Parties de Courts métrages 2017-2018

Lycéenscampagne et apprentis au cinéma une édition Parties de campagne Édition Sommaire Directeur de la publication : Philippe Germain / Propriété : Le programme a été constitué par un comité de sélection Tous les états sont dans la nature 3 réunissant des enseignants et les partenaires de Lycéens et Ciclic, agence régionale du Centre-Val de Loire pour le livre, apprentis au cinéma en région Centre-Val de Loire. Il est diffusé en l’image et la culture numérique, 24 rue Renan, CS 70 031, 37110 Le vert paradis des amours juvéniles 5 collaboration avec L’Agence du court métrage. Château-Renault, tél. 02 47 56 08 08, www.ciclic.fr / Rédaction en chef : Christophe Chauville / Conception éditoriale : Christophe Partie de campagne 7 Chauville et Julien Hairault / Conception graphique : Dominique Lycéens et apprentis au cinéma Bastien / Conception des rubriques en ligne sur www.ciclic.fr : Au premier dimanche d’août 10 Julien Sénélas / Recherches documentaires : Coline Anxionnaz / Lycéens et apprentis au cinéma en région Centre-Val de Loire est Les Amoureuses 12 Remerciements : L’Agence du court métrage (Cécile Horreau), coordonné par Ciclic avec le soutien du Centre national du cinéma Clair Obscur (Jacques Froger). et de l’image animée, de la Région Centre-Val de Loire, de la Drac Une leçon particulière 14 Sources iconographiques : tous droits réservés (Solaris Distribution, et du rectorat de l’académie Orléans-Tours, la Draaf et le concours SND, Les Films de l’Arlequin, La Mer à Boire Productions, Raphaël Tous les chemins mènent à Renoir 16 des salles de cinéma participant à l’opération. Chevènement). Les droits de reproduction des illustrations sont réservés pour les auteurs ou ayants droit dont nous n’avons pas Avant / Après la séance 17 trouvé les coordonnées malgré nos recherches et dans les cas Sélection vidéo et bibliographique 18 Auteurs du livret éventuels où des mentions n’auraient pas été spécifiées. Thomas Anquetin : enseignant de lettres et de cinéma. Publication : septembre 2017. Compléments de programme 19 Christophe Chauville : journaliste cinéma, rédacteur à Bref, la revue du court métrage. Amélie Dubois : enseignante, programmatrice et critique de cinéma. Autrice de plusieurs livrets Lycéens et apprentis au cinéma. Suzanne de Lacotte : responsable de la programmation Hors les murs pour le festival du Cinéma du réel et intervenante auprès des dispositifs d’éducation à l’image. Raphaëlle Pireyre : journaliste cinéma (Critikat, Bref…), et intervenante auprès des dispositifs d’éducation à l’image. David Ridet : enseignant d’anglais, missionné auprès de Lycéens et apprentis au cinéma. Xavier Orain : enseignant de lettres, dessinateur.

