C^ JiuàÂJ faJmM&djJL ISBN 2-85653-020-6 OU m s ., _/-- MEMOIRES DU MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE

NOUVELLE SÉRIE

Série A, Zoologie TOME XCVII

Danièle GUINOT

CONSTITUTION DE QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES BRACHYOURES

I. La superfamilie des Bellioidea et trois sous-familles de (Polydectinae Dana, Trichiinae de Haan, Actaeinae Alcock)

PARIS ÉDITIONS DU MUSÉUM 38, rue Geofïroy-Saint-Hilaire (Ve)

1976

JOHN S. GARTH Allan Hancock Foundation University of. Southern California Los Anr^ C'-fpHva 90007 JUN 2 7 1377 MÉMOIRES DU MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE Série A, Tome XCVII

CONSTITUTION DE QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES BRACHYOURES

I. La superfamille des Bellioidea et trois sous-familles de Xanthidae (Polydectinae Dana, Trichiinae de Haan, Actaeinae Alcock)

par

Danièle GUINOT

Laboratoire de Zoologie (Arthropodes) du Muséum national d'Histoire naturelle

SOMMAIRE Pages

INTRODUCTION 5 Remarques sur diverses régions de la carapace chez les Brachyoures 6 SUPERFAMILLE DES BELLIOIDEA Dana, 1852 13 FAMILLE DES BELLIIDAE Dana, 1852 15 Historique 17 Genre Bellia H. Milne Edwards, 1848 19 Bellia picta H. Milne Edwards, 1848 20 Genre Corystoides Lucas, 1844 20 Corystoides chilensis Lucas, 1844 21 Corystoides abbreviatus ? A. Milne Edwards, 1880 22 Genre Acanthocyclus Lucas, 1844 22 Acanthocyclus gayi Lucas, 1844 23 Acanthocyclus albatrossis Rathbun, 1898 24 Acanthocyclus hassleri Rathbun, 1898 24 Remarques biogéographiques et écologiques sur le genre Acanthocyclus Lucas 24 Caractères morphologiques différentiels des Acanthocyclus 25 Genre Heterozius A. Milne Edwards, 1867 27 Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards, 1867 28 Particularités écologiques et éthologiques des Belliidae 30 Respiration à courant d'eau inversé chez les fouisseurs 30 Tendances évolutives 33 Examen des principaux caractères morphologiques et détermination des affinités phylogéniques. 33 1. Forme du corps 33 2. Chélipèdes , 34 2 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

3. Pattes ambulatoires .. /. .'• ' • • • • d4 4. Front ...... •••• • • • • 35 5. Antennes et clôture de l'orbite • 35 6. Yeux et cavités orbitaires • £0 7. Antennules ** 8. Limitation antérieure du cadre buccal, chambre prostomiale et mxp3 43 9. Plastron sternal. Abdomen et appareil « bouton-pression » chez le mâle , 47 10. Appareil « bouton-pression » chez la femelle. Orifices génitaux de la femelle 52 11. Pléopodes sexuels mâles 55 Conclusions sur la position systématique des Belliidae. 57

TROIS SOUS-FAMILLES |DE XANTHIDAE (Polydectinae Dana, Trichiinae de Haan, Actaeinae Alcock) ...... • • • • • •••'• G* SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE Dana, 1851 62 Historique 62 Genre H. Milne Edwards, 1837 64 Polydectus cupulifer (Latreille, 1812) s.l 65 Écologie et éthologie de Polydectus 65 Distribution géographique de Polydectus 66 Caractères morphologiques de Polydectus 66 Genre H. Milne Edwards, 1834 69 (Latreille, 1812) 70 Lybia leptochelis (Zehntner, 1894) 71 *Lybia pugil P (Alcock, 1898) 74 * Lybia caestifera (Alcock, 1898) ....". 75 Lybia denticulata Nobili, 1906 75 Lybia plumosa Barnard, 1947 76 * Lybia hatagumoana Sakai, 1961 76 Takeda et Miyaké, 1970 ...... 77 Remarques sur le genre Prolybia Ward, 1933 = Lybia H. Milne Edwards, 1834. 78 Lybia australiensis (Ward, 1933) 78 Biotope des Polydectinae 79 Preuves éthologiques et morphologiques de l'unité du groupe Polydectus-Lybia...... 79 Ressemblances morphologiques entre Lybia et Polydectus 83 Examen de quelques caractères morphologiques particuliers 86 1. Carapace 86 2. Bord antéro-latéral ; .». 87 3. Cadre buccal, mxp3 et lacinie de mxpl 87 '4. Plastron sternal ...-.' 89 5. Pléopodes sexuels mâles 93 6. Chélipèdes et pattes ambulatoires 95 Patrons de coloration dans le genre Lybia H. Milne Edwards 98 Position systématique des Polydectinae Dana 99

