans les vallées encaissées par les plateaux rocheux sur lesquels aucune culture n'était possible ;

— désir d'aller à l'aventure, d'échapper à la justice, d'aller se guérir d'une ma¬ ladie ou de fonder une nouvelle chefferie.

Comme toujours dans ces cas, le problème le plus difficile pour l'historien est la situation de ces migrations dans le temps.

Dans le récit relatif à l'implantation Arawa dans les vallées du Zigi, Ango Mawrikoy nous dit :

"Bawa et ses frères Yaji et Maïdoka avaient tous les trois consulté les djins avant de quitter l'Arewa. Les djins dirent à Yaji : "Va vers Kara-Kara, tu seras chef' ; à Maïdoka : "Ton pays, c'est Jiwayé" ; à Bawa : "Va vers Korodango, de là, dirige-toi vers Komdili, c'est là-bas que tu t'installeras et que tu seras chef'.

C'est ainsi que les trois frères se séparèrent.

Robin (1947 : 64), se fondant sur les traditions, précise : "Craignant les représailles des ennemis de leur père, les trois fils de Kabrin Kabra résolurent de s'en aller : l'un fonda la chefferie de Kara-Kara, un autre celle de Bey-Bey, Bawa ne trouva qu'à Komdili les circonstances favorables à une installation".

Or Urvoy (1936 : 262) situe la fondation de Kara-Kara, par Yaji Kouana- dawa, au milieu du XVIIIe siècle. Si nous admettons cette hypothèse, Magaji Bééri, qui aurait quitté l'Arewa en même temps que Yaji, se serait fixé à Sokorbé approxi¬ mativement à la même période.

Se référant à une tradition recueillie par Ardant du Picq "Tamo régnerait à l'époque de la fondation de Dosso", Périé et Sellier (1950 : 1032) fixent ce règne vers 1750. Ce qui nous permet de situer l'arrivée de Bawa, parti de l'Arewa après le décès de son père, à une date antérieure à 1750, peu après Magaji Bééri.

En gros toutes les sources écrites dont nous disposons donnent le milieu du XVIIIe siècle comme date de l'arrivée des Arawa dans le Zigi. Mais nous avons d'autres repères.

Guimba Dakaou, à propos de l'intronisation du Sarkin Arewa Tamo, fait allusion à l'investiture donnée à ce dernier par le Sarkin Gobir. Ce fait est attesté par les traditions recueillies par Urvoy : "Les traditions du Gobir et de Konni assurent que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les rois du Gobir étendirent leur pouvoir vers l'Ouest, jusque vers l'Arewa et les chefs Arawa recevaient alors leur investiture".

Marc Piault situe cette investiture vers 1760, période d'apogée du Gobir. 60

Cette hypothèse est renforcée par deux éléments :

— la mention faite par les traditions du tambour, après l'intronisation de Tamo. Les premiers tambours de l'Arewa ayant été pris au Kabbawa par Tassao vers 1700, il est permis de penser que l'intronisation de Tamo est forcément pos¬ térieure à cette date ;

— la révolte de Dan Fodio, qui dès 1804 mit fin à la toute puissance du Gobir, permet de situer l'investiture de Tamo avant cette date.

Le dernier élément dont nous disposons dans l'étude de cette chronologie est la généalogie des Mawrikoï. En effet toutes les traditions reconnaissent quinze règnes qui sont :

Mawrikoï Fodi Pour Komdili Mawrikoï Garga Forou Mawrikoï Dinbawa

Mawrikoï Salma Pour Sokorbé Mawrikoï Souley Mawrikoï Gatari

Mawrikoï Kougobano Pour Bamey Mawrikoï Sasiri Mawrikoï Moussa

Mawrikoï Zi Baba Pour Sinsan Mawrikoï Moussa

Mawrikoï Koda Pour Madou Mawrikoï Made

Mawrikoï (nom oublié) Pour Moussadaye Mawrikoï Antapha

Le dernier Mawrikoï, Antapha, régnait en 1896 au moment de la mission Toutée. Il était encore au pouvoir à la pénétration française et après lui les Mawri n'ont plus éprouvé la nécessité d'en introniser, les structures coloniales ayant rendu inutile le règne d'un Mawrikoï. Si nous nous référons aux estimations de Djédé Gazibo, c'est-à-dire pas plus de dix ans de règne par Mawrikoï, en raison de la structure même de la chefferie (1) les quinze règnes nous font remonter aux envi¬ rons de 1741. A cela il faut ajouter les quelques mois de règne de Koungobano et celui de Bâwa le fondateur.

Tous ces recoupements nous portent à situer à la fin de la première moitié du XVIIIe l'arrivée de Bawa dans le Zigi.

(1) Cf. pages 94-95. 61

Partis de l'Arewa à la fin de la première moitié du XVIIIe siècle, par vagues successives, les Arawa occupèrent les vallées affluentes du Dallol, dans le Zigi. Ils apportèrent dans leur nouveau lieu d'implantation un élément important : la notion d'un pouvoir politique central. Ainsi se constituera autour de ce noyau extrême¬ ment dynamique une aristocratie sur laquelle se cristallisèrent le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Cela sera d'autant plus facile que les Kallé autochtones ne disposant pas d'un pouvoir central fort, ni d'une organisation militaire efficace, ne constitueront pas un obstacle à l'affirmation de la commu¬ nauté Arawa qui désormais, prendra le nom de Mawri.

D. - LE ISSA-ME

De même que pour l'installation Arawa dans le Zigi, les traditions sur leur implantation au Issa-mé sont nombreuses, mais toutes tournent autour de trois thèmes essentiels : querelles de succession, chasse, aventure.

1. - Pour Soumaïla Siddo (1) Tâbi Sâ Wi (2), le premier Mawri venu ici, a quitté Matankari pour Sokorbé, puis il est venu s'installer à Néni Goungou (3). Il a quitté Matankari parce qu'il avait tué son concurrent dans une querelle pour la chefferie. Il vint avec sa famille. Par la suite, un Mawri du nom de El hadji Hima, qui était dans le Dendi en train de faire le charlatan vint à son tour. C'est lui l'ancêtre des Mawri de Kwaratégi.

2. - Selon Djibo Salifou Mawrikoï vint s'installer à Néni Goungou. Il a traversé le Fakara et Niamey pour s'installer à Néni. Ce sont les prédicateurs qui lui ont dit que s'il s'installe dans une île, il aura la chefferie. De Néni, il alla sur la rive Gourma et trouva une esclave en train de cultiver. Il prit l'iler des mains de l'esclave et lui dit de s'asseoir. Il courtisa la femme. Un jour, le propriétaire de l'esclave vint visiter son champ et fut mécontent de voir la femme assise pendant que le Mawri cultivait. Le Mawri lui dit alors : "Je vais l'épouser". "Avec quoi vas-tu me payer", demanda le Peul propriétaire de l'esclave. "Trois ans de culture", répondit le Mawri. Le Peul accepta le marché. Après trois ans, la femme fut affranchie. A chaque accouchement, elle avait des jumeaux : un garçon et une fille. Le père les maria entre eux dès qu'ils atteignirent l'âge du mariage. Il eut beaucoup de fils et une multitude de petits fils.

C'est bien après que vint Bourahima Mawri, qui avait des cheveux tellement longs qu'il ressemblait à un diable. Il avait sept chiens et c'est ses chiens qui abat¬ taient les gibiers qu'il mangeait ; c'est les djins qui lui donnaient du lait. C'est ce Bourahima l'ancêtre des Mawri de Kwaratégi.

(1) Soumaïla Siddo : de Niamey âgé de 72 ans, Mawri. (2) Ta'bi Sa Wi : en zarma "la souffrance ne le tue pas" ; allusion faite aux souffrances qu'il a endurées. Ce Tâbi Sâ Wi serait fils de Tamo, donc frère de Bawa.

(3) Goungou : île. 62

3. — Oumarou Moussa nous donne une autre version Le fils aîné de Bambaloma n'a pas pris la chefferie et il quitta sur un cheval blanc avec son esclave. Il arriva à Kolbou, voulut s'y installer, mais continua : "Saii Baki'n rwa" jusqu'au bord de l'eau (fleuve). Il resta à Goudel où les Touaregs razziaient souvent la région. Il prit son cheval et repoussa les Touaregs, grâce à l'effet de surprise. Les Touaregs se replièrent pour aller se préparer. Lui aussi fit venir les chasseurs de l'Arewa et les Touaregs furent battus. Craignant un voisin aussi dangereux, les gens de Goudel le dirigèrent vers l'île de Néni. C'est lui le premier Mawrikoï Néni.

4. - Analyse et essai d'interprétation Les trois textes reconnaissent tous les querelles de succession comme motif du départ du premier Ba'aré du bord du fleuve. Selon ces mêmes traditions, cette installation serait échelonnée dans le temps. Cependant deux questions essentielles demeurent :

— qui est ce premier Ba'aré ? — A quelle époque serait-il venu ?

Notre informateur Soumaïla Siddo fait de Tâbi Sâ Wi un fils de Tamo, c'est- à-dire, un frère de Bawa. Cette affirmation est confirmée par les Mawri du Zigi et du Tondi Kandjé.

D'après Zinka Sami du village de Koussa dans le Tondi Kandjé : "En quittant Foolo, Bawa se rendit d'abord chez son frère à Néni". Selon Djédé Gazibo de Sokorbé, Bawa et Tâbi Sâ Wi seraient comme deux doigts d'une seule main, c'est- à-dire, des frères ; ils sont les mêmes. Pour Kombeyzé : "Les Mawri de Néni et nous, nous sommes les mêmes" ; il ajoute : "Au cours d'une attaque des Touaregs, Bawa partit jusqu'à Néni". Est-ce pour répondre à l'appel de Tâbi Sâ Wi, appel lancé par ce dernier aux Mawri pour l'aider contre les Touaregs, comme le men¬ tionne Oumarou Moussa dans son récit ? Il est permis de le penser.

Dans la généalogie qu'il nous donne, Oumarou Moussa fait de Tâbi Sâ Wi le fils de Bambaloma. Or, en se référant aux archives du Cercle de Dogondoutchi(l), nous constatons que Bambaloma est le neuvième Sarkin Arewa, alors que Tamo, le père de Bawa, serait le treizième Sarkin Arewa. Tamo serait ainsi le fils de Chekarao, lui-même fils de Babba, frère de Bambaloma. Le recoupement ainsi fait laisse apparaître Bawa, l'ancêtre des Mawri du Zigi comme étant le neveu de Tâbi Sâ Wi. En tout cas, le fait que Bawa se soit rendu à Néni sans que l'ancêtre de Néni ne lui rende sa visite permet de penser, dans la hiérarchie familiale, que l'an¬ cêtre de Néni serait l'aîné par rapport à l'ancêtre des Mawri du Zigi. En effet c'est le "petit", c'est-à-dire le petit frère, le fils, le neveu ou le cousin le moins âgé, qui rend visite au "grand", c'est-à-dire le père, l'oncle ou le cousin le plus âgé. Cette considération nous permet d'affirmer que les Mawri du Issa-mé, descendants de Tâbi Sâ Wi sont les "grands" par rapport aux Mawri du Zigi, descendants de Bawa.

(1) Voir en annexe généalogie des Sarkin Arewa donnée par les archives du Cercle de Dogondoutchi. 63

Sur le plan chronologique, Tâbi Sâ Wi aurait, d'après la tradition, trouvé l'an¬ cêtre de Goudel déjà installé à son arrivée. Dans sa note (...) sur le village de Goudel, le Dr Charles Pidoux, à partir des douze premiers règnes des chefs de Goudel, situe aux environs de 1830 le premier règne, qui n'est autre que celui de Garba Soudjé. Si nous admettons que Garba Soudjé s'est installé avant d'être intronisé chef et que Tâbi Sâ Wi le trouva seul, nous pouvons situer l'arrivée de Tâbi Sâ Wi et ses Mawri entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècles.

La mention faite par les traditions du Tondi Kandjé et de Sokorbé permet effectivement de placer dans ce cadre chronologique l'arrivée Arawa au Issa-mé. Nous avons là l'implantation la plus récente des trois communautés Arawa en pays zarma.

En conclusion, nous pouvons dire qu'arrivés dans le Tondi Kandjé, le Zigi et le Issa-mé au cours du XVIIIe siècle, les Arawa ont réussi à créer dans ces trois régions des communautés indépendantes les unes des autres, et ont pris le nom de Mawri. Zones de contact entre Hawsa et Touaregs, ces régions sillonnées de vallées plus humides, donc plus fertiles, que les plateaux, offrent par endroits d'excellents refuges aux bandes armées. C'est aussi une zone où abondent le gros et le petit gibier. De ce fait, ces régions vont constituer un terrain favorable à l'installation des Arawa et à l'organisation de leur communauté.

- Comment s'est effectuée cette implantation ?

— Quels sont les premiers occupants de ces régions ?

— Quelles étaient leurs organisations politiques ?

- Quelle a été leur réaction face aux nouveaux venus ?

Nous ne pourrons répondre à cette question qu'après un bref examen de la situation qui prévalait à l'arrivée des Mawri.

(...) Réf. Monographie du Cercle de Doutchi - Archives : Etudes nigériennes N° 5 - CNRSH (FAN.

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ITINERAIRE ZARMA donné par HAMANI ISSOUFOU de DAMANA 68

A. - LES ZARMA

Dans le Tondi Kandjé, le Zigi et le Issa-mé, les Mawri reconnaissent l'anté¬ riorité de l'implantation zarma. Mais ces Zarma, d'où viennent-ils ? Oui sont-ils ? Et à quelle époque sont-ils arrivés ?

1. - Les traditions

Deux traditions répondent à ces questions.

Texte n° 1 : de Hamma Issoufou du village de Damana.

Les Zarma vinrent de Makka (1), s'installèrent à Mallé près des Touaregs, mais durent quitter Mallé (2). En effet, les jeunes Zarma se baignaient dans une mare qui les séparait de leurs voisins les Touaregs. Mais les jeunes Touaregs venaient chaque fois salir les habits des jeunes Zarma en les piétinant dans le banco. Un jour, un jeune Zarma dit : "Si les Touaregs salissent mes habits aujourd'hui, le monde se lèvera (3)". Il prit soin de cacher deux lances au bord de la mare dans le sable. Les jeunes Zarma vinrent à la mare, les filles lavèrent leur'linge et le mirent à sécher au soleil. Les Touaregs se mirent à le salir. Le jeune Zarma sortit ses deux lances et transperça l'un des jeunes Touaregs. La guerre éclata entre Zarma et Touaregs. Les deux groupes battirent leurs toubals (4). Le toubal ramené par les Zarma de Makka résonnait à sept jours de marche. Si bien que tous les Zarma se réunirent et se préparaient à la guerre. Lanfarra dit alors aux Zarma : "Ces gens auxquels vous voulez vous attaquer, ce sont des descendants de djins (5) ; il vaut mieux s'en éloigner". Les Zarma demandèrent comment éviter cet affrontement. Lanfarra demanda à tous les Zarma valides de lui apporter du bata karaï (6). Il construisit avec leur aide un daba (7) dans lequel il invita tous les Zarma à monter. Il prit un fouet, murmura une formule tout en tournant autour du daba, le fouetta et lui dit : "Tun" - "lève-toi". Et le daba s'éleva jusqu'à hauteur d'homme. Il dit encore "Ye ganda", le daba redescendit. Les Zarma y mirent tous leurs biens, animaux et

(1) Makka : La Mecque en Zarma.

(2) Mallé : il s'agit de l'empire du Mali.

(3) Ndounnia ga toun : le monde se lèvera : il y aura des histoires.

(4) Toubal : tambour de guerre ; le toubal ramené de la Mecque : Sobon Kano. (5) Les traditions définissent les Touaregs comme descendants des djins, des génies. (6) Bata karaï : paille pour recouvrir le toit des cases et construire les bases des greniers à mil. (7) Daba : grande corbeille utilisée comme base des greniers à mil. 69

effets. Lanfarra tourna encore autour du daba, récita la même formule, fouetta le daba et lui dit "lève-toi". Le daba s'éleva à hauteur de tête lorsque le griot (Niam Kala) des Zarma revint de la brousse. Les Zarma lui tendirent un fouet qu'il saisit et grâce auquel on put le hisser dans le daba. Le daba se mit à gronder. Puis fila à toute allure. Effrayés par le grondement, les Touaregs sortirent de leurs maisons et virent l'objet filer tout droit dans les airs. Ils coururent au village zarma, il était vide. Ils surent ainsi que c'étaient les Zarma qui s'en allaient dans cet étrange objet.

De Mallé, le daba se posa à Doussou Kondié, à Adaramboukane, Yaw daï, à Saptaka puis à Sargane. Les Zarma étaient conduits par Mali Bero qui mourut à Sargane où se trouve encore sa tombe. Son petit frère Ouran prit la direction des Zarma et vint avec le daba à Dakala où il mourut ; c'est à Dakala que le daba a été enterré. Par la suite les Zarma vinrent à Kobi Tamara, près d'une mare, puis â Sabarey, d'où Malli Koda alla à Boudé avec son monde. D'autres allèrent à Kogori, Namari Kwara hin hinka (1), Kwara hinka, Dosso Kwara hinka, Kolo Sébéri, N'Dounga, Gamkalle, Tondi Kwaray, Saga. Même maintenant il y a une famille qui s'occupe du daba et des autres effets comme les fandiya (2) et le fouet (3). Quant au toubal, Sabankano, il est à Dosso. Les gens de Dosso se sont mariés à Kobi, la femme revint à Kobi accoucher son premier enfant. Chaque fois que l'enfant pleurait, ses grands-parents touchaient légèrement le toubal, et il se taisait. Au moment du retour de la femme dans son foyer, ses parents décidèrent de la ramener avec le toubal pour éviter que l'enfant ne pleure. Le toubal fut enroulé en cachette dans une couverture. Sur la route, une branche de kuubu (4) frappa le toubal Sabankano et la résonance fut entendue jusqu'à Dosso. Cela a failli entraîner une guerre entre Dosso et Kobi. Alors les gens de Dosso jetèrent Sabankano dans le grand puits de Dosso. Autrefois, tous les vendredis, il résonnait ; mais maintenant il ne résonne plus.

Texte no 2 : de Garba Souna, du village de Geseraï.

"Tous les Zarma qui ne sont pas Goubé, Soudjé et Mawri sont des descendants de Zarmakoï Sambo. Zarmakoï Sambo vint de Mallé où il était avec les Peuls. Les jeunes Zarma et les jeunes Peuls se baignaient dans une même mare. Après chaque bain, les jeunes Peuls se servaient des habits des jeunes Zarma pour se nettoyer. Un jour, les jeunes Zarma réagirent et tuèrent Djiadjé Witizé, le jeune Peul qui était à l'origine de ce procédé. Une guerre éclata entre Zarma et Peuls. Les Zarma construisirent alors un Barma daba et Sambo fouetta le daba en lui disant "toun" "lève-toi". Le daba sèleva jusqu'à hauteur d'homme. Puis il lui dit "Yeganda", "redescends" ; ce que fit le daba. Il invita tout son monde à y monter, et c'est avec ce daba que les Zarma quittèrent Malle. Mais certains y sont restés et prirent de ce fait le nom de Koïra-boro (les gens du village) par opposition à nous les gangi-boro (les gens de la brousse), parce que nous avons quitté notre pays. Ces

(1) Les deux villages qui portent le nom de Namari.

(2) Fandia : éventail.

(3) Le fouet avec lequel Lanfarra frappa le daba.

(4) Kubu : combretum mecranthum. 70

Koïra-boro et nous sommes les mêmes ; nous sommes tous des Malinkés. En quit¬ tant Malle, le daba passa par Gao, où Zarmakoï Sambo et ses gens reçurent la bé¬ nédiction du Wali Mamar (1). Il alla, toujours sous la conduite de Zarmakoï Sambo, à Saptaka, Doussoukondié, Adaramboukane puis à Sargane où les Zarma s'instal¬ lèrent. Mais je ne sais pas si Sambo est mort avant Sargane ou à Sargane même. Je sais seulement que c'est Mali Bero qui a pris le commandement après la mort de son frère Sambo. Voici comment sont répartis ses descendants :

- Daouda Mali : fils de Mali Bero, ancêtre des gens de Fâmey (Diantiandou).

— Tongofarma Mali : eut deux fils

. Djermakoï Kandi : ancêtre de Damana (Zarma du Tondi Kandjé)

. Djermakoï Gao, dont le fils Tagour eut quatre fils :

a) Sagiam, ancêtre de Zam Kiria, Sandy Day, Gongay, Kala ;

b) Zamashéga, dont le fils Tobil est l'ancêtre de Tobil-fou compre¬ nant les villages de Kabé, Yéni, Gandabéri-Kwara, Garankiéday, Gonga Tarey, Kourfaré, Karré, Dologa, Kouré-Kotombo ;

c) Boukar qui eut lui aussi quatre fils :

. Soussi, ancêtre de ,

. Dahmar, ancêtre d'une partie de Dosso et de Tidirka ;

■ Bouratchi, dont le fils Ountoumani est l'ancêtre de Gountouday, Bondiolo, Tombokiray. Son autre fils Sandy est l'ancêtre de Kotaye.

d) Le quatrième fils de Tagour Ali Koda eut deux fils Zam et Allassan.

Zam eut plusieurs fils :

. Toumane dont les descendants sont à Tessa, ils ont environ 50 à 60 puits.

. Moharsane, le plus jeune eut deux jumeaux :

— Faranzate, ancêtre de Kala Béére,

— Moribani, ancêtre de Harikanassou.

(1) Wali Mamar : Askia Mohammed. TESSA bondiolo

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/ i s 'gandabeeikoaea DOLOGA1 KIRIA,ZAM LIEUXPREMIERS SOUNAGARBAd'après samnaizouzou haeikanassou kodo ZARMAD'IMPLANTATION DANTIANDOU kirtachi N'DOUNGA 'liboee (Niamey) »SAGA () * SARGAN GOUDEL 'SAPTAKA +- 72

Zam eut aussi :

. Haddi Zam Ize (Haddi fils de Zam), ancêtre de Kiota (El hadji Kwara), Goubé Zeno, Kolbou, Kiota-na- Zammé.

Zam eut également :

. El hadji Kouka Ize, ancêtre de Bangaria (les quatre Bangaria), Kanare, Kodo.

Zam eut enfin :

. Moussa Zam Ize, ancêtre de Mala, Gonbewa, Kaka-Baba- day, Kawatada-Kwara.

Allassan est le deuxième fils de Ali Koda ; ses fils :

. ZarmakoïManaï est l'ancêtre d'un quartier de Harika- nassaou (les gens de Sounga), de Liboré Malalaï, Zama-Kwara.

. Gassia Manaï, ancêtre de Namari-Yerima-day, Kouré (une partie).

. FarakoïManaï, ancêtre de Saga, Liboré Tonko.

. A wan Ize Mali Manaï, ancêtre de N'Dounga, Liboré, Zouzou-Béri, Goudel, Koutoufani, Bangagi...

Les autres fils de Mali Bééro :

— Baba Zouzou Mali, ancêtre de Tombo-Béri,

— Makas-Safa, ancêtre de Safa.

Ces deux textes nous renseignent sur l'origine des Zarma, les raisons de leurs migrations, les itinéraires suivis et l'exploration zarma dans le pays qui deviendra le Zarmatarey.

D'où viennent les Zarma ?

Toutes les traditions leur donnent la même origine.

"Nous sommes des Malinké ; nous venons de Mallé".

Certaines se réfèrent à Magan Soundjata, considéré comme parent maternel 73

des Zarma. La tradition recueillie par Diouldé Laya (1) est significative à cet égard.

Selon Delafosse, "Une fois maître de Tombouctou et de Dienne, Ali Ber cou¬ ronna ses conquêtes en ravageant toute la région comprise entre les deux villes dont il avait fait un gouvernement sous le nom de Dirma. Le gouverneur de cette province, le Dirmakoï, résidait un peu en aval de Niafounké à Ten Dirma".

Urvoy (1936, 56 à 61) pense tenir là la racine du peuple Zarma. Ainsi les sédentaires du Dirma qui adopèrent la langue sonraï après leur défaite par ces der¬ niers, seraient les ancêtres des Zarma. Dirma serait alors le pays que les Zarma s'attribuent comme berceau.

Pour Ardant du Picq (1931, 5 à 7), les Zarma Malinkés habitant le Mali au sud de Djenne auraient pris part aux combats de l'Askia Moussa contre le Borgou.

Pour Châtelain, chassés du Dirma par les Peuls, fixés temporairement à Gao, les Zarma quittèrent vers 1650 en direction de l'Andiourou.

Se fondant sur la langue, les cultes religieux et les traditions en général, Jean Rouch pense que les Zarma seraient en fait un groupement d'origine songhaï, issu peut-être des Gaw chasseurs qui accompagnèrent dans la brousse les premières migrations des Sorko. Ainsi les Zarma ne seraient que des Sonraï revenus après une très longue absence (six à sept siècles) près de leur pays d'origine (1953 : 209).

Que penser de ces hypothèses ?

Il convient ici de rappeler que les Zarma se donnent pour première origine la Mecque. Certains ont pensé qu'il s'agit là d'un phénomène historique classique : le désir des populations converties à l'Islam de se donner pour ancêtre un proche du prophète. Ainsi la référence faite par les Zarma à Zabarkane, collaborateur du prophète Mahomed, réputé pour sa fierté,-sa sincérité et son sens de la dignité, rentrerait dans cet ordre d'idées. Il en serait de même pour la référence à Soundjata.

Nous retiendrons seulement à ce stade de nos connaissances sur les Zarma qu'ils sont installés dans le pays qui est devenu le leur relativement tard et que leur origine se situe quelque part dans l'ancien empire Sonraï.

Pourquoi sont-ils partis de Mallé ? Diverses explications sont données :

Rouch met ces migrations en parallèle avec la poussée de l'Islam intervenue à l'avènement des Askia, tandis qu'Urvoy y voit les retombées de la défaite Sonraï face aux Marocains qui eurent pour conséquence, le pillage des populations séden¬ taires du Dirma par les Peuls et les Bambara.

Les traditions sont quant à elles formelles : les vexations peules et touarègues eurent pour conséquence le départ des Zarma. L'attitude du jeune Peul se nettoyant

(1) Histoire des Songhaï-Zarma : C.R.D.T.O./H/N0 1 p. 2. 74

avec les habits des Zarma laisse penser que les Zarma furent certainement victimes d'affronts autrement plus importants. Nous retiendrons que les dissensions inter¬ venues 'entre les Zarma et leurs voisins, le climat d'insécurité dans lequel vivaient les Zarma, et le désir de fuir les vexations et peut-être une domination trop marquée, entraînèrent leurs migrations de leur pays d'origine vers l'est, offrant des espaces plus grands, moins peuplés avec une relative sécurité et la promesse de terres plus fertiles. Nous verrons que cette relative sécurité favorisera la dispersion des Zarma dans le pays qui deviendra leur patrie.

A quelle époque sont-ils partis ?

Se référant aux traditions Zarma relatant leur participation à l'attaque des Marocains de Tombouctou lors de leur retraite après la défaite d'Ismaël, Urvoy situe cette migration dans la première moitié du XVIIe siècle. On se rappelle qu'après la mort de Ismaè'l, Fari Nouzou attaqua les Marocains lors de leur retraite vers Gao entre Niamey et Tillabéry. La bataille d'Ismaël se situant en 1640, nous voyons que les Zarma qui ont pris part à la bataille aux côtés de Fari Nouzou étaient déjà en place à cette époque. Dès lors, il est permis d'avancer qu'à la fin du XVIe siècle déjà, cértaines fractions Zarma étaient en place dans la région qui deviendra de ce fait le Zarmatarey.

Comment s'est effectuée cette migration ?

En fait il s'agit de plusieurs migrations échelonnées dans le temps et dans l'espace. Les variations constatées au niveau des itinéraires données par les traditions militent en faveur de cette hypothèse.

Selon Rouch, cette migration qui ne s'est pas faite en une seule fois a débuté au XVIe siècle, et s'est poursuivie même après l'arrivée des Marocains.

Citant Urvoy, Robin écrit : "Les différents groupes reconnaissaient l'auto¬ rité d'une famille unique de chefs. Ces petits groupes formaient des bandes dis¬ tinctes parties peut-être à intervalles différents du Dirma. Ces bandes sont proba¬ blement l'origine des sous-tribus actuelles : Kalle, Golle, Wazi..." (Robin, 1947, 63).

Ce problème, pour être élucidé, nécessite une étude plus approfondie, notam¬ ment la collecte des traditions orales des différents groupes concernés et leur confrontation. Notre étude ne portant pas sur les Zarma, nous n'avons pas eu le temps de nous livrer à cette tâche.

Quoi qu'il en soit, les Zarma s'installèrent dans le Zarmatarey, mais la relative sécurité qui y régnait alors et la recherche de terres plus hospitalières favo¬ risèrent leur dispersion.

Ainsi Urvoy constate qu'au XVIIe siècle, le peuple Zarma n'atteignant au sud que la région de Say et à l'est ne touchant le Dallol Bosso qu'au nord du Tegazza, occupait déjà au XVIIIe siècle tout le Dallol Mawri et à la fin du même 75

siècle, atteignait à peu près ses limites actuelles sauf le Kourfey, le Bas-Dallol Bosso et la région de Sambero qu'il occupa aux XIXe et XXe siècles.

Ces faits sont corroborés par les traditions.

2. - Dans le Tondi Kandjé et le Zigi Selon Hamma Issoufou, "Après son départ de Malle, le daba transportant les Zarma se posa à Dous- condié puis à Aderamboukane. Les Zarma avaient un Yaaru bi (1) qui d'Aderam- boukane venait jusque dans une région lointaine manger des fruits que les Zarma retrouvaient dans ses déchets. Intrigués par le fait que le yaaru bi prenait du poids et aussi par ces fruits inconnus, les Zarma décidèrent de suivre ses traces car, dirent-ils, les terres sur lesquelles poussent ces fruits devraient être très riches. C'est ainsi que les Zarma quittèrent Aderamboukane pour Yawdaï, puis Saptaka, puis Sargane. Dans chacune de ces régions, quelques-uns se fixaient, mais les autres continuaient. A Sargane, tout le groupe s'arrêta et s'y fixa. Mais après la mort de leur chef Mali Bééro, une partie des Zarma continua sous la conduite de Ouran, frère de Mali Bééro. Ouran les conduisit à Dakala où il s'installa et enterra le daba qu'ils avaient utilisé jusque-là. Ouran mourut à Dakala. Une partie des Zarma s'y installa, mais son frère cadet partit avec une fraction et fonda Kobi-Tamara près d'une mare, puis quitta pour Sabarey. C'est ainsi que le Taureau Noir conduisit les Zarma jusque dans le Boboye (Dallol Bosso) où ils découvrirent que les fruits dont se nourrissait l'animal n'étaient autres que le kangaw-gure, fruit du palmier- doum. Les Zarma, grâce à leur yaaru bi, arrivèrent ainsi dans le Tondi Kandjé. Un jour, Bouratchi grilla une sauterelle et la remit à son petit-fils qui était sur ses genoux. Ce dernier refusa, alors Bouratchi mangea la sauterelle. Son petit-fils se mit à pleurer, réclamant la sauterelle. Bouratchi s'écria :

"Haawi si ciya ce hinka" cette honte ne se reproduira pas.

Il demanda à la terre de l'avaler. La terre s'ouvrit et l'avala jusqu'à la cein¬ ture. Les gens accoururent et le prièrent de retirer sa parole. Bouratchi refusa et dit aux Zarma de planter une bûche à l'endroit où la terre l'avalera. "Chaque fois que vous aurez des difficultés, venez prier à l'endroit indiqué par la bûche. S'il plaît à Dieu, vous vaincrez vos difficultés". Les Zarma firent ce que leur dit Bouratchi (2). Après la disparition de Bouratchi, les Zarma s'éparpillèrent dans le Boboye, le Zigi et Fakara".

Que peut-on retenir de cette tradition ? Une première constatation s'impose.

Les migrations Zarma semblent commandées par la recherche de terres plus

(1) Yaaru bi : un Taureau Noir. (2) On raconte qu'à la pénétration française, l'administration décida de transporter la Bûche de Sabarey à Kobi, mais les porteurs ne purent déposer la bûche de leur tête ; on fut obligé de ra¬ mener la bûche à Sabarey, où elle se trouve encore au même endroit. 76

fertiles. L'épisode du Yaaru bi en est une preuve. Il est possible que l'accroissement démographique ait eu pour conséquence une surpopulation de la première région occupée : le Zarmaganda dont les terres ne furent jamais particulièrement fertiles. D'où ce rayonnement à travers le Tondi Kandjé, puis le Boboye beaucoup plus fertile et riche.

Une deuxième constatation est la relative facilité avec laquelle les Zama occu¬ pèrent toutes ces régions.

En effet, le premier groupe, les Kalle, trouva ces régions presque vides avec par endroit des villages attribués aux Sakié dans le Tondi Kandjé et aux Sakaranne dans le Zigi. Il semble d'ailleurs qu'il s'agisse ici d'une même peuplade.

Périé et Sellier (1950, 1019-1020) pensent qu'il s'agit d'une déformation du nom Askia. Se fondant sur le Tarikh-ès-Soudan et le fait que du XIIIe au XVe siècles les vallées du Niger et du Dallol furent pour les commerçants du Mali la route très fréquentée menant aux Etats hawsa, notamment au Wangara, Périé et Sellier pensent qu'au temps de sa splendeur, l'empire Sonraï aurait pu être solidement installé dans ces régions, tenir des garnisons, des gîtes d'étapes, et des colonies. Ils renforcent cette hypothèse par les expéditions de Mohammed Askia contre le Borgou (1504-1505), le Katsina (1513), l'Air (1515), le Kébbi et aussi par le pou¬ voir dont avait pu jouir le chef des Sakié : Sakia, qui ne serait autre que l'Askia.

Au stade actuel de nos recherches sur les Zarma, nous noterons seulement que les Kallé submergèrent sans grande difficulté les quelques rares Sakié ou Saka¬ ranne qu'ils trouvèrent dans le Tondi Kandjé et le Zigi.

Enfin la dernière donnée est la disparition brutale de Bouratchi à la suite d'une mésentente entre son petit-fils et lui. Cet incident apparemment banal peut être interprété comme étant l'expression de dissensions internes qui eurent pour conséquences la prise du pouvoir par une branche dissidente et la mort de Bou¬ ratchi. Ces dissensions entraînèrent également la dispersion des Zarma : tous les opposants au petit-fils de Bouratchi quittèrent Sabarey et allèrent fonder d'autres villages, et donc d'autres chefferies. Mali Koda alla à Boudé avec son monde. D'autres allèrent à Kogori, Namari, Dosso, Kolo Sébéri, N'Dounga, Gamkalle, Tondi Kwaraï, etc.

Cette dispersion des Zarma eut pour premiers effets la multiplication des Zarmakoï, indépendants les uns des autres, et l'émiettement de la communauté donc son affaiblissement militaire. Les différents groupes vont évoluer parallèle¬ ment et connaître des fortunes diverses. Ainsi, au début du XIXe siècle, les Kallé déjà fortement ébranlés par l'arrivée des Wazi, qui les refoulèrent du Tondi Kandjé et du Tagazar, vont être à nouveau rejetés du Kourfey, qu'ils occupaient jusqu'alors, par les Soudié, dans les régions moins hospitalières du Zigi, où ils vont se réfugier dans les grottes, et renoncer à fonder de gros villages trop souvent à la merci des coups de main. 77

3. - Dans le Issa-mé

Selon Garba Souna, les Zarma de Goudel seraient les descendants de Awan Izé Mali Manaï, fils de Alassan, père de Zam, tous deux fils de Ali Koda. Ali Koda, lui-même fils de Zarmakoï Tagour, fils de Zarmakoï Gao, lui-même fils de Mali Béro, frère de Zarmakoï Sambo, ancêtre de tous les Zarma. C'est lui qui a dirigé la migration Zarma et toutes les traditions le reconnaissent comme ancêtre des Zarma.

L'ancêtre de Saga, lui, serait Farakoï Manaï, fils de Alassan, frère de Zam, tous deux fils de Ali Koda. Ainsi Zarma de Goudel et Zarma de Saga seraient cou¬ sins, leurs ancêtres étant frères.

D'où viennent ces deux frères ?

Les traditions leur donnent pour origine Kolo Fandou. Pourquoi sont-ils partis de Kolo Fandou ?

Selon les traditions, évincé de la chefferie de ce village, Garba Soudjé, ancêtre de Goudel, quitta Kolo-Fandou et vint s'installer à Goudel où il créa une nouvelle chefferie. En ce qui concerne Saga, nous n'avons pas d'information précise quant au motif du départ de Kolo-Fandou, mais deux hypothèses sont plausibles :

1) A la suite des dissensions internes inhérentes à la succession au trône, les deux frères quittèrent leur village pour le Issa-mé, où ils se partagèrent les terres et s'installèrent chacun dans son domaine, domaines qui donneront naissance aux deux villages Goudel et Saga.

2) Garba Soudjé, ancêtre de Goudel, serait venu le premier et son frère le suivit par la suite. Afin d'éviter les querelles qui auraient pu découler de l'occu¬ pation et de la répartition des terres, il aurait installé son frère dans la région qui deviendra Saga.

Ces deux hypothèses sont renforcées par la tradition :

"A l'arrivée de l'ancêtre Arawa, il ne put s'installer que dans l'île, les terres étant occupées par Garba Soudjé de Goudel et Hékario Habi de Saga".

A quelle époque remonte l'arrivée des ancêtres de Goudel et Saga ?

Se fondant sur les traditions orales de Goudel et à partir de la généalogie des chefs :

1. Garba Soudjé 7 ans de règne 2. Samba Alkali 40 ans de règne 3. Abdou Fanta 25 ans de règne 4. Boulo Alfaga 3 ans de règne 5. Boureima Boulo 1 an de règne 6. Amirou Warou 1 an de règne 78

7. Bello Samba Izé 8 ans de règne 8. Souley Samba Izé 2 ans de règne 9. Yahaia Boulo 10 ans de règne 10. Soumana Abdou 4 ans de règne 11. Garatié Garba 10 ans de règne 12. Alzouma Abdou 12 ans de règne 13. Soumana Souley depuis 1953.

Le Docteur Charles Pidoux situe le début du règne de Garba Soudjé vers 1830. En gros, l'installation Zarma à Goudel remonterait vers la première moitié du XIXe siècle. est Il permis de penser que leur implantation à Saga se situerait à peu près à la même époque. (Pidoux, 1968)

B. - LES GOUBE

Dans le Tondi Kandjé et le Zigi, les Mawri trouvèrent également les Goubé.

Les traditions recueillies auprès de nos informateurs se recoupent et confèrent aux Goubé une origine hawsa.

"Les Goubé sont originaires du Gobir. Leur ancêtre vient de Alkalawa. Il y avait dans cette ville deux frères que leurs ennemis ne purent éliminer parce que très versés dans l'art de la magie. Un jour, l'un d'entre eux fut empoisonné. Avec la complicité de son esclave, on lui versa du poison dans son repas. Le poison ne le tua pas, mais provoqua des maux de ventre qu'aucun guérisseur ne put soigner dans la région. Après maintes consultations, on lui apprit qu'il ne guérirait qu'en se rendant dans un pays lointain où poussent des palmiers-doum. Le jeune homme se mit en route. Dans toutes les régions traversées on lui posait la même question :

"Inaa zaa ka ?" où vas-tu ?

"Neeman guba " chercher un anti-poison.

C'est ce mot gouba qui a donné à ses descendants le nom Goubé.

Marc Piault a étudié de façon fort intéressante l'histoire des Goubé. Nous n'y reviendrons donc pas. Néanmoins, nous poserons le problème chronologique.

Se fondant sur une tradition recueillie à Loga, Piault situe le départ de l'an¬ cêtre des Goubé zarmaïsés à l'époque des guerres du Gobir contre les successeurs de Dan Fodio, donc après 1815-1817.

Mais nous savons d'après les traditions qu'à leur arrivée dans le Tondi Kandjé, les Mawri y trouvèrent déjà installés les Goubé.

Or l'implantation Mawri dans cette région se situant vers le milieu du 79

XVIIIe siècle, celle des Goubé se situe donc au plus tard à la même période.

En ce qui concerne leur implantation dans le Zigi, elle est postérieure à celle du Tondi Kandjé. En effet, selon la tradition.

"Après son départ du Gobir, l'ancêtre des Goubé vint à Kala où il se soigna, se maria et eut des enfants ; par la suite, il se rendit à Damana, puis Moumbena. Plus tard, ses fils fondèrent Gamonzon, Goubey, et s'alliant aux Kallé, ils fondèrent Loga qui devint leur capitale. A l'arrivée des Mawri, notre village Goubey existait déjà et c'est avec l'eau de notre puits que les Mawri ont creusé le puits de Sokorbé ; mais nous n'étions pas au même endroit ; le village était au sud-ouest de Sokorbé".

Cette référence nous permet de situer l'arrivée Goubé dans le Zigi dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

C. - LES PEULS

L'antériorité de l'implantation peule reconnue par les traditions ne concerne que le Issa-mé. Dans le Zigi et le Tondi Kandjé, il n'y avait que quelques rares élé¬ ments disséminés çà et là dans les Dallols et leurs vallées affluentes.