2 de Werner Herzog que sont Fitzcarraldo [3] et Aguirre, la colère de Dieu ou dans le chef- d’œuvre de Francis Ford Coppola Apocalypse Now [2], dans les tréfonds de de la jungle viet- namienne. Tous les états sont Sur une tonalité différente, Akira Kurosawa touchait à des considérations existentielles, sinon métaphysiques, en plongeant ses héros dans la taïga touffue de Dersou Ouzala (1975). Dans le désert californien de Gerry [7], Gus Van Sant faisait en 2002 marcher sans fin, ou plu- tôt jusqu’à un tragique dénouement, deux amis portant le même prénom en une métaphore dans la nature dépouillée de la destinée humaine plaçant l’homme face au monde, sans rien autour de Dans son film de montage Lumière ! L’aventure inspireront, d’un Pagnol filmant sa Provence lui, sinon ses propres pensées. commence (2016), dont il assure de surcroît – du moins par intermittences – à quelques La frontière entre la réalité et le fantastique, la narration, Thierry Frémaux évoque l’un des audacieux s’affranchissant des artifices des sinon les visions fantasmatiques, est alors té- premiers films réalisés par les frères Lumière, studios – comme, ce qui est plutôt inattendu nue et le territoire des fantômes dépasse aisé- qui fit partie de la séance publique originelle du en regard de son image future, Marcel Carné ment la perception ordinaire. Une tendance du 28 décembre 1895 à Paris, dans le Salon indien posant, avec Nogent, eldorado du dimanche, sa cinéma d’animation, par exemple celui d’Hayao du Grand Café : Le Repas de bébé. Il rappelle caméra sur les bords de la Marne en 1928. Jean Miyazaki, ou les réflexions philosophiques d’un alors que ce qui fascina avant tout les specta- Renoir s’installait à son tour au bord de l’eau Apichatpong Weerasethakul – d’Oncle Boonmee teurs de la saynète, au-delà de sa charmante huit ans plus tard avec sa Partie de campagne, à Cemetery of Splendour – consacrent l’action cocasserie, figurait à l’arrière-plan de la ter- dont il ignorait alors qu’il ne finirait pas le film d’un cadre dense et luxuriant sur l’esprit de rasse où était installé son trio de protagonistes, lui-même et que le résultat deviendrait l’un de ceux qui s’y enfoncent. à savoir ces branchages agités par le vent. La ses films les plus admirés et dont l’influence Enfer ou Eden ? nature en mouvement, déjà, impressionnait la serait la plus forte. 1 pellicule comme le regard de ceux qui décou- Avec le cinéma moderne d’après-guerre, l’ex- La nature offre éventuellement aussi un havre vraient les premières images animées. plosion du néo-réalisme italien ou la révélation de répit, une pureté originelle encore non À la suite des Lumière, l’art cinématographique de Bergman, d’Antonioni ou des grands maîtres souillée par l’activité humaine, notamment la naissant mit régulièrement à contribution dans japonais, filmer en pleine nature et explorer guerre. Terrence Malick l’illustre pleinement ses prises de vues les différents visages de la éventuellement les répercutions intimes du dans La Ligne rouge [5], où la vie dans des îlots nature, à la fois pour ce qui devenait le ciné- cadre sur l’évolution des personnages devint paradisiaques du Pacifique contraste pour un ma de fiction ou dans des registres se définis- une évidence. Toutes les dimensions de ces ef- déserteur avec l’horreur des combats de la Se- conde Guerre mondiale. De quoi respirer, vivre sant comme plus directement documentaires. fets de reflets furent explorées, de l’inquiétude sans entrave, jouir, aimer... La beauté et la grandeur de paysages naturels suscitée par un univers vaste et inconnu, rece- pouvaient aussi bien servir de cadre que direc- lant quantité d’éventuelles menaces, à l’ivresse Car de tous les sentiments humains, l’amour tement de sujet, mais aussi conditionner et in- provoquée par l’air pur, la verdure et le mystère 2 est celui qui est, sans surprise, le plus direc- fluencer l’itinéraire des personnages amenés de la création, quelle que puisse être son ori- tement touché, bouleversé, amplifié ou même à y évoluer. Les exemples sont innombrables, gine. trahi dans un cadre naturel plus grand que la même si le cinéma fut bientôt d’abord une af- Le cinéma d’aventures ne fut pas le seul vie. C’est le point d’ancrage du programme Par- faire de studio(s) et de tournages en intérieurs, concerné, bien loin de là, mais poussa à son ties de campagne et les grandes sagas épiques mobilisant des cohortes de décorateurs et de paroxysme la confusion des sens perturbés abondent en ce sens, des étendues enneigées collaborateurs artistiques. Mais le Tabou de ou enivrés. Alors qu’un John Boorman faisait ou parsemées de jonquilles éclatantes de jaune Murnau, le Nanouk de Flaherty ou La Femme basculer dans Délivrance [4], en 1972, un week- dans Le Docteur Jivago, de David Lean, au petit au corbeau [1] de Frank Borzage portent au end entre amis dans un cauchemar des plus bois où le héros des Fraises sauvages d’Ingmar plus haut point l’interaction entre l’humain et traumatisants, la folie naissait en pleine forêt Bergman revit ses émois de jeunesse alors qu’il la nature qui l’entoure. En France, certains s’en amazonienne dans les grands films de l’époque 3 atteint, sans l’avoir venu venir, l’hiver de sa vie. 3 Le maître de Faro aura établi également avec avaient jusqu’alors toujours mis en présence. presque, finalement, à sa non réalisation avec Monika une sorte de valeur-étalon du lien entre La séduction, dans le plus récent L’Inconnu le passage du temps. D’où l’importance de sa- l’éveil de la sensualité et la nature intrinsèque- du lac d’Alain Guiraudie, profite idéalement voir profiter de ce qui peut s’offrir, de satisfaire ment enivrante. L’un des titres alternatif du film de ce site fascinant, au bord du lac et dans le l’envie de vivre et de faire la fête induites par Au est d’ailleurs « Monika et le désir » et l’écho est sous-bois tout proche, abritant les amours du premier dimanche d’août avec force musique, direct entre les envies naissantes de la jeune jeune homosexuel incarné par Pierre Deladon- danses et couleurs. Cette nuit d’été est propice Henriette de Partie de campagne lors de son champs avec un séducteur parfois inquiétant, aux rencontres, aux sensations diverses, à tous escapade sur les rives du Loing et ceux de la qui évoque la figure du grand méchant loup des les possibles. Comme dans les carnavals où les masques, ici celui du vacancier en pleine dispo- petite ouvrière Monika sur son île sauvage, où 4 contes. nibilité, permettent toutes les audaces (voir le elle noue une idylle estivale avec le garçon li- Une dimension exceptionnelle est induite par Karnaval de Thomas Vincent, 1999, en l’occur- vreur qu’elle a rencontré. ce qui est plus qu’un simple cadre, mais un rence celui, urbain, de Dunkerque où autour de La vacance du temps, laissant libre cours aux élément déclencheur, précipitant les destinées la figure de l’héroïne, un couple se défait et un rêveries et à la naissance d’affinités physiques, même sur une temporalité qui n’est pas aussi autre se cristallise). loin de la ville, des appartements exigus et des extraordinaire que l’après-midi champêtre de lieux de travail, est favorable à l’éveil des sens, Partie de campagne ou la fête de village dans Ne garde-t-on pas tous au creux de sa mémoire quel que soit l’âge des personnages et qu’il soit Au premier dimanche d’août. Parfois, un évé- un souvenir de vacances au bord de l’eau, de question de premiers émois ou de pulsions plus nement inattendu bouleverse littéralement la bal populaire ou de proximité avec un être aimé 5 adultes, comme c’est le cas dans Les Amou- quiétude du quotidien et s’inscrit de manière ayant mis les sens à ébullition ? Nombreux reuses de Catherine Cosme, également inclus indélébile dans la mémoire. Le lycéen d’Une sans doute sont ceux qui, à bien y réfléchir, dans le programme Parties de campagne. On leçon particulière se rappellera peut-être toute pourraient parvenir à une telle conclusion : pense aussi, dans un champ sémantique voisin, sa vie ces instants passés tout près de sa tu- « J’y pense tous les soirs »... à un autre film suédois resté célèbre dans l’his- trice, de la même manière que le vieillard des Christophe Chauville toire du cinéma, Elle n’a dansé qu’un seul été Fraises sauvages revient vers le coin de jar- [6], d’Arne Mattson (1951), où deux adolescents din où il cueillait des fruits avec sa cousine ou tombés amoureux se donnent l’un à l’autre au qu’Henriette, bien entendu, foule à nouveau le bord d’un lac scintillant, dans un cadre naturel sol de sa rencontre amoureuse avec Henri, un d’une exceptionnelle splendeur. Ici, l’entourage souvenir qui la hante encore au quotidien. des jeunes gens, strict et puritain, agit comme 6 Les feuilles mortes se une force contraire d’empêchement, qui existe également dans le film de Renoir : Henriette ne ramassent à la pelle vivra pas avec celui qu’elle aimera à jamais et Quelque chose se perd dans les méandres du leur relation n’aura existé que durant quelques temps, que l’on ne retrouve jamais et on sou- minutes. Elle en épousera un autre, contrainte haite à la Sara des Amoureuses, alors qu’elle par la volonté de son père et par toute une s’éloigne, radieuse, de la tente de Lilian, de ne construction socio-économique occidentale. jamais regretter ce moment et d’en connaître À perdre la raison beaucoup d’autres, au moins aussi importants, même si son euphorie la situe alors bien loin de L’amour entravé, ou rendu impossible, est avec telles considérations mélancoliques. l’héritage shakespearien à la base de la psyché Car la nature ne rend-elle pas, dans sa majesté des civilisations modernes, pas seulement en 7 même, les désillusions encore plus cuisantes ? Europe. Au contraire, la nature, intrinsèque- On citera la métaphorique disparition, alors ment, peut permettre aux relations menacées que son couple a sombré dans une certaine in- ou interdites de s’épanouir. La verdure envelop- communicabilité, de l’Anna de L’Avventura, de pante constitue un motif ayant connu une riche Michelangelo Antonioni (1960), soudainement postérité – exemple parmi d’autre, le baiser en- introuvable sur une petite île rocailleuse de fin accepté par l’héroïne de Nuages épars, de l’archipel des Éoliennes. Le caractère éphé- Mikio Naruse (1967), se produit tandis que son mère des choses emporte souvent les person- soupirant l’a rejointe au milieu d’un écrin de vé- nages, la brièveté d’un événement équivalant gétation, alors que ce sont des intérieurs qui les 4 Autre béguin juvénile, celui de Cyril, dans Une leçon particulière, pour Éva, qui lui donne son cours à domicile, dans l’appartement de ses parents, visiblement absents. Le lycéen semble timide et emprunté, mais peut-être parce que Le vert paradis des c’est une femme plus mûre, déjà adulte, qui le trouble, et non une camarade qui aurait le même âge que lui. L’occasion de leur réunion, très officielle, n’offre du reste guère d’ouver- ture à l’expression des sentiments, même si c’est le cœur même de la séance de pédago- amours juvéniles gie, médiatisée par un poème d’amour de Victor Hugo. La réserve du jeune homme aurait peut- être été moindre dans un cadre différent, celui Avec le programme Parties de campagne, il de la fête populaire estivale du film d’animation est avant tout question de séduction, bien sûr, Au premier dimanche d’août, par exemple. À et de ces moments où des désirs impromptus la nuit tombée, on n’a ici la tête qu’à la fête, la apparaissent, parcourent les veines, occupent danse, l’exultation des corps, les rencontres l’esprit, emballent le cœur, zèbrent le quotidien éventuelles... Comme dans une discothèque à des jours d’un parfum exceptionnel, si grisant. ciel ouvert, où les jeunes gens se fient aux ha- Cette irruption du sentiment amoureux et/ou de sards, sans idée préconçue et en toute décon- l’attirance charnelle concerne au sein des films traction. ainsi réunis des personnalités de tous sexes et de tous âges, quoique jeunes en majeure par- La saison des amours tie. Surtout, ces instants d’une intensité parti- Le temps est une donnée capitale dans la nar- culière, échappant à la routine, prennent place ration de chacun des films du programme. à la fois en une temporalité signifiante et dans Dans Partie de campagne, son unité est par- un espace clos, ou presque, en tout cas délimité faite, si on excepte l’épilogue situé quelques et servant d’écrin à ce qui se joue et que la mise années après l’action principale. Nous sommes en scène tend à traduire le plus précisément à un moment donné bien balisé : un dimanche possible. passé au bord de l’eau par la famille Dufour. L’âge des possibles Henriette précise ne venir là qu’une fois par an et l’on devine ainsi aisément la valeur lit- Dans un fameux vers des Fleurs du mal, téralement extraordinaire de cette sortie, qui Charles Baudelaire chantait à travers Moesta et contraste avec la banalité d’autres pauses do- Errabunda « le vert paradis des amours enfan- minicales passées à domicile, à Paris, à proxi- tines », se retournant vers cet âge d’innocence mité de la quincaillerie familiale de la rue des depuis une maturité déjà avancée – quoique le Martyrs qui occupe les journées et les préoccu- sept ans dans Les Amoureuses de Catherine net particulier où l’a entraînée son prétendant poète n’avait finalement que trente-six ans à la pations de ses parents. Le propre destin de la Henri. première parution de son fameux recueil ! Cosme, éprouve déjà un élan affectif la condui- jeune fille y est lié, puisqu’on lui destine comme sant à la rédaction d’un message décomplexé à Dans Partie de campagne, Henriette est une Dans Les Amoureuses, la mère des deux époux le commis Anatole, qui reprendra sans l’attention du nouveau maître-nageur. À seize jeune fille en fleur, elle a dans la nouvelle de filles, qui approche sans doute la quarantaine, aucun doute la boutique, une fois l’âge de la re- ans, sa sœur aînée Sara a, elle, achevé sa pu- Maupassant dix-huit ou vingt ans et, même si éprouve aussi une attraction vive envers Lilian, traite arrivé pour son patron. la comédienne qui l’interprète dans le film de berté, son corps a acquis les attraits de la fé- aux résonances très adultes pour sa part, en Un espace de liberté mentale est ouvert par le Renoir, Sylvia Bataille, en a alors dix de plus, minité et l’effervescence hormonale qui tourne miroir des désirs encore vivaces de madame congé marquant cette journée passée loin de son ingénuité traduit parfaitement l’époque à plein régime la conduira vers sa « première Dufour, d’abord tournés vers son époux légi- Paris – en réalité à quelques kilomètres seu- de ces émois, alors plus tardive, évidemment, fois », symboliquement si importante et souvent time, puis, devant l’indifférence de celui-ci, lement –, qui rend toute bizarre la jeune fille, que pour les jeunes filles des années 2010. La fortement attendue. Cet événement fait écho à ouverts à la cour improvisée par le canotier disponible à des pensées insoupçonnées et à preuve en est que la petite Fantine, qui n’a que ce que connaît Henriette sur l’herbe du cabi- hâbleur Rodolphe. des expériences nouvelles. Sa mère elle aussi 5 se laisse gagner par des sensations d’ordinaire humaine, de la drague avérée à la bagarre jamais en dehors de l’appartement de la famille non formulées, sinon censurées. Cette paren- avinée. Notons combien Florence Miailhe de Cyril, la configuration du moment passé en thèse de vacance trouve un reflet dans la villé- excelle à saisir une communauté dans son compagnie d’Eva étant celle d’une proximi- giature du trio féminin des Amoureuses : si la ensemble, comme l’illustre à son tour, sur té, côte à côte et à l’abri de tous les regards, mère travaille sur place, dans le camping, elle un registre différent, son Conte de quartier même si les parents du jeune homme peuvent donne tout aussi bien l’impression de profiter proposé en bonus du DVD joint. potentiellement rentrer chez eux et rompre le d’une période de congés, au bord de la piscine Dans Partie de campagne, le petit théâtre de charme à tout instant. On ne voit l’extérieur que et en bénéficiant de larges plages de repos et ce qui s’apprête à bouleverser Henriette – et à de façon suggestive, lorsque la jeune femme de la langueur caractéristique des périodes un degré moindre sa mère Juliette – est claire- franchit la porte de l’appartement et s’en exemptées d’activité professionnelle. Pour ment posé dès les premiers instants du film : éloigne, ou par l’ouverture de la baie du balcon, Fantine comme pour Sara, ainsi que pour les une rivière, une auberge, l’herbe et le cerisier devant laquelle se figera Cyril, comme écrasé adolescents qui les entourent, l’absence d’obli- du site choisi pour le déjeuner, puis l’île où Hen- par son échec à retenir l’objet de son attirance. gations scolaires et la démobilisation de l’esprit ri conduit celle qu’il convoite. Le film se déroule La mise en parallèle avec le court métrage de sont propices à ce que surgisse certaines pré- naturellement en plein air, sous un ciel bleu et Katell Quillévéré L’Échappée, qui figure par- occupations, mystérieuses et parfois difficiles à ensoleillé appelé à se couvrir et s’assombrir au mi les suppléments du DVD, est judicieuse : formuler. fil de la journée, mais il s’agit presque d’un huis sa jeune héroïne, Mona, a elle aussi pu attirer clos en pleine nature. dans son propre territoire – encore plus conno- Pour le lycéen d’Une leçon particulière, l’année té puisqu’il s’agit de sa propre chambre – ce- Ce parti-pris est aussi clairement assumé dans scolaire n’est pas finie et son cours de soutien lui qui nourrit tous ses fantasmes, à savoir son Les Amoureuses, où le centre de vacances suggère que le bac de français, sans doute, est professeur de musique. Sa tentative de séduc- délimite précisément toutes les péripéties de au bout du chemin. Il a l’âge d’être en classe de tion restera vaine, même dans cet espace figu- la triple rencontre de Lilian par Aline et ses première et l’on suppose que ses parents, d’un rant son intimité la plus secrète. De quoi com- filles. La piscine, les bungalows, l’emplace- niveau plutôt aisé, ont tenu à mettre de son côté mencer à voir poindre les regrets ? « Dis-moi, ment de la petite tente de Lilian composent la des chances supplémentaires en investissant ton cœur parfois s’envole-t-il ? », interrogeait carte des lieux où se nouent tous les rapports dans ce cours particulier en compagnie d’une Baudelaire... répétitrice qui mène, peut-être, un cursus des personnages, sans sortir au-delà, vers un Christophe Chauville d’études à l’université. En tout cas, ce tête-à- endroit isolé où toute interaction d’un tiers se- tête studieux est fébrilement attendu par Cyril, rait impossible. Lorsque Sara s’engouffre dans comme une parenthèse ayant pris une impor- la tente du maître-nageur intérimaire, sa pe- tance toute spéciale dans son existence, autre- tite sœur comme sa mère pourraient les sur- ment plus importante que les heures passées prendre... Ce pourrait être le cas, dans l’absolu, en classe, avec les copains ou en famille. Cet dans Partie de campagne, si Rodolphe n’avait espace circonscrit à quelques minutes revêt pas délibérément orienté la mère d’Henriette pour lui une intensité sans équivalent et au dé- vers une autre direction, tandis que Dufour et but du film, le poids des heures déjà passées à Anatole ont été semés en acceptant des cannes désirer se rapprocher d’Éva trotte dans sa tête. à pêche les éloignant du lieu de l’action princi- pale, à savoir l’île du baiser... Les promesses de la promiscuité On signalera que la station balnéaire constitue Outre la temporalité, l’espace joue un rôle régulièrement au cinéma un cadre possible à majeur à chaque fois. Dans Au premier l’éveil des amours, voir le court métrage déjà dimanche d’août, la scène de ce qui se déroule classique de Laurent Cantet Jeux de plage (1995) [1], où la recherche d’intimité propre de sous nos yeux est la place d’un village, comme la part du héros adolescent consiste justement il en existe tant en France et où les populations à s’éloigner des endroits où peut se trouver son rurales se rassemblent volontiers pour des père envahissant, sans prévoir que celui-ci va feux de la Saint-Jean, un bal du 14-Juillet, des le suivre jusqu’à la calanque où il va se baigner feux d’artifice du 15 août ou maintes autres au petit matin, nu, avec la jeune fille qu’il a ren- occasions estivales ne manquant jamais à la contrée... sociabilité populaire. Il y a ainsi comme des planches où ces acteurs éphémères pourraient Dans Une leçon particulière, la donne est sen- jouer toutes les expressions de la comédie siblement différente, puisque le film ne sort 6 Partie de campagne

