<<

AC-PRDIRT-Volet III-2011-06

AMES -J AIE B Étude sur les facteurs édaphiques et DE LA géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulières de la morille conique ( Conica) dans le Nord‐du‐Québec (PRDIRT) ACQUISITION DE CONNAISSANCES ’

ROGRAMME D ROGRAMME P ET DU TERRITOIRE

LAN DE DEVELOPPEMENT INTEGRE DES RESSOURCES Présenté à

P à la Commission régionale sur les ressources naturelles et le territoire de la Baie‐James (CRRNTBJ)

Préparé par

Mireille Gravel, Isabelle Paquette et Marie‐Ève Gosselin FaunENord, Experts‐conseil Faune et Environnement

RAPPORT FINAL

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec

PRÉSENTÉ À

110 boulevard Matagami, C.P. 850 Matagami, Qc J0Y 2A0

Avril 2013

512 Route 167 S, Chibougamau, QC G8P 2X8 tél. : (418) 748-4441 téléc. : (418) 748-1110 www.faunenord.org

Équipe terrain Audrey Bernier, Biologiste Baptiste Millereux, Biologiste Marc-André Bernier, Géologue M Sc.

Rédaction et révision Isabelle Paquette, Biologiste Marie-Ève Gosselin, Biologiste M. Sc. Mireille Gravel, Biologiste M. Sc.

FaunENord 512, Rte 167 sud, C.P. 422 Chibougamau, Québec G8P 2X8 418-748-4441 www.faunenord.org

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page ii

TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES ...... III LISTES DES TABLEAUX ...... IV LISTE DES FIGURES ...... IV MISE EN CONTEXTE ...... 7

LES ÉTAPES DU PROJET ...... 8 REVUE DE LITTÉRATURE SUR LA MORILLE ( , MORCHELLA SP. ) ...... 9

GÉNÉRALITÉS ...... 9 BIOLOGIE DES MORCHELLA ...... 10 Le cycle de vie de Morchella ...... 10 Le pseudosclérote de Morchella ...... 12 Stratégies nutritionnelles ...... 13 La fructification ...... 14 Facteurs qui facilitent la fructification ...... 14 Effet des feux de forêt, autres perturbations sur les propriétés du sol ...... 14 Facteurs qui déclenchent la fructification ...... 15 Facteurs qui soutiennent la fructification ...... 16 CONCLUSION GÉNÉRALE SUR LES DIFFÉRENTS ASPECTS RELEVÉS DE LA LITTÉRATURE ...... 16 PORTRAIT GLOBAL DE LA RÉGION À L’ÉTUDE ...... 17

LA GÉOLOGIE ET LA GÉOMORPHOLOGIE DE LA RÉGION ...... 17 LE SOL ...... 18 MÉTHODOLOGIE ...... 20

REVUE DE LITTÉRATURE ...... 20 SÉLECTION DES SITES ...... 20 CARACTÉRISATION DES SITES À L ’ÉTUDE ...... 21 PROFIL PÉDOLOGIQUE DES SITES À L ’ÉTUDE ...... 24

Caractérisation granulométrique et présence de carbonate de calcium (CaCO 3) ...... 24 Mesure de pH et géochimie des horizons B et C ...... 24 ANALYSES STATISTIQUES ...... 24 RÉSULTATS ET DISCUSSION ...... 25

ANALYSES STATISTIQUES ...... 25 ORIGINE GÉOLOGIQUE ...... 25 Généralités pour l’ensemble des sites à l’étude ...... 25 Sites productifs vs non-productifs ...... 30

PROFIL PÉDOLOGIQUE – GRANULOMÉTRIE ET PRÉSENCE DE CACO 3 ...... 30 Généralités pour l’ensemble des sites ...... 30 Développement du profil podzolique ...... 30 Type de perturbation ...... 30

Présence de CaCO 3 ...... 31 Sites productifs vs non productifs ...... 31 Développement du profil podzolique ...... 31 Type de perturbation ...... 31

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page iii

Présence de CaCO 3 ...... 32 MESURE DE P H ...... 32 Généralités pour l’ensemble des sites ...... 32 Sites productifs vs non-productifs ...... 33 Sites brûlés vs non-brûlés ...... 34 GÉOCHIMIE ...... 35 Généralités pour l’ensemble des sites ...... 36 Comparaisons des résultats - Les tendances observées ...... 39 Horizon B vs C ...... 39 Productifs vs Non-Productifs...... 41 Brûlés vs Non-brûlés ...... 42 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ...... 44

CONSTATS ...... 44 APPROCHES INTÉRESSANTES ...... 44 BIBLIOGRAPHIE ...... 47

LISTES DES TABLEAUX Tableau 1 . Liste des différentes espèces de Morchella (Elata ) retrouvées dans l’est ou dans l’ouest en Amérique du Nord qui sont, jusqu’à ce jour, génétiquement identifiées (Kuo et al ., 2012)...... 10

Tableau 2 . Caractéristiques des différents horizons présents dans le sol de type « podzol » (Agriculture et Agro-alimentaire Canada, 1998) ...... 19

Tableau 3 . Caractéristiques et coordonnées géographiques de chaque site sélectionné, région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 ...... 22

Tableau 4 . Paramètres obtenus pour les sites ayant une réaction au HCl, région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 ...... 31

Tableau 5 . Teneurs moyennes des éléments dosés (majeurs et traces) des horizons B et C des sites à l’étude en comparant : 1) l’horizon B et C, 2) les sites productifs versus non-productifs, 3) les sites productifs brûlés et non-brûlés versus non-productifs brûlés et non-brûlés. Région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 (CÉAQ) ...... 37

LISTE DES FIGURES Figure 1 . (Natural black morel) (Pilz et al ., 2007) ...... 9

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page iv

Figure 2 . Phylogramme des Morchella ...... 9

Figure 3 . Cycle de vie de la vraie morille. Tiré et adapté de Pilz et al . (2007) ...... 11

Figure 4 . Pseudosclérote de morille (Pilz et al ., 2007) ...... 12

Figure 5 . Carte des écozones terrestres du canada (Environnement Canada, 2013) ...... 17

Figure 6 . Pédon démontrant les différents horizons présents dans un sol podzologique (Bernier & Milord, 2004) ...... 18

Figure 7 . Photographies prélevées lors des périodes d’échantillonnage des sites A) 22 et B) 9. Région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, (2011-2012) ...... 21

Figure 8 . Localisation des sites sélectionnés pour la région de Chapais – Chibougamau, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011 – 2012 ...... 27

Figure 9 . Géologie des formations superficielles avec la localisation des sites sélectionnés pour la région de Chapais – Chibougamau, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011 – 2012 (Tiré de Paradis, 2010) ...... 28

Figure 10 . Schéma représentant les différents dépôts retrouvés suite à la fonte des glaciers (Bourque, 2004) ...... 29

Figure 11 . Dépôts d’origine exclusivement glaciaire où se retrouvent le till sous-glaciaire et le till de fusion (till sous/supra-glaciaire)...... 29

Figure 12 . pH moyen selon l’origine glaciaire des sites et de l’horizon, région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 ...... 33

Figure 13 . pH moyen selon les sites brûlés et non-brûlés, l’horizon et la productivité (NP : Non productifs, P : Productifs), région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 ...... 34

Figure 14 . Rapport horizon B/horizon C selon chaque élément en comparant les sites non- productifs vs productifs, région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012. La ligne rouge indique la limite entre un appauvrissement (rapport < 1) ou un enrichissement (rapport > 1) de l’horizon B...... 40

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page v

Figure 15 . Teneurs en Hg, S, As et Ca retrouvées dans les sites brûlés versus non-brûlés selon la productivité et l’horizon. Région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 (CÉAQ)...... 42

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page vi

MISE EN CONTEXTE Dans le cadre du Plan Régional de Développement Intégré des Ressources et du Territoire (PRDIRT) de la Commission Régionale sur les Ressources Naturelles et le Territoire de la Baie- James (CRRNTBJ), il a été énoncé que l’un des besoins fondamentaux de la région se situait au niveau de l’acquisition de connaissances sur le territoire et ses ressources. C’est dans cette vision que s’inscrit le présent projet, portant sur l’acquisition de connaissances en ce qui a trait à la distribution et aux conditions particulières de croissance de la morille ( Morchella sp .) dans le Nord-du-Québec. Ces connaissances s’inscrivent directement dans le 11 ième enjeu identifié par la CRRNTBJ, visant le développement des produits forestiers non ligneux (PFNL). Ce besoin est d’ailleurs ciblé par la liste de priorités établie par la CRRNTBJ, soit d’évaluer la disponibilité des différents produits forestiers non ligneux (PFNL) à fort potentiel de mise en valeur situés à proximité des zones urbanisées (élément 15).

Les morilles comptent parmi les champignons les plus prisés au monde. Arrivant tôt au printemps et très éphémères, elles suscitent une frénésie chez les cueilleurs qui la recherchent pour ses qualités gastronomiques, ou la valeur ajoutée qu’elle peut octroyer sur le marché. Difficile à trouver, la morille est le champignon qui éveille la curiosité et soulève encore beaucoup d’inconnu, ce qui ne fait qu’amplifier le bonheur qu’ont les amateurs à trouver une belle talle. Par ailleurs, il existe une multitude d’espèce de morille (Morchella ) répartie sur l’ensemble de la planète. À travers l’Amérique du Nord, il existe 2 1 de Morchella : celui de la morille blonde ( ) et celui de la morille noire ( Morchella elata ) (Figure 5). Selon Kuo et al . (2012), sur les 41 espèces de morille répertoriées mondialement, 19 phylogénies se retrouvent en Amérique du Nord, où 12 espèces ont été, à ce jour, génétiquement identifiées (Tableau 1). Bien que les deux clades soient aisément différenciables par la couleur pâle (Esculenta clade) ou foncée (Elata clade), l’identification à l’espèce est très difficile et requière souvent des analyses de types moléculaires. Dans le Nord-du-Québec, c’est le clade morille noire qui s’y retrouve alors que la blonde est plus au sud. Ce faisant, l’appellation morille noire (Elata clade) est beaucoup plus exacte et sera employée pour le présent rapport (voir explications plus détaillées en page 8).

Bien qu’elle pousse à peu près partout au Québec, c’est au nord de la province que l’on trouve la morille noire le plus fidèlement et le plus abondamment. On la retrouve sur les sols sablonneux, sous les peupliers et le cerisier de Pennsylvanie en régénération ou à l’intérieur de récents brûlis. C’est d’ailleurs suite aux feux de forêt dévastateurs de 2005, au sud du 52e parallèle incendiant plus de 4 000 km² de forêt, qu’il y a eu le premier gros phénomène de "Ruée vers la morille" dans le nord québécois. Il existe, en effet, une fructification importante des morilles survenant tout juste après un feu de forêt. Toutefois, la cause de ces épisodes demeure en grande partie inexpliquée. Ces morilles, appelées de façon générale « morilles de feu », peuvent apparaître par milliers, voire par millions suite à un incendie.

1 Un clade est un groupe monophylétique d’organismes qui regroupe un ancêtre et l’ensemble de ses descendants.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 7

Dans un contexte d’engouement général où le nombre de promoteurs est grandissant pour les PFNL, le besoin d’acquisition de connaissances dans ce domaine est d’actualité. En partenariat avec les villes de Chapais et de Chibougamau, FaunENord effectue des inventaires de PFNL à fort potentiel de mise en valeur et ce, à proximité des zones urbanisées (50 km de rayon autour de Chapais et de Chibougamau). Ainsi, bien que l’inventaire pour la morille noire (Elata clade) ait été réalisée, il demeure difficile de déterminer avec précision la probabilité élevée d’occurrence basée seulement sur l’analyse cartographique des variables éco-forestières. Contrairement à plusieurs espèces telles que le matsutaké (Tricholoma magnivelare ), la morille ne suit pas toujours les mêmes variables et il semble évident que des facteurs autres entre en considération. De plus, nombreux sont les mythes ou les croyances entourant la croissance de la morille noire dans le monde des mycologues amateurs. Certains croient que la serpentine, une famille de minéraux contenant plus de 20 membres ou polymorphes et retrouvée dans des roches métamorphiques riches en hydrures de fer, aluminium, manganèse, nickel, zinc, calcium et/ou de magnésium, joue un rôle dans la présence des morilles. Cette hypothèse semble logique puisqu’en Europe, les facteurs édaphiques sont utilisés pour la détermination des zones productives alors que la composition du peuplement forestier n’est pas utilisée pour cibler les champignons sauvages.

À la lumière de ces affirmations et observations, l’objectif du projet était d’étudier les variables géomorphologiques et géochimiques pouvant potentiellement expliquer les conditions de croissance particulières de la morille et mettre en évidence des corrélations entre la distribution de l’espèce inventoriée par les cartes écoforestières et les couches cartographiques géomorphologiques. Suite à la sélection de sites par analyse cartographique, l’équipe de FaunENord a réalisé une validation terrain de la présence ou de l’absence de morille selon les sites sélectionnés. En collaboration avec le Centre d’Étude Appliquée du Quaternaire (CÉAQ), l’équipe a par la suite procédé à la caractérisation des dépôts de surface et le CÉAQ a effectué une série d’analyses géochimiques.

LES ÉTAPES DU PROJET 1. Produire une revue de littérature listant le portrait des connaissances actuelles de Morchella spp. ; 2. Cibler, à partir des inventaires déjà réalisés, les sites naturels et perturbés où l’on retrouve la morille noire (Elata clade) et les sites où l’on ne la retrouve pas malgré les même variables physiques et biologiques; 3. Faire l’inspection des sites sur lesquels sera fait la caractérisation des dépôts de surface et le prélèvement d’échantillons des horizons A, B et C (CÉAQ); 4. Fournir le rapport intérimaire présentant les résultats de recherche; 5. Effectuer les analyses géochimiques, produire un rapport et rapporter les données édaphiques et géomorphologiques en tableaux et graphiques (CÉAQ); 6. Produire une carte actualisée des sites à morilles identifiés en superposant les données édaphiques et géomorphologiques afin de confirmer ou d’infirmer une corrélation; 7. Vérifier la corrélation établie avec la validation terrain; 8. Cibler les sites à morille potentiels à l’échelle régionale par projection cartographique; 9. Fournir le rapport final présentant les résultats de recherche.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 8

REVUE DE LITTÉRATURE SUR LA MORILLE (MORCHELLACEAE , MORCHELLA SP .)

