André Larquié Président Brigitte Marger Directeur Général
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André Larquié président Brigitte Marger directeur général Mon projet de mise en scène des deux Cantates de Bach (BWV 82 et 199) est une vendredi 23 mars - 20h expérience très personnelle avec laquelle je ne souhaite pas faire école. Un de mes dimanche 25 mars - 16h30 Johann Sebastian Bach souhaits a consisté à réfléchir au lien que la mise en scène pouvait entretenir avec la salle des concerts Cantate « Mein Herze schwimmt im Blut », BWV 199 musique. J’ai ici abandonné tous les luxes et la logistique d’une grande maison (voir traduction p. 7) d’opéra pour « mettre en scène » le concert et apporter un « plus » à un rituel artis- Rezitativ : « Mein Herze schwimmt im Blut » tique déjà existant. Il faut cependant être prudent. Les premières répétitions des Arie : « Stumme Seufzer, stille Klagen » Rezitativ : « Doch Gott muß mir genädig sein » Cantates de Bach ont été difficiles : vous avez sans cesse l’impression de trahir Arie : «Tief gebückt und voller Reue » l’imaginaire, de caricaturer ce qui devait rester suggéré ou de déformer un objet Rezitativ : « Auf diese Schmerzensreu » chéri… C’est seulement au bout d’un long cheminement que vous découvrez une Choral : « Ich, dein betrübtes Kind » porte secrète, la clé mystique… Comme vous trouvez le ton juste, le tempo juste en Rezitativ : « Ich lege mich in diese Wunden » travaillant une partition. Arie : «Wie freudig ist mein Herz » Le résultat devient acceptable lorsque cette mise en scène reste simple, presque durée : 26 minutes évidente. Elle doit simplement permettre de comprendre la structure de la cantate entracte pour donner chair aux questions théologiques qui peuvent être senties avec âme, cœur et corps. C’est seulement par l’absence totale de retenue de la part des Cantate « Ich habe genug », BWV 82 interprètes que l’on accepte de « voir » et d’« écouter » en même temps. En fait, ma (voir traduction p. 8) mise en scène de Bach ressemble à une longue quête qui consisterait à rendre Arie : «Ich habe genug » visible ce qui est invisible, et à rendre invisible ce qui est visible. Bach se lit perpé- Rezitativ : « Ich habe genug! Mein Trost ist nur allein » Arie : « Schlummert ein, ihr matten Augen » tuellement dans cette étrange tension entre les deux niveaux de perception. Rezitativ : « Mein Gott! wann kommt das schöne: Nun! » Et puis ses Cantates tiennent aussi de la cérémonie de guérison ou du rituel de puri- Choral : « Ich, dein betrübtes Kind » fication… Vous assistez à la mise à nu d’un être humain, livré pour vous, avec ses Arie : « Ich freue mich auf meinen Tod » faiblesses ou ses forces. Pour ne pas perturber ce contact intime avec l’homme, durée : 22 minutes ma mise en scène se limitera à un costume et à des éclairages élémentaires. Une « anti-mise en scène » en quelque sorte qui se centrera sur l’individu. Reste alors sur scène un cœur qui bat, avec son chant… une inspiration guidée par la respi- Craig Smith, direction ration… une transcendance provoquée par la pureté de la respiration… Lorraine Hunt Lieberson, mezzo-soprano Dans cette quête mystique, j’ai l’immense chance de travailler avec la mezzo- Michael Schumacher soprano Lorraine Hunt Lieberson. Elle seule me semble capable d’exprimer les The Orchestra of Emmanuel Music expressions les plus complètes de la vie. D’abord parce qu’elle les a vécues et senties ; mais bien sûr, aussi, parce que son chant – comme avant elle celui de Maria Peter Sellars, mise en scène Callas – a cette capacité de sortir des cadres admis de l’expression, d’aller au-delà James F. Ingalls, création lumières des choses. Dès que vous l‘entendez chanter, vous êtes immédiatement saisi par Dunya Ramicova, création costumes (BWV 199) la pureté presque féroce de sa voix. J’ai l’impression d’être en elle, sans aucune distance. Je la « lis », comme Bach peut se « lire » en elle… Ce qui me force à durée du concert : 1h20 croire – si j’en juge par mon expérience des cantates – que vous commencez à vous intéresser à Bach à partir du moment où vous vous êtes intéressé à la vie. logos Figaroscope et Mezzo commande cité de la musique, Lincoln Center for the Peter Sellars Performing Arts de New York, Barbican Center de Londres et Internationale Musikfestwochen Luzern interview réalisée en 1999 patenaires de la cité de la musique production Old Stories: New Lives Bach/Sellars Bach/Sellars Johann Sebastian Bach composition : pour le 11ème dimanche après la Trinité ; textes : Cantate « Ich habe composition : pour la fête de la Purification de Marie ; textes : Cantate « Mein Herze Georg Christian Lehms (1711) et Johann Heermann (1630) ; genug », BWV 82 auteur anonyme ; création : le 