Partie de campagne, quoique « pas tout à fait terminé » selon le carton qui l’ouvre, est considéré comme un chef-d’œuvre incontesté du cinéma français. Le film s’inscrit dans la période la plus riche de la carrière de Jean Renoir, qui Été 1860. Monsieur Dufour, aligne entre 1934 et 1939 sept films appelés à devenir des classiques absolus du un commerçant parisien, patrimoine cinématographique hexagonal : Toni, Le Crime de Monsieur Lange, vient passer une journée à la Les Bas-fonds, , La Marseillaise, La Bête humaine et La Règle du jeu. campagne en famille pour Adaptation de l’œuvre – presque éponyme – de Maupassant Une partie de cam- la fête de son épouse, avec sa pagne, ce moyen métrage terminé en 1946, après la Seconde Guerre mondiale belle-mère, sa fille Henriette et, donc, dix ans après les prises de vues, est de l’avis de chacun une manière de et son commis et futur gendre rendre hommage à la peinture d’Auguste Renoir, père du cinéaste, mais aussi à Anatole. Ils s’arrêtent à d’autres grands noms de l’impressionnisme : Degas, Manet ou Monet. La figure de Zola, que Renoir devait adapter ensuite directement, se profile également en l’auberge du père Poulain, parallèle de celle de Maupassant. près de Bezons, pour Si la haute réputation du film tient à sa réussite gracieuse et bouleversante, il déjeuner sur l’herbe au bord est aussi l’un de ceux qui ont le plus excité la curiosité des exégètes, notamment de l’eau. Rodolphe et Henri, sur la question de son inachèvement, officiellement dû aux conditions climatiques deux canotiers, entreprennent exécrables de l’été 1936 sur les lieux du tournage au bord du Loing. Mais Renoir ne s’est jamais vraiment soucié de terminer le film et en parle du reste très peu de séduire Henriette et sa dans son fameux livre de souvenirs Ma vie et mes films (Flammarion, 1974). Il n’y mère... cite pas davantage Sylvia Bataille, ce qui donne une piste plausible, énoncée par Pierre Billard dans son ouvrage de référence L’âge classique du cinéma français, France, 1936, 40 minutes du cinéma parlant à la Nouvelle vague. Après tout, l’épouse de l’écrivain Georges Réalisation et scénario : Jean Renoir, d’après Bataille (et bientôt du psychanalyste Jacques Lacan !) pouvait aisément avoir, forte l’œuvre de Guy de Maupassant / Production : de sa beauté demeurée juvénile, fait tourner la tête du réalisateur alors quadra- Pierre Braunberger, Panthéon-Production / Image : génaire – il était né le 15 septembre 1894 à Montmartre – et qui avait grandi dans / Montage : Marguerite Houlé-Renoir, un univers féminin, peuplé non seulement des pulpeux modèles de son père, mais Marinette Cadix / Musique : (chanson aussi de sa cousine Gabrielle, figure prépondérante dans son enfance. Le début interprétée par Germaine Montero) / Décors : Robert de sa carrière de réalisateur, en 1924, s’était aussi placé sous le signe d’une muse Gys / Assistants-réalisateurs : , Henri éminemment renoirienne, , avec qui il tourna dans les années Cartier-Bresson / Photographe de plateau : Éli Lotar 1920 plusieurs de ses grands films muets : La Fille de l’eau, Nana et La Fille aux / Interprétation : Sylvie Bataille, Georges Darnoux, allumettes. Jane Marken, Jacques B. Brunius, Gabriello, Paul Acclamé par les critiques en 1946, en tête desquels Alexandre Astruc ou Pierre Temps, Gabrielle Fontan, Jean Renoir, Marguerite Kast, Partie de campagne est présenté à ses premiers spectateurs alors que Renoir, . le cinéaste, fuyant l’Europe en guerre au début de la décennie, avait signé plu- 7 sieurs films américains de bonne facture pour la Fox, la RKO et les Artistes as- sociés. Son retour en France sera cou- Un parfum d’éternité ronné de succès, avec le soutien des Jeunes Turcs des Cahiers du cinéma comme du critique communiste Georges Sadoul. Le ment offert globalement par les lieux donne bientôt le e contexte de production de Partie de campagne, Carrosse d’or, et Elena et les L vertige. Aux femmes, du moins, tant les hommes, Cy- au sein du parcours de Jean Renoir comme d’un point hommes se succèdent dans un tourbillon prien Dufour et son fidèle et ballot Anatole, se livrent de vue plus global, n’est pas anodin pour appréhender de couleurs et de costumes, le dernier se de préférence aux délices de la sieste, après avoir ce film atypique, et pas seulement par sa durée inha- déroulant à l’époque du boulangisme, soit sans doute bien arrosé leur repas. Celui-ci est esca- bituelle. La fin du printemps 1936 a vu l’avènement du vers 1880, vingt ans après l’action de Partie moté par une ellipse et un fondu au noir, à la moitié Front populaire en France, avec les élections législa- de campagne (les deux tournages sont eux- du film, sans que l’on sache si cela est délibéré ou tives remportées par la gauche unie et la constitution mêmes distants du même intervalle). On re- dû à l’inachèvement des prises de vues, conséquence du premier gouvernement de Léon Blum. Les congés lèvera aussi la proximité sémantique entre des pluies torrentielles ayant gravement perturbé le payés, les nationalisations, la fraternité enfin portée ce film et Le Déjeuner sur l’herbe, réalisé en tournage du film entre la fin du mois de juin et le dé- au faîte des relations sociales font de la période un 1959, qui en reprend quelques motifs sur des but du mois d’août. incroyable vivier d’effervescence et d’optimisme. Pro- postulats de narration certes fort différents. gressiste par nature, Renoir met lui-même la main Comme un torrent Désigné comme le patron du cinéma fran- à la pâte en participant, en février et mars de cette çais, ce qui ne manque pas de sel en regard Il n’en reste pas moins qu’à l’heure de la digestion, année qui devait imprimer les mémoires, à un film de l’immersion d’Henriette et de sa mère dans la ver- du personnage de l’aubergiste Poulain qu’il propagande commandité par le Parti communiste, La incarne dans Partie de campagne, désigné dure, au bord d’une rivière dont le flux tonique évoque Vie est à nous, devenant ainsi pour un temps un com- la sève irriguant les branches des arbres comme ainsi au début du film, Jean Renoir s’étein- pagnon de route de la formation politique alors diri- dra en 1979, non pas à Montmartre ou sur les artères des corps relâchés, éveille en elles cer- gée par Maurice Thorez. Il s’attèle ensuite à l’écriture tains désirs, parfois inavoués. La présence de deux les bords de la Marne, mais à Beverly Hills, de son projet suivant, livrant à son producteur Pierre en Californie. Hollywood l’aura distingué hommes dans la fleur de l’âge, costauds et sûrs d’eux Braunberger une première mouture de son scénario – en totale opposition au tandem quasi-burlesque du d’un Oscar d’honneur en 1975 et il aura tou- à la fin du mois d’avril et l’achevant en juin, dans la jours été perçu comme un créateur tourné très rond Dufour et du benêt Anatole – fait basculer perspective de tourner dans la foulée, à l’été, du côté l’histoire et ses enjeux. La rencontre est un moment avant tout vers l’avenir, lui qui écrivait dans de la petite localité de Marlotte, en Seine-et-Marne, Ma vie et mes films, en un troublant écho à charnière, Rodolphe et Henri nouant alors enfin un où le cinéaste avait acquis en 1922 une propriété : la lien avec ces Parisiennes qu’ils avaient remarquées la fin de sa Partie de campagne : « Au bout Villa Saint-El. de quelques années, nous revenons sur les depuis l’intérieur de l’auberge – en un saisissant lieux de notre jeunesse et nous ne les re- La nature est centrale dans l’entreprise, jouant un cadre dans le cadre – où ils prenaient eux-mêmes connaissons pas. C’est pourquoi, pour notre rôle moteur dans l’inspiration de Renoir, qui aspire leur casse-croûte. Henriette, alors enivrée de ses à rendre hommage à son élégiaque beauté autant sommes en 1860 et les Dufour arrivent en voiture à va-et-vient sur sa balançoire, symbole d’une liberté paix spirituelle, nous nous devons d’essayer cheval à la Maison Poulain. Le cadre, paradisiaque qu’au travail de Maupassant et à l’œuvre de peintre nouvelle à conquérir (elle se tient debout et ignore d’échapper à la magie des souvenirs. Notre du point de vue des citadins harassés, est pleinement de son père. Elle conditionne aussi les motivations un groupe de curés qui passent), ne s’était pas ren- salut, c’est de plonger résolument dans l’en- mis en valeur, la majesté des environs éclatant dès des personnages mis en scène, à savoir une famille due compte de leur regard, posé sur elle de manière fer du monde nouveau, (...) du monde sans l’arrivée du véhicule dans le premier plan. Un temps venue de Paris vers les bords du Loing, à quelques parfois insistante. Lorsque la jeune femme se confie passion, du monde sans nostalgie. » de vacance est immédiatement ouvert et chacun en- encablures de la forêt de Fontainebleau, accueillis à sa mère sur ce qu’elle ressent, assise sur l’herbe tend en profiter au maximum, avec tous les plaisirs dans une guinguette afin d’y prendre du repos et du et s’avouant toute drôle, elle est sans le savoir prête que l’endroit offre spontanément. Ainsi est-il d’em- bon temps, de se délecter d’un dominical déjeuner à combler ces désirs qu’elle peinait jusque là à for- blée question de la pêche et de la richesse de la ri- sur l’herbe (le thème d’une célèbre toile signée non muler. Sa mère, d’ailleurs, ne s’y trompe pas, n’ayant vière (« Ça mord ? » est la première phrase enten- pas par Auguste Renoir, mais par Édouard Manet, en elle-même pas renoncé aux plaisirs de l’amour, fût- due), surplombée depuis un pont d’accès. Puis c’est EN LIGNE 1863), profiter d’une partie de pêche et échapper à la le repas qui est, avec force détails, l’objet de toutes elle mariée et d’âge mûr en ces temps où la quaran- routine des semaines de labeur dans l’agitation de la les convoitises : on en parle beaucoup comme pour taine était déjà l’automne de l’existence. Analyse de séquence, capitale. mieux en jouir avant même qu’il ne commence. La Les trajets des corps sont dès lors parfaitement or- présentation du film Il y a là Monsieur Dufour, quincailler de la rue personnalité de bon vivant de Renoir n’est évidem- chestrés par Renoir, qui le fera à nouveau avec un ex- par Jean Renoir, des Martyrs, au pied de la Butte Montmartre ; sa ment pas étrangère à ces insistantes préoccupations ceptionnel brio, trois ans plus tard, à travers les cou- sélection d’articles et pimpante épouse, sa vieille belle-mère – plutôt gastronomiques et c’est une épiphanie des sens qui loirs et recoins de la propriété de La Règle du jeu. Le de liens. dure de la feuille –, sa fille Henriette et celui qui lui va bientôt s’épanouir. Si le panorama ravit la vue et si but pour Rodolphe et Henri, qui se place un peu dans est promis, le commis de la boutique, Anatole. Nous le gueuleton planifié comble les papilles, l’enchante- une attitude de suivisme vis-à-vis du premier, est 8 d’abord de se débarrasser du mari et du fiancé, que l’on beaucoup plus artificiel). Renoir avait voulu tourner ainsi, contente en leur prêtant du matériel de pêche pour avoir le à l’air libre, son provençal – pagnolesque, même – Toni, en PISTES DE TRAVAIL champ libre et faire la cour aux Parisiennes. Rodolphe jette 1934, et le néo-réalisme italien d’après-guerre en fut se- son dévolu sur Juliette, sans doute aussi pour encourager lon les exégètes directement inspiré (il faut d’ailleurs évo- De Maupassant à Renoir Le spectacle de la balançoire Henri, plus désabusé, à retrouver son âme conquérante quer la présence, parfois contestée, de Luchino Visconti envers la jeune et fraîche Henriette. Le montage parallèle sur le tournage des deux films, en qualité d’assistant). Le cinéaste reprend la structure géné- Proposer une étude de la séquence de de la dernière partie du film, suivant chaque couple sépa- rale de la nouvelle initiale, son cadre, la la balançoire (à partir de 5’15) permettra plupart de ses personnages, son intrigue aux élèves d’exercer une double analyse. rément, montre notamment Rodolphe – qui s’est autopro- As Time Goes By et son propos. Quelques variations sont Ils observeront d’abord la manière dont clamé le Roméo de cette Juliette ! – provoquer son rire Si Partie de campagne est en outre un jalon majeur vers néanmoins substantielles ; il s’agit d’en le sujet est saisi par un regard multiple. perlé (celui, haut perché et reconnaissable entre mille, de l’émergence du cinéma moderne, ensuite porté par Berg- étudier les significations. Les deux femmes qui se balancent sont la joyeuse Jane Marken), en imitant un faune, tournant au- man, Antonioni ou la Nouvelle vague française, entre d’abord perçues par le re- tour d’elle avec sa flûte improvisée et évoquant un thème autres, c’est aussi dans le tableau qu’il fait de la solitude Si quelques personnages gard curieux des canotiers, mythologique – et pictural – canonique. au sein du couple. Évidemment, Juliette s’ennuie avec son ont été modifiés, c’est époux, qui considère son commerce comme un brevet de surtout pour concentrer mis en valeur par le surca- Le temps des cerises réussite sociale et se tourne davantage vers les chiffres l’attention sur la famille drage et le jeu sur le point. Suivent les coups d’œil Si la séduction est, du côté de la mère, primesautière et que vers les attentes de sa femme, encore pleine d’appé- et le carré amoureux Hen- curieux des séminaristes. légère, elle prend pour Henriette des accents plus graves, tit pour la vie. L’intérêt, même calculé, de Rodolphe agit riette-Henri-Rodolphe- Enfin, des enfants derrière alors qu’elle a conscience qu’elle s’apprête à se marier comme une jouvence pour elle. Pétronille, dont l’ono- un muret contemplent pour de mauvaises raisons, avec un avorton qu’elle n’aime mastique a été modifiée De même, le mariage arrangé d’Henriette avec Anatole lui la scène. Les femmes se et ne respecte même pas. À l’inverse, la présence d’Henri à dessein. L’aubergiste pèse et la consterne, surtout lorsqu’une toute autre vie, trouvent au centre d’un provoque en elle des bouleversements fulgurants, qu’elle n’apparaît que dans le film, qu’elle aurait choisie elle-même, lui apparait derrière le cercle de désir, que leur tente de déjouer, mais dont la force est semblable à celle visage et la voix d’Henri. thématisant l’arrivée des Parisien(ne)s auprès des vif balancement redouble. des eaux qui s’agitent sous un ciel devenu orageux et me- La conclusion du film, avec sa séquence d’épilogue qui Ceux qui observent et naçant. Le symbole du torrent comme puissance d’une at- canotiers, dont le dialogue peut surprendre quiconque découvre le film pour la pre- s’étoffe considérablement l’objet de leur observation traction amoureuse et physique est un classique au ciné- mière fois, lui donne son immense résonance. Le temps a sont à chaque fois mis en ma (de Borzage à Minnelli) et la fameuse scène du baiser afin de mettre en avant le passé et un autre dimanche au bord de l’eau se présente. jeu malicieux dans lequel rapport par des raccords s’y inscrit idéalement (voir l’analyse de séquence en bonus Sur les lieux de leurs amours, Henri et Henriette se re- regard. Renoir va même du DVD), alors que les protagonistes occupent désormais ils s’engagent. La présence croisent, mais tout a changé : elle est (mal) mariée, il est des séminaristes indiscrets jusqu’à placer la caméra de l’écran non plus debout, comme Henriette sur son escar- seul et blessé. « J’y pense tous les soirs », dit-elle à pro- manière espiègle, puisque polette, ou assis, comme dans la barque les conduisant exacerbe le spectacle des pos de cette fameuse