De Vincenzi : « Avec Lui, Sur Le Terrain, on Cha Littéralement La Balle Des Mains De Jim Bilba
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Bleu Rouge 10 Noir Jaune CHAMPIONNAT D’EUROPE MESSIEURS (21juin-3juillet) 2e TOUR Un ouragan nommé Tariq Son physique, sa puissance, sa rage de vaincre, sa détermination peuvent le réduire à une image de fauve. En fait, Tariq Abdul-Wahad, meilleur marqueur français après le premier tour, n’aspire qu’à aller au bout de ses envies. D’un de nos envoyés spéciaux coin. Mais lorsqu’il s’engage dans un truc, lorsqu’il est voulait à la terre entière. Comme s’il puisait dans àPau sur le terrain pour l’entre-deux, il est à son top. » Prêt cette haine la force de réussir, recréant cette « bulle Laurent COADIC à bondir, à se projeter avec une conviction d’une d’hostilité » dont il admet s’entourer sur un terrain. force incroyable. Comme si le théâtre d’un simple « En match ou à l’entraînement, en face d’un AR où commencer ? Comment faire le tour de match rejouait chaque fois sa vie. joueur, ça devient personnel. Ça, je l’admets. Mais ça ce phénomène qu’on ne cesse de décortiquer « Je prends toujours ce qu’on me donne, aime-t-il n’a rien à voir avec le reste. » P en mille images éclatées, plus fulgurantes les répéter, et quand on ne me donne rien, je vais cher- Peut-être. Reste que sa carrière est jalonnée de unes que les autres ? Par une autre image moins cher. » A la force du poignet et d’une conviction qui conflits sur lesquels elle semble s’être bâtie. Un épi- elliptique, peut-être : celle d’un joueur détalant confine au mysticisme. C’est grâce à elle qu’il a réussi sode que Tariq ne nie d’ailleurs pas : Euro juniors comme s’il courait après son âme envolée dans la à devenir un joueur de NBA. Parti seul d’Evreux en 1994 et la confrontation avec son entraîneur, Gaëtan foulée de Jim Bilba, parti seul en contre vers le panier 1993 pour intégrer l’université de Michigan, c’est Le Brigant. «D’abord, se souvient ce dernier, il a macédonien, pour lui réclamer la balle et se ruer au encore seul qu’il décide de quitter Ann Arbor, jugeant refusé d’évoluer au poste 4, parce qu’un coach améri- dunk dans une rage offerte au public. Ou bien, peut- qu’on y enterre son rêve. cain lui avait dit que son avenir en NBA était à l’exté- être, par une explication, confondante de mauvaise rieur. Il a même quitté un entraînement. Et puis lors foi, mais habilement décochée dans un sourire désar- La plonge d’un match face à Israël, il a transformé chaque bal- mant : « Oh ! mais Jim est trop vieux, je ne voulais lonoffensifenpénétrationouentir.Jen’aijamaiseu pas qu’il rate son dunk ! Il a mal aux genoux ! » dans un restaurant caribéen un joueur autant tourné vers sa réussite personnelle. Talent, avidité, grâce, intelligence, individualisme, Hiver 1995 : une voiture abandonnée sur le parking Tariq a un caractère hors norme que je n’ai pas réussi charisme, ambition forcenée : c’est un peu tout ça d’une gare, un train en partance vers Chicago, puis la àgérer.» Tariq Abdul-Wahad. Un volcan. Une présence, un Californie et l’espoir qui reverdit à San Jose State, magnétisme presque animal. Et un torrent de senti- dans la sueur et l’anonymat. Le parcours d’un vrai « Excessif dans les deux sens » ments provoqués autour de lui, d’une puissance trop pionnier. Une épreuve initiatique dont il parle toujours Mais comment canaliser un tel fauve ? Il intimide inouïe pour bien en saisir le trouble instantanément. comme du « vrai test ». certains journalistes et avoue en jouer. Capable de Automne 1996 : il retrouve les terrains de basket. dire : « Je fais ce que je sais faire, si ça correspond à La foudre ou le soleil ? Pendant de longs mois, il s’est entraîné seul, a vécu ce que veut le coach, tant mieux », il peut aussi irriter « Je suis vraiment quelqu’un qui porte son carac- chichement avec l’argent envoyé par quelques coéquipiers et entraîneurs. Il parle souvent à tère sur son visage, dit-il pourtant. Je ne suis pas poli- proches et la fédération, « ravalé sa fierté » pour faire l’emporte-pièce, mais se fiche totalement des réac- ticaly correct. C’est de l’honnêteté. » Toujours à l’état la plonge dans un restau caribéen. «Jemedébattais tions des autres. « Tariq est très compliqué, très diffi- brut, parfois trop violente pour être appréhendée mais j’avais dépassé le doute. Dans ma tête, il n’y cile à gérer, confie un proche. Mais il est excessif sereinement. A défaut de le définir, c’est sans doute avait pas d’alternative : il fallait avancer. » Juin 1997 : dans les deux sens. Il est aussi capable d’une grande