GUIDE 76 CD 86 DVD 88 Livres 90 Agenda Le Timbre d’argent Le Postillon de Anton Dvorak, Igor Le calendrier des comble une lacune dans Lonjumeau réussit son Stravinsky et Philippe principaux festivals la discographie de entrée au catalogue Manoury en vedette. et scènes lyriques Saint-Saëns. vidéo. jusqu’au 30 novembre.

Coup de cœur Un contre-ténor très doué Dans la génération montante des contre-ténors, l’Italien Carlo Vistoli est incontestablement l’un des plus talentueux.

Le Covid-19 a privé les mélomanes du concert vénitienne de 1643). CARLO VISTOLI que Carlo Vistoli devait donner, le 20 mai dernier, Cavalli et Monteverdi se taillent la part du lion Amor tiranno au Théâtre Grévin. Dommage, car s’il en est un dans ce programme, avec aussi, pour ce dernier, à suivre parmi les contre-ténors qui commencent deux extraits du Quarto Scherzo delle ariose Cavalli - Merula - Ferrari - Laurenzi - Sacrati - Ceresini - Monteverdi - Frescobaldi à occuper le devant de la scène, c’est bien lui. vaghezze. Ce qui n’empêche de remarquer le Déjà remarqué par un précédent récital, Arias court « Se ad un altro » de Diomede, extrait de Lucia Cortese (soprano) for Nicolino, chez le même éditeur, et par di- Sezione Aurea, dir. Filippo Pantieri La fi nta pazza de Francesco Sacrati, ainsi qu’une verses intégrales, dont Agrippina de Haendel, aria de Girolamo Frescobaldi offerte en bonus, 1 CD Arcana A 474 chez Erato, il s’attache aujourd’hui aux amours puisque sans rapport avec Venise. contrariées, fréquentes dans l’opéra vénitien du Ces textes, mis en musique avec élégance et XVIIe siècle, lequel, à cette époque, est loin d’être simplicité, exigent de l’interprète qu’il se rappelle un long fl euve tranquille (l’enregistrement a été les exigences du recitar cantando des origines, réalisé en studio, en décembre 2018). tout en magnifi ant des mélodies qui s’épanouis- Les passions sont exacerbées, la violence a droit sent au gré des humeurs des personnages. Carlo de cité, la cruauté et le cynisme pointent leur Vistoli possède au plus haut degré cette aisance nez, autant d’états perturbateurs et de désirs du bien-dire et cette musicalité, qui font vibrer inassouvis pouvant conduire à la désillusion, à ces pages inspirées. l’indifférence, au désespoir, voire à la mort. Sa voix est relativement large, pleine, sans pas- Apollo se désole ainsi à la vue de Dafne méta- sage de registre hasardeux dans les notes les morphosée en laurier et déploie sa douleur dans plus graves, son timbre chaleureusement coloré des courbes mélodiques caressantes (Gli amori et immédiatement attachant. Son élocution est di Apollo e Dafne), Francesco Cavalli lui destinant un modèle ; il réussit à éviter toute monotonie des mélodies simples et fi nement dessinées. dans l’expression, et à conserver de la liberté Le même Cavalli montre son art du récitatif dans dans la conduite des lignes musicales. Erismena (juste avant son aria « Uscitemi dal cor, Carlo Vistoli a, lui-même, participé à la révision lacrime amare », Idraspe, drapé dans sa dignité, et à la transcription de certaines pages, avec termine son récit par un poignant « con la Filippo Pantieri, dont l’ensemble Sezione Aurea memoria mia perdi l’imago »), et suit les hésita- est prodigue de sonorités séduisantes. Pour le tions et l’évolution des sentiments d’Iarba, bles- duo de L’incoronazione di Poppea, il est rejoint sé dans son orgueil de constater que Didone lui par Lucia Cortese, soprano dont les couleurs préfère Enea (La Didone). vocales acidulées conviennent à la future impé- L’Ottone de Monteverdi affronte la cynique ratrice, plus ambitieuse et garce que sincère. Poppea dans un duo tendu à l’extrême Aucun doute : Carlo Vistoli rejoindra sans tarder (L’incoronazione di Poppea, version napolitaine l’équipe des Jaroussky, Fagioli et consorts, dont de 1651), et sombre dans le désespoir après le public est actuellement si friand. avoir pensé tuer celle qui le dédaigne (version MICHEL PAROUTY

magazine • 75

75-ouverture guide vistoli MP.indd 79 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

Première OPÉRAS & Saint-Saëns et le fantastique ORATORIOS Mieux que la nouvelle production de l’Opéra-Comique, en juin 2017, l’enregistrement de studio du Palazzetto Bru Zane, réalisé dans la foulée des représentations, permet de juger Le Timbre d’argent, « drame lyrique » totalement oublié de Saint-Saëns, qui constitue un précieux ajout à la discographie du compositeur de Samson et Dalila.

représentations de la nouvelle au II), ou le dramatique « Dans le production de l’Opéra-Comique silence et l’ombre » de Conrad (voir O. M. n° 131 p. 63 de (acte I). On aime également la ­septembre). À coup sûr, il gomme finesse de l’orchestration et la FIBICH une partie des défauts que la structure en scènes (et non en La Fiancée de Messine scène soulignait, à savoir le numéros), hardie pour l’époque. manque d’unité musicale (que Le chant d’Hélène Guilmette et Lucia Cervoni (Donna Isabella) - l’auteur confessait et s’était, selon celui de Jodie Devos sont toujours Thomas Florio (Don Manuel) - Richard Samek (Don César) - Noa ses dires, efforcé de corriger) et la musicalité même ; celui Danon (Beatrice) - Johannes une intrigue relativement sim- ­d’Edgaras Montvidas ne masque Stermann (Diego) - Martin-Jan pliste, due au célèbre duo Barbier pas ses tensions, mais le person- Nijhof (Kajetan) - Manfred Wulfert et Carré, lourdement mani- nage est désarmant de sincérité. (Bohemund) chéenne dans sa vision de la lutte Le style et la présence de Tassis Opernchor des Theaters Magdeburg, Magdeburgische du Bien et du Mal, et offrant à ce Christoyannis font mouche à tout Philharmonie, dir. Kimbo Ishii conte fantastique la plus banale coup ; et la voix lumineuse de Yu 2 CD CPO 777 981-2 des explications : tout cela n’était Shao en fait un ténor à suivre de qu’un rêve. près. Ceci posé, et en s’attachant à la Le chœur Accentus est irrépro- &&&& SAINT-SAËNS musique, on ne peut que consta- chable, et François-Xavier Roth, Dans l’histoire de l’opéra en Bohême, Le Timbre d’argent ter l’habileté mélodique du com- dirigeant Les Siècles, met en va- au XIXe siècle, on cite toujours Zdenek Tassis Christoyannis (Spiridion) - positeur, non seulement dans le leur une partition qui, malgré les Fibich (1850-1900) après Smetana Edgaras Montvidas (Conrad) - Yu ravissant « Le bonheur est chose multiples aléas auxquelles elle a et Dvorak, ou pire, tout simplement Shao (Bénédict) - Hélène Guilmette légère » d’Hélène, à l’acte II, mais dû faire face, conserve son dyna- on l’oublie. Peut-être parce ce cadet (Hélène) - Jodie Devos (Rosa) aussi dans les interventions de misme. de neuf ans de Dvorak a été si forte- Accentus, Les Siècles, Bénédict (« Demande à l’oiseau Une première discographique ment influencé par l’Allemagne de dir. François-Xavier Roth qui s’éveille » ; « L’humble papillon utile. Non, Saint-Saëns n’a pas Weber, Schumann, et surtout Wagner, 2 CD Palazzetto Bru Zane BZ 1041 de nuit », en duo avec Rosa), les écrit que Samson et Dalila et qu’il passait à Prague, de son vivant, envolées de Spiridion (notam- Le Carnaval des animaux ! pour anormalement cosmopolite. &&&&& ment la « Chanson napolitaine », MICHEL PAROUTY À l’époque, tout compositeur d’opéra préoccupé de déclamation et de Voici déjà le 25e volume de la continuité dramatique était imman- collection « Opéra français » du Le Timbre d’argent à l’Opéra-Comique. quablement taxé de wagnérisme. Palazzetto Bru Zane, essentielle- Mais, en écoutant La Fiancée de ment consacrée à la recherche Messine (Prague, 28 mars 1884), PIERRE GROSBOIS d’ouvrages rares. d’après la tragédie de Schiller, l’in- Après Les Barbares et Proserpine, fluence paraît effectivement beau- parus respectivement en 2014 et coup plus forte. En dépit d’inflexions 2017, l’héritage lyrique de Camille tchèques très présentes, le composi- Saint-Saëns est loin d’être épuisé. teur de Tannhäuser, voire Tristan und La preuve ? Voici Le Timbre Isolde, ressort en filigrane à chaque d’argent, « drame lyrique » en ligne. quatre actes, donné ici dans sa Moins qu’une technique de leitmotive version revue et corrigée pour la plutôt sommaire, sont frappants une Monnaie de Bruxelles, en mars orchestration aux couleurs sombres, 1914, soit trente-sept ans après un traitement des chœurs en masses la création parisienne. opposées, paraissant nettement ins- L’enregistrement a été réalisé en piré de scènes analogues de studio, les 26 et 27 juin 2017, Lohengrin, et surtout, une attention quelques jours après la fin des toute particulière portée aux récits :