SOUS-FAMILLE DES TRÏCHIINAE de Haan, 1841 101 Historique 101 Justification de la nomenclature utilisée et date du genre Trichia de Haan 102 Synopsis des acquisitions taxonomiques nouvelles 104 Genre fPalaeotrichia gen. nov. .. : 106 *fPalaeotrichia multispinata (Noetling, 1885) 108 *fPalaeotrichia laevis (Noetling, 1885) 108 Genre Trichia dé Haan, 1839 109 Trichia dromiaeformis de Haan, 1839 110 Trichia australis Baker, 1906 116 SOMMAIRE 3

Trichia horiii (Miyaké, 1940) 119 Trichia imajimai (Takeda et Miyaké, 1969) 123 *Trichia indica (Sankarankutty, 1966) .... 126 Trichia sakaii (Balss, 1938) 127 Genre Banareia A. Milne Edwards, 1869 .'....' 135 Banareia armata A. Milne Edwards, 1869 .. 138 Banareia kraussi (Heller, 1861) 142 Banareia subglobosa (Stimpson, 1858) 146 Banareia nobilii (Odhner, 1925) 148 *Banareia japonica (Odhner, 1925) 150 Banareia acies (Rathbun, 1911) 151 Remarques sur Banareia sp. = * Actaea acies var. Rathbun, 1924 153 Banareia inconspicua Miers, 1884 154 Banareia australis (Ward, 1936) ;...... 156, 157 Banareia odhneri Sakai, 1974 162 Banareia balssi sp. nov. 164 Banareia palmeri (Rathbun, 1894) .. '. 167 Banareia banareias (Rathbun, 1911) .....; 169 Banareia villosa Rathbun, 1906 174 Banareia serenei sp. nov ...... ;.. 176 Banareia (?) parvula (Krauss, 1843). 179 Genre Calvactaea Ward, 1933 183 Calvactaea tumida Ward, 1933 .'.' 185 Analyse comparative des caractères morphologiques des Trichiinae.... 188 1. Forme de la carapace 188 2. Face dorsale ,..:' 189 3. Front ...... 192 4. Antennules 192 5. Antennes 192 6. Cadre buccal et mxp3 194 7. Plastron sternal :'.... 195 8. Abdomen mâle et appareil « bouton-pression »....". 197 9. Pléopodes sexuels mâles 198 10. Faciès général, coaptation, pilosité 198 11. Pinces :....• 199 Distribution géographique des Trichiinae 199 Écologie des Trichiinae . 200 SoUS-FAMILLE DES AcTAEINAE Alcoçk, 1898 . .;...... 201 Historique 201 Résumé des principales propositions concernant les Actaeinae Alcock. 202 Remarques sur quelques cas particuliers et sur certaines espèces exclues du genre Actaea de Haan, char, emend 203 Genre Actaea de Haan, 1833, char, emend. .1 205 I. Les Actaea du groupe « savignyi-calculosa » 207 Actaea savignyi (H. Milne Edwards, 1834) 211 Remarques sur une Actaea du Macclesfield Bank = Actaea aff. savignyi.. 215 Actaea calculosa (H. Milne Edwards, 1834) 215 Remarques sur « Actaea granulata, Aud., var. Laevis ? » nom. in schedulis. 217 Actaea pura Stimpson, 1858 217 Actaea carcharias White, 1847 220 Actaea tuberculosa (Miers, 1884) 221 Actaea semblatae sp. nov 225 Actaea jacquelinae sp. nov 227 Actaea catalai sp. nov 228 4 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