Selon Salifou Djibo de Niamey :

"A l'époque il n'y avait que Goudel et Saga. Niamey-Liboré et Gamkalé n'existaient pas. Ici c'était la forêt. Yéji Kouri a quitté Sargane avec sept esclaves pour venir ici. Tous les Peuls de la rive gourma (1) faisaient paître leurs animaux dans le gungu (l'île). A l'arrivée de Yéji Kouri, ses cheveux avaient tellement poussé qu'il ressemblait à un diable. Tous les Peuls qui étaient venus faire paître leurs animaux se sauvèrent à sa vue sauf un seul. Yéji Kouri resta avec ce Peul jusqu'au soir. Chaque fois que Yéji Kouri lui parlait zarma, le Peul répondait dans sa langue : "Je n'entends pas zarma". Le soir, il suivit le jeune Peul jusqu'à Kourtéré. Le Peul avait trois sœurs qui amenaient la nourriture et le lait des esclaves, à la tombée de la nuit. Yéji Kouri put les voir à distance et un jour, il dit à son ami peul : "Donne-moi une de tes sœurs en mariage". Le Peul répondit "Je ne sais pas si elles accepteront". Yéji Kouri lui remit un gris-gris (gouroum) : "Avec ça, l'une d'entre elles acceptera de m'épouser". Ils vinrent chez le Peul. Ce dernier demanda à son ami d'attendre à la porte. Puis il chargea ses sœurs d'apporter de l'eau à son étranger. Dès qu'elles aperçurent Yéji Kouri, elles se sauvèrent en criant "C'est un diable, c'est un diable !" Seule la cadette accepta d'apporter à Yéji Kouri l'eau ; mais revint en courant. Le Peul dit alors à sa mère, puisqu'il était orphelin de père, son intention de marier l'une de ses sœurs à son ami Zarma. La mère refusa en ces termes : "Que vaut un Zarma ? ; le Zarma ne vaut rien (2)". Le jeune Peul prit son bâton et dit : "Je m'en vais avec mon ami". La cadette accepta d'épouser Yéji Kouri pour éviter une rupture. Le mariage eut lieu et une fille naquit de cette

(1) Rive gourma : rive droite. (2) Ifo ga jaase zarma : un Zarma ne vaut rien, qu'y a-t-il de pire qu'un Zarma ? 80

union. Sous la pression des autres Peuls, la jeune femme quitta son mari ; mais le jeune Peul réussit à la ramener ; elle eut un garçon, puis divorça. Yéji Kouri se remaria à Goudel.

Chaque matin en venant au champ, il disait à ses esclaves : "Wa nyamma ne" — vous attaquez ici (1). C'est cette expression qui a donné le nom de gnamey. Avec sa femme de Goudel, il eut deux garçons et une fille :

— Siné

— Modi

— Golinga (une fille).

C'est ensuite un Wazi de Dosso du nom de Bello qui vint s'installer ici à la suite d'une querelle de succession à la chefferie.

Yéji Kouri lui est descendant de Mali Béro ; son frère était chef à Sargane. On lui prédit que s'il voulait avoir des enfants, il lui fallait quitter pour aller s'ins¬ taller au bord de l'eau et non là où l'on puise de l'eau. C'est pour ça qu'il quitta Sargane pour Niamey. C'est après que Bello Dosso est venu. Après Bello, c'est Mawrikoï Néni qui vint s'installer à Néni Goungou. Ce sont les prédicateurs qui lui ont dit de venir s'installer dans une île. S'il fait ça, il aura une chefferie. C'est pour ça qu'il est venu ici (2)".

Qui sont ces Peuls ? D'où viennent-ils ? Les Peuls de Kourtéré (3) sont des Bittinkobé. Selon les archives de Say, ces Bittinkobé viendraient du Macina. La tradition affirme qu'après leur départ du Macina, ils s'installèrent à Bitti près de Labzenga qu'ils durent quitter à la suite d'une querelle entre Sala, frère de leur chef, et un Touareg. La tradition rapporte que chaque Peul devait céder sa première nuit de noces aux Touaregs. Certaines traditions pensent à une querelle à propos d'un cheval. Toujours est-il qu'à la suite de ces dissensions qui virent leur défaite, les Bittinkobé abandonnèrent Bitti et se réfugièrent dans le Sud. Leur chef Oumarou Brahima les conduisit à Larba, au nord de la Sirba vers 1513. Peu après leur arrivée dans cette région, les Bittinkobé s'opposèrent aux Gourmantché, premiers occu¬ pants de la terre. Ils battirent les Gourmantché et occupèrent ainsi Karégorou Yéna, descendirent vers Say et s'installèrent à Ganki, puis à Dangaré. Les éléments peuls installés à Kourtéré sont des descendants de ces Bittinkobé.

Les archives situent dans la première moitié du XVIe siècle l'arrivée des Bittinkobé, mais nous savons que Barth situe entre le XIVe et le XVe siècles les premières migrations peules importantes de l'Ouest vers l'Est.

(1) Cette interprétation est contestée par toutes les autres traditions que nous avons pu recueillir. Une fois encore on retrouve le désir de notre informateur de légitimer le pouvoir Kallé sur Niamey.

(2) Cette chronologie qualifiée de fantaisiste est également contestée par les Mawri.

(3) Kourtéré : chef-lieu de canton de Lamordé Bittinkobé ; il est situé à l'ouest de Lamordé à 4 km de Niamey et à 5 km de Yantala. 81

Cette installation peule au Issa-mé n'a pas donné lieu au départ à une conquête massive, mais plutôt à une infiltration régulière et pacifique de petits groupes d'élé¬ ments pasteurs nomades, apparemment inoffensifs, se déplaçant avec leurs trou¬ peaux. Par leur discrétion et leur apparente passivité, ces Peuls réussirent à se faire tolérer des sédentaires dont ils refusèrent d'intégrer la communauté, créant ainsi à peu de distance des villages sédentaires des campements peuls, entretenant de bons rapports avec leurs voisins. Lorsqu'ils furent suffisamment nombreux dans la région, ils refoulèrent les Gourmantché, mais continuèrent à entretenir des rapports ami¬ caux avec les Zarma, jusqu'à l'appel de Ousman Dan Fodio. Déjà l'action des Peuls de Dori commençait à se faire sentir, mais il a fallu l'appel du XIXe siècle lancé par le chef des croyants Dan Fodio, pour transformer les paisibles pasteurs en guerriers redoutables. Alliant l'endurance naturelle à l'orgueil de race, et soutenus par une foi presque fanatique, les Peuls du Issa-mé devinrent au XIXe siècle un des éléments les plus dynamiques de la cause islamique (1).

Nous voyons ainsi qu'entre les Zam-Haamey (descendants de Zam) dont une fraction fonda Goudel sous l'autorité de Garba Soudjé, et le petit groupement de Kourtéré, les Arawa n'eurent aucune difficulté à se faire accepter dans la région de l'actuel Niamey. Il semble d'ailleurs que cette zone soit un lieu de refuge des brigands, des aventuriers et de tous ceux désirant se soustraire à la justice.

D. - CONCLUSION

C'est dans ce cadre, propice à la réalisation de coups de main, et où abondent gros, moyen et petit gibier, que Zarma, Peuls, Goubé et Arawa vont se rencontrer. Cette coexistence, au départ pacifique, va changer de nature avec l'extension des différents groupes et les relations de bon voisinage vont devenir des relations de domination dans lesquelles chaque groupe cherchera à s'imposer aux deux autres. L'Islam, avec la guerre sainte lancée par Dan Fodio, va embrouiller davantage une situation déjà confuse. Ainsi, sur les conflits classiques sédentaires-nomades, va se greffer l'hostilité entre musulmans et non musulmans. Nous verrons au cours de cette étude quelles ont été les manifestations concrètes de ces dissensions, quelles conséquences elles eurent sur les populations et quels en ont été les résultats au niveau de leurs rapports avec leur milieu de vie.

(1) L'histoire des Peuls étant relativement mieux connue, nous n'avons pas voulu approfondir cette question. ■m

1 s

84

A. - LE PROCESSUS D'APPROPRIATION DES TERRES ET DES PUITS

Plusieurs facteurs vont favoriser cette appropriation des terres par les Mawri.

La situation géographique de ces régions fait d'elles une zone de contact où Hawsa, Zarma, Peuls et Touaregs se rencontrent ; d'où son importance au niveau des échanges interrégionaux. Voies de passage naturelles, mettant en rapport le Sonraï, le Gourma, le Hawsa, le Dendi, l'Azawak et le Fogha, cette zone bénéficie également de la proximité de la nappe phréatique, d'une végétation luxuriante et de sols fertiles. Aussi, lorsque se déclenchera le mouvement des populations consé¬ cutif à la chute de l'empire sonraï, les Zarma vont-ils s'y diriger. La relative sécu¬ rité qui régnait alors favorisera leur dispersion géographique, l'affaiblissement et bien souvent, la disparition des liens politiques qui les unissaient.

Tous ces éléments faciliteront la formation de bandes de pillards, parcourant la région à la recherche d'esclaves. Ces groupuscules armés vont s'attaquer aux vil¬ lages, piller les animaux, désorganiser les structures économiques, politiques et sociales en créant un climat d'insécurité permanente. Ces razzias sont d'autant plus fréquentes que le relief et la végétation offrent par endroits d'excellents refuges aux pillards.

Pour échapper à ces coups de main, les populations renoncèrent à former de gros villages dans les zones les plus fertiles qu'elles ne purent plus exploiter du fait de la menace continue de pillage. Elles se dispersèrent par petits groupes retranchés dans les hameaux juchés sur les collines et les plateaux d'accès difficile, où les terres sont peu fertiles. Cela explique bien la situation géographique de tous les anciens villages de cette zone. La préoccupation majeure étant devenue la survie et non plus l'opulence, les secteurs les plus fertiles, qui sont paradoxalement très faciles d'accès, furent abandonnés. Avec la dispersion des populations, vint la fai¬ blesse : en effet, retirés dans les sites défensifs, les autochtones ne purent opposer aux chasseurs d'esclaves et aux pillards une résistance durable. Nous avons recueilli à ce propos la déclaration suivante de Djédé Gazibo : "A l'arrivée de Bawa, les Kallé de Komdili étaient dans les collines par petits groupes. Ils ne voulaient pas descendre dans la vallée parce qu'ils avaient peur de la guerre. C'est Bawa qui les avait fait descendre. A Sokorbé aussi, avant que les fils de Bawa n'aient pris la défense du village, les habitants vivaient dans les collines. Le puits était dans la vallée et les gens suivaient cette pente pour y aller. Pendant ce temps quelqu'un tenait un pagne fixé à un bâton et surveillait les environs. Dès qu'il apercevait des cavaliers, il laissait tomber le pagne ; ceux qui étaient au puits et qui ne quittaient jamais le pagne des yeux, suivaient alors la vallée, en courant, jusqu'à la colline. On ne pouvait pas les voir parce que la vallée était couverte de "sokorbia" Tu vois là au sud de notre village, il y a une grotte que nous appelons Sokorbé- gusu ; c'est là que le village entier se réfugiait en cas d'attaque". 85

A Koussa, Zinka Sami nous a montré la grotte dans laquelle tous les habi¬ tants du village cherchaient refuge contre les attaques. Cette grotte était dans le temps couverte de végétation et se trouve sur la face ouest de la colline située à l'est de Koussa.

Ces deux textes illustrent parfaitement le climat d'insécurité dans lequel vi¬ vaient les populations autochtones et le degré de désorganisation politique, écono¬ mique et sociale qui en découla. Les Mawri qui firent leur apparition à cette période n'eurent donc aucune difficulté majeure à s'implanter. Les populations autochtones, incapables de leur opposer une organisation politique et militaire pouvant les re¬ fouler, durent les tolérer, puis les subir. En effet, amenant avec eux une organisation centrale, qui assura momentanément la sécurité de la région, d'hôtes, les Mawri devinrent bientôt les maîtres et finirent par assimiler les autochtones ou par les refouler. Profitant de la relative sécurité qu'ils apportaient, ils accrurent leur auto¬ rité et finirent par annexer les chefferies des villages avoisinants et constituer ainsi trois communautés distinctes.

1. - Dans le Tondi Kandjê Dans le Tondi Kandjé, nous n'avons pu recueillir qu'une seule tradition rela¬ tive à l'appropriation des puits et des terres. Elle nous vient de Zinka Sami :

"Notre ancêtre vient de l'Arewa. Il s'appelle Waïmonzon, fils de Halidou. Le père de Halidou s'appelle Bawa, lui-même fils de Kamar Kagar. A l'arrivée de Bawa, il s'installa dans le village de Foolo avec un homme dont il avait épousé la fille. Bawa et son beau-père curèrent un ancien puits et d'autres Mawri sont venus se fixer près d'eux. A l'époque, le pays était peuplé par des descendants de Mamar (1). C'étaient des Sonraï. Mais lorsque le groupe des Mawri s'agrandit, ces Sonraï furent refoulés vers le nord. Ils sont partis vers Tahoua. A Koussa, il ne reste plus qu'une seule famille. Tu vois là-bas, derrière les cases que tu aperçois, c'est là qu'ils logent. Halidou a eu un fils du nom de Waïmonzon qui épousa la fille de ces descendants de Mamar. Avec elle il eut un fils : Kohanno qui alla s'installer dans le village de sa mère pour défendre ses oncles contre les attaques des pillards. Ce village s'appelle Koussa. Etant le plus fort, et le plus courageux, Kohanno finit par prendre la chefferie. A sa mort, son fils lui succéda et prit le titre de Zarmakoï. Ce Zarmakoï épousa la fille de Bamaykoï (2), ce qui renforça les liens avec le Mawrey (3). Un des descendants de Waïmonzon, Damagna, fils de Bello, fonda plus tard le village de Damagna-Kwara.

Que peut-on tirer de ce texte ?

La première constatation qui s'impose est l'affirmation faite par l'informateur qui affilie les Mawri de Foolo à Bawa alors que toutes les traditions recueillies aussi bien dans le Zigi que dans le Issa-mé sont unanimes pour reconnaître que

(1) Mamar : Askia Mohammed.

(2) Bamaykoï : chef de Bamey.

(3) Mawrey : nom donné au pays des Mawri du Zigi. 86

les Mawri du Tondi Kandjé ne sont pas des descendants de Bawa, mais de chasseurs Mawri arrivés dans le pays avant ce dernier.

La deuxième constatation découle de la première. Elle fait de Bawa le premier Mawri du Tondi Kandjé alors que toutes les traditions soulignent avec force le fait qu'à son arrivée à Foolo, Bawa y trouva déjà installé un Mawri du nom de Maazé Béri.

Enfin, il convient de noter que la tradition précise que le pays était occupé par des descendants de Mamar. Il s'agit ici de sous-groupes Zarma : les Kallé et les Sakaranne refoulés du Boboye par les Wazi, autre sous-groupe Zarma, du Kourfey par les Soudié, du Tegazar et de l'Imanan par les premiers éléments toua¬ reg. L'arrivée des Mawri dans le Tondi Kandjé remonterait ainsi au début du peu¬ plement des régions des Hauts-Plateaux. La généalogie donnée par Zinka nous per¬ met de situer chronologiquement cette implantation :

"Depuis Bawa jusqu'à moi, nous avons eu à Koussa dix chefs dont les noms sont :

— Halidou

— Waïmonzon

— Kohanno

— Zarmakoï

— Bello

— Hima

— Sami

— Adamou

— Zinka (moi-même)

Je règne depuis dix-sept ans (1). Adamou a régné six ans. Sami deux ans. Pour les autres, je ne sais pas la durée de leur règne".

En réalité, si nous nous référons au récit de notre informateur, nous remar¬ quons que le premier chef Mawri de Koussa est Kohanno et non Halidou. Cela nous fait remonter à dix. Sur ces dix règnes, nous connaissons la durée de trois : Sami, deux ans, Adamou, six ans et Zinka dix-sept ans en 1972. Nous pouvons donc situer entre la fin du XIXe et le début du XXe siècles la fondation du village de Koussa. En effet, les archives de Niamey relatent la fondation, au début de notre siècle, de nouveaux villages. La fondation de Koussa pourrait bien remonter à cette époque. Un autre village Mawri du Tondi Kandjé dont la fondation date de la fin du XIXe siècle est Bangario. Selon Koumbeyzé :

"Les Mawri de Foolo avaient creusé un puits à l'emplacement actuel de Bangario et sont venus s'y installer. Il y a également des Kallé et d'autres personnes. Les nouveaux venus ont été assimilés et ils ont adopté les cicatrices Mawri. Parmi eux, il y a même d'anciens esclaves qui se sont réfugiés à Bangario et qui sont maintenant devenus Mawri, mais ce ne sont pas des Mawri purs".

(1) Le texte a été recueilli en 1972. 87

En ce qui concerne Fòolo, sa fondation est plus ancienne. Elle est antérieure à l'arrivée de Bawa à Komdili. Ce qu'il faut surtout retenir c'est qu'ici comme ail¬ leurs, les Mawri venus d'abord en petit nombre, une fois la colonne renforcée, se sont emparés du pouvoir grâce à leur dynamisme et surtout à leur solidarité et au sens politique qu'ils ont su implanter et conserver. Par la suite, des liens étroits se sont tissés avec les autres communautés Mawri de la région. C'est surtout dans le Zigi que les traditions nous permettent de mieux cerner les processus d'appro¬ priation des puits et des terres.

2. - Dans le Zigi La tradition orale explique comment les Arawa, après leur installation dans le Zigi, établirent leur domination sur les principaux puits (1).

"A Komdili, où il était venu se soigner, Bawa avait fini par épouser la fille du chef de village, Sala. Très tôt il organisa la défense de Komdili. Il s'entoura d'un groupe armé très dynamique et rompu aux techniques de la razzia. Dès lors, Bawa devint la principale force militaire, et donc politique de la région. A la mort de son beau-père, il n'eut aucune difficulté à s'emparer du pouvoir, d'autant que l'arrivée de nouveaux chasseurs guerriers, désireux de faire fortune, avait agrandi son monde et consolidé son autorité. Ce groupe armé se fit craindre par ses qua¬ lités guerrières, et Bawa en profita pour offrir son aide aux villages voisins.

De son mariage avec Tilo, la fille de Magaji Béri, fondateur de Sokorbé, il eut deux fils : Salma et Bakiri. Cette alliance lui permit, une fois Magaji Béri dé¬ cédé, d'avoir des prétentions sur le puits. Son fils Salma fut alors placé à la tête de Sokorbé dont il devint le chef politique et militaire. Du même coup la famille fondatrice perdit le pouvoir et ne conserva que le privilège d'enrouler le Turban des nouveaux chefs à chaque intronisation. Bakiri quant à lui reçut la mission d'assurer la défense du village Kallé de Sinsan à la demande de ces derniers, disent les Mawri, — on sait du reste quelle signification donner à une telle affirmation. Comme son père Bawa l'avait fait auparavant, Bakiri épousa la fille du chef Kallé de Sinsan et le poids de sa famille aidant, il évinça sa belle-famille de la chefferie. De même, disent encore les traditions, des quatre fils qu'il avait eus de son mariage de Komdili, Bawa chargea Tilleyzé, d'assurer la protection des gens de Darey. Tilleyzé épousa la fille du chef de Darey et son fils prit par la suite le pouvoir. Voici ce que nous en dit Ganda Mawrikoï du village de Darey.

"L'ancêtre de Darey vient de Komdili. A Darey vivaient des Zarma Saka- ranne, constamment razziés par les Mawri. Or Tilleyzé avait épousé une fille de Darey. Le fils qui naquit de cette union, Sobaïkoï, décida d'aller se fixer à Darey. Ses frères l'accompagnèrent jusqu'à Darey, restèrent quelques temps avec lui et revinrent à Komdüi avec la promesse ferme de lui accorder leur aide en cas de danger. Sobaïkoï une fois installé, les attaques cessèrent et pour le maintenir, les Zarma de Darey lui abandonnèrent la chefferie. Un petit noyau Mawri était ainsi constitué. Bawa demanda à tous ceux qui étaient sous son autorité de se faire scarifier comme lui. Il devint le premier Mawrikoï : le chef des Mawri".

(1) Puits est ici le symbole du pouvoir : texte de Koumbeyzé. 88

Ces quatre centres dominés par les Mawri étaient en rapports constants et participaient aux mêmes combats. Ecoutons Djédé Gazibo nous raconter com¬ ment ceux de Sokorbé alertaient les autres en cas d'attaque :

"Tu sais, c'est sur cette colline que nous appelons Giwa Tondi qu'on allu¬ mait un grand feu pour avertir Komdili, Darey et Sinsan dès que nous étions atta¬ qués. Ainsi tous nos frères accouraient".

Ce système bien que rudimentaire avait permis aux Mawri de résister aux attaques extérieures. Le noyau Mawri s'agrandit rapidement par l'arrivée de nou¬ veaux éléments et par l'assimilation des populations autochtones, en l'occurence les Kallé. Tous ceux qui refusèrent l'autorité Mawri furent refoulés dans les régions les plus inhospitalières. Mais les Mawri qui avaient réussi à installer leur autorité dans la région allaient subir la "loi du nombre". Ils adoptèrent la langue et certaines coutumes Zarma. Mais la mentalité Arawa, la conception Arawa du pouvoir res¬ tèrent vivaces. C'est aussi à partir de cette installation dans le Zigi qu'ils abandon¬ nèrent le nom Arawa pour prendre le nom de Mawri.

Les choses en étaient là à la mort de Bawa. Ses descendants, conscients de la nécessité du maintien de l'unité de la communauté pour en assurer la survie, ne remirent pas en cause ses structures. Ils décidèrent de désigner à leur tête leur frère Koungobano que Bawa avait eu de son mariage de Foolo.

Ce dernier se fit remarquer par son autorité et sa tyrannie. Ses frères l'évin- cèrent. Koungobano préféra l'exil. Maazé Béri qui l'avait accompagné à Komdili réussit à le fixer à Bamey où les Kallé, conscients de ses qualités militaires, l'adop¬ tèrent. Il épousa une fille de ce village dont il organisa la défense. Aidé de ses frères, avec qui il s'était réconcilié, il réussit à s'emparer de la chefferie de Bamey. Comme Bawa, Koungobano avait aussi la lèpre, puisqu'il est né avant que Bawa ne soit guéri de cette maladie par Sala à Komdili ; c'est pour ça que les gens de Bamey ont un corps qui n'est pas bon (1)".

Avec l'avènement de Koungobano à la chefferie de Bamey, le cinquième puits Mawri était fondé. Maazé Béri qui vint accompagner Koungobano à Komdili et présenter ses condoléances aux fils de Bawa, sur la route du retour à Foolo d'où il était venu, s'allia à des Kallé qui creusaient un puits. Quand ils atteignirent l'eau, Maazé Béri envoya quelqu'un dire aux enfants de Bawa :

"Ay mo du" moi aussi, j'ai eu

de cette expression Aï mo dou vint le nom de Madou, sixième puits Mawri dans le Zigi. Chasseur guerrier, Maazé devint très tôt la principale autorité du nouveau puits autour duquel se fonda un village Kallé. L'intervention des fils de Bawa aidant, il en devint le chef. La fondation du septième puits Mawri est relativement plus récente. Voici ce que nous en dit Kombayzé de Komdili :

(1) Il s'agit ici d'une éruption cutanée fréquente à Bamey. 89

"Ce sont les Mawri qui ont fondé Mousadey ; ce sont les descendants de Souley, fils de Bawa, qui ont fait Moussadey. Ces descendants, Souley et Doudou, avaient leurs champs à l'emplacement actuel de Moussadey. Près de leurs champs, il y avait une petite brousse difficilement pénétrable. C'est là qu'ils cachaient leurs familles en cas d'attaque. Un jour que Moussa, un homme de Foolo, allait dans le Fogha vendre du mil et acheter du sel, il arriva à la hauteur des champs des deux frères Doudou et Souley. Il avait soif, mais avait peur de se manifester. Il cacha alors son taureau qui transportait un bere de mil dans la vallée derrière des ar¬ bustes et rampa jusqu'à la hutte de champ, fari bukka (1), des deux frères, but de l'eau et sortit en rampant sans être vu. A son retour, il ne trouva pas son taureau. Il suivit, toujours en rampant, ses traces et vit le taureau penché sur un ancien puits, attiré par l'odeur de l'eau. Moussa revint alors directement vers les deux frères Doudou et Souley :

— "J'ai découvert sur votre sol une chose que vous ne pouvez me donner", dit-il,

— "Quoi, demandèrent les deux frères ?

— Un puits, répondit Moussa,

— En effet, dirent les deux frères, un puits ne se donne pas".

Les frères dirent encore à Moussa :

— "Puisque tu vas dans le Fogha, achète du matériel à curer le puits".

A son retour, le puits fut curé et Moussa et les Mawri de Komdili firent un pacte. Les Mawri lui donnèrent des terres avec le pouvoir de faire lui seul et sa descendance, les sacrifices au puits. En revanche, ils n'avaient aucune autorité poli¬ tique, judiciaire, militaire ou foncière dans le village. Le village fondé autour de ce puits découvert par Moussa prit le nom de Moussadey, le puits de Moussa".

Les sept principaux puits étaient ainsi fondés, mais l'expansion Mawri n'était pas terminée.

"Toujours de Komdili le dernier fils de Bawa, Bilan Koda, eut un fils du nom de Bogor, dont les descendants vinrent s'installer à Faregorou Kaïna, autre¬ fois occupé par des Zarma Sakarane. De même une fraction Mawri de Komdili, descendant de Bawa, s'empara de la chefferie du Diki après avoir épousé une fille des gens de Diki".

Nous voyons ainsi que les puits de Komdili et Sokorbé furent occupés par les Mawri à peu près à la même époque, à savoir, vers le milieu du XVIIIe siècle.

(1) Fari bukka : paillotte que les cultivateurs aménagent souvent dans leurs champs et où ils déposent leur provision en eau et leur repas. 90

Pour les autres puits, les traditions orales, à partir de la durée des règnes des différents chefs de villages, nous donnent une certaine estimation. Ainsi pour le village- de Bamey, notre informateur Madé Sina nous dit :

"Les chefs de village que je connais sont :

— Alfa 12 ans de chefferie

— Boureima 19 ans

— Kongobaba 14 ans

— Banawatchi 16 ans

— Lamido 9 ans

— Hima 12 ans — Zangou 6 ans — Bameyzi depuis 1959".

Le total nous donne 113 ans de règne en 1974, ce qui nous fait remonter à 1861 le premier règne Mawri connu à Bamey.

Or la tradition nous dit que "C'est après avoir fixé Koungobano à Bamey que Maazé Béri alla fonder Madou" ; mais nous savons par ailleurs d'après notre informateur Moussa Hama que :

— Kambé régna à Madou 12 ans

— Arou Gabo 15 ans

— Bakari 20 ans

— Lekou 14 ans

— Mawrikoï Nakou Baba 17 ans

— Yayé 29 ans -- Badjo 6 ans en 1972.

Le total nous fait remonter à 1821 l'intronisation du chef Kambé, soit un règne de dix-neuf ans en moyenne. Or notre informateur Moussa Hima parle de deux règnes entre celui de Maazé Béri le fondateur du village et celui de Kambé. L'installation de Maazé Béri à Madou se situerait alors aux environs de 1783. Cela nous permet de situer entre 1780 et 1800 l'occupation de Bamey et Madou par les Mawri.

Par contre l'implantation mawri à Darey et Sinsan antérieure à cette période, postérieure à l'occupation de Sokorbé et Komdili, pourrait fort bien se situer entre le milieu du XVIIIe siècle et 1780-1800.

En ce qui concerne l'occupation de Moussadey, elle se situe dans la première moitié du XIXe siècle, de même que celles de Farégorou Kaïna et Diki.

Ainsi du milieu du XVIIIe siècle à la première moitié du XIXe siècle, la communauté Mawri du Zigi, regroupée autour de neuf puits principaux, était déjà en place. Comment expliquer la relative facilité avec laquelle ils se sont im¬ posés à cette région ? Nous le verrons dans le prochain chapitre relatif aux facteurs favorables à l'appropriation des terres. 91

3. — Au Issa-mé Deux traditions nous rapportent la formation de la communauté Mawri au Issa-mé.

Selon Djibo Salifou

"En quittant le Mawri (1), Mawrikoï Néni s'installa ici dans l'île de Néni. Depuis Gorou il avait percé un bere (2) rempli de sable qu'il chargea sur un âne. Mais arrivé à l'emplacement actuel de Niamey, au bord du fleuve, Yéji Kouri lui dit : "Cette terre que tu délimites, je l'ai occupée avant toi". C'est alors que Mawrikoï Néni, afin d'éviter les terres de Yéji Kouri, alla s'installer dans l'île de Néni. Un jour, il se rendit sur la rive gourma. Il y rencontra une jeune esclave cultivant un champ. Il s'éprit de la jeune femme et l'aida à cultiver le champ. Le propriétaire venu contrôler le travail de son esclave fut surpris de la trouver assise sous un arbre pendant que Mawrikoï Néni cultivait. Il s'en inquiéta et Mawrikoï, qui avait fait de la femme sa maîtresse, lui répondit : "Je souhaiterais épouser cette femme". Le Peul qui en était le propriétaire lui demanda ce qu'il recevrait en contrepartie de l'affranchissement de son esclave. 'Trois années consécutives, je cultiverai ton champ", dit Mawrikoï Néni. Le Peul accepta le marché. La femme fut donc affranchie ; Mawrikoï Néni l'épousa et la ramena dans l'île de Néni. A chaque maternité la femme accouchait de jumeaux. Mawrikoï eut ainsi une des¬ cendance nombreuse et maria ses enfants entre eux. Près de trente garçons, fils et petits-fils, en âge de faire la guerre épaulèrent Mawrikoï Néni dans toutes ses actions. Fort de cet appui, Mawrikoï Néni décida de donner à ses fils et petits- fils des moyens d'action plus efficaces : les chevaux. Désormais, les Peuls ne purent plus faire paître leurs troupeaux dans l'île que s'ils donnaient à Mawrikoï Néni une redevance : un taureau et une génisse. Mawrikoï Néni vendait ces animaux et achetait des chevaux pour ses hommes. Il forma ainsi une cavalerie très bien en¬ traînée qui le fit craindre dans toute la région dont il devint l'autorité incontestée. Il lançait des razzias dans toutes les directions".

Ce texte nous renseigne sur :

— la formation de la communauté Mawri du Issa-mé, - l'hégémonie de Néni Goungou.

Nous nous efforcerons d'étudier successivement chacun de ces points tout en les situant chronologiquement.

(1) Le Mawri désigne ici l'Arewa.

(2) Bere : sac en feuilles de palmier-doum d'une contenance d'environ 70 kg. 92

La formation de la Communauté Mawri du Issa-mé

Toutes les traditions affirment que, voulant éviter les terres de l'ancêtre de Goudel, Garba Soudjé, Tâbi-Sâwi s'installa dans l'île de Néni. Puis il épousa une fille de Saga. Par la suite, Garba Soudjé, l'ancêtre de Saga et Tâbi-Sâwi se parta¬ gèrent les terres. Toutes les traditions reconnaissent également qu'à l'arrivée de Tâbi-Sâwi, ancêtre de Mawrikoï Néni, l'emplacement actuel de Niamey était inoc¬ cupé. Une seule tradition, celle recueillie auprès du Zarma Djibo Salifou, réfute ces faits.

Pour les Mawri, l'explication est simple. Les vicissitudes de la colonisation ayant assuré à Djibo Salifou la chefferie de Niamey, il n'est pas étonnant que ce dernier tente de justifier sa situation et légitimer ainsi son autorité. En effet, la méfiance du pouvoir colonial à l'égard du noyau belliqueux que constituait à l'époque la communauté Mawri du Issa-mé a conduit le colonisateur à lui retirer la chefferie et à la confier à un ami de longue date ayant successivement assumé les fonctions de petit boy, de palefrenier et de magasinier du capitaine Salaman.

Une autre affirmation de Djibo Salifou que nous n'avons retrouvée nulle part, est celle relative à l'union de Mawrikoï Néni avec une esclave peule. Aucune communauté peule de la région n'en a gardé le souvenir. Là encore, les Mawri dé¬ noncent l'atteinte portée à leur dignité pour mieux les écarter du pouvoir. Par contre, des informations recueillies à Saga et Goudel font état du mariage de Tâbi- Sâwi avec une fille de Saga.

Enfin, toutes les traditions reconnaissent l'expansion de la communauté Mawri par l'afflux de nouveaux éléments. Mais pour mieux conserver la mentalité Mawri, leurs qualités guerrières et surtout pour sauvegarder leur identité, les Mawri adoptèrent un système d'endogamie qui a fait dire à notre informateur Djibo Salifou : "La femme de Mawrikoï Néni avait à chaque maternité des jumeaux, et le père les mariait entre eux".

L'hégémonie de Néni Goungou

Selon une tradition recueillie par Diouldé Laya (1) :

"Mawrikoï Néni était à Néni Goungou et avait acquis une très grande puis¬ sance, quand Maman Jobbo y arriva". Mais nous savons que Maman Jobbo ne sé¬ journa que dix ans à Néni Goungou avant d'aller fonder Say en 1825. Nous voyons ainsi qu'en 1815 déjà, la communauté Mawri du Issa-mé, sous l'autorité de Maw¬ rikoï Néni, était toute puissante.

Or Mawrikoï Néni n'est que le troisième chef Mawri de Néni : la fondation de la communauté Mawri de Néni par Tâbi-Sâwi remonterait donc à la fin du XVIIIe siècle, début du XIXe siècle. Une fois installés dans l'île, les Mawri s'orga-

(1) Diouldé Laya, "Histoire des Songhay-Zarma", CRDTO/H/N° 1. 93

nisèrent pour faire face à la situation particulièrement précaire de la région. Zone de refuge de brigands, de tueurs et d'aventuriers de toutes sortes, le Issa-mé était perpétuellement menacé par les coups de main et les querelles intestines. Dès qu'il accéda au pouvoir, Mawrikoï Néni en prit conscience et décida d'armer ses hommes et de les entraîner aux techniques de razzias. Pour ce faire, il forma un corps d'ar¬ chers composé presqu'exclusivement de chasseurs venus de l'Arewa. Son armée s'agrandit rapidement par l'arrivée de nouveaux éléments. Mawrikoï Néni conscient des avantages qu'il pouvait tirer de l'herbe luxuriante de l'île en saison sèche, éta¬ blit une taxe sur les pâturages de l'île : il prélevait sur chaque troupeau introduit dans l'île, une vache et un taureau. La commercialisation de ces animaux lui don¬ nait les moyens de se procurer des chevaux, d'armer ses hommes et de faire res¬ pecter le droit de taxe, tout en lui offrant la possibilité de lancer des expéditions à l'intérieur des terres. A l'époque, la juridiction permettait aux cultivateurs d'abattre les animaux détruisant leurs cultures. Or avec l'afflux des Peuls, les animaux s'in¬ troduisaient de plus en plus dans l'île, et Mawrikoï Néni ordonna de tuer tout ani¬ mal introduit illégalement dans l'île. Malheureusement les sédentaires Zarma ins¬ tallés sur la rive gauche avaient aussi des animaux. Cette dernière décision mécontenta davantage Zarma et Peuls qui acceptaient déjà avec réticence la taxe sur le bétail. La très forte autorité de Mawrikoï Néni, les coups de main qu'il organisait, les abus de ses hommes, allaient avoir pour conséquence la coalition de ses voisins Zarma, Peul et Gourmantché contre les Mawri. Sur ces faits se greffera un autre élément : l'Islam.

B. - LES STRUCTURES POLITIQUES

En même temps qu'ils consolidaient leur position, les Mawri élaboraient des structures politiques et des institutions sociales adaptées aux réalités de leurs nou¬ velles zones d'occupation.

1. - Dans le Tondi Kandjé Selon Zinka Sami (1), il n'y eut pas de pouvoir politique central mais un ré¬ seau de villages indépendants les uns des autres, participants aux mêmes épreuves et ayant chacun son propre chef. Ce chef exerçait ses pouvoirs avec l'aide des no¬ tables réunis en conseil du village. La succession patrilinéaire n'était pas automa¬ tique, mais se limitait aux seuls descendants du premier Mawri installé dans le vil¬ lage. Dans les moments difficiles, tous les villages mettaient en commun leur po¬ tentiel militaire et obéissaient à l'autorité d'un seul chef : Mayaki. Ce mayaki choisi pour ses qualités militaires était également un meneur d'hommes et un fin politique, qualités indispensables pour remporter des victoires, négocier les accords et établir des alliances.

Que dire de cette organisation politique ?

Deux faits expliquent son origine : le contexte historique et l'environnement.

(1) Texte recueilli à Koussa dans le Tondi Kandjé. 94

En effet, le Tondi Kandjé n'a jamais fait l'objet d'une occupation systéma¬ tique par les Mawri. Au départ, quelques chasseurs, attirés par les vallées fertiles, giboyeuses et quasiment inoccupées du Dallol Bosso, s'installèrent au gré du hasard dans les endroits les plus boisés, terrains de prédilection du gibier. Ces chasseurs venus parfois avec leurs familles constituaient des îlots très peu nombreux, séparés par de grandes distances et n'ayant entre eux aucun contact d'ordre politique. Par la suite, attirés par les refuges naturels qu'offre cette région, des aventuriers et des chasseurs d'esclaves vinrent de l'Arewa tenter leur chance en s'attaquant aux vil¬ lages Kallé isolés et aux commerçants empruntant les voies naturelles de passage : les Dallols et leurs vallées affluentes.

Les incursions touarègues des XVIIIe et XIXe siècles et les luttes qui en dé¬ coulaient transformèrent les aventuriers et les chasseurs Mawri en archers redou¬ tables et en mercenaires intrépides qui mirent à la disposition des Zarma du Tondi Kandjé la force de leurs bras et le poison de leurs flèches. Mais auparavant ils prirent soin de s'organiser en établissant entre eux des liens étroits de solidarité et en adoptant le système politique en vigueur chez leurs voisins les Sudye (1).

En garantissant l'autorité et les privilèges des familles fondatrices des villages, cette organisation évitait les conflits d'intérêts et les dissensions internes suscep¬ tibles d'entraîner l'éclatement de la communauté. Enfin, en faisant jouer la soli¬ darité face aux dangers extérieurs, cette structure politique assurait la survie et l'indépendance du groupe.

2. — Dans le Zigi

Très tôt les descendants de Bawa comprirent que la survie, l'indépendance et la prospérité de leur communauté dépendaient de son unité. Mais maintenir l'union d'un groupe de guerriers épris de liberté, amoureux du pouvoir et préférant l'exil à l'autorité d'un heureux concurrent dans la lutte pour la chefferie, était un exploit difficile à réaliser. Aussi eurent-ils le mérite de doter leur société d'une structure politique originale.

"Tu sais, disait Kombayzé, à la mort de Bawa, les Mawri ont décidé que tous ses descendants placés à la tête des différents villages Kallé pouvaient prétendre au pouvoir. Voici comment cela se passait : après Bawa, son fils aîné Kungobano (2) fut intronisé. Il était très autoritaire et pour éviter la division qui pourrait naître de cette très grande autorité, ses frères le déposèrent et décidèrent d'assurer la direction de la communauté à tour de rôle. Komdili, le premier foyer Mawri du Zigi, fut alors chargé de proposer un chef pour la direction de la communauté. Les enfants de Bawa restés dans cette ville se réunirent pour proposer l'un d'entre eux. L'aîné, Fodi, fut choisi et sa candidature soumise à l'assemblée de la commu¬ nauté qui se tint à Komdili. Les Mawri entérinèrent cette décision et Fodi reçut

(1) Chez les Sudye, il n'y avait pas de pouvoir politique central, mais en cas de menace, toutes les populations acceptaient l'autorité d'un gurmandakoy.

(2) Kungobano : fils aîné de Bawa, issu de son mariage avec une fille de Foolo. Voir p. 88. 95

l'investiture. Au mcme moment le second village Mawri de la communauté, Sokorbé, fut chargé de désigner et soumettre à l'approbation de la communauté un adjoint au Mawrikoï. Appelé à succéder au Mawrikoï, le dauphin, Yérima, devait avoir toutes les qualités requises pour assurer la cohésion du groupe, sa prospérité, et garantir son indépendance et son expansion. Le choix des fils de Bawa installés à Sokorbé se porta sur leur aîné, Salma. Le même jour qu'elle donna l'investiture au Mawrikoï Fodi, l'assemblée Mawri investit Salma du pouvoir de Yérima. A la mort de .Fodi, Salma lui succéda et prit le titre de Mawrikoï. Concomitamment, le troisième centre Mawri du Zigi, Darey, proposa le Yérima. Tu sais, c'est ainsi que nous faisons jusqu'à ce que tous les villages Mawri du Zigi, à travers les des¬ cendants de Bawa, accèdent à tour de rôle à la direction du Mawrey ; puis on re¬ commençait et ainsi de suite".

Quels sont l'origine et le sens de cette structure politique ?

Nous avons vu que le désir de Kabrin Kabra de rendre la succession automa¬ tique a eu pour conséquence une guerre civile qui a abouti à sa défaite et à l'exil des siens. Les Mawri du Zigi, descendants de Kabrin Kabra et de ses partisans, n'ont pas oublié les conséquences désastreuses de cette action. Aussi prirent-ils leurs dispositions en assurant la participation de tous les Mawri à la direction de la communauté, tout en sauvegardant les privilèges des descendants de Bawa.

En donnant à l'assemblée de tous les Mawri le pouvoir d'investir le nouveau Mawrikoï, en lui donnant la possibilité de rejeter le choix pour des raisons morales, sociales ou politiques (1), en associant tous les chefs de familles Mawri à la gestion des affaires courantes de la communauté, les descendants de Bawa réussirent à intéresser tous les Mawri aux affaires du pays, à assurer leur unité et à éviter les dissensions.