GÉNÉRALITÉS La morille (Morchella spp .) est un champignon (« fungi ») faisant partie de l’embranchement des Ascomycètes. Elle se retrouve dans l’ordre des et dans la famille des Morchellaceae . Celle-ci regroupe trois genres dont celui des « vraies morilles », le genre Morchella (Figure 1 et 2).

O’Donnell et al . (2011) ont étudié plus de 590 spécimens de Morchella provenant de partout dans le monde. L’analyse de leurs résultats révèle qu’il existe 41 espèces phylogénétiques dont 19 sont strictement endémiques de l’Amérique du Nord. De plus, aucune des espèces retrouvées en Asie et en Europe se retrouvent naturellement en Amérique du Nord, et vice-versa. Certaines espèces ont d’ailleurs été introduites en Eurasie mais des analyses génétiques ont révèlé qu’elles proviennent de l’Amérique du Nord (Kuo et al ., 2012). En Figure 1. Morchella elata (Natural black morel) (Pilz et al ., réalité, l’endémisme est tellement fort chez la morille que 2007) les noms déjà utilisés en Asie et en Europe, tels que M. esculenta , M. semilibera, M. elata et M. conica , souvent Fungi retrouvés dans les guides et les livres de mycologie, ne peuvent s’appliquer pour la nomenclature des morilles Pezizomycotina retrouvées sur notre continent (O’Donnell et al ., 2011). Ainsi, les auteurs peuvent tout de moins affirmer qu’en Amérique du Nord, il en existe deux clades : soit la Pezizales (Ordre) morille noire (Elata clade), celle qui est présente dans le Morchellaceae (Famille) Nord-du-Québec, et la morille blonde (Esculenta clade), sp. (Genre) moins commune sous nos latitudes (Kuo et al ., 2012). Ces sp . (Genre) deux clades regroupent un ensemble d’espèces retrouvées dans une multitude d’habitats diversifiés (site de feux de Morchella sp . (Genre) forêt, forêt vierge, milieu perturbé, etc.) où, jusqu’à ce Clade Elata jour, l’identification reste difficilement réalisable Clade Esculenta (O’Donnell et al ., 2011; Kuo et al ., 2012). Récemment, 12 Figure 2. Phylogramme des espèces endémiques de l’Amérique du Nord provenant du Morchella clade Elata ont été génétiquement identifiées (Tableau 1).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 9

Tableau 1 . Liste des différentes espèces de Morchella (Elata clade) retrouvées dans l’est ou dans l’ouest en Amérique du Nord qui sont, jusqu’à ce jour, génétiquement identifiées (Kuo et al ., 2012).

est de l’Amérique du Nord ouest de l’Amérique du Nord - Morchella Angusticep - Morchella brunnea - Morchella punctipes - Morchella Septentrionalis - Morchella capitata - - Morchella frustata - Morchella septimelata - Morchella importuna - Morchella sextelata - Morchella populiphila -

BIOLOGIE DES MORCHELLA Bien que largement étudié, le cycle de vie de Morchella spp . est encore très peu compris puisque ce champignon a la capacité d’habiter un large éventail de milieux, passant de la forêt brûlée ou grandement perturbée, à la forêt intacte. De plus, on ignore toujours les mécanismes complets contrôlant la fructification des morilles, ce qui rend ardue la détection des sites à forts potentiels ainsi que les possibles cultures de morille en conditions contrôlées.

Ces champignons sont largement reconnus pour leur fructification abondante lors de la mort massive d’arbres faisant suite, par exemple, au passage d’un feu de forêt, à une maladie s’attaquant aux arbres (maladie hollandaise de l’Orme) ou à une invasion d’insectes (dendroctone du pin) (Pilz et al ., 2007) (Pilz et al ., 2004). Est-ce donc un moyen pour le mycélium de contrer ces situations de stress? Ou bien est-ce une façon de tirer un maximum de profit quant aux ressources maintenant devenues disponibles (présence accrue de matière organique morte au sol)? Plusieurs questions sont actuellement sans réponse. Les différentes stratégies nutritionnelles de la morille peuvent expliquer une partie de ce phénomène relatif à ces changements brusques dans son environnement (Pilz et al ., 2007). Toutefois, une connaissance approfondie du type d’habitat préférentiel ainsi qu’une meilleure compréhension du cycle de vie des morilles est grandement nécessaire.

Le cycle de vie de Morchella La partie visible, communément appelé champignon, se trouve à être l’organe de reproduction final du mycélium, le sporocarpe. C’est ce qui permet à l’espèce de se reproduire et de se disperser dans l’environnement en relâchant des spores. Le sporocarpe origine d’une structure composée de plusieurs cellules inter-reliées entre elles, appelées hyphes, qui sont présentes dans le sol. À noter que les hyphes de morilles peuvent produire une variété de structures telles que des mycorhizes, des sporocarpes et des pseudosclérotes. Ces structures seront abordées dans les prochains paragraphes. La formation d’un vaste réseau d’hyphes souterrain forme le mycélium. En réalité, chez la plupart des espèces de champignon, ce mycélium correspond à une seule colonie génétiquement distincte des autres mycéliums. Pour les morilles, la situation est différente. Un mycélium ne peut pas être considéré comme génétiquement distinct puisque les

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 10 réseaux d’hyphes (mycélium) ont tendance à s’anastomoser 2 et mélanger leur matériel génétique entre eux (Pilz et al ., 2007).

Mycélium conjonctif et rhizomorphe

Développement du sporocarpe Spores relâchées de l’asci

Ectomycorhizes sur Ascospores haploïdes des arbres vivants

Hyphes haploïdes multicaryotiques

Pseudosclérote Organismes saprobes sur la pointe morte des racines des Mycéliums haploïdes multicaryotiques arbres

Mycorhizes de mycélium Anastomose sur une racine secondaire Mycélium

Caractéristiques hétérocaryotique microscopiques Nécromasse du sol de après un feu Constantinella cristata

Figure 3. Cycle de vie de la vraie morille. Tiré et adapté de Pilz et al . (2007)

Le cycle de vie sexué de la morille commence lorsque le champignon (sporocarpe) libère les spores sexuées dans l’environnement (Figure 3). Une spore sexuée (appelé ascospore chez la

2 Faire une connexion entre 2 vaisseaux permettant la circulation entre deux organes, structures ou espaces.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 11 morille) est haploïde 3 et multicaryote 4, c'est-à-dire qu’un seul exemplaire des chromosomes provenant de plusieurs noyaux (appelé ici un noyau haploïde) est présent dans la spore (chez la morille, il y a entre 15 à 30 noyaux haploïdes par spore mature). Lorsqu’elle est relâchée dans l’environnement, la spore va germer et va former des hyphes haploïdes qui vont croître et former un mycélium haploïde. Toutefois, ce mycélium doit se fusionner avec un autre mycélium haploïde afin de devenir un individu composé de deux exemplaires de chromosomes. C’est à ce moment là que l’anastomose des hyphes doit avoir lieu afin de compléter la reproduction. Le mycélium final ainsi obtenu comprend deux noyaux et plus, provenant chacun d’une origine génétique différente. Il est alors appelé hétérocaryotique et considéré comme une colonie génétiquement diversifiée. À l'inverse, la plupart des champignons classifiés dans l’embranchement des Basidiomycètes (tels que les chanterelles, le matsutaké ou le bolet) forment réellement des colonies appartenant à un seul individu. Ce phénomène rend donc très difficile l’identification moléculaire de chacune des espèces de morilles puisque le matériel génétique ne provient non pas d’un seul individu, mais de plusieurs à la fois.

Ces mycéliums vont croître dans le sol et se nourrir soit d’organismes morts ou bien former des mycorhizes avec certaines espèces de végétaux (voir section stratégies nutritionnelles). Les hyphes de mycélium peuvent aussi se différencier en pseudosclérote ou en organe pour la reproduction asexuée (conidiophore).

En ce qui a trait à la reproduction asexuée, les morilles peuvent aussi produire des conidies 5 afin d’assurer une reproduction de type clone. Pour que ce type de reproduction ait lieu, le mycélium doit bourgeonner et former une structure appelée conidiophore (portant le nom de Constantinella cristata chez la morille). Celui-ci relâchera par la suite des conidies dans l’environnement. Cependant, ce mode de reproduction a été beaucoup moins étudié puisqu’il n’engendre habituellement pas ou rarement de stade sporocarpe (pas de champignon) (Pilz et al ., 2007).

Le pseudosclérote de Morchella La morille peut produire une structure s’apparentant à un sclérote 6 dont l’appellation plus exacte est celle du pseudosclérote (dans le cas de la morille, le sclérote n’a pas de structure différencié, ce n’est qu’un nodule composé d’hyphes tissés serrés). Généralement, ce stade est couramment observé en conditions de culture pure où il précèdera celui de la fructification (Figure 4) (Pilz et al ., 2007). Le pseudosclérote de la morille est reconnue comme étant un organe de stockage des éléments nutritifs (Pilz et al ., 2007). Dans le cas d’une culture pure,

Masaphy (2010) a démontré que le stade de Figure 4. Pseudosclérote de morille pseudosclérote a mené à la production d’un mycélium (Pilz et al ., 2007)

3 Contient un seul exemplaire de chromosome 4 Contient plusieurs noyaux 5Spores qui assurent la reproduction asexuée 6Sert à la conservation hivernale de certain champignon. Il comprend une couche externe (cortex) et un pseudoparenchyme de réserves nutritives à l’intérieur.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 12 végétatif qui a ensuite produit en surface une mince et dense couche blanche de conidies asexuées. Cette couche s’est ensuite résorbée et a laissé place à l’apparition de petits boutons qui se sont transformés en primordium (jeune pousse de sporocarpe). Il s’en est suivit du développement du sporocarpe jusqu’à maturité. D’autre part, le stade de pseudosclérote est aussi fréquemment observé en forêt à la fin de la période de croissance du mycélium (Keefer, 2005). Miller et al . (1994) ont déjà observé que l’année suivant un incendie de forêt, les morilles sous forme de pseudosclérotes étaient beaucoup plus nombreuses dans les sections brûlées alors que dans les zones de forêt adjacentes, les morilles étaient plutôt sous la forme de fructifications. Deux ans plus tard, le nombre de pseudosclérotes de morilles dans ces mêmes zones de brûlis avaient grandement diminué. Ainsi, à la lumière de ces résultats, les auteurs s’entendent pour dire que la fructification des morilles passe immanquablement par le stade de pseudosclérote.

Par ailleurs, bien que l’ensemble des espèces de morilles semblent avoir un cycle de vie plutôt similaire (voir figure 3), le carbone (C) et l’azote (N) jouent un rôle très important dans la formation du pseudosclérote. La taille, la couleur, la localisation sur le mycélium et le nombre de pseudosclérotes varient selon la teneur de ces éléments. Kanwal & Reddy (2012) ont testé l’effet de différentes sources de C et N et ils en ont conclu que les morilles blondes (Esculenta clade) et les morilles noires (Elata clade) présentent différentes préférences. Ceci expliquerait pourquoi certaines espèces sont associées à certains types d’habitat.

Stratégies nutritionnelles Les morilles ont longtemps été reconnues comme des organismes saprophytes, c'est-à-dire qu’ils décomposent les organismes morts. Toutefois, certaines études ont soulevé plusieurs évidences quant à l’aptitude de ces champignons à produire des mycorhizes (Hobbie et al ., 2001 ; Dahlstrom et al ., 2000). Cette association symbiotique entre un champignon et une plante permet aux deux hôtes d’en retirer les bénéfices. Le champignon, inapte à faire de la photosynthèse, récolte l’eau et les minéraux dans le sol à travers son réseau racinaire très fin et les achemine à la plante. En retour, cette dernière fournit des hydrates de carbone (nourriture) au champignon. Cependant, il semble que cette association soit une stratégie nutritionnelle facultative pour les morilles qui sont d’abord et avant tout, des organismes saprophytes (Pilz et al ., 2007).

D’autre part, l’association symbiotique entre un champignon et une plante se fait normalement au niveau des racines terminales de la plante. Toutefois, certains mycorhizes de morilles, dans de rares cas, sont aptes à former des associations distinctives avec des sections conductrices de la racine (par exemple, une connexion avec le phloème) (Pilz et al ., 2007). Ce phénomène s’observe surtout lorsqu’il y a présence de sporocarpe. Ce lien direct entre le champignon en stade de fructification et le système conducteur de la plante permet un échange rapide des nutriments pour un court temps. Lorsque le sporocarpe a terminé sa maturation, la connexion entre les deux entités disparaît. Dans ce cas-ci, la plante retire très peu de bénéfices de cette association de courte durée, ce qui apparaît être plutôt de l’ordre du parasitisme (seul un des deux individus en retire des bienfaits).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 13

Ces particularités aux niveaux des stratégies nutritionnelles permettent de constater que les morilles usent de plusieurs moyens afin de croître efficacement selon le milieu où elles se trouvent.

La fructification Le stade de fructification des morilles semble souvent correspondre à l’effort ultime pour se reproduire lorsque la qualité de l’environnement est fortement diminuée dans le milieu immédiat. Néanmoins, les mécanismes responsables de la fructification de la morille sont peu connus. Par contre, plusieurs facteurs souvent observés y ont été associés. Pilz et al . (2007) les regroupent comme suit : 1) les facteurs qui facilitent la fructification (perte en nutriments disponibles, changements de pH et de propriétés chimiques du sol (dans les premiers centimètres et/ou premiers horizons), diminution de la compétition des autres micro-organismes présents dans l’environnement ou bien une abondance soudaine de nutriments dans le sol), 2) les facteurs qui déclenchent la fructification (changements dans la température du sol et dans les niveaux d’humidité) et 3) les facteurs qui soutiennent la fructification (conditions persistantes permettant la reproduction et la croissance continue avec un climat tempéré, une hauteur de précipitation adéquate et un bon niveau d’humidité).