76 • magazine

76-87_CD_DVD_164.indd 76 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

aucun air conventionnel, mais une succession d’ariosi, parfois très longs. En dépit de ses ambitions grandioses, l’ouvrage paraît ainsi, de prime abord, saison 20/21 dépourvu d’événements spectacu- laires, à l’exception de quelques en- sembles choraux, voire d’une grande marche funèbre symphonique (!), au milieu du III. Dans la Messine médiévale, pèse sur la famille royale une malédiction ana- 21 SEPTEMBRE 2020 logue à celle qui menace l’Œdipe de Silla reste un mystère dans la pro- Nicolas Courjal Sophocle. En dépit des précautions duction opératique de Haendel, Antoine Palloc prises, celles-ci fi nissent immanqua- puisqu’on n’a toujours aucune blement par se retourner contre ceux certitude quant à sa création, qui 12 OCTOBRE 2020 qui les ont imaginées, jusqu’à la aurait eu lieu en 1713, non pas Clémentine Margaine concrétisation intégrale de l’oracle. dans un théâtre, mais en privé. Le Sarah Margaine Le drame de Schiller explore de nom- livret, spectaculaire, fait apparaître 3 NOVEMBRE 2020 breuses passions familiales obscures, une dédicace au duc d’Aumont, Sandrine Piau refoulements, attachements inces- ambassadeur de France à Londres. Susan Manoff

tueux – intériorité que l’on retrouve Spectaculaire, car il enchaîne dé- 7 DÉCEMBRE 2020 dans l’opéra de Fibich, où tout repose cors et scènes de genre (triomphe, Olivier Py sur le potentiel d’évocation des voix. Il prison, tempête, deus ex machina, Antoni Sykopoulos faut là des timbres rugueux, des etc.). Une création, même privée, tempéraments vibrants d’angoisse aurait donc dû faire parler d’elle... 14 DÉCEMBRE 2020 Ekaterina Semenchuk contenue, bref des tragédiens sur Quant à la musique, une partie non Yvan Cassar cothurnes. négligeable sera réutilisée dans On ne les trouve pas vraiment dans Amadigi, créé à Londres, en 1715. 8 FÉVRIER 2021 cette estimable captation d’une pro- Ce nouvel enregistrement, réalisé Jessica Pratt duction de 2015, au Théâtre de en studio, en janvier 2017, vient Antoine Palloc

Magdebourg : bel orchestre, sous la enrichir une discographie très 1ER MARS 2021 direction de Kimbo Ishii, mais solistes pauvre, puisque la seule intégrale Ambroisine Bré souvent sous-dimensionnés. On disponible était une captation au Stanislas de Barbeyrac ressentait moins l’aridité du sujet, en Royal College of Music de Londres, Qiaochu Li écoutant la formidable distribution de en 2000 (Somm), sous la baguette la version dirigée par Frantisek Jilek de Denys Darlow, avec le vétéran 30 MARS 2021 (Supraphon), jusqu’ici seul enregis- James Bowman dans le rôle-titre, Arturo Chacón-Cruz Antoine Palloc trement complet disponible. Un docu- entouré d’une troupe de jeunes ment de presque cinquante ans chanteurs. 19 AVRIL 2021 d’âge, au son moyen, mais dont les Fabio Biondi n’a pas trop de diffi - Florian Sempey voix (Ivo Zidek, Libuse Marova, cultés à prendre la tête de cette Antoine Palloc

Gabriela Benackova...) vous em- discographie a minima, grâce à une 10 MAI 2021 poignent avec bien davantage d’effi - direction plus contrastée et théâ- Erin Morley cacité. trale que celle de Denys Darlow, Gerald Martin Moore Cela dit, cette nouvelle parution reste ainsi qu’à une distribution dominée très décente et nous rappelle, à bon par Vivica Genaux, Roberta 27 MAI 2021 escient, un opéra et un compositeur Invernizzi et Sunhae Im. Asmik Grigorian qui méritent d’être mieux connus. Quelques maillons faibles, néan- Antoine Palloc LAURENT BARTHEL moins. Dans le rôle de Claudio, qui a le plus d’airs à chanter, Martina HAENDEL Belli fait entendre un timbre certes Silla corsé, mais un chant qui engorge ABONNEZ-VOUS ! le bas médium, dénué de tout trille Sonia Prina (Silla) - Sunhae et aux aigus tendus. Quant à Sonia renseignements & réservations : Im (Metella) - Vivica Genaux www.elephantpaname.com (Lepido) - Roberta Invernizzi Prina, elle plaque sur le tyran Silla T. +33 1 49 27 83 33 (Flavia) - Martina Belli (Claudio) - son chant saccadé à l’extrême. Francesca Lombardi Mazzulli Entendre, dans le même coffret, (Celia) son hachis et les vocalises précises Europa Galante, dir. Fabio Biondi de Vivica Genaux, est une expé- 2 CD Glossa GCD 923408 rience cruelle pour elle. Dommage pour Silla, qui attend © C. Busson - Agence Ysée - www.agenceysee.fr - Agence © C. Busson &&&& toujours sa version de référence. PHILIPPE GELINAUD

magazine • 77

76-87_CD_DVD_164.indd 77 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

les « Couplets » de la Haine. Et le trop souvent, dénaturent l’ouvrage. continuo est désormais soutenu aux Elle sait aussi, en soulignant la com- cordes. plexité psychologique des protago- Honnête mais sans génie, la mu- nistes, créer une impeccable dyna- sique composée par Francœur, mique au long de ces trois actes. aussi vive soit-elle, manque de À chaque instant, l’orchestre trouve contraste et d’âpreté. On est loin d’un les couleurs les plus justes, en main- Mozart rhabillant Messiah et Acis and tenant de bout en bout une tension Galatea de Haendel ! dramatique jamais excessive. Plus de grande passacaille (ce que Certains regretteront, peut-être, qu’il Gluck ne s’était pas permis), mais manque la quasi-totalité des ballets. une permanente joliesse à laquelle la Les meilleures Thaïs viennent-elles Étaient-ils vraiment indispensables ? battue d’Hervé Niquet, toujours à de là où on ne les attendait pas ? Ce Sous les habits de la courtisane re- fond de train, évite l’écueil de la nouvel enregistrement le laisse pen- pentie, beaucoup découvriront Erin mièvrerie, sans pour autant épargner ser. Wall, vue et entendue, il y a quinze la santé des pupitres de son Concert Trop incomplet, celui que dirigeait ans, au Festival d’Aix-en-Provence, Spirituel, avec des trompettes fâ- Albert Wolff, en 1959 (Le Chant du dans le Cosi fan tutte mis en scène chées avec la justesse, au fi nal de Monde), avec Andrée Esposito, par Patrice Chéreau, et dont la car- l’acte I. conservait néanmoins le témoignage rière internationale prend actuelle- LULLY & FRANCŒUR Le « Sommeil » de Renaud méritait d’une école de chant injustement ment un nouvel essor. Avec des Armide également des tempi plus souples, décriée par la suite. Séduisantes de moyens moins spectaculaires que afi n de laisser respirer le beau timbre prime abord, les intégrales ceux de Beverly Sills ou Renée Véronique Gens (Armide) - Chantal de Reinoud Van Mechelen. On expri- construites autour d’Anna Moffo Fleming, sans le glamour ravageur Santon Jeffery (Phénice, Lucinde) - Katherine Watson (Sidonie) - Tassis mera ici les mêmes réserves qu’à (RCA/Sony Classical), Beverly Sills dont l’une et l’autre savaient pimenter Christoyannis (Hidraot, La Haine) - l’issue du concert. Tassis (EMI/Warner Classics) et Renée leur emploi, la soprano canadienne Reinoud Van Mechelen (Renaud) - Christoyannis, pourtant fi n diseur, n’a Fleming (Decca) n’évitaient pas s’attache à composer un personnage Philippe-Nicolas Martin (Aronte, guère le temps d’éructer sa Haine. toujours la surenchère décorative et inquiet, fragile, qui, dès les premières Artémidore, Ubalde) - Zachary Wilder (Le Chevalier danois) Zachary Wilder se retrouve malmené péchaient par des distributions scènes, semble vouloir se détacher Le Concert Spirituel, et doit céder les lauriers à son com- déséquilibrées. des plaisirs de ce monde. dir. Hervé Niquet père Philippe-Nicolas Martin. Finalement, c’est à Venise, en 2002 Elle n’en devient alors que plus cré- L’insipide bergerie que constitue (Dynamic), qu’Eva Mei et Michele dible dans sa conversion. Abordé 2 CD Alpha Classics ALPHA 973 l’acte IV est sauvée par le marbre Pertusi, sous la direction de Marcello avec juste ce qu’il faut d’émotion, le rutilant de Chantal Santon Jeffery. Viotti, offraient, à notre avis, la meil- célèbre « Dis-moi que je suis belle » &&& Quant à Véronique Gens, elle reste leure interprétation de la « comédie n’apparaît plus comme un simple l’une des plus belles Armide qui lyrique » de Massenet, créée à Paris, morceau de bravoure. Et tout le Entre musicologie et archéologie, la soient. L’auburn séducteur du en 1894. dernier acte acquiert une vérité hu- résurrection de cette Armide, timbre, ses fêlures exquisement tra- À première vue, le coffret édité au- maine et théâtrale particulièrement presque intégralement réécrite pour vaillées, offrent un tragique d’une jourd’hui par Chandos bénéfi cie, si attachante. les besoins de l’Académie Royale de absolue noblesse, notamment dans l’on excepte la juste notoriété du Plus monolithique, Joshua Hopkins Musique, en 1778, par Louis-Joseph le célèbre monologue (« Enfi n, il est chef, d’atouts plus modestes. fait bénéficier le fort personnage Francœur, le neveu du brillant en ma puissance ») que le tâcheron Enregistré autour de concerts donnés d’Athanaël d’un timbre puissant, aux François Francœur, est un jalon de Louis-Joseph n’a que peu retouché. au Roy Thomson Hall de Toronto, du couleurs idéalement sombres, sans style rocaille entre l’original de Lully Il est vrai que cette page était deve- 4 au 9 novembre 2019, il ne réunit pour autant gommer, surtout dans (1686) et le chef-d’œuvre de Gluck, nue un cas d’école dans les salons pas de chanteurs célèbres, l’absence les dernières scènes, les fragilités créé l’année précédente, en 1777. des Lumières, où elle était indéfi ni- de francophones dans la distribution dissimulées sous tant d’assurance. La présente édition, élégante, éru- ment commentée. laissant craindre des problèmes avec Andrew Staples chante correcte- dite, établie sous l’égide du Centre VINCENT BOREL la langue française. ment, sans parvenir à donner un de Musique Baroque de Versailles, Heureusement, il n’en est rien. Et l’on caractère marquant à Nicias. Le rôle, est la trace sonore, particulièrement MASSENET ne peut que saluer ce beau travail il est vrai, n’est guère valorisant. soignée par les micros d’Alpha Thaïs collectif, au service d’une œuvre Nathan Berg et Emilia Boteva ont Classics, de concerts donnés au aussi plaisante en apparence que l’autorité bienveillante qu’exige leur Théâtre des Champs-Élysées et à Erin Wall (Thaïs) - Joshua Hopkins fragile dans ses équilibres. statut, les voix de Liv Redpath, l’Arsenal de Metz, en avril 2019 (voir (Athanaël) - Andrew Staples Or, c’est justement le sens des équi- Andrea Ludwig et Stacey Tappan (Nicias) - Nathan Berg (Palémon) - O. M. n° 150 p. 70 de mai). Emilia Boteva (Albine) - Liv libres qui constitue l’atout majeur de possédant un charme immédiat. C’est peu dire que les goûts, en Redpath (Crobyle) - Andrea Ludwig cette nouvelle Thaïs. La direction L’addition de tant de qualités permet quatre-vingt-douze ans, avaient (Myrtale) - Stacey Tappan d’Andrew Davis y est pour beaucoup. à cet enregistrement d’occuper changé. Les lullystes peineront ici à (La Charmeuse) Elle sait éviter l’orientalisme de paco- désormais une place de choix, en retrouver leur bien-aimée, Francœur Toronto Mendelssohn Choir, tille autant que la fade religiosité qui, tête de la discographie de Thaïs. Toronto Symphony Orchestra, ayant laissé un quart de la partition dir. Andrew Davis PIERRE CADARS originale : le monologue d’Armide, le 2 SACD Chandos CHSA 5258(2) « Sommeil » de Renaud, le duo im- OPÉRA MAGAZINE ATTRIBUE UNE COTE DE À AUX DISQUES SELON LEUR INTÉRÊT. précatoire Armide/Hidraot, les vers LE DIAMANT EST ATTRIBUÉ EXCEPTIONNELLEMENT& &&&&& ET DESTINÉ À RÉCOMPENSER LA de mirliton des Plaisirs enchantés, &&&&& QUALITÉ DE L’INTERPRÉTATION ET/OU L’EFFORT PARTICULIER DE LA FIRME ÉDITRICE.

