Patrick Poivre D'arvor
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
L’ÉDITO DE FRANÇOIS MITTERRAND POLITIQUE & TÉLÉVISION NUMÉRO 15 La maquilleuse m’a composé un fond de teint, ce odeurs de poussière d’été. Les mots dansaient dans POLITIQUE & que je n’aime guère. Elle m’a expliqué que c’était indis- ma tête et restaient au niveau du larynx. Et le peu qui pensable. Je deviens docile en vieillissant. Petit bout en sortait échappait aux normes grammaticales. Sale d’aimable conversation. Un coup de peigne. Top. On affaire ! Cet examen raté, faute d’avoir émis un son clai- TÉLÉVISION commence. Impossible de s’y résigner. Si bien qu’assis rement articulé, je ne cesse pas de le passer. Aujourd’hui TOUCHE PAS À MON POSTE ! sous l’œil brûlant des projecteurs, il reste à concentrer encore, parler en public déclenche en moi une sorte de sa mémoire sur les points de repère d’un texte soigneu- refus. L’excès de langage est un procédé coutumier à qui sement préparé à parler, sans perdre le fil qui menace à veut faire diversion. tout instant de casser. Cet effort vide le regard. La bouche PATRICK s’ouvre ou se ferme sur un discours qui essaie de rattraper Mais je reviens au règlement des émissions télévisées. la pensée quand il ne la précède pas, ce qui provoque Chaque essai simule le direct. C’est-à-dire que, de la POIVRE une série de mouvements disharmoniques comme un seconde où l’orateur se tait, le film ne peut être retouché. play-back mal ajusté. La liaison malencontreuse, le bafouillage, l’éternuement, le saignement de nez, l’évanouissement sont désormais D’ARVOR Après un temps, qui paraît toujours long, pendant lequel inexpugnables. « Les monarques sont les techniciens font leurs réglages, un opérateur annonce moins impressionnants à haute voix le compte à rebours : 10, 9, 8, 7, et s’arrête à 3. Pour notre dernière intervention du deuxième tour de Silence. Une lampe rouge fixée sur la caméra s’allume : l’élection présidentielle de 1965, le général de Gaulle et qu’ils ne l’étaient » c’est parti. Je n’apprécie pas beaucoup cette attente du moi, seuls en lice, avions un crédit de huit minutes. Je déclic. Les traits se feignent. Je me ferme en moi-même n’ai pu employer le mien qu’après une heure et demie plutôt que d’hésiter entre des attitudes dont aucune ne d’immobilité, pupilles brûlées par les projecteurs qui me sera naturelle au bout de trois secondes. J’entends déjà dardaient. Chaque fois que je m’élançais, j’étais arrêté le commentaire du lendemain : « Vous aviez l’air trop dur, net par un « incident technique » provenant soit du son, trop crispé, au début, ensuite ça s’est arrangé. » Essayez soit de l’image. J’en avais mal au dos, la langue sèche et donc ! L’oral de mon premier bac hante parfois encore les idées brouillées. Pierre Badel, qui me conseillait, finit mes rêves. Je me vois face à l’examinateur, dans cette par menacer de casser la baraque. Je pus terminer d’une salle de la faculté des Lettres de Poitiers, aux bonnes traite. — Sources : La Paille et le Grain, Flammarion, 1975 L’Abeille et l’Architecte, Flammarion 1978 3 4 Charles Charles RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX 6 POLITBURO JEAN-LUC MÉLENCHON par Édouard Philippe 10 JE T’AIME MOI NON PLUS LÉA SALAMÉ « Je dois ma carrière à Michel Charasse » 18 POUR QUI VOTEZ-VOUS ? LAURENT BINET 24 GRAINE DE STAR ARNAUD DROUOT Les enchères montent 28 L’INTERVIEW D’UN CHARLES CHARLES-ANGE GINÉSY « On a une diarrhée législative hallucinante ! » © PATRICE NORMAND POUR CHARLES/DG © PATRICE 5 6 Charles Charles RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX POLITBURO MÉLENCHON OU L’ÉLÉGANCE DU HÉRISSÉ par ÉDOUARD PHILIPPE Député républicain et maire du Havre ’est certainement parce qu’il ne l’a jamais rencontré qu’Édouard Philippe peut tracer en toute équanimité un portrait vif et sincère de Jean-Luc Mélenchon. Ce fidèle juppéiste ne partage évidemment pas grand-chose, idéologiquement parlant, avec le leader du Parti de gauche. C Et pourtant, en grattant un peu… illustrations Anne-Gaëlle Amiot À droite, on aime bien Mélenchon. vouloir rétablir le féodalisme ; je suis attaché à mon pays, Il est la gauche que nous avons toujours adoré détester. il me soupçonne de trahir l’humanité ; je suis gaulliste, il Celle d’avant Emmanuel Macron. La gauche de la gauche, abhorre les institutions de la Vème. les « bolcheviques ». Bref, je suis de droite, et le fait que certains dans ma Pour être tout à fait honnête, on aime surtout les bol- famille politique me reprochent de ne pas l’être assez ne cheviques depuis qu’ils ne font plus si peur et qu’ils ne me fera jamais rentrer en grâce auprès d’un bolchevique : sont plus si nombreux. Et pour être totalement franc, il