Publié le 15 novembre 2007(Mise à jour le 15/11) Par redaction

Roland de Pury, un théologien non conformiste

A l’occasion du centenaire de sa naissance, une journée d’études lui est consacrée. Jean-François Zorn, professeur d’histoire du christianisme à l’époque contemporaine à la faculté de théologie protestante de Montpellier, expose les étapes significatives de « quarante-cinq ans d’action et d’existence théologique » de cette figure marquante du protestantisme réformé.

Passé une éphémère ambition littéraire de jeunesse après l’obtention d’une licence de lettres à Neuchâtel en 1929, Pury voit sa vocation théologique d’âge adulte se confirmer dans l’Allemagne des débuts du nazisme. Cofondateur, avec Henry Corbin, Roger Jézéquel, et Albert-Marie Schmidt, alors qu’il est étudiant en théologie à Paris, de la revueHic et Nunc, « une première salve de l’offensive barthienne en France » (Arnaud Baubérot), il passe à l’année académique 1932-33. Témoin de la prise de pouvoir d’Hitler et de sa tentative de mainmise sur l’Eglise protestante par le groupe des « chrétiens allemands », il suit les cours de Barth dont il approuve la théologie dialectique qui refuse l’amalgame du christianisme et du national-socialisme. Pury écrit alors à E. de Montmollin que, « sans Barth, on pourrait presque dire qu’il n’y aurait plus d’Eglise en Allemagne ». Ces Lettres d’Europe, aujourd’hui en voie d’édition, inaugurent un genre littéraire dont le ton est libre, souvent tranchant, quelquefois sévère, jamais dépourvu d’humour. Ses premières années de pastorat dans l’Eglise réformée de France en Vendée (1934-38) sont relatées dans lesLettres de Moncoutant (publiées en 2001), véritable journal d’un pasteur de campagne qui se donne pour mission d’élargir les horizons d’une paroisse piétiste. Nommé ensuite pasteur de l’Eglise des Terreaux à , une communauté qui regroupe des libristes héritiers d’Adolphe Monod, Pury se révèle un prédicateur aussi ardent que son illustre prédécesseur.

Protestation solennelle

Opposé à la collaboration après la prise de pouvoir de Pétain en 1940, il relaye en France le combat de l’Eglise confessante allemande aux côtés de Pierre Maury, directeur de Foi et Vie. Les 16 et 17 septembre 1941, avec d’autres pasteurs et laïcs à la recherche de « ce que l’Eglise doit dire aujourd’hui au monde », il participe à la rédaction des thèses de Pomeyrol dans lesquelles l’Eglise « élève une protestation solennelle contre tout statut rejetant les Juifs hors des communautés humaines ». Dimanche après dimanche, sa prédication développe les thèmes d’une « résistance spirituelle » qui lui valent d’être arrêté par la en plein culte le 30 mai 1943. Incarcéré au fort de Montluc jusqu’au 25 octobre, il écrit un Journal de Cellule et un commentaire de la première épître de Pierre, Pierres Vivantes, publiés en 1944. Pendant son incarcération paraît Présence de l’éternité, consacré aux fêtes chrétiennes. Ce « bouquin », écrit-il, qui « criait au dehors librement au moment où on me fermait la bouche ».

Contre la colonisation

Revenu à son poste qu’il occupe jusqu’en 1957, Pury voyage en Europe et participe aux grandes causes de l’heure : consolidation de la paix et affermissement de l’œcuménisme avec ses prolongement dans le dialogue avec le judaïsme. C’est aussi la période d’une intense production littéraire multiforme souvent rééditée jusqu’à nos jours. Pury écrit des pièces de théâtre qu’il fait jouer à ses paroissiens, L’invitation au festin et Le serviteur impitoyable (1945), publie des prédications, Notre Père (1945), Ton règne vienne (1946), réédite son catéchisme Que veut dire la Bible ? (1948), se lance dans des essais théologiques, La Maison de Dieu, éléments d’une ecclésiologie trinitaire (1946), Pâques ou la droite de Dieu (1955), Job ou l’homme révolté (1955).

En 1957, en réponse aux appels de la Société des missions évangélique de Paris, il part pour le Cameroun puis, en 1961, pour . Pendant ces neufs années de pastorat et d’enseignement à l’heure de la décolonisation et de l’autonomie des Eglises, Pury s’engage dans un nouveau combat de la parole contre la colonisation qu’il débusque autant dans le néocolonialisme des pays du Nord que dans la défense de la culture traditionnelle des pays du Sud. Sa dénonciation des effets de la dot au Cameroun et du retournement des morts à Madagascar, jointe à la reconnaissance de la vivacité de la foi des chrétiens du Sud, est relatée dans un vigoureux petit ouvrage,Les Eglises d’Afrique entre l’Evangile et la coutume (1958) et des séries de lettres à ses amis : de Ndoungué (1957-60, inédites),d’Amatolampy (1961-63, inédites),d’Ambatomanga (1964-1967), publiées dans L’illustré protestant puis en un livre Des Antipodes (1967).

La fin de son ministère se déroule à Aix-en-Provence où Pury est d’abord aumônier universitaire puis pasteur de l’Eglise réformée. Deux événements symboliques marquent cette période : le 30 octobre 1968, il est fait docteur honoris causa de la faculté de théologie protestante de Montpellier pour « l’originalité de son esprit, la courageuse sincérité de ses propos, les dons de son style à la pointe du mouvement théologique de notre époque » (doyen Jean Cadier) ; le 30 novembre 1976, la Médaille des Justes est remise au « Pasteur Roland et Jacqueline de Pury qui, au péril de leur vie, ont sauvé des Juifs pendant l’époque d’extermination ». Mais, entre-temps, le 9 novembre, Jacqueline, avec laquelle il avait eu huit enfants et à laquelle il avait dédié un livre, Liberté à deux. Le couple et l’Evangile (1967), décède. Ce départ provoque en lui une douleur qu’il ne parvient à dépasser que trois ans plus tard avant d’être lui-même terrassé par un infarctus le 24 janvier 1979 après avoir donné une conférence à Lyon : « Est-il besoin de l’Eglise pour croire ? ».

Vivre et mourir avec une question : telle est la posture qui résume cette existence traversée de joies et d’épreuves, de certitudes et d’indignations, dont les soutiens et les hostilités qu’elle suscita attestent sa pertinence historique et son intérêt toujours actuel.

Journée d’études du 1er décembre, de 9 h à 17 h

Quatre conférences :

« Pury, le résistant », par Martin Rott « le théologien », par Denis Müller

« le pasteur », par Paul Loupiac

« le missionnaire », par Jean-François Zorn.

Exposition :

« Pury, l’itinéraire et l’action » (Martin Rott, Pierre Yves Kirschleger).

Pour s’inscrire :

Faculté de théologie protestante,

13, rue Louis-Perrier,

34000 Montpellier.

04 67 06 45 71 [email protected]

tarifs : 5 euros ou 15 euros pour un plateau-repas pris sur place.