78 • magazine

76-87_CD_DVD_164.indd 78 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

effectué à partir de concerts publics il est vrai qu’on ne s’en lasse pas ! donnés à la Radio, en 2018 et 2019, Soyons francs : pour qui doit se marque le bicentenaire de la nais- contenter du disque, le propos de sance de Moniuszko (5 mai 1819) ce « cabaret mozartien » n’est pas avec faste. essentiel. L’attention se focalise sur Une particularité : on retrouve les interprètes, et il y a tout lieu de Grzegorz Nowak, actuel directeur se réjouir, même si la direction de musical du Teatr Wielki de Varsovie, Laurence Equilbey apparaît parfois non pas à la tête de sa formation bien sèche, assénant certains ac- habituelle, mais de l’Orchestre du cords aux dépens de la fluidité du XVIIIe Siècle, formation longtemps discours, et guère imaginative dans Insula Orchestra, dirigée par Frans Brüggen. Des ins- dir. Laurence Equilbey le choix des tempi. Mais la sonorité MONIUSZKO truments anciens qui paraissent bi- d’Insula Orchestra ne manque ni de 1 CD Erato 0190295261979 La Manoir hanté zarrement victimes de l’acoustique clarté, ni de finesse, et les bois se Edyta Piasecka (Hanna) - de la salle, pourtant très réverbé- détachent de la trame symphonique Monika Ledzion-Porczynska rante, avec des sonorités aigrelettes, &&&& avec un brillant remarquable. (Jadwiga) - Arnold Rutkowski voire astringentes sur certaines À l’origine de cet enregistrement, Le goût, le style, l’évidence des (Stefan) - Mariusz Godlewski (Zbigniew) - Malgorzata prises. réalisé en studio, en janvier 2020, phrasés, la séduction des timbres : Walewska (Czesnikova) - Tomasz On y gagne une transparence qui un spectacle, Magic Mozart, un les qualités des chanteurs ne sont Konieczny (Miecznik) - Rafal sert bien la projection des voix, voire cabaret mozartien, mis en scène par plus à vanter. La Reine de la Nuit de Siwek (Skoluba) - Karol Kozlowski la lisibilité des ensembles, mais la Compagnie 14:20, qui aurait dû Jodie Devos darde ses aigus avec (Damazy) - Marcin Bronikowski (Maciej) l’agressivité relative des timbres fait être présenté en tournée, au prin- fierté, le Cherubino de Lea Desandre Chœur Philharmonique et d’Opéra sursauter à plus d’une reprise, ce qui temps dernier, avec une distribution n’a aucun mal à faire partager ses de Podlachie, Orchestre du XVIIIe est étonnant de la part d’une forma- relativement différente (les repré- émois, le Tamino de Stanislas de Siècle, dir. Grzegorz Nowak tion que l’on a connue plus avenante, sentations ont été décalées à la Barbeyrac possède le charme de la 2 CD Narodowy Instytut Fryderyka sous la direction de son fondateur. saison 2020-2021). Son thème : la jeunesse, et l’adroit Loïc Félix campe Chopina NIFCCD 084-085 Distribution entièrement polonaise, magie, celle de l’amour, celle qui des Monostatos et Pedrillo plus vrais d’un niveau plus homogène que réconforte, mais aussi celle qui peut que nature. &&&&& celle du récent DVD de la dernière faire trembler. Florian Sempey, outre son insolence production du Teatr Wielki (voir O. M. Un divertissement très « grand pu- vocale habituelle, campe un Le Manoir hanté est aussi incontour- n° 162 p. 45 de juin 2020). On y blic », selon Laurence Equilbey, Papageno débonnaire et un nable à Varsovie que La Fiancée retrouve la même Edyta Piasecka ­réunissant des airs et ensembles fa- débordant de vitalité. vendue de Smetana peut l’être à dans le rôle d’Hanna, mais on y dé- meux et aimés, mais aussi quelques Magnifique de sensibilité, d’émotion Prague : deux « comédies en mu- couvre une délicieuse Monika autres moins fréquentés, comme le retenue, Sandrine Piau prouve sique » quasi exactement contempo- Ledzion-Porczynska en Jadwiga, un duetto Fracasso/Cassandro, extrait de qu’elle peut aujourd’hui, à la scène, raines, où tout coule de source avec très bon tandem de célibataires La finta semplice (un duel bouffe incarner une Comtesse Almaviva un charme mélodique inépuisable. faussement endurcis (Arnold entre deux fantoches), et le très bref exemplaire. Cela dit, l’ouvrage de Moniuszko Rutkowski et Mariusz Godlewski), « Diggi, daggi », intervention bur- Un joli florilège, qui rend justice à souffre d’un livret qui paraît davan- ainsi qu’un superbe Tomasz lesque du magicien Colas dans Mozart. tage fabriqué, plutôt un prétexte Konieczny dans le rôle clé de Bastien und Bastienne. MICHEL PAROUTY qu’une intrigue vraiment crédible, et Miecznik. Et la Czesnikova de On y trouve même une vraie rareté, l’action y tourne un peu court à la fin. Malgorzata Walewska est déchaînée. le duo félin entre le forestier Lubano Un pur produit polonais ? En réalité, Même si l’on peut garder une préfé- et sa femme Lubana, au deuxième pas vraiment, puisque sous l’habil- rence pour l’enregistrement de Jacek acte de Der Stein der Weisen, ou- lage patriotique, les modèles restent Kaspszyk, plus classique et, en tout vrage collectif sur un livret de évidents : Offenbach, Rossini, cas, moins dérangeant à l’orchestre, Schikaneder, auquel participa Weber, Verdi, Meyerbeer... Mais celui-ci pétille d’une vie et d’un hu- Mozart, en 1790, et que redécouvrit l’ensemble fonctionne à merveille et mour que l’on aurait tort de bouder. David J. Buch, en 1996 – Telarc en on ne s’y ennuie jamais. Impossible LAURENT BARTHEL a publié un enregistrement. de résister à une musique aussi En prime, de minuscules interven- délicieusement tournée, qui fait défi- tions orchestrales venues du ler à un train d’enfer rythmes dan- MOZART Galimathias musicum et de la pan- sants, airs de bravoure et ensembles Magic Mozart : Airs et ensembles tomime Pantalon und Colombine, MOZART truculents. Die Zauberflöte, Le nozze di qu’il a fallu reconstituer en se fon- Messe en ut mineur Évidemment, toutes les versions Figaro, Der Stein der Weisen, dant sur la partie de premier violon. discographiques du Manoir hanté Don Giovanni, Die Entführung Tout le reste, des Ouvertures des Ana Maria Labin, Ambroisine Bré (sopranos) - Stanislas de Barbeyrac sont polonaises. Le luxueux enregis- aus dem Serail, La finta semplice, Nozze di Figaro et Die Entführung Bastien und Bastienne, Cosi fan (ténor) - Norman Patzke (basse) trement EMI Classics de 2002, sous aus dem Serail, en passant par les tutte, Konzertarie KV 418 Les Musiciens du Louvre, la direction de Jacek Kaspszyk, avec Jodie Devos, Sandrine Piau pages chantées par Pamina, dir. Marc Minkowski une Stefania Toczyska survoltée dans (sopranos) - Lea Desandre Tamino, Papagena, Papageno, la 1 CD Pentatone PTC 5186-812 le rôle de Czesnikova, semblait avoir (mezzo-soprano) - Stanislas de Comtesse Almaviva, Cherubino, réglé définitivement la question, mais Barbeyrac, Loïc Félix (ténors) - Barbarina, Don Giovanni, Osmin, Florian Sempey (baryton) celui qui nous parvient aujourd’hui, Pedrillo, est des plus connus – mais &&&&