journée enfuie dans le passé. Le film femmes à la balançoire. qu’une fois qu’Henriette vers l’île, mais couchés. Henri amène alors, avec fermeté, s’achève bientôt, les vues en travelling au ras de l’eau de la C’est l’une des manières s’est assise, son va-et-vient sa jeune partenaire à se laisser faire et les très gros plans rivière traduisant ces années qui passent en un clin d’œil et visuelles de rendre compte est saisi en contre-plongée, sur le visage de la jeune fille, conjugués à la présence so- où les occasions ratées ne se rattrapent jamais. Comme il du vocabulaire polysémique de manière plus intime que nore du thème musical de Joseph Kosma, donnent d’évi- « restera Paris » aux amants désunis de Casablanca (Mi- utilisé par Maupassant tout ce que la place d’Henri lui dence une force supplémentaire à ce qui se joue. Avec ces chael Curtiz, 1943), il restera le Loing à Henri et Henriette, au long du texte : la charge permet de voir. larmes bien visibles, coulant du coin de la paupière d’Hen- et c’est bien là leur drame... érotique se signale autrement. De même, Les élèves pourraient ensuite être ame- riette, comme un adieu définitif à une époque et l’entrée Il est troublant que cette désillusion d’un amour avorté ait l’ivresse spasmodique du rossignol du- nés à chercher des références picturales définitive dans l’âge adulte – la dimension implicite du mo- été liée à la destinée maudite d’un film qui ne trouva son rant la scène d’amour est rendue dans à mettre en rapport avec cette scène. Le ment étant aussi celle de la virginité, suggérée par la robe achèvement que dix ans plus tard, alors que le produc- le film par une ellipse. Le réalisateur tableau d’Auguste Renoir La Balançoire blanche de la jeune fille. teur Pierre Braunberger en avait stoppé le tournage suite y substitue, après l’étreinte, plusieurs (1876) [1] s’impose, construit sur le jeu de Le paroxysme des sentiments induits se voit amplifié par à des dépassements budgétaires devenus insurmontables plans fixes sur la nature agitée par le vent regards échangés autour d’une femme la présence de ce cabinet particulier formé par les arbres, (ce fut en tout cas la raison officielle à cette décision). La annonciateur de l’orage ainsi que des tra- juchée sur une balançoire. On pourrait la nature servant d’écrin à cette conclusion d’un désir magie de cet après-midi au bord de l’eau s’évanouissait vellings arrière sur la rivière balayée par également remonter jusqu’à Fragonard amoureux dévastateur, dissimulé aux éventuels regards également d’une façon métaphorique alors que le Front la pluie. « Le ciel bleu leur paraissait obs- pour tenter de saisir la symbolique éro- indiscrets. Il y a peu d’équivalents, dans le cinéma français populaire se heurtait à des difficultés toujours plus impor- curci », écrivait Maupassant. tique des vêtements et des regards dans de l’époque, d’une telle intensité, particulièrement servie tantes, que l’Espagne sombrait dans la guerre civile et que Les Hasards heureux de l’escarpolette par le choix du tournage en extérieurs, loin des studios où le monde se dirigeait tout droit, après une courte paren- (1769) [2]. la majeure partie des prises de vues étaient à l’époque ef- thèse d’espoir, vers un nouveau chaos. Thomas Anquetin fectuées (voir les films de Marcel Carné et, par exemple, Christophe Chauville l’année suivante, le célèbre baiser du Quai des brumes échangé par Jean Gabin et Michèle Morgan, dans un décor 9 Florence Miailhe Au premier dimanche d’août Le soir de son bal d’été, Florence Miailhe dé classique de l’animation image par image. tout le village est au Mais, au lieu de multiplier les planches, Florence Diplômée de l’École nationale supérieure des Arts Miailhe ne modifie, dans son dessin, que ce dont rendez-vous. De la décoratifs (ENSAD) en gravure en 1980, Florence elle a besoin, effaçant et redessinant ce qu’elle tombée du jour à l’aube, Miailhe débute sa vie professionnelle comme ma- souhaite. Ainsi, c’est une seule et même plaque la musique déploie ses quettiste et illustratrice pour la presse. Elle tourne qui contient toutes les autres. L’image comporte en 1986, en prises de vues réelles, son premier rocks et ses tangos, ses toutes les modifications apportées par l’artiste : film, Ça bouge dans ma tête. Son second court virtuellement (puisqu’un trait, une couleur efface slows et ses valses. La métrage, Hammam sera un film d’animation et l’autre), mais aussi concrètement tandis que des nuit révèle les couples de impose son style : « J’ai toujours eu envie de faire restes de l’image précédente demeurent tou- danseurs jeunes ou vieux, bouger des peintures, raconter une histoire par la jours par transparence ou sous forme de traces. peinture, mais avec le mouvement. »1 Au premier les amours naissantes, les Ce geste de peintre fait partie de l’œuvre, il n’est dimanche d’août reçoit ensuite le César du court aucunement question de l’occulter. C’est cette timides, les buveurs, les métrage en 2002, avant une animation de sable, technique qui donne d’une part son épaisseur à bagarreurs, les enfants Les Oiseaux blancs, les oiseaux noirs (2002), et l’image et d’autre part sa continuité. Florence qui rient et courent Conte de quartier (2006), qui obtient une mention Miailhe évoque « comme des petits fondus en- partout. spéciale au Festival de Cannes. Avec Marie Des- chaînés » entre chaque image et en effet, on a plechin, elle écrit le scénario d’un long métrage l’impression d’une fluidité incarnée et texturée. d’animation, Traversée, qui est actuellement en La main de Florence Miailhe se ressent, c’est France, 2000, 11 min, animation cours de production. aussi pour cette raison que son film est très sen- Réalisation, scénario et image : Florence suel. Miailhe / Assistante de réalisation : Violaine Xavier Kawa-Topor écrivit avec justesse que « la Lecuyer / Production : Les Films de l’Arlequin, La peinture animée peinture animée donne à voir un perpétuel re- La Sept Arte / Son : Claudine Nougaret, Anita Au premier dimanche d’août, permet de retrou- pentir »2. Toutes les strates du travail de Florence Glodek, Laurent Neumann, Fabrice Gérardi / ver la patte emblématique de Florence Miailhe : Miailhe sont contenues dans l’image. L’animation Montage : Nathalie Perrey / Mixage : Emmanuel des couleurs chaudes, l’impression que l’image produite ici ne relève pas d’un trait qui se déploie Croset / Décors : Florence Miailhe / Musique : est « pleine de matière », que les personnages mais d’une matière qui se transfigure dans l’es- Denis Colin. se fondent dans les décors. Regarder un film de pace et dans le temps (comme dans la danse cette cinéaste rare, c’est éprouver une sensa- d’ailleurs). Dans Au premier dimanche d’août, les 1. Entretien avec Florence Miailhe réali- tion physique, suscitée par les choix techniques corps n’ont pas de contours, mais une profondeur sé par Carole Wrona : www.critikat.com d’une authentique artiste. Pour réaliser ses films, et une épaisseur ; ils sont toujours en mouvement 2. « La peinture animée », par Xavier cette dernière peint ou dessine au pastel sur une et expriment quelque chose de l’ordre de l’exalta- Kawa-Topor, http://archives.festival-la- plaque de verre rétro-éclairée. Chaque image est tion, du plaisir sensuel, d’un trop-plein qui n’est rochelle.org ensuite photographiée. On retrouve ici le procé- autre que celui de la gourmandise. 10 PISTES DE TRAVAIL Une nuit de tous les possibles C’est la fête au village ! Peindre et caresser couplement de deux chiens participant eux aussi aux festivités. Des Ce film d’animation à la bande- Dans un film où le lien qui unit Au premier dimanche d’août est une fête. Pour les personnages gestes coquins s’invitent dans la chorégraphie alors que les enfants son très réaliste – comme chez les personnages est essentiel- comme pour les sens du spectateur. Le film s’ouvre sur la course sont occupés à des jeux plus innocents. Les couples se font et se dé- Tati, on n’entend que des bribes lement tactile, Florence Miailhe nocturne d’une bande en scooter convergeant vers le village voisin font, parfois durement. Les jeunes gens vivent leurs premiers émois, de conversation – nous place au propose un film d’animation de où un bal populaire est sur le point de démarrer. C’est l’été, petits et les plus âgés revivent à peu de frais des passions pas totalement cœur d’une fête de village, par peinture sur plaque de verre. La grands vont profiter de la nuit pour faire toutes sortes de rencontres enfouies, mais quand une jeune mère de famille s’abandonne dans une nuit d’été torride. caresse est la matière même et surtout pour expérimenter un autre rapport à leur corps, en les bras d’un homme, l’ivresse est de courte durée : elle s’échappe On retrouve les caractéristiques de son film : le pinceau caresse groupe ou en couple, à travers la danse et la confrontation physique. aussitôt pour récupérer son enfant qui la cherche en pleurant. d’une séquence de bal dans un la plaque, et celle d’une main le Le sujet du film, ce sont les corps et la façon dont ils se croisent, film de vacances : on vient de long d’un corps dansant appa- communiquent ou se repoussent, avec douceur ou violence. Or, rien Au premier dimanche d’août s’amuse de cette tension entre les raît alors. L’effet est poétique, le conventions et la liberté : les moments de grâce, de perte de contrôle, loin pour participer, hommes et de plus propice au dévoilement du corps que la danse. Danser, c’est femmes se toisent, se frôlent, travail d’animation colossal. En surviennent de la même façon dans tous les bals populaires et sont s’exhiber, séduire l’autre, se défouler. Il s’agit dans le film de mon- dansent de façon effrénée et sug- quelques touches de peinture, la amenés selon des codes précis : n’est-ce pas là ce qu’on appelle des trer, par le mouvement, que nous sommes des êtres de chair et que gestive sur des airs de bal mu- réalisatrice réussit à brosser des rites initiatiques ? nos corps n’existent qu’à travers le mouvement. sette ; les enfants jouent de leur portraits réalistes de ses person- Au premier dimanche d’août propose ainsi une palette de relations Le réel à l’œuvre côté. nages à la manière de Maupas- des corps entre eux – et de chaque personnage au sien. Notons que sant, ainsi qu’il l’expliquait dans la Au premier dimanche d’août prend la forme d’une chronique. Son Dès l’exposition du film, une ces personnages n’ont pas d’autre existence que celle de leur corpo- sujet, un bal d’été, résonne en chacun de nous et le film invite cha- scène anecdotique dans ce réité : aucun n’est nommé et nous ne saurons rien d’eux, à part ce cun à se replonger dans ses propres souvenirs de vacances. Par contexte festif va retenir notre at- que leurs gestes montrent et cachent parfois. C’est donc à partir de l’image, bien sûr, mais aussi par le son, qui prend en charge la part tention : deux chiens se croisent leur apparence, de leurs comportements et de leur façon d’interagir et se reniflent immédiatement. Ce que nous les appréhendons. Certains sont des personnages récur- quasi-documentaire du film. Plutôt que de créer une bande-son à partir de bruitages et de dialogues assurés en studio par des comé- choix presque incongru n’est pas rents, d’autres ne font que passer, mais tous contribuent à constituer le fruit du hasard. C’est le com- un groupe, celui des participants au bal. diens, Florence Miailhe choisit de capter directement des tranches sonores in situ. Pas de dialogue, mais des voix que l’on entend, mê- portement de ces deux chiens qui À plusieurs reprises, un plan montre en plongée la place envahie par lées à la musique (composée pour le film) et à un fond sonore intrin- lance le bal (2’00). Il fait basculer les danseurs. Vu de loin, le groupe est homogène, mais à y regar- sèquement réaliste (grillons, éclats de rire, sonnerie d’un téléphone, la narration dans une évocation der de plus près, on distingue assez rapidement des représentants des rapports humains spécifiques etc.). L’image entraîne, d’une part, dans une dimension onirique, préface de Pierre et Jean, « Quelle de toutes les générations, chacun manifestant ses occupations, ses à ce genre de soirée : les partici- quasi-mythique (la danse comme rencontre avec l’autre et avec le que soit la chose qu’on veut dire, intérêts, son style propre. On retrouve ses semblables (les enfants pants acceptent la rupture de leur monde, où les mouvements des corps tendent parfois à devenir abs- il n’y a qu’un mot pour l’exprimer, jouent ensemble, les filles et les garçons ne se mêlent pas aisément) zone d’intimité. Ils se touchent, traits) et, d’autre part, le son oriente davantage notre perception vers qu’un verbe pour l’animer, qu’un ou à l’inverse, l’altérité permet de nouveaux liens : rencontres amou- ils se caressent, ils sont là pour le réel. Paradoxalement, cet effet de réel est d’autant plus fort que le adjectif pour la qualifier. » Seul le reuses, jeux partagés entre enfants et adultes, etc. C’est toute une ça. Dès lors, il est facile d’établir son semble rester hors-champ, capté comme par inadvertance, à la support change... sociabilité qui se recompose : on trinque et on discute à la buvette, on un parallèle entre le comporte- manière d’un enfant qui observerait la scène avec curiosité, crainte parade, on s’effleure, on s’enlace sur la piste. Des rivalités éclatent – ment des animaux et celui d’hu- On proposera d’abord aux élèves et émerveillement tout à la fois. amoureuses, viriles ou enfantines – et ponctuent la narration. mains déconnectés des codes de prendre un personnage si- Si Au premier dimanche d’août ne propose pas à proprement par- classiques du jeu de séduction au gnificatif du film et d’en dresser Danse et transe ler de narration, des micros-intrigues s’y nouent, des trajectoires cinéma. un portrait succinct et précis. Ils pourront ensuite préparer une convergent et divergent. Il s’agit de faire éprouver une ambiance au On demandera aux élèves de re- À travers la danse, les corps s’exhibent. On ne danse pas pour soi, caractérisation plus personnelle spectateur, de créer des émotions liées à son rapport au corps dans pérer les apparitions des chiens, les autres sont en permanence en jeu et à travers les chorégraphies à la façon de Maupassant. de groupe, où l’on fait corps, les danses en couple en passant par une situation précise. Les jeunes gens ont leurs premiers émois, les de les décrire et de les analyser. de plus individuelles formes d’expressions, les personnalités et les enfants trouvent une certaine émancipation et les plus âgés renouent Comment leur comportement On pourra agrémenter ce travail désirs se dévoilent. Même en dehors de la piste de danse, comme avec une forme de verdeur, mais de quoi le spectateur fait-il l’expé- éclaire-t-il les relations humaines d’écriture d’un travail graphique : lorsqu’une bagarre éclate, la chorégraphie prend le dessus : les rience ? Celle de l’indiscrétion, en surprenant ce qui ne devrait pas au cours de la soirée ? représenter le personnage décrit corps-à-corps sont à leur tour filmés comme des pas de danse. être vu ? Tout un jeu, entre pudeur et dévoilement, s’instaure et cha- dans le court paragraphe. cun y porte son propre regard, chargé de ce qu’il a lui-même vécu. In fine, c’est la question du désir amoureux qui domine. Des garçons David Ridet invitent des filles à danser ; certaines refusent, d’autres acceptent. Ce Suzanne de Lacotte jeu de séduction est montré crûment et avec humour à travers l’ac- 11 Catherine Cosme Les Amoureuses