En s'assurant la possibilité de diriger la communauté tout en sauvegardant leurs privilèges en tant que chefs de villages, les descendants de Bawa réussirent à renforcer leur cohésion, à faire face aux menaces extérieures et à consolider leur autorité.

Enfin, en maintenant la rotation du pouvoir en faisant jouer la concurrence au sein d'une seule famille, à chaque succession, les descendants de Bawa évitèrent les rancœurs, les frustrations et les risques d'éclatement de leur communauté.

(1) Selon Kombayzé, lorsque l'assemblée rejetait un choix, la famille proposait dans les meilleurs délais un autre candidat. Dans la pratique, pour éviter cet état de fait, la famille prenait toujours le soin de s'assurer du degré de popularité de ses membres avant de faire son choix. D'autre part, famille ici s'entend au sens large, c'est-à-dire qu'au sein d'un village, tous les descendants de Bawa sont considérés comme appartenant à la même famille. De même lorsqu'un membre de cette famille est à l'origine de la fondation d'un autre village, il est considéré comme appartenant à sa famille d'origine au niveau de l'accession au pouvoir. 96

3. — Dans le Issa-mé

Ici le contexte est différent. Sur le plan géographique, il s'agit, non pas d'un ensemble de villages, mais d'une île ayant à sa tête un seul chef. Sur le plan histo¬ rique, il n'y eut ni éclatement du noyau originel, ni plusieurs fondateurs, mais création dans une île d'une communauté par une famille se transmettant le pouvoir de père en fils. Au départ, le Mawrikoï de Néni réunissait sous ses ordres des archers, des chasseurs et des aventuriers, respectant tant bien que mal son autorité. Avec l'accroissement des tensions peules,zarma et Mawri, Mawrikoï Néni comprit que seul un pouvoir central fort pouvait opposer aux Zarma et aux Peuls une résistance capable d'anihiler leur volonté de domination. Aussi s'assura-t-il le contrôle réel de l'île en imposant aux Mawri une autorité incontestée grâce à laquelle il put pendant un certain temps assurer l'hégémonie Mawri sur la région.

C. - L'EXERCICE DU POUVOIR

1. — Dans le Tondi Kandjé Ici l'absence d'une structure politique centrale rend difficile le partage des pouvoirs. Ayant sous son autorité directe toute la communauté regroupée au sein d'un seul village, le chef du village exerce les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et militaire.

En sa qualité de chef de la terre, il reçoit à la fin de chaque saison des pluies des redevances en nature. De même un pourcentage sur tous les produits venant de son sol lui revient de droit, exemple : les outils fabriqués par les forgerons à partir des minerais extraits du sol de son village.

Réunis sous son autorité, les chefs de familles groupés en conseil de village débattent de toutes les questions d'intérêt commun, décident des orientations nou¬ velles, établissent les alliances et les accords, et déclarent la guerre. Chargés de trancher les litiges entre familles, ce conseil veille à l'application des décisions prises. Il décide de l'établissement de nouveaux venus et leur attribue des terres. Chaque notable est le porte-parole de sa famille au sein du conseil. Garant de l'unité de sa famille et responsable de la gestion des biens familiaux, il en assure la défense et la prospérité.

Pour des problèmes engageant l'avenir, le chef a la possibilité de réunir tout son village, afin de prendre ensemble les décisions qui s'imposent. Ainsi pour la défense du village, tous les hommes valides en âge de porter les armes sont concernés. Mais il y a également des guerriers de métier regroupés autour d'un mayaki, et lançant des expéditions contre les villages isolés. Cette pratique va surtout se généraliser avec l'anarchie qui suivra les événements du XIXe siècle.

2. - Dans le Zigi et le Issa-mé a) Le pouvoir exécutif

Dans ces deux régions, le pouvoir exécutif est détenu par le Mawrikoï 97

Symbole de l'unité, garant de l'ordre et de l'intégrité territoriale, Mawrikoï est le Laboukoï, le chef de la terre, le chef du pays. A ce titre, nous dit Djédé Gazibo, "Le Mawrikoï a droit à des égards et à des privilèges. Tout Mawri devait se décoiffer en sa présence. En tant que Laboukoï, tous les animaux errant sur le territoire et dont les propriétaires n'ont pas été retrouvés lui revenaient de droit. A la fin de chaque saison des pluies, il recevait, au titre de chef de la terre, des redevances en nature ; mais cela n'était pas une obligation pour les descendants de Bawa".

Mawrikoï avait également des obligations. "Il ne prenait jamais des aliments qu'il faut croquer, par exemple le manioc cru, le jirmay (1) ou la kola. Il ne se met jamais le torse nu, sauf pour dormir. Il n'ôte jamais son bonnet en public. Il ne plie pas ses manches ; il garde toujours ses poings fermés et chaque fois qu'il rencontre un Mawri, il formule des vœux".

Quelles significations donner à ces prescriptions ?

Leur analyse permet de constater que les différentes parties du corps du Mawrikoï sont des symboles.

La bouche est le symbole de la nourriture ; de ce fait, l'abondance des ré¬ coltes varie en fonction de l'effort que fournit Mawrikoï pour mâcher ses aliments. Ainsi croquer nécessitant un effort plus grand, si le Mawrikoï croque, cela se tra¬ duira pour les Mawri par un effort accru pour avoir de la nourriture. Donc pour éviter la famine et assurer l'abondance, Mawrikoï s'abstiendra de croquer (2) pour ne consommer que des aliments faciles à mâcher.

Le torse du Mawrikoï symbolise la terre. Laisser son torse nu, c'est dénuder la terre, c'est permettre son appauvrissement ; c'est donc entraîner l'éclatement de la communauté qui découlerait de cet appauvrissement.

La tête du Mawrikoï symbolise la force unificatrice, le pouvoir qui protège les Mawri et assure la puissance de la communauté. Oter le bonnet, c'est libérer cette force ; c'est affaiblir la puissance Mawri et l'exposer à tous les dangers.

Les mains du Mawrikoï symbolisent la virilité de la communauté, sa puissance. Fermer les poings, c'est dompter cette puissance ; c'est assurer la force Mawri face aux ennemis ; c'est dompter les forces de la nature, mais c'est aussi être prêt à toutes les éventualités. Ouvrir les poings, c'est relâcher la vigilance du groupe, c'est marquer son affaiblissement et donc l'exposer aux menaces extérieures ; c'est en¬ traîner son asservissement et menacer son existence.

D'autre part, le Mawrikoï, en laissant tomber ses manches, dompte au profit de la communauté toutes les puissances productrices et protectrices de la terre et

(1) Jirmay : mil frais grillé au feu. (2) Mawrikoï faisait bouillir son manioc avant de le manger. De même sa kola était d abord râpée. 98

des Mawri. Relever les manches de son boubou, c'est libérer ces forces ; c'est exposer la terre et les Mawri à tous les maléfices.

Djédé Gazibo affirmait "qu'un de leurs pères a régné sept ans en respectant toutes ces prescriptions et jusqu'à sa mort, le mil, le haricot étaient tellement abon¬ dants qu'ils pourrissaient dans les greniers".

Dans l'exercice de son pouvoir exécutif, Mawrikoï disposait de l'aide d'un conseil de notables dont les principaux sont :

au niveau central

- Yérima : appelé à succéder au Mawrikoï, Yérima faisait l'apprentissage de l'exercice du pouvoir auprès de lui et se familiarisait ainsi avec les diverses manœuvres politiques. A ce titre, toutes les questions importantes nécessitaient son avis. Il pouvait égale¬ ment représenter Mawrikoï à certaines manifestations.

- Waziri : afin de le rapprocher de son peuple, Mawrikoï charge Waziri de détecter, d'éviter et de régler tous les conflits et de l'informer des réactions que suscitent les décisions de l'exécutif.

- Maïfada : chef de la cour, il reçoit et introduit les demandes d'audience. Il porte à la connaissance du conseil les questions à débattre et prépare ses réunions.

- Mijindadi : conseiller personnel et homme de confiance du Mawrikoï, Mijindadi en est le confident.

— au niveau du village

- Maïgari : chef du village

En tant que descendants du fondateur et donc représentants de droit du Mawrikoï, les chefs des villages dirigent toutes les activités collectives, décident de l'implantation des nouveaux habitants sur le territoire, leur attribuent des terres et peuvent décider leur départ. Au titre de chefs de la terre par délégation, ils pré¬ lèvent un certain pourcentage sur tous les biens tirés de la terre : redevance sur les récoltes, sur les outils fabriqués à partir de minerais de leurs territoires, etc. Tou¬ tefois, les descendants de Bawa ne sont pas astreints au respect de ces droits. En outre, les chefs de village transmettent aux chefs de famille, Windikoï, les décisions prises par le grand conseil et veillent à leur application. Il est important de noter qu'en ce qui concerne Néni, il n'y a qu'un seul Maïgari. 99

- Windikoï : chefs de familles

Réunis en conseil de village, ils aident le Maïgari dans l'exercice de ses fonctions. Ils gèrent les biens de leurs familles, décident des mariages et assurent l'exécution des décisions prises en conseil.

b) Le pouvoir législatif

Le grand conseil regroupant les Maïgari, les notables et les Windikoï, descen¬ dants de Bawa, assurait sous l'autorité du Mawrikoï le pouvoir législatif. Ce conseil débat de toutes les questions importantes et décide des orientations politiques, sociales et militaires : guerres, alliances, accords, etc.

Au niveau de chaque village, un conseil exerce le pouvoir législatif à l'échelon local. Il recueille toutes les questions susceptibles d'être débattues en grand conseil.

Au niveau de la famille, chaque Windikoï recense les éléments pouvant en¬ gager l'avenir de la communauté et en saisit le conseil du village qui le répercute au niveau du grand conseil où sont prises les décisions. Ces décisions sont ensuite retransmises par les Maïgari et les Windikoï, chargés d'assurer leur application et leur observance.

c) Le pouvoir judiciaire

Au sein de chaque famille, le Windikoï règle les litiges, assure la répartition équitable des revenus familiaux et décide des alliances entre familles (mariages).

Lorsqu'un conflit opposait deux familles, ou deux personnes de familles dif¬ férentes, le règlement relevait du chef de village. Mais chacune des parties pouvait interjeter appel auprès du Mawrikoï qui avait seul le droit de remettre en question le jugement rendu par le chef du village et son conseil. Mawrikoï seul avait égale¬ ment le droit d'exclure une personne de la société Mawri. Voici comment il pro¬ cédait (1) : "En cas de vol, Mawrikoï convoquait la victime et les parents du voleur. Ces derniers étaient tenus de restituer l'objet ou de payer une amende. Si les pa¬ rents du voleur sont dans l'incapacité de le faire, Mawrikoï dédommageait la vic¬ time. Dans tous les cas les parents paternels du voleur le ligotaient et le baston- naient jusqu'au sang. En cas de récidive, Mawrikoï prononçait l'exclusion du mal¬ faiteur de la collectivité. Ses parents lui retiraient les champs qu'il cultivait et l'obli¬ geaient ainsi à quitter la région".

Le voleur avait alors deux possibilités : soit, ayant tiré les leçons de son in¬ conduite, il décidait d'aller gagner sa vie plus honnêtement en intégrant une autre communauté ; soit il continuait d'agir de la même façon et devenait un aventurier. Il arrivait que cet aventurier réunisse autour de lui une bande assez importante

(1) Texte de Djédé Gazibo. 100

pour organiser des coups de main contre les villages avoisinants. Il n'était pas rare non plus de voir un exclu d'une communauté aller créer un nouveau noyau dont il devenait la principale autorité.

d) Le pouvoir militaire et l'organisation de l'armée

En tant que Laboukoï, Mawrikoï est le garant de l'intégrité territoriale, ce qui lui confère la responsabilité de la défense de la communauté. A ce titre, il assiste à tous les combats décisifs.

Selon Kombeyzé, "Mawrikoï était transporté sur un siège jusque sur le champ de bataille et les guerriers Mawri ne pouvaient reculer en deçà de son siège. Par contre au fur et à mesure que l'ennemi reculait, Mawrikoï progressait avec son armée. Voilà pourquoi les Zarma disent que "nous les Mawri nous sommes bêtes, nous mourons, mais nous ne reculons jamais".

Cette stratégie revêt une importance psychologique considérable d'abord en démoralisant l'adversaire ensuite en stimulant l'armée Mawri. Tout se passe comme si les responsables Mawri voulaient par la présence de leur chef, concrétiser l'im¬ portance de l'enjeu : remporter la victoire, c'est sauver la vie du Mawrikoï ; or sauver la vie du Mawrikoï, c'est assurer l'ordre, l'intégrité territoriale et l'indépen¬ dance de la communauté. Reculer en deçà du siège du Mawrikoï, c'est accepter la destruction et la domination de la communauté par l'ennemi. Remporter la vic¬ toire, c'est donc garantir la prospérité, l'indépendance et l'unité symbolisée par Mawrikoï.

Nous voyons ainsi que les responsabilités du Mawrikoï sont immenses ; aussi se fait-il aider par :

— Mayaki, commandant en chef des armées ;

— Tongo farma, chef des archers, élu par ses pairs et confirmé par Mayaki, il pré¬ side à la préparation du poison dans lequel trempent les flèches ;

— Bandawaki : chef de la cavalerie, il est chargé d'assurer la protection des troupes en se plaçant derrière elles ;

— Azia : intendant de l'armée, il est responsable des butins et prises de guerre.

Du point de vue stratégique, la disposition de l'armée variait avec la nature du combat, les qualités du Mayaki et la configuration géographique. Dans les combats ouverts, par exemple, les guerriers étaient disposés face à face tandis que les archers embusqués tentaient d'affaiblir l'ennemi en lui décochant des flèches empoisonnées. Dans les razzias, c'était surtout la cavalerie qui intervenait pour frapper avec rapidité puis disparaissait avec la même rapidité, poussant devant elle le butin, mais prête à faire face à toutes les éventualités.

Cette armée qui, dans sa composition englobait tous les hommes valides dans 101

dans les situations graves, était offensive avec sa cavalerie, mais aussi défensive avec ses archers, ses fortifications et les sites défensifs des villages.

D. - CONCLUSION

Tant que les Mawri n'eurent qu'à éviter les dissensions internes et à s'imposer à des populations désorganisées et affaiblies, leurs systèmes politiques fonctionnèrent de façon satisfaisante. Mais l'anarchie consécutive à la disparition du bouclier qu'a toujours été l'empire sonraï, face aux incursions nomades, allait avoir des consé¬ quences particulièrement graves pour les régions qui nous intéressent. En effet, profitant de cette décadence, les Bambara de Bitton Koulibaly au XVIIe siècle et les Peuls, de la fin du XVIIe siècle au début du XIXe siècle se livrèrent des combats d'une rare opiniâtreté pour s'assurer le contrôle de la région. L'instabilité et l'insé¬ curité qui en résultèrent provoquèrent des mouvements de populations qui obli¬ gèrent les Mawri à faire face à d'autres réalités.

103

CHAPITRE V

LES GUERRES PEULES ET TOUAREGUES ET LEURS CONSEQUENCES 104

A. - L'OFFENSIVE PEULE

1. - Dans le Tondi Kandjé

Les Mawri du Tondi Kandjé, en très petit nombre à cette époque et de sur¬ croît retranchés dans leurs épaisses brousses, à la recherche du gibier, n'ont pas été inquiétés par l'offensive peule, les Mawri du Zigi et les Zarma de Damana leur servant de boucliers. Aucun informateur n'a gardé le souvenir d'un engagement contre les Peul, exception faite des actions isolées.

2. - Dans le Zigi Dès le XVIIe siècle, attirés par les vallées relativement humides et verdoyantes du Dallol Bosso et de ses affluents, et par les pâturages salés du Dallol Fogha, des fractions peules Torobé et Bittinkobé commencèrent à s'infiltrer dans cette région en établissant avec les populations autochtones des rapports de bon voisinage. Deux événements allaient changer la nature de ces rapports : l'arrivée de Boubacar Louloudjé et la guerre sainte d'Usman Dan Fodio.

Au début du XIXe siècle, un des compagnons de Maman Jobbo, Boubacar Luludjé, partit à la recherche d'une nouvelle zone d'implantation, fut frappé par la richesse de la végétation du Dallol Bosso, et décida de s'y fixer (Urvoy 1936, 97). Le rayonnement de son prestige religieux le fit respecter de toutes les populations environnantes et lorsque Dan Fodio déclencha son offensive, Boubacar Louloudjé fut naturellement désigné comme son représentant dans les Dallols.

Joignant à la foi religieuse un remarquable sens politique, les Peuls du Dallol regroupés autour de Boubacar Louloudjé exploitèrent les querelles de succession et les dissensions des populations autochtones. Ils réussirent ainsi à imposer leur suzeraineté à presque toute la région. Les Mawri du Zigi n'échappèrent pas à cette règle. Voici ce que nous en dit Djédé Gazibo :

"Boubacar Louloudjé était un saint. Pour cette raison, il était respecté de tous. Chaque jew (1), toutes les régions lui envoyaient un pagne blanc. Lorsqu'il décida de construire Tamkalla, nous envoyions des gens l'aider. Il était aveugle et à la fin de la journée, il venait contrôler le travail en tâtant les murs. S'il estimait que le travail était mauvais, il faisait abattre le mur et ordonnait sa reconstruction. Un jour, les Mawri désignèrent à la tête de leur délégation Bonkano Bamey. Après une journée de labeur, Boucabar Louloudjé vint contrôler et dit :

— "A wedi" c'est bien

(1) Jew : Saison sèche et froide de novembre à février. 105

ce à quoi Bonkano répondit :

— "A wedi ana wedi a wedi" c'est bien, ce n'est pas bien, c'est bien. Et depuis ce jour, nous n'avons plus envoyé des gens à Tamkalla".

Ce texte pose deux questions essentielles.

— A quelle époque se situe cet événement ?

— Quelle est la nature exacte des rapports Mawri-Peul ?

En 1804,Usman Dan Fodio lança le ralliement des Peuls, la guerre sainte et l'islamisation des "Cafres" (1), les Mawri du Zigi, sans se rendre compte de la portée de leur acte, acceptèrent facilement la reconnaissance de la valeur religieuse de ce dernier. La réputation de sainteté de Boubakar Louloudjé chez qui on venait prendre des amulettes contre le mauvais sort, les flèches et les lances, facilita les choses. Mais les Peuls du Dallol ne surent tirer profit de cet avantage. La reconnaissance religieuse se transforma en sujétion politique. Les Peuls intervinrent dans les ques¬ tions de succession, en plaçant à la tête des villages et des communautés leurs alliés, créant ainsi une situation particulièrement explosive. A ces problèmes poli¬ tiques s'ajoutèrent des problèmes économiques et sociaux : Boubakar Louloudjé exi¬ geait des redevances sur chaque récolte et sur toutes les prises de guerres. Sur le plan social, le comportement des jeunes Peuls, méprisant les autochtones et violant à l'occasion les jeunes filles, provoqua un mécontentement général dont la consé¬ quence fut la révolte Zarma contre l'autorité peule. En effet, dans l'esprit de toutes ces populations, autorité religieuse n'était pas synonyme d'autorité politique. Pensant qu'il suffisait de reconnaître l'autorité religieuse peule pour avoir la paix, les Zarma et leurs voisins ne firent aucune difficulté. Mais dès que cette autorité religieuse entraîna une tutelle politique avec la jouissance de toutes les prérogatives attachées à cette tutelle, les autochtones la rejetèrent. Périé et Sellier rapportent comment sous l'instigation de Hamma Bougaranne (2), Sorkoïzé prétendant évincé de Kiota, Gani Koda de Dosso et Hamma Zangamé, les Zarma de la région, excédés par les exactions peul, entreprirent de débarrasser le Dallol et de l'autorité et de la présence peule.

Boubakar Louloudjé fut battu, son village pillé et brûlé. Vers 1816, il s'enfuit au Fogha puis à Say. Vers 1825, après la mort de Hamma Bougaranne et de Sor¬ koïzé, il revint dans le Dallol, où il fonda Tamkalla". (Perie et Sellier, 1950 : 1039-1045). L'événement que nous a relaté Djédé Gazibo se situe donc après 1825 puisqu'il est relatif à la construction de Tamkalla. Les Mawri du Zigi qui n'ont pas pris les armes contre les Peuls lors du mouvement qui a abouti à la première expul¬ sion de ces derniers de la région ont continué à reconnaître leur suzeraineté lors de leur retour dans le Dallol.

(1) "Kafri" : les "infidèles", ceux qui ne reconnaissent pas l'Islam sont appelés de ce nom aussi bien les chrétiens que les "païens" animistes. (2) A l'issue de cette bataille qui vit la victoire des alliés, Hamma Bougaranne, originaire de Nikki, épousa la fille de Sorkoïzé, Zarmakoï de Kiota. De cette union naquit Daoudou, cf pp. 112-113. 106

Comment expliquer cette attitude ?

Après 1825, les Peuls, grâce à l'aide du Gwando et de Sokoto et à l'action énergique de Abdoul Assane, fils et successeur de Bubakar Luludjé, réussirent à s'imposer à nouveau dans le Dallol et les exactions reprirent de plus belle. A l'au¬ torité religieuse se substitua une tutelle politique et administrative qui faisait des Peuls les chefs de la terre. La confusion devint totale dans les rangs zarma dont une fraction du Issa-mé : N'Dounga, Kirtachi, Goudel, Saga, Kollo, et une partie du Fakara, entre autres Kouré, avaient rejoint le camp peul (1). Regroupés autour des irréductibles princes du Kebbi, de Dosso, de Kiota, de Koïgolo et de Dian- tiandou, les partisans de la lutte contre les Peuls se lancèrent à l'assaut des Peuls et de leurs alliés. Ces derniers réagirent violemment en lançant des raids contre les villages alliés de leurs adversaires. Face à la gravité de la situation, les Peuls firent appel à leurs frères de race du Gwando qui, sous prétexte d'engager des négociations, attirèrent dans un traquenard un grand nombre de chefs Zarma. Mahaman Bello, craignant les conséquences d'une violente réaction des princes de Dosso, envoya au Gwando une armée. Cette attaque simultanée Gwando-Sokoto, que Urvoy situe entre 1830 et 1835 a vu la victoire peule sur le camp adverse (Urvoy 1936 : 103-104).

En effet, la coalition écrasa et soumit le Kebbi. Au même moment, une colonne de Sokoto conduite par Bello traversa l'Arewa du sud, le pays zarma et atteignit le Dallol au nord de Kiota, tandis que Halilou de Gwando lançait vers 1840 une colonne contre les Gourmantché au sud-ouest de Say et leurs alliés Peul, les Foulmangani. Dans la région de Kirtachi, l'action conjuguée Say-Torodi et Lamordé, aboutit à la défaite zarma. La suprématie peule atteignait son point culminant, mais ils ne surent jamais enrayer les raids de leurs adversaires. Dans cette situation inextricable où Zarma et Peuls, Kabawa et Peuls, et Zarma et Zarma se livraient un combat sans merci, les Mawri de Sokorbé après avoir fait échec à deux attaques peules, crurent bon de garder une neutralité qui contrastait fort avec le climat général qui prévalait et dans lequel les alliances se faisaient et se défai¬ saient à un rythme extraordinaire. Du reste, cette neutralité ne les mit pas à l'abri du danger. Ecoutons Djédé Gazibo nous en donner le récit :

"Issa Korombé wangu nya (2) est parti à Argoungou demander au Kanta Samna son aide ;

— je veux détruire sept cases, — où se trouvent ces cases, lui demanda le Kanta, — à Sokorbé, lui répondit Issa.

Or Soumana Jiwayé, Soumana Beybey et Bagagié étaient là. Après le départ de Issa, ils dirent au Kanta Samna :

(1) Tous les cantons Zarma ayant à leur tête un Amirou sont alliés aux Peuls. (2) Wangu Nya : mère de la guerre, chef de la guerre. Issa Korombé, grand chef de guerre Zarma, originaire de Karma, a été tué dans la bataille de Boumba contre les Peuls. C'est l'un des princi¬ paux responsables de la résistance Zarma contre les Peuls cf. pp. 112-114. O <1

DOSSO

BIRNIN'GAOUREt»

frontière d'implantationzonepeule1 d'influencepeule•zone actuelle PEULEINFLUENCEETIMPLANTATION NIGERDUL'OUESTDANS 108

"Si tu veux aider Issa à attaquer les Mawri de Komdili, il faudrait que vous commenciez dès le premier village Mawri que vous rencontrerez, à partir de Ar- goungou, c'est-à-dire Leïma, car nous sommes tous les mêmes. Et si tu vas attaquer Sokorbé, tu ne reverras jamais Argoungou parce que les Arawa te tueront".

Or le Kanta avait besoin de l'aide des Arawa pour lutter contre l'hégémonie peule.

Le lendemain, Issa vint prendre la réponse. Samna lui dit :

"Si tu veux faire un champ, Issa, tu commences par le défricher seul et ce n'est qu'après que tu demandes l'aide des autres. Va essayer d'abord, on verra ensuite".

Issa se rendit à Tiley, puis à Koygolo, ensuite dans le Sourgay. Il réunit ainsi trente Wankoï (chefs de guerre). Ce jour-là, il n'y avait à Sokorbé que trente chevaux (cavaliers). Issa et ses hommes se dirigèrent ensuite vers Sokorbé. Près du village, le griot qui les accompagnait s'écria :

"Hay kulu no si gaabu, rien n'est aussi difficile (au sens de dangereux)

"kala Kalkül da nga kayne" que Kalkal et son frère

"yu beeri izeyan no" grosses abeilles, ils sont (ce sont de grosses abeilles)

"hawlondi izeyan no" guêpes piquantes ils sont (ce sont des guêpes piquantes)

"boro da ni tooyan " la personne quelle que soit sa suffisance quel que soit le courage de la personne

"a si nan boro ma Gazibo garu " ça ne permet à elle de Gazibo rencontrer elle n'osera pas se mesurer à Gazibo

"boro da ni tooyan" la personne quelle que soit sa suffisance quel que soit le courage de la personne

"a si nan boro ma Gazibo hamney" ça ne permet pas à elle de poursuivre Gazibo elle n'osera pas poursuivre Gazibo 109

"Da a na tondi naaru" si il le rocher attaque si Gazibo s'attaque à un rocher.

"tondo bine bagu" le rocher cœur est brisé le cœur du rocher se brise

"da a na woyno naaru " si il le soleil attaque si Gazibo s'attaque au soleil

"woyna hinje bu" le soleil dents meurent les dents du soleil s'émoussent

"zama Kalkül kayne Gazibo " parce que Kalkal frère Gazibo parce que, le frère de Kalkal, Gazibo

"tu camse ka kalme" (1) morceau de poterie et fer de houe un morceau de poterie et un fer de houe

"ga bara gaaro jinde ga" qui sont selle cou sûr qui sont suspendus à sa selle (du cheval)

"Bureyma guntun gaatari" Boureima courte hache

"may saaran ice" qui fend bois qui fend le bois

"Mawro kam Mawrey" le Mawri dont les Mawri

"kulu go nda a bine cine " tous ont son cœur nouvelle connaissent tous le courage

"faraka hanga ga zimbe" âne oreilles tombent du haut les flèches pleuvent

(1) Morceau de poterie et un fer de houe : utilisés pour la toilette et pour creuser la tombe des défunts, sont les symboles de la mort. En se déplaçant avec ses objets, Gazibo fait comprendre qu'il n'a pas peur de la mort et qu'il l'attend à tout moment. 110

"kuri nooru sey" sang est le cadeau le sang souhaite la bienvenue

"ir ya go ga ye fu " nous retournons maison nous retournons à la maison

"han kan te ir ma maa" ce qui se passe nous l'entendrons nous entendrons ce qui se passera (1).

La bataille fut meurtrière de part et d'autre. Issa Korombé dit aux Mawri de Sokorbé : "Vous avez dit que votre village ne sera jamais pris ; nous verrons ça".

Heureusement pour Sokorbé, les six autres puits Mawri prévenus par le sys¬ tème habituel de signal (2) vinrent à son secours. Les assaillants ont réussi à péné¬ trer dans le village, mais ils furent repoussés.

Au cours de cette bataille qui dura toute une journée, les Mawri perdirent tous leurs grands chefs militaires : Salma, Goubi, Hammey Yarou et tant d'autres.

Gazibo réussit à mettre en fuite un des principaux chefs de guerre qui s'étaient alliés à Issa Korombé : c'est le chef Touareg Ibounou Sandiré, dont la fuite stimula les Mawri, qui réussirent à mettre les assaillants en déroute.

Dans la mêlée, Boureima, le grand frère de Gazibo, reçut une flèche dans l'œil. Il revint à la maison demander à sa sœur Ibéro de lui extraire la flèche. Ibéro (3) lui répondit :

"Boureima, viens que je t'enferme dans la case de notre mère". Sur ce, Boureima saisit la flèche de ses deux mains et l'arracha avec son œil, puis il mit le tout dans sa poche et alla reprendre le combat".

Analyse du texte

Ce texte pose plusieurs questions :

— les rapports des Mawri de Sokorbé avec l'Arewa, — la chronologie, — les causes de l'attaque de Sokorbé par Issa Korombé.

(1) Cette tirade montre le rôle de stimulateur que joue le griot dans toutes ces sociétés. L'impu¬ nité dont il jouissait lui permettait d'observer une neutralité qui faisait qu'il pouvait chanter les louanges d'un chef militaire même en présence de son ennemi.

(2) Cf. p. 88.

(3) Ibéro est la soeur de Boureima Kalkal et de Gazibo. C'est d'elle que descendent les Mawri de Falwel Ill

Rapports des Mawri avec FArewa

La mise en garde faite par Bagagié au Kanta Samna montre bien que les Mawri de Sokorbé et les Arawa ne se sont jamais désolidarisés. Chaque fois qu'un danger menace les uns, les autres se sentent concernés.

Le problème chronologique

Nous pouvons situer approximativement la période à laquelle s'est déroulée cette bataille. La tradition dit que Bagagié était à cette époque à Argoungou. Nous savons que le Sarkin Arewa Bagagié qui régnait encore à la pénétration française (1875-1901) s'était installé pendant un certain temps à la cour du Kanta Samna et qu'il a même été nommé Mayaki : chef d'armée. En se basant sur les dates données par Périé et Sellier (1950 : 1051), nous pouvons situer son séjour à Argoungou entre 1860 et 1875, date à laquelle il a réussi à renverser le Sarkin Arewa Lihida et à prendre le pouvoir.

L'attaque de Sokorbé par Issa Korombé et ses alliés pourrait bien se situer à cette époque.

Une autre question que nous nous sommes posée toujours à propos de ce texte c'est : pourquoi cette attaque de Sokorbé, au moment où Issa avait besoin de toutes ses forces pour lutter contre les Peuls ?

Causes de l'attaque de Sokorbé par Issa Korombé

Avant d'étudier les raisons qui l'ont amené à attaquer Sokorbé, deux textes nous permettront de mieux connaître Issa Korombé et de situer son action dans son véritable contexte.

"Issa Korombé est de Karma, disait Diori Hamman. Son père s'appelle Korombé. C'était un très grand cultivateur qui avait beaucoup de mil. Se sentant à l'étroit à Karma, il décida d'aller mettre en valeur les terres de Zouzou Fandou. Jaloux de sa réussite, les gens de Yéni, qui étaient les chefs de Koygolo, brûlèrent ses greniers. Cette insécurité obligea Korombé à revenir à Karma. Son fils Issa était encore enfant. Au fil des ans, Issa devint un valeureux guerrier. Il ne cherchait que les combats. Afin de repérer au loin les bandes Touarègues qui écumaient la région, il s'installa sur le flanc de la colline de Koygolo. Par la suite il devint l'un des plus grands chefs militaires Zarma. A lui seul il a soumis plus de soixante- dix villes et villages, on l'appelait Wangou Gna (1).

Issa a réuni autour de lui une armée considérable. Un jour, il décida de venger son père en attaquant Yéni et en brûlant les greniers.

(1) Wangu Nye : le chef de la guerre. 112

Tous les vieux se sont réunis pour le calmer ; ce n'est que l'intervention de Daoudou Bougaranne qui l'a fait renoncer à son projet, parce qu'avant de devenir un aussi grand chef militaire, Issa et Haman Fandou étaient tous deux lieutenants de Daoudou. C'est Daoudou qui a fait de Haman Fandou le Zarmakoï de Kiota où il régna pendant plus de vingt ans. Les chefs actuels du canton de Kiota sont ses descendants (1).

Daoudou, Issa Korombé et Haman Fandou étaient alliés au Kebbi contre les Peuls qu'ils ont réussi à vaincre et à chasser du Boboye (2). Un jour, Issa Korombé dit à ses hommes, "j'ai appris que les Peuls se réunissent dans le Boboye près de Boumba". Or il avait fait le serment de ne tolérer la présence d'aucun Peul dans la région,a fortiori entendre un mot peul. Il réunit son monde et se lança à l'at¬ taque des Peuls. J'étais à Kala le jour de son arrivée dans cette ville (3). Dès qu'il descendit de son cheval, ce dernier se coucha avec sa selle. Les anciens lui dirent que c'était mauvais présage et qu'il n'avait pas la chance avec lui. Issa leur répondit "Je ne cherche pas la chance pour un Peul". Effectivement, la chance avait tourné puisqu'à Boumba, Issa, l'un de ses fils et ses deux gendres furent tués, et son armée décimée par les Peuls qui avaient dans leurs rangs des Foutanké (4) avec des fusils.

Dans son récit Garba Souna remonte plus loin :

"Issa Korombé est de Karma. C'était un lieutenant de Daoudou Bougaranne. Le père de Daoudou est de Dosso, sa mère du village de Daniara à Kiota. Sa mère s'appelle Borio. Elle est la fille de Tatari, lui-même fils de Tiekogo (5). Daoudou est parti très loin chercher sa puissance. Dans ce déplacement il était accompagné de Haman Fandou le fils de Sorkoïzé (6) du village de Kala. Or Sorkoïzé lui-même est le fils de Adaria-Kainé. Lequel Adaria-Kainé est le frère de Tiekogo, ancêtre de Daoudou, tous deux fils de Moharbirbir. Lorsque Daoudou arriva là où il devait prendre sa puissance, il ne trouva que la sœur de l'homme qui devait la lui donner. Cette dernière lui remit trois charbons de bois. Daoudou était déjà parti lorsque l'homme revint chez lui. Informé par sa sœur, il rattrapa Daoudou et lui reprit deux charbons, ne lui laissant qu'un seul, qu'il prit soin d'enfermer dans un sac disant à Daoudou : "Tu ne l'ouvriras que lorsqu'il s'embrasera entièrement. Cela commencera par des étincelles ; n'y fais pas attention, continue à surveiller le sac jusqu'au jour où il s'enflammera. Ce jour-là, même si tu t'attaques à un rocher, le rocher se brisera".

Daoudou revint alors à Kiota chez ses oncles maternels, toujours accompagné

(1) Voir en annexe, généalogie de Kiota.

(2) Boboye : mot zarma pour désigner le Dallol Bosso.

(3) Notre informateur qui a aujourd'hui 98 ans a connu Issa Korombé.

(4) Foutanké : les soldats de Ali Bouri.

(5) Voir annexe généalogique de Daoudou, du côté maternel.

(6) Il convient de rappeler que Daoudou issu du mariage de la fille de Sorkoïzé avec Haman Bougaranne, est un cousin de Haman Fandou. 113 de Haman Fandou. La première question qu'il posa à ses oncles fut : "Fulaney din go no ?" — Les petits Peuls-là sont-ils ici?" Or à cette époque, depuis N'Dounga jusqu'au bout du Dallol, on n'allumait pas du feu le soir parce que le chef Peul, Boubakar Louloudjé, avait mal aux yeux, tellement les Peuls étaient puissants. Face à cette attitude belliqueuse de leur neveu, les gens de Kiota craignant des conséquences désastreuses, le prièrent de quitter la région. Daoudou et Haman Fandou se ren¬ dirent alors dans le Kebbi, abandonnant Kiota où ils n'avaient pas réussi à soulever les populations contre les Peuls. Lorsque les étincelles commencèrent à jaillir du sac dont Haman Fandou avait la surveillance, Daoudou lança le ralliement de tous les chefs militaires Zarma hostiles aux Peuls et les invita à se joindre à lui. C'est à ce moment que Issa Korombé qui commençait à s'affirmer, Mayaki Bonhamni et Sidikou Dimadima, tous deux du village de Goubé Zeno, le rejoignirent. Daoudou réussit à réunir quatre cents cavaliers. Son sac était devenu un véritable brasier. Il se lança alors à l'attaque des Peuls, aidé dans ses actions par les Kabawa et les Arawa. La bataille décisive eut lieu à Goroubankasam. C'est ce jour-là que la flamme de Issa Korombé s'alluma.

Avant cette bataille de Goroubankasam, Korombé qui était un Golé (1) par¬ tageait les prises de guerres. Ce qui lui a valu le nom de Korombé Izé Mai Raba Sanu. A Goroubankasam, juste avant l'engagement Issa avait dit "Vous qui dites "Korombé Ize may raba saanu, yaw dud da dooki nika raba" - Vous qui dites "Korombé Izé qui partage les bœufs, aujourd'hui je partage même les chevaux". Il désigna à chaque chef de guerre la direction à prendre, puis il fonça droit devant lui. Mais avant qu'il ne fondît sur l'ennemi, surpris par la rapidité de son action, ce dernier prit la fuite. Daoudou et ses alliés remportèrent la victoire, pillèrent les Peuls et leurs alliés et firent un énorme butin. Les Peuls expulsés du Dallol, Tam- kalla prise et pillée, Daoudou installa Mayaki Bonhamni dans le village qui prit par la suite son nom, Mayaki Koara près de Kala et il fixa Sidikou Dimadima dans les champs pris aux alliés des Peuls près de Kala également. Enfin, il imposa comme Zarmakoï à ses oncles de Kala, Haman Fandou, son fidèle lieutenant. Les gens de Kala qui avaient un dauphin du nom de Tini, montrèrent quelques réticences. Daoudou leur donna deux jours pour changer d'avis. Sinon, dit-il, je dévasterai votre pays. Affolés, les habitants de Kala n'attendirent pas vingt-quatre heures pour lui notifier leur accord. Haman a régné sur le pays trente-cinq ans. Korombé Izé est revenu à Koygolo et a continué à combattre. C'est un très grand guerrier. Les griots disaient de lui "Korombé Ize kan da aba mo si bo" - "le fils de Korombé qui, s'il le veut, le soleil ne se lèvera pas". A cela Issa répondait "Ay mana ne mo si bo ammaa gambu ga foy bon ra" — "Je n'ai pas dit que le soleil ne se lèvera pas, mais du matin au soir les gens fuiront avec leurs bagages sur la tête". Issa a été tué par Ali Bouri et ses hommes. Voici comment les choses se sont passées. Après la défaite peule, l'exil et la mort de Boulhassane, son fils Baïéro se rendit à Yarga, à la recherche d'un gris-gris qui lui permettrait de vaincre les Zarma et de revenir dans la vallée. Pendant douze ans, il parcourut la région. Un jour un marabout lui fit un gris-gris et lui dit "Tu ne vaincras que si tu arrives à mettre ta main dans celle de Issa Korombé". Baïéro se déguisa en Hudé (berger) et vint avec son trou¬ peau de moutons jusque chez Issa Korombé. Il se fit présenter comme un étranger

(1) Golé : sous-groupe Zarma. 114

venu le saluer et réussit ainsi à lui serrer la main. Dès que Issa le salua, il sentit son cœur battre. Il le fit rechercher quelques instants plus tard, mais l'étranger avait disparu. Baïéro revint chez son marabout qui compléta les préparatifs et lui dit "maintenant, tu vas vaincre". Issa qui avait appris le regroupement peul vers Boumba, décida de les attaquer. Il réunit tous les marabouts qui lui dirent "Si tu veux vaincre les Peuls, ne les attaque pas tel jour et souhaite qu'ils ne t'attaquent pas aussi ce jour-là". Les Zima (prêtres animistes) quant à eux recommandèrent à Issa d'attaquer le même jour. Issa choisit le conseil des Zimas et rassembla tous ses guerriers. A Kala, on lui a dit aussi de ne pas attaquer encore, mais Issa a ré¬ pondu "Je n'ai pas besoin de chance pour vaincre un Peul". C'est ainsi que Issa Korombé Wangou Gna fut tué par les Peuls, parce qu'il a préféré le conseil des animistes à ceux des marabouts.

Que peut-on tirer de ces textes?

La première constatation à faire est leur concordance quant au fond des pro¬ blèmes soulevés. La deuxième constatation est la richesse des deux textes en ce qui concerne les informations relatives à la préparation de la lutte Zarma contre les Peuls, les différentes phases de cette préparation et le rôle dynamique joué par Daoudou et ses lieutenants. Un autre élément de ces textes est la mention faite des spoliations des champs des alliés Peuls une fois ces derniers vaincus. Il convient également de souligner ici l'interprétation que le deuxième texte donne de la dé¬ faite de Issa. En effet, cette défaite est considérée ici, non comme une victoire peule sur les Zarma, mais comme une victoire de l'Islam sur l'animisme, curieuse interprétation qui a le mérite de donner bonne conscience aux Zarma alliés des Peuls contre leurs frères de race. En réalité, la défaite de Issa Korombé provoquée par la supériorité de l'armement ennemi est aussi due en partie à la trahison de ses marabouts qui, au nom de la religion, après avoir conseillé à Issa de ne pas attaquer, ont averti les Peuls qu'Issa n'ayant pas l'intention d'attaquer, il fallait le prendre par surprise. Abdou Hassane (1) qui a visité le champ de bataille nous a rapporté : "ou Issa Korombé n'a aucun sens de la stratégie, ou il y a quelque chose d'anormal. Comment a-t-il pu faire massacrer ses gens dans un endroit pareil?" Les précieuses informations contenues dans ces textes, quant aux raisons qui ont motivé l'attaque de Sokorbé par Issa Korombé et ses alliés, nous permettront de mieux cerner cette question.