magazine • 79

76-87_CD_DVD_164.indd 79 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

Marc Minkowski n’avait encore ja- tions sur la manière d’interpréter ce rupture de style brutale, imputée à Chœur de Chambre Gorecki de mais enregistré la Messe en ut chef-d’œuvre absolu du répertoire Penderecki au milieu des années Cracovie, Virtuosi Brunensis, dir. Pietro Rizzo mineur­ . Il comble aujourd’hui cette sacré. N’est-ce pas déjà beaucoup ? 1970. lacune dans sa riche discographie, RICHARD MARTET Un retour à une écriture plus tonale, 1 CD Naxos 8.574282 avec une version enregistrée en dé- dont on devine déjà, dans cette cembre 2018, parallèlement à une Passion, beaucoup de motivations &&& tournée de concerts. latentes, et davantage encore dans Composée pour le mariage de Marie- Dès le Kyrie initial, les partis pris sont l’interprétation de Kent Nagano, qui Caroline de Naples avec le duc de clairement affirmés : un effectif cho- se démarque nettement des lec- Berry, neveu du roi de France ral réduit (neuf chanteurs), des voix tures d’un expressionnisme angu- Louis XVIII, Le nozze di Teti e di Peleo de soprano privilégiant les sonorités leux du compositeur lui-même, ou (1816) est une œuvre de circons- droites et sans vibrato, une direction des chefs polonais Antoni Wit et tance, une cantate scénique destinée aux contrastes violemment assénés, Henryk Czyz. à être montée avec faste. Des ballets aux arêtes coupantes, qui tend à Nagano ne s’attarde jamais sur un étaient initialement prévus pour hacher le discours musical et que effet ou l’autre, mais avance conti- s’intercaler entre les onze numéros l’on retrouvera dans Qui tollis, Cum nuellement, voire homogénéise, le qui la composent, mais leur mu- Sancto Spiritu ou Credo in unum terrain : une Passion assumée d’une sique, due au compositeur Robert Deum. PENDERECKI seule coulée, où la méditation se von Gallenberg, a été perdue. À d’autres moments, curieusement, Passion selon saint Luc pare de fascinantes transparences, Comme à son habitude, Rossini re- Marc Minkowski fait preuve de bien Sarah Wegener (soprano) - Lucas voire de résonances apaisées, au cycle ici des éléments de ses opéras plus de souplesse, par exemple dans Meachem (baryton) - Matthew détriment de beaucoup de antérieurs, tout en testant de nou- Gloria in excelsis Deo et, surtout, Rose (basse) - Slawomir Holland contrastes et de frottements velles trouvailles que l’on retrouvera (récitant) Laudamus te, absolument enthou- étranges. dans ses partitions ultérieures. Ici, le Chœur Philharmonique de siasmant. De bout en bout, ses Cracovie, Orchestre Symphonique Même après plusieurs écoutes, on compositeur cherche essentielle- Musiciens du Louvre lui répondent de Montréal, dir. Kent Nagano ne sait toujours pas s’il s’agit d’une ment à faire briller les solistes de la au quart de tour, avec une excellence possible vérité de l’œuvre, mais troupe du Teatro San Carlo. 1 SACD Bis BIS-2287 dans le jeu instrumental qui fait plus cette conception mérite une oreille Le livret d’Angelo Maria Ricci célèbre, particulièrement merveille dans un attentive, aussi parce qu’elle nous de façon métaphorique, les noces sublime Et incarnatus est. &&&&& tient constamment en haleine, voire princières entre deux branches des Les neuf choristes sont impeccables, Krzysztof Penderecki s’est éteint le gomme prudemment certains as- Bourbons, mais également leur res- et le quatuor de solistes est à la 29 mars dernier, à l’âge de 86 ans, pects d’une modernité en train de tauration et la paix revenue en hauteur de l’enjeu. On regrette, évi- mais il était encore bien présent, en mal vieillir. Europe, après l’épisode napoléonien, demment, que Mozart ait réservé si 2018, à Cracovie puis Salzbourg (où L’ambiance magique du Manège brièvement évoqué dans le trio « dra- peu de moments de briller au ténor, l’enregistrement a été réalisé sur le des rochers (Felsenreitschule) de matique » qui réunit les deux rôles- tant Stanislas de Barbeyrac confirme vif, le 20 juillet), pour suivre ces Salzbourg, perceptible ici jusqu’au titres et Giove, celui-ci les protégeant ici ses qualités de timbre et ses affi- concerts associant l’Orchestre carillon d’une église voisine qui se de la discorde. nités avec le compositeur. Symphonique de Montréal à des superpose parfois à la partition, Si cet enregistrement, réalisé sur le La basse, on le sait, a encore moins chœurs polonais. ajoute encore au charme de ce beau vif au Festival « Rossini in Wildbad », à chanter, ce qui n’empêche pas Au programme, Passio et mors souvenir festivalier, intéressante en juillet 2018, mérite le détour, Norman Patzke de remplir digne- Domini Nostri Jesu Christi occasion de réévaluer l’apport de malgré un niveau général assez ment son office. Davantage sollicitée, ­secundum Lucam (titre générale- Penderecki sous un jour différent. moyen, c’est en raison de la rareté Ambroisine Bré accomplit un sans- ment abrégé en Passion selon saint LAURENT BARTHEL de l’œuvre et de la magnifique pré- faute dans les interventions de la Luc), dont Penderecki a toujours sence vocale de Leonor Bonilla, soprano II, avec ce qu’il faut de souligné l’importance stratégique éblouissante de virtuosité et d’une précision et d’énergie dans le brillant dans sa carrière. En 1966 (création musicalité impeccable dans ses trois Laudamus te. le 30 mars), c’était la première fois interventions. Reste le « cas » Ana Maria Labin. La qu’il se confrontait à un projet d’une La jeune soprano espagnole se dis- voix est superbe, richement timbrée, telle ampleur, toutes ses œuvres tingue, tout particulièrement, dans soutenue par une technique super- antérieures, beaucoup plus conden- son duo avec la mezzo italienne lative, qui lui autorise de stupéfiantes sées et expérimentales, n’excédant Marina Comparato ; et elle donne la tenues de souffle et d’irrésistibles pas, en général, les dix ou quinze pleine mesure de son tempérament envolées dans l’aigu. Elle manque, minutes de durée. dans le grand air de Cerere, emprun- malheureusement, de la candeur et Outre ce souffle d’inspiration beau- té par Rossini à son Barbiere di de la lumière intérieure indispen- coup plus long, Penderecki expéri- Siviglia, puis adapté à la voix sables dans la partie de soprano I. mentait toute une gamme de tech- ­d’Isabella Colbran, qui constitue le Là où l’on attend une Pamina (Kyrie, niques vocales, qui firent ensuite sommet de la cantate. Et incarnatus est), on entend une florès dans les sulfureux Teufeln von ROSSINI Du reste de la distribution, on distin- Donna Elvira ou une Comtesse Loudun (1969). Les chœurs parlent, Le nozze di Teti e di Peleo guera le ténor turc Mert Süngü, ex- Almaviva, peinant à élever l’auditeur crient, ricanent, chuchotent, mais Joshua Stewart (Giove) - Leonor cellent vocaliste en Peleo, malgré un vers le divin. aussi superposent leurs lignes en Bonilla (Cerere) - Eleonora chant un peu précautionneux, impu- En conclusion, une version qui ne polyphonies étranges et prenantes, Bellocci (Teti) - Mert Süngü table à une indisposition passagère. laisse pas indifférent, loin de là, et déjà d’une religiosité intense, voire (Peleo) - Marina Comparato Les aigus tendus et métalliques, le (Giunone) qui soulève de passionnantes ques- suave, qui relativise, en définitive, la phrasé souvent laborieux de la sopra-