Facteurs qui facilitent la fructification Plusieurs auteurs ont déjà observé la fructification massive de morilles lorsqu’il y a mort d’arbres dans un environnement donné (Greene et al ., 2010 ; Winder & Keefer, 2008 ; Pilz et al ., 2004). Ainsi, le champignon lié par les mycorhizes retire d’abondantes sources de nutriments lorsque l’hôte est vivant mais lorsque l’arbre meure (suite à un feu ou à une infestation d’insectes), la fructification en masse pourrait être une question de survie afin d’échapper à un futur environnement appauvri. Le champignon peut alors se nourrir par la décomposition de l’organisme mort (saprophyte). Les changements dans le pH du sol et les modifications géochimiques des premières couches de sol suivant les feux de forêt ou autres perturbations seraient aussi à l’origine d’une fructification importante des morilles. La majeure partie des études ont observé que la plus haute saison de fructification des morilles se déroule l’année suivant l’incendie (Greene et al ., 2010 ; Winder & Keefer, 2008 ; Pilz et al ., 2004). La morille est encore présente les années suivantes mais la quantité observée est beaucoup moindre.

Winder et al . (2006) ont constaté que le meilleur pH pour la croissance du mycélium en culture varie selon les concentrations relatives en calcium et autres ions inorganiques fréquemment retrouvés dans les cendres de feux de forêt, mais un pH neutre est souvent idéal. Une autre étude menée en Inde sur les propriétés du microsite où se trouvaient des morilles en fructification révèle qu’à cet endroit le sol est typiquement composé de loam sablonneux avec de l’humus, une bonne aération et un pH entre 6,5 à 7,0 (Singh et al ., 2004). En périphérie, le sol avait de hauts taux de carbone, azote, calcium, nitrates et sodium et de bas niveau de phosphate, chlorure et potassium (Singh et al ., 2004).

Effet des feux de forêt, autres perturbations sur les propriétés du sol Il est évident que les feux de forêt modifient grandement les propriétés physiques, chimiques et microbiologiques du sol. Toutefois, l’intensité du feu (modéré à élevé), la durée, le type,

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 14 l’humidité du sol ainsi que l’épaisseur de ses différentes couches sont tous des facteurs qui varient lors du passage d’un feu. Dépendamment de l’intensité, la biomasse microbienne dans la couche d’humus peut être grandement réduite. De plus, les bactéries sont souvent plus tolérantes que les champignons (Dooley & Treseder, 2012). Par contre, la nécrobiomasse produite par les organismes morts (annélides, mollusques, arthropodes, champignons, etc.) dans les feux de forêts modérés apporte une large contribution en substances maintenant décomposables. Celles-ci sont dès lors disponibles dans le sol pour la croissance des champignons.

En général, selon une revue de littérature effectuée sur l’effet des feux de forêt sur la biomasse microbienne, la masse de champignons (mycélium) dans le sol est grandement réduite après le passage d’un feu, notamment dans les forêts boréales (Dooley & Treseder, 2012). Toutefois, ces résultats sont évalués selon l’ensemble des espèces de champignons alors qu’il est connu que certaines espèces de champignon ont une forte affinité pour les sites de feux de forêt. C’est le cas notamment de l’étude de Greene et al . (2010) qui ont observé une augmentation importante de la densité de sporocarpes de morilles et la pézize des brûlis ( Geopyxis carbonaria ) un an après un feu de forêt, dans la zone brûlée. Dans les zones de forêt adjacentes au feu, c'est-à-dire les zones non brûlées, il y avait beaucoup moins de sporocarpes. Dans les zones brûlées, la majorité des morilles ont été observées à une distance moyenne de 0,76 m de l’arbre mort (mais encore debout) le plus près. Les auteurs croient que cette observation est corrélée avec l’intensité de la combustion qui fait variée l’épaisseur de la couche d’humus selon la proximité de l’arbre (Greene et al ., 2007). Suite à un feu, la couche d’humus est beaucoup plus mince plus près de l’arbre et ce phénomène est observé principalement dans la forêt boréale de l’Amérique du Nord. L’intensité du feu, plus fort près des arbres morts, la couche d’humus y est davantage consommée. Par ailleurs, aucune morille n’a été observée lorsque la couche d’humus présente sur le sol excédait 5 cm (Greene et al ., 2010). La majorité des morilles en fructification étaient alors retrouvées sur un sol dépourvu d’humus et près d’un arbre mort. Alors que l’absence d’humus provoque le réchauffement du sol, les dommages sérieux engendrés aux arbres provoquent une diminution importante des sources d’éléments nutritifs disponibles pour les mycéliums. Greene et al . (2010) concluent ainsi que, pour obtenir une croissance importante de sporocarpes de morilles en un endroit donné, ces deux facteurs doivent être combinés. Ainsi, les forêts perturbées par les infestations d’insectes (arbres morts sans sol perturbé) devraient être plus productives que les forêts laissées intactes mais moins productives que les forêts brûlées. Cette affirmation corrèle avec les résultats de Pilz et al . (2004) qui ont étudié la productivité de sites de morilles selon trois conditions différentes : forêts sans perturbation, forêts perturbées par une infestation d’insectes et forêts perturbées par des feux de forêt modérés. Les forêts perturbées par les feux sont beaucoup plus productives que les forêts ravagées par des infestations d’insectes : les forêts sans perturbation ont obtenu la moins grande productivité de morille (Pilz et al ., 2004).

Facteurs qui déclenchent la fructification La température et le pourcentage d’humidité du sol sont reconnus comme étant deux facteurs importants pour le déclenchement de l’apparition des sporocarpes de morilles (Pilz et al ., 2007). Mihail et al . (2007) ont observé que la température minimale du sol est relativement constante lors de la saison de fructification, se situant entre 9,7 à 10,7°C, alors que la température minimale

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 15 ou maximale de l’air est plutôt variable. Les auteurs ont également constaté que le nombre total de sporocarpes est étroitement lié à la quantité de précipitations reçue 30 jours avant la fructification. Lorsque les précipitations sont abondantes (> 10 mm) et ce, plusieurs jours consécutifs, le nombre de sporocarpes est aussi plus abondant. Ainsi, la température influence le moment de la fructification tandis que la quantité de précipitation influence l’abondance des sporocarpes. Lorsque ces deux facteurs sont optimaux et coïncidents dans le temps, la quantité de morille sera très abondante. Néanmoins, ces deux variables (température du sol et précipitation pré-fructification) évoluent de façon indépendante, c'est-à-dire que si le moment de la fructification est opportun (la bonne température du sol est atteinte) mais que l’abondance des précipitations n’a pas été pas optimale, les mycéliums vont quand même fructifier mais les sporocarpes seront beaucoup moins nombreux cette année là. Toutefois, il est à noter que cette étude a été effectuée dans une forêt non-perturbée située au Missouri (USA), sur la morille blonde (Esculenta clade). Les valeurs optimales de température et de précipitations peuvent donc varier dépendamment de l’espèce étudiée et de la latitude.

Facteurs qui soutiennent la fructification En période de fructification, la durée de la saison et la productivité sont étroitement reliés à la l’abondance des pluies et la température du sol. En effet, lors de la saison de fructification, la pluie hydrate le mycélium, lequel nourrit le sporocarpe. Cette pluie maintient également un haut taux d’humidité au niveau de la surface du sol, ce qui semble empêcher le champignon de dessécher (Pilz et al . 2007). Si la température est optimale, l’abondance des morilles sera aussi plus importante.

CONCLUSION GÉNÉRALE SUR LES DIFFÉRENTS ASPECTS RELEVÉS DE LA LITTÉRATURE À la lumière de ces observations, plusieurs facteurs semblent jouer un rôle important au niveau de la croissance et de la fructification des morilles : la température du sol, l’humidité du sol, la présence de perturbations naturelles ou anthropiques, la teneur en certains éléments chimiques dans le sol et l’épaisseur de l’humus. Certains concluent même que l’intensité des feux de forêt a également un effet sur la productivité des morilles. Mais qu’en est-il de l’effet des facteurs édaphiques et géomorphologiques sur la croissance de la morille? Très peu d’études traitent de ces sujets susceptibles d’influencer la présence et la fructification de ce champignon malgré le fait que tout son cycle de vie, à l’exception du sporocarpe, se déroule dans le sol…

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 16

PORTRAIT GLOBAL DE LA RÉGION À L ’ÉTUDE L’écozone du Bouclier Boréal s’étend de la Saskatchewan jusqu’à Terre-Neuve où la région de Chapais-Chibougamau en fait partie intégrante (Figure 5). Le gneiss, caractérisé par une roche très feuilletée, compose la base de la plus grande partie de cette écozone. Au dernier âge glaciaire, il y a 10 000 ans, la glace a modelé le paysage en creusant de profondes rainures dans le substrat rocheux et a transporté sur des kilomètres d'énormes blocs de pierre. Lors de la fonte des glaces, beaucoup de gravier, de sable et autres dépôts glaciaires ont été laissés sur place. La formation de dépressions mal drainées et la présence de failles naturelles dans le substrat forment actuellement les millions de lacs, mares et terres humides propres à ces régions (Environnement Canada, 2013).

Figure 5. Carte des écozones terrestres du canada (Environnement Canada, 2013)

LA GÉOLOGIE ET LA GÉOMORPHOLOGIE DE LA RÉGION Le socle rocheux dans la région entourant Chibougamau-Chapais est typique de la Province géologique du Supérieur. Possédant des caractéristiques très favorables à l’exploration minière, il s’y trouve beaucoup de gisements de cuivre, d’or, de zinc, d’argent ou de nickel. Cette ceinture constitue également la proportion de l’extrémité est du sillon de roches vertes archéennes de Matagami – Chibougamau et le socle rocheux est composé principalement de roches volcaniques et sédimentaires (Picard & Piboule, 1985).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 17

Le paysage de la région du Nord du Québec a été façonné par les glaciations du Quaternaire. Celles-ci ont érodé et remanié le recouvrement des dépôts superficiels antérieurs, ce qui a laissé un relief plutôt vallonné et composé de nombreux eskers 7. La carte de la géologie des formations superficielles de Chibougamau (Qc) permet d’identifier l’origine glaciaire des sites sélectionnés dans le cadre de la présente étude (Paradis, 2010) (Figure 9).

LE SOL En milieu boréal, le sol est définit comme un matériel meuble superficiel provenant de la décomposition du socle rocheux sous l’action physique et chimique du climat, de la glace, des eaux de surface, du vent, du feu, de l’activité biologique et humaine. Le tout est créé dans un espace-temps donné. L’épaisseur du sol peut varier de quelques centimètres à quelques mètres et, normalement, il est stratifié de façon horizontale. Ces couches sont appelées « horizons » et l’ensemble d’entre-elles caractérise le « profil pédologique ». En général, les sols regroupent plusieurs couches minérales (A, B et C) et organiques (O, L, H et F) qui sont classées selon leurs différentes particularités chimiques et physiques (Agriculture et Agro- alimentaire Canada, 1998). Il y a donc les Figure 6. Pédon démontrant les différents horizons (ex. A) et les sous-horizons (ex. AO, horizons présents dans un sol AL, AF et AH). Dépendamment du type de sol, podzologique (Bernier & Milord, 2004) on y retrouvera un ou plusieurs horizons et/ou sous-horizons ; certaines couches peuvent parfois être absentes. Il existe également d’autres suffixes minuscules caractérisant davantage les horizons (Groupe de travail sur la classification des sols, 2002).

Le sol de la région de Chapais-Chibougamau se distingue par un type de sol podzolique et plus précisément, par un podzol humo-ferrique 8. Les podzols sont marqués par la présence des horizons Ao, Ae, B et C. L’horizon B est caractéristique d’une accumulation de matière organique, souvent chargé en aluminium et fer, donnant l’aspect rougeâtre de cette couche (Figure 6). Les sols podzoliques sont très communs dans les régions nordiques où ils se développent dans les lieux sablonneux, bien drainés et sous une végétation forestière ou arbustive. La podzolisation du sol est le résultat du drainage des acides organiques solubles par les eaux de percolation et ce, à travers les différents horizons. Ce processus, associé à un climat humide, à l’absence de minéraux à surface absorbante (telle que l’argile) et/ou une faible activité

7 Un esker est un dépôt allongé d’origine fluvio-glaciaire qui s’est formé par des cours d'eau confinés à l'intérieur ou sur le glacier. 8 Contient moins de 5% de carbone organique associé à des complexes d’aluminium et de fer.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 18 biologique, à la nature de la surface du sol ainsi qu’à une faible activité biologique, fait que ces sols sont généralement acides. Les principaux horizons des podzols sont définis dans le tableau 2.

Tableau 2. Caractéristiques des différents horizons présents dans le sol de type « podzol » (Agriculture et Agro-alimentaire Canada, 1998) Horizons Caractéristiques Épaisseur Ao Couche d’humus provenant de la matière organique en décomposition Variable (feuilles, branches, plantes) qui s’accumulent à la surface Ae Horizon lessivé mince, de teinte grise, résultat des acides organiques < 10 cm contenus dans l’eau de percolation provenant de la décomposition de débris forestiers qui attaque les minéraux dans la couche minéralogique sous-jacente. B Horizon oxydé de teinte brune à rougeâtre dont la couleur provient du < 30 cm fer et de l’aluminium libérés de la couche au-dessus C Correspond au matériel meuble des formations superficielles Indéterminé (substratum) ou le socle altéré ou désintégré à partir duquel s’opère le processus de différenciation podzolique.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 19

MÉTHODOLOGIE

REVUE DE LITTÉRATURE D’abord, une revue de littérature sur l’ensemble des travaux de recherche effectués sur la biologie et l’écologie de Morchella sp . a été effectuée afin de dresser un portrait général des connaissances actuelles. La majeure partie des travaux les plus récents portent notamment sur les différentes espèces, la biologie du champignon, le cycle de vie et son habitat. Certains auteurs traitent également des facteurs engendrant une croissance optimale pour des fins de culture.

SÉLECTION DES SITES Pour la réalisation des travaux terrains, un total de 33 sites a été sélectionné à partir d’inventaires réalisés par l’équipe de FaunENord en 2005-2007 et en 2010-2011 (Tableau 2). Essentiellement, en fonction de l’habitat préférentiel de la morille, une analyse cartographique de la région a été réalisée afin de déterminer les sites potentiellement productifs. La méthode utilisée pour la sélection était la même que celle utilisée pour les inventaires et la récolte des morilles (FaunENord, 2011 ; FaunENord, 2012). Il est à noter que les sites sélectionnés doivent être accessibles par la présence de chemins forestiers et être à proximité des centres urbains (Chibougamau – Chapais). La sélection des sites se fait avec le logiciel ArcGIS 10 qui permet de juxtaposer, sur une carte du territoire, les données d’une couche indiquant le type de dépôt glaciaire et le type écologique. Le type écologique est une unité de classification à quatre caractères, prenant en compte la végétation actuelle et potentielle ainsi que les caractéristiques physiques du milieu : les dépôts de surfaces, le drainage et la texture du sol. Selon la sélection voulue, les sites propices à la présence de morille peuvent ainsi être localisés géographiquement. À partir de cette analyse, une validation terrain a été réalisée afin de déterminer la présence ou l’absence de morille. Ces sites ont alors été qualifiés de « sites productifs » et de « sites non- productifs ». La sélection finale a été réalisée en retenant des sites pour lesquels les facteurs géologiques et biologiques étaient comparables. Les lieux ont également été réévalués quant à la présence ou l’absence de morilles l’année suivant l’échantillonnage afin de valider si le site était toujours productif ou improductif.