ceregardmarronsiintense,dontonnesaitjamaissi septième scoreur NCAA, il est drafté par les Sacra- générosité. » c’est la foudre ou le soleil qui va en surgir, qui dévoile mento Kings. Le rêve s’est matérialisé. En fait, il se jette à la face du monde. Sans filtre. le mieux son tempérament. Ce même regard qui arra- Tariq Abdul-Wahad, c’est l’histoire d’un gamin qui Sans filet. De Vincenzi : « Avec lui, sur le terrain, on cha littéralement la balle des mains de Jim Bilba. voulait marcher sur la lune. Etre le premier pour lais- est toujours sur le fil du rasoir. C’est vrai qu’on peut Celui, aussi, qui a marqué à vie Jean-Pierre de Vin- ser une trace ineffaçable. Ne reconnaît-il pas avoir l’impression que ça va exploser mais ça cenzi, un jour d’été 1992, lors d’un stage de l’équipe aujourd’hui que le défi NBA l’aurait moins tenaillé si n’explose pas. Il s’arrête avant. Moi, je le connais de France juniors. L’échange tourne au défi. un autre l’avait réussi avant lui ? Ne dit-il pas, mi- depuis huit ans, alors je le gère au feeling. » Mais le Ni l’un ni l’autre ne baissant les yeux, tout le monde amusé, mi-sérieux, être « le Youri Gagarine » du bas- plus compliqué est peut-être d’amortir ce qu’il pro- se fige autour d’eux dans un silence gêné. De Vincen- ket français ? Le premier. L’unique. Et le dernier. voque autour de lui. Inconnu du grand public il y a zi fait un pas, sans savoir où il le mènera. Poussant Mais se débattre seul, à l’autre bout du monde, encore quelques semaines, Tariq Abdul-Wahad son coach jusqu’à ses limites, le jeune effronté finit semble transformer en rage une énergie jusque-là déferle sur la compétition comme un ouragan, déga- par baisser les yeux. Tariq avait 18 ans et déjà un contenue. geant la même impression de puissance physique tempérament hors du commun. Aujourd’hui, avec Pendant quatre ans, il a ruminé les sarcasmes de saisissante qu’un Lomu ou un Ronaldo. Micros, l’aplomb d’un jeune homme de vingt-quatre ans qui ceux qui ne croyaient pas en lui et les quelques mots caméras, dithyrambes, autographes : il emporte tout sait avoir marché là ou aucun autre Français n’a posé de son ex-entraîneur, Benoît Burguet, dans le maga- sur son passage, emmenant ses coéquipiers à des le pied, il ne les baisse plus. zine Maxi Basket : « un talent fou, dur à coacher, plus hauteurs jamais fréquentées. Au bord de la rupture ou « Lors des temps morts, explique aujourd’hui le un 3 qu’un 4. » Une broutille. Au pire, une égrati- aux portes d’une finale ? Tout le monde se pose la coach de l’équipe de France, c’est le seul qui me fixe gnure. Mais Tariq se sent méprisé. Les noms question. Pas lui. Ses yeux ne voient que Bercy bouil- dans les yeux. A certains moments, il est dans son d’oiseaux fusent dans la presse. C’est comme s’il en lir un soir d’été. ÉQUIPE DE FRANCE Noir Bleu Une France plurielle Les Bleus ont su respecter leurs valeurs pour passer le cap du premier tour. Et la variété Noir Bleu de leurs options collectives et individuelles les autorise à aborder le deuxième avec confiance. Rouge Jaune D’un de nos envoyés spéciaux lumière peut jaillir de ses entrailles à tout grandes étoiles de la compétition, un un ou deux autres est même vivement Rouge àPau moment. pivot d’altitude (Weis) encore perfectible conseillé, afin de gagner en confiance Jaune Arnaud LECOMTE La France détient en elle trois vrais tré- sur cet Euro, car sa condition physique avant le quart de finale. sors. Primo, elle témoigne d’une solidité est précaire, et une multitude de solutions La marge de manœuvre est étroite car mentale dont on ne fait pas la découverte individuelles dans des registres complé- Espagnols, Russes et Slovènes possè- AU est écrasé sous une chaleur ces jours-ci. Depuis quatre ans, plus mentaires. espagnole, mais l’équipe de dent de très sérieux arguments. Et la encore depuis deux ans, elle cède très À partir de ces trois bases, son arsenal France ne prétend pas survoler son sujet P France garde la tête froide. Son rarement sur ce terrain, comme l’ont collectif s’est amélioré de match en face à de telles sélections. Des progrès épiderme s’est endurci trois jours durant prouvé les deux parties à haute pression, à Toulouse, où son entrée dans la com- match, si l’on veut bien mettre de côté la sont attendus dans le contrôle du jeu, celles qu’il ne fallait pas perdre (Macé- deuxième mi-temps très particulière face dans la circulation de balle et dans la ges- pétition s’est accompagnée, tour à tour, doine et Israël), alors que les Bleus ne de doutes, d’exaltation, de questions et à une Yougoslavie ayant durci le jeu de tion de l’écart lorsqu’il est créé.