80 • magazine

76-87_CD_DVD_164.indd 80 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

no italienne Eleonora Bellocci privent, mosphère (inquiétude, attente, s’allie à l’énergie et la direction, rencontre qu’un modeste succès et malheureusement, les récitatifs de exaltation), suivie d’une courte toujours juste et équilibrée dans ses tombe aussitôt dans un très long Teti de leur noblesse. ­sinfonia, en guise de lever de rideau. tempi, fait preuve d’une humilité et oubli. Federico Agostinelli, qui en a On passera sur les vocalises savon- On ignore l’auteur du livret mais, d’une envie de bien faire réconfor- établi l’édition critique, ainsi que nées du ténor américain Joshua dans sa simplicité, ce texte illustre tantes. Vincenzo De Vivo, directeur artis- Stewart en Giove, rôle tout à fait des sentiments forts : la douleur MICHEL PAROUTY tique de la Fondazione jusqu’en épisodique. Enfin, si Marina d’Arsenio, fils du gouverneur octobre 2018, expliquent, dans le Comparato tire son épingle du jeu, il ­romain, qui aime Teodosia sans être livret d’accompagnement, par lui manque un peu d’épaisseur pour payé de retour ; la colère de son quelle suite d’héritages en cascade donner toute sa plénitude à Giunone, père, Urbano, furieux de voir la la partition d’origine a pu être re- où l’on se souvient d’avoir entendu jeune fille lui résister ; la ténacité de trouvée, rendant possible sa résur- de véritables contraltos, comme Ewa celle-ci, qui, même sous la torture, rection, captée au Teatro Pergolesi Podles, à Pesaro, en 2001. préfère mourir que renoncer à Dieu. de Jesi, en septembre 2018. La direction de Pietro Rizzo, à la tête Des états d’âme que la musique Giuseppe Montesano dirige avec la d’un ensemble Virtuosi Brunensis traduit avec une touchante immé- verve et la finesse qui conviennent en pleine forme, confère du relief à diateté, suscitant chez l’auditeur à ce type d’ouvrage. Dans la distri- une œuvre à laquelle manque une une émotion au premier degré, à bution, composée d’artistes en véritable tension dramatique, malgré laquelle on ne résiste pas. majorité italiens, on remarque son sous-titre d’« azione Avec fluidité, les airs, dans lesquels SPONTINI surtout l’interprétation de Baurzhan coro-drammatica­ ». les personnages s’épanchent, suc- Anderzhanov, baryton né au Le metamorfosi di Pasquale ALFRED CARON cèdent aux récitatifs qui font avan- Kazakhstan, qui, ces dernières cer l’action, ceux-ci particulièrement Baurzhan Anderzhanov (Pasquale) - années, est intervenu à plusieurs expressifs (comme « Non ­provocar », Carlo Feola (Barone) - Michela reprises au Festival « Rossini in dans lequel Teodosia affirme sa Antenucci (Costanza) - Daniele Wildbad », ainsi qu’à Pesaro. Formé Adriani (Cavaliere, Sergente) - constance face à Decio, serviteur Carolina Lippo (Lisetta) - Antonio à l’Accademia d’Arte Lirica d’Osimo d’Arsenio) et accompagnés par une Garés (Marchese) - Davide et rompu à la discipline du chant instrumentation variée, faisant Bartolucci (Frontino) rossinien, il compose un Pasquale même appel aux différents jeux de Orchestra Sinfonica G. Rossini, plein d’allure et de rouerie, en oc- l’orgue. dir. Giuseppe Montesano cupant avec panache le devant de Teodosia est, musicalement, la plus 2 CD Dynamic CDS 7836.02 la scène. richement servie, deux de ses inter- Carolina Lippo est une Lisetta mu- ventions durant plus de six minutes : &&&& tine, dans la tradition du théâtre « Se il Cielo m’invita », dans la pre- bouffe napolitain du XVIIIe siècle. mière partie, et « Spirti beati », dans La Fondazione « Pergolesi Michela Antenucci a plus de diffi- A. SCARLATTI la seconde. Particulièrement vir- Spontini » de Jesi nous avait déjà cultés à exprimer les états d’âme Il martirio di Santa Teodosia tuose, l’écriture de ses airs se sin- permis de découvrir La fuga in de Costanza, dont elle ne trace Emmanuelle de Negri (Teodosia) - gularise par des phrases mélo- maschera, « commedia per qu’un portrait assez flou. Son Emiliano Gonzalez Toro (Arsenio) - diques répétées à plusieurs reprises, musica­ » créée en 1800, au Teatro amant, le Marquis, bénéficie du Renato Dolcini (Urbano) - Anthea et sur certains mots, ainsi que par Nuovo de Naples (DVD EuroArts, timbre ensoleillé d’Antonio Garés. Pichanick (Decio) de folles vocalises (« All’armi, o voir O. M. n° 99 p. 82 d’octobre Davide Bartolucci, dans le rôle du Les Accents, dir. Thibault Noally costanza », dans la seconde partie). 2014). L’ouvrage témoignait de la valet Frontino, forme un couple 1 CD Aparté AP 232 Des difficultés qu’Emmanuelle de première période de la vie du com- bien assorti avec Lisetta. Negri affronte avec témérité et sans positeur de La Vestale, alors qu’il Carlo Feola et Daniele Adriani com- faillir, dans cet enregistrement réa- résidait encore en Italie. plètent avec aisance ce septuor, &&&&& lisé en studio, en septembre 2019. Le metamorfosi di Pasquale, de défendant au mieux une partition Compositeur prolifique, Alessandro La soprano exploite à fond une deux ans postérieur (Teatro San assurément mineure dans la car- Scarlatti s’illustre aussi bien dans le technique éprouvée et les Moisè de Venise, 6 janvier 1802), rière de Spontini, mais qui, sans domaine de l’opéra que dans celui ­ressources d’une voix lumineuse. relève de la même veine. Giuseppe annoncer les œuvres plus origi- de la musique sacrée. En 1682, Il Toujours impeccable, le ténor Foppa, que l’on retrouvera plus tard nales à venir, conserve un indé- n’a que 22 ans, ce qui ne l’empêche Emiliano Gonzalez Toro est, vocale- auprès de Rossini (L’inganno felice, niable charme d’époque. pas de devenir maître de chapelle ment, tout aussi sûr et stylé, et rien di seta, Il Signor PIERRE CADARS de San Girolamo della Carità, à ne lui échappe de la déception Bruschino) signe, comme il en a Rome. d’Arsenio. Si la contralto Anthea l’habitude, un livret alerte et sans Il est probable qu’Il martirio di Santa Pichanick est un Decio bien chan- surprise, reposant sur des amours STRAVINSKY Teodosia, l’un de ses multiples ora- tant, mais relativement neutre, en contrariées, des quiproquos habiles Le Rossignol torios, fut donné pour la première raison de la matité de son timbre, le et, toujours, des personnages par- Mojca Erdmann (Le Rossignol) - fois dans cette ville, en 1683. Une baryton-basse Renato Dolcini faitement typés. De quoi satisfaire Marina Prudenskaya (La partition très brève, qui étonne au- campe un Urbano passant, avec la un public soucieux de ne pas être Cuisinière) - Evgeny Akimov tant par sa concision que par sa même sincérité, de la tendresse trop dérangé dans ses habitudes, (Le Pêcheur) - Vladimir Vaneev profusion musicale. Deux parties la pour son fils à la violence. qui attend surtout des principaux (L’Empereur de Chine) - Tuomas Pursio (Le Chambellan) - Fyodor composent, précédées, dans cet Prêtons attention à la formation interprètes qu’ils sachent briller Kuznetsov (Le Bonze) - Mayram enregistrement, par la Sonata a 4 in Les Accents, fondée par le violoniste dans leur emploi. Sokolova (La Mort) do minore, chargée de créer l’at- Thibault Noally : la fraîcheur sonore Pourtant, cette « farsa giocosa » ne

magazine • 81

76-87_CD_DVD_164.indd 81 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

beaucoup plus acérée. En comparai- Gogol ; et enfin L’Idiot (1986), son, Robert Craft paraît davantage condensé de l’un des romans les gérer joliment la partition à vue, et plus enchevêtrés de Dostoïevski. RÉCITALS James Conlon s’en tenir à une lecture À chaque fois, il s’agit d’excellents avenante, mais un peu superfi cielle. livrets, d’écriture cinématogra- Excellente distribution, avec, en tête phique, suites de tableaux courts d’affi che, les roucoulades de Mojca joués à différents endroits de la Erdmann, soprano allemande qui scène et imbriqués les uns dans les trouve continuellement le ton juste, autres par des transitions fl uides. un rien distant et désincarné, là où Une technique idéale pour Natalie Dessay, avec Conlon, restait La Passagère, avec ses fréquents avant tout une brillante cantatrice, à allers-retours anxiogènes entre WDR Rundfunkchor und Sinfonieorchester Köln, la personnalité très affi rmée et immé- passé et présent, mais moins adap- dir. Jukka-Pekka Saraste diatement reconnaissable sous ses tée aux longueurs dostoïevskiennes 1 CD Orfeo C 919 171 A atours d’oiseau. Quant aux aspérités de L’Idiot. russes et idiomatiques de ses parte- Pour leur dernière collaboration, naires, elles crèvent l’écran grâce à Medvedev et Weinberg ont certes IRMA KOLASSI une superbe prise de son. conservé un instinct infaillible des The Decca Recitals Dix minutes de compléments seule- confrontations à fort potentiel dra- Trop riche, trop disparate, trop ment (Pribaoutki et Deux Poèmes de matique, mais il leur faut quatre Nin - Ravel - Aubert - Milhaud - Falconieri - Haendel - Paisiello - condensé : Le Rossignol n’est que Paul Verlaine), mais, pour la disco- actes et plus de trois heures pour Caccini - Monteverdi - A. Scarlatti - rarement joué, et pas davantage enre- graphie du Rossignol, un notable construire leurs personnages – ce Cesti - Fauré - Schumann - gistré. À la scène, une fois le rideau enrichissement, voire une version de qui est trop pour que les procédés Schubert - Pergolesi - Parisotti - retombé sur ces trois actes enchaînés référence. de Weinberg, excellent compositeur Debussy - Chausson - Massenet - Berlioz en à peine trois quarts d’heure, on a LAURENT BARTHEL de musiques de fi lm, par ailleurs, Jacqueline Bonneau, André Collard déjà dépensé beaucoup d’argent, ne révèlent pas leurs limites. (piano) alors que la soirée ne fait que com- Déclamation fluide, entre Orchestres, dir. Louis de Froment, mencer. Et les compléments Moussorgski et Berg, séquences Anatole Fistoulari stravinskiens possibles sont soit lourds mélodiques à caractère faussement 4 CD Decca « Eloquence » 482 4637 (Œdipus Rex), soit d’une créativité populaire, façon Chostakovitch, art plus sèche et mal assortie, à la fois en consommé de la citation à des fi ns esprit et en effectifs (Renard, Mavra, expressives : tout fonctionne mais L’Histoire du soldat...). aussi se répète, donnant parfois Même problème au disque, où il a l’impression que si l’action avance Grâce à la collection australienne fallu se limiter longtemps aux enre- bien, la musique, elle, reste sta- « Eloquence » – celle-là même que gistrements du compositeur lui- tique. Quelques beaux éclats, tou- Decca et Universal Classics n’ont même (CBS/Sony Classical), d’André tefois, dont l’intense confrontation pas su faire en Europe –, nous Cluytens (Testament, en français), WEINBERG des rivales au dernier acte, mais il parvient l’intégralité des enregis- puis de Pierre Boulez (Erato). Bien L’Idiot est déjà tard. Si L’Idiot a été créé, en trements de studio réalisés par peu de choix pour un opéra aussi Juhan Tralla (Myshkin) - Steven 1991, par l’Opéra de Chambre de Irma Kolassi (1918-2012), à Paris important, certainement l’un des Scheschareg (Rogozhin) - Ludmila Moscou, dans une version raccour- et à Londres, entre 1952 et 1955 – chefs-d’œuvre les plus attachants de Slepneva (Nastassya Filippovna) - cie, ce n’était peut-être pas qu’en le livret du coffret a la bonne idée Bryan Boyce (Totsky) - Lars Moller Stravinsky ! (Lebedjev) - Bartosz Urbanowicz raison de contraintes écono- de reproduire les pochettes origi- Depuis vingt ans, la situation évolue, (Epanchin) - Elzbieta Ardam miques... nales, délicieusement kitsch. toujours au ralenti, mais avec quand (Epanchina) Création intégrale le 9 mai 2013 Quatre CD rappellent donc le sou- même James Conlon, à Paris (EMI/ Orchester des Nationaltheaters seulement, au Nationaltheater de venir de cette mezzo-soprano Warner Classics) et Robert Craft, à Mannheim, dir. Thomas Sanderling Mannheim : une production très grecque, élevée en France pen- Londres (Naxos). Deux beaux enre- 3 CD Pan Classics PC 10328 remarquée, dont cet enregistrement dant ses premières années, puis gistrements, auxquels vient se mesu- sur le vif, réalisé en janvier 2014, ne revenue dans son pays natal, où rer ce concert, capté sur le vif à la &&& nous restitue que la part sonore. On elle étudie le piano et le chant, Philharmonie de Cologne, les 8 et 12 y pressent un ouvrage effi cace, mais avant de se perfectionner à mai 2012. Quatre des six opéras de Mieczysław pouvant ennuyer à sa seule écoute. l’Accademia Santa Cecilia de Le chef finlandais Jukka-Pekka Weinberg (1919-1996) ont été Belle distribution de troupe, dont on Rome. A l’Opéra d’Athènes, elle Saraste s’y distingue par la cohérence écrits en collaboration avec le dra- se gardera toutefois de juger la chante deux Suzuki dans Madama de sa direction, dans une esthétique maturge et musicologue Alexander clarté d’élocution russe, d’autant Butterfl y, mais elle préfère à une toujours très « Ballets russes », mais Medvedev : l’incontournable plus que l’orchestre de Thomas carrière de soliste celle de chef de clarifi ée et analytique. De quoi unifi er Passagère (1968), d’après le roman Sanderling est parfois envahissant. chœur. Après la Seconde Guerre au mieux cet ouvrage, dont l’esthé- autobiographique de Zofia Malgré ses longueurs, cet Idiot peut mondiale, elle revient à Paris, où tique change beaucoup entre l’acte I, Posmysz ; La Madone et le Soldat s’écouter jusqu’au bout, mais il se déroulera l’essentiel de ses proche de l’école russe, voire de (1971), d’un caractère cette fois nous faudrait vraiment une capta- activités artistiques et pédago- Debussy, et les deux actes suivants, conforme à la propagande sovié- tion DVD pour juger de son impact giques. écrits quelques années plus tard et tique ; Le Portrait (1980), adaptation réel à la scène, probablement fort. Même si, en 1950, Irma Kolassi d’une personnalité stravinskienne d’une nouvelle fantastique de LAURENT BARTHEL participe à la création locale en