Entre 1816 et 1825, les Zarma décidèrent sous l'autorité de Hama Bougaranne de se défaire de la présence peule dans le Dallol, les Mawri du Zigi s'étaient abstenus d'y prendre part.

Lorsque Boubakar Louloudjé revint dans le Dallol vers 1825, les Mawri du Zigi avaient continué à reconnaître l'autorité religieuse peule.

Enfin, lorsqu'avec l'aide de Sokoto et de Gwando, Abdoul Hassane avait réussi à réorganiser ses Peuls et à asseoir son autorité sur le Dallol, Daoudou, tirant

(1) Abdou Hassane, actuellement directeur de l'Ecole Normale Tanimoune à Tillabery. 115 leçon de la réussite peule entreprit de réunir sous une même bannière tous les chefs de guerre hostiles à cette autorité. Les Mawri du Zigi ne répondirent pas à cet appel et se gardèrent de prendre part à la révolte générale de la région.

Dans ce contexte, il semble logique, à une époque où toute la région parti¬ cipait, dans un camp ou dans un autre, à cette lutte acharnée, que les Zarma et les Kabbawa, après avoir opposé de 1849 à 1866 une résistance farouche aux Peuls et s'être débarrassés d'eux, s'en soient pris aux Mawri dont la neutralité contrastait fort avec la conjoncture.

Un autre argument est le fait qu'au cours de toutes ces opérations militaires où les Peuls n'hésitaient pas à piller les villages alliés du Kebbi et vice-versa, les chefs de guerre, pour se faire la main, opéraient des razzias sur les villages suffi¬ samment peuplés et riches, afin de s'assurer le capital que représente la vente des animaux et des esclaves. 11 n'est pas impossible que ceci aidant cela, l'îlot que constituaient les Mawri du Zigi au milieu des populations Zarma ait attisé la convoi¬ tise de Issa Korombé.

Quoiqu'il en soit, cette attaque eut pour les Mawri des conséquences tragiques. Dans la mêlée, ils perdirent leurs meilleurs guerriers et cela au moment où la pres¬ sion touarègue se faisait de plus en plus pressante.

B. - DANS LE ISSA-ME

Les traditions rapportent de façon assez satisfaisante les migrations peules du XVIIe au XIXe siècles. Les premiers éléments dont l'arrivée a été signalée par les traditions et rapportée par les archives de Say sont les Bahabé :

"Les Fétobé, qu'on appelle aussi Ouénibé, partirent du Macina au cours du XVIIe siècle, sous la conduite de Ali Yaro Ama Mala. Ils s'installèrent à Bitti près de Gao. A la suite d'une querelle due aux exactions touarègues (1), les Ouénibé quit¬ tèrent Bitti, descendirent le fleuve et vinrent à Lamordé. Mais du fait de leur séjour à Bitti, ils prirent le nom de Bittinkobé : les gens de Bitti. A Lamordé, ces Bittin- kobé trouvèrent près des Gourmantché autochtones quelques Peuls, les Bahabé, dont l'installation dans cette région remonte au XVIe siècle. Ces Bahabé vivaient en bonne intelligence avec les Gourmantché dont ils reconnaissaient l'autorité".

Le troisième groupe mentionné par les archives de Say porte le nom de Garbaké :

"Au cours du XVIIe siècle, après les Bittinkobé, les Garbaké venus eux aussi du Macina, se fixèrent dans les régions de Settoré et Bellandé".

(1) Les traditions rapportent que le conflit est dû au fait que les chefs Touaregs exigeaient des Peuls la première nuit de leur noce. D'autres prétendent qu'un adultère serait à la base de cette guerre qui vit la défaite des Peuls Bittinkobé. Enfin, certaines traditions rattachent cette guerre à une dispute à propos d'un cheval. 116

Toujours selon les archives de Say :

"Longtemps après les Bittinkobé, une autre fraction Fetobé venue du Macina se fixa au Liptako. Vers 1765, à la mort de leur chef Gaya, ses quatre fils : Amma, Yoridiam, Moussa et Ali refusèrent l'autorité de leur cinquième frère Sambo, choisi par Gaya pour lui succéder. Vaincus par les partisans de Sambo, les quatre frères et leurs hommes abandonnèrent le Liptako et vinrent quelques années plus tard s'ins¬ taller à Botou. Les Gourmantché avec qui ils vivaient en bon voisinage, les voyant marcher en balançant les bras, leur donnèrent le nom de Foulmangani.

Au cours du XVIIIe siècle, les Torobé, un autre groupe peul, partirent du Macina en direction de Gao, descendirent le fleuve sous la conduite de Maouné et se fixèrent à Boulkabou, au nord de la Sirba.

Enfin, vers la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, un marabout Gar- babé, Maman Djiobo, vint du Macina, se fixa d'abord à Gao qu'il quitta pour un pèlerinage à la Mecque. Il remonta dans la région de , revint sur le fleuve et s'installa dans la petite île de Néni où il resta une dizaine d'années, puis descendant à nouveau le fleuve avec de nouveaux fidèles, se fixa à Say vers 1825".

Plusieurs questions se posent à la lecture de ces textes.

1) Quelles sont les causes réelles de ces migrations?

Toutes les traditions affirment que ces migrations au départ discrètes et paci¬ fiques avaient pour buts, la recherche de terres fertiles, de pâturages verdoyants et le désir de fuir une zone où l'insécurité régnait en permanence. Nomades à la recherche d'une abondante végétation, la vallée du Niger et ses affluents ont tou¬ jours exercé sur les Peuls un attrait certain. Deux traditions recueillies par Urvoy (1936 : 74) illustrent parfaitement ce fait.

"Une jeune fille, un jour qu'elle avait été battue par sa mère, s'enfuit avec son frère et un ami de celui-ci. Les griots du village chantaient des récits merveil¬ leux qu'il y avait vers l'Est un pays fertile arrosé par un grand fleuve. Ils disaient que les flots se retiraient pour découvrir les rives, où le riz et le mil poussaient en quelques jours et donnent de si grosses graines que quelques-unes suffisent pour un repas. La jeune fille marcha alors vers l'Est avec ses deux compagnons et finit par atteindre les bords d'un grand fleuve près duquel ils trouvèrent justement un gros village de Peul installés depuis longtemps appelé Bitti..."

La seconde tradition est relative au départ de Maman Djobbo (Urvoy, 1936 : 75-76).

"Maman Djobbo était un marabout originaire du Macina où il vivait avec sa famille. Une de ses sœurs mariée à un Peul en fut répudiée. Elle partit pour Nâ, près de Gao, où le chef du village l'épousa. Djobbo resta plus d'un an sans nouvelles d'elle. Il finit par savoir qu'elle était mariée à Nâ. Il alla la voir et la trouva déjà mère. Il lui demanda de retourner dans sa famille, mais elle refusa de quitter ses enfants. Djobbo retourna seul au Macina, en revint quelques temps après avec sa (nomssoulignés) DJOBOMAMANDEITINERAIRE 118

famille et s'installa à Nâ avec son ami Boubakar Louloudjé. Cinq ans plus tard, la sœur mourut, Djobbo quitta le pays et vint s'installer dans l'île de Néni qu'il dut abandonner, à la suite de dissensions, et aller se fixer à Say, où il mourut vers 1840".

Ces deux textes nous montrent que les crues du fleuve Niger, la fertilité de ses berges, l'abondance de sa végétation et les cultures qu'on y pratiquait ainsi que les lieux d'implantation des quelques pasteurs, étaient connus des Peuls. Et lorsque les rivalités Bambara - Peuls - Touaregs atteignirent leur paroxisme, les Peuls se souvinrent des terres fertiles du bord du fleuve où régnent paix et sécurité. Il est probable que la prise de Gao en 1680 par les Touaregs ait été un événement déci¬ sif dans les migrations peules. L'épisode de la fille frappée par sa mère, les que¬ relles Bittinkobé - Touaregs, sont significatives à cet égard. Les luttes de succession inhérentes à la désorganisation politique provoquée par l'éclatement des commu¬ nautés originelles, allaient accentuer le départ de petits groupes isolés à la recherche d'une certaine sécurité et d'une plus grande tranquillité.

2) Pourquoi les populations n'ont-elles pas réagi à cette poussée peule ?

Il peut paraître paradoxal que les autochtones aient accepté passivement d'être submergés par les Peuls. Mais la réalité est que cette poussée peule s'est faite au départ sous forme d'infiltration discrète. Disséminés à travers la région, les Peuls n'avaient pas au départ de gros centres, avec une organisation centrale, mais vivaient par petits groupes indépendants les unes des autres, ayant chacun son propre chef, ses propres coutumes et nomadisaient avec leur bétail. Pendant les saisons sèches, ils fumaient les champs des sédentaires moyennant une redevance en nature, et échangeaient le lait contre du mil ou du son pour leurs bêtes. Fixés près des villages pendant les saisons des pluies, les Peuls acceptèrent volontiers l'autorité des auto¬ chtones, mais ne s'assimilèrent jamais à eux. Le caractère pacifique de ces Peuls vivant en symbiose avec les populations de la région ne posa aucun problème au départ. Mais trois facteurs allaient transformer la nature des rapports : l'accroisse¬ ment de leur nombre, l'augmentation de leur bétail et l'appel d'Usman Dan Fodio. Dès qu'ils furent suffisamment nombreux, les Peuls commencèrent à poser de sérieux problèmes à leurs voisins. Ainsi, avec l'arrivée des Bittinkobé, les Peuls de Lamordé après plusieurs batailles, réussirent non seulement à s'imposer aux Gour- mantché, mais à les refouler plus au sud et à occuper Youri, Ganki, Diangaré, etc. De même l'augmentation du bétail peul provoqua à plusieurs reprises des litiges avec les populations sédentaires. Dans certains cas, ces litiges débouchaient sur de véritables batailles rangées. De plus les prétentions peules commençaient à exaspé¬ rer les autochtones. Aussi en 1802, "Bawa, sultan du Gobir, rassembla-t-il tous les chefs Peuls de son royaume et les réprimanda énergiquement au sujet de prétentions politiques et religieuses qu'ils commençaient à élever. Parmi ces chefs, Usman Dan Fodio, l'iman de Daghel près de Wourno, où il exerçait une très grande influence religieuse sur ses concitoyens, indigné de la manière dont il se voyait traiter par les Gobirawa idolâtres, résolut de pousser ses coreligionnaires à s'affranchir de l'autorité des indigènes. Il réussit à les exciter au moyen de chants religieux. Il fut investi des fonctions de cheick et leva le drapeau de l'union religieuse et politique des Peuls. Après des débuts difficiles, grâce à la foi qu'il sut inspirer à ses hommes, Dan Fodio, aidé de son frère et de son fils, réussit à vaincre ses adversaires et à 119

ériger le plus grand empire Peul du Soudan" (1). Cette victoire d'Usman Dan Fodio fut l'étincelle qui mit le feu aux poudres : le mythe de la supériorité peule, la soli¬ darité de race et l'union prêchée par Dan Fodio, allaient galvaniser les paisibles nomades et en faire de redoutables guerriers. Joignant à la foi religieuse presque fanatique, une endurance physique légendaire, les Peuls, matériellement soutenus par Sokoto, bouleversèrent littéralement la carte politique du Issa-mé. Après s'être assuré la soumission des Gourmantché de la région, les Peuls de Lamordé s'atta¬ quèrent aux Mawri. En effet, nous avons vu que Mawrikoï Néni avait réussi, grâce à une cavalerie particulièrement entraînée et une troupe d'archers très aguerris, à s'assurer le contrôle de toute la région et à imposer aux Peuls une redevance en contrepartie de l'autorisation de faire brouter par leurs bêtes l'herbe de Néni. Djibo Soumaïla rapporte :

"Afin d'empêcher les Peuls d'introduire de nuit leurs animaux dans l'île, Mawrikoï Néni eut l'idée de clôturer entièrement l'île à l'aide de peaux de bœufs. Mais il n'utilisait que la peau de bœufs de très grande taille. Depuis Youri jusqu'à Dambou il n'y avait pas de taureau ou de vache de choix qui n'ait été tuée par les hommes de Mawrikoï Néni. Il ne manquait plus qu'une seule peau pour terminer la clôture de l'île. Un jour, un des enfants de Mawrikoï Néni, de retour de voyage, apprit à son père qu'il avait entendu chanter les louanges d'un jeune Peul, Sandari, et de ses deux animaux préférés : un taureau et une vache. En effet, Sandari avait hérité de son père deux cents bœufs. Mais il avait fait le serment de tuer Mawrikoï Néni si ce demier venait à s'en prendre à ses deux animaux préférés. Mawrikoï, après le récit de son fils, dépêcha sept cavaliers à Kourtéré avec la mission de ra¬ mener "gna-gna" la vache préférée de Sandari. Arrivés à Kourtéré, sur la place du village, les hommes de Mawrikoï Néni surprirent les jeunes filles chantant les louanges de Sandari. Tous les jeunes se sauvèrent à leur arrivée, sauf un jeune homme, allongé, ses deux lances plantées au sol, près de lui, son sabre sur sa poitrine et sa tête reposant sur les cuisses d'une jeune fille. La fille voulut se sauver, mais il l'en empêcha. Il se leva, prit ses lances et attendit. Les jeunes Mawri lui dirent : "Où est Sandari?" Il répondit : "Si vous voyez Sandari, le reconnaîtriez-vous? "Acette insolence, les cavaliers Mawri répondirent en lui donnant un coup de cravache. Sandari, avec sa lance, transperça le cavalier qui l'avait frappé. Il blessa un deuxième avec sa seconde lance. Les cinq cavaliers, devant la promptitude de la réaction de Sandari, tournèrent bride. Sandari ramena les deux blessés et leurs chevaux chez le chef du village. Les Peuls blâmèrent son action : "Tu vas nous attirer des ennuis. Tu vas attirer sur nous la colère de Mawrikoï Néni et de ses redoutables cavaliers". Sandari prétexta la légitime défense et déclara endosser l'entière responsabilité de son action. "Ou ma vie, ou celle de Gna-Gna, ou la vie de Mawrikoï Néni. Et demain, s'il plaît à Dieu, mes animaux brouteront l'herbe interdite de Nénigoungou".

La nouvelle de l'agression de Sandari sur les personnes des cavaliers Mawri se répandit avec la vitesse d'un incendie dans tous les villages peuls de la région. Les Peuls pour échapper à la colère des Mawri, abandonnèrent leurs villages et se réfugièrent dans le Gourma.

(1) Barth, "Voyages en Afrique", pp. 218 à 222. 120

Avant le lendemain Sandari introduisit ses animaux dans l'île de Néni, et se cacha dans un buisson. Or Mawrikoï avait fait appel aux piroguiers kourté des îles voisines pour transporter ses guerriers sur la rive gourma, rechercher Sandari et donner une correction exemplaire aux Peuls.

Pendant que ses guerriers pourchassaient les animaux, Mawrikoï Néni vint s'étendre comme d'habitude sur une peau de bête, à l'ombre d'un buisson. Sandari rampa jusqu'à lui et lui planta sa lance dans la poitrine. Mawrikoï Néni, un grand gaillard, se leva brusquement, puis retomba sur la poitrine, brisant ainsi le manche de la lance. Sandari lui trancha la tête et la mit dans son chapeau, puis il se sauva en sifflant ses animaux. Les Mawri le poursuivirent mais ne purent l'atteindre. Mawrikoï fut enterré à Néni goungou, sa tombe y est encore.

Sandari dans sa fuite n'atteignit les Peuls qu'à Torodi (1) où il leur apprit la mort de Mawrikoï Néni et leur montra sa tête.

Avant, il y avait des Mawri à Goudel aussi, mais avec la puissance de Mawrikoï Néni, ils vinrent tous s'installer dans l'île. Les Zarma de Goudel étaient alliés des Peuls et l'assassinat de Mawrikoï Néni par les Peuls leur fît craindre des représailles et ils s'enfuirent avec les Peuls dans le Gourma.

Peu après la mort de Mawrikoï Néni, son successeur, Salifou Mawri, dit aux Peuls et aux Zarma : "Maintenant que Mawrikoï qui vous était hostile est mort, vous pouvez revenir en paix dans vos villages".

Mais un devin gourmantché consulté par les Peuls et les Zarma dit : "Ne vous fiez pas à ses paroles, les Mawri ont l'intention de vous attirer pour vous massacrer. Je ne vois qu'un seul moyen si vous voulez avoir le meilleur sur eux, c'est de me procurer une biche vivante et sept flèches mawri". Les responsabilités furent partagées, les Peuls devant rapporter la biche, les Zarma les flèches et les Gourmantché invoquer la faveur des dieux.

Saisissant la balle au bond, les Zarma répondirent à l'invitation mawri et commencèrent à construire de petites huttes à l'emplacement de leurs anciens vil¬ lages. Quelques-uns en profitèrent pour se rendre dans l'île demander aux Mawri un remède contre le marasu (2). Or le marassou se soigne en faisant tremper une flèche dans de l'eau. Lorsque la flèche était restée suffisamment trempée, on buvait l'eau. Ainsi les Zarma eurent une dizaine de flèches. Puis ils dirent aux Mawri : "Nous allons chercher nos familles". En fait, ils revinrent dans le gourma remettre aux Gourmantché les flèches.

Les flèches furent fondues par les forgerons et transformées en mors.

(1) Torodi : village peul situé à 57 km de Niamey sur la rive droite. (2) Marasu : maux de gorge entraînés par la rupture d'une habitude alimentaire. Si l'on a l'ha¬ bitude de boire du lait tous les matins, et si pour une raison ou une autre on n'en buvait pas pen¬ dant un ou deux jours de suite, on attrape le mal appelé marasu. 121

Les Gourmantché firent leurs incantations, placèrent les mors sur la biche et dirent aux Peuls et aux Zarma : "A la tombée de la nuit, sept guerriers devraient lâcher la biche sur l'île". Les Zarma acceptèrent la mission. Les Mawri voyant une biche dans leur île, la tuèrent, la grillèrent et la mangèrent. Les Gourmantché in¬ formés dirent aux Peuls : "Vous pouvez attaquer maintenant, ce ne sont plus des hommes, ce sont des femmes ; ils ne pourront même pas réagir".

Sandari donna cent têtes de bœufs à ses guerriers et dit : "Ces cent bœufs, c'est votre butin. Je ne veux pas voir un seul esclave. Tuez-les tous. Pas un seul Mawri ne doit survivre à cette attaque. Pas une seule case ne doit échapper à la destruction de Néni goungou".

La même nuit, les hommes de Sandari encerclèrent l'île de Néni en plusieurs cercles concentriques disposés ainsi : un cavalier, un fantassin — un cavalier, un fantassin. Les Mawri qui étaient encore au lit, n'eurent même pas le temps de prendre leurs armes. Ils furent massacrés dans leur sommeil. Le chef des archers, Tongo Farma, lui-même fut surpris en pagne et égorgé. Hommes, femmes, enfants furent systématiquement assassinés. Les femmes enceintes furent éventrées et les fœtus jetés dans le fleuve, afin de servir de pâture aux poissons, dit Sandari. Les cases furent rasées, les greniers brûlés et tous les champs détruits. C'est alors seu¬ lement que Sandari et ses hommes se retirèrent.

Un Sorko (pêcheur) du village de Saga passant près de l'île après le massacre, recueillit dans sa pirogue deux enfants, échappés par miracle au massacre. Il les ramena chez lui et les confia à sa femme. Pendant sept ans, le petit garçon et la petite fille grandirent à l'ombre de leurs parents adoptifs et ne sortirent jamais de la concession. Un jour, un ami du Sorko venu lui rendre visite aperçut les deux enfants : "Comment, ta femme a accouché depuis longtemps et tu ne m'as rien dit?" — "Non, rassure-toi, répondit le sorko, j'ai recueilli ces deux enfants après le massacre de Néni goungou ; c'étaient les seuls survivants et je les ai adoptés puisque nous n'avons jamais eu d'enfants ma femme et moi".

De retour chez lui l'ami du Sorko se rendit chez Amirou Saga (chef de Saga) et lui fit le récit. Avant le lendemain, un messager fut dépêché par ce dernier auprès de Sandari.

Sandari fit dire à la population de Saga que si les enfants ne lui étaient pas remis avant midi, il détruirait le village.

Le Sorko se réfugia avec sa femme et les deux enfants auprès de Yéji Kouri. Sandari informé épargna Saga et vint camper sur la rive gourma près de l'ancien bac, sous un tokoïgna (1). Il dépêcha un émissaire auprès de Yéji Kouri. Ce der¬ nier remit à l'émissaire trois flèches et lui dit : "Va dire à Sandari que s'il insiste pour avoir les enfants, je lui transpercerai le ventre avec ces trois flèches".

(1) Tokoïgna : arbre fruitier. 122

De retour, l'envoyé remit les trois flèches à Sandari et lui rapporta les paroles de Yéji Kouri. Les flèches étaient empoisonnées et ses guerriers lui dirent de les jeter. Sandari fut immédiatement saisi de vomissements, il avait froid et frissonnait ; ses hommes le recouvrirent, le placèrent sur un cheval et l'emportèrent. Il mourut à Lamordé. C'est ma mère qui m'a raconté ça. Elle m'a dit aussi que ce jour-là, les Peuls pleuraient comme des femmes. Mais elle n'a pas pu me dire si Sandari s'était blessé avec les flèches empoisonnées ou si Yéji Kouri a fait un gris-gris sur les flèches. Elle a dit seulement que Sandari a commencé à vomir immédiatement après avoir pris les flèches dans les mains.

Après avoir battu les Mawri, Sandari était devenu le chef Peul de toute cette région. Son règne a été plus tyrannique encore. C'est avec des fléchettes d'épine que ses gens tuaient les mouches sur le corps des Zarma venus faire leurs emplettes au marché de Lamordé. Si par malheur pour le Zarma la mouche venait à s'envoler, il était battu jusqu'au sang, les Peuls lui reprochant d'avoir effrayé la mouche.

C'est Sandari qui a pris l'île de Néni aux Mawri. Mais Yéji Kouri a refusé de lui remettre les enfants Mawri adoptés par le Sorko. Ils grandirent et leurs parents adoptifs les marièrent entre eux. C'est ainsi que les Mawri, après Néni, s'installèrent à Niamey. Les deux jeunes gens eurent trois enfants :

— El Hadji

— Foulabéri

— Foubéro, une fille qui perdit la raison. Ses parents l'attachèrent à un baani nya (1).

El Hadji et Foulabéri sont les ancêtres des Mawri de Mawrey (2).

Un jour que Yéji Kouri allait chasser en brousse, il fut chassé par sept chiens féroces. Il grimpa sur un arbre. Les chiens appartenaient à un homme dont les cheveux avaient tellement poussé qu'ils tombaient sur ses épaules et recouvraient sa poitrine. Yéji Kouri le prit pour un génie. Mais lorsque l'homme leva la tête pour l'observer du haut de son arbre, il s'aperçut qu'il portait des cicatrices mawri; il s'écria :

— "Je pensais qu'un génie me pourchassait et je vois un Mawri" ;

— "Descends", lui dit l'homme".

— "Pas avant que tu n'aies attaché tes chiens", répondit Yéji Kouri.

L'homme attacha ses chiens aux pieux d'un grenier et Yéji Kouri descendit de son arbre.

(1) Baani nya : acacia Adansonii.

(2) Mawrey : nom d'un quartier de Niamey. 123

L'homme lui apprit qu'il s'appelait Bourahima Mawri, que c'étaient ses chiens qui abattaient le gibier dont il se nourrissait et que les génies lui procuraient du lait. Enfin, il dit à Yéji Kouri qu'il cherchait un endroit où s'installer. Ce dernier lui offrit l'hospitalité, mais demanda à lui couper les cheveux afin de ne pas effrayer les enfants. Bourahima accepta, à condition de ne pas être dérangé dans sa case et que la nourriture de ses chiens fût assurée.

Bourahima fut installé dans la case des enfants réinstallés dans une autre case. Bourahima ne sortait de sa case que pour aller en brousse et ne parlait à personne.

Un jour, le jeune Mawri sauvé du massacre de Néni dit à Yéji Kouri : "Ne peux-tu pas demander à ton étranger de soigner notre fille Foubéro" ? Bourahima accepta sous réserve d'épouser la fille après sa guérison. Les parents acquiescèrent. Sept personnes amenèrent Foubéro chez Bourahima Mawri, qui avait revêtu pour la circonstance un grand boubou noir entièrement recouvert d'amulettes, un pantalon noir et un bonnet noir couvert d'amulettes également et descendant jusqu'au dos. S'adressant à la folle, il lui dit :

— "Ni ne ni du baani" dis que tu es guérie

et Foubéro répondit :

— "Ay du baani" Je suis guérie.

Il lui fit répéter la même phrase trois fois, puis se retournant vers ses parents :

— "Voici votre fille" — "Voici ta femme", répliqua le père.

Le mariage fut célébré et de l'union naquirent trois enfants :

— Moussa

— Garantié — Kadialgna (une fille).

Ces trois enfants sont les ancêtres des Mawri de Kawratégi (1).

Les beaux-parents de Bourahima lui donnèrent des terres et il se fixa à Niamey.

Peu après, le chef de Goudel ayant appris la guérison de Foubéro par Bou¬ rahima Mawri, décida de faire soigner sa fille par ce guérisseur, qui accepta en posant les mêmes conditions. Il soigna la fille, l'épousa et eut avec elle trois enfants : — Alpha Morou

— Zarma

— et une fille.

(1) Kawratégi : un quartier de Niamey. 124

Amirou Goudel lui donna les terres comprises entre les bureaux des services du Trésor actuel, les limites entre Niamey et Saga, le Commissariat central et le four de Bagnou. C'est ce qui a donné aux gens de Kalley (1) leurs terres. Les Peuls avaient donné à Goudel toutes les terres jusqu'à la limite avec N'Dounga, parce que les gens de Goudel étaient leurs alliés dans la lutte contre les Mawri. C'est après la défaite des Mawri que les Zarma de Goudel ont eu toutes ces terres, jus¬ qu'à Tondikwarey et jusqu'à Gorou. Mon grand-père m'a tout raconté. Ce sont les Peuls qui ont donné ces terres aux Zarma de Goudel.

Bien après, Bourahima soigna et épousa la fille d'un Touareg de Sorbon et eut avec elle un fils :

— Baba Sansan Hawsa, et deux filles :

— Domogna (2) et

— Firéré".

Soumaïla Siddo donne la version suivante :

"Le premier Mawri du Issa-mé s'appelait Tâbi Sâwi. Il vint de Matankari. Il eut un fils, Faragaïzé qui eut à son tour Mawrikoï Néni.

Lorsque Mawrikoï Néni succéda à son père Faragaïzé, il eut un pouvoir fort. L'ancêtre des Peuls Bittinkobé quitta Bitti pour s'installer à Karou (3). Puis il se fixa à Lamordé. Son nom était Warou. Mawrikoï Néni, alors très puissant, tuait les animaux des Peuls pour clôturer sa concession. Un jour, un jeune berger jura de tuer Mawrikoï Néni si ce dernier venait à s'en prendre à sa vache préférée. Malheureusement, les guerriers de Mawrikoï Néni tuèrent la vache. Pendant qu'ils la dépeçaient, Mawrikoï Néni vint s'étendre sur une peau de bête, à l'ombre d'un buisson. Le jeune berger rampa jusqu'à lui et le transperça en plein cœur de sa lance. Mawrikoï Néni mourut sur le coup. Ses hommes se ruèrent sur les Peuls de l'île et les massacrèrent. Les survivants réussirent à s'enfuir dans le gourma et se réfugièrent auprès du Wali (4) Alpha Sori Bello Horé. Ce dernier leur donna le gris-gris qui leur permit de chasser les Mawri de l'île de Néni. Après leur défaite, les Mawri s'installèrent sur la rive gauche à l'emplacement actuel de la ville de Niamey. Le nom Niamey vient du fait qu'on accédait au fleuve à cet endroit sous un arbre appelé gna (5). C'est cette expression gna-mé : bouche du gna, qui donna le nom gna-mé dont la déformation donna gnamey que les Français écrivirent Niamey.

(1) Kalley : quartier de Niamey.

(2) Domogna : la mère de Domo.

(3) Karou : village à côté de Dori.

(4) Wali : saint.

(5) Gna : arbre qu'on rencontre dans le Boboy. 125

C'est le fils aîné de Mawrikoï Néni, Salifou Mawri, qui prit la succession de son père et vint s'installer ici avec son monde et créa la ville de Niamey. A sa mort, il laissait cinq fils :

— Moussa

— Oumarou

— Garantié

— Tahirou

— Ali

Moussa succéda à son père. C'est sous son règne qu'un Zarma, Mody, vint du Zarmaganda, où il avait tué son concurrent dans une lutte de succession. Il se ré¬ fugia auprès de Moussa qui le prit comme berger. Par la suite, un jeune Peul : Paté Boli, vint s'installer à son tour près des fils de Salifou Mawri. Moussa reprit alors ses animaux et les lui confia. Deux ans plus tard, la sœur de Paté Boli vint de Fondey voir son frère. Mody l'épousa. De leur union naquirent :

— Tiné

— Abdou

— Tchito

— une fille et

— Koda.

Moussa donna des terres à Mody. Ce sont ces terres que les Zarma de Kalley cultivent encore, car les Zarma de Niamey qui sont à Kalley sont les descendants de Mody, qui est lui-même un Kallé du Zarmaganda. C'est après que l'ancêtre des gens de Gawaye : Farka, est arrivé. Il s'installa près de Mamman Djobbo à Néni, puis il alla se fixer sur la rive gauche avec le départ de Mamman Djobbo Farka (1) faisait le travail de l'eau (2). Les Mawri l'autorisèrent à cultiver du riz dans l'île et à pêcher dans le fleuve.

C'est ensuite l'ancêtre des Mawri de Gandatié qui vint de Gounoubi.

Puis arriva le grand charlatan Bourahima Mawri, ancêtre des Mawri de Kwa- ratégi. Un jour, il eut une discussion avec Samba Alkali de Goudel. Ce dernier l'in¬ juria. Le même jour, Samba devint fou ; il transperça un âne avec une lance. Il fallut l'attacher dans une case. Deux jours plus tard, ses parents vinrent présenter leurs excuses à Bourahima. Il ne fit que frotter sa tête contre celle de Samba Alkali, qui retrouva immédiatement sa raison. Depuis ce jour, les gens de Goudel et les Mawri s'entendent très bien.

Enfin les enfants de Nimawa vinrent s'installer ici".

(1) Farka : ancêtre des sorko de Gawaï.

(2) Le travail de l'eau : la pêche. 126

Ces deux textes nous renseignent sur :

— les dissensions entre les Mawri et leurs voisins, — la coalition Peuls-Zarma-Gourmantché et la défaite Mawri, — la suprématie Peule Bittinkobé, — l'alliance Mawri-Zarma et le coup porté à la suprématie Bittinkobé sur la rive gauche, — la fondation et l'expansion de Niamey.

La tradition rapporte que lors du séjour de Mamman Djobbo à Néni, il appre¬ nait le coran à ses talibés (1) lorsque Mawrikoï Néni le fit appeler. Il lui dit que les talibés l'empêchaient de dormir et lui demanda en outre s'ils voyaient la per¬ sonne dont ils criaient si fort le nom (2). Mamman Djobbo lui dit non. Alors Mawrikoï Néni lui fit comprendre qu'il tolérerait les cris de ses talibés le jour, mais qu'il ne permettrait pas qu'on troublât son sommeil. Devant cette attitude anti¬ musulmane, Mamman Djobbo décida de quitter Néni et alla fonder Say. Cela se passait aux environs de 1824-1825. Or à cette époque, Usman Dan Fodio avait déjà lancé son appel à tous ceux de sa race, pour la guerre sainte. Les Peuls galva¬ nisés par cet appel et encouragés par les premières victoires de Dan Fodio, trou¬ vèrent là une raison supplémentaire de se débarrasser d'une autorité animiste. Les Zarma qui y voyaient leur intérêt et les Gourmantché espérant une réhabilitation face aux Peuls qui les avaient spoliés de leurs terres, acceptèrent d'agir de concert avec ces derniers.

Cela commença d'abord par des rixes dont la conséquence fut la mort de Mawrikoï Néni. Cette mort entraîna une violente réaction des Mawri qui massa¬ crèrent les Peuls et leurs alliés de l'île. La coalition Peuls-Zarma-Gourmantché se replia sur la rive droite, se renforça par l'arrivée des Peuls des villages environnants. Très tôt, la colonne grossit car il s'agissait de faire la guerre aux "Kafres" : qui¬ conque mourait dans cette guerre sainte irait au paradis. La coalition ainsi renforcée attaqua au petit matin, vainquit les Mawri encore au lit, pilla l'île, rasa les cases et détruisit toutes les récoltes. Les rescapés Mawri se réfugièrent alors sur la rive gauche à l'emplacement actuel du quartier Gawaye, près de Farka, un sorko que Mawrikoï Néni avait recueilli et installé là. Cela explique pourquoi les Sorko disent être les premiers occupants de Niamey. En effet, lorsque les Mawri furent chassés de l'île, l'ancêtre de Gawaye, Farka, était déjà installé mais il convient de signaler que c'est Mawrikoï Néni qui lui permit de s'installer à cet endroit, en même temps qu'il l'autorisait à cultiver du riz dans l'île. Mais déjà à cette époque de la défaite Mawri, quelques Zarma venus du Zarmaganda s'étaient installés dans la région, ce qui explique le fait qu'ils affirment l'antériorité de leur implantation à Niamey.

A la même époque Mamman Djobbo, qui grâce à sa réputation religieuse avait réussi à faire de Say le centre de ralliement de tous les Peuls de la région, s'allia à Sokoto dont il devint le représentant pour toute la zone. Les Peuls, qui

(1) Talibé : élève de l'école coranique. (2) Il s'agit ici de Dieu. 127 jusqu'alors avaient pour la plupart toléré l'autorité politique des autochtones, reje¬ tèrent systématiquement toute autorité non musulmane. Ils décidèrent de mettre en place leur propre chefferie, de ne reconnaître que la tutelle d'Usman Dan Fodio et de ses représentants et de n'obéir qu'à la juridiction coranique. Les Bittinkobé déposèrent leur chef Yao qui voulut rester fidèle â ses engagements envers les Zarma Songhaï, et le remplacèrent par Tako qui reçut l'investiture de Sokoto. Profitant de l'importance psychologique de la défaite Mawri, les Peuls, plus nombreux, mieux organisés et bénéficiant de l'aide de Sokoto et du Gwando, s'attaquèrent à leurs anciens alliés Zarma qu'ils défirent successivement à Gaguel Guédé, Dagaré et Windi Korkoï. Descendant le fleuve, ils vainquirent les Zarma de Kirtachi et imposèrent leur autorité à Goudel-Niamey-Saga et Kirtachi. La puissance peule était alors établie sur tout le Issa-mé. C'est à cette période que se situe l'épisode rapporté par Djibo Soumaïla :

"L'autorité peule était plus tyrannique que celle des Mawri. C'est avec des fléchettes d'épine qu'ils tuaient les mouches sur le corps des Zarma venus faire leurs emplettes au marché de Lamordé..."

Les Mawri de Néni, battus et expulsés de l'île, n'eurent que la ressource de se mêler à la population hétérogène qui allait fonder Niamey, abandonnant ainsi leur langue et leurs mœurs pour s'assimiler entièrement aux Zarma.

A quelle date remonte la fondation de Niamey ?

En nous référant au passage de Mamman Djobbo à Néni, nous constatons que les Sorko installés à Gawaye s'y sont implantés vers 1825 sur autorisation de Mawrikoï Néni.

Selon la tradition :

"Mamman Djobbo devant quitter Néni, conseilla à Farka d'aller s'installer près des Mawri. Mawrikoï Néni lui permit de se fixer sur la berge, à l'emplacement actuel de Gawaye, de pêcher dans le fleuve et de cultiver du riz dans l'île".

Les archives de Say situant vers 1825 l'arrivée de Mamman Djobbo à Say, l'implantation de Gawaye, premier quartier de Niamey, remonte à la même période.

Les Mawri quant à eux ne rejoignirent les Sorko sur la rive gauche qu'après leur défaite par les Peuls, c'est-à-dire après 1825, et avant 1843, période de leur coalition avec les Zarma contre les Peuls. Zarma, Mawri et Sorko installés dans le même village de Niamey voient leur histoire, essentiellement dominée par les Peuls, se lier intimement.

En effet, attirés par cette victoire d'autres groupes Peuls affluèrent :

Les Nomabé venus du Macina refoulés de Fada (Haute-Volta) par les Gour- mantché, quittèrent Matiakouali pour Say vers 1834.

Les Diorabé se joignirent aux Bittinkobé contre les Gourmantché dont ils 128 avaient toujours reconnu l'autorité. A la même période, les Diawantié venus du Macina par le Liptako se rabattirent sur Say et Lamordé.

Les Gianguelbé partis du Kounari au XIXe siècle, s'installèrent près des Bit- tinkobé de Lamordé.

Mais l'arrivée la plus importante est celle d'un groupe Férobé conduit par Gueladio. Hamma Halidou relate cet épisode.

"Hambodédio est notre premier chef. C'étaient les Bobo qui commandaient Kounari. Leur capitale était Fatoma. Les Hambodédio sont des Banari qui venaient au marché faire leurs achats. Un jour, un des Bobo brutalisa un Peul de la tribu de Hambodédio. Ce dernier frappa le Bobo puis s'enfuit. Les Bobo décidèrent de réprimer les Peuls s'ils ne leur livrent pas le coupable. Un Peul eut l'idée de dédom¬ mager les Bobo ; ceux-ci n'acceptèrent qu'à la seule condition de recevoir la moitié des animaux férobé. Les Férobé promirent de livrer les animaux le mardi, jour de marché. Les Férobé qui vivaient à l'époque dans une île empruntèrent des chevaux et la surprise aidant, le mardi matin, ils fondirent sur le marché qu'ils pillèrent et battirent les Bobo. Hambodédio devint le premier chef Férobé. C'est l'origine de notre chefferie. En ce moment-là, nous étions tous animistes et aucun des grands chefs musulmans Peul n'avait encore fait son apparition. Hambodédio régna dix- huit ans. Son fils Boï lui succéda et régna sept ans. Puis son second fils Gueladio fut intronisé. Trois ans après, Cheikou Ahmadou du village de Dari Fitiga (1) appa¬ rut. Il demanda à Gueladio de se convertir à l'islam. Gueladio qui était alors à Goudaka accepta. Mais il continuait à boire en cachette. Cheikou Ahmadou informé, décida de profiter de la fête de l'Aïd El Kébir pour le supprimer. Un des notables de Cheikou Ahmadou, Bourahima Kalilou qui avait reçu de Gueladio cent génisses, en reconnaissance, l'avertit du funeste dessein de son maître. Grâce à l'intervention de son frère Ousmane, qui était alors à Kouna, avec trois cents cavaliers, Gueladio échappa au complot. Cheikou Ahmadou évita la confrontation et envoya un de ses disciples demander la reconversion de Gueladio qui était retourné à l'animisme. Ce dernier refusa. Par courtoisie, il chargea son frère Ousmane et deux de ses chefs de guerre, Djorou Hero Forou et Bali Boli, de raccompagner les émissaires de Cheikou Ahmadou. Au retour, les guerriers de ce dernier attaquèrent traîtreuse¬ ment les trois hommes et les tuèrent après une journée entière de combat.

Bourahima Sidibé du Mali m'a dit :

"Lorsque Gueladio apprit la mort de son frère et de ses compagnons, il pilla et brûla entre le soir et la tombée de la nuit vingt villages de Cheikou Ahmadou et massacra les populations. C'est alors seulement que ses notables réussirent à le calmer".

Ahmadou qui, après trois ans de lutte acharnée ne réussit pas à venir à bout de Gueladio, pria Dieu de l'en débarrasser. C'est ainsi qu'un jour, sans aucune

(1) Dari Fitiga : village du Macina. 129 explication, Gueladio frappa son toubal (1), réunit son monde et décida de partir. En traversant le fleuve à Sanga-Sanga, presque tous les animaux périrent. C'est de¬ puis ce jour que Gueladio pria Dieu de ne plus donner des animaux à ses descen¬ dants. Depuis aucun chef descendant de Gueladio n'a plus de quarante bœufs. Sur sa route, Gueladio razzia Douantza, Tabouti, puis vint à Guelgogi où il vécut sept ans. Par la suite, il conduisit son monde à Dori où il séjourna trois ans puis il vint à Ouro-Gueladio où il vécut sept ans. Gueladio était à Ouro-Gueladio lorsque sa mère qui était restée à Goundaka mourut. Ahmadou Cheikou fit remettre à Gueladio les effets de sa défunte mère et parmi ces effets figurait un canari plein d'or que Gueladio avait donné à sa mère avant son départ. Le canari lui revint intact. Touché par le geste et l'honnêteté de Ahmadou Cheikou, Gueladio décida de se convertir à l'islam et de retourner à Goundaka. Il mourut à Dori sur le chemin du retour. Son successeur et fils, Hamboï, décida de revenir à Ouro-Gueladio. A notre arrivée à Kounari, il n'y avait que la brousse. Il y avait des Gourmantché qui attaquaient les Bittinkobé. C'est les gens de Say qui, à la demande de Gwandou, nous ont installés entre Say et Dori pour assurer la sécurité de la route. Nous sommes arrivés après les Bittinkobé, Tamou, Say et "Birni" (2). Mais nous étions renseignés sur leur situation. C'est à cause de notre bravoure qu'on nous a placés sur la route. Nous étions les premiers à avoir des fusils".