veut voir ma tête fichée sur une pique. Au sens imagé on les apprécie d’autant plus qu’ils sont, pour le PS, une du terme, s’entend. Enfin j’espère. mauvaise conscience et un reproche constant. Je ne connais pas Jean-Luc Mélenchon, je crois même ne J’ajoute qu’on les connaît bien au Havre. Nous en avons l’avoir jamais croisé. mis du temps à faire tomber « la plus grande municipalité Je lui dois pourtant quelque chose, même s’il ne l’a pro- communiste de France » : trente ans ! bablement jamais su. Un de mes amis était son assistant Précisons-le quand même, ce nom de « bolchevique » parlementaire et nous préparions ensemble un concours. n’a pas sous ma plume de caractère insultant. Péjoratif, C’était l’été. Le bureau du sénateur était libre. Nous l’avons peut-être. Mais pas insultant. squatté pendant un mois, nous avons beaucoup travaillé Car, soyons clair, ce mot signale un adversaire. Plus et nous avons fini par l’avoir, ce concours. Peut-être grâce exactement, c’est le bolchevique qui m’a depuis toujours à la tranquillité estivale du palais du Luxembourg. Ou à désigné comme son ennemi. Je défends la liberté indivi- l’esprit des lieux ? duelle, c’est pour lui de l’égoïsme bourgeois ; je crois à la J’espère qu’il continuera à ignorer cette anecdote : il n’est responsabilité de chacun, il y voit le refus des ambitions jamais agréable de s’apercevoir qu’on a réchauffé une collectives ; je suis contre l’égalitarisme, il me suspecte de vipère en son sein. suite p. 8 7 8 Charles Charles RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX JEAN-LUC MÉLENCHON Qu’est Jean-Luc Mélenchon dans le fond ? Un tribun que Jean-Luc Mélenchon nous crie depuis des années. qui court les plateaux de télévision le couteau entre Dans le désert et en vain. les dents, interpellant les institutions internationales, Un homme qui prend la politique, c’est-à-dire les idées, au conspuant les banques et sommant les capitalistes de lui sérieux. Un tribun qui veut en appeler à la raison autant donner une corde pour les pendre ? Trop simple. qu’aux émotions, un homme hérissé par la société du Négligeons les engagements trotskystes de sa jeunesse ; spectacle, par la frivolité des discussions, l’inanité des tout le monde sait que c’est une excellente formation. débats et l’inculture des commentateurs. Un Léon Bloy Mettons de côté sa fascination pour les défilés militaires fanatiquement laïc, un Bernanos farouchement répu- de la place Rouge ; c’est un amoureux des grands spec- blicain exaspéré que « la colère des imbéciles remplit le tacles. Oublions, un instant seulement, ses emballe- monde ». ments successifs pour tous les gauchismes pourvu qu’ils Non, décidément, Mélenchon n’est pas le bolchevique soient méditerranéens ; ses enthousiasmes impardon- qu’on décrit et qu’il aurait peut-être souhaité être. nables pour toute expérience totalitaire, pour peu qu’elle Un montagnard, certainement. Ni Robespierre, ni Saint- soit tiers-mondiste et qu’elle se dise « socialiste » ; la révo- Just, mais Danton, avec sa faconde, son audace, ses lution est toujours plus belle au soleil. Oublions momentanément les exagé- rations, les injustices, les outrances et les dérapages. Que reste-t-il, quand on gratte sous le Que reste-t-il, quand on gratte sous « bolchevique » ? le « bolchevique » ? Peut-être l’essentiel. Peut-être l’essentiel. Un républicain, un républicain total Un républicain, un républicain total qui n’est qui n’est attaché au « socialisme » attaché au « socialisme » que parce qu’il y voit, que parce qu’il y voit, comme le disait Jaurès, l’accomplissement de la Répu- comme le disait Jaurès, l’accomplissement blique « jusqu’au bout ». Un vrai bolche- de la République « jusqu’au bout ». vique ne saluerait pas la victoire d’un adversaire. Mélenchon le républicain le fait, et s’incline devant elle. Comme nous savons le faire. Un patriote, habité par une idée certaine de la France et outrances, sa certitude d’être parmi les meilleurs et sa de sa vocation. Oh bien sûr, son patriotisme est interna- tristesse d’être le seul à le savoir. tionaliste, il est universaliste, il est jacobin, il ne supporte Et il nous manquera, Mélenchon. ni les enracinements, ni les identités. Il n’est pas le mien, Parce qu’un jour, las de porter des idées que personne mais il n’est pas moins sincère et je le respecte. La France, ne veut plus entendre, et fatigué de devoir se battre Je pense qu’il ne m’en voudrait pas, en revanche, de le blique. Et il terrorise les médias, alors que j’en suis encore pour Mélenchon, est une « nation politique », une idée, une plus contre ses amis que contre ses adversaires, il nous qualifier de «bolchevique ». à être reconnaissant aux micros de se tendre vers moi.