82 • magazine

76-87_CD_DVD_164.indd 82 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

concert de Wozzeck, et, quatre ans comble dans un Promenoir des début de carrière, et toujours en (Glossa), qui fait paraître en com- plus tard, à celle de L’Ange de feu, deux amants nimbé de mystère, compagnie de bons spécialistes paraison Magdalena Kozena sur- l’opéra n’est pas son univers ; elle tandis que la délicatesse et la (Andrea Marcon, Marc dimensionnée, ou du moins très lui préfère le lied et, surtout, la sensualité des Chansons de Bilitis Minkowski...). Pour le retour de la opératique. mélodie française. Elle y excelle. atténuent l’artifice des vers de mezzo-soprano tchèque à cette En rien un contresens, cependant, On admire la sûreté de sa tech- Pierre Louÿs. Au piano, Jacqueline période, sa collaboration avec dans ce qui reste avant tout un nique, la maîtrise de son souffle, Bonneau et André Collard sont des Vaclav Luks et son Collegium 1704 drame, même miniaturisé. Ultime son intégrité musicale et la netteté partenaires scrupuleux. paraît non moins fructueuse : un geste marquant, la cantate de sa diction – car si son chant Le temps d’un Poème de l’amour album de cantates de chambre s’achève par un simple récitatif, peut avoir une rigueur instrumen- et de la mer de Chausson, la can- italiennes, organisé comme un dans la nudité de la solitude et du tale, il est toujours guidé par une tatrice rejoint le London précieux jardin du XVIIIe siècle, suicide... À l’issue de cette riche intime compréhension du texte. Philharmonic, dirigé avec sou- riche en essences rares et en et passionnante succession de Sans compter qu’on est subjugué plesse par Louis de Froment. Une connotations symboliques. paysages, la promenade tourne par la chaleur et la plénitude de vision enchanteresse. Initialement, ce programme était tragiquement court. son timbre, l’émotion qu’il dégage, Irma Kolassi avait aussi confié à la un projet scénique, assorti de sa lumière mais aussi ses reflets firme Ducretet Thomson quelques toute une dramaturgie, qui a En comparaison d’un projet aussi les plus ombreux. faces, dont les Trois Poèmes de tourné court avec la disparition du raffiné, le disque Aimer et mourir Sans doute les Arie antiche de Stéphane Mallarmé de Ravel. Les scénographe Karl-Ernst Herrmann, de Robin Ticciati – avec Magdalena Paisiello, Caccini et consorts de- retrouvera-t-on un jour ? en 2018. La proposition, enregis- Kozena en invitée de marque, pour mandent-ils un rien d’abandon MICHEL PAROUTY trée en studio, en septembre de la quatre mélodies de Duparc supplémentaire ; l’ère des baro- même année, n’en reste pas moins (L’Invitation au voyage, Au pays où queux n’est pas encore venue. élégamment préméditée, incluant se fait la guerre, Chanson triste, Mais la distinction et l’énergie des beaucoup de partitions rares. Phidylé) – paraît surtout centré sur Cantos populares españoles de La cantate Or ch’è dal sol difesa les irritantes poses égocentriques Joaquin Nin sont contagieuses. de Leonardo Leo (arbitrairement du chef britannique : en ouvrant L’Allemagne est représentée par rebaptisée Angelica e Medoro) est la pochette, sur le côté gauche, le Schumann et Schubert. La ferveur même, sauf erreur, une première visage du jeune maestro yeux clos, de Widmung, la légèreté de discographique : deux arie sans doute en pleine méditation Der Musensohn ravissent, et agréables, d’un style galant plutôt créatrice, et à droite, une ridicule Erlkönig est palpitant dans son décoratif et qui s’intègre bien dans photographie de ses mains en gros utilisation des couleurs vocales à le concept d’ensemble. plan. des fins dramatiques. Plus captivante, Arianna Le problème, c’est que ce sont Les merveilles de ce coffret, toute- MAGDALENA KOZENA abbandonata­ de Benedetto bien les seules vingt minutes où fois, sont françaises, à commencer Marcello, pas tout à fait une dé- Magdalena Kozena chante des par les Cinq Mélodies populaires Il giardino dei sospiri couverte, puisque les deux princi- Duparc d’un style là encore grecques de Ravel (une version en Marcello - Vinci - Gasparini - Leo - paux airs de cette cantate pro- opulent, mais irréprochable, qui 1952, une autre trois ans plus Haendel viennent d’un opéra antérieur, font la valeur de l’album, gravé en tard, dans laquelle la voix semble Collegium 1704, dir. Vaclav Luks Arianna (1727), enregistré en studio, en décembre 2017, et non avoir acquis davantage de moel- 1 SACD Pentatone PTC 5186 725 première discographique, il y a des Ravel (Suite n° 2 de Daphnis leux), ou ses Chansons vingt ans, par Filippo Maria et Chloé, sans les parties chorales, madécasses­ (1954) ; jamais l’opu- Bressan (Chandos). Deux mo- et Valses nobles et sentimentales) &&&&& lence vocale n’entrave la re- ments d’une beauté rare, surtout tristement faibles, qui cumulent cherche d’un climat (la poésie de la longue et enjôleuse aria « Come raideurs et fautes de goût. la Chanson des cueilleuses de mai puoi », d’une inspiration mélo- LAURENT BARTHEL lentisques est inouïe). dique exquise. Ici, l’effectif orches- De même, la fluidité de la ligne, le tral est réduit mais, grâce à la lyrisme retenu et touchant, la pro- sensibilité nuancée de Vaclav fondeur émotionnelle des Poèmes Luks, le résultat n’est pas moins juifs de Darius Milhaud demeurent addictif. insurpassables. Sans parler des À l’autre bout de l’itinéraire, un deux extraits des Six Poèmes joyau, Qual ti riveggio, oh Dio, arabes de Louis Aubert – qui ne emprunté à l’abondant corpus, succomberait pas à la détresse du trop peu connu, des cantates Vaincu ? Aimer et mourir : Danses et mélodies ­italiennes de Haendel. Magdalena Ce timbre envoûtant est-il celui qui Ravel - Duparc Kozena aborde ce répertoire avec sied à La Chanson d’Ève de Deutsches Symphonie-Orchester une voix désormais riche, un rien Fauré ? Même allégé, il reste Berlin, dir. Robin Ticciati lourde, mais aussi avec de vraies sombre. Mais ici, la vérité du sen- notions du style adéquat. 1 CD Linn CKD 610 timent prend le pas sur l’intimité. Dans ces vingt-cinq minutes du Les Debussy emmènent l’auditeur meilleur Haendel, la concurrence && vers d’étranges contrées. La fusion discographique est peu abon- du texte et des notes, souhaitée Magdalena Kozena a beaucoup dante, incluant toutefois la sensi- par le compositeur, atteint son chanté le répertoire baroque en bilité aiguisée de Raffaella Milanesi