Selon les archives de Say :

"Après sa défaite par Cheikou Ahmadou en 1820, le chef du Kounari, Gue¬ ladio, partit avec la plupart de ses gens dans le Liptako puis vers 1834 résolut de se rendre auprès d'Usman Dan Fodio, chef de Sokoto. Il se mit en route sur Say et y rencontra Mamman Djobbo. Ce dernier, au nom du chef de Gwando, lui remit la région jadis occupée par les Foulmangani. Gueladio y fonda Ouro-Gueladio. En 1860 El Hadj Omar qui avait étendu sa souveraineté sur tout le Macina lui demanda de revenir dans son pays.

Gueladio se remit en route ; mais il mourut à Dori (3). Barth qui avait été reçu par Gueladio nous donne ici ses impressions (4) :

"Mohamed Geladio était, lors de ma visite, âgé d'environ soixante-dix ans. Il succéda à son père Hambodedio, qui était sans doute celui qui reçut Mongo Park avec tant d'hospitalité en 1805-1806. Ce Hambodedio était alors le chefie plus puissant du Macina, qui avait été divisé en une quantité de petits royaumes depuis la chute de l'empire Sonraï. L'avènement au pouvoir de Gueladio coïncida avec le commencement du grand mouvement politique et religieux des Foulbé du Gobir, mouvement dirigé par Othman. Invité par leur exemple et enflammé par une ardeur

(1) Toubal : tambour de guerre. (2) Il s'agit ici des Peuls du Dallol. (3) Il est important de noter que le rappel de Gueladio par El Hadj Omar coïncida avec les pre¬ mières tentatives d'occupation française. El Hadj Omar ayant besoin de la force militaire que représentaient Gueladio et ses hommes, fit la paix avec ce dernier et le pria de revenir. (4) Barth : Voyages et découvertes dans l'Afrique pp. 264-265. 130

religieuse, il s'éleva parmi eux un apôtre qui s'en alla répandre l'Islam dans sa forme nouvelle, parmi la subdivision des Foulbé établis sur les rives du Niger supérieur. Cet apôtre était Mohamed Lebbo. Au commencement de l'an 1233 de l'hégire (1818) il arriva dans le Macina à la tête d'une petite armée et conclut alliance avec Geladio qui embrassa lui-même l'Islam. Ils entreprirent en commun la conquête des contrées voisines, mais lorsque Lebbo se fut puissamment établi, il voulut s'imposer à Gue- ladio. Ce dernier, qui se souciait peu de revenir à ses antiques domaines, entra en lutte avec Lebbo et se vit forcé après trois ans d'une guerre acharnée d'abandonner sa capitale Kounari et d'aller chercher avec le reste de ses partisans une nouvelle patrie... Il fut reçu à bras ouverts par le sultan de Gwando qui lui donna le gouver¬ nement de la contrée vaste mais peu fertile qui s'étend à l'ouest du Niger. C'est là qu'il est maintenant établi depuis une trentaine d'années...".

En rapportant ces trois textes, nous avons voulu souligner l'importance et l'étendue des bouleversements politiques, sociaux et religieux qu'entraîna l'offensive peule et étudier les raisons de l'arrivée de Gueladio dans le Issa-mé.

A quelle époque est-il arrivé ?

Les archives de Say situent vers 1834 l'arrivée de Gueladio. A partir de la généalogie que nous a donnée Hamma Halidou, nous pouvons vérifier l'exactitude de cette affirmation :

— Hambodedio 18 ans de règne

— Boï 7 ans de règne

— Gueladio 50 ans de règne

— Hamboi Gueladio 18 ans de règne

— Bourahima Gueladio 30 ans de règne

— Zaphar Gueladio 15 ans de règne — Yao Hamboï 9 ans de règne — Abdoulaye Bourahima 48 ans de règne — Modi Bourahima (44 jours) de règne

— Darou Bourahima 26 ans de règne

— Talata Bourahima 3 ans de règne en 1973

Le total de ces règnes nous fait remonter à 184 ans à partir de 1973 ; ce qui permet de situer en 1789 l'accession au pouvoir de Hambodedio. Hambodedio ayant régné 18 ans, c'est donc lui qui a accueilli Mongo Park en 1805-1806. Toujours à partir de ces règnes, si l'on se réfère à la tradition qui situe à trois ans après l'arrivée au trône de Gueladio, l'apparition de Cheikou Ahmadou, nous constatons que le départ de Gueladio après trois ans de guerre, remonte aux environs de 1820. Mais nous savons que Gueladio après son départ vécut sept ans à Tongoumaye et trois ans à Dori avant de venir à Say ; ce qui nous permet.de fixer vers 1830 son arrivée dans la région de Say.

Pourquoi est-il venu dans le Issa-mé ?

A cette époque, les Peuls, que les Zarma avaient réussi à expulser du Dallol, 131

étaient revenus en force grâce au soutien de Sokoto et Gwando. Dans le Issa-mé, la toute puissance peule était altérée par l'hostilité ardente des Gourmantché et des Sonraï. Une colonne peule dirigée par Halirou de Gwando réussit à vaincre les Gourmantché et leurs alliés, les Foulmangani. Dans le Zigi, la puissance peule était menacée par les vélléités d'indépendance des Zarma, alliés aux Arawa et à Kebbi. L'offensive peule devint alors générale. Dans cette lutte pour asseoir leur suprématie, les Peuls avaient besoin de l'avantage qu'offraient les fusils à deux coups des hommes de Gueladio. C'est ainsi que les chefs Peuls soucieux de garantir la sécurité de la route principale qui reliait Sokoto et Gwando à leurs provinces occidentales, firent appel à Gueladio. Ce renfort aboutit à la concrétisation de la toute puissance peule dans le Issa-mé. Les Zarma de Goudel, Saga, N'Dounga Kolo, etc., embrassèrent la religion musulmane et passèrent dans le camp peul, créant ainsi une scission au sein de la communauté Zarma. D'abord religieuse, l'autorité peule devint politique, admi¬ nistrative et judiciaire. Les chefs alliés aux Peuls, recevaient l'investiture à Gwando et devinrent de simples agents d'exécution de la politique peule. Très tôt, cette autorité devint plus tyrannique que celle des Mawri. Les exactions se multiplièrent ; les Peuls faisaient et défaisaient les chefs, les coups de main se succédèrent ; l'insé¬ curité s'installa dans la région et la confusion prit le pas. Ainsi N'Dounga lança des attaques contre Karma, Sorbon, Sansan Hawsa, Tillabery et Sakoaré. Face à cette instabilité croissante où Peuls et alliés saccageaient tout sur leur passage, les Sonraï Zarma de la région n'eurent d'autre ressource que de faire appel aux Touaregs, sans se douter des conséquences de cette alliance.

C. - LES RAIDS TOUAREGS

Une autre conséquence des bouleversements politiques et sociaux qui suivirent la chute de l'empire Sonraï fut la mainmise sur la région de Gao par les Touaregs et leurs incursions dans les vallées du Niger et des Daliois. Attirés par l'abondante couverture végétale et la fertilité des sols, les Touaregs profitèrent de l'affaiblisse¬ ment des populations autochtones, affaiblissement consécutif aux guerres peules et aux luttes fratricides qui en découlèrent, pour s'implanter dans ces régions et lancer des raids contre les populations avoisinantes.

1. - Dans le Tondi Kandjé

"Les principaux groupes Touaregs que nous connaissons dans cette région, nous disait Djédé Gazibo, sont :

— ceux de Sandiré, leur chef s'appelait Ibounou ;

— ceux du Tégazar dont l'ancêtre Assoutou est venu avec beaucoup d'ani¬ maux. Les Zarma étaient déjà installés dans la région et ils permirent à l'ancêtre de Tégazar de rester près d'eux. Mais les animaux de ce dernier broutaient les cultures des Zarma qui dirent aux Surgu (1) — "Vous voyez, vous allez gâcher notre bon voisinage ; or nous ne le voulons pas ; alors vous allez prendre vos animaux et partir

(1) Surgu : nom songhay désignant les Touaregs. 132

nous laisser notre terre". Le chef Touareg, après avoir écouté, prit la peau sur laquelle il priait, la secoua et la lança en l'air. La peau resta suspendue entre ciel et terre. D'un saut, le. chef Touareg s'installa dessus et dit aux Zarma : — "Vous voulez votre terre ? Prenez-la". Les Zarma se consultèrent et le prièrent de redescendre, mais de tout mettre en œuvre pour éviter les conflits sédentaires-nomades provoqués par les ani¬ maux de ces derniers ;

— ceux de l'Imanan dont l'ancêtre vint de Dinnit, derrière Tahoua, dans l'Azawak ; s'installèrent à Bonkoukou qui devint leur chef-lieu ;

— et Fargasi-Izé qui est venu lui aussi de l'Azawak et se fixa avec ses hommes près des Touaregs du Tégazar".

Ce texte indique que les premiers contacts Touaregs-populations autochtones ont été pacifiques. Les querelles ne commencèrent qu'avec l'arrivée de nouveaux élé¬ ments venus renforcer les colonnes touarègues. L'épisode de la peau est significatif et peut être interprété comme symbolisant l'état nomade des Touaregs, se déplaçant sur leurs chameaux (entre ciel et terre) et n'ayant pas de domicile fixe. Une autre constatation est l'échelonnement dans le temps et dans l'espace de l'implantation touarègue.

Urvoy (1936 : 82) situe au début du XIXe siècle leur arrivée dans l'Imanan et le Tagazar. Alors que Périé et Sellier (1950 : 1042) font remonter au début du XVIIIe siècle l'implantation des Imajeran Kel Nan dans le Tagazar. Au cours du même siècle, des tribus maraboutiques Kel Es Souk se fixèrent autour des tribus Imajeran du Tagazar.

D'où viennent ces Touaregs ?

Urvoy (1936 : 83) pense que les guerres de Jelani et ses croisades eurent pour conséquence l'expulsion de l'Azawak d'une fraction lissouane qui se dirigea vers le sud-ouest et vint s'installer dans l'Imanan. Tandis que les dissensions internes qui secouèrent au XVIIe siècle les Kel Es Souk entraînèrent le départ d'une fraction de ce groupe de Tondikouria pour le Tagazar.

Il est important de mettre tous ces mouvements de populations en rapport avec, d'une part les transformations profondes inhérentes à la chute de l'empire Sonraï, d'autre part l'anarchie qui prévalait dans le Dallol Bosso. En effet, en plus des guerres peules, les Zarma du Tondi Kandjé eurent à faire face à l'arrivée du groupe Sudye qui réussit au début du XIXe siècle à s'implanter dans le Kourfey d'où ils éliminèrent les Zarma. Dans ce contexte, les Touaregs grâce à leur mobilité réussirent à refouler les autochtones Kallé de l'Imanan et du Tagazar, et une fois installés, lancèrent des opérations contre les régions voisines.

"Les Surgu et nous avons toujours été opposés, disait Hamma Issoufou. Un jour, ils sont venus avec un grand guerrier Zarma de Kolo qui avait un bouclier en peau de buffle. Il est de Kolo Sébéri. Ils ont entouré Sakadamna. Notre grand-père Gabey, averti, se leva et demanda à quelqu'un de venir prendre son carquois qui était aussi grand qu'un mortier. Gabey prit son arc et sa lance et alla chez son neveu. L'enceinte ITCHIGIN

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de Sakadamna avait deux portes gardées, l'une par Gabey et l'autre par son neveu. Arrivé chez son neveu, Gabey lui dit : — "J'ai peur pour toi", et son neveu répondit : — "Je disais à l'instant que je m'inquiétais pour toi, car de mon côté, il n'y aura aucune surprise". Chacun se dirigea vers son poste. Gabey remarqua dans la troupe adverse un homme avec un bonnet rouge et dit : "Cet homme n'est pas un Touareg, il est venu pour la bataille ; je vais le viser ; si je l'atteinds, il meurt, si je le rate, il n'attendra pas le début du combat". Les gens lui dirent : 'Tu ne l'atteindras pas, il est trop loin". Gabey leur répondit : "Je n'ai pas demandé votre avis". Il prit une flèche, parla dessus et visa l'homme au bonnet rouge. La flèche ricocha sur le métal qui fixait la poignée du bouclier et se planta dans un arbre à côté. L'arbre prit feu aussitôt. L'homme au bonnet rouge regarda les flammes, se retourna vers les Touaregs et leur dit :

- "Aran wo zambanteyan no Surgey ammaa ay wo ay ba sii" "Vous les Touaregs, vous êtes des malhonnêtes, mais moi je m'en moque" et il tourna bride avec ses hommes laissant les Touaregs seuls. De cette expression Aï basi vient le nom du village Aïbasi Alfari Kwara. La bataille fit rage toute la jour¬ née, les Touaregs perdirent plus de trois cents guerriers".

Cette bataille ne fut pas la seule et jusqu'à la pénétration, les razzias touarègues et zarma se sont poursuivies avec des fortunes diverses. Les Mawri du Tondi Kandjé se rangèrent du côté des Zarma, participant aux luttes contre les Touaregs et aux raids organisés par les Zarma. Djédé Gazibo rappelle dans ses récits les exploits et les infortunes des guerriers Mawri qui se rendirent régulièrement dans le Tondi Kandjé pour participer aux luttes contre les Touaregs. Pour la région, ces attaques eurent la même intensité que les guerres contre les Peuls, et leurs conséquences seront tragiques.

2. — Dans le Zigi Les Touaregs du Tagazar et de l'Imanan ne limitèrent pas leurs actions au seul Tondi Kandjé ; le Zigi fut également victime de leurs coups de main. Djédé Gazibo relate deux actions menées contre le Zigi.

"A l'époque, Issa Korombé et les Touaregs s'entendaient et lorsqu'il attaqua Sokorbé, ce fut avec des chefs de guerre touaregs. Parmi eux il y avait un du nom de Ibounou. Au cours de la bataille, cet Ibounou chargea un de ses guerriers d'en¬ traîner Gazibo vers le buisson où il s'était caché. Lorsque Gazibo passa près du buisson, Ibounou le flécha, mais il le rata. Un archer Mawri qui était juste à côté flécha Ibounou ; il ne l'atteignit pas et Ibounou tourna bride. Les Mawri réussirent à repousser l'attaque, mais avaient perdu presque tous leurs meilleurs guerriers à l'exception de Gazibo et de son frère Boureima. Les Mawri décidèrent de prendre leur revanche et d'aller piller Sandiré. Avec l'insistance de Waliwo, Gazibo accepta de le nommer Tongo farma (chef des archers). Ce Waliwo avait une audace extra¬ Arrivé ordinaire. derrière le village de Sandiré, il s'attacha les jambes avec une corde et dit : "Gazibo, tu m'as nommé tongo farma, je n'attends plus rien de la vie". La bataille fit rage ; les Mawri réussirent â repousser la contre-attaque de Ibounou, mais Waliwo refusa de se relever. Les Touaregs revinrent à la charge, tuèrent le cheval de Gazibo qui continua à combattre à pied. Waliwo refusait toujours de se relever. Les Mawri repoussèrent encore les Touaregs. Gazibo dit à Waliwo : — "lève-toi, on 135

ne peut pas venir faire une pareille chose derrière le village d'autrui". Waliwo refusa, Le beau-fils de Gazibo proposa à ce dernier son cheval ; mais Gazibo, conformément à l'usage (1), préféra celui de son neveu. Les Mawri repoussèrent une fois encore les Touaregs. Waliwo était toujours à la même place. Or les archers ne pouvaient l'abandonner, parce qu'il était leur chef. C'est alors que Guirbi, un des archers, atteignit d'une flèche l'épaule de Ibounou. Les Touaregs se replièrent et Waliwo se releva. C'est ce jour que Ibounou a été tué par les Mawri, grâce à l'acte de Waliwo. Laisse, mon fils, ce n'est pas comme aujourd'hui, même pour aller derrière la case, il fallait avoir ses armes avec soi. C'était très dur" (2).

"Un Surgu du nom de Farkasé Izé avait dérangé toute la région. Il pillait tous les animaux qu'il rencontrait et comme c'était un grand guerrier, personne n'osait s'attaquer à lui. Un jour, Boureima et son petit frère Gazibo décidèrent de l'attaquer et de lui arracher les animaux. Ils se rendirent donc à son camp. Ils réus¬ sirent à s'emparer des animaux. Boureima se mit derrière et Gazibo poussait les bêtes devant lui. Boureima repoussait Farkasé et ses hommes tandis que son petit frère faisait avancer le troupeau ; lorsque Boureima était fatigué, Gazibo le remplaçait et lui prenait la place de Gazibo. Quand ils aperçurent le village de Sokorbé, ils dirent à Farkasé : — "Si vous ne retournez pas, toi et tes hommes, gare à vous" (3). Farkasé Izé rebroussa chemin.

Mais le lendemain nuit, alors que tout Sokorbé dormait, un homme de Gazibo vint lui dire que Farkasé Izé était là. Gazibo envoya prévenir son frère Boureima qui lui fit dire de donner à Farkasé Izé une case pour la nuit.

Dès son réveil, Farkasé venu seul, se présenta chez Boureima qui lui posa la question suivante : — "Tu es venu chercher tes animaux?" Farkasé répondit qu'il était venu chercher une épouse dans leur famille parce qu'ils étaient des hommes. On lui présenta des filles. Il choisit la plus belle, au teint clair, du nom de Nyatou. Après le mariage, Farkasé Izé repartit avec sa femme. Ils eurent beaucoup d'enfants. D y en a un qui vit encore et qui s'appelle Kouzouzou. Depuis ce jour, il y a eu accord entre lui et les Mawri de Sokorbé" (4).

Ce qu'il est important de noter c'est qu'en aucun moment, la solidarité n'a cessé de jouer entre Mawri du Zigi, du Tondi Kandjé et Zarma contre les Touaregs. Djédé Gazibo nous disait :

"Gazibo et ses guerriers sont restés près de trois mois dans la région de Damana

(1) Selon la tradition un beau-père n'enfourche la monture de son beau-fils que si ce dernier la lui donne en cadeau. (2) Récit de Djédé Gazibo.

(3) Farkasé Izé a rebroussé chemin avec ses hommes parce qu'ils apercevaient déjà le village de Sokorbé et il semble qu'il n'ait pas voulu prendre des risques parce qu'il savait que les Mawri pouvaient aider Gazibo et son frère Boureima. (4) Ce récit donné par Djédé Gazibo confirme la réputation dont jouissaient les Mawri auprès des Zarma : "Kan gaba ma hai yarou ma higi Mawri ga " — "qui veut avoir un enfant courageux, qu il se marie aux Mawri". 136

pour guerroyer contre les Touaregs de l'Imanan et du Tagazar. Au cours d'une sortie, Gazibo réussit à prendre le cheval d'un chef Touareg. Ce cheval, Gazibo l'a envoyé en cadeau à son frère Boureima resté à Sokorbé. Par la suite, un guerrier du nom de Tessa partit attaquer les Touaregs sur ce cheval. Gazibo dit à son frère : — "Si Tessa sort avec ce cheval, il ne le ramènera pas". Boureima répondit : — "Il a déjà sellé le cheval, que pourrais-je faire d'autre?" Effectivement Tessa ne ramena pas le cheval, les Touaregs l'ont repris et c'est par chance qu'il a pu sauver sa peau".

Dans ce contexte où les coups de main se succédaient à un rythme extraor¬ dinaire, l'insécurité s'installa et provoqua de profondes transformations politiques, économiques et sociales.

3. — Dans le Issa-mé

Face aux attaques répétées des Peuls et de leurs alliés, les Sonraï de la rive droite firent appel à l'aide de leurs hôtes Logomaten et Tinguériguidich. Deux fractions Oullimenden nomadisaient vers Ansongo d'où ils furent refoulés à la suite de querelles intestines. Cette coalition Sonraï-Touaregs réussit à vaincre les Peuls à Karaïgourou vers 1843, disent les archives de Say, rejetant ainsi les Bittinkobé hors de Lamordé, où ils reviendront du reste un peu plus tard. On se souvient qu'entre 1855 et 1866 l'alliance Zarma-Arewa-Kebbi avait réussi à porter un coup dur à la suprématie peule et à briser sa toute puissance. Les Peuls du Dallol conduits par Abdoulassanne furent battus et refoulés de la région. Abdoulassanne se réfugia à Kolo où il mourut. Son successeur, Baïro, après quelques expéditions infructueuses, s'exila dans le Liptako. Pendant que Zarma et Mawri du Zigi, du Tondi Kandjé et du Issa-mé, affaiblis et ruinés par les guerres peules, s'efforçaient de contenir l'avance touarègue et de faire face à leurs raids incessants, Baïro eut en 1893 une chance inespérée : en effet, la pénétration française au Sénégal et au Soudan et les guerres qui suivirent entraînèrent l'arrivée à Dori de Ali Bouri et de Ahmadou Cheikou.

Ahmadou Cheikou avait hérité en 1864 du royaume de son père El Hadj Omar. Le prestigieux nom de son père, le potentiel militaire dont il disposait et sa politique de guerre sainte contre les Français le désignaient tout naturellement comme porte-drapeau de la résistance à l'occupation française. Aussi lorsque le 19 mai 1893 les colonnes françaises réussirent à briser l'effort de ses derniers par¬ tisans à Douentza, Ahmadou Cheikou et son allié Ali Bouri se replièrent-ils sur Dori d'où ils voulurent réorganiser la lutte contre "l'infidèle". Baïro qui était alors à Dori, où Ahmadou Cheikou et Ali Bouri (1) furent accueillis en héros de la lutte contre l'invasion cafre, en profita pour leur servir de guide dans le Moyen Niger. En effet, Baïro pensait y trouver l'occasion de restaurer la suprématie peule

(1) Après avoir accepté, sans avoir mesuré sa portée, l'établissement du protectorat français sur le Diolof, le 5 avril 1885, Ali Bouri, qui avait besoin de l'alliance française contre le roi du Cayor, une fois le danger écarté, décida de s'opposer à l'occupation française. Après une résistance acharnée, il dut abandonner le 24 mai 1890 sa capitale Yang-Yang à la colonne commandée par le colonel Dodds et se replia à Nioro, auprès de Ahmadou Cheikou, intraitable adversaire de l'occupation française. 137

et rentrer ainsi dans le Dallol en vainqueur. Les Peuls de Say, Lamordé et Torodi saisirent cette occasion pour prendre leur revanche sur les Touaregs qui les avaient battus en 1843 à Karaïgorou : "Ils s'emparèrent de Larba dans le Songhaï, mais les Logomaten de Boukar Ouandaïdou leur infligèrent une sanglante défaite repre¬ nant Larba et faisant trois cents prisonniers" (1).

Ceci se passait en 1895. Cette défaite peule redonna confiance aux Touaregs qui lancèrent leurs raids jusqu'aux portes de Niamey, pillant tout sur leur passage. Ali Bouri et ses alliés portèrent alors leurs efforts vers Sokoto. Or entre N'Dounga et Sokoto s'étendaient les terres des Zarma hostiles à l'autorité peule, l'Arewa et le Kebbi. Là aussi, la jonction ne put se faire malgré la victoire de Ali Bouri et Ahmadou sur les hommes de Issa Korombé. Ils se replièrent donc sur le Dendi où le village de Karimama, à la suite de querelles intestines, les avait appelés à l'aide. Mais les habitants de Kompa réussirent à infliger à Ali Bouri une cuisante défaite. L'approche des colonnes françaises, l'effritement des troupes d'Ali Bouri dont cer¬ tains retournèrent dans le Macina et d'autres se fixèrent par-ci par-là, les guets- apens dont ils furent victimes à Filingué, incitèrent les deux alliés à fuir vers Sokoto après avoir pillé Tounfalis et échoué dans leur tentative contre Loga. Bien que le séjour d'Ali Bouri et de Ahmadou Cheikou ait été relativement bref, les consé¬ quences pour le Issa-mé et le Dendi furent désastreuses. Les Mawri du Issa-mé qui, après leur défaite, ont vu leur destin lié à celui des autres populations de la région, vont subir l'autorité peule et voir leur histoire essentiellement dominée par les offensives peules, les attaques touarègues et la contre-offensive peule grâce à l'ar¬ rivée des Foutanké d'Ali Bouri et de Ahmadou Cheikou.

Il convient avant d'étudier l'organisation sociale des trois communautés Mawri, de dégager les conséquences politiques, économiques, sociales et religieuses de ce siècle de luttes.

D. - LES CONSEQUENCES

1. - Dans le Tondi Kandjé

a) Sur le plan politique L'insécurité que provoquèrent l'incursion soudié, l'offensive peule, l'implan¬ tation et les raids touaregs entraîna une évolution des structures politiques des villages Mawri du Tondi Kandjé vers l'institution de régimes militaires. En effet, parallèlement à l'aggravation de la situation, les chefs de villages perdirent progres¬ sivement leur autorité politique au profit des chefs militaires qui prirent en main la conduite des affaires de la collectivité. Autour de ces Mayaki se réunirent des guerriers de métier, mercenaires louant leurs services aux chefs Zarma du Tondi Kandjé en lutte contre les Touaregs, et s'attaquant aux campements touaregs isolés dont ils razziaient les animaux. La situation géographique des villages, véritables tranchées encadrées par des collines rocheuses aux pentes abruptes, avait trans-

(1) Archives de Say. 138

formé les paisibles chasseurs en archers redoutables qui ne tardèrent pas à profiter de l'anarchie générale pour piller les voyageurs et les commerçants et créer le long du Dallol Bosso et de ses vallées affluentes une ambiance particulièrement inquié¬ tante. Ces Mawri prirent part à presque toutes les guerres décisives menées par les Zarma du Tondi Kandjé et leurs cousins du Zigi. Aussi lorsque ces derniers réus¬ sirent à passer des alliances avec les Touaregs, les Mawri du Tondi Kandjé, dont le principal centre est Foolo, bénéficièrent-ils des avantages de ce traité. Kombeyzé disait qu'à la suite de cette paix, même les Zarma de la région de Foolo se firent des cicatrices mawri pour éviter les attaques touarègues.

b) Sur le plan économique et social Les conséquences de cette insécurité permanente furent particulièrement dra¬ matiques. Les champs furent abandonnés, les cultures étant devenues pratiquement impossibles. Selon Sommokoï : "On allait derrière la case avec son arc et ses flèches". Les famines se multiplièrent créant des ravages inimaginables. La tradition rapportée par Sommokoï relate de façon fort imagée les conséquences particulièrement pénibles de ces guerres incessantes :

"Un Touareg du Gourma vint dans le Zarmaganda avec un Wali qui avait beaucoup d'animaux. Les Zarma du Tondi Kandjé et les Mawri allaient le piller. Un jour, Dakala Izé et des Mawri, venus le piller, le surprirent en train de prier sur son lit de cuir. Ils décidèrent de le tuer. Le Wali leur demanda de prendre les animaux et de lui laisser la vie sauve, car quelque soit le pays dans lequel son sang se versera, une grande catastrophe s'abattra sur ce pays. Dakala Izé et ses alliés refusèrent et le tuèrent. Cette mort a provoqué une famine qui amena les parents à vendre leurs enfants ou à les échanger contre un béré de mil. Il n'y avait rien à manger".

Nous voyons ici la part de responsabilités que la tradition impute à l'Islam dans la catastrophe qui s'abattit sur la région depuis l'appel à la guerre sainte lancé par Dan Fodio. En effet, sur cette guerre sainte vont se greffer les raids Touaregs, qui, durant toute cette période, ont le plus souvent soutenu le camp peul contre les populations autochtones, du moins dans le Dallol et le Tondi Kandjé. Notre ami le lettré en arabe Aboubakari (1), se fondant sur les archives arabes de son père, nous a signalé que la famine dont Sommokoï a fait mention date de quatre- vingt-douze ans. Cette famine qu'on appelle Izé-néra ou Safalwaï remonterait ainsi à 1883. Elle ne fut d'ailleurs pas la seule qui secoua le pays puisque six ans plus tard, une autre famine suivie d'épidémie éclata, Sannou, dont les effets furent aussi meurtriers. Une autre tradition met en rapport les famines, la désorganisation sociale et économique avec l'Islam.

"Autrefois, depuis Dodia jusqu'à Boumba, le fleuve coulait dans la vallée, le pays était très, très riche. Un jour, un Wali quitta et vint s'installer sur le plateau et demanda si le fleuve était profond. On lui répondit qu'on ne savait pas ; parce que les Soudié qui y étaient avaient leurs puits sur le plateau à Tchet avec

(1) Aboubakari Hamidou, du village de Farégorou-Kaïna. 139

une corde en fer pour puiser l'eau. Le Wali remit son Sarkilla (1) à son esclave et lui dit de le mettre dans l'eau pour mesurer la profondeur du fleuve. L'esclave se noya. Le Wali prit alors son chapelet, s'assit sur la peau et pria toute la journée. Avant le coucher du soleil, tout le fleuve s'assécha ne laissant que les mares de Dodia, du Fogha et de Boumba. Voilà comment le Dallol devint sec (2)".

Cette tradition illustre le souvenir des populations qui, à la suite des guerres peules et touarègues durent quitter les vallées fertiles où l'eau coulait à fleur du sol pour se réfugier sur les plateaux d'accès difficile. Mais la nostalgie des riches vallées du Dallol et de la relative abondance des eaux est restée profondément gravée dans leur mémoire.

2. — Dans le Zigi

a) Conséquences politiques Face à la gravité de la situation, les Mawri décidèrent de se réunir tous à Sokorbé, afin de mieux résister. Ils comprirent que seul un pouvoir fort pouvait assurer la survie de leur communauté. Gazibo et son frère Boureima devinrent les principales forces militaires et donc politiques. A la mort de son frère Boureima, Gazibo dont la réputation n'était plus à faire, prit la direction de la communauté.

Pendant sept ans, les Mawri restèrent ainsi à Sokorbé : tous les sept puits étaient là.

Mais une fois de plus des querelles internes allaient provoquer l'éclatement de ce rassemblement.

Ecoutons Kombeyzé Amadou :

"Tous les Mawri étaient à Sokorbé. Un jour ils organisèrent une grande chasse : koli. Les gens de Komdili tuèrent quelques biches, mais ceux de Sokorbé n'eurent que des pintades. De retour au village, les femmes de Sokorbé exprimèrent leur mécontentement à leurs maris. Des scènes de ménage s'ensuivirent. Puis les choses s'envenimèrent et tous les Mawri des "six puits" venus à Sokorbé se sont retirés dans leurs villages".

En dépit de l'échec de la tentative de regroupement géographique et politique, Gazibo, par ses qualités personnelles, réussit à s'imposer. Mais sa trop grande auto¬ rité ne tarda pas à menacer l'unité de la communauté. Il imposait les Mawrikoï et il s'ensuivit deux crises qui faillirent provoquer l'éclatement de la communauté. A la mort du Mawrikoï régnant, Gazibo voulut introniser Dinbawa. Mais la consul¬ tation des esprits avait révélé que le règne de ce dernier ne serait pas heureux pour

(1) Sarkilla : un bâton fourchu utilisé par les vieux et les marabouts. (2) Information de Soummokoï du village de Damana. 140 la communauté. Les Mawri le rapportèrent à Gazibo : "Dinbawa bon si kaanu" - "la tête de Dinbawa n'est pas bonne" ; autrement dit, il n'a pas de chance. Gazibo leur répondit : — "Aran na taba no ?" "l'avez-vous goûtée ? Avez-vous goûté à sa tête ?" Et il refusa de revenir sur sa décision. Mécontents, ceux de Bamey, Darey et une partie de Komdili refusèrent d'accepter Dinbawa comme Mawrikoï. Ils intro¬ nisèrent Tamo. A la mort de ce dernier, Yérima Sandagou lui succéda. Dès lors, deux Mawrikoï régnaient sur deux groupes distincts. La cohésion de la petite com¬ munauté était fortement ébranlée.

Mais la situation extérieure n'était pas favorable à une scission. Gazibo enga¬ gea des pourparlers avec les dissidents qui acceptèrent de revenir à l'ancien système : un seul Mawrikoï pour tous. Le Mawrey (1) échappait à une division qui aurait pu lui être fatale. Une autre fois encore, l'unité des Mawri fut mise à rude épreuve par une situation à peu près semblable. Selon Djédé Gazibo :

"Les Mawri conduits par le chef de guerre Gazibo s'étaient rendus à Damana aider les gens de ce village à lutter contre les Touaregs. Ils y restèrent trois mois. A tour de rôle, ils revenaient à Sokorbé voir leurs familles. Un guerrier de Bamey du nom de Antapha, refusa toutes les propositions que lui avait faites Gazibo de revenir visiter les siens : — "Je reste avec toi, Foula Béri (2)", répondit-il à Gazibo.

A la mort du Mawrikoï en place, Gazibo imposa aux Mawri Antapha comme Mawrikoï. Ces demiers refusèrent. Gazibo donna l'ordre aux guerriers de tuer tous les Mawri qui refuseraient d'assister à l'intronisation de Antapha ou de l'accompagner jusque dans sa concession après les cérémonies d'intronisation. Une fois de plus les Mawri avaient frôlé de près la guerre civile".

En résumé, nous voyons que face à la menace extérieure, les Mawri avaient accepté de se regrouper autour de Gazibo. Ce regroupement et surtout l'immi¬ nence du danger avaient accru l'autorité de Gazibo au détriment des institutions politiques. Cette étape est très importante car à la pénétration française, Gazibo qui avait dominé l'histoire des Mawri du Zigi pendant toute la dernière moitié du XIXe siècle, se présentera comme le seul chef du Mawrey. Ce qui se conçoit aisé¬ ment, dans la mesure où Gazibo avait en fait tous les pouvoirs : il rendait justice, réglait les conflits sociaux, décidait des guerres et des alliances, dirigeait les sacri¬ fices et présidait à toutes les grandes manifestations. Il était devenu le garant de l'ordre et le faiseur des Mawrikoï. Le pouvoir des chefs de villages diminua consi¬ dérablement, et ils devinrent bientôt de simples agents d'exécution.

Cette communauté Mawri basée sur le respect des privilèges des familles descendantes de Bawa et soucieuse de maintenir l'unité du groupe allait aboutir à la formation d'une principauté avec un pouvoir central détenu par un seul homme, Gazibo, entouré de dignitaires. Le Mawrikoï ne servait plus que de couverture à Gazibo dont les qualités militaires et le sens politique avaient sauvé la situation en évitant aux Mawri le pire et consolidé leur position face aux voisins.

(1) Mawrey : nom donné au pays Mawri du Zigi (canton de Sokorbé). (2) Foula Béri : grand bonnet, grand chef. 141

b) Conséquences économiques et sociales Sur le plan économique et social, l'instabilité et l'inscurité de la région eurent de graves conséquences.

Tant que la petite armée Mawri put garantir aux membres de la communauté une certaine sécurité, la vie s'organisa et avec elle, l'économie.

Djibo Koko nous dit :

"Les famines ont reculé ; des Kalle, des Goubé et des Kanitché (1) et même des Peuls sont venus s'installer chez nous".

"Il est vrai, ajoute Djédé Gazibo, que beaucoup de ces nouveaux venus, sauf les Peuls, ont adopté nos cicatrices et ont été assimilés".

La population s'est donc accrue et avec cet accroissement, les échanges com¬ merciaux interrégionaux vont prendre de l'ampleur. De nouvelles voies commer¬ ciales vont voir le jour.

Selon le vieux Waziri de Loga : "Les Mawri vendaient dans le Hawsa des cotonnades, des moutons, des chèvres et aussi des boeufs. Ils y achetaient des pagnes noirs, des produits manufacturés et ramenaient également du Hawsa des cauris".

Au sud, les Mawri échangeaient leur mil contre le sel du Fogha. Au nord, ils échangeaient les cauris rapportés du Hawsa contre les produits en cuir, les lances, les sabres et les poteries du Sourghay.

A l'ouest, les Mawri achetaient aux Zarma du fleuve, du riz et du fonio.

Ce commerce inter-régional était surtout un commerce de troc. Mais les Mawri utilisaient également dans leurs transactions des cauris. Selon Djédé Gazibo : "Un bœuf variait entre 1.200 et 10.000 cauris suivant son âge, son poids, sa taille et sa race".

Le même informateur nous dit qu'un pagne de cotonnade de douze bandes était échangé contre dix à quinze bottes de mil, selon la largeur des bandes et leur qualité. De même un bœuf valait environ trente bottes de mil.

Les activités économiques étant essentiellement orientées vers l'autoconsom- mation, le Mawri produisait presque tout ce dont il avait besoin : le mil, le coton, le sorgho, le gombo, etc.

Mais les choses allaient bientôt changer. Menacés par les guerres Zarma-Peuls et les attaques des Touaregs, les Mawri prirent l'habitude d'aller au champ avec leurs armes, d'éviter les longs voyages et de s'aventurer seuls sur les voies commer¬ ciales que les pillages avaient rendues dangereuses. En plus de cette insécurité per-

(1) Kanitché : sous-groupe Hawsa. 142 manente, la contre-attaque Mawri qui entraîna la mort d'un chef touareg de San- diré avait achevé de dégrader les rapports avec le Sourghay.

Les échanges commerciaux furent rompus et les Mawri ne purent plus acheter le mil du Sourghay. Mais à cette même époque, la lutte entre le Gwando et le Kebbi, soit directement, soit par personne interposée, rendait les rapports com¬ merciaux extrêmement difficiles, rapports d'autant plus difficiles que l'Arewa qui servait d'intermédiaire aux Mawri de Sokorbé dans leurs transactions avec le Hawsa était divisé en deux clans : partisans des Peuls et partisans de Kebbi.

Ces deux clans se livraient très souvent bataille. Et comme l'issue de la bataille pouvait permettre l'accession à la sarawta, les antagonistes n'hésitaient pas à créer des occasions favorables à son déclenchement.

Du côté du fleuve, les Zarma avaient eux aussi entrepris leur lutte contre l'hégémonie peule et devaient faire face aux razzias touarègues. Ce climat d'insé¬ curité entraîna une chute des activités économiques : le commerce et l'agriculture en souffrirent énormément. Avec la baisse de ces activités économiques, les famines et les disettes se multiplièrent. Une fois de plus Gazibo sauva la situation en pro¬ posant son alliance aux Touaregs. L'accord fut conclu de la façon suivante :

"II n'y avait plus de mil, mais les Mawri n'osaient pas aller dans le Sourghay parce qu'on ne s'entendait pas. Alors Gazibo autorisa Tahirou, son neveu, qui sera le premier chef du canton de Sokorbé, à conduire une délégation jusque chez Atta, fils de Ibounou Sandiré. C'est ce jour-là que Mawri et Surgu (1) jurèrent de ne plus se faire la guerre. Atta avait envoyé des cadeaux à Gazibo et avait donné du mil à la délégation (2).

Djédé Gazibo ne précise pas ce que la délégation était chargée de dire au chef touareg. Mais il y a lieu de croire que cette délégation dirigée par le neveu de Gazibo était chargée de proposer aux Touaregs la paix et la reprise des échanges commerciaux. Toujours est-il que depuis cette date, selon la tradition, il n'y eut plus de raids touaregs, du moins du côté de Atta, dans la région de Sokorbé. La tradition précise que c'est à ce moment que les Zarma de Foolo qui avaient pris connaissance de l'alliance Mawri-Touaregs, avaient décidé de porter les mêmes cica¬ trices que les Mawri.

En même temps qu'il s'assurait contre les Touaregs de Atta, Gazibo réussit à s'allier à un autre groupe touareg ayant pour chef Farkasé Izé, en lui donnant en mariage l'une de ses nièces.

Ces alliances passées d'une part avec Atta, d'autre part avec le groupe de Farkasé Izé, permettaient aux Mawri de se procurer tous les produits provenant du Sourghay, en particulier : les poteries, les sabres, les objets en cuir et surtout le mil.

(1) Surgu : nom que les Zarma Songhay donnent aux Touaregs. (2) Récit de Djédé Gazibo. 143

Du côté du fleuve, il fallait s'entendre avec les Zarma et les Peuls du Dallol Bosso. Gazibo réussit à donner une de ses sœurs en mariage à Issa Korombé, celui- là même qui avait attaqué Sokorbé. Du coup, Issa Korombé devenait un allié et un parent : il ne fera donc plus de difficultés aux Mawri.

Avec les Peuls les choses furent plus aisées. Avant 1866, date de la fin de l'hégémonie peule dans le Dallol, les Mawri avaient accepté pendant un temps assez court, il est vrai, l'autorité peule ; puis ils s'étaient dégagés de cette tutelle sans pour autant prendre les armes contre eux. Il y eut donc alliance avec les Peuls. D'autre part, les Peuls et les Mawri constituaient deux groupes liés par des relations de confiance et de plaisanteries : c'étaient des "parents à plaisanteries". De ce fait le Peul et le Mawri ne pouvaient se trahir ni abuser de la confiance l'un de l'autre. Il semble que ce principe ait été respecté dans le cas des Mawri de Sokorbé, mais pas dans l'Arewa.

Les rapports entre Sokorbé et les Peuls étaient donc assez bons jusqu'en 1866.

En 1895, Baïero, fils de Abdoul Assane, était revenu de son exil et s'était fixé dans le Boboye où il avait fondé Birni Gawré.