Trois femmes tombent Catherine Cosme comme dans la chansonnette, présence de la nature amoureuses du même rime avec saison des amours. La mer, souvent visible Formée en scénographie à l’école de La Cambre, à depuis les constructions destinées aux touristes, les homme. Seulement, il Bruxelles, en 2005, Catherine Cosme fait remonter allées ombragées qui séparent les bungalows et le s’agit d’une mère et de ses à l’enfance sa passion pour les décors. Elle aime à son des insectes et des oiseaux sont autant de si- alterner de façon équilibrée les projets de scénogra- gnaux qui suscitent l’envie d’aimer – tout comme, deux filles, âgées de seize phie théâtrale et ceux de décors et de costumes pour et sept ans... À travers dans Partie de campagne, les trilles amoureux d’un le cinéma, puisant dans chacun de ces domaines rossignol incitent Henriette à se laisser aller à son cet épisode, toutes trois la rigueur des grosses productions ou l’inspiration désir. de l’énergie de la scène. Elle a travaillé notamment apprendront à traverser Le décor semble inciter la naissance des sentiments leurs peurs intimes et à sur des longs métrages français, comme Didine de Vincent Dietschy (2008) ou Memory Lane de Mikhaël autant qu’il sert de cadre. L’ambiance est au flirt et à se confronter au regard Hers (2010), et plus récemment sur la série belge La la parade de séduction. Et si c’est sur un même objet des autres. À aimer, tout Trêve de Matthieu Donck. Du théâtre, elle a tiré un amoureux que s’apprêtent à buter Aline et ses deux filles, ce marivaudage bienveillant ne prendra évi- simplement. goût pour les plans larges et frontaux qui laissent au regard le loisir de se promener dans le décor. demment pas la même importance pour chacune des Après Les Amoureuses, nommé en 2015 pour le prix protagonistes. Au sein de cette famille sans homme, France/Belgique, 2015, 27 minutes du meilleur court métrage à la cérémonie belge des ce sont trois âges de la féminité qui expriment leur Réalisation et scénario : Catherine Cosme Magritte du cinéma, elle prépare en 2017 son second impatience à grandir ou leur peur de faner trop vite. / Production : La Mer à Boire Productions, court métrage, une fiction sur une mère européenne Orée de la journée ou fin de saison viennent ainsi Hélicotronc / Image : Léo Lefèvre / Son : qui accueille une famille de migrants. marquer, en filigrane, le sentiment du temps sur les Frédéric Hamelin, Marie Paulus / Montage : corps : le film porte une attention toute particulière John Pirard / Mixage : Jean-Stéphane Garbe aux mouvements de la mer, à la végétation, à la lu- / Musique : Harold Noben / Interprétation : Rêves d’amour, amour rêvé mière déclinante ou l’aurore, comme pour souligner Cosima Bevernaege, Fantine Harduin, Marc l’effet du temps qui s’écoule pour ses trois protago- Zinga, Aurore Fattier. « Dans l’herbe, dans l’herbe, dans l’herbe je me suis nistes. Cette façon de marquer, au jour le jour, l’écou- endormie lement des jours renvoie à la fugacité des moments Et j’ai fait des rêves, des rêves assez jolis vécus par les trois femmes. Les variations d’humeur J’ai rêvé de toi, rêvé de toi pour que tu penses à moi. » des personnages, au cœur de la nature qui les en- EN LIGNE La comptine qu’entonne Aline avec sa fille cadette, veloppe, trouvent reflet dans les mouvements de la Fantine, devant Lilian, leur invité d’un soir, dit bien météo et des journées qui se succèdent. L’heure est à Analyse de l’érotisme naïf qui parcourt Les Amoureuses de bout chercher comment s’affranchir des comportements séquence en bout. En cette fin d’été dans un village de vacances sociaux pour se laisser aller à des inclinations plus et sélection breton, les désirs d’amourettes sont dans tous les spontanées... d’articles. esprits, bien que la rentrée se profile. Dans le film