magazine • 83

76-87_CD_DVD_164.indd 83 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

compositeurs suisses de second et par sa jolie présence en scène. rayon intéressants à découvrir, l’inter- Nous nous réjouissions donc d’écou- prète ayant tenu à s’exprimer dans ter son premier récital discogra- les quatre langues « officielles » de la phique, enregistré en studio, en juin Confédération. Hormis Othmar 2019. Schoeck, leurs noms ne nous disent La première plage (le « Vedrai, carino » à peu près rien, mais ces musiques de Zerlina) est un choc, tant s’y fait ont du style et, indiscutablement, de entendre une voix méconnaissable, fortes parentés avec leurs sphères déjà fatiguée, grossie et entachée d’un d’influence linguistique respectives. grelot compromettant la justesse – Ainsi de Schumann pour Wilhelm sans parler d’un italien pâteux. Cet air, Baumgartner, pour comme le « Deh vieni, non tardar » de Richard Flury, voire Debussy et Susanna qui suit, en perd tout ANNA PROHASKA REGULA MÜHLEMANN Fauré pour Marguerite Roesgen- charme. Paradise Lost Lieder der Heimat Champion (avec même, dans Cette L’ennui est que Mozart occupe Ravel - Bernstein - Messiaen - Fauré - étoile perdue, un fort relent du refrain presque la moitié du programme, la Schubert - Baumgartner - Schoeck - Debussy - Daniel-Lesur - Stravinsky - Flury - Frey - Langer - Niggli - du Jet d’eau de Debussy). soprano moldave se disant particuliè- Wolf - Brahms - Reimann - Britten - Liszt - Roesgen-Champion - Le romanche, parlé exclusivement rement attachée au compositeur, Pfitzner - Rachmaninov - Ives - Geiser - Rossini Purcell - Schubert - Schumann - dans quelques vallées des Grisons, auquel elle doit ses premiers succès. Eisler - Mahler - Crumb Tatiana Korsunskaya (piano) est représenté par le peu connu Si le dramatisme d’Ilia d’, Julius Drake (piano) 1 CD Sony Classical 1907598042 Walther Geiser, un élève de Busoni dans sa scène d’entrée, peut à la ri- à Berlin, quand même... En re- gueur s’accommoder de cette émis- 1 CD Alpha Classics ALPHA 581 vanche, faute de compositeur sion véhémente, « Zeffiretti &&&& ­italophone, c’est Rossini qui est sol- ­lusinghieri » expose un instrument && Troisième récital de la soprano suisse licité pour terminer, avec les volubiles laborieux, à l’aigu systématiquement La soprano autrichienne Anna Regula Mühlemann, après un terne tyroliennes de La pastorella dell’Alpi. plafonnant. Prohaska se fait décidément une programme Mozart et une compila- Accompagnement parfois trop effacé Le fameux « Ruhe sanft » de Zaide, spécialité des récitals thématiques. tion d’airs baroques autour du per- de Tatiana Korsunskaya, mais qui enfin, souligne encore plus ces dé- Après Sirènes (2010), Enchanted sonnage de Cléopâtre, où le faible n’altère pas l’agrément de ce pro- fauts : timbre froissé, intonation Forest (2013) et Behind the Lines gabarit vocal de cette jeune chan- gramme globalement réussi, enre- constamment basse, la et si aigus (2014), parus chez Deutsche teuse peinait à s’imposer (voir O. M. gistré en studio, en juillet-août 2019. douloureux. Grammophon, puis Serpent & Fire n° 133 p. 77 de novembre 2017). LAURENT BARTHEL La partie slave est heureusement plus (2016), déjà pour Alpha Classics, Cette fois, pour ce récital de lieder et réussie, en particulier le bref mais voici, gravé en studio, en juillet 2019, mélodies davantage personnel, où il intense arioso de Iolantha. La phona- Paradise Lost. Un titre repris du est beaucoup question de nostalgie tion russe convient mieux à cette poème épique de Milton, dont un du pays natal et de racines hélvètes, émission en arrière et un peu grossie, extrait figure effectivement ici, dans l’adéquation semble plus évidente. mais la mélodie de l’opus 47 manque une mise en musique de Charles Ives Non pas que la voix ait vraiment pris à la fois d’aisance et d’émotion. (Evening). de l’ampleur, mais le médium et Dans l’« Hymne à la lune » de Rusalka, Très construit et pensé à première l’aigu, de surcroît assez peu sollicités cheval de bataille de la soprano, on vue, ce parcours évoquant la chute en volume dans ce cadre intimiste, sent une grande familiarité et une d’Adam et Ève en vingt-cinq mélodies ont beaucoup de charme, ou du certaine évidence expressive, même (plus, selon une pratique devenue moins le juste caractère pour ce ré- si la caractérisation n’est pas très assez banale, une plage « fantôme » pertoire bucolique. personnelle et si, là encore, l’insistant en fin de CD) résiste inégalement à Fallait-il pour autant en rajouter, en vibrato ôte de la jeunesse au person- un examen attentif, certains choix arborant sur la pochette du CD une VALENTINA NAFORNITA nage et de la pureté à l’intonation. relevant davantage d’une logique de croquignolette coiffure à la Heidi, Romance Les trois chansons gentillettes en mot clé que d’un lien thématique ri- hommage à l’héroïne suisse du ro- Don Giovanni, Le nozze di Figaro, roumain, dues au compositeur goureux. Ainsi, choisir Trois Beaux man pour enfants de Johanna Spyri ? Idomeneo, Zaide, Rusalka, Iolantha. ­moldave Eugen Doga (né en 1937), Oiseaux du Paradis de Ravel comme Une anecdotique bouffée d’air des Mélodies de Tchaïkovski & Doga n’arrangent rien, concluant un pro- première pièce du groupe initial, inti- montagnes qui, en tout cas, ne dis- Münchner Rundfunkorchester, gramme un peu chiche – moins d’une tulé « Morning in Paradise » (« Matin dir. Keri-Lynn Wilson crédite pas un programme subtile- heure –, dirigé de façon honnête par au Paradis »), tient du contresens, ment composé, incluant quelques 1 CD Outhere Music OMF 705 Keri-Lynn Wilson. puisqu’il s’agit d’une mélodie célé- Schubert pour mieux cadrer l’am- Un disque très décevant, mal construit brant les trois couleurs du drapeau biance : Der Knabe, Im Frühling, le && et révélant une voix prématurément national par un Ravel jugé inapte au plus rare Auf dem Strom, avec son Nous avions découvert Valentina vieillie... à seulement 32 ans ! combat, en 1914 ! cor obligé (ici, un cor naturel assez Nafornita en 2017, lors de ses débuts Valentina Nafornita peine apparem- Suffit-il qu’un texte contienne le mot bien maîtrisé par Konstantin à l’Opéra Bastille dans Die lustige ment à gérer l’orientation vers un ré- « pomme », comme Gib mir den Apfel Timokhine), et en ouverture, Der Hirt Witwe, où sa délicieuse Valencienne – pertoire plus lourd, qu’illustrent ses de Reimann, pour être en situation ? auf dem Felsen, au charme malheu- et non Hanna Glawari, comme l’in- récentes Fiordiligi et Iolantha, avec On est, en fait, plus d’une fois dans reusement atténué par un Daniel dique la notice du CD ! – s’imposait à l’ambition de passer de Zerlina et le simple jeu sur les mots, par Ottensamer pâlot à la clarinette. la fois par son soprano léger, mais de Musetta à Donna Anna et Mimi. exemple en intitulant la partie sur la Mais surtout, toute une série de belle projection et au médium corsé, THIERRY GUYENNE tentation « Playing with Fire » (« Jouer

84 • magazine

76-87_CD_DVD_164.indd 84 19/08/2020 10:12 GUIDE CD

avec le feu »), pour pouvoir l’achever Wolf - Schubert - Saint-Saëns - timbre d’enfant, nous sommes heu- d’ampleur en son climax, la soprano sur l’air du Feu de L’Enfant et les Chausson - Poulenc reux d’entendre ici un chant à la fois fait valoir ailleurs d’appréciables ré- sortilèges. Joseph Middleton (piano) plus substantiel et infiniment plus serves dynamiques, notamment dans

Certaines pièces, enfin, s’insèrent 1 SACD Bis BIS-2353 incarné. Un instrument qui vit et un Hymne à Astarté qui atteint à un curieusement dans la dramaturgie, vibre – sans excès, on s’en doute ! –, indéniable vertige sacré. comme l’air Sleep, Adam, sleep de et montre une belle capacité évoca- Carolyn Sampson forme un duo d’une &&&& Purcell : évoquant le sommeil du trice dans les deux langues au pro- parfaite cohésion avec le très stylé premier homme, avant la découverte Pour qui connaît Carolyn Sampson gramme. Joseph Middleton, chez qui l’on ap- de la compagne que Dieu a tirée de essentiellement dans le répertoire On est sensible au naturel et au sens précie particulièrement la palette de sa chair, il est pourtant placé dans la baroque, ce disque, gravé en studio, de la coloration des mots, au-delà de couleurs et l’engagement, à l’excep- section « Banishment » en janvier 2018, constituera une la seule prononciation, celle-ci bien tion étonnante d’un Gretchen am (« Bannissement »). agréable surprise. La soprano plus qu’honorable, malgré une pointe Spinnrade privé d’élan dramatique. Tout cela ne laisse pas d’agacer, mais ­britannique est également, en effet, d’accent. Si le célèbre Kennst du das Un disque qui retient l’attention. serait moins gênant si l’interprétation une récitaliste chevronnée, qui cultive Land ? de Wolf manque un peu THIERRY GUYENNE incitait à le minimiser. Hélas, si le les programmes les plus divers dans pianiste Julius Drake se montre per- le domaine de la mélodie avec piano. tinent dans les divers styles abordés, Autour du thème de la folie féminine, on ne peut en dire autant de la sopra- l’album mêle pièces célèbres et rare- no. Son premier défaut, particulière- tés du lied et de la mélodie française ment rédhibitoire dans un tel pro- des XIXe et XXe siècles, le fil rouge gramme, est de faire de l’ensemble étant la figure d’Ophélie. Il s’ouvre des textes une bouillie incompréhen- avec le quatrième des Ophelia-Lieder sible, à force de consonnes molles et de Brahms – dont l’interprétation a de voyelles indistinctes, aussi bien en cappella surprend, tout en accentuant français, en anglais qu’en allemand, encore son caractère de chanson voire en russe. Au point que l’auditeur populaire –, enchaîné, après ne s’aperçoit pas immédiatement que Herzeleid de Schumann, avec les Drei Pastorale de Stravinsky est une voca- Lieder der Ophelia de Richard lise ! Strauss. Un problème pas vraiment nouveau On retrouvera l’héroïne d’Hamlet en chez Anna Prohaska, mais qui fin de parcours, avec La Mort semble s’être aggravé. Force est de d’Ophélie­ de Saint-Saëns et la constater, par ailleurs, que cette voix, Chanson d’Ophélie de Chausson, que nous n’avons jamais beaucoup précédant le cycle brahmsien don- admirée, a énormément perdu en né – avec piano, cette fois – dans facilité, avec une émission devenue l’intégralité de ses cinq très brefs opaque, grossie dans le médium et ­lieder. le grave, vite froissée et stridente dans Les autres figures convoquées – l’aigu, pour une palette de nuances Bilitis, Mignon... – nous éloignent dynamiques et de couleurs désor- certes de la folie, mais explorent des mais cruellement limitée, sans parler facettes complexes de la psyché fémi- d’une intonation floue. nine, en un programme intéressant, Cette fille d’Ève n’aurait-elle pas suc- contrasté et bien construit, aux sé- combé au fruit défendu de rôles trop quences habilement conçues, lourds pour son soprano originelle- comme ce groupe sur les fileuses ment léger ? (Gretchen am Spinnrade de Schubert, THIERRY GUYENNE suivi de Mädchenlied de Brahms et Die Spinnerin de Schumann). Citons encore les deux Koechlin sur Bilitis (Hymne à Astarté, Épitaphe de Bilitis), entourant le plus familier trip- tyque de Debussy (Chansons de Bilitis). Quant à La Dame de Monte- Carlo de Poulenc, qui clôt le parcours avec classe, n’est-elle pas une sorte d’écho décadent à Ophélie, s’anéan- tissant comme elle dans l’eau ? N’ayant jamais raffolé des interpréta- CAROLYN SAMPSON tions de Carolyn Sampson dans la Reason in Madness musique ancienne, qui répondent à un certain goût des pays « du Nord » Brahms - Schumann - R. Strauss - pour les voix de soprano blanches et Koechlin - Debussy - Duparc - aussi proches que possible d’un

magazine • 85

76-87_CD_DVD_164.indd 85 19/08/2020 10:12 GUIDE DVD

Première OPÉRAS Qu’il est beau, ce Postillon ! Le délicieux « opéra-comique » d’Adolphe Adam, fleuron du genre au XIXe siècle, ne rate pas son entrée au catalogue DVD. Filmé en 2019, à Paris, Salle Favart, il bénéficie d’une direction musicale et d’une mise en scène épatantes, ainsi que d’un ténor à la hauteur des redoutables exigences du rôle de Chapelou : le percutant Michael Spyres.