II. Les Actaea du « groupe peroni » • 230 Actaea peroni peroni (H. Milne Edwards, 1834) 230 Actaea peroni squamosa Henderson, 1893 232 *Actaea peroni occidentalis Odhner, 1925 232 Actaea glandifera Rathbun, 1914 232 * Actaea spinosissima Borradaile, 1902 233 * Actaea perspinosa Borradaile, 1902 235 Actaea squamulosa Odhner, 1925 235 Actaea polyacantha (Heller, 1861) 236 * Actaea fragifera (White, 1847) 237 Actaea flosculata Alcock, 1898 238 Actaea hystrix Miers, 1886 238 Actaea petalifera Odhner, 1925 .. 239 Genre Actaeodes Dana, 1851 240 Actaeodes tomentosus (H. Milne Edwards, 1834) 244 Actaeodes hirsutissimus (Rûppell, 1830) 245 Actaeodes consobrinus (A. Milne Edwards, 1873) 246 Actaeodes semoni (Ortmann, 1894) 247 Actaeodes mutatus nom. nov 247 Genre Paractaea Guinot, 1969 249 Paractaea rufopunctata africana subsp. nov 250 *Paractaea rufopunctata philippinensis (Ward, 1941) 250 Paractaea margaritaria (A. Milne Edwards, 1867) 251 Genre Gaillardiellus gen. nov. 252 Gaillardiellus rueppelli (îtrauss, 1843) 254 Gaillardiellus orientalis (Odhner, 1925) 255 Gaillardiellus superciliaris (Odhner, 1925) 257 Gaillardiellus alphonsi (Nobili, 1905) 258 Genre Forestia gen. nov 260 Forestia depressa (White, 1847) 262 Forestia scabra (Odhner, 1925) 263 Forestia abrolhensis (Montgomery, 1931) 265 Genre Novactaea gen. nov 267 Novactaea bella sp. nov 267 Nomctaea pulchella (A. Milne Edwards, 1865) 269 Novactaea michaelseni (Odhner, 1925) 270 Remarques sur * Actaeodes modestus de Man, 1888 271 Genre Serenius gen. nov 272 Serenius pilosus (A. Milne Edwards, 1867) 275 Serenius gemmula (Dana, 1852) 275 Serenius ceylonicus (Laurie, 1906) 276 Serenius demani (Odhner, 1925) 276 * Serenius (?) kuekenthali (de Man, 1902) 278 BIBLIOGRAPHIE 279 INDEX 299 INTRODUCTION 5

INTRODUCTION

Dans le cadre des théories fixistes, la notion d'espèce correspond à un simple procédé de clas­ sification qui fait appel, d'une part, au critère de similitude morphologique des individus et, d'autre part, au critère de leur parenté réelle à travers la génération. Pour la constitution des taxons supérieurs, la plupart des zoologistes systématiciens, fidèles à la tradition linnéenne, se sont servis des caractères morphologiques pris dans leur ensemble, c'est-à-dire de l'aspect général des espèces considérées. Dans l'optique de cette approche typologique, on utilise les différences et les ressemblances superficielles au même rang que les caractères indiquant des relations phylogénétiques. Avec le triomphe de l'évolu- tionnisme, une conception dynamique de l'espèce se superpose à la notion primitive : il ne suffit pas de définir et bien délimiter morphologiquement une espèce, de désigner sa place dans « l'échelle des êtres », mais il faut établir ses liens de parenté dans le schéma évolutif, déterminer son emplacement dans la « généalogie des êtres ». Actuellement, les notions taxonomiques sont liées à celles de la géné­ tique des populations. En démontant certains mécanismes de l'évolution et en découvrant des situa­ tions écologiques et des particularités éthologiques, on fait progresser aujourd'hui cette systématique nouvelle qui s'efforce d'être le miroir d'une réalité historique. Nous ne partageons pas l'attitude de certains carcinologistes qui, découragés par les difficultés que pose l'établissement de groupes naturels et tout particulièrement par les problèmes découlant des divergences entre les expressions phénotypiques et la structure intime des génomes, se résignent à des classifications de type ancien. Pour des raisons d'ordre pragmatique, ils pratiquent une systéma­ tique fixiste, tout en admettant un cadre théorique évolutionniste. Dans cette situation se trouvent les carcinologistes qui utilisent indistinctement un grand nombre de caractères morphologiques et fondent leur diagnose des taxons sur des ressemblances et des dissemblances dont la hiérarchie n'est pas prise en considération. L'un des points de départ de notre étude est la supposition que tous les caractères d'un orga­ nisme n'ont pas la même valeur taxonomique. Il en est de variables et plastiques : il s'agit en général de caractères d'une valeur adaptive immédiate. D'autres, tels le plastron sternal et les organes de la reproduction, sont plus profondément ancrés dans le patrimoine génétique de l'espèce et, de ce fait, révélateurs des relations phylétiques. Le sternum thoracique constitue une structure de plus grande stabilité que la carapace. Par ailleurs, avec ses lignes de suture, la ligne médiane, etc., le plastron sternal porte extérieurement les marques des formations endophragmales et, de par sa croissance générale­ ment isométrique, forme l'élément de référence le plus constant dans toute définition biométrique des genres et des espèces. Cette partie du corps, pratiquement jamais utilisée par les systématiciens, a une valeur taxonomique très importante. En étudiant quelques-uns de ces caractères qui nous paraissent avoir une valeur privilégiée, nous tentons de constituer certains groupes méritant l'épithète de « natu­ rels », c'est-à-dire comportant des espèces qui font réellement partie d'une branche de l'arbre généalo­ gique des Brachyoures. Une distinction est faite entre les relations par « clade » et celles par « grade », à savoir par lignée et par niveau. Cet effort a abouti à la présentation de séries morphologiques qui illustrent, sur des caractères particuliers, l'évolution des lignées. Ainsi, nous avons pu mettre en lumière plusieurs facettes du processus de carcinisation. Dans certains cas privilégiés, l'étude paléontologique nous a apporté la confirmation de nos vues sur l'évolution de certains caractères à l'intérieur des groupes naturels. 6 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