La plupart des sites ont connu une ou plusieurs perturbations qui sont soit d’origine anthropique ou naturelle. En tout, trois types de site ont été dénotés ainsi : 1) ravagé par un feu de forêt récent (moins de dix ans), 2) affecté par des perturbations d’origine anthropique (bords de chemins forestiers, présence d’une gravière, déboisement, scarification, surface décapée) et 3) sans perturbation humaine. Les sites perturbés sélectionnés ont été regroupés ainsi :

‹ 25 sites productifs (présence confirmée de morilles) ‹ 8 sites non productifs (absence de morilles)

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 20

CARACTÉRISATION DES SITES À L ’ÉTUDE Dans le cadre de la présente étude, l'ensemble de ces sites a fait l'objet de relevés sur le terrain par l'équipe de FaunENord, en collaboration avec le CÉAQ entre décembre 2011 et mai 2012. En tout, trois semaines ont été consacrées à la caractérisation de ces lieux. À chaque site, les coordonnées géographiques (NAD 83) étaient saisies ; un pédon (ou une tranchée) était excavée afin d’exposer la stratigraphie du recouvrement jusqu’à la profondeur de l’horizon C du profil pédologique (0,30 m à 1,2 m); le profil géologique exposé était caractérisé et photographié; un échantillonnage des horizons Ao (humus), Ae, B et C était également effectué selon les couches présentes; le pédon ou la tranchée était remblayé par la suite et la A géomorphologie générale du site était notée et photographiée (Figure 7).

Suite à la prise d’échantillons de sol sur l'ensemble des 33 sites (Tableau 3), le mandat de caractérisation du CÉAQ était divisé en 4 phases :

1. Compilation de données historiques (cartes du Quaternaire de la région de B Chibougamau et rapports géologiques; données géochimiques publiques); 2. Travaux de terrain (excavation manuelle; Figure 7. Photographies prélevées lors des périodes d’échantillonnage des caractérisation et échantillonnage); sites A) 22 et B) 9. Région de 3. Travaux en laboratoire (analyses Chibougamau – Chapais, étude granulométriques et géochimiques); sur les facteurs édaphiques et 4. Compilation, intégration et analyse des géomorphologiques influençant données de laboratoire; la croissance de la morille, 5. Rédaction d’un rapport d’analyse. (2011-2012)

En date du 10 décembre 2011, 26 sites de morille avaient été caractérisés et échantillonnés. Deux autres sites ont été caractérisés en janvier (pour un total de 28). Cependant, à cette période, les conditions météorologiques n’étant plus appropriées pour la réalisation des travaux, l’échantillonnage des sites restants a été repoussé à la fonte des neiges (29 mai 2012).

Les échantillons de sol ont été récoltés ainsi : environ un huitième (1/8) à un quart (1/4) de litre d’humus (horizon A); un quart (1/4) de litre à un demi (1/2) litre de matériel meuble provenant de l’horizon B (si présent); environ quatre (4) litres de matériel meuble provenant de l’horizon C.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 21

Tableau 3. Caractéristiques et coordonnées géographiques de chaque site sélectionné, région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012

Numéro Coordonnées GPS (NAD 83) Productivité Détails (État du site) Luminosité de site Latitude Longitude 1 P 49,288611 -73,881417 Déboisé; Brûlé; Surface scarifiée Excellente 2 P 49,274056 -73,886833 Déboisé; Brulé; Surface scarifiée Excellente 3 P 49,914314 -74,402081 Déboisé; Surface décapée Excellente 4 P 49,841499 -74,726046 Déboisé; Surface décapée; Gravière Excellente 5 N-P 49,883460 -74,367820 Déboisé; Brûlé; Bordure route Excellente 6 P 49,935458 -74,174817 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Bonne 7 P 49,922290 -74,129430 Déboisé; Surface décapée; Gravière Excellente 8 P 49,921353 -74,129287 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Excellente 9 N-P 49,957470 -74,266190 Déboisé; Surface décapée; Gravière Excellente 10 N-P 49,958900 -74,264910 Déboisé; Bordure route; Remblayage en surface Bonne 11 P 49,960129 -74,261696 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Excellente 12 P 49,954083 -74,279130 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Bonne 13 N-P 49,949802 -74,327877 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Excellente 14 N-P 49,997390 -74,680560 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Bonne 15 P 50,003252 -74,669183 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Excellente 16 N-P 50,013130 -74,660074 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Excellente 17 N-P 50,025280 -74,647210 Déboisé; Brûlé; Surface scarifiée Excellente 18 P 50,556930 -74,591560 Déboisé; Brûlé; Surface décapée; Bordure de route Excellente 19 P 50,555570 -74,598080 Brûlé Bonne 20 P 50,555210 -74,601260 Déboisé; Brûlé; Bordure de route Bonne 21 P 50,549330 -74,614970 Brûlé Moyenne 22 P 49,966740 -74,360910 Bordure de gravière Excellente 23 N-P 49,972620 -74,363000 Déboisé; Surface décapée Excellente 24 P 49,993470 -74,355510 Déboisé; Bordure route Excellente

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 22

25 P 49,964007 -74,423098 Déboisé; Surface décapée; Gravière Excellente 26 P 49,970080 -74,239540 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Excellente 27 P 50,020040 -74,211970 Déboisé; Surface décapée; Bordure de route Excellente

28 P 50,026769 -74,222290 Bordure gravière et route; Remblayage en surface Excellente 29 P 49,954080 -74,279070 Déboisé; Bordure de route Excellente 30 P 50,026930 -74,199647 Bordure de gravière Bonne 31 P 50,026031 -74,209140 Déboisé; Bordure de fossé de route Bonne 32 P 50,549020 -74,616770 Zone de pins gris brûlés Bonne

33 P 50,549830 -74,617520 Déboisé; Bordure de fossé de route; Brûlé Bonne P : Site Productif NP : Site Non-Productif

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 23

PROFIL PÉDOLOGIQUE DES SITES À L ’ÉTUDE Afin de dresser le profil pédologique complet de chaque site, ces échantillons ont ensuite été soumis à des analyses granulométriques, des tests de colorimétrie, des tests d’effervescence avec acide chlorhydrique et le pH et la géochimie des horizons B et C ont été déterminés.

Caractérisation granulométrique et présence de carbonate de calcium (CaCO 3) D’abord, la caractérisation granulométrique a été pratiquée sur les horizons B (comprenant 25 échantillons) et C (comprenant 33 échantillons) du profil pédologique. Chaque échantillon a été tamisé à travers 13 classes granulométriques :

- + 40 mm (gravier grossier et galet) - 28 à 40 mm (gravier) - 20 à 28 mm (gravier) - 14 à 20 mm (gravier) - 10 à 20 mm (gravier fin) - 4 à 10 mm (granule à gravier fin) - 2,36 à 4 mm (granule) - 1 à 2,36 mm (sable grossier) - 500 µm à 1 mm (sable moyen à grossier) - 250 à 500 µm (sable fin) - 63 à 125 µm (sable très fin) - < 63 µm (limon et argile)

Le tamisage s’est effectué selon la méthode de Bernier & Milord (2012). Une partie des échantillons récoltés dans l’horizon C a été testée quant à la présence de carbonate de calcium

(CaCO 3) à l’aide d’une solution diluée à 10% d’acide chlorhydrique (HCl). En réalité, le CaCO 3 est un composé bien présent dans les roches calcaires et dolomitiques, ce qui peut, dans le cas de cette étude, indiquer la provenance glaciaire et la distance de transport du substrat présent dans l’horizon C.

Mesure de pH et géochimie des horizons B et C Des analyses géochimiques ont également été effectuées ainsi que des mesures de pH. Seul les horizons B (n=25) et C (n=33) ont été analysés puisque les deux tiers (n=23) des sites de possédaient pas les horizons Ao et Ae. Les échantillons ont été préparés selon la méthode de Bernier & Milord (2012) et les mesures de pH et les analyses géochimiques ont été réalisées dans un laboratoire de services d’essais géochimiques miniers.

ANALYSES STATISTIQUES Les analyses statistiques utilisées ont été des comparaisons de moyennes à l’aide du t de Student. Préalablement, afin de valider la normalité des données, les graphiques de distribution de fréquence de même que les diagrammes en boîtes ont également été réalisés sur les données. Afin de valider ces observations, le test de Shapiro-Wilk a été effectué sur la distribution des données. Dans le cas où les données se sont avérées suivre une distribution normale, une ANOVA à un ou plusieurs facteurs a été réalisée sur les différents niveaux de données.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 24

RÉSULTATS ET DISCUSSION

ANALYSES STATISTIQUES La sélection cartographique (ayant un taux d’occurrence de morille à 87% (FaunENord, 2012)) et la validation terrain, a permis de cibler les sites productifs pour la morille. Ils ont aussi révélé que certains sites sélectionnés n’étaient pas productifs alors que d’autres sites non sélectionnés étaient productifs, justifiant le présent projet. Or, les visites sur le terrain ont également permis de constater que les sites sont très variables entre eux, notamment au niveau des types de perturbations (anthropique (route, gravière, etc.), naturelle (feu) et sans perturbation). Ce faisant, cette grande variabilité, non distinguable lors de la sélection par cartographie pour l’identification de sites productifs, regroupe les données en sous-groupe et l’hétérogénéité des sites rend donc la comparaison impossible. Bien que des tests statistiques ont tout de moins été effectués, les résultats obtenus ne peuvent pas être jugés comme représentatifs de la population. Par exemple, certains sites ont la présence de l’horizon A tandis que d’autres non; certains sont perturbés par le feu alors que d’autres sont perturbés par la présence d’une gravière; etc. Ce faisant, les données ne respectent pas les critères d’utilisation du test puisqu’à la base, ces valeurs n’ont pas une distribution suivant la loi normale et les variances sont très hétérogènes. L’hétérogénéité des variances s’explique par l’utilisation d’échantillons très variables, ce qui est souvent observé dans les études de sol (MacDonald & Hendershot, 2003). Il est donc important de noter que la significativité des tests statistiques utilisés dans cette étude ne peut être considéré comme valide, puisqu’en réalité, il n’est pas possible de comparer les sites entre eux.

D’autre part et considérant ces faits, les tests de normalité réalisés sur les données ont révélé que seuls les résultats obtenus des éléments suivant sont considérés comme respectant la normalité des données selon le test de Shapiro-Wilk ( p ˃ 0,01) et ont pu être utilisé pour la comparaison de moyenne : Be, Cd, Fe, Ln, Mo, Pb, Sb, V et Zn. Dans les autres cas, les tests de t de Student effectués sont à titre indicatif seulement.

ORIGINE GÉOLOGIQUE Généralités pour l’ensemble des sites à l’étude Selon la localisation des 33 sites sélectionnés, la géologie des formations superficielles et les observations faites sur le terrain, la totalité des sites origine de la dernière glaciation et possède au moins un mètre de profondeur dans lequel s’est développé un profil pédologique de type podzolique (Bernier & Milord, 2012) (Figure 8 et 9). Par ailleurs, les essais granulométriques des horizons B et C des sites démontrent clairement l’origine fluvio-glaciaire (proximale et distale) et l’origine glaciaire (sous-glaciaire ou supra-glaciaire), tel qu’observée lors des visites sur le terrain.

En comparant la localisation à l’aide des données publiques obtenues par l’intermédiaire GéoGratis – portail du secteur des sciences de la Terre (SST) de Ressources Naturelles Canada (RNCan) ( www.rncan.gc.ca ), il est possible de localiser géographiquement presque l’ensemble des sites sur les différents dépôts glaciaires relevé par Paradis (2010). Les sites se situant à

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 25 l’extérieur de la zone où les données étaient disponibles ont été analysés par Bernier & Milord (2012) afin d’y déterminer le type de dépôt glaciaire.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 26

Figure 8. Localisation des sites sélectionnés pour la région de Chapais – Chibougamau, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011 – 2012

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 27

Figure 9. Géologie des formations superficielles avec la localisation des sites sélectionnés pour la région de Chapais – Chibougamau, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011 – 2012 (Tiré de Paradis, 2010)

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 28

Plus précisément, 28 sites sont d’origine fluvio-glaciaire, c'est-à-dire que ces sols se sont formés par l’eau provenant de la fonte des glaciers (Figure 10). De ces mêmes sites, 23 sont fluvio- glaciaires proximaux et présentent une granulométrie mixte répartie sur plusieurs classes de particules (125 µm à 65 mm). L’appellation fluvio-glaciaire proximale signifie qu’ils sont génétiquement ou géographiquement liés à des eskers et que ce dernier a été mis en place sous la glace, en amont du front glaciaire (Figure 10). Cinq (5) autres sites sont d’origines fluvio- glaciaires distales, c'est-à-dire qu’ils sont génétiquement ou géographiquement liés à des deltas ou des plaines d’épandage fluvio-glaciaires qui se sont formés à distance du front glaciaire. Ces sites présentent une granulométrie riche en sable fin à granule (125 µm à 4 mm).

Figure 10 . Schéma représentant les différents dépôts retrouvés suite à la fonte des glaciers (Bourque, 2004)

Cinq (5) sites sont d’origine glaciaire, ce qui signifie qu’ils sont composés de matériel déposé par la glace en mouvement plutôt que par les eaux de fonte (Figure 11). Ils sont caractérisés par un haut contenu en matériel passant 63 µm. De ces sites, quatre ont des dépôts de sédiments de till 9 sous-glaciaire, c’est à dire formés à la base de la calotte glacière. Le cinquième site est composé de till de fusion (supra-glaciaire) formé par le matériel transporté à l’intérieur ou sur le glacier en question où ils ont ensuite été déposés au sol lors de la fonte finale du glacier (Figure 11).

