L'inscription DE V1SERNY (Par M. A. Colombet, Bibliothécaire) Cette Inscription, Dont Voici La Lecture Définitive3
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
110 SÉANCE DU 1er MAI 1940 d'anciennes tours de défense ou « guérites »x . Une troisième tour, d'après M. Aug. Portier, devait se trouver au nord-ouest, près de l'emplacement du pont-levis. Une quatrième aurait été englobée dans une maison d'habitation située de l'autre côté de la route de Nuits, entre celle-ci et le Racordon. Cette maison est habitée par M. Forestier. On y remarque encore les traces d'une porte courante murée, en arc brisé, ainsi qu'une meurtrière. Courtépée écrit en 1776 2 : « Le château fut bâti par .1. de Saint-Riran qui donna aux 4 tours les noms de Damas, de Mailly, de Saulx, de la Chapelle. Il n'en subsiste plus que deux. Cette terre, toute patrimoniale depuis 1771, est à Cl. Mollerat qui l'acquit en 1758 ». D'autre part, dans la notice sur Meuilley, de Caumont-Bréon, on lit : « M. Mollerat, écuyer, acquit (v. 1750) la terre de Meuilley du comte Cléron d'Honsonville, maréchal de camp, dernier seigneur de la maison de SalTres. En 1791, de Sarette, Dumontet et de Poudras, gendres et successeurs de M. Mol- lerat dans la terre de Meuilley, menacés par la Révolution, se hâtèrent de quitter la France. Ils vendirent en 1793 !a terre de Meuilley à la veille même du décret qui allait confisquer tous les biens des émigrés ». Dans les dépendances de Mmc Thibaut existe encore une curieuse petite écurie datant du château, avec ses deux bat-flanc de l'époque. Le plafond est formé de torchis cylindriques dans lesquels on retrouve les traces digitales du façonnier. Plus loin, à côté, dans la cour de Mme veuve Couturier, on repère l'essentiel de l'ancien château : l'entrée du pont-levis, la chapelle, le vieux chemin allant à cette entrée, reconstruit par Mollerat après qu'il eut supprimé le pont-levis dont la porte se reconnaît aisément. Ce chemin passe sur quatre arcades en ruines : deux en plein-cintre et deux en arc brisé. Plusieurs annexes apparaissent d'autre part : l'orangerie, la basse-cour, les hébergeages, etc.. De chaque côté de la route on voit deux immeubles d'égale élévation qui alors n'en formaient qu'un seul. La brèche a été pratiquée en 1835 pour l'aménagement du chemin nouveau, l'ancien n'étant jadis que le lit môme du Racordon. Des ouvertures de style existent encore, notamment chez Mmes veuves Thibaut et Parizot-Garrot et ailleurs. On peut voir dans la notice de Caumont-Bréon sur Meuilley les dessins du château proprement dit construit en 1561 et démoli en 1834 ainsi que l'ancienne église romane du village, datant de 1151, et qui fit place à l'église actuelle en 1846. Celle-ci fut inaugurée en 1849 par l'abbé Golmard, curé de Meuilley. M. L. Pillet conserve dans la cour de l'un de ses immeubles les fonts baptismaux de l'ancienne église. L'INSCRIPTION DE V1SERNY (par M. A. Colombet, bibliothécaire) Cette inscription, dont voici la lecture définitive3, COM . PAI. MIEN... JE . ÎVLLE . CLivÎA... MES VEL DEZI/E... n'est pas gallo-romaine ni fantaisiste. La plupart de ses caractères épigraphiques s'y opposent (formes des M, E, P, L, R, S, JE tous liés, points d'intersection sur la ligne même, points sur les i). Elle semble bien dater de l'époque classique (xvne ou xvme s.). COM . PAL . RHEN . se référerait à un comte palatin du Rhin. 1. Un « Dénombrement de la terre de Meuilley » du 8 mai 1664, publié par Caumont-Bréon dans sa Notice historique sur Meuilley (1858) parle de «gué- rites ». 2. Descrip. du duché de Bourgogne éd. de 1847 t. II p. 396. 3. V. séance du 14 février 1940. SÉANCE DU 1er MAI 1910 1 11 peut être la latinisation de Juliers (nom d'un duché), cLiviA celle de Clèves. e La 3 ligne peut s'interpréter : (CO)MES VELDBNZIAE, Veldenz étant un village de ia région de Trêves. La présence de ce texte à Viserny me semblait tout d'abord déconcertante, ce coin de l'Auxois étant bien loin de la région rhénane. Je pensai ensuite qu'elle pouvait avoir quelque rapport avec la seigneurie de Montfort dont l'ancien château, aujourd'hui ruiné, s'élevait à 5 km. de Viserny. J'eus bientôt la bonne fortune de trouver des documents intéressants à ce sujet. C'est d'abord une Notice sur l'ancien château de Montfort, par Maillard de Chambure, insérée dans les Mémoires de l'Académie de Dijon l, puis une brochure polycopiée contenant une Monographie du château de Monl/orl, par un sieur II. G., écrite en 1898. Ces deux études me donnèrent quelques détails sur les seigneurs de Montfort et particulièrement sur la famille de Frédéric Casimir, prince palatin de Lands- berg. Un