Scarface, Dans Lequel Il Décrit Les Gangs Siciliens Et Les Quartiers Mal Famés De La Ville
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Dans les rues de Chicago au début du xxe siècle, sous le regard inquiet de son frère aîné Ben, un policier, le jeune Tony Guarino, montre d’évidentes dispo- sitions pour les activités délictueuses. Vite nommé second d’un caïd local, puis revenu balafré de la Pre- mière Guerre mondiale, il va connaître une ascension fulgurante au sein de la pègre, avant d’en devenir le big boss. Façonnée par la violence, sa vie s’achèvera de la même manière, dans un face à face tragique avec son propre frère. La réédition d’un grand classique des années 1920, pre- mier roman de gangsters inspiré de la vie d’Al Capone, adapté par Howard Hawks en 1932 puis modernisé par Brian De Palma en 1983. Né en 1902, fils d’un imprésario de théâtre, Maurice Coons, alias Armitage Trail, quitte l’école à seize ans pour se consacrer à l’écriture. Très jeune, il vend déjà ses histoires à des magazines pulps et rédige le contenu de plusieurs numéros de revues policières. C’est Chicago qui nourrira l’univers de son roman Scarface, dans lequel il décrit les gangs siciliens et les quartiers mal famés de la ville. Après être monté à New York, puis Hollywood pour écrire des films, il meurt en 1930 d’une crise cardiaque. Scarface sera adapté à deux reprises au cinéma : en 1932 par Howard Hawkes et en 1983 par Brian De Palma. Armitage Trail Scarface Traduit de l’anglais (États-Unis) par Franck Reichert Collection fondée par François Guérif Rivages/noir Retrouvez l’ensemble des parutions des Éditions Payot & Rivages sur payot-rivages.fr Ouvrage publié sous la direction de François Guérif Titre original : Scarface Couverture : © Vincent Roché © Éditions Payot & Rivages, Paris, 1992 pour la traduction française © Éditions Payot & Rivages, Paris, 2018 pour la présente édition ISBN : 978-2-7436-4458-1 À Leo Margulies Armitage Trail était le pseudonyme de l’écrivain américain Maurice Coons. Fils d’un imprésario de théâtre qui dirigeait les tournées en province de la New Orleans Opera Company tout en fabriquant des meubles et des silos agricoles, Maurice Coons devait abandonner ses études à seize ans pour consacrer tout son temps à écrire des romans. Vers dix-sept ou dix-huit ans, il vendait déjà ses histoires à des revues. À l’âge de vingt et quelques années, il rédigeait la totalité du contenu de plusieurs numéros de divers magazines policiers, sous un assortiment de pseudonymes variés. Et, à vingt-huit ans – après être monté à New York pour écrire encore plus de nouvelles, puis à Holly- wood pour écrire des scénarios de films – il mourut subitement d’une crise cardiaque, dans le Paramount Theater, un cinéma de Los Angeles downtown. À l’époque de sa mort, il pesait 158 kilos, portait une moustache noire fournie, et des borsalinos à la Barrymore. Il vivait seul, dorloté par un merveilleux chauffeur noir et un homme de maison du nom de Ford. Son frère, l’humoriste Hannibal Coons, devait lui survivre. Maurice Coons amassa le matériau de Scarface à l’époque où il vivait à Chicago, période au cours de 9 laquelle il fréquenta un grand nombre de gangs sici- liens locaux. Pendant une paire d’années, Coons passa la majeure partie de ses nuits à sillonner le ter- ritoire des gangs de Chicago, avec un avocat de ses amis, et ses journées assis dans le solarium de son appartement d’Oak Park, à écrire Scarface. Il ne devait jamais rencontrer Al Capone, qui lui inspira son immortel personnage, mais Capone était on ne peut plus vivant à la parution du livre. Lorsque Howard Hugues envisagea de produire un film tiré du roman, Coons souhaitait qu’Edward G. Robinson incarnât le rôle principal, à cause de sa ressemblance avec Capone mais, Hollywood étant ce qu’elle est, ce fut Paul Muni, un homme d’un aspect pour le moins différent, qui finit dans la peau de Scarface. L’auteur devait mourir avant la sortie du film, et ne le vit donc jamais. Mais Al Capone le vit bien, par contre, et Ben Hecht, le grand scénariste, dut trouver très rapidement les mots qu’il fallait pour convaincre ses nervis que le personnage de Scarface n’était pas inspiré de lui. Le seul autre roman d’Armitage Trail qui soit par- venu jusqu’à nous est The Thirteenth Guest (1929) 1. Ces deux romans préfigurent tant le roman « hard- boiled » que le magazine Black Mask. Maxime jakubovski 1. Le Treizième Invité. 