Till de fus ion

Glacier en fusion Till sous-glaciaire

Socle rocheux

Figure 11 . Dépôts d’origine exclusivement glaciaire où se retrouvent le till sous-glaciaire et le till de fusion (till sous/supra-glaciaire).

9 Le till est issu des dépôts glaciaires et distincts des autres formes de sédiments car il n’est pas bien divisé (particules de différentes tailles déposées ensemble) et n’a pas de stratification (pas de couche de sédiments).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 29

Sites productifs vs non-productifs En ce qui a trait aux sites non-productifs, 89% sont situés sur du matériel fluvio-glaciaire alors que 84% des sites productifs sont aussi situés sur ce type de dépôt. Ainsi, le matériel glaciaire n’apparaît pas comme étant un facteur prédéterminant quant à la présence des sites productifs de morille. Cependant, la granulométrie retrouvée dans ces sites correspond à celle de l’habitat préférentielle de la morille, c'est-à-dire un sol sablonneux.

Quant aux sites retrouvés sur des sédiments de type till, il semble que les tills à composition mixte d’origine supra-glaciaire (appelé aussi till de fusion : transporté à l’intérieur ou au dessus des glaciers et déposé lors de la fonte finale) soient moins favorables à la croissance des morilles. Cependant, les données sont à ce stade insuffisantes pour affirmer avec certitude cette observation.

PROFIL PÉDOLOGIQUE – GRANULOMÉTRIE ET PRÉSENCE DE CACO 3 Généralités pour l’ensemble des sites Développement du profil podzolique Selon les observations faites sur le terrain lors de la réalisation des pédons et en lien avec la granulométrie et la porosité des échantillons, le niveau de développement du profil podzolique des sols varie de pauvre à excellent. Les sols sont pauvres sur les tills sous-glaciaires compactes (exemple des sites 1 et 2) alors qu’ils sont excellents sur le sable fluvio-glaciaire (exemple des sites 21, 22 et 32). Les sites ayant connus une perturbation physique d’origine naturelle ou artificielle ont, quant à eux, un profil plutôt influencés par ces perturbations. Souvent, certains horizons sont absents et/ou le développement du profil podzolique est pauvre.

Le tiers des sites, soit onze d’entre eux, ont un profil complet des horizons Ao, Ae, B et C. Lorsque l’horizon Ao (humus) était présent, il mesurait entre 5 à 10 cm. De ces sites, 8 ont un profil podzolique moyen à bien développé où 6 se sont développés sur du matériel granulaire d’origine fluvio-glaciaire.

Vingt-deux (22) sites ont subit une amputation d’un horizon liée à une perturbation naturelle ou anthropique (construction de route, gravière, scarification, etc.). Ils n’ont plus l’horizon Ao, correspondant à l’humus. S’ajoute à cette amputation, pour 17 sites, celle de l’horizon Ae qui correspond au matériel lessivé. Finalement, pour 7 sites, l’horizon B est aussi complètement absent, correspondant à la couche de matériel oxydé.

Type de perturbation L’ensemble des sites a connu un type de perturbations, d’origine anthropique ou naturelle, suivantes : présence de gravière, zone décapée, zone scarifiée, bordure de route et/ou feu de forêt (Tableau 3). Sur l’ensemble des sites, alors que 10 ont été affectés par des feux de forêt, 9 d’entre eux ont néanmoins conservés un profil podzolique complet comprenant l’ensemble des horizons. Quatre (4) des 5 sites d’origine glaciaire composé de till sont des sites affectés par les feux de forêt. Vingt-neuf (29) sites sont affectés par un déboisement en lien avec l’exploitation forestière ou la présence de gravière (déboisement, scarification, construction de route, etc.).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 30

Présence de CaCO 3

Les tests d’effervescence au HCl effectués dans l’horizon C indique la présence de CaCO 3 et permet de déterminer la provenance des dépôts. Sur les 33 échantillons, 6 ont réagit à l’acide et la réaction a été caractérisée de très faible à forte Tableau 4. Paramètres obtenus pour les sites ayant une réaction (tableau 4). La au HCl, région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques granulométrie de ces sites influençant la croissance de la morille, 2011-2012 est aussi variable (sable Force de pH Teneur en grossier massif (9, 4, 30), Nom Productivité réaction au HCl horizon calcium sable, gravier, bloc et galet du site (10%) C (%) (3, 26, 28)) et ils ont tous une origine fluvio-glaciaire 9 NP Moyenne 8,79 3,77 qui se trouve à être 3 P Très faible 8,03 3,05 proximale pour les sites 3, 4 P Faible 8,89 1,25 26, 28 tandis qu’elle est 26 P Moyenne à Forte 8,90 4,64 distale pour le site 9. Les 28 P Faible 7,38 2,19 sites 4 et 30 sont situés à 30 P Forte 8,49 3,79 mi-distance.

La plupart de ces sites ont un pH alcalin (> 7,4) au niveau de l’horizon C tandis que le site 28 a un pH neutre (7,38) (voir prochaine section). Par ailleurs, ils ont tous obtenu des teneurs très élevées en calcium (Tableau 4).

Sites productifs vs non productifs Développement du profil podzolique Dans le cadre de cette étude, il semble que l’amputation d’un ou plusieurs horizons pédologiques n’ait pas d’influence sur la présence ou l’absence des morilles. La même proportion de sites productifs ou non-productifs présente une absence complète de l’horizon Ao et Ae. Toutefois, il a déjà été largement observé que l’absence d’humus (Ao), en favorisant le réchauffement rapide du sol, contribue considérablement à la croissance marquée des morilles (Greene et al ., 2010). Dans le cadre de cette présente étude, les sites ayant un horizon Ao d’au moins 5 à 10 cm était, eux- aussi, productifs. Par ailleurs, dans les sols podzoliques la matière organique est surtout concentrée dans la partie supérieure de l’horizon B, ce qui explique que des sporocarpes de morilles peuvent également pousser, même si les horizons Ao et Ae sont absents.

Bien que la quantité de données ne soit pas assez importante pour établir une relation entre l’amputation des horizons et la productivité de morilles, il serait intéressant dans une approche future de comparer les sites avec profils complets (Ao, Ae, B et C) et ceux avec un profil incomplet.

Type de perturbation Dans le cadre ce cette étude, l’ensemble des sites ont connu une perturbation du sol, que ce soit de cause naturelle ou anthropique. La présence de feu de forêt pour une partie des sites

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 31

échantillonnés ne semble pas, dans ce cas-ci, être un élément discriminant quant à la productivité d’un milieu. Cependant, il est fort bien connu que la présence d’un feu de forêt a un effet positif sur la fructification des morilles (Pilz et al ., 2004 ; Winder & Keefer, 2008 ; Greene et al ., 2010). Les causes sont encore très mal connues mais il semble que l’intensité du feu jouerait aussi un rôle important quant à la production des morilles (Winder & Keefer, 2008). Lorsque le feu est de forte intensité, la première couche de sol (l’humus) est fortement brûlée. Dans certain cas, elle disparait totalement, ce qui tend à favoriser la fructification des morilles. Par ailleurs, il a été démontré que suite au passage d’un incendie, les premières couches de sol sont physico- chimiquement modifiées et la microbiologie (incluant les bactéries et les champignons) du sol est fortement affectée (Dooley & Treseder, 2012 ; Hart et al ., 2005).

La forêt du domaine de la pessière à mousse, situé au nord du Québec dans la zone boréale, est grandement susceptibles aux diverses perturbations naturelles telles les incendies et les invasions d’insectes. Le feu est d’ailleurs reconnu comme étant sa principale source naturelle de perturbation (Pothier, 2001). Ce faisant, la présence de façon cyclique et abondante des feux de forêt sur le territoire suscite un intérêt encore plus grand pour la compréhension du cycle de vie et de la fructification des morilles dans le Nord-du-Québec.

Dans le cas de perturbations d’origine anthropique, c'est-à-dire d’un déboisement en lien avec l’activité humaine, 100% des sites non-productifs sont déboisés contre 88% des sites productifs. De plus, aucun lien quant à la géochimie du sol ne peut être conclut entre le déboisement et la production de morilles. Néanmoins, il importe de souligner que les sites non perturbés par l’humain mais brûlés par les feux de forêt sont, quant à eux, productifs.

Présence de CaCO 3 En ce qui concerne la présence de CaCO3, selon la présente étude, il n’y a pas de différence entre les sites productifs versus les sites non-productifs. L’origine du substrat (fluvio-glaciaire vs till)

semble être beaucoup plus reliée à la présence de CaCO 3. Par contre, la présence de CaCO 3 dans ce type de sol peut faire en sorte de tamponner le milieu et que le pH se retrouve plus près de la zone neutre (tableau 4).

MESURE DE P H Généralités pour l’ensemble des sites Le pH du sol permet d’obtenir une mesure du taux d’acidité ou d’alcalinité des sols sur lequel la morille peut croître. Souvent, le pH d’un sol est le reflet de sa composition minérale et/ou organique et des fluides qui percolent au travers, d’origine naturelle (eau de pluie, acides organiques et inorganiques) ou anthropique (engrais, contaminants, etc.). Par le fait même, ce paramètre exerce une grande influence sur l’assimilation par les végétaux des nutriments et oligo- nutriments présents dans le sol. Sur les échantillons récoltés, 25 sites avaient l’horizon B tandis que 33 sites avaient l’horizon C.

Ainsi, les résultats obtenus par les analyses réalisés par le CÉAQ révèlent que le pH de l’horizon B varie de 5,2 à 8,4. Sur l’ensemble des sites échantillonnés au niveau de l’horizon B (n = 25), 36% sont considérés comme un milieu acide puisqu’ils ont un pH inférieur à 6,0 ; 16% sont

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 32 considérés comme étant moyenne acide avec un pH situé entre 6,0 à 6,5 ; 12% ont un pH neutre variant de 6,5 à 7,4 ; 25% sont considérés comme un milieu alcalin avec un pH supérieur à 7,4. Par ailleurs, 80% des sites composés de till sont acides (pH < 6,0).

Les résultats obtenus quant à l’horizon C révèle une variation de pH de 5,5 à 8,9. Sur 8,0 l’ensemble des sites (n = 33), 18% sont 7,5 considérés comme acide avec un pH 7,0 inférieur à 6,0 ; 9% son considérés comme 6,5 modérément acide avec un pH entre 6,0 à Horizon B 6,5 ; 30% sont considérés avec un pH 6,0 Horizon C neutre variant de 6,5 à 7,4 ; 42% des sites 5,5 sont en milieu alcalin avec un pH supérieur 5,0 à 7,4. Au niveau de cet horizon, les sites Sous/supra Fluvio-glaciaire composés de till sont presque tous à un pH glaciaire (till) inférieur à 6,0, comme ce fut le cas pour l’horizon B. Figure 12 . pH moyen selon l’origine glaciaire des sites et de l’horizon, région de Lorsque les origines des dépôts, fluvio- Chibougamau – Chapais, étude sur glaciaires ou sous/supra-glaciaires, sont les facteurs édaphiques et comparées entre elles, il y a une différence géomorphologiques influençant la importante entre les pH moyens. Les croissance de la morille, 2011-2012 dépôts sous/supra-glaciaires (n=5) ont tendance à être beaucoup plus acides (tant au niveau de l’horizon B que de l’horizon C) que les dépôts fluvio-glaciaires (n=20) (Figure 12). Par ailleurs, le pH de l’horizon C tend à être plus alcalin que l’horizon B dans le cas des dépôts fluvio-glaciaire (n=25) que dans le cas des dépôts sous/supra-glaciaires (n=8).

Sites productifs vs non-productifs Selon la littérature, un pH neutre est préférable en conditions de croissance in vitro . Toutefois, il semble que la concentration des ions (de calcium et/ou d’autres ions inorganiques) présents dans le milieu peut également influencer la croissance des morilles (Winder, 2006). Winder (2006) a démontré que le pH optimal de croissance in vitro , se situe autour de 7,0. Lorsqu’il y a ajout de carbonate de calcium, le pH optimal passe de 7,0 à 7,7. Winder suggère donc que le pH optimal peut varier en conditions naturelles dépendamment de la disponibilité des ions présents dans l’environnement (exemple : Ca +, Mn +). Ce faisant, étant donné que les cendres de feux de forêt contiennent beaucoup d’ions, le pH optimal peut donc être grandement influencé.

La comparaison entre les deux types de sites, productifs et non-productifs, ne révèle aucune différence significative i (p = 0,9958). Dans chacune des situations, l’horizon B tend à être plus acide que l’horizon C et ce, dans les mêmes fourchettes de pH (Figure 13). La présence de morilles sur des sites où le pH est très variable (5,7 à 8,43) révèle que la croissance de ces champignons, en forêt boréale, est influencée par un autre facteur que celui du pH du sol. De

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 33 plus, les sols podzoliques dominants 9 de la forêt boréale, où le climat est 8,5 plutôt froid et humide, sont reconnus comme étant acides alors que la 8 morille pousse aisément dans cet 7,5 environnement. 7

Sites brûlés vs non-brûlés pH 6,5 Les sites où la forêt a brûlé tendent également à être tous plus acides 6 que les sites qui n’ont pas subit de 5,5 feu. En comparant les sites brûlés 5 versus les sites non-brûlés, les sites NP P NP P NP P NP P brûlés sont significativement i plus Horizon B Horizon C Horizon B Horizon C acides que les sites non-brûlés ( p < Brulé Non-Brûlé 0,001). (Figure 13). Dans le cadre de cette étude, le nombre de sites brûlés Figure 13 . pH moyen selon les sites brûlés et non- équivaut à environ un tiers du brûlés, l’horizon et la productivité (NP : nombre total de sites autant pour Non productifs, P : Productifs), région de l’horizon B (n=10 brûlés/25 non- Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques brûlés) et que pour l’horizon C influençant la croissance de la morille, (n=10 brûlés/33 non-brûlés). Une 2011-2012 étude comprenant plus de sites pourrait permettre de récolter davantage de données et aider à dresser un échantillon plus représentatif de la population. Néanmoins, ces résultats concordent avec d’autres observations. Immédiatement après le passage d’un feu de forêt, le pH au sol aura tendance à augmenter de façon importante (+ basique) et dès que les eaux de pluie draineront le sol, elles dissoudront les ions basiques provenant du feu et le sol deviendra ainsi acide (Jovanovic et al ., 2011).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 34

GÉOCHIMIE Plusieurs éléments chimiques se retrouvent en différentes concentrations dans le sol et selon les différents horizons. Tout d’abord, il y a les éléments majeurs, c'est-à-dire ceux qui se retrouvent en grande quantité (> 10 000 mg/kg). Dépendamment des types de sol, les éléments majeurs sont souvent l’aluminium (Al), le calcium (Ca), le fer (Fe), le potassium (K), le magnésium (Mg), le sodium (Na) et le sélénium (Se). Le soufre (S) en fait souvent partie. Quant aux éléments traces, ils se composent principalement des éléments qui sont retrouvés en quantité beaucoup plus faible (˂ 100 mg/kg) tels que l’arsenic (As), le baryum (Ba), le cadmium (Cd), le cérium (Ce), le cobalt (Co), le chrome (Cr), le cuivre (Cu), le nickel (Ni), le plomb (Pb), le rubidium (Rb), le strontium (Sr), le vanadium (V), le yttrium (Y), le zinc (Zn) et les lanthanides. Pour cette catégorie d’éléments, il est possible de les sous-diviser en 2 catégories plus intéressantes à comparer : 1) les éléments essentiels pour la survie des plantes et des animaux, comprenant notamment le bore (B), le Cu, le Cr, le Co, le molybdène (Mo), le Ni, l’étain (Sn), le V et le Zn, et 2) les éléments non- essentiels, voire même toxiques, dont l’argent (Ag), le Cd, le mercure (Hg), le Pb, l’antimoine (Sb) et le thallium (Tl).

