119

CHRONIQUE THIONVILLOISE : JANVIER 1964 A JANVIER 1968 (Suite et fin) 8) XVIIr siècle

a) Henri Trihout de Morembert, directeur des Services d'archi­ ves de la ViLle de , a découvert au cours de l'année 1965, que le rival de Rameau, le musicien Joseph Bodin de Boismortier, était né à Thionvil'le le 23 décembre 1689 (38). Le 15 novembre 1966, l'Ens·emble Instrumental Baroque Lorrain, invité par la Société Philharmonique de , a fait entendre, en la salle du Casino municipal, après un excellent exposé de Henri Trihout de Morem· bert, trois suites de musique de chambre de Bodin de Boismortier qui émerveiHèrent l'auditoire. h) Démolitions : la maison sise à l'angie de la place Claude­ Arnoult et de la rue de l'Hôpital a été rasée en 1964 pour faire plac·e à un immeuble moderne ; sur la façade de l'ancienne maison, on lisait sur un Hnteau de pierre, en guise d'enseigne : «A la bonne bierre ». Au début de 1968, on a rasé qudques maisons, XVIII• siècle également, dans le vieux quartier maraîcher de la Malgrange, aux portes du domaine de Lagrange, pour les besoins de l'aména­ gement de la grande rocade routière qui contournera Thionville par l'ouest (39) . Quelques «cigognes » (puits à grands balanciers en bois) existaient encore, en 1967, dans les jardins de ce quartier. A l'églis·e Saint-Maximin, le hanc de communion du XVIIl" siècle, en fer forgé, a été démonté et déposé, nous a-t-on dit, en lieu sûr. Un travail approfondi sur l'histoire des orgues de Saint· Maximin est en cours de réalisation par Bernard , de la section 'locale de la S.H.A.L. c) Au cours de travaux en 1964 au n• 20 de la rue de Paris (maison Gsell) , la pierre de dédicace a été retrouvée (lB. W.M. WEYER 1752) et a été acquise par le Musée ; à Guentrange, en 1967, lors de travaux dans le sous-sol de 'l'actuelle église, on a trouvé une pi·erre tombale datée 1751, également acquise par le Musée.

(38) Grand article d'Henri Tribout de Morembert, dans « Est Rép. » du 1er avril 1966 ; la Bibliothèque Nationale a communiqué aux Archives de la Ville de Thionville le copieux répertoire de toutes les œuvres de Bodin de Boismortier, qu'elle possède en ses collections (28 juillet 1966). Dans le registre CC 21, fol. 10 v des Archives de la Ville de Thionville (rôle d'impôts pour 1693), Estienne Bodin «dit beau mortier », demeurant rue de la Place (actuelle rue du Pont) à Thionville, est taxé à 4 livres 10 sols. (39) « Rép. Lorrain », 3 janvier 1968 120

d) Un bilan déplorable peut être dressé pour le Pays de Thionville : incendie de 1a partie du XVIII" siècle du château de Blettange (par ·deux gamins manipulant des bougies} en février 1967 (40}, démolition de la maison des officiers de justice seigneu­ riaux et de la grange aux dîmes à Bertrange au début de 1966 (41}, disparition au début de 1967 de deux stations du célèbre Chemin ôe Croix baroque du cimetière d'Usselskirch (42), démo'lition, il y a déjà quelques années, sans que personne n'y ait prêté attention, du château de R e i n a n g e, autre antique seigneurie du Pays de