12 PISTES DE TRAVAIL

Un décor et des corps tine et Lilian, face caméra, à travers un rideau d’eau. Le montage frontal Fantine, elle, se renferme sur elle-même plutôt que d’avouer théâtralise la scène, entre apparition Le temps de l’été comme le lieu précis du village de vacances sa peur d’apprendre à nager, mais elle dévoile avec une can- et jeu d’enfant. La rencontre avec Aline sont propices pour Catherine Cosme à offrir un cinéma des deur toute naturelle ses sentiments amoureux à Lilian en lui se fait, elle, sur le ton de la conversa- corps. Par le découpage, la réalisatrice insiste sur les effets de offrant, en une mise en scène enfantine, le dessin d’un cœur tion convenue liée à la situation sociale. sensations qui traversent avec force l’adolescente, Sara, et sa traversé par son prénom. Aline, enfin, use de la communica- Enfin, Sara, filmée à l’envers en plon- petite sœur Fantine. Les gros plans sur des mains alanguies ou tion amoureuse de l’âge adulte, en invitant Lilian à dîner et La carte du tendre gée, entre ombre et lumière, est parta- des pieds baignant dans l’eau insistent sur l’abandon des corps en convoquant des armes de séduction assumées : sourires, gée entre la provocation apprêtée, les au cours des après-midis passées au bord de la piscine. Le col- Comment Catherine Cosme a-t-elle rires, regards. Dans cette valse des points de vue qui passe rendu la sensualité de son film plus fantasmes et la gêne de son âge. On lage, opéré par le montage, de morceaux de corps masculins d’un personnage féminin à un autre, l’homme est une surface pourra ensuite reconstituer les étapes et féminins regardés à la loupe agit comme un motif poétique aiguë ? On soulignera la dimension lisse sur laquelle les fantasmes viennent se réfléchir. Il renvoie de sa relation avec Lilian : jeu, fuite, in- « en blason » qui rendrait hommage aux différentes parties plastique de la photographie, la mu- une certaine bienveillance à chacune sans que l’on sache ce vitation... Le film aborde frontalement d’un être aimé pour dire combien on l’aime tout entier... sique aérienne, le montage parfois non qu’il éprouve. narratif ; les plans serrés quasi-ana- la question de la sexualité à l’adoles- Dans le même temps, la caméra qui passe d’un corps à un autre tomiques alternent avec les plans cence, donnant l’occasion d’aborder ce insiste dès la première scène sur la farandole des regards qui Dehors et dedans larges sur les étendues d’eau ou les sujet : quel est le poids du regard des offre une variation des points de vue. Tous s’observent et se La mise en scène quitte par instants cette immersion au cœur infrastructures du camping, semblant autres, des amis, de la mère, de la pe- devinent : les yeux des garçons de la bande sont pleins de dé- des émotions présentes des personnages pour inscrire plus montrer combien les corps s’installent tite sœur ? sir, tandis que les filles se comparent en s’inspectant dans les largement les corps dans l’espace. De son expérience de scé- dans un espace qui les révèle. À quels vestiaires lorsqu’elles se changent : « Hé, Chloé, t’arrête de nographe pour le théâtre, Catherine Cosme tire un goût pour la lieux est associée Sara ? En quoi cer- mater mes seins ! », plaisante Sara, tandis que la caméra sur- frontalité de certains plans, qui vient contraster avec les gros tains espaces s’opposent-ils ? On pour- prend le regard posé par Fantine sur ces corps plus développés plans impressionnistes, témoins de sensations fugaces. ra en reconstituer la cartographie : la que le sien. Pour celle-ci, l’émoi des vacances passe aussi par Cette façon d’inscrire les corps dans les décors qu’ils tra- piscine au centre, lieu emblématique l’apprentissage de la liberté du corps, même s’il ne s’agit pas versent se charge de nous raconter les changements d’états des vacances et des rencontres, où d’éducation sentimentale ou sensuelle. Peureuse grande fille d’âme des personnages tout en dessinant la géométrie va- les corps se cherchent audacieuse- de sept ans qui n’ose délaisser ses brassards et refuse une riable du chassé-croisé entre eux. Face à la symétrie bicolore ment à la vue de tous, contrastant avec leçon de natation, elle prend son courage à deux mains pour des casiers de piscine, la caméra s’extrait du regard de ses d’autres lieux plus intimes – le lieu fa- Comment grandir ? s’aventurer sur le grand toboggan. Là encore, c’est par le dé- personnages. Les montants orange de la piscine intérieure milial confiné du bungalow, la piscine coupage que le film donne accès à ses sensations, en faisant se À quelle étape de la vie chacune des s’imposent face au corps minuscule d’Aline qui nettoie le fond vide qui signifie au contraire la mono- succéder des gros plans de l’inquiétant boyau de plastique bleu protagonistes est-elle confrontée ? du bassin. Ou encore, un plan large qui rejette Fantine au loin, tonie du travail d’Aline, dont la situa- et des parties du corps de la fillette, et en accentuant le bruit Quels signes expriment ces ques- tion sociale précaire est discrètement alors qu’elle glisse à vive allure. Le choix de couleurs saturées derrière l’immense bassin extérieur, dit sa solitude au moment tionnements intimes ? On relèvera montrée, ou encore l’espace intime et tout comme l’étalonnage assez tranché viennent rehausser ce où elle est bien décidée à se lancer dans ce grand exploit de les indices qui montrent qu’Aline est secret de la tente dans laquelle Sara monde en alerte aux sensations. traverser l’immense étendue d’eau. Enfin, c’est le corps de confrontée à la peur de vieillir en même Sara qui flotte, dans le premier plan, dans une eau d’un bleu invite Lilian. Enfin, quel sens peut- temps qu’elle doit se soumettre aux Les mots pour le dire identique à celui de son maillot de bain. on donner à l’omniprésence de l’eau, contraintes matérielles de la vie. Sara, jusqu’au son sur le générique ? en pleine découverte de sa sensuali- Le film instaure pourtant un hiatus entre les bouffées sensi- Mais c’est aussi tout un jeu entre l’intérieur et l’extérieur, le de- té, passe par le jeu ou l’affrontement, tives qui s’offrent à la perception du spectateur et la difficulté hors et le dedans, qui vient traduire les sentiments des person- jusqu’au grand saut. Enfin, Fantine vit des personnages à les traduire par la parole. C’est bien ce que nages face au groupe. Ainsi, au cours du dîner, Sara est le plus Premières rencontres, encore dans un monde de magie, de trahit la désynchronisation de la première séquence : tandis souvent seule dans le cadre, tout comme son humeur maus- chansonnettes et de poupées, dont l’in- que sont dévoilés au soleil des corps de filles et de garçons sade l’isole de l’atmosphère joyeuse de la soirée. Plus tard, elle premières fois nocence est toute relative. La scène du se fait entendre une conversation féminine qui appartient à un tendra le bras à Lilian pour le faire tomber à l’eau et mieux l’at- Revoyons les scènes où Lilian rencontre toboggan est ainsi une belle image des autre instant. Les filles interrogent Sara sur sa première ex- tirer dans son espace. Elle finira par se déclarer en entrant par successivement les trois héroïnes (voir territoires inconnus qu’elle doit aventu- périence sexuelle. Au détail des questions répond le malaise effraction dans la tente que le jeune homme s’apprête à replier aussi l’analyse de séquence en bonus reusement accepter de traverser pour de la jeune fille qui élude au gré de réponses vagues et mal et en l’invitant timidement à la rejoindre. Dans le même temps, le plan large dévoile le désœuvrement de Fantine, promenant sur le DVD). Chacune est révélatrice se jeter à l’eau. assurées : « Oui, non, je sais pas ». Formuler ses propres sen- d’une expérience féminine singulière : sa poupée à l’extérieur de la tente, loin d’être consciente des Xavier Orain sations ne va pas de soi... C’est dans l’exaspération que Sara le premier face-à-face implique Fan- exprimera ses émotions, frontalement et brutalement quand ébats de la première fois de sa sœur. elle lancera, excédée, à sa mère qu’elle lui fait honte. Raphaëlle Pireyre 13 Raphaël Chevènement Une leçon particulière Cyril, dix-sept ans, prend Raphaël Chevènement en scène et s’intéresse à la figure du jeune homme un cours particulier de presque aussi inspirante pour ce mouvement que Second court métrage de Raphaël Chevènement, celle de la jeune fille (voir le Doinel de François Truf- français avec Éva, qui a Une leçon particulière a été remarqué dans plusieurs faut). Une leçon particulière évoque surtout le cinéma festivals et fut même nominé aux Césars en 2009. Ce dix ans de plus que lui. d’Éric Rohmer, qui associait l’art du court métrage à bref passage derrière la caméra fait de lui une figure celui de la nouvelle littéraire et manipulait les dialo- Ils étudient un poème pour le moment discrète du paysage cinématogra- gues comme les pions d’un savant jeu sentimental, d’amour de Victor Hugo. phique. Il n’en est pourtant aucunement absent, car il sans jamais oublier de les mettre en tension, sinon en travaille dans l’ombre comme producteur, scénariste contradiction avec le langage des corps. pour le cinéma (Les Meutes de Manuel Schapira, ou France, 2007, 10 minutes In Art We Trust de Benoît Rossel) et la télévision (col- Après la prononciation par Éva du mot-sésame Réalisation : Raphaël Chevènement / Scénario : laboration à l’écriture de la série Le Bureau des lé- poème d’amour, l’adolescent sort de son aveugle- Cécile Ducrocq, Raphaël Chevènement / gendes de Canal+). Né à Paris en 1974, Raphaël Che- ment littéraire pour devenir une sorte de sur-inter- Production : Les Films du Requin / Image : vènement avait suivi des études de Droit et de Lettres prète. La révélation du sens caché du poème n’est- Marc Tévanian / Son : Jean-Claude Laureux / avant d’intégrer Sciences Po. Il avait fait ses débuts elle pas l’expression d’un autre message d’amour Montage : Serge Turquier / Mixage : Olivier dans le cinéma comme assistant à la réalisation sur enfoui ? Cyril met alors en pratique le procédé lit- Goinard / Décors : Prudence Richard / Le Pornographe de Bertrand Bonello et sur Adolphe téraire qu’il vient de comprendre et s’initie ainsi aux Interprétation : Cécile Ducrocq, Raphaël de Benoît Jacquot. Il est devenu également profes- codes du langage amoureux. C’est à un déniaisement Goldman. seur de cinéma à l’ESEC. par la parole que nous assistons, le passage à l’acte d’ordinaire sexuel devient un passage aux mots. La particularité et la grâce du film réside dans le choix Éducation sentimentale du réalisateur de resserrer l’enjeu de l’initiation Le titre du film est révélateur : la reformulation du amoureuse sur un temps infime et de le rapporter terme cours particulier annonce d’emblée un débor- à un seuil, celui défini par les places de chacun, par dement du strict rapport élève/professeur et permet la parole, par l’espace et par l’âge même du person- de situer très clairement l’œuvre sur le terrain de la nage situé dans un entre-deux. Tout se joue au bord leçon de choses, et plus précisément de l’éducation des lèvres, dans un jeu assez érotique de rétention, sentimentale. de suspension, de non-dits où les mots opèrent à la Bien qu’universel, le genre associé au récit initiatique fois en levier et comme des masques, jusqu’à laisser est ici placé sous le signe d’une double tradition fran- miraculeusement entrevoir la possibilité d’une respi- çaise, l’une littéraire (directement assumée par le ration, d’une libération. Au terme de ce déplacement, réalisateur), l’autre cinématographique et rattachée ce n’est pas l’issue amoureuse qui est visée, mais un à la Nouvelle vague. En effet, Raphaël Chevènement enjeu plus vaste et symbolique : la transformation réunit ici des motifs qui y font écho : par son dispositif d’un adolescent asphyxié par son désir en un jeune minimaliste, il place la parole au centre de la mise homme interprète de sa propre vie. 14 PISTES DE TRAVAIL L’empire des signes Langages amoureux de l’état du garçon, l’attitude de la jeune femme fait signe On pourra comparer judicieusement Une leçon particulière s’ouvre sur une double absence. dans le sens du texte, ou plus précisément dans son sens les moyens propres de la littérature Dans le cadre urbain posé par le premier plan du film, une caché, par exemple lorsqu’elle enlève son gilet (tout en et du cinéma pour exprimer le jeu de voix se fait rapidement entendre hors champ, qui sonne interrogeant son élève sur la relation entre les deux per- séduction : refaire d’abord l’analyse en immédiatement faux. Un garçon lit un célèbre poème de sonnages du poème) et lorsque, plus tard, elle mime le classe de la Vieille chanson du jeune Victor Hugo, Vieille chanson du jeune temps, mais il n’y bras tendu de Rose. En même temps qu’elle dévoile la di- temps tirée des Contemplations, puis est pas, dans tous les sens du terme : pas dans le texte, mension implicite du poème, elle l’incarne tout entier, ce voir comment la leçon d’Éva donne lieu absent du cadre. L’élève ânonne en suivant le rythme auto- qui renforce ce rapport d’identification à Rose. L’effet est à une redite en situation des indices matique de la récitation, comme si le poème était une suc- le même, mais dans le sens inverse, pour Cyril que l’on as- L’école et la vie textuels du poème. Les gestes am- cession de mots dépourvus de sens, de musicalité. Pour- bigus, le « bras blanc », les discours socie au narrateur du poème. Pourtant le garçon est plus Quel rapport les élèves ont-ils à l’expli- tant, son contenu est loin de lui être étranger, puisqu’il rapportés (« je te désire ») et jeux de proche de l’état de Rose et l’enseignante du narrateur, cation de texte et aux analyses souvent raconte l’histoire d’un désir amoureux (celui d’une jeune double énonciation sont autant de dont elle partage l’aveuglement. Ce jeu de miroir participe scolaires menées en lycée, en particu- femme prénommée Rose), non identifié par celui auquel signes qui invitent à penser Éva comme pleinement au trouble de la perception et du (ou des) sens. lier pour le bac ? Une leçon particu- il s’adresse. Il décrit exactement l’état du jeune garçon le double tentateur de Rose. Aussi, la lière est une bonne occasion d’étude vis-à-vis de sa répétitrice. L’autre absence est celle de leçon n’est pas qu’une simple illustra- Métamorphose de cas, tant Cyril représente le type du la jeune femme venue lui faire un cours, et non la cour ! tion du poème mais procède par déca- Immédiatement mis dans la position de rapprocher le lycéen morose peu impliqué dans la Elle apparaît de dos, face à la fenêtre. À quoi songe-t-elle, lage : pendant qu’Éva badine et cite Tal- contenu du poème avec la situation vécue, le spectateur discipline scolaire : lecture monotone, perdue dans cette contemplation ? Elle-même semble leyrand avant de s’en aller, Cyril, certes est en proie, comme l’élève, au vertige interprétatif. Tout contre-sens, paraphrase approximative ailleurs dans un premier temps, détournée de son sujet, naïf, est tout à fait conscient de son fait signe, d’abord d’une manière évidente – la maladresse (« ils se promènent, c’est tout... ») ou jusqu’à ce qu’elle reprenne, avec le ton juste et une pointe désir, et c’est lui surtout qui multiplie du garçon –, puis d’une manière plus incertaine et virtuelle réflexions subjectives fantasmant un d’agacement, le passage lu par son élève. les marques de désir panique : soupirs, – la parole, les gestes de la jeune femme (le provoque- texte qui n’existe pas (« pourquoi elle tremblements, regards éperdus, lap- t-elle ?). La mise en scène participe discrètement, mais ne lui dit pas ? »), qui seraient à pros- Rapprochement sus... Qui, dès lors, est responsable de sûrement à cette confusion en resserrant les cadrages sur crire en situation d’examen ! À partir de cette distance initiale, la mise en scène opère un l’occasion manquée ? les visages des personnages et en se rapprochant de leurs Par ailleurs, la pédagogie d’Éva est mouvement de rapprochement progressif. Celui-ci se joue Enfin, poésie et cinéma ont leur propre points de vue respectifs (sans pour autant les adopter ambiguë : se sert-elle de Victor Hugo à plusieurs niveaux, qui s’entremêlent. Il est d’une part langage pour suggérer la montée du complètement) à des moments-clés du dialogue. Lorsque pour séduire ou séduit-elle pour d’ordre physique et passe par le cadre imposé de la le- désir. Les indices textuels du poème de la jeune femme demande « Mais tu ne vois pas que c’est mieux faire comprendre le poème ? çon : la jeune femme s’assied à côté de son élève pour Hugo laissent place aux signes visuels un poème d’amour ? », la caméra glisse derrière elle et Cette double leçon dont on pourra in- l’aider à se rapprocher du texte. Elle s’étonne de l’incom- et aux postures du corps, mais surtout filme le garçon sous un nouvel angle. Il s’agit du seul mou- terroger le caractère particulier rap- préhension du garçon dont le lapsus – il lit « lourds » à la à de subtils jeux de caméra et de mon- vement de caméra bien distinct du film. Il souligne et en- pelle dans le même temps combien place de « sourds » – souligne la paralysie et le malaise. tage : champs/contrechamps se font au registre une métamorphose à vue, une opération presque toute œuvre n’a de sens que quand « Il se passe forcément quelque chose, sinon ce ne serait fur et à mesure plus rythmés, un lent fantastique, comme si une révélation lui était faite, peut- elle est vécue intimement. De même pas intéressant », insiste-t-elle. Dans un tel contexte, la travelling (à la quatrième minute) mime être une déclaration. Saisie de l’autre côté de la table, que Todorov1 défendait l’absence de phrase vaut comme une invitation à redoubler d’attention le rapprochement entre les êtres, dans au-dessus de l’épaule des personnages, la conversation « séparation » entre la littérature et et comme une indication sur le parti pris du réalisateur. ce qui pourrait faire l’objet d’une petite prend un tour plus intimiste ; une barrière est franchie. la vie réelle, le sens de l’art étant lié à Elle résume à elle seule la nature cinématographique et Dès lors, le garçon prend de l’assurance et tente même leçon de cinéma. quasiment chimique de l’expérience relatée : lorsque deux notre expérience du monde, on pourra de se rapprocher. Quelle que soit la lecture que l’on fait de Xavier Orain jeunes gens sont filmés côte à côte, il se passe forcément poser cette question aux élèves : ont-ils la fin – un refus semble tout de même signifié par la jeune déjà vécu des moments qui rentraient quelque chose, surtout en lien avec un poème sur le désir. femme –, l’histoire est loin d’être close... Une porte s’est Leur réunion à une table, dans un même cadre fixe d’abord en résonance avec des œuvres lues ou 1. Tzvetan Todorov, La Littérature en péril, ouverte, qui fait entrer une brise légère et donne accès, vues ? En ont-ils tiré des leçons ? Flammarion, 2007. frontal révèle rapidement la nervosité de l’adolescent – il dans un même mouvement pur et simple, à la vie et à la ne sait pas quoi faire de ses mains et fait tomber son sty- littérature. lo. Un double langage prend place rapidement : celui du poème dont il est question et celui, autrement poétique, Amélie Dubois des corps. Ces deux champs d’expression vont sans cesse correspondre et se recouper. Le corps de Cyril n’est pas le seul en jeu. Si le texte résonne comme une explication