Toutefois, la nature et le teneur des éléments traces dans le sol peuvent varier selon plusieurs facteurs biotiques et abiotiques. La géographie de la région, le type de sol, le couvert végétal, le bassin versant, la proximité des sources de pollution sont tous des exemples de variables affectant la présence de ces éléments qui découle également de deux origines : naturelle et anthropique (Massé, 2011; MacDonald & Hendershot, 2003). Les sources naturelles d’éléments traces proviennent habituellement de l’altération de la roche avec l’atmosphère, des feux de forêts, de l’activité volcanique et de la présence de certaines composantes (feuilles mortes) retrouvées dans la litière au sol. Quant aux sources anthropiques, elles proviennent notamment de la combustion de l’énergie fossile, du transport routier ainsi que toute la pollution atmosphérique produite par l’activité humaine. Elles surpassent largement les sources naturelles puisqu’elles s’y retrouvent en beaucoup plus grande quantité. Par ailleurs, les activités forestières comme la récolte du bois influence également la répartition des éléments dans le sol mais de façon très variable, dépendamment de l’endroit de la récolte (Sanborne et al ., 2011).

À petite échelle, c'est-à-dire dans l’environnement immédiat, la concentration des éléments peut être influencée par les propriétés physico-chimiques du sol, la quantité et le type de matières organiques, le pH ainsi que le contenu et la nature des argiles présents dans le sol (Massé, 2011). De plus, le pourcentage de matières organiques peut grandement influer sur la concentration des éléments. Puisque les métaux ont une forte affinité pour la matière organique, ils ont tendance à s’accumuler en premier dans l’humus et les premiers horizons (Massé, 2011). Ils seront ensuite lessivés au niveau de l’horizon B. D’autre part, les microorganismes présents dans le sol transforment les éléments chimiques en faisant de l’oxydoréduction, ce qui peut modifier de façon importante la mobilité et la toxicité (Massé, 2011). Ils peuvent aussi modifier le pH du milieu, modifier les conditions du sol et accumuler des éléments traces dans leurs tissus.

À moyenne échelle, le couvert végétal et la position du profil du sol influence également la teneur en éléments. Ce faisant, le type de couvert forestier peut interagir sur le pH du sol, les éléments

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 35 interchangeables ainsi que les caractéristiques des horizons organiques (Massé, 2011). Puisque la matière organique qui se retrouve au sol origine principalement des végétaux en place, une partie des éléments ou des substances chimiques retrouvés dans le sol provient de la matière en décomposition (feuilles, aiguilles, branches, etc.). La position du profil du sol modifie également les mouvements et l’accumulation de l’eau, ce qui engendre des différences au niveau de la distribution des éléments traces dans le sol. De plus, Moore et al (1993) ont déterminé que le contenu en matières organiques, le pH, la granulométrie ainsi que l’épaisseur des horizons organiques du sol varient selon la position et l’inclinaison de la pente.

À plus grande échelle, c'est-à-dire au niveau régional ou provincial, la géologie, le matériel ainsi que la circulation de l’air dans l’atmosphère contrôle également la distribution spatiale des éléments traces. Par exemple, il a déjà été démontré que le Cr, le Co et le Ni sont fortement associés à la géologie du sol (Facchinelli et al ., 2001).

Ce faisant, il est possible de constater que les variables biotiques (végétaux, microorganismes) autant que les variables abiotiques (géologie, topographie) influencent la présence et la disponibilité des éléments dans le sol. Ces deux facteurs retrouvés dans un environnement physique donné, combinés à un élément chimique en particulier, vont influencer le cycle biogéochimique de cet élément.

Généralités pour l’ensemble des sites Bien que peu d’auteurs ont étudié les éléments géochimiques présents dans le sol par rapport à la présence des morilles, certains ont déjà observé que de trop fortes concentrations en carbone (C), azote (N), Ca et nitrates sont nuisibles pour la croissance des sporocarpes de morilles tandis que de trop bas niveau de phosphate, chlorure et potassium influencent aussi négativement la croissance (Singh et al ., 2004). Cependant, l’ensemble de ces travaux ont été réalisé au niveau de l’horizon a du sol.

Dans le cadre de cette étude, les analyses géochimiques ont été réalisées sur les horizons B et C puisque seulement le tiers des sites comprenait les horizons Ao et Ae. De plus, tout comme pour les analyses de pH, seul 25 échantillons provenant de l’horizon B ont pu être analysés tandis que le total des sites a été analysé quant à l’horizon C. Ainsi, 51 éléments ont été évalués et les teneurs moyennes en éléments majeurs et en éléments traces des horizons B et C ont été calculées pour l’ensemble des sites (Tableau 5). Ce faisant, le Fe est l’élément majeur le plus abondant suivi du Ca et du Mg. Quant aux cinq autres éléments majeurs (Al, K, Na, S et le titane (Ti)), ils sont tous présents mais en concentration inférieure à 0,3% et ce, pour les deux horizons. Le carbone (C) et l’azote (N) n’ont pas été évalués puisque ces analyses sont plus complexes et le coût beaucoup plus élevé. Il est toutefois important de noter que l’analyse de ces paramètres serait grandement pertinente pour de prochaines études.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 36

Tableau 5. Teneurs moyennes des éléments dosés (majeurs et traces) des horizons B et C des sites à l’étude en comparant : 1) l’horizon B et C, 2) les sites productifs versus non-productifs, 3) les sites productifs brûlés et non-brûlés versus non-productifs brûlés et non-brûlés. Région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 (CÉAQ) Teneur moyenne des horizons Unité Limite 1 2 Non- Productifs 3 Non-Productifs Productifs Éléments de de B C Productifs Brûlés Non-Brûlés Brûlés Non-Brûlés mesure détection (n=25) (N=33) B C B C B C B C B C B C (n=18) (N=25) (n=7) (N=8) (n=8) (N=8) (n=10) (N=17) (n=5) (N=2) (n=2) (N=6) Ag ppm 0,01 0,11 0,19 0,11 0,23 0,10 0,09 0,12 0,33 0,11 0,18 0,10 0,04 0,11 0,11 Al ppm 0,01 2,20 1,14 2,20 1,14 2,21 1,13 2,85 1,30 1,68 1,06 3,29 0,97 1,78 1,19 As ppm 0,1 3,74 5,38 3,17 4,84 5,23 7,08 1,41 1,25 4,57 6,54 2,45 2,65 6,34 8,55 Au ppm 0,01 NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC B ppm 5 NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC Ba ppm 1 37,68 56,91 35,22 55,76 44,00 60,50 17,13 41,50 49,70 62,47 22,50 30,00 52,60 70,67 Be ppm 0,05 0,48 0,51 0,45 0,48 0,55 0,61 0,38 0,25 0,51 0,59 0,37 0,31 0,63 0,71 Bi ppm 0,01 0,09 0,10 0,08 0,10 0,10 0,12 0,05 0,04 0,11 0,12 0,08 0,07 0,11 0,14 Ca % 0,01 0,53 1,34 0,47 1,44 0,69 1,02 0,19 0,42 0,70 1,92 0,11 0,20 0,92 1,30 Cd ppm 0,01 0,12 0,14 0,12 0,13 0,11 0,16 0,08 0,06 0,15 0,17 0,10 0,12 0,12 0,18 Ce ppm 0,01 40,35 61,07 38,57 60,10 44,93 64,08 20,39 58,54 53,12 60,84 27,30 41,60 51,98 71,57 Co ppm 0,1 10,36 13,04 11,22 12,82 8,13 13,70 4,43 9,68 16,66 14,31 3,10 6,45 10,14 16,12 Cr ppm 0,5 60,13 62,62 65,59 65,17 46,09 54,66 52,89 60,99 75,75 67,14 45,60 32,45 46,28 62,07 Cs ppm 0,05 0,76 0,83 0,72 0,83 0,87 0,84 0,42 0,56 0,96 0,96 0,54 0,37 1,00 1,00 Cu ppm 0,1 40,71 89,57 40,20 91,43 42,01 83,76 30,14 87,53 48,25 93,27 31,05 50,65 46,40 94,80 Fe % 0,01 2,55 2,24 2,62 2,19 2,37 2,41 2,53 1,97 2,70 2,30 2,24 1,68 2,42 2,65 Ga ppm 0,05 7,15 4,82 7,42 4,68 6,47 5,27 9,17 4,08 6,01 4,97 6,42 2,81 6,49 6,10 Ge ppm 0,05 0,13 0,14 0,13 0,14 0,14 0,16 0,11 0,12 0,15 0,15 0,12 0,12 0,14 0,17 Hf ppm 0,02 0,08 0,14 0,07 0,13 0,10 0,18 0,08 0,09 0,07 0,14 0,12 0,12 0,09 0,20 Hg ppm 0,01 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 0,04 0,06 0,02 0,04 0,05 0,09 0,03 0,03 0,05 Ln ppm 0,005 0,03 0,02 0,02 0,02 0,03 0,02 0,02 0,01 0,03 0,02 0,02 0,01 0,03 0,03 K % 0,01 0,07 0,11 0,06 0,11 0,09 0,12 0,03 0,08 0,09 0,12 0,04 0,05 0,12 0,15 La ppm 0,1 19,60 28,27 19,09 26,69 20,90 33,21 7,45 21,50 28,40 29,13 12,80 17,05 24,14 38,60 Li ppm 0,1 18,61 20,44 16,24 19,46 24,70 23,50 7,23 10,29 23,45 23,78 9,85 11,00 30,64 27,67 Mg % 0,01 0,81 1,31 0,75 1,36 0,95 1,15 0,24 0,56 1,41 1,74 0,27 0,36 1,23 1,16

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 37

Mn ppm 1 349,16 503,30 358,44 503,40 325,29 503,00 116,00 214,63 552,40 639,29 100,00 272,00 415,40 580,00 Mo ppm 0,05 1,29 1,61 1,19 1,46 1,52 2,08 1,38 1,10 1,04 1,63 1,08 1,43 1,70 2,29 Na % 0,01 0,02 0,03 0,03 0,04 0,03 0,05 0,03 0,04 0,03 0,04 0,02 0,03 0,04 0,05 Nb ppm 0,05 1,56 0,77 1,64 0,79 1,33 0,70 2,29 0,90 1,13 0,74 1,93 0,93 1,09 0,63 Ni ppm 0,02 32,10 39,86 36,46 43,08 20,90 29,81 10,65 30,75 57,11 48,88 14,35 20,25 23,52 33,00 P ppm 10 703,96 709,42 714,95 706,36 675,14 719,00 587,63 485,75 816,80 810,18 654,50 518,50 684,20 785,83 Pb ppm 0,1 6,44 7,08 6,19 6,75 7,10 8,09 5,34 4,83 6,87 7,66 5,50 4,00 7,74 9,45 Rb ppm 0,1 6,87 9,97 6,42 9,70 8,03 10,80 3,15 5,23 9,03 11,81 3,85 4,85 9,70 12,78 Re ppm 0,001 NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC S % 0,005 0,03 0,02 0,03 0,02 0,03 0,02 0,05 0,01 0,02 0,03 0,06 0,01 0,02 0,02 Sb ppm 0,05 0,14 0,17 0,14 0,18 0,18 0,22 0,14 0,11 0,14 0,20 0,11 0,18 0,19 0,22 Sc ppm 0,1 3,76 4,28 3,86 4,15 3,49 4,71 3,44 2,98 4,20 4,70 2,75 2,70 3,78 5,38 Se ppm 0,2 0,40 0,33 0,47 0,48 0,42 0,40 0,57 0,33 0,41 0,52 0,45 0,20 0,40 0,47 Sn ppm 0,2 1,20 1,14 1,16 1,28 1,29 0,85 1,24 1,90 1,10 1,03 0,90 0,60 1,44 0,93 Sr ppm 0,2 18,89 26,42 18,92 25,26 18,81 30,04 16,65 21,20 20,74 27,18 8,90 13,80 22,78 35,45 Ta ppm 0,01 NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC Te ppm 0,01 0,02 0,03 0,03 0,03 0,02 0,03 0,02 0,03 0,03 0,03 0,02 0,02 0,03 0,04 Th ppm 0,1 3,81 5,18 3,56 5,04 4,46 5,60 3,26 4,99 3,79 5,07 4,55 4,80 4,42 5,87 Ti % 0,005 0,09 0,08 0,10 0,08 0,08 0,08 0,11 0,10 0,08 0,07 0,08 0,06 0,08 0,09 Tl ppm 0,01 0,08 0,11 0,08 0,11 0,09 0,13 0,03 0,05 0,11 0,13 0,05 0,05 0,11 0,15 U ppm 0,05 0,69 1,05 0,67 1,07 0,75 1,00 0,40 0,60 0,88 1,29 0,53 0,65 0,83 1,12 V ppm 0,5 46,90 43,65 48,19 44,24 43,57 41,81 49,60 38,84 47,06 46,79 36,05 25,50 46,58 47,25 W ppm 0,05 0,14 0,23 0,14 0,26 0,15 0,17 0,13 0,35 0,16 0,22 0,15 0,13 0,15 0,18 Y ppm 0,05 7,81 14,83 7,88 13,81 7,62 18,01 3,47 6,23 11,41 17,38 3,43 6,57 9,29 21,82 Zn ppm 0,5 35,38 44,87 33,76 42,96 39,54 50,84 19,74 33,38 44,97 47,46 31,05 34,00 42,94 56,45 Zr ppm 0,5 4,30 8,58 3,72 7,58 5,80 11,68 3,69 4,40 3,75 9,08 5,05 6,60 6,10 13,37

Éléments majeurs Métaux usuels (éléments traces) Métaux précieux (éléments traces) Terres rares (éléments traces) NC Non Calculé car moins de 30% des lectures sont sous la limite de détection Gras Différences significatives i (p < 0,05)

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 38

Étant donné que les horizons Ao et Ae étaient absents dans la majorité des sites, il n’est pas possible de comparer les teneurs en éléments des horizons plus en surface par rapport aux horizons plus en profondeur. Toutefois, pour 25 sites, il est possible de comparer les résultats obtenus de l’horizon B et C, ce qui donne une idée partielle de la mobilité des éléments entre l’horizon oxydé (l’horizon B) et le substratum de formation superficielle (l’horizon C). Ainsi, pour les éléments majeurs, l’horizon C des sites est généralement plus riche en Al et en Ca que l’horizon B. Conformément à ce qui est observé dans un sol de type podzolique, l’horizon B est plus riche en Fe et en vanadium (V) (ce dernier est l’élément trace accompagnateur du Fe), en Mg, en Na et en S que l’horizon C tandis que l’horizon C est plus riche en K que l’horizon B. Quant aux éléments de la série des terres rares, le Cérium (Ce) est le plus abondant de tous.