Thionvirlle. Par contre, au printemps 1966, les jeunes « Points H » décident de sauver le château de (médiéval remanié au b' XVIII" Sriècl:e (42 ") ; ils sont relayés par l'AslS ociation des Amis du château de Luttange, dont le comte Jean de Selancy est président, en 1967 (43) ; au ·début de 1968, l'Association est félicitée officiel­ lement comme chantier de jeunes pour la re s t a u ra ti o n d'un château (44). Un regain d'intérêt ·pour l'architecture du XVIII" siècle a également été donné par 'la sortie des Vieilles Maisons Françaises à Guentrange, le 7 mal"S 1965 ; de be.Res maisons de maître de l'ancien vignoble thionviUois ont été présentées par Emile Herfreld (45) . e) M. E. K. Paul, de Wiesbaden, a donné au Musée un :nuigni­ fique prlan de Thionville avec ses fortifications et les projets de renforcement, par Lachèze et Daumouy en 1751. f) La nécessité d'une photothèque générale des richesses artis­ tiques . et Mstoriques du Pays de Thionville, entre le Moyen-Age et le XIX" siècle, par exemple nos Bildstocks rustiques, nos statues d'é�lises rurales, nos vieHles maisons urbaines et camp·agnardes, etc., est d'une grande urgence. Certains membres de la section de Thion­ ville de la S.H.A.L. se sont mis au travail ; nous citerons : Georges Martig (Bi:ldstocks, châteaux, statues}, Maître Weisse (photos aériennes et Bi1dstocks}, André P.hilippe (Morlange}, André et J.-P;· Lepape (archéologie, Morlange, Dieux de Pitié}, Bernard

(40) «Est Rép. », 23 février 1967, et « Rép. Lorrain », 23 février 1967; (41) « Rép. Lorrain », 15 janvier 1966. (42) «Est Rép. », 11 mai 1967 ; Louis Becker avait constaté l'incroyable disparition en janvier 1967 ; il alerta immédiatement les autorités ; l'affaire est passée devant le Tribunal correctionnel de Thionville le 30 mai 1967 ( c Rép. Lorrain » du 31 mai 1967) . ( 42 bis) c Rép. Lorrain » des 8 avril et 5 avril . 1966: .. . (43) cEst Rép. » du 1•• février 1967 ; d(lnation·.du château pàr. ses -proprié· taires à la commune de Luttange ; « Rép. Lorrain »·du 3 juillet 1966. · ·' (44) « Rép. Lorrain » du 17 janvier 1968. . (45) Emile Herfeld publiait peu après : Guentrange, rétrospective et avenir, collection Région de Thionville • Etudes· historiques, n° 23, 310 pages, beaucoup de renseignements sur les vieilles propriété (Hasenhoff, le Hoff, la Sencière, la Donnerscheuer, etc.). 121

routier à Thionville pour unir deux zones actives actueHement), Filstroff (orgues anciennes), Vieilles Maisons Françaises ( céra­ miques de Lagrange, maisons anciennes), Michel Peto t ( archéo­ logie) ... 9) Révolution M. l'abbé Dicop a publié son étude : « Une décade d'histoire révolutionnaire au Pays de ThionviMe, Kœnigsmacker 1789-1799 » (46) . Suite en somme de son importante histoire de : «La franchise de Kœnigsmacker, des origines à la Révolution française » (47) .

10) XIX' siècle a) M. R.-C. Jacques a fait don au Musée, en 1967, d'un trè;; beau dessin du peintre Aimé de , né à Thionville en 1816, mort à Nancy en 1887. M. R. Bloch, de Metz, a fait don au même Musée d'une gravure d'Aimé de Lemud : La couronne retrouvée (début 1967) (48) . b) A propos des toitures à tuiles creuses en Lorraine, M. l'abbé J. Choux donne une photo d'une maison lorraine à Basse- (49) ; nous signalerons à ce propos la curieuse statistique que Teissier, dès 1828, publia dans son Histoire de Thionville, page 261 : sur un total de 702 bâtiments (Thionville et ses annexes), 131 ont des toitures d'ardoises (la vieille ville, traditionnellement comme à Luxembourg, plus quelques maisons de maître à Guentrange, Beauregard, Malgrange, etc.), 545 ont des toitures à tuiles creuses (maisons de vignerons à Guentrange, de maraîchers à la Malgrange, Saint-François, Saint-Pierre, etc.), 8 seulement ont des toitures à tuiles plates, 18 des toitures de chaumes (très petits exploitants, manouvriers) . c) Les outils et ustensiles artisanaux dont le XIX" siècle vit l'apogée, deviennent rares car très recherchés des collectionneurs ou au contraire jetés au dépotoir ou à la ferraille sans égard : quelques pièces ont été données au Musée par MM. Hartenstein,