Le jeu décalé (mais pas trop) im- Laurent Kubla met sa truculence posé à ses interprètes par Michel au service de Biju, le forgeron at- Fau, les décors aux couleurs satu- tiré par les planches. Franck rées d’Emmanuel Charles et les Leguérinel, toujours une valeur costumes très chargés de sûre, est un désopilant Marquis de Christian Lacroix (tous deux s’arrê- Corcy, le (presque) « méchant » de tant aux limites du bon goût) sont l’histoire. Florie Valiquette est les atouts de ce spectacle, dont aussi charmante en paysanne BERLIOZ l’exubérance bon enfant redonne délurée qu’en nouvelle riche ; le Benvenuto Cellini de la vigueur à un répertoire que timbre est un peu pointu, mais la certains pensaient désuet. voix est facile et légère. Michael Spyres (Benvenuto Sans doute l’intrigue improbable Michael Spyres, enfi n, confi rme sa Cellini) - Maurizio Muraro (Balducci) - Lionel Lhote mitonnée par Adolphe de Leuven connaissance et son amour d’un (Fieramosca) - Tareq Nazmi et Léon-Lévy Brunswick ne sou- style et d’un genre qui ont encore (Le Pape Clément VII) - Vincent met-elle pas l’auditeur à de pé- besoin d’être défendus, même si, Delhoume (Francesco) - Ashley nibles efforts cérébraux ; mais la dans les dialogues, son élocution Riches (Bernardino) - Alex Ashworth (Pompeo) - Peter musique d’Adolphe Adam (1803- est encore hésitante. Son aisance Davoren (Le Cabaretier) - Sophia ADAM 1856), pimpante et joyeuse, ravit vocale, son ardeur à affronter les Burgos (Teresa) - Adèle Charvet Le Postillon de Lonjumeau par sa fraîcheur. suraigus n’ont aucune peine à (Ascanio) Michael Spyres (Chapelou/Saint- L’Orchestre de l’Opéra de Rouen séduire l’auditoire. Monteverdi Choir, Orchestre Phar) - Florie Valiquette (Madeleine/ Normandie offi cie dans cette co- Michel Fau, signataire d’une mise Révolutionaire et Romantique, dir. John Eliot Gardiner. Mise en Madame de Latour) - Franck production entre sa maison mère en scène ne connaissant pas de Leguérinel (Le Marquis de Corcy) - espace : Noa Naamat. Réalisation : Laurent Kubla (Biju/Alcindor) - et l’Opéra-Comique. Sébastien temps mort et toujours prêt à Sébastien Glas (16:9 ; stéréo) Julien Clément (Bourdon) - Michel Rouland le dirige avec l’entrain et endosser les travestissements les 1 DVD Château de Versailles Spectacles Fau (Rose) - Yannis Ezziadi la franchise d’accent qui plus inattendus, n’a pu résister CVS 020 (Louis XV) conviennent. Les choristes aux clins d’œil de Rose, la sui- Accentus, Orchestre de l’Opéra de d’Accentus ont l’air de bien s’amu- vante : robe à paniers, perruque Rouen Normandie, dir. Sébastien &&&&& Rouland. Mise en scène : Michel ser, et tout autant la troupe de so- gigantesque, plumes, il est im- Fau. Réalisation : François listes, jusqu’aux plus petits rôles : payable. Le 8 septembre 2019, l’Opéra Royal Roussillon (16:9 ; stéréo : PCM ; le Bourdon faux prêtre de Julien Tous portent l’art du divertisse- de Versailles accueillait John Eliot DTS 5.1) Clément, le Louis XV sorti d’un ment à son plus haut degré. Gardiner, à l’occasion d’un ultime 1 DVD Naxos 2.110662 dessin animé de Yannis Ezziadi. MICHEL PAROUTY Benvenuto Cellini qui venait d’effec- tuer une tournée européenne (voir Le Postillon de Lonjumeau à l’Opéra-Comique. O. M. n° 155 p. 68 de novembre). C’est le souvenir de ce concert, qu’a

STEFAN BRION STEFAN fixé le DVD qui nous arrive au- Le Postillon de Lonjumeau, c’était jourd’hui. l’une des Arlésiennes de l’« opéra- Un concert mémorable, parce que comique » français : on en parlait, Gardiner connaît Berlioz sur le bout on ne le voyait jamais. Aussi son de ses doigts et qu’il a réfl échi sur la retour Salle Favart était-il attendu. partition, avant de nous donner la Il eut lieu en mars 2019, et ce fut version qui est désormais la sienne. un triomphe (voir O. M. n° 150 Nous ne reviendrons pas sur le détail p. 58 de mai). de ses choix, parfois surprenants, Effi cacement fi lmée par François mais on est heureux de retrouver ici Roussillon, qui varie les angles de la version parisienne de Benvenuto prises de vue pour rendre son Cellini, dans toute sa cohérence et approche plus vivante, la produc- son ampleur. tion ne perd rien de ses charmes. S’agit-il, pour autant, d’un simple

86 • magazine

76-87_CD_DVD_164.indd 86 19/08/2020 10:12 GUIDE DVD

concert ? Certes, l’orchestre est sur rôle et de ses moyens, combien il sait la scène, mais les chanteurs sont trouver les gestes et les regards qui PALAZZETTO costumés, les lumières travaillées, et donnent de la vie à son personnage. l’action se déroule à la fois à l’avant- Voilà bien le seul ténor du moment BRU ZANE scène et sur un praticable installé qui puisse chanter , Énée, derrière l’orchestre. Solistes et Cellini (mais aussi Lélio ou le Sanctus chœurs se promènent ainsi avec du Requiem) avec la même aisance. Un opéra « prodigieusement moderne » intelligence au gré des situations, et Sophia Burgos, qui nous avait sem- selon Camille Saint-Saëns : l’on avait noté, à l’époque, que ce blé sur la réserve en Teresa, est bien type de mise en espace, réalisée ici servie par la caméra, et l’on est par Noa Naamat, valait toutes les heureux de clairement entendre, mises en scène, quand bien même cette fois, l’excellente Adèle Charvet elles seraient signées de Terry dans le premier air d’Ascanio, un Le Timbre d’argent Gilliam. peu égaré sur le praticable du fond. Bien sûr, à l’écran, ce type de spec- Si Maurizio Muraro reste un Balducci NOUVEAUTÉ tacle peut laisser une impression de convention, Lionel Lhote, dans le d’inachevé, surtout quand la camé- rôle de Fieramosca, dose parfaite- ra se braque sur un chanteur auquel ment le chant et le jeu. on n’a pas donné d’indication pré- Quant à l’orchestre, on l’a compris, cise pour chaque instant de sa il est au cœur de cette soirée, et non Premier prestation (Fieramosca, par pas relégué dans les soubasse- enregistrement exemple, dans le trio du premier ments, comme c’est trop souvent le mondial tableau) ; mais ici, l’intelligence de cas dans les DVD occupés à saisir chacun, et ce mélange de fougue et tel détail de la mise en scène. de précision qui caractérise le Physiquement présents sous nos Monteverdi Choir, tant musicalement yeux, les musiciens de l’Orchestre que scéniquement, servent la parti- Révolutionnaire et Romantique tion à merveille. jouent avec bonheur, dans tous les On regrette simplement que l’épi- sens du terme, sous la baguette d’un François-Xavier Roth, direction sode du concours de chant reste Gardiner qui nous fait allègrement LES SIÈCLES confus, ici comme ailleurs, avec un oublier les deux précédents DVD de ACCENTUS ophicléide traité comme un person- Benvenuto Cellini, parus chez avec Hélène Guilmette, Jodie Devos, nage à part entière et un cor anglais Naxos : celui, calamiteux, capté à Edgaras Montvidas, Yu Shao, Tassis Christoyannis, perdu dans l’orchestre. Salzbourg, sous la direction de Valery Jean-Yves Ravoux, Matthieu Chapuis La distribution, dans la salle, nous Gergiev, et celui rendant compte, à BZ 1041 avait paru captivante, mais on se Amsterdam, de la mise en scène de rend compte, avec le DVD, combien Terry Gilliam, citée plus haut. Michael Spyres est maître de son CHRISTIAN WASSELIN DEUX AUTRES RARETÉS DE CAMILLE SAINT-SAËNS

Proserpine Les Barbares ORCHESTRE DE LA CHŒUR LYRIQUE RADIO DE MUNICH ET ORCHESTRE SYMPHONIQUE CHŒUR DE LA RADIO FLAMANDE SAINT-ÉTIENNE LOIRE Ulf Schirmer, direction Laurent Campellone, direction

ES 1027 ES 1017 Label Bru Zane LIVRES-DISQUES COLLECTION « OPÉRA FRANÇAIS »

Distribué par

bru-zane.com

magazine • 87

76-87_CD_DVD_164.indd 87 19/08/2020 10:12