Ses rapports avec les Mawri étaient au beau fixe. Baïero accorda la main de sa sœur à Boureima, grand frère de Gazibo. De ce côté aussi l'alliance devint effec¬ tive. Dès lors les Mawri pouvaient rétablir leurs activités économiques avec les riverains du fleuve. Les relations avec le Hawsa commençaient à se clarifier : le Kebbi avait réussi à prendre son indépendance vis-à-vis du Gwando. Dans l'Arewa, à partir de 1875, Bagagié tenta la réunification. Le soutien du Kebbi faisait de lui un des principaux Sarki de l'Arewa. Les Mawri de Sokorbé qui étaient ses alliés, concrétisèrent une fois de plus l'alliance par le mariage de Gazibo avec une des filles de Bagagié.

On peut ainsi noter que les difficultés extérieures ont eu pour conséquence le rapprochement des Mawri avec leurs voisins.

Allié de tous les grands chefs guerriers de la région, Sokorbé put bénéficier d'une situation privilégiée qui lui permit même de jouer un rôle important dans le rapprochement entre ses alliés. Une fois de plus, le sens politique de Gazibo avait permis à cette petite principauté de maintenir non seulement son indépen¬ dance mais encore de jouer un rôle d'arbitre : voici ce que nous dit Djédé Gazibo :

"Avant, les gens de Dosso et les Peuls ne s'entendaient pas ; il n'était même pas question de prononcer le nom l'un de l'autre. Ce sont les Mawri de Sokorbé qui les ont mis d'accord : Baïero avait fait une guerre pour aller s'installer à San- diré. Quand il avait quitté Sandiré, il était venu passer la nuit ici. Il était resté un jour avec Gazibo qui était son beau-frère (1). Le jour de son départ, Gazibo char¬ gea Adamou, le fils de Boureima et de la sœur de Baïero, de l'accompagner jusqu'à

(1) Boureima le frère de Gazibo avait épousé la sœur de Baïero. 144

ce qu'il quittât la terre des gens de Dosso. Gazibo envoya dire aux gens de Dosso : "Pour l'amour de Dieu, n'attaquez pas mes étrangers". Or Dosso et Sokorbé s'en¬ tendaient bien. Les gens de Dosso n'attaquèrent donc pas les Peuls. C'est à partir de ce jour que Dosso et les Peuls s'entendirent. Il n'y eut plus de guerre entre eux à ma connaissance. Baïero put traverser "la terre" de Dosso et il alla fonder Birni N'Gawré".

Au cours de cette étude, nous avons vu qu'à partir de la défaite des Peuls du Dallol, c'est-à-dire vers 1866, Baïero s'était retiré chez les Peuls de Dori.

En 1895, les souverains du Diolof et du Macina, Ali Bouri et Ahmadou Cheikou, repoussés par les troupes françaises au Soudan, s'étaient repliés dans l'ouest du Niger d'où ils comptaient organiser leurs armées et attaquer les troupes françaises. Ils avaient ramené avec eux de Dori, les Peuls de Baïero qui voulaient se réinstaller dans le Dallol. A partir de 1897, Ali Bouri, Ahmadou Cheikou et Baïero s'installèrent à Sandiré. La même année, les troupes françaises ayant fait leur apparition, les deux premiers reprirent leur marche vers le nord, laissant Baïero à Sandiré.

Le passage de Baïero à Sokorbé, puis à Dosso se situe donc à peu près à la même époque, c'est-à-dire aux environs de 1897-1898. C'est également à cette période que le village de Birni N'Gawré a été fondé.

Ce rôle de médiateur, Sokorbé l'a également joué entre Issa Korombé et Kouré : selon la tradition, les gens de Kouré avaient remis à Gazibo des cadeaux pour Issa Korombé afin que ce dernier ne les attaque pas. Issa aurait refusé et Gazibo lui avait répondu : "Bon, nous ne te soutiendrons plus, nous aiderons les Surgu et les Peuls". Quoi qu'il en soit, cette menace n'a sans doute pas modifié le plan de Issa, puisque la même tradition mentionne ses attaques contre Kouré. Mais il a rétabli l'alliance avec Sokorbé peu après, toujours selon la tradition.

Ce rôle, Sokorbé ne l'a pas joué seulement entre des groupes différents ou entre des régions différentes ; mais même entre les membres d'un même ensemble.

"Loga devait introniser un nouveau chef. Tokoï était le prétendant en vue. Le jour de l'intronisation, Nouhou Adassa Izé, Mayaki Béto et Bitou Giwaïzé n'avaient pas été prévenus. Ils demandèrent à leurs partisans de ne pas assister à l'intronisation. Et comme c'étaient de grands guerriers et qu'ils étaient issus de grandes familles, la population accepta et l'intronisation n'eut pas lieu. Issaka fut alors proposé. Mais les gens de Loga refusèrent. Alors Issaka, craignant qu'il ne lui arrivât la même chose qui était arrivée à Tokoï, vint voir Gazibo, de nuit, et lui demanda son aide. Gazibo lui dit de retourner la même nuit. Le lendemain, Gazibo qui avait envoyé dire à Nouhou Adassa Izé, Mayaki Béto et Bitou Giwaïzé, qu'il voulait les voir, leur dit : "Une seule tête ne peut pas finir une chefferie. Laissez Issaka régner. Après lui, vous mettrez celui que vous voudrez". Ils acceptèrent et c'est ainsi que Issaka a pu régner" (ï).

(1) Texte de Djédé Gazibo. 145

Cette tradition montre bien que même au niveau d'un même groupe, Gazibo a pu jouer un rôle de médiateur. Mais il faut noter qu'il s'agit dans tous les cas de négociations et non d'une décision militaire.

Ainsi après une période incertaine, les Mawri de Sokorbé ont réussi sous la direction de Gazibo, à normaliser leurs rapports avec presque tous leurs voisins.

c) Conséquences religieuses Le rapprochement avec des populations déjà islamisées allait favoriser la péné¬ tration de l'Islam dans le Mawrey.

La communauté Mawri du Zigi était foncièrement animiste et le grand chef guerrier Gazibo tirait sa force de ce pouvoir religieux. Une tradition relatée par Djédé Gazibo illustre bien ce fait.

"Dans notre village, un de nos grands-oncles, Koko, avait un esclave du nom de Sabbou. Ce Sabbou cultivait un champ de courges. Des porcs-épics descendaient de la colline de Séfaraï saccager ses courges. Il décida de veiller son champ. Au milieu de la nuit, il vit un porc-épic entrer dans son champ. Il réussit à le flécher mais l'animal s'enfuit avec la flèche. Le lendemain en suivant ses traces, Sabbou arriva jusqu'à la colline de Séfaraï où l'animal pénétra dans un trou. A mesure qu'il progressait, le trou s'élargissait ; il réussit à marcher courbé, puis à se tenir debout et à marcher normalement. Il arriva ainsi devant un village et entendit des pleurs. Il se dirigea vers un tisserand assis à l'entrée du village et le salua. — "D'où viens-tu, lui demanda le tisserand ?" Sabbou lui fit le récit de sa mésaventure et le tisserand s'écria : — "C'est toi qui as tué notre prince ! " Sabbou inquiet de¬ manda au tisserand comment regagner Sokorbé sans être vu. Ce dernier lui remit un bonnet qui le rendit invisible et lui permit de rejoindre Sokorbé. De retour, Sabbou remit le bonnet à la femme de son maître, Batawo. Celle-ci rangea le bonnet jusqu'à ce que Gazibo et son frère Boureima aient atteint l'âge d'aller à la guerre. C'est ce bonnet qui a fait leur réputation ; c'est pour ça que Gazibo a été surnommé gabo-gabo (1). On ne sait jamais d'où il vient, on le voit frapper comme un épervier. Devant ce trou de Séfaraï, nos ancêtres faisaient des sacrifices et dans les moments difficiles, les djins qui y sont se transforment en cavaliers pour nous aider contre nos ennemis. Il y a aussi un autre endroit où nous faisons nos sacri¬ fices. A l'arrivée de notre ancêtre, il ne savait pas où faire les sacrifices. Il consulta les djins qui lui conseillèrent d'entraver les pattes d'un poulet rouge et de le lâcher. Ce poulet lui indiquera où faire les sacrifices. Il fit ce qu'on lui dit et découvrit ainsi Sokorbé gusu (2). C'est là que nous faisons des sacrifices et c'est là que tout le village se réfugiait en cas d'attaque".

Cette société était donc animiste et croyait à l'existence de génies capables de protéger ou de perdre les hommes, de forger leur destin et de les rendre invin¬ cibles. Mais dans le milieu du XIXe siècle déjà, la religion musulmane, propagée par les Peuls, commençait à s'infiltrer dans cette région. Quelques rares cas de

(1) Gabo : épervier. (2) Sokorbé gusu : le trou de Sokorbé. 146 conversion étaient signalés. C'est surtout à la fin du XIXe siècle et plus précisé¬ ment dans la première moitié du XXe siècle que cette conversion s'est accentuée.

Kombeyzé Amadou nous donne des précisions à ce propos.

"C'est avec Alfa Bagié (marabout Bagié) de Boubon (1) que l'Islam s'est ré¬ pandu chez nous. Chaque fois qu'on faisait les sacrifices, nos premiers marabouts se retiraient, mais comme ils avaient des djins, ces djins les possédaient et ils reve¬ naient malgré eux avec nous. D'ailleurs nous avons continué à nous opposer à cette religion qui nous demandait d'abandonner nos coutumes. Puis on nous a dit que la nouvelle religion ne nous empêchera pas de continuer à pratiquer les coutumes de nos ancêtres. C'est alors que les Mawri d'ici ont commencé à accepter cette religion. Mais c'est surtout avec l'arrivée au pouvoir du Zarmakoï Moumouni que nous nous sommes convertis à l'Islam.

Le deuxième jour de l'intronisation de Zarmakoï Moumouni, il réunit tous les chefs de canton et de village du cercle de Dosso. Tous les chefs de quartiers étaient là aussi. Tout le monde fut réuni dans une mosquée et on demanda à cha¬ cun de faire la chahada. Tous ceux qui réussissaient recevaient un cheval et un grand boubou. Ce jour-là à Sokorbé, c'était Dogonzo, notre chef de canton. Il ne réussit pas sa chahada il fut détrôné et remplacé par le chef actuel, Mayaki Garba. Le chef de canton de Doutchi refusa de se convertir ; il s'appelait Goga et fut arrêté. Tous les marabouts étaient réunis à Dosso et nous demandèrent d'embrasser l'islam. C'est à partir de ce jour que l'islam a vraiment pénétré dans notre canton".

Ce texte indique clairement que l'islam n'a vraiment touché les Mawri du canton de Sokorbé que dans la première moitié du XXe siècle.

En effet, Zarmakoï Moumouni a succédé à son cousin Zarmakoï Seydou (1924-1938) et fut intronisé en décembre 1938.

L'événement que nous rapporte Kombeyzé, événement qu'il a d'ailleurs vécu, se situe à cette date, deux jours après l'intronisation de Zarmakoï Moumouni. Mais cette conversion à l'islam n'avait pas amené les Mawri à abandonner leurs pratiques ancestrales.

En résumé, nous pouvons dire qu'en 1898, lorsque les troupes françaises faisaient leur apparition dans la région de Dosso, la situation était la suivante : les Zarma avaient réussi à se dégager de la tutelle des Peuls du Dallol. Les Mawri de Sokorbé étaient parvenus, grâce à des jeux d'alliance et des pactes, à conserver leur indépendance, et les Touaregs dont les attaques avaient été contenues par les Zarma et les Mawri commençaient à se fixer.

(1) Boubon : petit village près de Niamey. 147

3. - Au Issa-mé

a) Sur le plan politique

La poussée peule a eu pour conséquence la défaite et l'expulsion des Mawri de Néni gungu et la dispersion de leur communauté. Les rares éléments qui réus¬ sirent à échapper au massacre se replièrent sur la rive gauche, près des Sorko qu'ils avaient, quelques temps auparavant, installés à cet endroit.

Avec ces Sorko et des Zarma venus essentiellement de la région de Dosso et du Zarmaganda, les Mawri fondèrent Niamey. Depuis ils ne parvinrent plus à doter leur communauté, dont le nombre de membres avait considérablement diminué, d'une structure politique susceptible de lui faire jouer un rôle de premier plan. En effet, submergés par le flot peul et supplantés en nombre par les Zarma dont l'af¬ flux s'était accentué, les Mawri n'eurent d'autre ressource que celle d'accepter l'au¬ torité peule, de subir la loi du nombre en adoptant la langue et les coutumes zarma. Concomitamment, ils virent leur histoire se lier intimement à celle de ces derniers. A partir de cette période et jusqu'en 1898, les traditions ne les mentionneront qu'une seule fois dans les récits des événements historiques marquants de la région. Cette mention que nous avons située en 1843 coïncide probablement avec la pé¬ riode de confusion et de flottement qui a suivi la défaite peule Bittinkobé de 1849, à Karaïgorou, face aux Touaregs. Les Zarma de Niamey, profitant du retrait momentané des Peuls de la région de Lamordé, s'allièrent aux Mawri pour attaquer un groupe peul dirigé par Sandari. Les Mawri qui y virent l'occasion de se venger de celui qui a tué leur Mawrikoï et détruit leur hégémonie acceptèrent l'alliance avec les Zarma qui pensaient trouver là le moyen de reprendre leur indépendance. Très tôt les choses rentrèrent dans l'ordre. Que pouvait bien faire la coalition Zarma-Mawri de Niamey contre l'autorité incontestée des Peuls soutenus par N'Dounga, Goudel et Saga ? La velléité d'indépendance de Niamey ne fut qu'un feu de paille qui s'éteignit de lui-même puisque l'incendie ne se propagea pas. Les Peuls reprirent le dessus et le petit village sans grande importance de Niamey dut subir la pression peule jusqu'à l'occupatiofi française. Les différents groupes Zarma- Sorko-Mawri qui le composaient étaient regroupés dans des quartiers distincts ayant chacun son chef propre, mais vivaient en bons termes. Bien qu'il n'y eût pas une autorité politique centrale au sens propre du terme, les descendants de Mawrikoï Néni continuaient à y exercer une certaine autorité morale liée à l'idée de l'anté¬ riorité de leur pouvoir sur la région.

b) Sur le plan économique et social Ici aussi les choses ne furent pas très brillantes. A la période de prospérité consécutive à la suprématie de Mawrikoï Néni et traduite dans les faits par les redevances prises aux Peuls et le pillage des populations avoisinantes, avait succédé une période particulièrement dure pour les Mawri du Issa-mé. Il est significatif que leurs traditions ne fassent aucune mention des routes commerciales postérieures à l'offensive peule. Les seules informations que nous ayions pu recueillir sont : la fertilité des sols et la culture du mil et du riz sur les berges du fleuve. Deux missions françaises, celles de Lenfant en 1901 et de Hourst en 1896 ont rapporté en termes saisissants le contraste entre la richesse naturelle du Issa-mé et l'exploi¬ tation de cette richesse ; mais ce contraste devrait, pour s'expliquer, être mis en 148

rapport avec la situation politique, militaire et sociale qui prévalait alors.

Barth (1863 : 265), en 1854, rapportait déjà l'hostilité ardente des popu¬ lations du Gourma et des Sonraï à l'endroit des Peuls.

Toutée (1908 : 273) signalait qu'à son arrivée le 25 mai 1895 à Karimama, le roi du pays avait appris que tous les villages situés en amont avaient été détruits et s'attendait à chaque instant à la visite d'Ali Bouri. Dans le même ouvrage, Toutée soulignait que les villages de Boumba, Bombodjé, Djibkiria, Bedzinka, Kari- tonko, situés sur le bord du fleuve, ont disparu. L'action peule sur laquelle se sont greffées les expéditions d'Ali Bouri et d'Ahmadou Cheikou, les attaques de N'Dounga et Goudel avaient totalement désorganisé la région et créé un climat d'insécurité tel que les activités économiques étaient devenues presque nulles.

Toujours selon Toutée, à eux trois, Ali Bouri et ses alliés ont détruit à peu près une ville par mois.

Lenfant (1903 : 181) affirmait en 1901 que les guerres ont décimé la popu¬ lation : "Cet état de guerre perpétuelle eut pour conséquence le désintéressement de la population aux cultures... Les riverains furent dégoûtés de toute idée de travail et d'économie, alors que s'ils le pouvaient, ils auraient des céréales à pro¬ fusion".

Hourst (1898 : 381) relate qu'à "la suite de l'état de guerre continuelle entretenue par l'esclavagisme, les habitants des villages restent peureusement chez eux, cultivent à peine quelques arpents de terre, sans oser même s'aventurer sur le fleuve, sans que les richesses naturelles de son lit d'inondation servent à autre chose qu'à entretenir la végétation sauvage des baobabs".

Dans cette confusion générale où Zarma de N'Dounga pillaient et brûlaient un autre village zarma opposé aux Peuls et vice-versa, où le Touareg faisait main basse sur les villages isolés sans distinction d'alliance, où Peuls et Touaregs se li¬ vraient un duel acharné pour s'assurer le contrôle de la région de Lamordé, il était fréquent de rencontrer des hordes de guerriers s'attaquant aux voyageurs, pillant les commerçants et enlevant les animaux des sédentaires. Le commerce souffrit énormément de cette instabilité où les voies de communication peu sûres passaient sans arrêt sous le contrôle d'un camp ou de l'autre.

Hourst (1898 : 356) a rapporté les lamentations du chef du marché de Say, relatives aux moments difficiles que traversait la région : 'Toutes les routes sont coupées, au nord par le Dendi, à l'est par le Kebbi et le Mawri. A peine quelques rares caravanes escortées peuvent-elles passer jusqu'à Sansan Hawsa par Sorgoré. Toute une flotille descendue à Yawri l'année précédente y est restée, de peur des Dendikobé" (1). Pour être complet, il faudrait ajouter à ce triste bilan qu'à l'ouest, les Ouillimenden contrôlaient toute la région du moyen Niger ; à l'est Rabbah d'une

(1) Dendikobé : les gens du Dendi. 149

part, le Kebbi et ses alliés Zarma d'autre part battaient en brèche l'empire de Sokoto. Enfin au sud, les réactions gourmantché rendaient précaire la sécurité des voies commerciales.

c) Sur le plan religieux Avec la chute de la communauté Mawri de Néni Gungu, l'intégration dans la société zarma et la consolidation de l'autorité peule, les Mawri du Issa-mé adop¬ tèrent l'islam, sans pour autant renoncer aux pratiques ancestrales. Ici l'analogie avec les Mawri du Zigi est totale, nous n'y reviendrons donc pas.

A la fin du XIXe siècle, après l'offensive peule, les raids touaregs et les guerres d'Ali Bouri, les Mawri et toutes les populations de l'Ouest nigérien durent faire face à la pénétration française, à une époque particulièrement pénible de leur histoire. Jean Rouch (1953 : 230) résume admirablement bien la psychose résul¬ tant de l'insécurité permanente qui prévalait :

"On sème, on récolte avec l'arc à portée de la main... On dormait avec son arc et ses flèches, les femmes ne pilaient jamais la nuit, les repas étaient préparés dès le coucher du soleil. Une précaution consistait à planter sa lance pour y déce¬ ler le Bella (1) possible".

C'est dans ce climat d'agression permanente, dont les conséquences écono¬ miques et sociales furent tragiques, qu'apparurent les premières missions européennes.

(1) Bella : terme songhay désignant les captifs des Touaregs. Par extension, peut être utilisé pour désigner l'ensemble des Touaregs avec une connotation péjorative. I

* 151

CHAPITRE VI

MISSIONS EUROPEENNES ET OCCUPATION FRANÇAISE 152

Des trois missions européennes — Barth, Toutée et Voulet-Chanoine — qui ont retenu l'attention des Mawri, la dernière fut la plus célèbre, mais aussi la plus meurtrière (1).

Les Mawri du Zigi et ceux du Tondi Kandjé n'ont pas été victimes des attaques de Voulet et Chanoine, mais les traditions en ont gardé un triste souvenir.

"La nouvelle est arrivée jusqu'à nous, disait Kombeyzé, que des blancs avec des harsanizé (2) et des malfa (3) détruisaient et pillaient tous les villages rencontrés. Leur chef s'appelait Sara-Sara (4). On nous a dit qu'ils se dirigeaient vers notre pays. A cette nouvelle, tous les chefs de famille se sont réunis et nous avons fait des sacrifices. Nous avons égorgé des animaux près du puits où résonne le grand tam-tam de Bawa. Tu sais, je t'avais dit que Bawa avait épousé un génie, de ce génie il eut des enfants, à sa mort les enfants du génie sont venus prendre le tam¬ bour de guerre et l'ont emmené dans le vieux puits sous un baobab. C'est là que les descendants de Bawa font leurs sacrifices dans les moments difficiles. On y égorge une chèvre rouge. C'est là que nous avons fait le sacrifice pour demander aux djins d'empêcher Sara-Sara et ses hommes de venir ici. Et Sara-Sara n'est pas venu, il est passé par Dosso, Koygolo, Sandiré, puis il a pris la vallée jusqu'à Loga qu'il incendia parce que les gens de Sargagi ont tué un des leurs et comme Sargagi était dans une brousse épaisse, Sara-Sara et ses hommes ne l'ont pas vu et ont pris Loga pour Sargagi. C'est depuis qu'est née l'expression : Sargagi wangu no ga koï Loga nyaw (5). Puis ils ont continué vers Falwal, Matankari, Lougou, etc. Sara- Sara était cruel : B ne tuait pas directement, il enfourchait les gens avec des piques ou il coupait les jambes au niveau des genoux et laissait les gens mourir comme ça. Mais grâce aux djins, il n'est pas venu à Komdili".

Les mêmes précautions furent prises à Sokorbé, nous dit Djédé Gazibo :

"Le premier blanc dont nous avons entendu parler s'était déguisé en arabe et a pu remonter, semble-t-il, jusqu'à Sokoto (6). Mais nous ne l'avons pas vu.

(1) En juillet 1898 la mission Voulet-Chanoine fut chargée, après la signature de la convention du 14 juin 1898, d'étudier la nouvelle ligne de séparation d'influences française et anglaise, entre le Niger et le Tchad, de passer des traités avec le Kanem, le Ouadaï... et de revenir par le Congo.

(4) Sara-Sara : ce nom a été donné à Voulet pour les massacres qu'il a commis ; il taillait les hommes comme des tiges.

(5) C'est la guerre de Sargaji qui a mangé Loga. (6) Il s'agit probablement de Barth. 153

Puis il y a eu le Dioula (1). C'est après que Sara-Sara est venu. Dans tout le pays, on parlait de ses massacres. Les soldats s'attaquaient aux villages, les pillaient et les brûlaient sans raison. Dès que nous avons appris cela, nous avons fait sous la conduite de Gazibo des sacrifices à Sokorbé gusu. Gazibo a réuni tous les guerriers pour préparer la résistance. Heureusement nos djins ont détourné sa route".

En fait nous savons d'après les archives que la mission Voulet-Chanoine a changé d'itinéraire pour deux raisons.

A l'est de Dosso le problème du ravitaillement en eau de la colonne, qui n'avait cessé de grossir pour atteindre le chiffre de 1.700 personnes, 150 chevaux, 100 ânes, 20 chameaux et 500 boeufs (Joalland 1931 : 40-42) serait difficile à résoudre, les puits peu nombreux et souvent à sec pouvant difficilement assurer une quan¬ tité suffisante d'eau.

Les Zarma qui avaient le 24 janvier 1899 attaqué les Spahis du capitaine Chanoine à Yakouba Kwara commençaient à s'organiser et à opposer à la colonne une résistance de plus en plus farouche.

La mission jugea plus sage de se replier sur le fleuve où l'eau abondait et où les guerres peules avaient pratiquement vidé la région de ses éléments les plus combatifs. Quoi qu'il en soit, ce fut une heureuse coïncidence qui mit les Mawri du Tondi Kandjé et du Zigi à l'abri des attaques de Sara-Sara. Mais pour les Mawri du Issa-mé qui eurent le malheureux privilège de faire la connaissance de Sara- Sara, les événements ne furent pas gais.

"Sara-Sara est passé par ici, mais il n'y avait personne, car nous avons pris la rive gourma. Alors, il passa la nuit à Liboré, puis à N'Dounga. Sara-Sara avait dit d'aller lui chercher du mil dans le Fakara. Un homme du nom de Nanan Baba originaire de Kayan a attaqué ses hommes et en a tué et blessé une trentaine avec des flèches empoisonnées. Puis il a fui pour le gourma. Sara-Sara qui le recherchait a attaqué Saga, mais Nanan Baba s'était "réfugié à Niamey avec son monde. Les gens de Gamkalé se sont réfugiés dans la vallée de Gawaï, Sara-Sara a attaqué leur village et brûlé des cases. Nanan Baba tentait de traverser le fleuve avec ses gens pour gagner le gourma aidé des gens de Niamey. Mais leur bruit attira Sara-Sara qui se mit à tirer sur le village de Niamey. Les femmes et les enfants repliés sur la rive gourma se mirent à pleurer parce que les hommes étaient revenus sur la rive gauche chercher du mil. Alors les femmes et les enfants pleuraient en disant que leurs pères et maris étaient morts. Les hommes de Sara-Sara mirent le feu à Gawaï. De la rive gourma on pouvait voir une souris courir sur l'autre rive. Tout a été brûlé, balayé ; il ne restait rien du tout. Attiré par les pleurs des femmes et des enfants, Sara-Sara dit à ses hommes de tirer sur nous. Nous réussîmes à faire taire les femmes et les enfants, d'autant que les cartouches passaient au-dessus de nos têtes sans nous atteindre. C'est ce jour-là que naquit ma sœur Hadio. Niamey fut entièrement incendié. Tout le monde cherchait à sauver sa peau. Les balles pleuvaient de partout ; nous ne nous préoccupions plus que de nous-mêmes ; nous avions totalement oublié ceux qui étaient partis chercher du mil et que nous pleu-

(1) Dioula : nom donné à Toutée pour le commerce de troc qu'il a entretenu avec les populations. rions quelques temps auparavant. On avait tellement peur qu'un homme égorgea cette nuit-là trois fois la même chèvre et chaque fois la chèvre se levait en bêlant pour se sauver vers nous. Les femmes disaient à l'homme : "Niga iri dan kambé" — tu vas nous attirer des ennuis. Le lendemain tout Niamey avait brûlé ; les gens s'étaient éparpillés vers Karma, Koutoukalé, dans le gourma et dans la brousse. Il n'y avait plus de mil, tous les greniers avaient brûlé. Ce n'est qu'après le départ de Sara-Sara de N'Dounga que nous sommes revenus construire nos maisons sur les cendres de notre ancien village".

Le Général Joalland (1931 : 4042) décrit de façon fort intéressante les recon¬ naissances quotidiennes des jeunes recrues pour se faire la main. Ces reconnaissances débouchaient invariablement sur le pillage des villages, l'enlèvement et le viol des femmes et des filles et la capture des animaux. Le petit village de Niamey fut pro¬ bablement victime de la répression sauvage qu'exerça la mission sur les villages en¬ vironnants après son attaque par les Zarma du Fakara que Joalland décrit comme étant d'admirables cavaliers, bien montés, habitués à se battre contre les Touaregs dont ils ont adopté le costume et la manière de combattre. Cette attaque de Yacouba Kaïra du 23-24 janvier 1899 jointe aux difficultés d'approvisionnement obligea la mission à revenir sur N'Dounga le 27 janvier 1899. C'est probablement à cette époque que se situe l'attaque de Niamey par les membres de la mission. Cette mission ne fit qu'aggraver la situation particulièrement pénible du Issa-mé qui avait peine à se relever des épreuves antérieures.

En fait, entre le voyage de Barth et les massacres de Voulet et Chanoine, plusieurs missions avaient parcouru la région ouest du Niger :

— Dans le Zigi, la pénétration française en pays Mawri coïncide avec l'arrivée à Dosso en novembre 1898 d'un détachement venu de Karimama au nord-ouest de Gaya, commandé par le lieutenant Cornu et relevant de l'autorité du capitaine Baud.

— Dans le Issa-mé, la première manifestation d'Européens après Barth qui se rendit de Sokoto à Tombouctou en passant par Gwandou, Birni N'Kebbi, les Dallols Mawri, Fogha, Bosso, et Say, fut la mission Monteil 1890-1891. En 1896, le commandant Toutée arrive jusqu'à Sinder. Suzanne Bernus rapporte ce que les traditions ont retenu de son passage (1969 : 8-9).

"Un jour des chalands sont montés sur le fleuve vers l'ouest. Les gens croyaient que c'étaient des éléphants qui marchaient dans l'eau. Puis on a vu que c'étaient des bateaux de fer, à bord desquels se trouvaient des hommes. Ils mar¬ chaient avec des voiles. Ils accostent à un endroit qu'on appelle Bossamé (1). Après avoir accosté, on fait descendre un Noir qui vient étaler une natte sous l'arbre. Il étale des perles sur la natte et parmi celles-ci des Kalinko-izé (2) de

(1) Bosséi : tamarinier ; mé : bouche. (2) Kalinko-izé : anneaux à chaton triangulaire pouvant être portés soit comme bagues, soit en collier, soit comme ornement de coiffure ; cf. : S. Bernus, p. 9. 155

toutes les couleurs. Il y a aussi des perles de ceintures, des aiguilles, de petites bagues. On annonce que toute personne qui a des œufs et des poulets n'a qu'à les amener. Quand les gens apportent des œufs, on les montre au Blanc qui dit s'il est d'accord ou non. Ils demandaient aussi du mil pour nourrir l'équipage. C'est un Noir comme moi qui fait les échanges. Le Blanc reste dans le bateau. Per¬ sonne ne comprend le français. On apporte sa marchandise, on montre un paquet de kalinko-izé. Si le Blanc est d'accord, marché conclu. S'il n'est pas d'accord, on remet un peu par-dessus... Après une semaine les bateaux sont repartis vers Doulsou (1)".

Un an plus tard, la mission Hourst descend le Niger depuis Tombouctou, couche le 2 avril 1896 non loin de Sorbon, passe devant Karma, Boubon et Saga et arrive à Say (Hourst, 1897 : 268).

En 1897, le capitaine Destenave, alors installé à Dori, fait de Say le chef-lieu du troisième territoire militaire du Haut-Sénégal-Niger et le point de départ de la pénétration française vers l'Est (Sere de Rivière, 1965 : 35).

En 1898 les postes de Sinder, Doulsou et Yatakala sont créés et rattachés à Dori.

En 1899 ils seront rattachés à Say.

Nous voyons donc qu'au moment où la mission Voulet-Chanoine faisait son apparition dans la région, le processus d'occupation française, bien que revêtant l'aspect d'alliance, d'amitié et d'aide mutuelle avec les populations, était assez avancé. Aussi, ignorant tout de la mentalité des autochtones et du sens qu'ils don¬ naient à cette présence française sur leurs terres, Voulet et Chanoine, se croyant en territoire conquis, décidèrent-ils de réquisitionner arbitrairement hommes, femmes, animaux et céréales nécessaires au déroulement de la mission. Face à ces exactions, les populations réagirent violemment, obligeant la mission à livrer ba¬ taille à plusieurs reprises et même à changer d'itinéraire, comme nous l'avons vu. Ne comprenant pas l'attitude des autochtones, Voulet et Chanoine décidèrent d'appliquer la technique de la terre brûlée, razziant et incendiant tout sur leur passage, semant ainsi ruine et désolation, là où existaient naguère gros villages, greniers pleins et champs bien labourés.

Pourtant il n'était pas difficile de comprendre cette attitude des habitants de la région. En effet, pour eux, la présence française et les accords d'amitié passés avec la France n'impliquaient nullement l'instauration de la domination française sur la terre des ancêtres et l'occupation de la région par les forces françaises. Ces accords devaient plutôt matérialiser une alliance avec aide mutuelle face à des ennemis communs, en l'occurence les Peuls et les Touaregs. Mais sitôt que la mis¬ sion Voulet-Chanoine dévoila les intentions de leur pays, un courant de méconten¬ tement général parcourut tout le pays et provoqua la violente réaction que l'on sait, et dont le but était de bouter les Blancs hors du pays. D'autres événements allaient accentuer cette tension.

(!) Informateur : Djibo Salifou. 156

En même temps que la macabre randonnée de Voulet et Chanoine, une com¬ mission mixte franco-britannique, dirigée par le capitaine Moll pour la France et le lieutenant-colonel Elliot pour l'Angleterre, s'appliquait à déterminer la frontière entre les deux zones d'influence consacrant ainsi la mainmise de leurs pays respec¬ tifs sur la région. Du même coup, les musulmans fidèles aux Sarkin Musulmi de Sokoto et Gwandu, vinrent grossir le rang des mécontents. La méfiance française à l'égard des musulmans allait aggraver une situation déjà complexe. Cette méfiance, née des guerres de résistance menées par Samory, Ali Bouri et autres Ahmadou Cheikou, est admirablement résumée par Hourst (1897 : 267).

"Certes les païens ne valent pas cher. Ils sont cruels, défiants, ivrognes, cré¬ dules en leurs sorciers ; mais ils valent encore mieux que les musulmans. Si le féti¬ chiste est perfectible, le musulman ne l'est point. La politique qui s'impose dans la région de Say est d'opposer à la coalition maraboutique groupée autour d'Amadou, les gens du Gourma fétichistes, ceux du Dendi, du Kebbi, musulmans des plus tièdes... Ce sera la barrière à l'intrusion du fanatisme et de l'intolérance".

De plus, en mettant fin aux prétentions territoriales peules et à leurs nom¬ breuses incursions dans les régions hostiles à leur influence, l'occupation française réussit à cristalliser contre elle l'opposition de tous ceux qui à des degrés divers sentaient leurs intérêts menacés :

Les marabouts, disciples des Sarkin Musulmi, se voyant coupés de l'autorité dont ils tenaient l'essentiel de leur pouvoir religieux, mirent à profit leur influence sur les populations pour les préparer à l'idée d'une guerre sainte contre le cafre, l'infidèle blanc, venu razzier le pays, souiller le sol, bousculer les traditions et convertir les populations à sa maudite religion.

Les chefs locaux qui avaient rallié le camp peul contre Dosso et les autres Zarma, craignant les représailles de leurs anciens ennemis, d'autant que les princes de Dosso filaient le parfait amour avec les Blancs, et soucieux de sauvegarder les trônes que leur avaient gracieusement distribués Gwando et Sokoto, les chefs locaux, appuyèrent la politique de mobilisation prêchée par les chefs religieux et les marabouts. A ce groupe s'ajoutent tous ceux qui pour des raisons d'indépendance, de noblesse, de fierté et de dignité n'avaient jamais admis l'installation des "Oreilles Rouges" sur la terre de leurs ancêtres. Il faut également adjoindre à ce groupe les féodaux et anciens esclavagistes pour qui la seule chose qu'a pu faire la peau blanche c'est d'interdire l'esclavage. En même temps que se préparait dans l'ombre cette lutte de libération, l'administration coloniale accentuait sa pression : prise de contacts avec les populations, mises en garde, affirmation de la volonté française d'occuper et de diriger le pays, exactions des garde-cercles, mise en place des premières in¬ frastructures coloniales. Tous les moyens étaient bons pour démontrer la puissance française et faire prendre conscience aux autochtones de leur médiocrité, voire de leur infériorité. Tous ces éléments consolidèrent les rangs des opposants.

C'est alors qu'éclata ce que le pouvoir colonial appela "la révolte de Kobsitanda' et qui n'est en fait qu'un mouvement de libération des populations, cherchant à se débarrasser des nouvelles structures importées du pays des Blancs. 157

Voici les faits :

Pendant que grondait de la région de , au Sokoto, du Moyen Niger au pays Touareg, un vaste mouvement qui se fixait pour objectifs de chasser les "Oreilles Rouges" du pays, de rétablir l'autorité des chefs locaux et de préserver les traditions ancestrales, deux soldats du cercle de Dosso, en mission dans la région de Kobsitanda au nord-ouest de Gaya, payèrent de leur vie les abus de l'ad¬ ministration coloniale et leur amitié avec les Blancs. Leur mort mit le feu aux poudres et déclencha prématurément le mouvement. Le pouvoir colonial réagit immédiatement en dépêchant un détachement mater la population de Kobsitanda. Les archives de Dosso nous informent que ceci se passait le 4 janvier 1906. Le détachement commandé par le capitaine Lofler dut livrer un combat particulière¬ ment violent, au cours duquel le lieutenant Tailleur, commandant du poste de Dosso fut mortellement blessé d'une flèche empoisonnée. Informés des massacres perpétrés par les Blancs et leurs gardes contre les gens de Kobsitanda, les Mawri du Zigi, du Issa-mé, du Tondi Kandjé, les Zarma du Fakara, du Issa-mé et du Zar- maganda ainsi que les Sonraï de la région du Karma et de Tagabati épousèrent le parti de la lutte armée contre le colonisateur.

Dans le Zigi, Gazibo demanda à son monde de prendre les armes contre les Blancs. Djédé Gazibo nous rapporte les faits :

"A l'arrivée des Blancs, Gazibo voulait leur faire la guerre, mais les gens de Dosso lui ont dit qu'ils apportaient avec eux la paix et l'amitié de leur pays. Qu'en plus, ils étaient venus nous aider dans notre lutte contre nos ennemis, et qu'ils auraient eux aussi besoin de notre aide si leur pays était en difficulté. Gazibo accepta alors l'amitié des Blancs qui lui demandèrent de servir d'intermédiaire entre eux et la population. Gazibo refusa, prétextant son âge avancé. En fait il n'entendait pas recevoir des ordres d'eux. Il chargea son neveu Tahirou de cette tâche. Entretemps éclata la guerre de Kobsitanda où les Blancs à la suite de la mort de deux gardes attaquèrent et pillèrent le village. Gazibo réunit tous les chefs de famille Mawri et leur demanda de prendre les armes contre les "Oreilles Rouges". Puis il envoya un émissaire dire à Dosso : "J'ai décidé de mettre fin à l'amitié entre le Mawrey et les peaux blanches. Après ce qui vient de se passer, ils ne peuvent plus être nos amis. Dans une semaine, mon tambour de guerre va résonner, sonnant ainsi le ralliement de tout le Mawrey et l'offensive contre les Blancs. J'espère que ce jour-là Dosso sera à nos côtés pour chasser ces intrus des terres de nos ancêtres". Les gens de Dosso dès qu'ils surent les intentions de Gazibo, dirent aux Blancs : "Le Mawrey se prépare à entrer en guerre contre vous. Or ils ont des alliances avec les Peuls, les Touaregs, les Zarma, leurs parents de l'Arewa, le Kebbi et le Dendi. S'ils prennent les armes ce sera très grave". Le pou¬ voir colonial décida alors d'envoyer à Sokorbé des soldats commandés par un Blanc qui réunit tout le monde et parla longuement. Il dit qu'il apportait la paix, que son pays était très puissant, que quiconque voudrait s'opposer à eux sera brisé, etc. Gazibo, énervé par cette arrogance, se leva et saisit le bras du Blanc : "Toi qui es si fort, montre-moi de quoi es-tu capable". A cette époque Gazibo, très âgé, avait presque perdu la vue. Mais le Blanc ne réussit pas à se dégager de l'étreinte de Gazibo. Voyant leur chef dans une position difficile, les gardes, qui nous avaient juré qu'ils étaient venus en paix, ce qui nous empêcha de prendre les 158

armes, ouvrirent le feu sur la foule. Il s'ensuivit une mêlée extraordinaire. Les Mawri sans armes, gênés par la fumée et le bruit des fusils, battirent en retraite avec l'intention d'aller se préparer. Pendant tout ce temps, le Blanc était neutralisé par Gazibo. C'est alors que Zarmakoï Dosso intervint pour dire à Gazibo de le lâcher puisque la preuve de sa faiblesse était faite. Par la suite, il réussit à convaincre Gazibo de ne pas entrer en guerre contre les Blancs qui étaient des amis et aussi pour épargner des vies humaines. C'est ce jour-lâ que le griot Gnagaba-Izé a fait sa célèbre chanson :

"Koy kan wanji le chef qui refuse d'obéir

"Kala sooja les gardes

"Ma ni kawi kaa vont le déshabiller

"Harsan Izé les cartouches

"Ma ni gunde fun vont lui trouer le ventre".

Laisse, mon fils, ç'a été très dur, depuis ici jusqu'au bord du fleuve, les gens avaient répondu à l'appel du Wali Alpha Saïdou pour combattre les Blancs. C'est Dosso qui a réussi à empêcher la guerre entre le Mawrey et les Blancs. Gazibo s'en¬ tendait bien avec eux et ils l'ont convaincu de ne pas entrer en guerre".

Selon les archives de l'ancien cercle de Dosso :

"A la fin de 1905, il se prépare en silence dans la région de Zinder dans le Sokoto, sur le Moyen Niger et chez les tribus touarègues des deux rives du fleuve un vaste mouvement islamique. L'assassinat de deux gardes de cercle à Kobsitanda, village perdu dans la brousse au sud-ouest du cercle et fanatisé par un vieux mara¬ bout aveugle nommé Saïdou, déclencha prématurément l'insurrection et nous per¬ mit de l'empêcher de dégénérer en guerre sainte. La révolte de Kobsitanda est ré¬ primée vigoureusement par le capitaine Lofler au cours d'un combat (4 janvier 1906) où le lieutenant Tailleur commandant du poste de Dosso est mortellement blessé d'une flèche empoisonnée. Mais elle a gagné les villages Songhay du fleuve, de Goudel à Sansan Haoussa".