2 février 1727 à Leipzig. schwimmt im Blut », création : le 12 août 1714 à Weimar. BWV 199 On connaît quatre états de cette cantate, avec à La Cantate BWV 82 est subdivisée en cinq sections – chaque fois des modifications dans l’instrumentation. trois airs alternant avec deux récitatifs – et se trouve Preuve que Bach aimait cette œuvre et que, malgré les confiée à une unique soliste. Mais cette œuvre a été astreintes de production auxquelles il était soumis, il écrite à l’origine pour voix de basse, avant d’être chercha toujours à l’« améliorer ». remaniée pour soprano en 1731. Le texte est une Elle s’ouvre par une confession d’une extrême vio- succession de paraphrases sur le « Nunc dimittis » lence. C’est l’aveu d’un pécheur contrit de l’ampleur (« À présent laisse aller ton serviteur en paix »), paroles des fautes qu’il a commises. Sang, monstres, tor- du vieillard Siméon qui avait reçu de Dieu l’assurance ture, bourreaux, vice et détresse : tels sont les mots qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu l’Enfant Jésus. que Bach met en musique dans ce récitatif, avec une Le ton du début, avec les élancements du hautbois, grande réserve pourtant, sans aucun pathos, comme nous plonge dans un contexte mortuaire, mais la si la dignité pouvait seule justifier de la véracité de la consolation ne tarde pas avec la douce berceuse du confession. Tout le reste de la cantate, comme ce second air « Schlummert ein, ihr matten Augen » début, est écrit pour la voix de soliste, même le cho- (« Refermez-vous dans le sommeil, yeux fatigués »). Si ral. L’œuvre est comme une scène d’opéra spirituel qui le dernier récitatif, adieu au monde, rappelle la gravité narre le cheminement d’une âme repentante. Ainsi, de l’instant, l’air final, avec sa vocalise sur le mot le numéro deux est-il dédié à ses plaintes silencieuses. « freue » (« Je me réjouis »), impose l’idée essentielle : C’est un moment où Bach reste magnifiquement éco- celle d’une mort longtemps attendue et acceptée nome des moyens qu’il met en jeu : un continuo très avec joie comme l’accomplissement d’une promesse. sobre, une ligne de hautbois contrepointant la voix, dont aucune note ne pourrait être retranchée. André Lischke Au numéro six, alors que l’âme semble près d’être ras- sérénée, c’est l’alto (la viole de gambe ou le violoncelle piccolo dans des versions ultérieures) qui vient affermir l’allure du continuo et, entourant la voix d’une sollici- tude particulière, délivrer celle-ci des lois de la pesanteur. L’œuvre s’achève quand l’âme est assurée de son salut. Cet air final n’est pas seulement le moment le plus joyeux de la cantate (et peut-être le seul) ; c’est aussi le lieu où la vocalisation s’épanche plus librement et où Bach, tout en restant économe, confère au tissu orches- tral une épaisseur jusque-là inconnue. Dominique Druhen 4| cité de la musique notes de programme | 5 Bach/Sellars Bach/Sellars Arie air Mein Herze schwimmt im Blut Mon cœur baigne dans le sang Tief gebückt und voller Reue Remplie de repentir, Rezitativ récitatif Lieg ich, liebster Gott, vor dir. Je me prosterne bien bas devant toi, ó Mein Herze schwimmt im Blut, Mon cœur baigne dans le sang [Dieu très cher, Weil mich der Sünden Brut Depuis que l’engeance de mes péchés Ich bekenne meine Schuld, Je confesse ma faute, In Gottes heilgen Augen zum Ungeheuer macht. A fait de moi un monstre aux yeux sacrés de Dieu. Aber habe doch Geduld, Mais sois patient, Und mein Gewissen fühlet Pein, Et ma conscience est au supplice Habe doch Geduld mit mir! Sois indulgent à mon égard. Weil mir die Sünden nichts als Höllenhenker sein. Car mes péchés me sont des bourreaux de l’enfer. Rezitativ récitatif Verhaßte Lasternacht! Maudite nuit remplie de vice ! Auf diese Schmerzensreu Dans ce douloureux remords Und du, du allein hast mich in solche Not C’est toi, toi seule qui m’a plongée dans une Fällt mir alsdann dies Trostwort bei : Me reviennent ces paroles de réconfort : [gebracht ; [telle détresse : Und du, du böser Adamssamen, Et toi, pernicieuse semence d’Adam, Choral choral Raubst meiner Seele alle Ruh Tu dérobes toute paix à mon âme Ich, dein betrübtes Kind, Moi qui suis ton enfant affligé, Und schließest ihr den Himmel zu! Et lui ferme accès au ciel ! Werf alle meine Sünd, Je jette tous mes péchés, Ach! unerhörter Schmerz! Hélas ! quelle douleur inouïe ! So viel ihr in mir stecken Aussi nombreux qu’ils soient en moi Mein ausgedorrtes Herz Plus aucun réconfort ne féconde Und mich so heftig schrecken, Et aussi effrayants que je les ressente, Will ferner mehr kein Trost befeuchten, Mon cœur desséché. In deine tiefen Wunden, Dans tes profondes blessures Und ich muß mich vor dem verstecken, Et je dois me cacher de celui Da ich stets Heil gefunden.