15 Tous les chemins mènent à Renoir

Les réalisateurs des trois courts métrages contemporains Catherine Cosme Florence Miailhe du programme Parties de campagne évoquent leur « Au début de ma première année d’études de cinéma, mon tout « Réalisant un petit sujet sur les guinguettes pour l’émission rapport personnel au cinéma de Jean Renoir. premier cours porta sur Partie de campagne. Le film était pro- Karambolage d’Arte, je me suis replongée dans les peintures de jeté dans un auditorium, nous étions dans le noir et écoutions Renoir et j’ai pastiché avec beaucoup de plaisir Le Déjeuner des ce chant de rossignol pour l’un des moments les plus doux et canotiers. Jean Renoir a grandi avec les tableaux de son père Raphaël Chevènement sensuels de toutes les séances d’analyse du cinéma que j’ai pu et, dans Partie de campagne, joue avec des images qui lui sont « La façon dont Renoir parle des acteurs, la place centrale qu’il suivre ensuite. familières et font partie de ses souvenirs d’enfance au même leur accorde, l’amour qu’il a pour eux ont été pour moi déter- Durant l’écriture des Amoureuses, j’étais imprégnée de cette titre que des souvenirs réels. Et l’œuvre de son père traverse minants. séquence, comme de celles du Tarzan et sa compagne de son film sans que celui-ci ne soit jamais dans la copie. Comme l’œuvre de ma mère, peintre également, traverse mes films... J’avais noté ces mots qu’il avait eu à propos de Michel Simon Cedric Gibbons et Jack Conway, réalisé en 1934 avec Johnny Toute proportion gardée, j’ai en commun avec Jean Renoir cette et de son rôle dans (1931) : « Ce qui se passe avec Weissmuller et Maureen O’Sullivan. Le mélange de la sensua- vision des choses donnée par des peintures omniprésentes au de grands acteurs, et par conséquent avec Michel Simon, c’est lité de l’eau et de la musique du vent dans les palmiers était quotidien. que ces grands acteurs vous dévoilent, mettent à jour des rêves une pleine inspiration issue de ces deux films. Tout comme mes que l’on avait eus, mais que l’on n’avait pas formulés. En réalité, prédécesseurs, je voulais offrir aux plus jeunes la possibilité de Quelles références écrasantes que les Renoir, père et fils ! Ils c’est l’éternel mystère de la création. Il arrive un moment où sentir le désir de Sara progressant vis-à-vis de Lilian, et com- font partie de ces artistes dont les influences sont présentes de l’on n’est plus responsable de la création, où elle vous échappe, ment sa jeune sœur et sa mère grandissent avec elle selon cette façon presque inconsciente. Pour Au premier dimanche d’août, et le grand acteur est un grand acteur dans la proportion où même vague d’émotion. je n’ai pas directement pensé à Partie de campagne, mais avant il vous échappe et où, en vous échappant, il correspond néan- Traverser le désir sur les trois âges était un pari que j’abordais de commencer le film, j’ai dessiné dans les bals, regardé des moins au rêve que l’on avait eu et vous le fait découvrir. ». Tout avec beaucoup de tension, car j’étais menée par une grande tableaux, des films... et laissé les influences agir. est là. C’est avant tout la personne qu’il va filmer, sa façon de envie de pouvoir transmettre tout ce qu’un corps ressent sans Une fois le film terminé, des proximités peuvent se dessiner, bouger, d’animer son visage. Il ne choisit pas ses acteurs parce entrer dans une démonstration volontariste et trop explicative. comme la façon d’appréhender la sensualité, de filmer le plai- qu’ils sont bons ou parce qu’ils jouent bien, mais parce qu’ils J’écoutais les adolescents parlant d’amour et de sexe – surtout sir. Ou les images des arbres, de l’eau, qui accompagnent et sont le rôle. Qu’ils le créent avec lui. de sexe, finalement… – et je les voyais employer des mots vio- révèlent les sentiments des personnages. Ou encore le sens de J’y ai beaucoup repensé quand j’ai rencontré Raphaël Goldman lents qui cachaient dans le même temps une grande fragilité et l’observation, des détails, des mouvements. Le trait un peu for- qui allait jouer dans Une leçon particulière. Nous n’avions pas, de la timidité. Cette dichotomie, je voulais en faire une force et cé, mais tellement juste des personnages. Toute la gestuelle Cécile Ducrocq et moi, écrit le film pour lui (nous ne le connais- poser des mots crus sur des images de palmiers dansant avec de Rodolphe exprime, à la manière d’un dessin animé, son dé- sions pas), mais aujourd’hui, il me paraît inimaginable sans lui, le vent, à l’image de la nature de Renoir dans Partie de cam- sir pour les femmes – comment ne pas penser au loup de Tex pas plus que je ne pouvais l’imaginer sans Cécile (qui avait écrit pagne. À la démonstration d’un baiser volé j’ai préféré le chant Avery ? la version initiale du scénario, et qui incarne la jeune profes- des grillons dans la nuit et repensé à Renoir, à cet auditorium, Renoir disait que ce qui compte dans un film, ce n’est pas l’his- seure). » tout en sentant au fond que je bouclais une rencontre restée toire, mais la façon de la filmer. En observant cette famille bour- gravée en moi. » geoise qui se rend à la campagne et en nous faisant partager des moments qui pourraient paraître sans importance, mais qui marqueront à jamais les deux jeunes gens, Renoir en fait la démonstration éclatante. Avec Au premier dimanche d’août, j’ai également tenté d’observer et restituer des petites histoires sans importance. »