Les mêmes archives confirmant les informations de Djédé Gazibo, relatent : "qu'en mars-avril 1906, un détachement commandé par un capitaine fut chargé de faire une démonstration devant le village de Sokorbé. La tradition n'a pas oublié cette démonstration dont le but manifeste était de donner aux popu¬ lations un aperçu de la puissance française et de dissuader ainsi les Mawri de prendre les armes contre l'administration coloniale. Alerté par Dosso des desseins des Mawrey, le pouvoir colonial a fait d'une pierre deux coups : briser le mouvement 159

et mater les récalcitrants Mawri. Mais comme le disait notre informateur et comme le rapportent les archives de Dosso, le mouvement ne s'arrêta pas là : "Dirigé par Oumarou chef du village de Karma, le mouvement gagna les villages Songhay du fleuve. A l'instigation de Oumarou, le lieutenant Fabre qui descendait le Niger est assassiné à Boubon. En toute hâte, un peloton de tirailleurs de Dori, sous les ordres du lieutenant de Saqui-Sannes, rejoint Niamey menacé par les rebelles qu'il bous¬ cule en cours de route. Le Zarmakoï Dosso Aouta, faisant preuve d'un remarquable loyalisme, nous apporte le concours de sa nombreuse cavalerie. Armée de ses longues lances de fer, de ses boucliers battant le flanc des chevaux, elle vint se déployer en bataille devant Niamey, un matin de janvier, produisant sur les indi¬ gènes indécis un effet moral considérable. Une forte colonne sous les ordres du capitaine Bouchez peut alors être organisée. Après plusieurs combats heureux, elle s'empare du chef Oumarou et force les rebelles à se soumettre, mettant ainsi fin à l'unique révolte partie du cercle de Dosso".

Avant d'analyser les causes de l'échec de ce mouvement et de situer les res¬ ponsabilités, il convient de mentionner ce que les traditions en ont retenu.

"J'avais sept ans (1) lorsqu'eut lieu Karma Karo (2). Les gens de Boubon ont tué un Blanc et ceux de Karma ont tué Moussa, un soldat Bambara. Le Blanc qui était ici envoya mon père voir comment cela est arrivé. Le chef de Karma, Amirou Oumarou, prit la responsabilité de l'affaire en disant : "Nous ne nous sou¬ mettrons jamais à des Touaregs". Le chef de Tagabati, Gueladio Sanga, lui répondit que ces Blancs-là n'étaient pas des Touaregs. Amirou Karma répondit : "Si tu as peur de te battre contre eux, viens te cacher dans ma poche". Alors le chef de Tagabati dit : "Bon, puisque c'est ainsi, préparons-nous à la guerre". La bataille décisive a eu lieu à Délitondi. Je connais les gens qui ont été recrutés par les Blancs. On les a montés sur des chameaux. Après la défaite du camp de Karma, les Blancs ont pris tous leurs animaux et les ont distribués à leurs partisans. Amirou Oumarou a réussi à fuir, mais les récoltes ont été brûlées, les villages rasés et les animaux emportés par les Blancs et leurs alliés. Ce sont les gens de Larba qui ont capturé Amirou Oumarou, alors qu'il venait boire île l'eau au puits. Ils lui ont tranché la tête qu'ils ont envoyée à Niamey. Les Blancs n'étaient pas contents parce qu'on l'avait tué. J'ai vu sa tête, ses yeux étaient rouges comme si on y avait mis du piment. Sa tête a été montrée à tout Niamey pour servir de leçon".

Plusieurs raisons expliquent l'échec de ce mouvement de libération : le manque de coordination dû au caractère hétérogène des forces qui le composent ; l'absence d'un commandement unique, conséquence logique de ce qui précède ; les fuites et les tâtonnements auxquels il faut ajouter le déclenchement prématuré de l'action.

Enfin, une des raisons fondamentales est la scission qui s'est produite dans le camp des populations locales, scission matérialisée par l'attitude de Dosso :

(1) Informations de Soumaïla Siddo de Niamey.

(2) Karma Karo : guerre de Karma dans le sens de mater. 160

La prise de position de Dosso, considérée jusqu'alors comme un des princi¬ paux piliers de la résistance à l'occupation étrangère, a été déterminante dans l'échec ce de mouvement. Comme le disait notre informateur : "Les temps avaient changé ! Les héros de la lutte contre les Peuls sont devenus les alliés des Blancs tandis que le fils de Issa Korombé se faisait blesser dans le camp des Blancs en combattant ses frères de Kobsitanda".

La roue de l'histoire avait effectivement tourné, mais pour bien comprendre ce changement il faut le placer dans son contexte. En effet, le mouvement était dirigé par des chefs fidèles à Sokoto et Gwando, adversaires irréductibles de Dosso et de ses alliés. D'autre part l'aboutissement de ce mouvement devait permettre à ces chefs d'instaurer l'autorité de Sokoto et Gwando et par là même asseoir leur puissance. Tout ceci évidemment ne pouvait se faire qu'au détriment de Dosso et de ses alliés. Conscients de l'utilisation que les chefs religieux voulaient faire de la réussite d'un soulèvement général, les gens de Dosso n'eurent d'autre alternative que de se ranger aux côtés de l'administration et de dissuader leurs amis de prendre les armes contre les Blancs. Ceci explique les démarches du Zarmakoï de Dosso auprès de Gazibo et de ses Mawri, et son intervention avec les troupes françaises contre Karma. Quoiqu'il en soit, mal préparé, le mouvement, victime des forces contradictoires qui le composaient, échoue et les populations vont substituer à cette forme violente de résistance une autre plus insidieuse mais plus efficace.

Cette résistance, c'est le refus délibéré du paysan d'appliquer les décisions de l'administration, c'est la corruption qu'il utilise pour entraver le bon fonction¬ nement des rouages administratifs afin de prouver leur inefficacité ; c'est la mau¬ vaise interprétation qu'il fait des mots d'ordre du pouvoir colonial ; c'est le refus de payer les impôts ; c'est le fait de soustraire certains membres de la famille aux recensements ; c'est le fait de faire passer les animaux d'une frontière â l'autre pour éviter de les comptabiliser ; c'est enfin le comportement nonchalant, l'absence de toute réaction, la totale passivité qu'il adopte volontiers là où dynamisme, intel¬ ligence et esprit d'initiative s'imposent. C'est ce qui a fait écrire à Hourst :

"Le fanatisme de sa religion donne au musulman noir l'oeil terne d'un bœuf qui attend sans savoir quoi. Il semble qu'en isolant des enfants choisis avec soin, sans tare, en leur donnant une éducation raisonnée, en les soustrayant aux mau¬ vaises influences extérieures on arriverait de génération en génération à améliorer la race, à former des sujets industrieux, travailleurs et progressants".

Que les populations refusent de produire davantage, de renoncer à leur type d'économie au profit d'un autre type importé de la métropole, qu'elles contestent les greniers de réserves dont le but était précisément de les mettre à l'abri des famines et des mauvaises récoltes, qu'elles refusent systématiquement de renoncer à leurs valeurs culturelles fondamentales au profit de la culture occidentale et de "la civilisation", que ces populations repoussent la logique cartésienne pour se cantonner dans leur logique toute primaire, qu'elles nient l'autorité de la toute puissante France sur les terres de leurs ancêtres, qu'elles refusent le progrès et la science que la métropole leur apporte, voilà des réactions que ne pouvaient com¬ prendre ceux que la France avait chargés de gérer les territoires d'outre-mer. 161

Il était difficile à ces nouveaux conquérants de s'imaginer qu'avant eux exis¬ taient des circuits économiques et des réseaux de communication, des principes sacrés, des valeurs immuables, une personnalité propre à chaque groupe de popu¬ lation, une façon de voir et de concevoir le monde, en un mot des cultures et des structures socio-économiques basées sur le respect des équilibres régionaux. Il leur était difficile de comprendre que le pagne tissé dans le Zigi où pousse le coton était teint dans le Hawsa où pousse le siini (1), puis redistribué dans toute la région par le biäis des marchés régionaux et locaux. Ils ne pouvaient pas non plus com¬ prendre que chaque marché régional était spécialisé dans la vente de certains pro¬ duits, ce qui explique leur situation dans le temps et dans l'espace permettant ainsi aux habitants de les fréquenter tous afin d'avoir toute la gamme de produits nécessaires. L'administration coloniale ne pouvait non plus savoir que bien avant son implantation, le sel du Fogha était troqué contre le mil du Zigi, du Fakara et du Boboye, que le poisson et le riz du Sorko étaient échangés contre le mil du Issa-mé. Comment l'administrateur pouvait-il savoir que le lait des animaux était troqué par les Peuls contre le mil des sédentaires et que les bœufs pouvaient s'ac¬ quérir au moyen des bandes de cotonnades? Que les objets en cuir des Touaregs étaient échangés contre des cauris venus du Hawsa ? Ils ne savaient pas que le culti¬ vateur échangeait son mil contre les houes indispensables à la culture, et qu'en quittant tel village à telle heure de la journée, on passait la nuit dans tel autre village.

Enfin, comment l'administration coloniale pouvait-elle imaginer, elle qui ne s'expliquait pas la tiédeur des populations face à tous les bienfaits que la France leur apportait, que le système économique de type capitaliste avec l'introduction de la monnaie et la notion de profit allait à long terme provoquer des boulever¬ sements socio-économiques dont les effets commencent seulement à se faire sentir, créant un climat d'instabilité et d'insécurité là où l'on prétendait naguère apporter opulence et bien-être ? C'est dans ce climat de méconnaissance de toutes les pro¬ fondes aspirations des populations qu'il prétendait aider, que le pouvoir colonial va mettre en place ses structures :

Dans le Zigi :

De même que pour la pénétration française, l'occupation du pays Mawri coïncide avec celle de Dosso. Après l'entrée du lieutenant Cornu à Dosso en no¬ vembre 1898 et la première commission mixte franco-britannique de délimitation en 1903 et 1904, la mission Tilho procède en 1907 au bornage de la frontière, parachevant ainsi le processus d'occupation de la région. En novembre 1923, fut officiellement créé le cercle de Dosso auquel furent rattachés le canton de Sokorbé et ses Mawri.

Au Issa-mé et dans le Tondi Kandjé :

Quatre ans après la mission Destenave, la mission Lenfant chargée de convoyer du matériel pour l'équipement du territoire débarqua en 1901 son chargement à Niamey. Deux mois plus tard, chargé d'organiser la route Sorbon-Guidan Bado, le commandant Gouraud, accompagné du capitaine Salaman, séduit par le site de Niamey, décida d'y installer la résidence du commandant, de son adjoint, du chef

(1) Siini : plante utilisée pour la teinture des pagnes. 162

des services administratifs, les magasins de réserves et ultérieurement la portion cen¬ trale du bataillon, les magasins du corps et de la première compagnie. Le cercle du Zarma venait d'être créé et comptait dans sa population les Mawri du îssa-mé et du Tondi Kandjé.

Dès lors, l'histoire des Mawri va se confondre avec celle de tout le territoire militaire du Niger.

Ainsi en 1906, en récompense des loyaux services rendus à la France par les princes de Dosso, le pouvoir colonial décida d'y installer le chef-lieu du cercle, alors que Niamey devint jusqu'en 1909 capitale du Territoire Militaire du Niger au détriment de Say. En 1910, le Territoire Militaire du Niger directement rattaché au gouvernement général de l'A.O.F. prit Zinder comme capitale. Ce n'est qu'en 1924 que le gouverneur Brevié décida de transporter la capitale de Zinder à Niamey.

Quelles sont les conséquences de cette occupation française sur les commu¬ nautés Mawri zarmaphones ?

Dans le Tondi Kandjé, la menace de razzias et la lutte commune contre les Touaregs avaient rapproché les Mawri et les Zarma. Cela amena les autorités colo¬ niales à les regrouper dans le même canton.

Dans le Zigi, la situation ne fut pas du tout la même. Après avoir réussi à assurer l'indépendance de leur communauté, contenu les attaques touarègues, évité de justesse Ali Bouri et les massacres de la mission Voulet-Chanoine, les Mawri qui avaient trouvé en Gazibo un chef militaire efficace et un politicien confirmé, réussirent en concluant des alliances avec les uns et les autres, en gardant à l'occa¬ sion une certaine neutralité, en exploitant les dissensions de leurs voisins et en opposant une résistance militaire farouche en cas de nécessité, à consolider leur position et à présenter aux colonisateurs un noyau uni et dynamique.

Mieux organisés que les deux autres communautés, les Mawri du Zigi réus¬ sirent à être regroupés au sein d'un seul canton dont le chef-lieu est Sokorbé. Bien que notre étude ne couvre pas la période de colonisation française, nous nous permettrons néanmoins d'en tirer très brièvement les conséquences pour les Mawri du Zigi. La plus importante de ces conséquences fut la destruction des ins¬ titutions politiques et sociales.

Gazibo, la principale autorité politique du Mawrey avait refusé la chefferie qu'il confia à son neveu Tahirou. Au départ, Tahirou ne s'occupait que des rapports avec l'administration coloniale, tandis que Gazibo se servait du Mawrikoï pour contrôler toutes les affaires locales. Mais la colonisation avec ses nouvelles struc¬ tures donna tous les pouvoirs au chef du canton, au détriment du Mawrikoï. Après la mort de Gazibo et l'avènement de Adamou, les choses se précipitèrent, et le Mawrikoï n'eut plus aucun pouvoir.

Vers 1915, les Mawri de Sokorbé décidèrent d'abandonner l'élection du Mawrikoï devenu désormais inutile. La disparition du Mawrikoï fut suivie de celle de tous ses collaborateurs : Mayaki, Magaji, Azia, Bandawaki, etc. Le chef de 163

canton remplaça le Mawrikoï et ses cavaliers prirent la place des dignitaires d'antan.

Une autre conséquence fut l'arrêt de l'expansion Mawri dans le Zigi : "Trois ans avant l'arrivée des Blancs, des neveux de Gazibo fondèrent Falwel. Koté-Koté était venu de Bombéri. Il s'installa d'abord à Loga, puis à Sokorbé où il épousa la sœur de Gazibo, Ibéro. Ils eurent plusieurs fils. Les enfants restèrent avec leurs oncles maternels Gazibo et Boureima qui en firent d'excellents guerriers. Pour fonder leur propre pouvoir, ils décidèrent de quitter le village maternel et d'aller créer un nouveau village. Les oncles s'y opposèrent mais les neveux insistèrent tant et si bien que Gazibo et son frère cédèrent. Ils fondèrent ainsi le village de Falwel dans la brousse qui s'étend entre Dareki et Matankari. Ils y creusèrent un puits et finirent par s'imposer dans la région. Des Gabda (1), des Kallé et des Mawri vinrent s'installer près d'eux. C'est ainsi que des Mawri de Sokorbé ont fondé le village de Igaba Kwara. Les Gabda étant plus nombreux, le fils aîné de Koté-Koté, Barcé, prit le titre de Gabdakoï (2) mais les liens avec Sokorbé se renforcèrent et Gabdakoï ne faisait rien sans en référer à ses oncles" (3).

Un autre exemple qui prouve l'arrêt de cette expansion Mawri dans le Zigi par la colonisation est le cas du village de Diki.

A Diki les Mawri, par des mariages, réussirent à se fixer dans le village dont ils assuraient la défense et y devinrent la principale autorité militaire et politique. Mais la colonisation ne leur a pas donné le temps de garder la chefferie du village. Aujourd'hui encore Diki, qui dépend du canton de Sokorbé et qui est peuplé en par¬ tie de Mawri a un chef de village Zarma. C'est donc grâce à la pénétration française que les Zarma ont repris la chefferie aux Mawri.

Sur le plan économique, l'économie de traite, avec les cultures d'exportations, supplanta l'économie traditionnelle, entraînant l'appauvrissement des sols et les transformations des circuits commerciaux.

Sur le plan social, la pénétration française accéléra l'assimilation des Mawri par la société Zarma. Tandis que la plus grande circulation des idées qui résulta de la paix coloniale accéléra l'expansion de l'islam au détriment des religions tradi¬ tionnelles.

Dans le Issa-mé lorsque furent mises en place les premières structures coloniales, la communauté Mawri du Issa-mé, ébranlée par près d'un siècle d'insécurité, allait être définitivement écartée de l'exercice du pouvoir par le capitaine Salaman. Se méfiant du caractère fier et belliqueux des Mawri, il préféra placer à la tête de Niamey un homme acquis à la cause française, Djibo Soumaïla, qui avait successivement occupé les fonctions de boy, de palefrenier du capitaine et enfin de magasinier du cercle.

Les conséquences économiques, sociales, culturelles et religieuses sont iden¬ tiques à celles que nous venons d'étudier dans le Zigi.

(1) Gabda : sous-groupe Zarma.

(2) Gabdakoï : chef des Gabda. (3) Information de Djédé Gazibo. ■

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166

L'ORGANISATION SOCIALE

Pour les trois régions étudiées, l'organisation sociale est pratiquement iden¬ tique. Cette similitude résulte du rapprochement Mawri - Zarma et du brassage pro¬ voqués par l'insécurité permanente due aux guerres peules et aux raids touaregs. L'assimilation aux Zarma est totale, tant au niveau de la hiérarchisation qu'au ni¬ veau des étapes marquantes de la vie.

On y distinguait deux grands groupes :

— les hommes libres, burcin ; — les non-libres, tam.

A l'intérieur de ces deux groupes, il y avait plusieurs catégories sociales : parmi les hommes libres, les descendants des premiers occupants Mawri détenaient la réalité du pouvoir ; chefs de la terre et des puits, ils dirigeaient la communauté et pouvaient prétendre au titre de chef de village et de Mawrikoï. Ils ne payaient aucune redevance et jouissaient de tous les droits.

L'autre catégorie d'hommes libres est formée par les assimilés. Ils ne parti¬ cipaient pas à la direction de la communauté, devaient des redevances aux chefs de la terre et n'avaient aucun sur droit les puits. Ils n'assumaient aucune respon¬ sabilité politique, mais pouvaient être incorporés dans l'armée sans accéder au grade de mayaki.

Les non-libres comprenaient les descendants d'esclaves et les esclaves.

1. — Les descendants d'esclaves :

— caakay '■ les tisserands, — zam : les forgerons, — garaasa : les cordonniers sont des hommes de caste. En principe, ils ne pouvaient pas se marier dans une famille d'hommes libres. Groupés en corporation, ils vivaient dans les mêmes quar¬ tiers que les hommes libres qui reconnaissaient leur utilité sociale. Ces hommes de caste ne dépendaient en principe d'aucun maître et leur travail leur permettait de vivre assez aisément. Voici ce que nous dit le forgeron Moussa Hama du village de Madou à propos de l'extraction du fer :

"Pendant un mois, les forgerons abattent les zam-turi (1). Quand le bois est

(1) Zam-turi : Prosopsis africana. 167

sec, on le brûle, puis le charbon est rassemblé. Ensuite les forgerons vont avec Zamkoy (chef des forgerons) sur les lieux d'extraction du minerai. Ils emportent avec eux une chèvre, un poulet rouge, un œuf et de la boule. Après ce sacrifice, le minerai est creusé puis ramassé et rassemblé en tas sur les lieux de la fabrication des hauts-fourneaux. Les forgerons vont ensuite chercher l'argile nécessaire à la construction des hauts-fourneaux. Une fois la construction des hauts-fourneaux terminée, on les laisse sécher. Les forgerons se réunissent alors sous la direction de zamkoy. Ils introduisent des plantes dans un seul fourneau et font des sacrifices : c'est le wurrandi. Le lendemain, commence la fonte proprement dite. Dans chaque haut-fourneau, ils introduisent une couche de charbon puis une couche de minerai, ainsi de suite jusqu'à ce que le haut-fourneau soit rempli. Puis ils mettent le feu à l'intérieur. Nous procédons ainsi jusqu'à ce que le fer se sépare de la gangue. Le fer coule alors par un trou pratiqué au bas du haut-foumeau. Nous obtenons ainsi du fer noir ou du fer rouge selon les minerais. Avec le fer obtenu, nous fabriquons des dabas (houes), des haches, des couteaux, des fers de lance, des flèches et des sabres.

Nous donnons au chef du village une partie des objets que nous avons fabri¬ qués. Nous ne pouvons extraire le fer sans son autorisation, car c'est le chef de la terre" (1).

L'importance des forgerons est notoire dans cette société orientée essentiel¬ lement vers les activités militaires. Ils fournissent aux hommes libres le matériel nécessaire à la défense et à l'expansion de la communauté. Ils donnent également aux cultivateurs les matériaux indispensables aux travaux champêtres.

Les caakay : les tisserands, sont les "habilleurs" de la société. Ils tissent des bandes de cotonnades qui, reliées entre elles, donnent les boubous, les pagnes et les couvertures.

De même que les forgerons, après avoir remis au chef du village les redevances, ils avaient le droit de vendre les produits de leurs travaux : ils percevaient ainsi une certaine quantité de cauris ou de mil pour la confection des cotonnades.

D'après Moussa Abdou, 80 ans, vivant dans le village de Madou, les tisserands avaient le droit, durant la période de tissage, au repas du midi. En plus ils rece¬ vaient cent cauris en moyenne pour chaque bande. Mais cette somme variait avec la longueur et la largeur de la bande. Les tisserands pouvaient se déplacer de village en village.

Le troisième groupe de descendants d'esclaves étaient les cordonniers. Les Mawri reconnaissent qu'il y avait très peu de cordonniers dans leur région. On les rencontre surtout dans le Sourgay. Les cordonniers, que les Mawri de Sokorbé appellent garaasa, sont les plus méprisés de la société.

Aucun mariage entre hommes libres et un membre de ces trois groupes n'était permis.

(1) Cet abattage des arbres a joué un rôle important dans le déboisement de la region. 168

La différence avec la mère patrie, l'Arewa, est notoire au niveau de cette classification. En effet, l'Arewa ne considère pas le tissage, la cordonnerie et le tra¬ vail du forgeron, comme des activités réservées aux hommes de castes, mais bien au contraire comme étant des professions auxquelles se livraient des hommes libres, en fonction de leurs aspirations et de leur ingéniosité (1).

2. - Les esclaves

Bannya (2) et konno (3) appartenaient à ceux qui les avaient achetés ou cap¬ turés à la guerre. Le propriétaire les utilisait pour les travaux champêtres et pou¬ vait les vendre ou les affranchir selon son bon plaisir. Il pouvait également les uti¬ liser dans les mariages. Dans ce demier cas, le bannya était utilisé comme hiijey alman (animal de mariage). Le bannya n'avait pas de fils ; c'était à la konno que revenaient les enfants. L'esclave ne pouvait se marier sans le consentement de son maître. Il n'avait pas le droit d'épouser une femme libre. Alors qu'un mariage n'était pas permis entre hommes libres et femmes de caste et vice versa, le burcin pouvait épouser un de konno après l'avoir "fansa". (4).

Dans cette société Mawri, une autre distinction était à faire entre hommes et femmes.

La succession se faisait de père en fils et le woy boro izé (le fils de la femme) ne pouvait en aucun cas succéder à son oncle maternel. Il y avait une certaine pri¬ mauté de l'homme par rapport à la femme. En effet, c'était l'homme qui gardait les enfants en cas de divorce, décidait du mariage de ses fils et de ses filles. Lui seul pouvait rompre le mariage. La femme n'avait ce droit que si le mari était re¬ connu par le conseil incapable d'assurer le bien-être des siens.

Cette société avait ses grands moments. Nous nous contenterons de voir quatre de ces moments.

D'abord, la circoncision

Elle marquait une étape importante dans la vie d'un homme. C'était à partir de cette circoncision que le jeune homme se différenciait de la femme. Il quittait alors "la case des femmes" de sa mère, pour vivre avec les autres jeunes hommes de son âge, dans le arwasu bukka (5). Cette circoncision se situait entre dix et quatorze ans. Elle réunissait tous les enfants de cet âge vivant dans le même quar¬ tier. Un grand hangar était construit à cet effet. Les circoncis ne devaient pas

(1) Tisser, disait Zaman Allah, snaha né : c'est une profession.

(2) Bannya : esclave, captif.

(3) Konno : esclave-femme.

(4) Fansa : affranchir, en zarma. (5) Arwasu : jeune homme, bukka : case. Arwasu bukka : case de jeune homme. 169

consommer de la viande les trois premiers jours afin d'accélérer la cicatrisation de la plaie. Ceux qui étaient chargés de les surveiller n'avaient pas le droit d'avoir des rapports sexuels afin de ne pas "souiller les plaies", ce qui risquait d'entraîner des complications. Pour éviter de tels accidents, ils étaient obligés de rester avec les patients jusqu'à leur complète guérison. Des initiés étaient chargés de protéger les circoncis contre "les mauvais djins" et les sorciers. La retraite des circoncis durait quatorze jours pendant lesquels les anciens leur enseignaient certains secrets de la vie, et les interdits de la société. Le quatorzième jour, l'initiation était terminée. Les circoncis rasés, habillés de vêtements neufs, rendaient visite à leurs parents. Ils recevaient alors des poulets, des chèvres, des moutons. Tous ces dons étaient ras¬ semblés et un grand festin réunissait les circoncis et tous les jeunes gens du village : c'est "le jour de la sortie". Ce jour, les jeunes gens qui accompagnaient les cir- consis pouvaient s'emparer impunément des produits champêtres ainsi que des poulets qu'ils rencontraient sur leur chemin.

Après cette cérémonie, l'enfant devenu jeune homme quittait la case de sa mère, pour un arwasu bukka. En même temps qu'il recevait sa case, ses parents lui donnaient un kurba (1) qu'il exploitait seul. Ainsi se développait chez lui la notion de propriété. Les produits de son lopin de terre étaient stockés dans un grenier, auquel ses parents ne touchaient que dans les moments difficiles de la soudure. Mais l'emprunt était remboursé aussitôt après les premières récoltes. Lorsqu'il avait emmagasiné suffisamment de mil, le jeune homme le vendait pour s'acheter une chèvre, un mouton, une vache, un cheval ou un chameau en fonction de ses capacités. Attention ! lui disait-on, il ne faut pas que ton animal cause du tort à autrui. La famille commence ici à développer le sentiment de la responsa¬ bilité chez le jeune garçon. Trois ou quatre ans après, il vendait son animal et payait son voyage pour le kurmi (2) afin d'ouvrir son horizon et élargir ses connais¬ sances. A son retour, il s'efforcera de ramener des habits pour ses parents, sa future femme et ses frères. Il est devenu le kurmi ize (3) parlant d'autres langues en plus de la sienne propre. Il apporte avec lui les nouvelles des autres hommes. Endurci par les épreuves et ayant pris connaissance des difficultés que l'homme devrait sur¬ monter, ses oncles se réunissent pour juger de sa maturité et décider de son mariage. Mais ce mariage se fait dans des conditions précises. En fonction de leurs rapports sociaux, de leurs alliances historiques, du caractère des parents des filles, de la ré¬ putation des parents, de leur conduite, la mère du jeune homme, son père ou ses oncles, font un choix après concertation. Une fois l'assentiment du jeune garçon acquis, les parents envoient les premières colas et préparent le mariage.

Nous voyons que la circoncision, en même temps qu'elle place le circoncis dans le rang des hommes, lui confère une certaine source de revenus tout en le préparant à assumer ses responsabilités de futur époux. A partir de cette circonci¬ sion, toute son activité était orientée vers l'augmentation de la productivité et l'expansion de sa société.

(1) Kurba : lopin de terre attribué aux jeunes garçons.

(2) Kurmi : la côte ; ici il faut ajouter que certains allaient dans le Hawsa, d'autres le Dendi, d'autres encore dans le Gourma.

(3) Kurmi ize : homme qui vient de kurmi (la côte). 170

Le mariage

Une autre étape importante dans la vie du Mawri était le mariage. Il se faisait avec le consentement des parents des deux jeunes gens. Les parents du futur mari donnaient environ cent cauris, deux esclaves et deux bœufs. Mais ce don variait avec la fortune des deux familles en présence.

La mariée était ensuite transportée chez son mari. Cependant, ce n'était qu'au septième jour que le mariage était consommé. Ce jour, de bonne heure, elle revenait chez ses parents où elle était tressée, bien habillée et revêtue de ses plus beaux bijoux. Durant les sept jours écoulés, tous les jeunes du village se réunissaient chez les jeunes mariés et prenaient leurs repas en commun. La jeune mariée, jus¬ qu'à ce qu'elle ait son premier enfant, dépendait de la famille de son mari, en l'oc- curence de sa belle-mère. A sa première grossesse, elle retournait dans sa famille, sept mois après la conception. Elle ne revenait chez son mari que quarante jours après l'accouchement. Ses parents avaient ainsi le temps de lui enseigner comment entretenir un bébé. A son retour, la mère de son mari lui remettait "les trois cailloux" du fema, du foyer. Dès lors, elle était indépendante. Sa belle-mère lui avait donné symboliquement la direction de son foyer : un nouveau foyer était ainsi né.

La mort

Pour le Mawri, la mort est une catastrophe qui prive la communauté de ses membres. Mais c'est surtout à la mort du Mawrikoï ou du chef du village que cette épreuve est durement ressentie ; symbole de l'unité, de l'ordre et de l'expansion, la mort du Mawrikoï est pour le Mawri un grand malheur. Son décès n'est porté à la connaissance du public qu'après son inhumation. Le septième jour après ce décès, les Mawri se réunissent au domicile du yérima, après les derniers sacrifices au défunt, pour le nommer officiellement Mawrikoï. Dès cet instant et durant sept jours, le nouveau Mawrikoï que personne ne pouvait voir, se retirait dans une case, avec les grands initiés de la société. Au cours de cette retraite, toutes les étapes marquantes de l'histoire de son peuple, ses alliances, les revers, les difficultés économiques et sociales étaient enseignés au nouveau Laboukoï. Parallèlement, les anciens renforçaient ses pouvoirs religieux et le rendaient invulnérable. Le septième jour de cette retraite, le Mawrikoï, initié et fortement trempé aux réalités de la communauté qu'il aura la jesponsabilité de diriger, fait son apparition officielle. En présence de toute la communauté réunie à son domicile, rasé et revêtu de bou¬ bous neufs, les Konan (1) enroulent son turban. Il remet alors onze chevaux à la communauté Mawri et aux griots, en même temps qu'il donne aux konan un cheval et les habits qu'il portait lors de son intronisation. Le même jour, son adjoint, yérima est intronisé dans les mêmes conditions que le Mawrikoï. Après son intro¬ nisation, yërima remettait huit chevaux aux Mawri et aux griots.

(1) Les Konan : leur ancêtre vient du quartier Kona de Dogondoutchi ; à la suite d'une compé¬ tition de lutte, il a été battu par le beau-frère de Bawa et décida de se fixer à Sokorbé où il fonda le quartier Konan. Il épousa une des sœurs de son vainqueur. Les enfants sont donc des Waïborizé : fils de femme, par rapport à ceux de Bawa. C'est à ce titre qu'ils ont le privilège d'enrouler le tur¬ ban des nouveaux Mawrikoï. 171

Il est important de noter que, de la désignation à l'intronisation, la concurrence restait ouverte et que tous les moyens étaient bons pour éliminer le futur Mawrikoï : ceci explique son retrait avant l'intronisation. Mais aussitôt après, tous les concur¬ rents devenaient automatiquement solidaires du nouveau Laboukoï et lui appor¬ taient toute leur aide dans la conduite des affaires publiques, puisque sa réussite était celle de la famille et de la communauté toute entière.

Les activités culturelles

Les activités culturélles occupent une place importante dans la vie des Mawri. C'est le cas des Kunce.

Hémar, la période des récoltes, permet aux Mawri d'organiser de grandes séances de lutte : les kuncé. Voici ce que nous dit notre informateur Kombeizé Amadou du village de Komdili :

"Le kunce a lieu à hémar, juste après les récoltes ; à cette période, les pro¬ visions sont abondantes : le mil, le haricot, les pois de terre, le maïs, le sorgho. Pour ce kunce, il y a deux phases :

— la première phase est la phase éliminatoire. Elle permet de faire la sélection des meilleurs lutteurs au sein de chaque village. Puis nous décidons d'attaquer un autre village. Dans ce cas, tous les villages proches de Komdili font partie du camp de Komdili, tandis que tous les villages proches du village que nous attaquons font partie du camp de ce village. Après le choix du village et la délimitation des deux zones, le village invitant nettoie le terrain où se dérouleront les compétitions. Les femmes revêtent leurs plus beaux habits ; les jeunes aussi. Pendant ce temps, nous envoyons des gens nous renseigner sur les capacités de nos adversaires, sur leurs faits et gestes, sur leurs points faibles. De part et d'autre il y a des sacrifices à faire. A l'arrivée des invités, nous égorgeons des poulets, des chèvres, des moutons et même des bœufs selon nos capacités. Les jeunes de notre camp permettent à leurs invités de rendre visite à leurs amies. En outre, les étrangers pouvaient en toute quiétude prendre des aliments dans n'importe quelle case. Aux compétitions, tout homme dont la main touche le sol est déclaré battu. Les organisateurs peuvent empêcher le déroulement d'une séance en cas de déséquilibre des forces en présence. Dans ce cas, le plus faible donne du sable au plus fort : il reconnaît ainsi que son adversaire est plus fort que lui".

Que peut-on dire ces séances de lutte ?

Il est certain qu'en dehors de son aspect purement sportif, le kuncé avait pour but de resserrer les liens existants entre les Mawri. Il formait également l'esprit d'organisation, d'abnégation et de compétition de l'invitant, qui mettait à la dispo¬ sition de son invité tous ses biens. Mais la discipline de l'invité, son sens du respect du bien d'autrui, son éducation et sa courtoisie, faisaient que ce dernier dépassait rarement les limites autorisées par la société. Ces séances de luttes n'étaient pas le fait des seuls Mawri de Sokorbé et pouvaient occasionner dans bien des cas des dé¬ placements sur plusieurs dizaines de kilomètres. Lorsqu'un champion était réputé, 172

il recevait des adversaires venus de très loin, se mesurer à lui.

Djédé Gazibo du village de Sokorbé nous parle d'un cas semblable.

"Magaji Bééri, le Mawri que Bawa trouva à Sokorbé, avait en plus de ses deux filles, un fils du nom de Dagga. Dagga était réputé pour sa force. Un jour, des lutteurs de Dogondoutchi qui entendirent parler de Dagga vinrent mesurer leur champion Fodi à ce dernier. Fodi n'avait jamais été battu. A son arrivée à Sokorbé, Dagga était parti chercher du foin pour son cheval. A son retour il reçut très bien les lutteurs. La séance eut lieu le lendemain et Dagga fit tomber Fodi. Celui-ci dé¬ cida de ne plus retourner à Dogondoutchi et resta avec Dagga à Sokorbé. Il épousa la sœur de Dagga, c'est-à-dire, la belle-sœur de Bawa. Le quartier dans lequel il s'était fixé prit le nom de Konan, car il venait du quartier Kona de Dogondoutchi.

A l'intronisation du Mayaki (1), ce sont les descendants de ce Fodi qui enroulent le turban, car ils sont des Woyboro ize. Leur mère est notre tante".

Ce récit est très important dans la mesure où il souligne l'importance que pouvaient avoir ces séances de kuncê qui, en plus de toutes les qualités qu'elles développaient chez les jeunes gens, permettaient de maintenir les relations, de lancer les nouvelles modes en matière d'habits, de tresses et de chants. Véritables nœuds de communication, ces kuncé assuraient la diffusion des informations poli¬ tiques, économiques et sociales. Sortes de foires ambulantes, ces séances permet¬ taient aux artisans de vendre leurs produits, de confronter leurs techniques, de perfectionner leurs modes d'exécution et de lancer des modèles nouveaux.

Mais au moment où cette société Mawri s'organisait en pays zarma, les Mawri abandonnèrent définitivement la langue hawsa pour le zarma. En même temps ils abandonnèrent le nom Arawa pour celui de Mawri.

En conclusion, on remarquera que si les Mawri ont adopté la langue et les coutumes zarma, on peut cependant constater qu'ils n'ont pas tout abandonné de leur héritage hawsa : les noms des dignitaires sont restés hawsa. La religion pro¬ fondément animiste est restée celle des ancêtres.

Les Zarma disent que les Mawri sont des Boro-bi (des hommes noirs), c'est- à-dire, des animistes. Le Mawri de Sokorbé croit en l'existence de djins protec¬ teurs capables d'éviter le pire, de favoriser les bonnes récoltes, de dévier les épi¬ démies et d'empêcher les guerres. Des sacrifices annuels ont lieu sur les différents lieux de résidence de ces djins. Le Mawri croit en l'immortalité de l'âme et pense que l'esprit des morts peut tourmenter les vivants. Par exemple : lorsqu'une femme enceinte meurt, les initiés procèdent à toute une série de sacrifices et de libations dans le but de protéger les autres femmes en grossesse.

(1) Titre des chefs actuels du canton' 173

CONCLUSION

Du milieu du XVIIIe au début du XIXe siècle, attirés par des conditions géo¬ graphiques et économiques relativement favorables, les Arawa ne tardèrent pas à essaimer les régions :

— du Tondi Kandjé où quelques îlots s'installèrent dans les centres de Foolo, Koussa et Bangario,

— du Zigi où le contexte historique leur permit de s'imposer aux populations autochtones. Une armée extrêmement dynamique leur assura une certaine indépen¬ dance. La sécurité qui s'ensuivit favorisa l'expansion économique et sociale de leur communauté,

— du Issa-mé où l'afflux de nouveaux éléments, la puissance d'un corps d'ar¬ chers aguerris et l'efficacité d'une cavalerie fortement imprégnée des techniques de razzia permirent au Mawrikoï Néni de s'affirmer comme la principale force poli¬ tique et militaire de la région.

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, les Arawa, qui, en s'implantant dans les trois régions que nous venons de voir, avaient abandonné la langue hawsa pour le zarma et l'appelation Arawa pour celle de Mawri, durent faire face au dan¬ ger peul, aux guerres de Issa Korombé et aux menaces des Touaregs :

— dans le Tondi Kandjé, cette situation nouvelle resserra les liens entre les différents villages Mawri, renforça le pouvoir des chefs militaires au détriment de celui des chefs de villages et favorisa la formation de bandes de pillards parcourant la région, razziant les animaux, les femmes et les enfants, saccageant les récoltes pillant les villages, s'attaquant aux commerçants et aux voyageurs, créant ainsi une situation instable,

— dans le Zigi, après un moment d'affolement, les Mawri grâce au sens poli¬ tique de Gazibo réussirent à redresser la situation, à consolider leur communauté et à normaliser leurs rapports avec les voisins. Mais la trop grande autorité de Gazibo eut pour conséquence la transformation du Mawrey en une principauté,

— dans le Issa-mé, la coalition Peul-Zarma-Gourmantché réussit à massacrer les Mawri et à les expulser de l'île de Néni. Les survivants s'installèrent près du Sorko Farka, que Mawrikoï Néni avait quelques années auparavant (1824-1825) installé à cet endroit. 174

A la fin du XIXe siècle, la contre-offensive peule consécutive à la pénétration française au Sénégal et dans le Soudan et à l'arrivée de Ahmadou Cheikou et de Ali Bouri aggrava une situation déjà pénible. C'est à cette époque que l'administra¬ tion française décida d'occuper l'Ouest du Niger. Après deux siècles de guerres et de luttes intestines, les populations ne purent opposer une résistance durable à l'occupation française.

Au terme de cette étude, force est de constater que certaines questions es¬ sentielles restent à résoudre, entre autres :

— L'origine des Mawri : si pour l'arrivée des Mawri en pays Zarma toutes les traditions et les études antérieures permettent de mettre en rapport l'implanta¬ tion Mawri sous forme de communauté organisée avec l'arrivée d'éléments guerriers (dont Bawa doit être considéré comme une des figures marquantes), arrivée consé¬ cutive aux tensions internes provoquées par l'avènement de Kabrin Kabra à la Sarawtra, il n'en est pas de même :

- d'une part pour l'appellation Mawri : nous n'avons pas pu trouver avec certitude d'où ce nom vient Mawri qu'emploient les Zarma pour désigner les Arawa installés dans leur pays. Est-ce la déformation du mot hawsa "Maii-wuri" signifiant chef du lieu, de la place, de la terre, ou celle du nom "mari" qui veut dire Panthère en zarma ? Les Zarma ont-ils cru que les Arawa en se cicatrisant comme ils le font, se sont identifiés au mari (panthère) ? Nous pensons qu'il y a un rapport entre le nom Mawri et l'animal mari mais nous n'avons pu déterminer avec précision ce rapport.

- et d'autre part pour l'origine des Arawa dont les Mawri font partie intégrante : il faut noter les contradictions qui existent entre les différentes traditions recueillies quant à l'origine des Arawa. L'état d'avancement actuel de nos recherches ne nous autorise pas à trancher cette question. Tout au plus nous sommes-nous permis de formuler l'hypothèse de l'origine bomuane des fondateurs de l'Arewa, tout en ne refusant pas systématiquement le parallèle que certaines traditions permettent d'éta¬ blir entre Arawa et Watara.

— Les rapports politiques entre le Mawrey, l'Arewa et leurs voisins : autant notre étude a permis de préciser la nature des rapports entre les Mawri, les Zarma, les Touaregs et les Peuls, autant des zones d'ombre subsistent quant au fonctionne¬ ment des institutions du Mawrey par rapport à celles de leur patrie d'origine. Ceci est dû à la structure même de l'Arewa qui ne se présente pas comme un tout homo¬ gène mais comme étant un ensemble de "principautés" indépendantes les unes des autres et donc définissant chacune en fonction de la conjoncture et des hommes au pouvoir leurs relations avec l'extérieur.

— Les institutions économiques, sociales, culturelles et religieuses dans le Mawrey : une étude approfondie de l'évolution de ces institutions n'est possible qu'en établissant une comparaison avec celles de la mère patrie, l'Arewa.