Bien entendu, dans un travail qui veut apporter comme conclusion systématique une synthèse des données morphologiques, biogéographiques, écologiques, éthologiques, ontogéniques et paléonto- logiques, la révision taxonomique devait être mondiale. Nous nous sommes efforcée d'examiner les spécimens types le plus souvent possible. Un petit nombre d'espèces n'ont pu être observées ; elles figurent dans ce travail avec un astérisque. Afin d'échapper aux déformations dues à la perspective, les plastrons sterraaux sont toujours dessinés d'un seul tenant, sur une surface plane, en intégrant, dans les nombreux cas de plastrons convexes, plusieurs angles de vue. Ainsi, nous appelons « figuration développée » toute figure à profil arrondi exécutée en plusieurs fois, chacune de ses parties étant représentée dans sa plus grande dimen­ sion. | Quand ce n'est pas spécifié dans la légende, c'est le pléopode du côté gauche (premier pléopode, deuxième pléopode) qui est figuré.

REMARQUES SUR DIVERSES RÉGIONS DE LA CARAPACE CHEZ LES BRACHYOURES

Dans son Histoire naturelle des Crustacés fossiles,, A. G. DESMARET (1822, p. 72) a été Fun des premiers à bien étudier la configuration de la face supérieure de la carapace des Décapodes. Cet auteur avait constaté que les bosselures et les sillons dont la face dorsale estmarquée, offrent une certaine constance et peuvent servir à la distinction des espèces. La place occupée dans l'organisme par cer­ tains vicères et l'insertion de certains muscles se traduisent extérieurement par des marques, par des sillons qui circonscrivent des régions, lesquelles sont en rapport avec des organes définis. DESMAREST proposa de désigner les diverses portions de la carapace par certains termes : régions stomacale, hépa­ tique, cordiale, branchiale, etc. En 1851 (p. 9-32), H. MILNE EDWARDS fit une analyse des dispositions morphologiques de la carapace chez certains Décapodes et, en particulier, établit clairement les prin­ cipales divisions de celle-ci chez divers Crabes. Nous allons résumer les conclusions de cet auteur concer­ nant la région gastrique et le sillon cervical des Brachyoures, car les carcinologistes ultérieurs ne se sont pas tenus à la même interprétation. H. MILNE EDWARDS a choisi comme point de départ dans son texte et ses figures la carapace de Mithrax spinosissimus (atlas, pi. 8, fi g. 6), et, comme autres exemples, celle de Parthenope horrida (= Daldorfia horrida), Zozymus tômentosus ( — Actaea tomen- tosa = Actaeodes iomentosus), Zosimus aeneus et Eriphia gonagra (ibid., pi. 8, fig. 7-10). La région gastrique de H. MILNE EDWARDS (= région stomacale + région génitale de DESMA­ REST) occupe la partie médiane du bouclier céphalothoracique. Elle comprend au milieu : 1) deux lobes épigastriques symétriques ; 2) un lobe mésogastrique, « lobe impair et médian », situé entre les deux lobes proto gastriques (loc. cit., p. 21) ; 3) deux lobes métagastriques, postérieurs et latéraux par rapport au lobe mésogastrique ; 4) un lobe urogastrique, « petit lobe impair qui ressemble ici [chez Mithrax spinosissimus] à un bourrelet transversal », et auquel fait suite la région cardiaque. Dans certains cas, ces lobes disparaissent ou se confondent, ce qui aboutit à donner une simpli­ cité de conformation à la région gastrique ; d'autres fois, bosselures et sillons se multiplient et déter­ minent un plus grand nombre de divisions et même des subdivisions. Un cas fréquent est la fusion du lobe mésogastrique avec les deux lobes métagastriques ; il peut y avoir aussi disparition de toute séparation entre ces derniers et le lobe urogastrique, de sorte que toute cette portion de la région gastrique ne constitue plus qu'une seule aire médiane, dont l'extrémité antérieure (pointe mésogastrique) s'avance plus ou moins loin entre les lobes protogastriques (ibid., p. 22). C'est à ce point de son exposé que H. MILNE EDWARDS fixe chez les Crabes l'emplace­ ment de deux zones fort importantes : le sillon cervical, situé immédiatement en arrière de deux petites impressions musculaires en forme de fossette, les fossettes gastriques, qui correspondent à l'insertion des muscles postérieurs de l'estomac. Précédemment (ibid., p. 10-12), H. MILNE EDWARDS avait indiqué que le sillon cervical sépare (parfois très distinctement, si le bouclier céphalothoracique est divisé en deux portions articulées par une suture membraneuse, par exemple chez les Cénobites, les Birgus) l'arceau céphalique de l'arceau sca- RÉGIONS DE LA CARAPACE CHEZ LES BRACHYOURES 7 pulaire de la carapace. Chez les Crabes, ce sillon est reconnaissable dans de nombreuses espèces et carac­ tériserait aussi l'arceau céphalique de la carapace. Dans le genre Mithrax, le sillon cervical traverse le test de la carapace puis se porte obliquement