LE MONDE/PAGES<UNE>
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LE MONDE DES LIVRES VENDREDI 1er JUIN 2001 SAINT-MALO DES BOUDDHAS PARTOUT Le 12e festival international La chronique du livre Etonnants voyageurs, de Roger-Pol Droit qui se tient du 31 mai page V au 4 juin, met le cap sur le Grand Nord FRANCE-ANGLETERRE : FREDERICK G. BURNABY pages II et III CLEMENCEAU Histoire d’une passion Le feuilleton de Pierre Lepape page II a JOURNALISTE page VI tumultueuse page VII Etonnants Stevenson et ses « brownies » Le parcours de Robert Louis Ste- mentateurs. Lui, au moins, s’évade et la brièveté. Il admire Victor Hugo rumeur insulaire. Le voilà accusé de venson, marqué par une enfance cloî- l’âme légère et prend un contact C’est entre 1878 et 1885 mais il n’en a pas le souffle. Il aurait viol et d’incendie volontaire. Il est trée à Edimbourg, ses fugues en direct avec cette prose qui a un lien pu écrire Au cœur des ténèbres ou frappé d’une congestion cérébrale le Europe, son chemin de croix en Amé- ténu avec la transe et l’hypnose. que ce conteur fabuleux, Bartleby, sûrement pas Lord Jim ni 3 décembre 1894. Cette version rique et sa mort dans une petite île Robert Louis Stevenson l’avait Moby Dick. apocryphe des faits n’ajoute rien au des Samoa, contribue à étoffer la sim- d’ailleurs expliqué sur le mode comi- aidé nuitamment par de Dr Jekyll et Mr. Hyde fut écrit en travail des biographes. Elle prouve ple lecture de ses textes. Le moindre que qui est souvent le sien : la nuit, trois jours. L’état d’urgence permet simplement que l’œuvre, souterrai- our deux livres, L’Ile au écrit, dès lors, est le signe d’un des- des petits démons, des elfes, des petits esprits, écrivit la légèreté, l’unité de ton et surtout nement, nuitamment, se poursuit. trésor et Dr Jekyll et Mr. Hyde (aux- tin, d’une course à l’abîme, comme si trolls, des tomtes, des « brownies », l’essentiel de ses romans, une sorte d’inachèvement que Ste- Nous sommes tous des stevenso- Pquels il faudrait ajouter Enlevé !, Le sa fin – due à une probable rupture viennent le visiter. Ils écrivent à sa venson recherche. Le préfacier de niens sans le savoir. Maître de Ballantrae et Au creux de la d’anévrisme – éclaircissait totale- place et, le jour, il n’a plus qu’à « La Pléiade » cite d’ailleurs un exem- vague), Robert Louis Stevenson est ment sa vie. Comme si aucun doute, retranscrire la dictée de la nuit. Non nouvelles et autres récits ple de pensée fulgurante dont Ste- (1) Voir par exemple Une apologie des devenu un écrivain mythique, totem aucun zigzag, aucune erreur ne seulement les « brownies » produi- venson avait le secret : «Lavéritéde oisifs (éd. Allia, 80 p., 40 F [6,09 ¤]). d’une idée nouvelle de la littérature. venait se glisser dans sa trajectoire. sent des images et des intrigues, de voyages. Une œuvre l’art, c’est l’omission. Si je savais omet- Pris entre Melville et Conrad, mort à mais ils veillent à ce que tre, je ne demanderais rien d’autre. Un e A noter : l’Intégrale des Nouvelles quarante-quatre ans, il a écrit en un leur entreprise rapporte mythique qui entre enfin homme sachant omettre transforme- de Stevenson, publiée en deux éclair ses œuvres complètes. Il séduit Jacques Meunier quelque argent ! Cet rait en Iliade le journal du matin. » tomes chez Phébus libretto, sous la les enfants, les adultes et les universi- aveu, en forme de bla- dans « La Pléiade » Tout au long de sa vie, Robert direction de Michel Le Bris (nº 77 et taires. Il attire aussi bien les anarchis- Sa notice nécrologique ressemble à gue, signale les obsessions galopan- Louis Stevenson a fui l’enferme- 78, 596 et 764 p., 85 et 95 F ) : chaque tes que les conservateurs. C’est donc du Lagarde et Michard. tes de l’auteur : l’écriture, la hantise séjours, et ses amis sauront y pour- ment, l’oppression, la sclérose, l’as- nouvelle fait l’objet d’une présenta- un classique en marge. Certains le Ces idées toutes faites ne convien- de la ruine et le goût de l’inconscient voir. Sans doute trop par moments. phyxie. Il n’ignore pas la précarité. tion. tiennent pour un « petit maître » et nent pas à Robert Louis Stevenson. Il (des forces obscures). Sa silhouette Drôle de retrouver cet homme-là « La glace est de plus en plus mince d’autres pour un « grand écrivain ». n’est ni rebelle ni convenu. Il est dou- filiforme, son œil à la fois dense et sous la forme d’un missel. La collec- sous nos pieds », dit-il, avec une poin- ŒUVRES 1 La nuance ne vaut que par la qualité ble, triple et quelquefois pire. Il fau- émerveillé, le côté dandy, artiste, tion de « La Pléiade », il est