Comparaisons des résultats - Les tendances observées Horizon B vs C Les teneurs obtenues au niveau de l’horizon B comparativement à l’horizon C varie grandement d’un élément à l’autre. Les caractéristiques très variables des sites (intégralité de tous les horizons, présence de perturbations variables, etc.) expliquent ces observations. Cependant, des différences significatives i ont tout de moins ont été observées où l’horizon B est plus concentré que l’horizon C pour Al ( p < 0,001), le gallium (Ga) ( p = 0,008) et le niobium (Nb) ( p < 0,001). Quant aux éléments suivants, ils sont significativement i plus concentrés dans l’horizon C comparativement à l’horizon B : As ( p = 0,049), Ba ( p = 0,025), Ca ( p = 0,014), Ce ( p = 0,003), Cu ( p < 0,001), hafnium (Hf) (p = 0,001), K ( p = 0,023), lanthane (La) (p = 0,040), Mg ( p = 0,030), Sr ( p = 0,025), thorium (Th) (p = 0,002), U ( p = 0,008), tungstène (W) (p = 0,018), Y ( p = 0,006) et Zr ( p < 0,001).

Par ailleurs, la comparaison des teneurs en éléments obtenus de l’horizon B versus l’horizon C peut être un indicateur de source de pollution d’origine anthropique en utilisant le rapport B/C. McMartin et al . (2002) suggèrent que la géochimie des premières couches de sol, particulièrement au niveau des horizons organiques (A), sont affectées à la fois par la géologie de la région et l’apport en composés chargés en éléments d’origine anthropogénique transportés dans l’air. D’autre part, la géochimie des couches minérales de sol (> 45 cm de profondeur) est le reflet de la géologie du socle rocheux. Ainsi, un rapport inférieur à 1, indique un appauvrissement de l’horizon B tandis qu’un rapport supérieur à 1, indique un enrichissement de l’horizon B et donc une possible source de contamination d’origine anthropique. Il est à noter que la maturité du podzol et la nature de l’élément en question peuvent influencer sa concentration dans l’horizon B et qu’en général, cette horizon a tendance à être plus pauvre (McMartin et al ., 2002).

La figure 14 permet de visualiser les différents rapports obtenus selon le type d’éléments et la productivité des sites. La majeure partie des sites non-productifs ont un rapport moins élevé que les sites productifs. D’autre part, certains éléments ont un rapport supérieur à 1 (enrichissement) pour les sites productifs alors qu’il est inférieur à 1(appauvrissement) pour les sites non- productifs. C’est le cas notamment pour les éléments As, Bi, Cd, Na, P, Pb et Sn qui connaissent un enrichissement dans l’horizon B pour les sites productifs et un appauvrissement pour les sites non-productifs (Figure 14).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 39

3,50 NP

P 3,00

2,50

2,00

1,50

Enrichissement horizon B

Rapport Horizon-B/Horizon-C Rapport 1,00 Appauvrissement horizon B

0,50

0,00 S P B U V Y K Ti Tl Li Bi Ni Sc Se Sr W Al Fe Zr Sb Sn Te As Cs Be Hf Pb Re Ta Ba Ce Cr La Zn Ag Ca Co Ge Na Th Ln Rb Au Cd Cu Ga Nb Hg Mg Mo Mn Figure 14. Rapport horizon B/horizon C selon chaque élément en comparant les sites non-productifs vs productifs, région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012. La ligne rouge indique la limite entre un appauvrissement (rapport < 1) ou un enrichissement (rapport > 1) de l’horizon B.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 40

Quant au soufre, il est très présent dans l’horizon B et ce, pour les deux types de site. La répartition spatiale de ces éléments dans les horizons de sol peut être influencé par une multitude de facteurs d’origine naturels (pH, climat, couvert forestier, topographie, etc.) et anthropiques (industrie, routes forestières, etc.) (Sanborne et al ., 2011).

L’appauvrissement ou l’enrichissement de l’horizon B peut ainsi être un indicateur de possibles sources de perturbation (qui reste toutefois à déterminer) favorisant la croissance de morilles dans des sites bien précis, comparativement à d’autres qui s’avèrent être non-productifs. Il est également à noter que la teneur de certains éléments est fortement corrélée avec la présence de matières organiques au sol. Cette dernière capte beaucoup de métaux et les transportent dans les horizons sous-jacents (MacDonald & Hendershot, 2003). Aucune différence significative i n’a été observée pour les moyennes obtenues entre l’horizon B et C pour chacun des éléments.

Productifs vs Non-Productifs En comparant l’ensemble des résultats géochimiques des sites productifs versus non-productifs, il n’y a aucune différence significative i et les résultats obtenus démontrent une très grande variabilité. Cependant, certaines tendances sont tout de moins observées. Pour plusieurs éléments, la teneur est moins élevée pour les sites productifs. C’est le cas notamment de l’arsenic (As) qui est beaucoup plus pauvre dans les sites productifs et plus riches dans les sites non-productifs (Tableau 5). Cette même situation est également observée pour les teneurs en béryllium (Be), lithium (Li), Mo, Na, Zn et zirconium (Zr) mais les différences sont moins importantes.

Le phénomène de la très grande variabilité dans la teneur en éléments traces a d’ailleurs été largement documenté. En un point précis au sol, la teneur en métaux peut grandement varier, même lorsque les échantillons sont récoltés dans un très court rayon (quelques mètres seulement) (MacDonald & Hendershot, 2003; Dias & Edward, 2003; Watmough & Dickinson, 1995; Wall & Marsh, 1987). Le couvert végétal, les vents dominants, la géologie du substrat, les conditions climatiques et la quantité de pluie reçue au même endroit sont tous des facteurs qui influencent la géochimie d’un sol. La présence humaine (rejets industriels dans l’atmosphère) influence également la teneur et la répartition des éléments dans le sol (Reimann et al ., 2009; MacDonald & Hendershot, 2003; McMartin et al ., 2002). Une étude réalisée dans le cadre de l’évaluation de la variation spatiale de la concentration en oligo-éléments dans les podzols des forêts nordiques a révélé notamment que cette variation doit être tenu compte lors de la période d’échantillonnage (MacDonald & Hendershot, 2003). Il semble en effet que la teneur en éléments dans le sol est non seulement variable, mais que cette variabilité est souvent incohérente (ne suit pas un patron en particulier). De ce fait, il est fortement suggéré d’établir un patron d’échantillonnage bien précis afin de ne pas tirer de mauvaises conclusions. Les auteurs proposent ainsi que l’échantillonnage doit être effectuée en tenant compte d’un seul individu à la fois (c'est-à-dire que pour évaluer les effets des éléments du sol, il faut tenir compte d’une espèce végétale en particulier plutôt que de la végétation en générale). Contrairement à ce qui a été réalisé lors de la présente étude, il faut prélever plusieurs échantillons de sol dans un court rayon plutôt qu’un seul échantillon, ce qui permet d’évaluer l’erreur relative de la concentration des métaux dans le sol à cet endroit (MacDonald & Hendershot, 2003).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 41

Brûlés vs Non-brûlés La comparaison des sites brûlés versus non-brûlés ne permet pas de tirer de conclusions significatives quant à la concentration des différents éléments selon les horizons. De façon générale, les sites brûlés sont plus pauvres en éléments que les sites non-brûlés, contrairement à ce qui déjà été observé dans la littérature (Jovanovic et al ., 2011). Il faut cependant noter que peu d’études ont été réalisées sur la teneur des éléments dans les différents horizons du sol suite à un feu de forêt. D’autre part, la concentration varie différemment selon l’élément. Certains métaux seront plus abondants que d’autres, se retrouvant alors plus riches dans les sites brûlés que dans les sites non-brûlés. Dans le cadre de cette étude, c’est le cas du mercure (Hg) et du soufre (S) dont la teneur est plus élevée pour les sites brûlés au niveau de l’horizon B (Figure 15). Le mercure, présent de façon naturelle au Québec, se retrouve dans les formations rocheuses, le sol, l’eau et les végétaux. Se faisant, suite au passage d’un feu de forêt, les feuilles et les végétaux ayant accumulées une certaine concentration de mercure dans leur organisme se retrouvent au sol

0,16 Hg 0,10 S 0,14 0,08 0,12 0,10 0,06 0,08 ppm 0,06 0,04 0,04 0,02 0,02 Pourcentage(%) 0,00 0,00 NP P NP P NP P NP P

Horizon B Horizon C Horizon B Horizon C Brûlé

Non -Brûlé As Ca 14,0 4,0 12,0 3,5 10,0 3,0 2,5 8,0 2,0 6,0 ppm 1,5 4,0 1,0 Pourcentage(%) 2,0 0,5 0,0 0,0 NP P NP P NP P NP P Horizon B Horizon C Horizon B Horizon C

Figure 15 . Teneurs en Hg, S, As et Ca retrouvées dans les sites brûlés versus non-brûlés selon la productivité et l’horizon. Région de Chibougamau – Chapais, étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la croissance de la morille, 2011-2012 (CÉAQ).

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 42 en décomposition. Cet élément est alors libéré au niveau des cendres, ce qui peut expliquer les plus haut taux de mercure dans les sites brûlés. D’autres éléments ont des teneurs moins élevées dans les sites non-brûlés que les sites brûlés. C’est le cas notamment de l’As et du Ca qui sont beaucoup plus présents dans les sites non-brûlés (Figure 15). Il est à noter cependant que les feux en question datent de 2006 et 2008. Le nombre de site trop peu nombreux ne permet pas de comparer les âges de feux. Ce faisant, il serait fort intéressant de pouvoir comparer les teneurs en éléments des sites récemment brûlés (1 à 2 ans) fortement productif en morille.

Suite au passage d’un feu de forêt, les horizons en surface sont beaucoup plus affectés que les couches subséquentes où la teneur en éléments peut être plus faible ou plus élevée. Les métaux ont également tendance à s’associer avec la matière organique et l’horizon A, tout comme l’horizon B dans le cas des podzols, représente la zone où il y a accumulation de matières organiques. En ce qui a trait aux données récoltées pour les horizons Ao et Ae, elles sont absentes puisque ces couches de sol étaient souvent manquantes (seulement le tiers des sites avaient l’horizon Ao et Ae). Elles n’ont donc pas été analysées. L’absence de ces résultats réduit la possibilité d’analyser la mobilité des éléments à travers les différents horizons du sol. Cependant, l’ensemble des données recueillies quant aux horizons B et C constitue une base importante pour la prolongation des recherches au niveau géochimique. D’autre part, plusieurs sites productifs comprenaient que les horizons B et C, ce qui démontre que les sporocarpes de morille peuvent apparaître même si l’horizon A est absent.

______i Référence à la section Analyses statistiques en p. 25

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 43

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

CONSTATS En conclusion, 33 sites ont été sélectionnés pour l’étude. Bien que cette sélection regroupaient des sites ayant les mêmes similarités quant au type écologique et aux dépôts de surface, 8 se sont avérés être non-productifs contre 25 sites productifs. Sur l’ensemble des variables géomorphologiques ou géochimiques étudiées pour le présent projet, aucune n’a permis de déterminer des différences significatives entre les sites productifs et non-productifs. Par ailleurs, 3 fois plus de sites étaient productifs, ce qui réduit la possibilité de les comparer adéquatement avec les sites non-productifs. Cependant, la comparaison entre les sites brûlés versus non-brûlés démontre tout de moins quelques tendances intéressantes permettant d’orienter davantage les futures recherches. Quant au nombre très peu élevé de données récoltées pour les horizons Ao et Ae, il réduit également la possibilité de comparer ces sites entre eux. Toutefois, il est important de noter que ces facteurs (absence de un ou plusieurs horizons et présence de perturbations de nature différente) ne peuvent pas être discriminés lors de la sélection cartographique et que l’absence de l’horizon A n’est pas en lien avec la non-productivité d’un site.

Afin de pouvoir bien comparer les données entre elles, ces sites doivent être parfaitement homogènes au niveau des peuplements, de l’origine glaciaire, de la topographie, des perturbations, etc. De plus, les éléments géochimiques du sol peuvent être très variables à l’intérieur d’une petite surface. Il est donc souvent recommandé que dans le cadre de telles études, plusieurs échantillons pris dans cette même zone peuvent être regroupés afin de réduire la variabilité et plusieurs échantillons pris dans un même rayon permettraient aussi de vérifier l’erreur relative de la concentration en éléments du sol (MacDonald & Hendershot, 2003). Ce faisant, l’ajout de réplicas et la mise en commun de plusieurs échantillons de même provenance sont tout à fait indiqué dans ce type d’étude (Wall & Marsh, 1988).