et en dehors vers le tiers antérieur du bord antéro-latéral et se dirige vers les angles latéro-antérieurs du cadre buccal. L'arceau céphalique de la carapace est ainsi circonscrit chez beaucoup de Crabes et, même si le sillon cervical vient à s'effacer complètement, on en reconnaît la direction grâce aux deux petites fossettes qui se voient ordinairement au milieu de la carapace près de la ligne médiane, un peu en avant du bord postérieur de l'arceau céphalique (ibid., p. 12). Il 'est dommage que les carcinologistes n'aient pas davantage utilisé la position de ces fossettes gastriques pour retrouver l'emplacement des diverses régions gastriques. Ces fossettes sont souvent seules visibles au sein d'une face dorsale lisse ou, au contraire, sont dissimulées par les bosselures et sillons d'une carapace très subdivisée. Les fossettes gastriques indiquent la limite, parfois difficile à préciser sans elles, entre les lobes métagastriques et le lobe urogastrique. C'est en arrière de celles-ci que l'on doit reconnaître le sillon cervical, c'est-à-dire entre le lobe urogastrique et le lobe cardiaque. Nous reproduisons ici (fig. 1 A, 1 B) deux des dessins de H. MILNE EDWARDS (1851, pi. 6, fig. 6, 9), représentant d'une part Mithrax spinosissimus, à la carapace aréolée de façon «simple» et, d'autre part, Zosimus aeneus, à la face dorsale subdivisée à l'extrême. Grâce à la position des fossettes gas­ triques, on reconnaît facilement l'emplacement de la zone urogastrique, limitée en arrière par le sillon cervical. On distingue également bien le lobe mésogastrique impair et les deux lobes métagastriques postérieurs, plus ou moins fusionnés. Reportons-nous maintenant à la nomenclature des régions de la carapace proposée par DANA en 1851 (1851a, p. 95-98), c'est-à-dire la même année que H. MILNE EDWARDS mais antérieurement à l'ouvrage du savant français puisque ce dernier y fait allusion (ibid., p. 10). Sur la carapace d'un Crabe du « groupe Cancer », que nous reproduisons ici (fig. 1 C) en ajoutant seulement l'emplacement des fossettes gastriques, on distingue pour le médiat group (qui correspond à la région gastrique) : les deux aires 1M, qui correspondent aux lobes épigastriques ; les deux aires 2M, qui représentent les lobes protogastriques ; 3M, « a central areolet, elongated anteriorly between the areolets 2M » (DANA, loc. cit., p. 95-96), dénomination qui recouvre le lobe mésogastrique et les lobes métagastriques de H. MILNE EDWARDS ; 4M, « a transverse areolet just posterior to 3M » (ibid., p. 96), qui correspond donc au lobe urogastrique de H. MILNE EDWARDS. DANA nous donne une confirmation de cette homologie : « Two deep punctures usually mark the limit between 3M and 4M, even when there is no dépression ». Ces deux profondes ponctuations sont les fossettes gastriques de H. MILNE EDWARDS qui sont situées à la limite de 3M et de 4M. Il faut donc placer le sillon cervical entre 4M et 1P. Nous donnons ici un schéma (fig. 1 D) qui montre les homologies entre les régions gastriques numérotées de DANA et celles de H. MILNE EDWARDS. DANA (ibid., p. 97) signale que 3M « subdivides at times into 3 parts » et qu'il peut y avoir des subdivisions encore plus poussées, avec un grand nombre de petits lobules ou de tubercules à l'intérieur de chaque aire. Les figures 2-4 de DANA (ibid.) montrent bien que, pour cet auteur, 3M correspond à l'aire mésogastrique + les deux aires métagastriques de H. MILNE EDWARDS. De ce fait, les carci­ nologistes ont appelé cette aire 3M soit mésogastrique soit métagastrique, ce qui est inexact dans les deux cas. Par exemple, la figure 1 de RATHBUN (1918, p. 4), vue diagrammatique de la face dorsale d'un Crabe Grapsoïde, montre une large région impaire dite mésogastrique, qu'il'faut, en fait, consi­ dérer comme la réunion des régions mésogastrique et métagastriques ; pourtant, la définition donnée par RATHBUN (ibid.,-p> 7) de ces deux régions est exacte. RATHBUN place correctement le sillon cervi­ cal, en arrière de la région urogastrique. En 1930 (fig. 1), RATHBUN représente un Portunidae et, là, est bien faite la distinction entre région mésogastrique et régions métagastriques. Dans son traité de Paléontologie sur les Arthropodes, GLAESSNER (1969, p. R405, R406, fig. 220 C, D) reproduit telles quelles les deux figures de RATHBUN. Le sillon cervical y est bien placé, postérieure­ ment à la région urogastrique ; mais, dans le texte, GLAESSNER écrit : « Behind the cervical groove are, medially, the urogastric, cardiac and intestinal régions », ce qui ne correspond ni à ses figures ni à la définition de H. MILNE EDWARDS. Le sillon cervical ne divise pas la région gastrique, mais sépare cette dernière de la région cardiaque. g QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