vrai, l’ac- te d’ironie et d’humour noir. Sa vie de Robert Louis Stevenson. de ses lecteurs. Il a dans son camp dra l’enthousiasme d’un Michel Le esthète, doublé d’incessantes difficul- cueille tardivement. Moins roman- et sa mort forment un ensemble Edition publiée sous la direction Henry James, Jorge Luis Borges, Bris pour faire comprendre que le tés respiratoires, son charme disert, cier que fabuliste du réel, soucieux mythique. C’est du moins ce que lais- de Charles Ballarin, avec Nabokov et beaucoup d’autres. séraphin Stevenson cache un Steven- trahissent aussi un trait assez saillant de vivre en beauté, plus sensible à la se entendre Alberto Manguel, la collaboration de Laurent Bury, voyageurs Michel Le Bris, en France, a fait beau- son noir, révolté contre le victorianis- de son caractère : un besoin infini de parole qu’au discours, amoureux de l’auteur du Dictionnaire des lieux ima- Patrick Hersant, Marc Porée coup pour qu’il soit reconnu. Et voi- me et possédé par l’écriture. consolation et de protection. Sa fem- l’ellipse, de l’allusion, de la litote, il ginaires et d’Une histoire de la lecture, et Marc Rolland, ci, maintenant, qu’il entre dans la col- Il faut envier le lecteur qui s’atta- me, Fanny Osborne, sa mère, qui l’ac- était surtout connu pour des récits dans un roman pas plus long qu’un Gallimard-NRF, 1296 p., lection « La Pléiade »… que à l’œuvre sans le souci des com- compagnent dans ses plus lointains d’aventures, qui sont généralement long chapitre, Stevenson sous les pal- 375 F (57,16 ¤). tenus pour des livres d’apprentissa- miers. Très stevensonien dans son ge. Panachant la grâce et l’effroi, approche, il raconte la fin de Steven- STEVENSON SOUS cachant mal un grain de neurasthé- son. Prisonnier des mers du Sud, LES PALMIERS nie, c’était un candidat mal armé reclus dans son domaine de Valima, d’Alberto Manguel. pour la canonisation. L’entreprise de dans l’île d’Upolu, qui fait partie de Traduit de l’anglais (Canada) Charles Ballarin, qui dirige cette édi- l’archipel de Samoa, le « diseur d’his- par Christine Le Bœuf, tion, vient donc – dans le sillage d’un toires », malgré son indigénisme, va Actes Sud-Leméac, « Un endroit Michel Le Bris, qui de son côté a être confronté à ses fantômes et à la où aller », 90 p., 79 F (12,04 ¤). supervisé la réédition de l’intégrale des nouvelles et d’une très abondan- te exégèse anglo-saxonne – combler une lacune. Et ce n’est que justice puisque – pour paraphraser Henry James – Robert Louis Stevenson occupe une province de notre imagi- nation… Le volume contient des récits de a voyages, des nouvelles et des romans courts. L’amateur les con- naît déjà : Croisière à l’intérieur des terres, Voyage avec un âne dans les Cévennes, Les Nouvelles Mille et Une Nuits, L’Ile au trésor, Le Prince Othon, Clemenceau Le Dynamiteur et L’Etrange Cas du Dr Jekyll et de Mr. Hyde. Il couvre une période qui va de 1878 à 1885. Les dates sont importantes. En faisant l’impasse sur ses poèmes, ses arti- cles, qui sont autant d’essais en modèle réduit (1), Robert Louis Ste- venson avait donc écrit ses deux livres majeurs à l’âge de trente-cinq ans. Les « brownies » n’avaient pas chômé ! Une telle production ne s’explique que par des visions et des états seconds. C’est souvent un détail, un objet ou une séquence-choc qui déclenchent le processus de créa- tion. Ainsi, dans Dr Jekyll et Mr. Hyde, une porte close sert de prétexte à l’histoire. Une carte naïvement crayonnée sert de point de départ à L’Ile au trésor. Un jeune homme qui distribue des gâteaux à la ronde, sans se faire payer, et un casino de la mort jouent le même rôle dans Le Club du suicide. Stevenson a le don particulier de faire tourner ses histoi- res autour d’un axe obscur, une « scè- journaliste ne primitive ». Cela implique une grande vitesse de saisie et, par voie de conséquence, favorise la dextérité HULTON ARCHIVES www.lemonde.fr er 57e ANNÉE – Nº 17527 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- VENDREDI 1 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI France Télécom et Cegetel (Vivendi) Le jugement qui accable Roland Dumas b L’ancien ministre a été condamné à six mois de prison ferme b En profitant des sommes versées devaient obtenir par Elf à Christine Deviers-Joncour, il a « résolument franchi les limites de la loi pénale » b Il en a tiré des licences pour « avantages » et « bénéfice personnel » b Les juges écartent sa « complicité » dans les détournements DE LOURDES peines d’emprison- « complicité » dans les détourne- le téléphone du futur nement ont été infligées, mercredi ments poursuivis.