En conclusion, ce travail pour être complet suppose une recherche sur la communauté Arewa dans sa totalité. C'est ce à quoi nous essayerons de nous at¬ teler. 175

BAWA (2e moitié XVIIIe)

SALMA BAKIRI (ancêtre Sinsan) (fin XVIIIe Fin XVIIIe-début XIXe début XIXe)

MATO 1 KOKO I (1ère moitié XIXe) SOUMANA

BOUREIMA (2e moitié XIXe) GAZIBO (2e moitié XIXe - 1920)

ï

TAHIROU ADAMOU

PENETRATION : sont en même temps chefs I FRANÇAISE du canton de Sokorbé

DONGOZO GARBA ♦ (Actuel chef du canton)

Généalogie des chefs du village de Sokorbé 176

BAWA

SALM A BAKIRI (Ancêtre des Mawri de Sinsan)

BEBE MATO

KOKO

SOULEY HAMMA NIANDOU

KALKAL GATARI FAMO BOUREIMA GAZIBO (Foulabéri) 1 1 1 ZIBABA HASSANE DJEBE (notre informateur) I I HAMANI BIDO

Généalogie de GAZIBO (Foulabéri) 177

Madou BAWA MAAZE BERI

(1) (2) (3) Mariage de Folo Mariage de Komdili Mariage de Sokorbé

KONGOBANO SOULEY KOUMBEY TILEYZE SALMA BAKIRI

de Barney de Mousadey de Komdili de Darey de Sokorbé de Sinsan

Ancêtres des sept principaux puits du Mawrey m ■

-: • -.v.- ■- 179

SOURCES

1 - INFORMATEURS

Tondi Kandjé Hamma ISSOUFOU, Damana Zinka SAMI, Koussa

Zigi Ali HALIDOU, Goubey, 12.8.70 (40 ans) Ali HAMMA, Loga (canton de Loga), 11.8.70 (110 ans) Boubakari HAMIDOU, Farégorou Kaïna (canton de Sokorbé) 4.2.72 Djédé GAZIBO, Sokorbé, 23.6.74 - 12.8.70 - 4.2.72 (63 ans) Djibo KOKO, Sokorbé, 12.8.70 (70 ans) Ganda MAWRIKOI, Darey (canton de Sokorbé) 1972 (68 ans) Koumbaizé AMADOU, Komdili (canton de Sokorbé) 14.8.70 (70 ans) Madé SINA, Barney (canton de Sokorbé) 3.2.72 (75 ans) Moussa ABDOU, Madou (canton de Sokorbé) 2.2.72 (80 ans) Moussa HAMMA, Madou (canton de Sokorbé) 2.2.72 (45 ans) Salifou HIMA, Diki (canton de Sokorbé) 3.2.72 (75 ans) Wasiri HAROUNA, Loga (canton de Loga) 11.8.70 (85 ans)

Issa - mé Djibo SALIFOU, Niamey, 1964 Oumarou MOUSSA, Niamey Soumaila SIDDO, Niamey, 4.11.64 (72 ans) Sadi MOUSSA, Niamey, (110 ans)

Boboye Diori MAMMA, Bogol Hima 2.6.74 (97 ans) Garbou SOUNA, Gesera)2.6.74 Hamma HALIDOU, Birni, 28.5.73

Arewa Ali BOUBAKAR, Matankari, 23.3.71 (76 ans) Bawra BAWA, Bagagi, 22.3.71 (71 ans) Dougourou NOUHOU, Lougou, 24.3.71 (65 ans) Guimba DAKAOU, Matankari, 22.3.71 (90 ans) Mato ALI, Lougou, 24.3.71. (52 ans) Zamman ALLAH, Matankari, 22.3.71 (96 ans). 180

2 - ARCHIVES

— Archives des Etudes Nigériennes n° 4 - Dosso : Monographie 1934-1941.

— Archives des Etudes Nigériennes n° 5 - Dosso : Monographie de la subdivision du Dogondoutchi. Belle 1941, Robert 1955.

— Archives des Etudes Nigériennes n° 7 - Dosso : Rapport des tournées. Recense¬ ment canton de Falwel, Penet 1952.

— Archives des Etudes Nigériennes n° 8 - Dosso : Rapport de tournées. Recense¬ ments 1936-1947.

— Archives des Etudes Nigériennes n° 9 - Dosso : Rapport de tournées. Recense¬ ments 1945-1947.

— Archives des Etudes Nigériennes n° 10 - Dogondoutchi : Rapport de tournées. Recensements Takassaba, Tibiri, 1943-1952.

— Archives de Say : arrondissement de Say n° 5.

— A. LOYZANCE : Notes sur les Peul et Gourmantché de la région de Say.

3 - AUTEURS

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INDEX

AUTEURS CITÉS

ARDANT DU PICQ, 59, 73 MONGO PARK, 129, 130 BARTH, 29, 37, 80, 119, 129, 148, 152, MONTEIL, 154 153, 154 PERIE (Jean), voix SELLIER BELLO, 30 PIAULT (Marc), 26, 30, 31, 32, 39, 57, BERNUS (Suzanne), 154 58, 59, 78 BRUNSWIG, 1 PIDOUX (Charles), 63, 78 CHATELAIN, 73 ROBIN, 59, 74 COOLEY, 27 ROUCH (Jean), 73, 74, 149 DELAFOSSE, 73 SERE de Rivière, 155 DIOULDE Laya, 1, 73, 92 SELLIER (Michel), 27, 58, 59, 76, 105, HOURST, 147, 148, 155, 160 111, 132 IBN BATTOUTA, 27 TILHO, 31, 32, 33, 34, 35, 161 JOALLAND, 153, 154 TOUTEE, 60, 148, 152, 153, 154 LANGE, 29 URVOY, 28, 29, 30, 48, 59, 73, 74, 104, LENFANT, 147, 148, 161 106, 116, 132

PERSONNAGES (les titres ou fonctions sont en italique)

Abdou, 125 AU HaUdou, 6 Abdou Fanta, 77 AU Hamma, 5 Abdoulaye Bourahima, 130 AU Koda, 72, 77 Abdoul Assane, 1, 106, 114, 136, 143 AU Yaro Ama Mala, 115 Aboubacari Hamkidou, 138 Alpha Bagié, 146 Adamou, 86, 143, 162 Alpha Son BeUo Horé, 124 Adaria Kaïne, 112 Alzouma Abdou, 78 Agba Iboun Mohammed, 29 Amadou Kombeyzé, 6, 146 Akazama, 19, 22, 24, 25, 26, 27, 30, 31, Amirou, 106, 121 33, 34, 38, 39, 47 Amirou Goudel, 124 Albarka, 58 Amirou Karma, 159 Alfa, 90 Amirou Oumarou, 159 Alfa Morou, 123 Amirou Warou, 77 Alfa Saïdou, 158 Amma, 116 Allasan, 72 - 77 Ango Mawrikoï, 59 Ali, 29, 33, 116, 125 Antapha, 140 AU Ber, 73 Ari, 3, 18, 19, 25, 27, 28, 30, 31 Ali Boubacar, 5, 24, 39, 43 Arou Gabo, 90 Ali Bouri, 16, 112, 113, 136, 137, 144, 148, Assoutou, 131 149, 156, 162, 176 Atta, 142 AU Dounamani (Ali Gadjeni), 29, 30, 33, 37 184

Awan Izé Mali Mannaï, 72, 77 Bourei'ma Boulo, 77 Azia, 100, 162 Brévié, 162

Baba Iboun Mohammed, 30 Cheikou Ahmadou, 16, 128, 129, 130, Baba Sansan Hawsa, 124 136, 137, 144, 156, 176 Baba Zouzou Mali, 72 Chekarao, 62 Babba, 58, 62 Cornu (lieutenant), 154, 161 Badjo, 90 Bagaji, 5, 18, 111, 143 Dagga, 172 Bagarbi, 20, 21 Dakala Izé, 138 Bagazaza, 20, 21, 22, 29 Dakaou Guimba, 4, 39, 55, 59 Bagnou, 124 Dammar, 70 Baiero, 113, 136, 143, 144 Dan Fodio Ousmane, 16, 60, 78, 81, 104, 105, Bakaii, 90 118, 126, 127, 129, 138 Darou Bourahima, 130 Bakiri, 54, 55, 87 Daouda Bali Boli, 128 Mali, 70 Daouda Bambaloma, 30, 62 Bougaranne, 105, 112, 113, 114 Destenave Bamaykoï, 85 (capitaine), 155, 161 Dinbawa, 60, 139 Bamey-Izé, 90 Diori Hamman, 111 Banawatchi, 90 Dirmakoï, 73 Bandawaki, 100, 162 Djédé Gazibo, 5, 36, 50, 52, 60, 62, 84, 88, Bangagi 97, 98, 99, 104, 105, 106, 131, 134, Baicé, 163 135, 141, 142, 143, 144, 152, 157, 163, Batawo, 145 172 Baud (capitaine) 154 Djiadjé, 69 Bawa, 48, 50, 52, 53, 54, 55, 58, 59, 60, 62, Djibo koko, 6, 141 84, 85, 86, 87, 88, 89, 94, 95, 97, 98, 99, Djibo Salifou, 61, 79, 91, 92 118, 140, 152, 170, 172 Djibo Soumaila, 119, 127, 163 Bawa Tamo, 52 Djorou Hero Forou, 128 Bawra, 18, 19, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 37, 38, 39 Dodds, 136. Dogari, Bawra Bawa Daouda, 5, 20, 29, 36, 38 dogaray, 24, 57 Bawra Oukay, 23 Domagna, 124 Bello, Bello Mahamanne, 30, 80, 85, 86, 106 Dongozo, 146 Doudou, 89 Bello Samba Izé, 78 Bilan Koda, 55, 89 Dougourou Nouhou, 5, 38 Birima, 19 Elliot Bitton Koulibaly, 101 (lieutenant-colonel), 156 El Bitou Giwaïzé, 144 Hadji, 122 El Bogor, 89 Hadji Hima, 61 El Boï, 128, 130 Hadji Kouka Izé, 72 El Bonkano Bamey, 104, 105 Hadj Omar, 129, 136 Boubacar Louloudjé, 104, 105, 106, 113, Fabre (lieutenant), 159 114, 118 Faragai'zé, 124 Bouchez (capitaine), 159 Farakoï Mannaï, 72, 77 Boukar, 70 Faranzata, 70 Boukar Ouandaïdou, 137 Fari, Nouzou, 74 Boulo Alfaga, 77 Farka, 125, 126, 127, 175 Bourahima Gueladio, 130 Fargasi Izé, 132 Bourahima Kalilou, 128 Farkasé Izé, 135, 142 Bourahima Mawri, 61, 123, 124, 125, 126 Firéré, 124 Bourahima Sidibé, 128 Fodi, 55, 58, 60, 94, 95, 172 Bouraki, 70, 75, 76 Foubéro, 122, 123 Bouréïma, 90, 109, 110, 126, 134, 135, 136, Foula Béri, 122, 140 139, 143, 144, 163 185

Gabdakoï, 163 Kaman Kagar, 46, 54, 85 Gabey, 132, 134 Kambé, 90 Ganda Mawrikoï, 87 KantaSamna, 108, 111 Gani Koda, 105 Koda, 55, 60, 125 Garantié, 123, 125 Kohanno, 85, 86 Garantié Garba, 78 Koko, 145 Garba Insa, 1 Koshé, 44 Garba Soudié, 63, 77, 81, 92 Koté-Koté, 163 Garba Souna, 45, 69, 77, 112 Koulmoulma Da Indo, 19 Gasa Mannaï, 72 Koumbeyzé Amadou, 6, 50, 54, 62, 86, 88 Gatari, 60 94, 95, 138, 139, 146, 152, 171 Gaya, 116 Koungobaba, 90 Gazibo, 6, 108, 109, 110, 135, 136, 139, Koungobano, 50, 52, 54, 60, 88, 94 140, 142, 143, 144, 145, 153, 157, 158, Kountouroun Koussou, 46 160, 162, 163, 175 Kouzouzou 135 Gueladio, 128, 129, 130, 131, 137 Gueladio Sanga, 159 Laboukoï, 97, 100, 170, 171 Gueladio Hambodedio, 7 Lamido, 90 Gnagaba Izé, 158 Lanfarra, 68, 69 Goga, 146 Lekou, 90 Golinga, 80 Lihida, 111 Goumandakoi", 94 Lofler (capitaine), 157, 158 Goudi, 110 Maazé Béri, 48, 50, 52, 86, 88, 90 Guirbi, 135 Made, 60 Gouraud (commandant), 161 Magaji, 162 Haddi Zam Izé, 72 Magaji Beeri, 55, 59, 87 Hadio, 153 Magan Soundjata, 72, 73 Halidou, 85, 86 Maïalgai'ta, 45 Halirou, 131 Maïdoka, 59 Hambodedio, 128, 129, 130 Maïfada, 98 Hamboi', 129 Maïgari, 98, 99 Hamboi'Gueladio, 130 Maïkakaki, 45 Haman Fandou, 112, 113, 114 Makas Safa, 72 Hamma Bougaranne, 105,112, 114 Mali Bero, 69, 70, 72, 75, 77, 80 Hamma Halidou, 7, 128, 130 Mali Koda, 69, 76 Hamma Issoufou, 7, 68, 75, 132 Maman Jobbo, 92, 104, 116, 118, 125, 126, Hamma Zangamé, 105 127, 129 Hammey Yarou, 110 Mamar, 33, 85, 86 Hassane Abdou, 114 Mato Ali, 5, 22 Hekorio Habi, 77 Mawrikoï, 60, 61, 95, 96, 97, 98, 99, 100 Hima, 86 119, 120, 125, 139, 140, 147, 162, 162, 163, 166, Hima Djedo, 7 170, 171 Mawrikoï Antapha, 60, 140 Mawrikoï Ibéro, 110, 163 Neni, 42, 62, 81, 91, 92, 93, 96, 119, 120, 124, 125, 126, 127, 147, 175 Ibounou Sandiré, 110, 131, 134, 135, 142 Mayaki, 93, 96, 100, 111, 137, 162, 166, 172 Issaka, 144 Mayaki Béto, 144 Issa Korombé, 106, 108, 110, 111, 112, 113, Mayaki Bonhami, 113 114, 134, 137, 143, 144, 160, 175 Mayaki Garba, 146 Ismaël, 74 Mijindadi, 98 Modi, 80, 125 Kabrin Kabra, 42, 43, 44, 45, 47, 48, 52, 54, Modi Bourahima, 130 58, 59, 95 Mohamed Lebbo, 130 Kadan Biri Gasasaka, 19 Mohammed Askia, 35, 70, 73, 76, 85 Kadialgna, 123 Mohammed Iboun Chiroma, 30 Kalkal, 108, 109, 110 Moharbirbir, 112 186

Moharsané, 70 Sarkin Gobir, 30, 57, 58, 60 Moll (capitaine), 156 Sarkin Kasawre, 28 Moribani, 70 Sarkin Kebbi, 30 Moussa, 60, 89, 116, 123, 125, 159 Sarkin Musulmi, 156 Moussa Abdou, 167 Sarkin Zamfara, 30 Moussa Askia, 73 Sasiri, 60 Moussa Hama, 90 Sawo, 54 Moussa Zam Izé, 72 Sha'tou Magajia, 45, 48 Moussa Hamidou, 6, 7 Siddo Soumeila, 6, 61, 124, 159 Moussa Hima, 90 Sidikou Dimadima, 113 Siné, 80 Nanan Baba, 153 Souley, 60, 89, Niamkala, 69 Souley Samba Izé, 78 Nimawa, 125 Soumana Abdou, 78 Nouhou Adassa Izé, 144 Soumana Beybey, 106 Nyatou, 135 Soumana Jiwahé, 106 Soumana Souley, 78 Omar, 29 Sobaïkoi', 87 Sommokoï, 138 Paté Boli, 125 Sorkoïzé, 105, 112 Perrot (Claude), 1 Person (Yves), 1 Tabi Sawi, 61, 62, 63, 92, 124 Rabbah, 148 Tagour, 70 Rabi'n Bornou, 39 Tahirou, 125, 142, 157, 162 Tailleur (lieutenant), 157, 158 Sabbou, 145 Tako, 127 Sadi Moussa, 6 Talata Bourahima, 130 Sagiam, 70 Tamo, 52, 54, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 140 Saïdou, 317 Tamo Koulounkossa, 46, 58 Sakia, 76 Tassao, 2, 30, 60 Sala, 52, 54, 55, 87, 88, 154 Tatari, 112 Salaman, 92,161,163 Tchiro, 125 Salma, 42, 54, 55, 60, 87 Tessa, 136 Salifou Mawri, 120,125 Tiékogo, 112 Samba Alkali, 77, 125 Tilleyzé, 54, 87 Sambo, 70, 116 Tilo, 54, 55, 87 Sami, 86 Tiné, 125 Sami Zinka, 7, 48, 62, 85, 86, 93 Tini, 113 Samory, 156 Tobil, 70 Sandari, 119, 120, 121,122, 147 Tokoï, 144 Sandi, 70 Tongo Farma, 100, 134 Sanoudoubou,44 Tongo Farma Mali, 70, 121 Saquisannes, 159 Triaud, 1 Sara-Sara, 152,153 Touman, 70 Sarawania, 22, 23, 26, 38, 39 Sarawta, 57, 58,142 Oukay, 23 Sarki, 42, 43,44, 45, 47, 57 Oumarou, 125, 159 Sarkin Aïr, 30 Oumarou Moussa, 25, 29, 62 Sarkin Arewa, 19, 20, 22, 24, 25, 28, 30, 32, Ountoumani, 70 33, 37, 38, 39, 47, 52, 54, 57, 58, 62, 111 Ouran, 69, 75 Sarkin Borno, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, Ousmane, 128 27, 29, 35, 36, 39 Sarkin Dawra, 25 Voulet et Chanoine, 5, 152, 153, 155, 162 Sarkin Fagi, 28 187

Wai' Monzon, 85, 86 Zamashega, 70 WaliHo, 134, 135 Zamkoi', 167 Warou, 124 Zamman Allah, 5, 18, 28, 30, 32, 44, 48 Waziri, 98 57, 168 Waziri Harouna, 5, 141 Zangou, 90 Windikot, 98, 99 Zaphar Gueladio, 130 Zarma, 3 Yahaia Boulo, 78 Zarmakoï, 76, 85, 112, 113 YajiKawadawa, 19, 58, 59 Zarmakoi' Dosso, 158, 159, 160 Yao, 127 Zarmakoï Gao, 70, 77 Yao Hamboi', 130 Zarmakoi' Kandi, 70 Yayé, 90 Zarmakoï Mannaï, 72 Yéji Kouri, 79, 80, 91, 121, 122, 123 Zarmakoi' Moumouni 146 Yérima, 95, 98, 170 Zarmakoï Sambo, 69, 70, 77 Yérima Sandagou, 140 Zarmakoi'Seydou, 146 Yoridiam, 116 Zarmakoi'Tagour, 70, 77 Zibaba, 60 Zabarkane, 73 Zibdin, 55 Zam, 70, 72, 77, 81

LIEUX ET ETHNIES (Les noms d'ethnies sont en italique)

Adaramboukane, 69, 70, 75 Bangario, 16, 42, 50, 72, 86, 175 Ader, 12 Bawada, 45 Adrar des Iforas, 11, 12 Bedzinka, 148 Agadès, 20 Bella, 149 Aïbasi Alphari Kwara, 134 Bellandé, 115 Aïr, 11, 12 Beriberi, 22, 25, 36, 45 Algérie, 11 Beybey, 59 Alkalawa, 78 Bilawa, 32 Andiourou, 73 Birni, 129 Angleterre, 156 Birni N'Kebbi, 154 Ansongo, 136 Birni Lokoyo, 20, 39, 40 Arawa, 3, 19, 20, 22, 24, 26, 28, 29, 30, 36, Birni N'Gawré, 143, 144 40, 41, 43, 44, 47, 55, 57, 58, 59, 63, 77, Bitti, 80, 115, 116, 124 81, 87, 108, 110, 113, 131, 175, 176 Bittinkobé, 80, 104, 115, 116, 118, 124, Arewa, 10, 17, 19, 20, 25, 27, 28, 34, 35, 37, 126, 127, 128, 129, 136, 147 38, 40, 42, 44, 47, 48, 53,-60, 61, 85, 91, Bobo, 128 93, 96, 106, 110, 136, 142, 143, 157, 168 Boboye, 14, 75, 76, 86, 112, 124, 143, 161 Argoungou, 27, 106, 111 Azawak, 14, 84, 132 Boumba, 106, 112, 148 163 Azna, 5, 26, 27, 29, 33, 37, 38, 47 Bombéri, Bombodjé, 148 Bondiolo, 70 Ba'aré, 27, 36, 62 Bonkoukou, 132 Babarbaré, 22, 25 Borgou, 73, 76 Bagagi, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 27, 33, Bornantché, 18, 52 34,39 Borno, 18, 20, 22, 24, 25, 39 Bagdad, 36 Bornou, 25, 27, 28, 29, 31, 33, 34, 35, 36, Bahabé, 115 37, 52 Bambara, 73, 101, 118, 159 Bornouan, 34 Barney, 60, 85, 88, 90, 140 Bosso, 154 Banari, 128 188

Botou, 116 Dori, 81, 124, 129, 130, 136, 144, 155, 159 Boubon, 146, 157, 159 Dosso, 4, 14, 59, 69, 70, 76, 80, 105, 112, Boudé, 14, 69, 76 144, 147, 152, 154, 156, 157, 158, 159, Boulala, 29 160, 161, 162 Dosso Kwara Boulkabou, 116 Hinka, 69 Boumba, 112, 114, 139, 148 Douantza, 129, 136 Bozarawa, 32, 48 Doulsou, 155 Doussoukondié, 69, 70 Daghel, 118 Dahomey, 11 Fada, 127 Dakala, 69, 75 Fagi, 28 Dalaini Gabas, 48 Fakara, 14, 61, 75, 153, 154, 157, 161 Dallol, 11, 12, 14, 40, 50, 61, 76, 94, 104, Falwel, 11, 110, 163 105, 106, 112, 113, 114, 129, 130, 131, Fandou, 14 136, 137, 138, 139, 143, 144, 146, 154 Farégorou-Kaina, 89, 90, 138 Dallol Bosso, 14, 50, 74, 75, 94, 104, 112, Far'n Guémé, 44 132, 138, 143 Fatoma, 128 Dallol Mawri, 74, 154 Férobé, 128 Damagaiam, 11, 20, 29 Fetobé, 115 Damagna, 85 Filingué, 14, 137 Damagna Kwara, 85 Fogha, 84, 89, 104, 105, 139, 141, 154, 161 Damana, 14, 39, 52, 68, 70, 79, 104, 135, Foolo, 16, 42, 50, 52, 54, 62, 85, 86, 87, 88 139, 140 89, 94, 138, 142, 175 Dambou, 119 Fondey 125 Dagaxé, 80, 127, Foulbé, 129 Daniara, 112 Foulmangani, 106, 116, 129 Dankasari, 27 Foutanké, 112, 137 Dankori, 5 France, 162 Dany Gouffi, 22 Dareki, 163 Gabda, 163 Dari Fitiga, 128 Gaguel Guédé, 127 Darey, 16, 87, 90, 95, 140 GamkaUé, 69, 76, 79, 153 Dawra, 20, 25, 37 Gamonzon, 79 Dawrawa, 37 Gandabéri Kwara, 70 Delleyni, 32 Gandatié, 125 Dendi, 14, 84, 137, 148, 156, 157, 169 Ganki, 80, 118 Dendikobe, 148 Gao, 32, 34, 70, 73, 74, 115, 116 Diangaré, 118 Garankié day, 70 Diawantié, 128 Garbaké, 115 Dienné, 73 Gawaye, 125, 126, 127, 153 Diki, 89, 90, 163 Gaya, 12, 154, 157 Dinnit, 132 Gesérai, 69 Diorabé, 127 Gianguelbé, 128 Diolof 136, 144 Giwa Tondi, 88 Dirma, 73, 74 Gobir, 60, 78,118,129 Dioula, 153 Gobirawa, 118 Djado, 11 Golé, 16, 74, 113 Djerma, voir Zarma Gongay, 70 Djibkiria, 148 Gongatarey, 70 Dodia, 139 Gorou, 124 Dogondoutchi, 4, 19, 26, 27, 30, 32, 58, 62, Gorou Bankasan, 113 63, 146, 170, 172 Goubé, 5, 16, 78, 79, 81, 141 Dogontapki, 27 Goubey, 5, 79 Dologa, 70 189

Goubézéno, 72, 113 Karré, 70 Goudel, 62, 63, 72, 77, 78, 79, 80, 81, 92, Karou, 124 106, 120, 124, 125, 127, 131, 147, 148 Katanga, 40, 43, 44 Goulbi, 12 Katsina, 20, 29, 30, 76 Goumbi, 34 Kawatada Kwara, 72 Gounbewa, 72 Kawra, 19, 24, 27, 40 Goundaka, 128, 129 Kayan, 153 Goungou, 30 Kayor, 16 Gountoudaï, 70 Kazawré, 28 Gounoubi, 125 Kebbi, 30, 76, 106, 112, 115, 131, 137, 142, Gourmantché, 16, 80, 81, 93, 106, 115, 116, 143, 148, 156, 157 118, 119, 120, 121, 126, 127, 129, 131, Kel Es Souk, 132 175 Kiota, 105, 106, 112 Guéchémé, 20 Kiota El Hadji Kwari, 72 Guelgogi, 129 Kiota Kwara Hinka, 69 Guidan Bado, 161 Kiota Na Zammé, 72 Gwando, 106, 127, 129, 130, 131 ou Kirtachi, 70, 106, 127 Gwandou, 114, 131, 142,143,154,156,160 Kobi, 69 Kobi Tamara, 69, 75 Hadeijia, 28 Kobsitanda, 156, 157, 158, 160 Haiikanassou, 45, 70, 72 Koddo, 72 Haute Volta, 11,127 Kogori, 16, 69, 76 Hawsa, 14, 18, 24, 28, 30, 48, 63, 84, 141, Koko, 6 142, 143, 161, 169, 172, 175 Kokoro, 16 Kolbou, 62, 72 Kolo, 106, 131, 132 Imajeran Kel Nan, 132 Kolo Fandou, 77, 132 Imanan, 16, 86, 132, 134, 136 Kolo Sébéri, 69, 76 Issa-mé, 2, 6, 42, 50, 61, 63, 68, 77, 79, 81, 91, 92, 93, 96, 115, 119, 124, 127, 130, Komadougou, 11 131, 136, 137, 147, 153, 154, 157, 161, Komdili, 5, 6, 16, 44,48, 50, 52, 53, 54, 55 163,175 59, 60, 84, 87, 88, 89, 90, 94, 108, 139, 152, 171 Jelani, 132 Kompa, 137 Jiwayé, 52, 59 Kona, 20, 58, 170 Konan, 170, 172 Kabbawa, 27, 30, 60,113,115 Konawa, 20 Kabé, 70 Konni, 59 Kagha, 29 Korodango, 52, 59 Kaka Baba Day, 71 Kotaye, 70 Kala, 70, 79, 112, 113, 114 Kotombo, 70 Kalabéri, 70 Kouara, 63 Kallé, 14, 54, 61, 74, 76, 79, 80, 84, 86, 88 Kouna, 128 94, 125, 132, 141, 163 Kounari, 128, 129, 130 Kalley, 124, 125 Kouré, 70, 72, 144 Kanem, 29, 152 Kourfaré, 70 Kanitché, 141 Kourfey, 14. 75, 76, 86, 132 Kanaré, 72 Kourté, 120 Kano, 20, 29 Kourtéré, 79, 80, 81, 119 Kanouri, 30 Koussa, 16, 42, 48, 62, 85, 86, 93, 175 Karakara, 52, 58, 59 Koutoufani, 72 Karai'gorou, 80, 136, 137, 147 Koutoukalé, 154 Karimama, 137, 148, 154 Koygolo, 16, 106, 108, 111, 113, 152 Karitonko, 148 Kwaratégi, 61, 123, 125 Karma, 106, 111, 112, 131, 154, 155, 157, 159, 160 Labzenga, 80 190

Lamordé, 16, 80, 106, 115, 118, 119, 122, Nomabé, 127 124, 127, 128, 136, 137, 147, 148 Larba, 80, 137, 159 Ouro Le Caire, 36 Gueladio, 7, 129 Leïma, 108 Peul, Leka, 30 14, 43, 48, 69, 73, 79 à 82, 84, 91, 93 96, 101, 103 à 107, 111 à 116, 118 à Liboré, 72, 79, 153 122, 124, 125, 126 à 129, 130, 131, 136, Liboré Malalaï, 72 137, 141 à 144, 146 à 149, 155, 157, 160, Liboré Tonko, 72 161, 166, 175, 176 Liptako, 11, 116, 128, 129, 136 Lissouane, 132 Raffi, 27 Loga, 5, 11, 137, 141, 144, 152, 163 Roukoundoum, 58 Logomaten, 136, 137 Lougou, 5, 21, 22, 38, 152 Sabarey, 69, 75, 76 Lybie, 11 Sabiri, 14 Safa, 72 Saga, 69, 72, 77, 78, 92, Macina, 80, 115, 116, 127, 128, 129, 130, 137, 106, 121, 124, 131, 144 147 Madou, 60, 88, 90, 166, 167 Sahara, 11 Makka (La Mecque), 68, 73 Sakadamna, 44, 134 Mala, 72 Sakaranne, 14, 76, 86, 89, 132 Sakié, 76 Mallé, 14, 68, 69, 70, 72, 73, 75 Mali, 11, 27, 68, 73, 76, 128 Sakoaré, 131 Malinké, 72, 73 Sambéro, 75 Manding, 29, 33, 37 Sandiré, 131, 134, 142, 143, 144, 152 Manguéni, 11 Sandy Day, 70 Sanga-Sanga, 129 Matankari, 4, 5, 38, 39, 40, 52, 54, 55, 61, 124, 152, 163 Sansan Hawsa, 131, 148, 158 Matiakouali, 127 Saptaka, 69, 70, 75 Mawrey, 85, 95, 109, 122, 140, 145, 157, 158, Sargagi, 152 162, 175 Sargane, 14, 69, 70, 75, 153 Mawri Say, 74, 80, 92, 97, 106, 115, 116, 118, 126, MayakiKwara, 113 127, 129, 130, 136, 137, 148, 154, 155, 162 Mecque (La), 68, 73, 116 Moumbena, 79 Séfarai', 145 Moussadey, 60, 89, 90 Sénégal, 136, 155, 174 Settoré, 115 Nâ, 116, 118 Sinder, 116, 154, 155 Namari, 76 Sinsan, 60, 87, 88 Namari Kwara Hinka, 69 Sirba, 80, 116 Namari Yérima Day, 72 Sokorbé, 5, 11, 12, 16, 42, 50, 54, 55, 58, 60, Nasarawa, 59 61, 62, 79, 84, 87, 89, 90, 95, 108, 110, 111, 114, 134, 135, 136, 139, 142, 143, NMounga, 69, 72, 76, 106, 113, 124, 131, 137, 144, 145, 146, 152, 153, 157, 161, 162, 147, 148, 153, 154 163, 167, 170, 172 Neni, 42, 48, 62, 91, 92, 93, 96, 98, 116, 118, Sokoto, 106, 114, 126, 127, 129, 131, 137, 119, 121, 122, 123, 124, 126, 127 149, 152, 154, 156, 158, 160 Neni Gougou, gungu, 42, 61, 80, 91, 92, 93, Sonrai, Songhay, 14, 73, 76, 84, 85, 92, 101, 119, 121, 122, 124, 147 127, 129, 131, 132, 136, 137, 142, 148, Niafounké, 73 158, 159 Niamey, 4, 11, 12, 44, 52, 61, 74, 79, 80, 81, Sorbon, 124, 131, 155, 161 86, 91, 92, 120, 122, 123, 124, 125, 126, Sorgoré, 148 127, 137, 146, 147, 153, 154, 159, 161, Sorko, 162,163 73, 121, 125, 126, 127, 161 Sorom-sorom, 14 Niger, 7, 11, 12, 14, 25, 76, 116, 118, 130, 131, Soudan, 14, 136, 148, 152, 154, 155, 157, 158, 159, 27, 119, 176 162, 176 Sudye, Soudié, 14, 76, 86, 94, 132, 138 Nioro, 136 191

Soukourdo, 52 Wazan Guébé, 48 Sounga, 72 Wazi, 14, 74, 76, 86 Souranne Windi Korkoï, 127 Sourgay, Sourgey, 108, 141, 142, 167 Wourno, 118 Surgu, Sourgou, 131, 132, 135, 142, 144 Yakouba Kwara, 153, 154 Tabouti, 129 Yang Yang, 136 Tagabati, 157, 159 Yantala, 80 Tagazar, Tegazar, 16, 58, 74, 76, 86, 131, 132, Yarga, 113 134, 136 Yatakala, 155 Tahoua, 16, 85, 132 Yawdaï, 69, 75 Talak, 11 Yawri, 148 Tamkalla, 104, 105, 113 Yéni, 52, 70, 111 Tamou, 16, 129 Youri, 118, 119 Tanout, 138 Tapkin Gazo, 45 Zabarma, 44 Tapkin Katarma, 45 Zabarmawa, 28 Tchad, 152 Zamakwara, 72 Tchet, 138 Zamkiria, 70 Tchigai', 11 Zaria, 20 Tégama, 12 Zarma, 2, 3, 6, 12, 13, 16, 23, 28, 36, 37, Ten Dirma, 73 40, 41, 42, 45, 46, 48, 50, 58, 61, 63, 68, Ténéré, 11 69, 70, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 81, 84, 86, 87, 88, 89, 92, 93, 94, 95, 96, Tengueriguidich, 136 104, 105, 106, 111, 112, 113, 114, 115, Tera, 16 120, 121, 122, 124, 125, 126, 127, 130, Tessa, 70 131, 132, 134, 135, 136, 137, 138, 140, Tibiri, 20 141, 142, 147, 148, 149, 152, 153, 154, 156, 157, 162, 163, 166, 168, 172, 175 Tidirka, 70 Zarmaganda, 14, 52, 76, 125, 138, 147, 157 Tillabery, 74, 131 Zarmatarai', Zaimatarey, 3, 46, 72, 74 Tobil Fou, 70 Zigi, 2, 11, 14, 42, 50, 55, 58, 59, 60, 61, 62, Tiley, 108 63, 75, 76, 78, 79, 85, 87, 88, 90, 94, 95, Tombo Béri, 72 96, 104, 105, 114, 115, 131, 134, 135, Tombokiray, 70 136, 138, 139, 140, 145, 149, 152, 153, Tombouctou, 73, 74, 154, 155 154, 161, 162, 163, 164, 175 Tondi Kandjé, Kandji, 7, 11, 12, 16, 39, 42, Zinder, 162 48, 50, 52, 62, 63, 68, 75, 76, 78, 79, 85, Zouzou Beri 72 86, 93, 94, 96, 104, 131, 132, 134, 135, Zouzou Fandou, 111 136, 137, 138, 152, 153, 157, 161, 162, 175 Tondikouria, 132 Tondikwara, 69, 76, 124 Tongoumay, 130 Torobé, 104 Torodi, 16, 106, 120, 137 Touareg, Targui, 16, 36, 50, 62, 63, 68, 69, 73, 80, 84, 86, 94, 103, 110, 111, 115, 118, 124, 131, 132, 134, 135, 136, 137, 138, 140, 141, 142, 147, 148, 149, 154, 155, 157, 158, 159, 161, 162, 175 Tounfalis, 137

Ouadaï, 152 Ouénibé, 115 Oullimenden, 136, 148

Wangara, 29, 37, 76 .

■ 193

COLLECTION DES ETUDES NIGERIENNES

1 - In Memoriam Charles Le Coeur (épuisé)

2- Y.URVOY L'art dans le territoire du Niger. (épuisé)

3- M. DUPIRE La place du commerce et des marchés dans l'économie des Bororos (épuisé)

4- S. VIANES-BERNUS Mouvements de marchandises au Ghana (épuisé)

5- H. RAULIN Rapport provisoire mission 1961 (épuisé)

6- M. DUPIRE Les facteurs humains de l'économie pastorale

7- J. NICOLAISEN Structures politiques et sociales des Touaregs de l'Aïr et de l'Ahaggar(épuisé)

8- G.NICOLAS Notes ethnographiques sur le terroir, l'agriculture et l'élevage dans la vallée de Maradi (épuisé)

9- E. BERNUS Quelques aspects de l'évolution des Touaregs de l'Ouest (épuisé)

10- C.PIAULT Contribution à l'étude de la vie quotidienne de la femme Maouri, nouvelle édition, revue et augmentée

11- S. BERNUS Niamey, population et habitat. (épuisé)

12- H. RAULIN Techniques et bases socio-économiques des sociétés rurales du Niger Occidental et Central. (épuisé) 194

13- M. H. PIAULT Populations de l'Arewa. Introduction à une étude régionale (épuisé)

14- H. RAULIN Enquête socio-économique rurale 1961-1963 (épuisé)

15- N. ECHARD Etude socio-économique dans les vallées de l'Ader Doutchi-Majya (épuisé)

16 - G. MAINET et G. NICOLAS La vallée du Gulbi de Maradi (épuisé)

17- P.DAVID La geste du Grand K'Aura Assao (épuisé)

18- P.DAVID Maradi, l'ancien état et l'ancienne ville. Site, population, histoire (épuisé)

19 - R. ROCHETTE, J.D. GRONOFF, F.MASSEPORT, A. VALANCOT Doumega, , Kawara Débé, villages des Dallols Maouri et Fogha (épuisé)

20- J.P. OLIVIER de SARDAN Les Wogos du Niger (épuisé)

21- J.NICOLAS "Les juments des Dieux". Rites de possession et condition faminine en pays Hausa (épuisé)

22 - H. DOUMESCHE, G. NICOLAS, Maman dan MOUCHE Etude socio-économique de deux villages Hausa (épuisé)

23- P. BONTE L'élevage et le commerce du bétail dans l'Ader Doutchi-Majya

24- D. LAYA Recherche et développement. Le projet de mise en valeur des cuvettes de Kutukalé et Karma, en pays Songhay.

25- J.P. OLIVIER de SARDAN Les voleurs d'hommes (notes sur l'histoire des Kurtey).

26- C. RAYNAUT Quelques données de l'horticulture dans la Vallée de Maradi.

27- A. SALIFOU Le Damagaram ou Sultanat de Zinder au XIXe siècle, 1971. 195

28- S. BERNUS H. Barth chez les Touaregs de l'Air, 1972

29- C. BAROIN Marques de bétail chez les Daza et les Azza du Niger, 1973.

30- B. SURUGUE Contribution à l'étude de la musique sacrée Zarma-Songhay, 1972.

31- S. et E. BERNUS Du sel et des dattes,. 1973.

32- Y.PONCET Cartes ethno-démographiques du Niger, 1973.

33- A. SALIFOU Kaoussan ou la Révolte Sénoussiste, 1973.

34- M. SIDIKOU Sédentarité et Mobilité entre Niger et Zgaret, 1974.

35- H.GUILLAUME

"Les Nomades interrompus" - Introduction à l'étude du Canton Twareg de l'Imanan.

36- N. ECHARD L'expérience du passé. Histoire de la société paysanne haussa de l'Ader.

37- P. DONAINT Les cadres géographiques à travers les langues du Niger. Contribution à la pédagogie de l'étude du milieu.

38- DjiboHAMANI L'ADAR précolonial (République du Niger). Contribution à l'étude de l'histoire des Etats Hausa.

Toute la correspondance concernant les Etudes Nigériennes doit être adressée

Mme S. BERNUS - Laboratoire d'Anthropologie Sociale, Collège de France, 11, Place Marcelin Berthelot - 75231 PARIS Cedex 05.

197

TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS 1

INTRODUCTION 3

PRESENTATION GEOGRAPHIQUE 9 A.— Situation géographique des Mawri Zarmaphones 11 B.— Le relief 11

C.- Le climat 12 D.— L'occupation du cadre géographique 14

CHAPITRE I : L'ORIGINE DES MAWRI 17

A.— Les traditions 18

B.- Analyse des textes 26 C.— Interprétation 26

CHAPITRE H : L'IMPLANTATION ARAWA EN PAYS ZARMA 41

A.— Introduction 42 B.— Le Tondi Kandjé 48 C.- Le Zigi 50

CHAPITRE III : LES PREMIERS OCCUPANTS DE LA TERRE 65

A.— Les Zarma 68

B.— Les Goubé 78

C.- Les Peuls 79

D.— Conclusion 81

CHAPITRE IV : FORMATION DES COMMUNAUTES MAWRI 83

A.— Le processus d'appropriation des terres et des puits 84 B.— Les structures politiques 93 C.- L'exercice du pouvoir 96 D.— Conclusion 101 198

CHAPITRE V : LES GUERRES PEULES ET TOUAREGUES ET LEURS CONSEQUENCES 103 A.— L'offensive peule 104 B.- Dans le Issa-Mé 115 C.— Les raids touaregs 131 D.— Les conséquences 137

CHAPITRE VI : MISSIONS EUROPEENNES ET OCCUPATION FRAN¬ ÇAISE 151

CHAPITRE Vn : L'ORGANISATION SOCIALE 165

CONCLUSION 173

Sources :

1. Informateurs 179

2. Archives 180

3. Auteurs 180

Index :

— Auteurs cités 183

— Personnages 183

— Lieux et Ethnies 187

Collection des Etudes Nigériennes 193 Achevé d'imprimer sur les presses de Copédith

, me des Ardennes 75019 PARIS le 3ème trimestre 1977

Dépôt légal n° 6048 f

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