FIG. 1 A-C. — Emplacement et nomenclature de diverses régions (principalement gastriques) et certains sillons de la carapace chez les Brachyoures. A, Mithrax spinosissimus (Lamarck) ; B, Zosimus aeneus d'après (Linné), d'après H. MILNE EDWARDS, 1851, pi. 8, fig. 6 et 9 ; C, une espèce « of the Cancer group », d'après DANA, 1851 a, fig. 1 et p. 95-98, où nous avons ajouté les deux fossettes gastriques. FIG. 1 D. — Homologie des régions définies par H. MILNE EDWARDS (à gauche) et des régions numérotées par DANA (à droite). cd, région cardiaque ; epg, lobes épigastriques ; f.g., fossettes gastriques ; in, région intestinale ; mag, lobes métagastriques ; mog, lobe mésogastrique, ptg, lobes protogastriques ; s.b.c. sillon branchiocardiaque ; s.c, sillon cervical ; s.g.h., sillon gastrohépatique ; urg, lobe urogastrique. Si nous revenons en arrière, on constate que, en reproduisant la figure de DANA et en tentant Fhomologie des régions numérotées avec les régions de H. MILNE EDWARDS, KLUNZINGER (1913, p. 120 [24]) avait donné une définition erronée d'une part pour 2M, qu'il considère comme lobes protogas­ triques + épigastriques et, en arrière, comme lobe métagastrique (est-ce un lapsus pour mésogas­ trique ?), et, d'autre part, pour 3M qu'il considère comme lobe métagastrique. Si nous comprenons bien, pour KLUNZINGER, la portion postérieure de 2M est métagastrique, ce qui n'est pas conforme à l'idée de H. MILNE EDWARDS. Il semble que KLUNZINGER ait mal interprété la phrase un peu ambiguë de H. MILNE EDWARDS (1851, p. 21) où sont décrits les rapports des lobes protogastriques, du lobe mésogastrique et des lobes métagastriques. RÉGIONS DE LA CARAPACE CHEZ LES BRACHYOURES 9

