Uruffe au 19ème siècle

Uruffe fait désormais partie du département de la , de l’arrondissement de et du canton de Colombey, après avoir fait partie du canton d’ en 1790. Le nouveau découpage administratif de la est très proche de celui mis en place par l’Assemblée Constituante. Le Consulat a jeté les bases de l’ordre administratif qui allait triompher sous l’Empire. Le nouveau régime est fortement centralisateur, avec un préfet et un sous-préfet nommés respectivement à la tête du département et de l’arrondissement, le préfet recevant délégation pour le choix des maires et des adjoints dans les communes ayant moins de 5000 habitants.

Une forte croissance démographique amorcée au 18ème

C’est l’un des traits dominants du siècle. D’après la monographie Gille de 1888 (Bib municipale), Uruffe comptait 418 habitants en 1750. Les statistiques du curé Husson dans le registre paroissial font état de 290 communiants hommes et femmes en 1772, les jeunes enfants ne communiant pas. Henri Lepage indique 314 communiants pour 1782 et évalue la population à 82 feux à la veille de la Révolution, soit 410 habitants en prenant la fourchette haute (estimation moyenne du feu à 4 ou 5 personnes). Ce sont des statistiques finalement proches sur une période d’une trentaine d’années. En 1793, toujours d’après M. Gille qui a consulté les divers documents de la mairie, Uruffe compte 500 habitants et en 1810, 600 habitants. A comparer avec les 568 habitants de 1802, d’après Lepage.

Au recensement de 1846, la localité compte 888 habitants pour 188 maisons réparties entre 12 rues et occupées par 231 ménages. On décompte 440 individus de sexe masculin, soit 244 garçons, 184 hommes mariés et 12 veufs, pour un total de 440 personnes. Pour le sexe féminin, on note 233 filles, 184 femmes mariées et 31 veuves, soit 448 individus. Les rues les plus peuplées en 1846 sont : la rue de la Route (198 habitants), la Grande Rue (179), la rue Neuve -future rue du Faubourg - (122) et la rue des Morlots, anciennement Grande Rue (100). Ailleurs, la population va de 8 habitants, pour une seule maison dans la rue du Moulin que peuple la famille du meunier Mansuy Dourche, à 73 habitants pour la rue Basse.

D’après les statistiques de 1843 établies par Lepage sous les auspices du Préfet de la Meurthe, il y a 80 électeurs censitaires suffisamment aisés pour être soumis au cens, l’impôt direct, soit un peu plus de un dixième de la population ayant le droit de vote, les femmes ne votant pas (c’est l’un des paradoxes de la Révolution qui a éliminé les pauvres du droit de vote). Le

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suffrage universel masculin sera institué par la révolution de 1848 et maintenu sous le Second Empire. La commune compte 146 enfants en hiver, mais quarante seulement en été au gré des saisons ? Des enfants qu’on envoie travailler à l’extérieur aux beaux jours afin de soulager les ménages ?

La commune, qui affiche en 1861 870 habitants quand Vannes-le-Châtel et Allamps n’en comptent respectivement que 494 et 504, 351 et Rigny-St-Martin 159, est donc un gros village. A titre comparatif, Blénod-lès- Toul qui lui est relié par le chemin d’intérêt communal n° 11 dépasse, seul, les 1300 habitants. L’épidémie meurtrière de choléra due au bacille virgule- il prolifère dans le delta du Gange en Inde et s’est expatrié en Europe - qui s’est abattue sur le Toulois en 1854, n’a pas eu d’impact particulier à Uruffe alors que Gibeaumeix sera fortement touché par la maladie devant laquelle la médecine s’avère impuissante. Le registre d’état-civil mentionne ici 44 décès, ils ne dépassent guère la dizaine en temps ordinaire ; à Uruffe le taux de mortalité n’aura pratiquement pas bougé cette année-là, d’après les tables de mortalité : 21 décès en 1852, 22 en 1853, 23 en 1854. Le nombre des décès baisse les années suivantes, mais rien de probant pour l’épidémie.