16 Avant/après la séance

Cinéma naturaliste Après la séance Les films au programme de Parties de campagne décrivent - Partie de campagne : insister sur la mise en scène natura- des personnages évoluant dans un lieu où la nature (les berges liste de Renoir au sens où elle est un reflet des relations qui se d’une rivière, un camping, la place d’un village) joue un rôle es- tissent entre les personnages. Quel propos est servi par cette sentiel. mise en scène, particulièrement à la fin du film ? Les Amoureux, Auguste Renoir Cette interaction entre l’homme et la nature est comme un - Au premier dimanche d’août : le film de Florence Miailhe re- miroir qui exprime ce qui anime les personnages : le specta- pose sur une bande-son réaliste et proche d’une ambiance de teur est tour à tour témoin de désirs, de frustrations, ou tout fête, comme dans le cinéma de Jacques Tati. Le film est peint, simplement d’un éveil à des émotions nouvelles, en une sorte mais beaucoup de sensualité se dégage des personnages fémi- d’éducation sentimentale. nins : comment les scènes de danse sont-elles organisées dans On étudiera ce cinéma naturaliste en demandant aux élèves de le film ? Peut-on y voir un crescendo ? Dans quel but ? Que dire réfléchir à l’interaction évoquée plus haut : comment la nature, enfin du final qui glisse petit à petit vers l’abstraction ? personnage à part entière de l’histoire, entre-t-elle en réson- - Les Amoureuses : le film revisite la thématique du triangle nance avec les personnages ? Que révèle-t-elle de leurs aspi- amoureux en plaçant le personnage masculin face à trois per- rations ? De leur personnalité ? De leurs émotions ? Comment sonnages féminins qui sont autant d’incarnations de la femme les réalisateurs mettent-ils en scène cette nature en tant que à différents âges de sa vie sentimentale. Quels sont ces trois reflet de l’inconscient des personnages ? âges ? On détaillera ici les liens entretenus entre l’homme et La promenade, Auguste Renoir chacune des femmes. Comment le cadre bucolique de ce cam- Avant la séance ping en été illustre-t-il parfaitement les aspirations des per- Fiche élève > Les images de la fiche élève peuvent servir à sonnages ? préparer la séance. Que laissent-elles imaginer des films com- - Une leçon particulière : le film est à part dans la sélection, posant le programme ? puisqu’il s’agit d’un huis-clos citadin. Comment la nature appa- - Partie de campagne : on s’interrogera d’abord sur le sens des raît-elle ? Sous quelle forme ? Comment la lecture du poème de mots du titre, en relation avec le titre du programme. On pourra Victor Hugo éclaire-t-elle le lien qui unit les deux personnages ? établir le lien avec la nouvelle de Maupassant et, pourquoi pas, David Ridet Le Jardin, Marie Paccou la lire en classe avant la séance. Qu’évoque spécifiquement le mot partie ? À quel genre de jeu le spectateur va-t-il assister ? - Au premier dimanche d’août : qu’évoque pour les élèves le cadre de l’été ? Quel genre de séquence peut-on voir dans un film ayant pour cadre les vacances ? - Les Amoureuses : qu’évoque le pluriel dans le titre ? Peut- Images-échos on déterminer un nombre de personnages ? Évoquer avec les élèves la notion de triangle amoureux. Peut-on imaginer plu- À partir de ces associations d’images ci-contre, on peut sieurs personnes amoureuses ? De quel personnage ? interroger les sources d’inspiration ou la descendance Portrait of an artist (Pool with two figures), David Hockney possible des courts métrages, voir comment ils s’en - Une leçon particulière : à quoi pense-t-on quand on parle de détachent et comment un même sujet peut être traité de leçon particulière ? On reliera les réponses à la notion d’ap- façons différentes. prentissage, d’initiation. L’utilisation de l’adjectif particulier N.B. : ces images sont reproduites sur le dvd pour faciliter leur usage renvoie quant à lui à un resserrement du nombre de person- en classe. nages. Combien en trouve-t-on dans le film ?

La Pianiste, Michael Haneke 17 Sélection vidéo et bibliographique

On trouvera ici une sélection essentiellement vidéo et Quelques repères sur le cinéma d’animation Sur le court métrage bibliographique. Les ressources Internet sont directement mises • Xavier Kawa-Topor, Le cinéma d’animation, au-delà du réel, • Bref, la revue du court métrage : éditée par l’Agence du court en ligne sur www.ciclic.fr/lyceens (rubrique « les films » et Capricci, 2016. métrage, cette revue consacrée au format court est accompagnée « Parties de campagne »). • Philippe Moins, Xavier Kawa-Topor, Le cinéma d’animation en d’une sélection de films en DVD. 100 films, Capricci, 2016. À suivre aussi sur le web : www.brefmagazine.com Autour de Partie de campagne • Stéphanie Varela, La peinture animée. Essai sur Emile Reynaud • Jacky Évrard et Jacques Kermabon (dir.), Une encyclopédie du • Dossier Histoire d’un court sur le film, Bref n°120, automne 2016 (1844-1918). Entre peinture et cinéma, L’Harmattan, 2010. court métrage français, Festival Côté court/Yellow Now, 2004. / hiver 2017. Dossier réalisé par Jacques Kermabon, qui retrace • Le Kinetoscope : plateforme pédagogique de l’Agence du court la genèse et les nombreux rebondissements liés au tournage du Autour d’Une leçon particulière métrage, le Kinetoscope met à disposition un vaste catalogue de film. • Critique sur le film d’Arnauld Visinet, revue Bref n°84 films visionnables en ligne et dont les droits ont été acquis pour • Charles Tesson, « La Robe sans couture, la dame, le patron : (septembre/octobre 2008). un usage pédagogique. Une partie de campagne de Jean Renoir », Cinémathèque, n°5, Renseignement et abonnement : www.lekinetoscope.fr 1994. Quelques repères sur la peinture impressionniste • Guy Cavagnac (dir.), Une partie de campagne. Éli Lotar, • Véronique Bouret-Aubertot, Tout sur l’impressionnisme, Sites ressources pour l’éducation aux images photographies du tournage, avec la participation de Jean-Pierre Flammarion, 2016. • upopi.ciclic.fr : webmagazine et plateforme pédagogique de Pagliano, L’Œil, 2007. • Catalogue d’exposition Scènes de la vie impressionniste. Manet, Ciclic, agence régionale du Centre-Val de Loire pour le livre, • Marie Robert, « Partie de campagne : un film ‘inachevé’ ? », 1895, Renoir, Monet, Morisot…, RMN, 2016. l’image et la culture numérique. Tous les deux mois, de nouveaux revue de l’Association des cinémas de recherche sur l’histoire du • Dominique Lobstein, Eloges et critiques de l’impressionnisme, contenus sont réunis autour d’une thématique (animation, cinéma, n°57, 2009. de Charles Baudelaire à Georges Clémenceau, ArtLys, 2012. documentaire…) et d’un court métrage à voir en ligne. • Olivier Curchod, La méthode Renoir, Partie de campagne et La • Jean Renoir, Renoir, Hachette, 1962 ; puis Pierre-Auguste • www.lefildesimages.fr : publication des pôles régionaux grande illusion, Armand Colin, 2012. Renoir, mon père, Gallimard, Folio, 1981 et 1999. d’éducation et de formation aux images, ce site offre des ressources et permet de suivre l’actualité de l’éducation artistique aux images. Sur Jean Renoir Quelques grands films impressionnistes • Mémoires de Jean Renoir, Ma vie et mes films, Flammarion, • www.transmettrelecinema.com : portail des dispositifs • Louis Delluc : Fièvre (1921) et La Femme de nulle part (1924) 1974. d’éducation aux images (École et cinéma, Collège au cinéma, • Marcel L’Herbier : L’Inhumaine (1923) • Pascal Mérigeau, Jean Renoir, Flammarion, 2012. Lycéens et apprentis au cinéma, Passeurs d’images), ce site • Jean Vigo : L’Atalante (1934) • Olivier Curchod, La méthode Renoir, Armand Colin, 2012. agrège des informations et contenus pédagogiques sur les films • Jean Renoir : La Fille de l’eau (1925), Le Fleuve (1951), Le • Alain Fleischer, « En remontant Renoir » ; Alain Bergala, « Une programmés. Déjeuner sur l’herbe (1959). érotique du filmage », Trafic, n°11, été 1994. Frises interactives Sur Florence Miailhe En complément du livret, on pourra utiliser certaines des frises • Marie Desplechin, Florence Miailhe : Chroniques d’ici et chronologiques éditées par Ciclic, à consulter sur upopi.ciclic.fr d’ailleurs, Garde-Temps Editions, 2007. Un livre et un DVD pour (rubrique « Apprendre », « L’histoire des images ») : découvrir le travail de Florence Miailhe à travers sept de ses films. - Histoire du court métrage français - Histoire du cinéma d’animation

18 Compléments de programme

Sur le DVD Sur www.ciclic.fr/lyceens (rubrique « les Le DVD contient tous les films du programme dans films » et « Parties de campagne ») leur intégralité, à l’exception de Partie de campagne Outre le présent livret et la fiche élève que vous de Jean Renoir, que vous pouvez retrouver sur un trouverez en téléchargement, nous proposons en DVD spécifique dans votre CDI (DVD envoyés par la ligne des documents spécifiques. coordination), les images-échos de la page 17 du présent livret, ainsi que des compléments : • Partie de campagne Sélection de ressources Internet : des articles, • Partie de campagne documents pédagogiques, vidéos d’analyse, une - Analyse de séquence plateforme théorique et ludique « Renoir – Renoir » - Deux films issus de memoire.ciclic.fr et réalisés en créée à l’occasion d’une rétrospective du réalisateur 9.5 mm : Promenade sur le Loir de Bernard Loison à la Cinémathèque, ainsi qu’une émission Court- (1950) ; En famille au château de Vaugouard de Jean circuit (Arte) sur le film. Guilbert (1942). Analyse de séquence.

• Au premier dimanche d’août • Au premier dimanche d’août - Un film sur une soirée dansante issu de mémoire. Sélection de ressources Internet : un entretien avec ciclic.fr : Bal des supporters de Didier et Gilles la réalisatrice et une enquête de France 3 sur son Gouset en 16 mm (1966). cinéma, une critique de Adi Chesson, une analyse - Conte de quartier, un autre film de Florence Miailhe sur la peinture animée par Xavier Kawa-Topor, (2006). une conférence sur ce même sujet par Dominique Willoughby, ainsi que des pistes pédagogiques pour • Les Amoureuses aborder le film. - Analyse de séquence sur les trois rencontres - Un film réalisé dans le cadre d’un atelier • Les Amoureuses d’éducation aux images organisé par Ciclic (alors Un article sur une rencontre avec Catherine Cosme. Centre Images) avec l’Université François-Rabelais Analyse de séquence. de Tours : Mémoires d’un vendeur de piscines amnésique, monté à partir d’images d’archives • Une leçon particulière familiales de la région. Sélection de ressources Internet : lien vers la plateforme pédagogique de l’Agence du court • Une leçon particulière métrage le Kinétoscope, poème de Victor Hugo - L’Échappée, un film écho de Katell Quillévéré Vieille chanson du jeune temps récité dans le film. (2009).

19 Des courts métrages à portée de clic !

Ciclic propose deux sites internet débordant d’images animées en libre accès, analysées et Upopi (Université populaire des images) : mille et une CIEL (Cinéma indépendant en ligne) : votre webmagazine manières de découvrir et d’analyser les images. sur le cinéma indépendant dans son format court. rythmées par des Upopi est une invitation à la curiosité et à la divagation, de l’écran de CIEL fait le choix de s’intéresser à des formats et genres lignes éditoriales cinéma aux écrans du bout des doigts. Tous les deux mois : textes, cinématographiques, comme le court métrage et le documentaire, vidéos d’analyse, frises chronologiques, parcours pédagogiques et pour en montrer la richesse et le dynamisme. Rendez-vous tous singulières. film du moment permettent à chacun(e) de construire son propre les trois mois pour un programme d’une douzaine de films en parcours, d’appréhender les images en multipliant les approches, accès libre, accompagnés par des entretiens, des critiques, des les points de vue et les angles. ressources autour des films ou de leurs auteurs. > upopi.ciclic.fr > ciel.ciclic.fr

Ciclic, l’Agence régionale pour le livre, l’image et la culture numérique, est un établissement public de coopération une édition culturelle créé par la Région Centre-Val de Loire et l’État.