( 46) Dans Annuaire Soc. Hist. Archéol. Lorraine, t. LXVI, p. 117 à 141. ( 4 7) Nicolas Dicop : La franchise de Kœnigsmacker, des origines à la Révo· lution française, collection Région de Thionville - Etudes historiques, n" 22, 1964, 119 pages. Du même auteur signalons aussi : L'Eglise d' à travers les âges, Echo de Thionville 1967. (48) Sur Aimé de Lemud, on peut signaler : Catalogue de l'œuvre lithogra­ phique et gravée d'Aimé de Lemud, par Aglaüs Bouwenne, Paris, Baur, 1881 � A. Eiselé : Metz et son école de peinture 1825-1870, Mutelet 1959 (le peintre thionvillois, très romantique dans ses thèmes, aurait influencé certains prii­ Raphaélistes anglais) ; M.-F. des Robert : Un artiste lorrain, dans Revue de l'Est, 1868, p. 44 ; M. E. Michel : sur le Beethoven de M. A. de Lemud, Mém. Acad. Metz, 1865, p. 235 à 250 ; F. des Robert, article dans Austrasie 1906-1907 (avec reproductions) ; Lanzac : Galerie Historique et Critique, t. V, 1870. ( 49) Dans : Art populaire de Lorraine, lstra 1966, p. 4 7 ; Teissier : Histoire de Thionville, Metz, Verronnais 1828, p. 261. 122

R.-C. Jacques, Frédéric Stapel, Emile Herfeld, Jacques Siret, René W achter, Perquin. d) Adrien Printz a publié des pages très intéressantes sur la vie d'une vallée ouvrière, liée à la sidérurgie, en particulier pour la période de l'annexion 1871 à 1918, histoire des établissements de Wendel, mais aussi histoire d'une population laborieuse, racontée très simplement par un enfant de ,Ja Fensch (50) . ll) XX' siècle a) La canalisation de la a suscité nombre d'études ; pour ce qui intéresse directement Thionville, citons : « Thionville et sa rivière la Moselle », petit essai d'histoire des rapports entre une cité et sa rivière depuis les Gallo-Romains jusqu'au 20 mai 1964 (51), cependant que la description précise des travaux d'amé­ nagement de la Moselle à Thionville, en détournant la totalité des eaux par le canal des Eduses (qui date du XVIII" siècle) entre le 1 •r juin 1962 et le 15 octobre 1962, a été faite par Robert Leclercq et Pierre Savey dans le remarquable ouvrage bilingue : Der Aushau der Mosel - L'aménagement de la Moselle entre Thionville et Coblence (52) . b) La ViLle de Thionville fait à peu près 40 000 habitants au début de 1968, mais l'agglomération thionviHoise, réalité humaine et économique, dépasserait facilement 80 000 selon les uns, 120 000 selon les autres, selon le nombre de communes annexées, si les vieilles barrières administratives tombaient au profit du « Grand Thionville ». Une étude : « Le commerce à Thionville et dans la région », donne à la ville une inHuence théorique sur plus de 200 000 habitants (53) . Mne M.-M. Boucard a fait une étude sur : «L'agglomération de ThionviUe, problèmes et perspectives » (Thionville et huit communes voisines) (54). Depuis 1963, de graves inquiétudes pèsent sur la région de Thionville où la sidérurgie avait été si longtemps « l'industrie-providence » et la hase fondamentale de tout le développement régional ; création d'industries variées de transformation, d'emplois qualifiés et différenciés dans le sec­ teur tertiaire, de grands travaux d'infrastructure (un seul pont d'encadrement social, etc., bref une véritable reconversion s'impose brutalement aujourd'hui ; il n'est guère de jours où la presse régio-