En résumé, une population qui a plus que doublé sur une période allant de 1782 à 1846 et qui interroge quant à un apport de population venue de l’extérieur. En 1881 la population culmine à 928 habitants parmi lesquelles 47 personnes à titre temporaire, en raison des travaux pour l’aménagement du fort de Pagny-la-Blanche-Côte. Une stabilité des chiffres remarquable pour la population résidente, dite agglomérée, et qui s’élève alors à 881habitants.

Les carrières et la forêt, pourvoyeuses d’emplois

Des carrières réputées qui viennent rejoindre celles de Gibeaumeix, et au siècle précédent l’aménagement de la route de Vézelise à Vaucouleurs, devenue la départementale 18 qui relie la grande voie romaine aux pays de et à la route d’Orléans, ne sont sans doute pas étrangers à l’augmentation de la population. Le calcaire blanc gélif beaucoup plus dur que la craie - ce n’est qu’à Uruffe et à Gibeaumeix que ce calcaire est exploité dans le département comme pierre de taille - a pu attirer du monde, la départementale favorisant l’exportation des matériaux et les échanges. Le recensement de 1846 fait état d’un certain nombre de maçons et d’un chaufournier, Sébastien Bon, préposé à l’entretien du four à chaux en bordure de l’Aroffe, là où la rivière forme un coude en amont du canal du Merle. Il y a aussi la proximité des forêts : un bon nombre de bûcherons et de scieurs de long s’y activent. A noter la présence également de tourneurs sur bois. La commune dispose d’un brigadier-forestier et d’un garde-champêtre.

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Toute une partie de la population gravite autour du secteur de la construction avec des maçons, des charpentiers, des menuisiers, un plafonneur, un couvreur, des peintres.

L’artisanat et le commerce

Dans l’artisanat ceux dont le travail principal est le tissage, les tisserands, sont bien représentés en 1846. On trouve aussi un sabotier, des cordonniers, un charron, un bourrelier qui fait, vend ou répare les harnachements des animaux de trait.

Les commerces d’alimentation sont alors pratiquement inexistants, un épicier, un coquetier, et c’est tout… mais on fabrique son pain soi-même grâce à la chambre à four très répandue ; les légumes - la pomme de terre omniprésente - un bout de jardin, voire un peu d’élevage permettent aux familles les plus pauvres de vivre tant bien que mal…

Trois aubergistes tiennent table ouverte en ce milieu du 19ème siècle : Joseph Maljean et Jacques Auguste François rue de la Route, Dominique Fringant, rue du Ruisseau. Le trafic et le roulage s’étant beaucoup développés sous la Monarchie de Juillet, la départementale voit ainsi passer un certain nombre de gens. Les auberges sont donc les bienvenues en un temps où l’on ne va pas très vite. On note aussi la présence d’un maître de billard, Nicolas Pierson qui demeure rue Neuve.

Une profession pour le moins originale, celle de petits commerçants qui font office de colporteurs, seuls mentionnés dans le Dictionnaire Gindre de statistiques de 1861 et qui s’en vont par la Route et les chemins vendre des faïences et des chiffons.

Une agriculture en expansion

Progression des labours

L’augmentation de la population va se traduire dans le paysage rural. Au vu des chiffres avancés, les labours l’emportent désormais en ce milieu du 19ème siècle sur l’exploitation forestière. En 1843, le territoire communal s’élève à 1305 ha et se décompose comme suit, d’après Lepage : 718 ha de terres labourables, 46 ha de prés, 13 ha de vignes, 391 ha de bois, les hectares restants étant occupés par les habitations et les jardins. Les défrichements ont livré à la culture toute une partie des terres consacrées jadis à la forêt et aux pâquis car il faut nourrir les habitants. Quant à la vigne, comme les vergers, elle n’occupe et

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n’occupera jamais qu’une superficie restreinte, en raison de l’orientation de la vallée, la manre ou mauvaise vallée, et du versant tourné vers le nord-est. D’après les tables de recensement, on trouve parmi ceux qui cultivent la terre des propriétaires et des cultivateurs, ceux-ci travaillant avec leur père sur l’exploitation familiale, à moins qu’il ne s’agisse de fermiers soumis à une redevance fixe en argent ou de métayers qui partagent les fruits du sol avec le propriétaire selon une quotité fixée. On rencontre aussi quelques journaliers à la situation précaire qui vont se louer à la journée sur les terres d’autrui. Uruffe a également son berger. Sur le chemin qui reliait à l’époque Sauvigny à Blénod-lès-Toul, le pont des brebis sur l’Aroffe à la limite des territoires de Vannes et d’Uruffe rappelle le passage de troupeaux de moutons. La route de Vannes à Pagny-la-Blanche-Côte, construite depuis, le franchit toujours.