1 Tony Guarino, destiné à devenir le plus grand de tous les chefs de gang célèbres d’Amérique, n’avait que dix-huit ans lorsqu’il commit son premier crime sérieux. Et, comme c’est souvent le cas, la cause en était une femme. Mais quelle femme ! Tony n’avait aucun mal à l’imaginer, alors qu’il se tenait dans l’allée obscure menant depuis la porte blindée qui se trouvait à l’entrée des artistes de ce petit théâtre burlesque de quatre sous, jusqu’à la rue. Une grande blonde sculp- turale, aux cheveux dorés, au teint blanc et rose, et aux longues et gracieuses jambes blanches. Il avait de nombreuses fois admiré ces jambes, lorsqu’elle exécutait son numéro de danseuse, et elles ne man- quaient jamais de déclencher en lui un frémissement électrique, qui le laissait comme asphyxié. La porte de l’entrée des artistes s’ouvrit à la volée, projetant un rectangle de lumière jaune sur la meute d’hommes trop élégants et de garçons mûrissants qui attendaient là, comme autant de loups, leur proie pour la nuit. Puis la porte se referma tout aussi bruta- lement, replongeant l’allée dans la pénombre, et une fille traversa la foule rapidement, vive et aérienne, comme oublieuse des mains qui se tendaient pour la 11 retenir, et des voix rauques qui proféraient de brutales avances. C’était elle ! Qui, sinon Vyvyan Lovejoy, pouvait user d’un parfum aussi capiteux, aussi sensuel ? Tony plongea à sa suite, vers les lumières et les bruits qui désignaient la rue. Elle fit une pause sur le trottoir, silhouette souple et élancée, vêtue de façon voyante d’un ensemble d’un vert éclatant, à la jupe à la fois trop courte et trop moulante, et toute rutilante d’un tas de bijoux en toc. Les gens dotés d’une saine vision du monde l’auraient sans difficulté reconnue pour ce qu’elle était, une balise trompeuse, alléchante et dangereuse mais, pour Tony, elle n’était, tout simplement merveilleuse, que quelque chose qu’il lui fallait posséder et idolâtrer. Il vint se mettre à sa hauteur et ôta sa casquette. C’était là l’une des choses qu’il avait apprises au cinéma, le seul précepteur qu’il ait jamais eu. – Bonsoir, Miss Lovejoy. Elle tourna vers lui le visage qu’il trouvait si ravis- sant. Il était totalement incapable de voir que son teint était encore plus toc que ses bijoux ; incapable de dis- tinguer les ravages de la débauche, sous les couches de fond de teint et de poudre ; de remarquer les lignes cruelles, autour de la bouche trop rouge, ni l’impi- toyable cupidité d’un nez plutôt épais, et maquillé. Tandis qu’elle le toisait, le mépris affleura sur son visage effronté et durci, et un étrange éclat scintilla dans ses yeux verts. – Toi ! fit-elle. Encore. – Non… Déjà ! Tony rit à ce qu’il considérait comme un brillant trait d’esprit : – Et je continuerai à venir ici tous les soirs, jusqu’à ce que vous m’ayez filé un rencart. 12 La fille émit un petit son bref et sans joie, qui res- semblait plus à un grognement qu’à un rire. – Non mais vous vous rendez compte le culot d’ce sale petit morveux ? questionna-t-elle, comme si elle s’adressait à un public, mais ses yeux verts plon- geaient droit leur regard froid dans les yeux noirs et pleins de défi de Tony. Un moutard qu’a même pas une bagnole à lui et qui voudrait que je lui donne rendez-vous, moi. Dis donc, sale gosse, tu sais qui c’est mon p’tit ami, un peu ? – Non, et je m’en bats l’œil, rétorqua Tony avec la fougue toute je-m’en-foutiste des Latins. Tout c’que j’sais, c’est qu’ça va être moi ! – Eh ben, c’est Al Spingola. À l’intérieur de Tony, quelque chose devint subi- tement glacé. Al Spingola était le nom d’un des plus gros caïds de la ville, un homme dénué de toute pitié, mais nanti de gros revenus, d’un tas de malfrats dévoués à sa cause parce qu’ils le craignaient et qu’il les payait bien et, de plus, c’était lui-même un rapide de la gâchette. Un homme dangereux ! – Bah ! J’parie qu’il est pas plus excitant qu’ça, répliqua Tony avec entêtement. – Peut-être bien, concéda Vyvyan. Mais, au moins, il sait offrir à une fille des choses un peu plus subs- tantielles que des baisers… Quand t’auras un gros paquet d’oseille de côté, le môme, et une grosse voi- ture, repasse dans l’coin et peut-être qu’on pourra causer. Elle rit encore, et descendit sur la chaussée, tandis qu’une grosse voiture de maître déboulait, étince- lante, et se rangeait, à sa hauteur. Tony, derrière elle, esquissa un pas en avant. Puis il pila, reconnaissant l’homme qui était au volant. C’était Al Spingola. Un type lourdement charpenté, trapu et ramassé, 13 aux yeux durs, sombres et impitoyables, à la bouche cruelle, aux lèvres épaisses et brutales, élégamment vêtu de gris, et dont la cravate s’ornait d’un énorme diamant.