(50) Adrien Printz : La Vallée usinière. Histoire d'un ruisseau : la Fensch. Metz, « Le Lorrain » 1966, 141 pages. (51) Gabriel Stiller - Gervais Ance! : Thionville et sa rivière : la Moselle. Collection Région de Thionville - Etudes historiques, n° 21, 1964. 123 pages. (52) Der Ausbau der Mosel - L'aménagement de la Moselle, Société Inter­ nationale de la Moselle, Trèves 1966. 314 pages et abondante documentation de photos, cartes et plans. (53) Publiée par le Centre d'Etudes du Commerce, 2, place de la Bourse, P11ris, 1964. (54) Diplôme d'Etudes Sup. 1965. 123 nale n'évoque ces problèmes, les études se multiplient (idée d'une métropole régionale lorraine Nancy-Metz-Thionville), cependant que s·e crée à Thionville, le 27 novembre 1967, l'« Association pour le développement économique et social dans la zone nol'd de l'aire métropolitaine lorraine » (55). Enfin, François Reitel, assi.stant à la Faculté des Lettres de Strasbourg, a fait un exposé impitoyaMe :

«Le Grand Thionville, pour ou contre » (56), montrant le sous­ développement actuel de la «Métropole du Fer » vis-à-vis des métropO'les de ·la proche Allemagne fédérale, alors que Thionville. géographiquement, devrait avoir une position privilégiée dans l'Europe du Marché commun ! Le conférencier préconise d'urgence, pour commencer, la création du Grand Thionville dans le cadre d'une puissante métropole régionale lorraine, afin de trouver une place quelque peu acceptable entre l'hydre de la Région parisienne et les citad eH es humaines et économiques de nos voisins alle­ mands (57). c) Les Archives de la ViHe de Thionville ont acquis une im­ portante série de négatifs sur plaques de verre de la vieille maison de photographie Engel, en particulier beaucoup de vues de Thion­ ville entre 1900 et 1914. Les papiers de Maître Gaersing (notes, photos, articles de revues et de journaux) et ses livres, toutes choses relatives à l'histoire locale ou lorraine, ont pu également être acquis par les Archives de la Vnle de Thionville. Le Comité du Souvenir Français de Thionville a donné son premier ·drapeau (1918 à 1967) pour les collections qui seront exposées, dans quelques années, dans l'annexe du Musée actuel. d) Linguistique du Pays de Thionville : sur les parlers luxem­ bourgeois 'locaux, étude de M11• Marie-Louise Finqueneisel : « Etude diachronique du Parler d' », Dip. Etudes Sup. 1965. e) M. l'abbé Jean Eich, enfant de Thionvi1le, est décédé le 5 mai 1964 ; l'historien du clergé de la Moselle sous la Révolution a été archiviste de la Ville de Thionville de 1956 à 1964 et promo­ teur de la coHection : Région de Thionville - Etudes historiques, qui de 1947 à 1967 a pu présenter 24 ouvrages (58) . G. STILLER

(55) « Rép. Lorrain » du 19 décembre 1967. (56) Conférence du 14 décembre 1967, en la salle Verlaine à Thionville. (57) Les publications récentes de l'O.R.E.A.M.-Lorraine estiment que le groupement Thionville--Briey fait 263 000 habitants, alors que Metz fait 160 000 et Nancy 222 000. Il faut signaler également les articles innombra­ bles de René Bour, qui, depuis plusieurs années déjà, alerte l'opinion, chiffres en main, sur la gravité des questions économiques et humaines qui se jouent en nos régions industrielles. (58) On lira l'émouvant article de Jean Colnat dans Annuaire Soc. Hist. Archéol. Lorraine, t. LXIV, p. 15 à 17, avec répertoire des 36 études historiques publiées par M. l'abbé Jean Eich. M. le Proviseur Harsany a évoqué le souvenir familier de ce grand travailleur dans «Cahiers lorrains » 1964, p. 65 et 66.