Le mode d’exploitation des terres labourables

D’après les statistiques de Gille pour 1888, elles sont soumises à l’assolement triennal sans jachère, cette dernière étant remplacée par la culture de la pomme de terre qui vise à la valoriser et qui intervient pour une large part dans l’alimentation tout en faisant aussi l’objet d’un commerce important. Il s’agit donc d’une culture continue. Cette absence de jachère, qui n’est pas compensée par la production suffisante d’engrais naturel qu’est le fumier, entraîne l’appauvrissement des sols et les rendements sont faibles. Le bétail - les bêtes à cornes notamment - est en effet insuffisant en raison de la faible superficie consacrée aux prairies, tant artificielles que naturelles. Le cycle des cultures pour les années 1887-88-89 se présente comme suit : - blé et seigle la première année : 180 ha de blé et 5 ha de seigle - avoine et orge la deuxième année : 75 ha d’orge et 110 ha d’avoine - plantes sarclées la troisième année : 140 ha de pommes de terre, 15 ha de betteraves et carottes fourragères, 25 ha de prairies artificielles Les vignes occupent une superficie de 18 ha et les prairies naturelles, de qualité inférieure, 45 ha. Il semble, si l’on compare ces statistiques à celles de 1843, que les labours aient régressé.

Une partie de la population se livre exclusivement aux travaux des champs. Toute une partie, très pauvre, travaille presque toute l’année dans les bois. Des pères de famille, des familles entières même, quittent plusieurs fois le village au cours de l’année pendant deux ou trois mois pour aller travailler dans des forêts parfois éloignées.

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Evolution de la population et début de l’exode rural

Au recensement de 1881 la population (928 habitants) se répartit entre la population dite agglomérée, celle éparse et celle décomptée à part.

La population agglomérée, celle de l’orphelinat comprise, s’élève à 881 habitants pour 214 maisons et 270 ménages. La population éparse du Fort comprend 30 personnes, celle décomptée à part deux membres de corps de troupe et 15 ouvriers étrangers préposés à des travaux d’intérêt public.

Les activités se sont très nettement diversifiées et le recensement affiche une main-d’œuvre féminine, 10 couturières et une quinzaine de brodeuses, une fileuse et une cardeuse qui travaillent pour des donneurs d’ordre. Les auberges existent toujours avec un cafetier rue de la Route et les commerces d’alimentation sont désormais bien représentés avec deux boulangers, quatre épiciers, un boucher, deux coquetiers, un laitier. L’alimentation, plus diversifiée, a progressé jusque dans les classes modestes. On note aussi un négociant. L’artisanat s’est enrichi de trois horlogers, d’un barbier et un peu plus tard d’un perruquier et d’un tailleur d’habits, ce qui indique qu’on prend davantage soin de soi, lorsqu’on le peut.

Les femmes qui n’ont pas encore investi le salariat, en dehors de celles préposées aux travaux de couture et de broderie, n’en sont pas moins à la campagne en cette fin de siècles très présents dans les différentes activités liées à l’agriculture et au commerce. A noter également des domestiques auprès des familles les plus aisées.

De 881 habitants on passe à 739 en 1901, soit 701 habitants pour la population agglomérée à laquelle s’ajoutent les 38 pensionnaires de l’Orphelinat, décomptées à part depuis 1886 mais intégrées à la population totale. La population a amorcé une courbe descendante qui va se poursuivre par étapes au siècle suivant jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

La ville et les zones industrielles, en pleine expansion grâce à la sidérurgie, à la prolifération des petites industries et au développement du commerce, ont commencé à drainer toute une population pauvre d’origine rurale qui espère y trouver un emploi salarié plus rémunérateur et qui vient s’entasser dans des logements souvent vétustes et insalubres, un phénomène que l’on retrouve un peu partout en France.

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