troisième document rencontré dans les Archives de notre Commission (canton de Montbard, liasse Montigny-Montfort) me fournit une précieuse liste des reprises de fief faites par les divers seigneurs de Montfort. Au début du xvie siècle, la seigneurie de Montfort appartenait à René de Nassau. Ce dernier possédait une fortune considérable, comprenant la princi- pauté d'Orange et de nombreux domaines en Bourgogne, dans le Dauphiné et dans les Pays-Bas. Après sa mort, survenue en 1564, comme il ne laissait pas d'héritiers, Charles-Quint fit donner ses biens à son cousin, au célèbre Guillaume de Nassau, prince d'Orange. De sa dernière union, contractée avec Louise de Coligny, il avait eu Amélie, princesse d'Orange et comtesse de Nassau. Celle-ci avait épousé, probablement aux environs de 1580, Frédéric-Casimir, prince palatin de Landsberg (ou du Rhin, d'après d'autres titres), duc de Bavière. Frédéric-Casimir appartenait à une branche cadette de la famille des Deux- Ponts, maison qui, à la fin du xvie siècle, avait contracté des alliances avec la famille des ducs de Clèves. Il était l'auteur de la branche dite de Landsberg. Amélie d'Orange avait apporté le château de Montfort en dot à son mari, et ce dernier, pendant le règne de Louis XIII, vint l'habiter après avoir fait cons- truire un vaste et beau bâtiment, aujourd'hui presque entièrement détruit. Amélie ne fut pas heureuse en mariage. Frédéric Casimir, d'abord beaucoup plus âgé qu'elle, était un des hommes les plus violents de son époque.. Cepen- dant, la présence de son père garantissait la dame de Montfort contre les sévices, les grossièretés et les accès de jalousie du prince palatin. Pour son malheur, Guillaume d'Orange vint à être assassiné le 10 juillet 1584 à Delf par le Bour- guignon Balthazard Gérard. La légende récente qu'en apprenant la mort de son père, son seul protecteur, Amélie aurait été prise d'une douleur tellement profonde qu'elle en aurait perdu la raison et qu'elle se serait précipitée du haut d'une tour, qui s'appelle encore aujourd'hui la « Tour Amélie ». Elle se serait tuée sur les rochers et aurait été ensevelie, debout, dans une niche pratiquée au bas d'un des nombreux escaliers du château. Une table de marbre aurait été placée sur sa bière et l'on aurait masqué avec du ciment le lieu de sa sépulture 2. Telle est la légende. Je dis légende, car la liste des reprises de fief, dont j'ai parlé, indique qu'en 1636, soit cinquante-deux ans après la mort de Guillaume d'Orange « Amélie, princesse palatine des Deux-Ponts, née princesse d'Orange, comtesse de Nassau, femme de Frédéric-Casimir, prince palatin du Rhin, duc de Bavière, reprend de fief, pour avoir acquis Montfort des dames princesses, l'électrice palatine, les duchesses de Bouillon de la Trémoille et comtesse de Hainault, ses sœurs, leurs parts et portions de cette terre ». Si la date de 1636 est exacte, il semble donc qu'Amélie était encore en vie à cette époque En tout cas, de son mariage avec le prince palatin de Landsberg, elle eut un 1. 1830, 2e part., p. 85, gr. 2. La légende d'Amélie de Montfort a inspiré à Jules Pautet (Chants du soir, 1850, p. 87) un de ses meilleurs poèmes. Amélie morte serait devenue une biche. 112 SÉANCE DU 1er MAI 1940 fils prénommé Frédéric-Louis, qui, en 1658, reprit de lief la baron nie de Mont- fort, an titre d'héritier de « Dame Amélie, princesse de la Maison palatine des Deux-Ponts ». Ce dernier eut deux Mlles, l'une, Charlotte-Amélie, qualifiée de « princesse palatine des Deux-Ponts », qui épousa Jean-Philippe (?), l'autre Elisabeth- Christine, qui se maria avec le comte de [Linauges], Elles reprirent de fief en 16X2 la baionnie de. Montfort au titre d'héritières de leur père, dernier repré- sentant niàle de la branche de Landsberg, qui s'éteignit donc avec lui. Maillard de Chambure, après avoir relaté la mort tragique d'Amélie et la façon dont elle fut ensevelie, indiquait : « Le hasard fit découvrir (sa sépulture) vers 1786, mais le secret de sa tombe fut respecté et l'on ignore dans quelle partie des ruines reposent les cendres de cette jeune princesse. Deux inscriptions destinées à perpétuer le souvenir des vertus et des malheurs d'Amélie avaient été placées par son lils Frédéric-Louis dans la salle d'armes du château. Elles ont été brisées lors des démolitions et l'on ne voit plus que les fragments de l'une dans la grande écurie au milieu des décombres et cachés sous les ronces ». Cette note éveilla mon attention. Une notice, insérée dans le Progrès de lu Côie-d'Or du 13 avril 1885, me livra le texte d'une inscription, qui tout incom- plète qu'elle lut, fut pour moi un trait de lumière.