APPROCHES INTÉRESSANTES Face à l’état des connaissances actuelles, les principales avenues quant à l’étude de la croissance de la morille sont nombreuses. Il semble y avoir non pas une, mais plusieurs covariables contribuant au succès de la croissance de ce champignon. Les relations symbiotiques de la morille avec certaines essences végétales méritent d’être approfondies (Milhail et al ., 2007). Les facteurs abiotiques tels que le pourcentage d’humidité du sol, la température du sol et la météorologie sont aussi des paramètres affectant la fructification des morilles (Winder & Keefer, 2008 ; Winder, 2006). La présence et le type de perturbation dans le milieu jouent également un rôle important. Au niveau des feux, certains croient que le moment, l’intensité ainsi que les espèces végétales touchées par ceux-ci peuvent tous influencer la productivité des morilles dans le milieu (Pilz et al ., 2004). Greene et al . (2010) ajoute même que la présence combinée des facteurs - absence d’humus et - mort de l’arbre, sont essentielles à une forte fructification. Il semble également que l’apparition de sporocarpes soit étroitement reliée aux microorganismes présents dans le sol (Singh et al ., 2004). D’autre part, les champignons sont largement reconnus pour leur capacité à bioaccumuler les éléments traces et les métaux lourds (Jacquiot, L. & O. Daillant, 2000). Sachant que l’habitat préférentiel de la morille se trouve à être les feux de forêt et que dans cette étude-ci,

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 44 les sites brûlés ont tendance à avoir un taux de mercure plus élevé, l’étude de la teneur en métaux des sporocarpes de morille est également une avenue intéressante. Par ailleurs, aucune donnée quant au carbone et à l’azote n’a été analysée dans le cadre de cette étude mais demeure une avenue fort intéressante pour de futures recherches.

Les données recueillies quant à la géochimie sont très importantes dans l’éventualité de monter une banque de données sur les sites productifs de morilles. En effet, la majorité des études réalisées jusqu’à ce jour, en ce qui a trait à la croissance de la morille, se sont penchés davantage sur la culture expérimentale et des facteurs de croissance en conditions contrôlées (Dahlstrom et al ., 2000 ; Winder, 2006 ; Milhail et al ., 2007 ; Masaphy, 2010 ; Kanwal & Reddy, 2012). Peu d’auteurs se sont concentrés sur l’influence des facteurs édaphiques et la croissance des morilles en milieu naturel (Masaphy et al ., 2004 ; Pilz et al ., 2004 ; Sing et al ., 2004). De plus, ces dernières études ne tiennent pas compte des éléments géochimiques présents dans les différents horizons du sol et n’ont pas été réalisées en forêt boréale.

Il est important de noter que la région du Nord-du-Québec est un territoire très intéressant pour l’étude en milieu naturel et la culture des morilles puisque il est grandement propice à sa fructification. La forêt boréale, plus précisément du domaine de la pessière à mousse, est fortement susceptible aux perturbations d’origine naturelle telles que les feux de forêt et les invasions d’insectes (Pothier, 2001). Sachant que la morille affectionne particulièrement les sites incendiés et peut s’y retrouver en très grande quantité, il est intéressant de suivre et d’étudier les facteurs influençant sa croissance en milieux naturel et perturbé (Pilz et al ., 2004). Le passage d’un feu de forêt détruit non seulement une grande partie du peuplement qui se trouvait à cet endroit mais influence également les propriétés physico-chimiques et microbiologiques des premières couches du sol (Dooley & Treseder, 2012 ; Hart et al ., 2005). Il semble aussi que l’intensité du feu joue un rôle sur la quantité totale de fructification de morilles. Lorsque le feu n’est pas assez intense, la croissance est moindre alors qu’un incendie plus intense brûle davantage les premières couches de sol, ce qui favoriserait la croissance de sporocarpes (Greene et al ., 2010 ; Winder & Keefer 2008). Cependant, une trop forte intensité détruit également les communautés bactériennes et fongiques du sol (Pilz et al ., 2007). Il serait donc intéressant de se pencher davantage sur l’effet des incendies de forêt et leur intensité sur les propriétés physico- chimiques et géochimiques du sol ainsi que sur les communautés microbiologiques du sol dans le Nord-du-Québec.

Actuellement, FaunENord en collaboration avec l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et la Coopérative forestière de solidarité de la Rivière-aux-saumons, continueront à investiguer afin de déterminer quels sont les facteurs influençant la présence et la croissance des morilles en milieu boréal. En plus de poursuivre la prise de données géochimiques aux sites productifs de morilles, plusieurs paramètres seront pris en considération. Le pourcentage d’humidité ainsi que la température du sol durant la saison de fructification seront évalués à l’aide d’une sonde. Le type écologique sera aussi déterminé et les caractéristiques du peuplement seront considérées (stade de développement, densité des arbres et âges). Un inventaire végétal permettra également de reconnaître les essences formant des associations potentielles avec ce champignon. Les

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 45 communautés microbiologiques retrouvées dans les premières couches de sol seront aussi évaluées. Parallèlement à ces travaux, il y aura un suivi quant aux sites de feux de forêt récents (moins de deux ans) où la présence de morilles aura été confirmée. Les données de sol y seront également récoltées.

En conclusion, il est possible de constater que les avenues de recherches sont nombreuses sur le territoire du Nord-du-Québec. Non seulement cette région est très propice à la fructification des morilles mais tout y est encore à faire. Suite à la réalisation de cette première étude, des pistes intéressantes et prometteuses sont désormais mieux ciblées. La popularité de plus en plus grandissante en ce qui a trait aux champignons forestiers du Québec ne fera qu’accélérer le besoin d’acquisition des connaissances sur la morille.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 46

BIBLIOGRAPHIE

Bernier, M. A. & I. Milord , (2012). Caractérisation géomorphologique et Quaternaire des sites de morilles, région Chibougamau – Chapais. Centre d’Étude Appliqué du Quaternaire. 104 p.

Bourque, P.A ., (2010). Planète Terre. Le département de géologie et de génie géologique de l’Université Laval. Québec. Documents consultés en lignes, janvier 2013 : http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/intro.pt/planete_terre.html

Hobbies, E. A., Weber, N. S. & J. M. Trappe , (2001). Micorrhizal vs. Saprotrophic status of fungi : the isotophic evidence. New Phytologist . Vol. 150 : 601-610

Dahlstrom, J. L., Smith, J. E. & N. S. Weber , (2000). Myccorhiza-like interaction by Morhella with species of the pinaceae in pure culture synthesis. . Vol. 9 : 279-285

Dias, G. M. & G. C. Edward , (2003). Differentiating Natural and Anthropogenic Sources of Metals to the Environment. Human and Ecological Riski Assessment. Vol. 9 (4) : 699-721

Dooley, S. R. & K. K. Treseder , (2012). The effect of fire on microbial biomass : a meta- analysis of field studies. Biogeochemistery . Vol.109 : 49-61

Environnement Canada , pages consultées en janvier (2013). Le cadre écologique du Canada : http://ecozones.ca/

Facchinelli, A., Sacchi, E & L. Mallen , (2001). Multivariate statistical and GIS-based approach to identify heavy metal sources in soils. Environmental pollution . Vol 114 : 313-324.

FaunENord , (2011). Développement des produits forestiers non ligneux (PFNL). Rapport final. 57 pages.

FaunENord , (2012). Inventaire des produits forestiers non ligneux (PFNL). Rapport final. 48 pages.

Greene, D. F., Hesketh, M., & E. Pounden , (2010). Emergence of morel (Morchella) and pixie cup (Geopyxis carbonaria) in response to the intensity of forest floor combustion during a wildfire. Mycologia . Vol.102 (4) : 766-773

Greene, D. F., MacDonald, S.E., Haeussler, S., Domenicano, S., Noël, J., Jayen, K., Charron, I., Gauthier, S., Hunt, S., Gielau, E.T., Bergeron, Y. & L. Swift , (2007). The reduction of organic-layer depth by wildfire in the North American boreal forest and its effect on tree recruitment by seed. Canadian Journal of Forest Research . Vol 37 : 1012-1023.

Groupe de travail sur la classification des sols , (2002). Le système canadien de classification des sols. 3 ième édition. Direction générale de la recherche. Ministère de l’Agriculture et de l’Agro- Alimentaire du Canada. Publication 1646. Ottawa (On). 196 p.

Hart, S. C., DeLuca, T. H., Newman, G. S., MacKenzie, M. D. & Boyle S. I., (2005). Post-fire vegetative dynamics as drivers of microbial community structure and function in forest soils. Forest ecology and management. Vol. 220 : 166-184.

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 47

Jacquiot, L. & O. Daillant , (2000). Bioaccumulation des éléments traces et des radioéléments par les macromycètes, Revue bibliographique, partie II ; Observations mycologiques, Bulletin de l'observatoie mycologique No 17, 24 pages.

Jovanovic Stankov, V. P., Ilic, M. D., Markovic, M. S., Mitic, V. D., Nikolic Mandic, S. D. & G. S. Stojanovic , (2011). Wild fire impact on copper, zinc, lead and cadmium distribution in soil and relation with abundance in selected plants of Lamiaceae family from Vidlic Mountain (Serbia). Chemosphere . Vol 84 : 1584-1591.

Kanwal, K. H. & M. S. Reddy , (2012). The effect of carbon and nitrogen sources on the formation of sclerotia in Morchella spp.. Annals of microbiology . Vol.62 : 165-168

Keefer, M.E. , (2005). The ecology and economy of morels in British Columbia’s East Kootenay. Victoria (BC). Royal Roads University. M.S. thesis. 99 p.

Kuo, M., Dewsbury, D. R., O’Donnell, K., Carter, M. C., Rehner, S. A., Moore, J. D., Moncalvo, J. M., Canfield, S. A., Stephenson, S. L., Methven, A. S. & T. J. , (2012). Taxonomic revision of true morels (Morchella) in Canada and the United States. Mycologia . Vol.104 (5) : 1159-1177

MacDonald, J. D. & W. H. Hendershot , (2003). Spatial variability of trace metals in podzols of northern forest ecosystems : Sampling implications. Canadian journal of soil sciences . Vol. 83 : 581-587

Masaphy, S. , (2010). Biotechnology of morel mushrooms : successful fruiting body formation and development in a soilless system. Biotechnology letter . Vol. 32 : 1523-1527

Masaphy, S, Zabari, L. & G. Gander-Shagug, (2008). Morchella conica Pers. Proliferation in post-fire forests in northern Israel. Israel journal of plant sciences. Vol. 56 : 315-319

McMartin, I., Henderson, P. J., Plouffe, A. & R. D. Knight, (2002). Comparison of Cu-Hg-Ni- Pb concentrations in soils adjacent to anthropogenic point sources: examples from four Canadian sites. Geochemistry: Exploration, Environment, Analysis . Vol. 2 : 57-74

Mihail, J. D., Bruhn, J. N. & P. Bonello. , (2007). Spatial and temporal patterns of morel fruiting. Mycological research . Vol. 111 : 339-346

Miller, S. L., Torres, P. & T. M. McClean , (1994). Persistence of basidiospores and sclerotia of ectomycorrhizal fungi and Morchella in soil. Mycologia . Vol. 86 (1) : 89-95

Moore, I. D., Gessler, P. E., Nielsen, G. A. & G. A. Peterson , (1993). Soil attribute prediction using terrain analysis. Soil Science Society of America Journal . Vol 53 : 443-452.

O’Donnell, K., Rooney, A. P., Mills, G. L., Kuo, M., Weber, N. S. & S. A. Rehner , (2011). Phylogeniy and historical biogeography of true morels (Morchella) reveals an early Cretaceous origin and high continental endemism and provincialism in the Holartic. Fungal genetics and biology . Vol. 48 : 252-265

Paradis, S. J. , (2010). Géologie des formations en superficielle, Chibougamau, Québec/Surficial geology, Chibougamau, Quebec; Commission géologique du Canada. Dossier public 6064. Échelle 1/250 000

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 48

Picard, C. & M. Piboule , (1985). Pétrologie des roches volcaniques du sillon de roches vertes archéennes de Matagami - Chibougamau à l’ouest de Chapais (Abitibi est, Québec). 1. La groupe basal de Roy. Canadian journal of earth sciences . Vol. 23 : 561-578

Pilz, D . (2007). Ecology and management of morels harvested from the forests of western North America. Dept. of Agriculture, Forest Service, Pacific Northwest Research Station, Portland, , USA. 161 p.

Pilz, D., Weber, N. S., Carter, M. C., Parks, C. G. & R. Molina , (2004). Productivity and diversity of morel mushrooms in healthy, burned, and insect damaged forest of northeasthern Oregon. Forest ecology and management . Vol. 198 : 367-386

Pothier, D. (2001). Portrait de la forêt boréale québécoise. Le Naturaliste Canadien . Vol. 125 (3) : 5-9.

Reimann, C., Englmaier, P., Flem, B., Gough, L., Lamothe, P., Nordgulen, O. & D. Smith, (2009). Geochemical gradients in soil O-horizon samples from southern Norway: Natural of anthropogenic?. Applied Geochemistry . Vol. 24 : 62-76

Sanborne, P., Lamontagne, L. & W. Hendershot , (2011). Podzolic soils of Canada : Genesis, distribution and classification. Canadian Journal of Soil Science . Vol 91: 843-880.

Singh, S. K., Kamal, S., Tiwari, M., Rai, R. D. & R. C. Upadhyay , (2004). Myco-ecological studies of natural morel bearing sites in Shivalik hills of Himachal pradesh, India. Micologia Applicada International , Vol. 16 (1) : 1-6

Wall, G. J. & M. Marsh , (1987). Within-pedon variability of trace metals in southern Ontario. Canadian journal of soil sciences . Vol. 68 : 53-61

Watmough, S. A. & N. M. Dickinson , (1995). Dispersal and mobility of heavy metals in relation to tree survival in an aerially contamined woodland soil. Environmental pollution . Vol. 90 : 135- 142

Winder, R. S ., (2006). Cultural studies of Morchella elata. Mycological research . Vol. 110 : 612- 623

Winder, R. S. & M. E. Keefer , (2008). Ecology of the 2004 morel harvest in the rocky mountain forest district of British Columbia. Botany . Vol. 86 : 1152-1167

Étude sur les facteurs édaphiques et géomorphologiques influençant la distribution et la croissance particulière de la morille ( Morchella sp ) dans le Nord-du-Québec, 2012 Page 49