Dans leur vue diagrammatique d'un Crabe imaginaire avec ses aréoles et ses sillons, WRIGHT et COLLINS (1972, p. 114, 115, fig. 1) donnent, sciemment une interprétation des régions gastriques qui diffère de celle qu'a proposée H. MILNE EDWARDS. Ils veulent éviter l'appellation de métagas- trique. Les deux auteurs dessinent seulement une région mésogastrique tripartite, avec une avancée antérieure impaire : or, la fraction médiane impaire, c'est cela, en réalité, la région mésogastrique, tandis que la portion postérieure, pourtant nettement divisée en deux sur la figure, représente les deux lobes métagastriques. Par ailleurs, il ne nous semble pas que le sillon cervical, qui doit passer en arrière de l'aire urogastrique, soit bien placé. De même, le sillon branchiocardiaque traverse-t-il la face 'dorsale de part en part chez les Brachyoures ? Étant la marque du muscle attractor epimeralis, il se trouve au sommet de la région cardiaque (cf. GLAESSNER, 1969, fig. 224) ; chez les Crabes primi­ tifs, le sillon branchiocardiaque peut-il se continuer latéralement sur la face dorsale comme chez cer­ tains Décapodes (Nephrops, Thalassinidae) ? On comprend que, pour situer les sillons chez les Bra­ chyoures, les deux paléontologistes anglais, comme tous les autres, doivent s'inspirer des nombreuses interprétations des sillons chez les Décapodes inférieurs et aussi chez les Dromiacés, ce qui est bien loin de ce que H. MILNE EDWARDS a défini chez Mithrax et Zosimus. Les homologies sont très diffi­ ciles. Pour bien définir chez les Crabes les diverses régions gastriques, il est pratique de recourir aux fossettes gastriques, marque de l'attache des muscles stomacaux, et, grâce à cela, on peut déterminer ou deviner les rapports des aires métagastriques et de l'aire urogastrique, ainsi que l'emplacement du sillon cervical, qui est forcément postérieur aux deux fossettes. Sur la figure de la face dorsale représentant un Anomoure, KIM (1973, p. 149, fig, 2) indique des régions conformes aux définitions de H. MILNE EDWARDS : il y a une région mésogastrique impaire, deux aires métagastriques, et une aire impaire urogastrique. La figure 70 (p. 258) représentant un Grapsoïde et un Portunien montre une vaste région mésogastrique et, en arrière, une zone méta- gastrique ; la région urogastrique n'est pas considérée. Il y a là matière à revoir. Dans l'ouvrage sur les Crustacés Décapodes des Antilles par CHACE et HOBBS (1969, p. 49, fig. 4), la représentation est conforme à l'interprétation de H. MILNE EDWARDS, avec régions méso, meta, et urogastrique bien distinctes, et avec le sillon cervical correctement placé (comme c'est dit dans le glossaire, ibid., p. 255) : il « séparâtes the gastric and hepatic régions from the cardiac and branchial régions ». Chez VIA (1969, encadré 1), les diverses aires sont, à notre avis, bien dessinées sur les formes fossiles représentées.

REMERCIEMENTS

C'est seulement grâce à l'examen d'un matériel abondant et varié que pouvait être menée à bien la révision mondiale des divers groupes de Crabes étudiés ici. Un grand nombre de personnes et d'institutions nous ont communiqué des types ou confié du matériel, parfois rare, souvent unique, soit en prêt, soit à titre d'échange ou de don pour les collections du Muséum à Paris. Au cours de nos voyages, nous avons reçu l'aide de collègues étrangers qui nous ont donné accès à leurs collections et réservé le meilleur accueil. Nos plus vifs remerciements associent à des titres divers les personnalités dont les noms suivent : Dr A. J. BRUCE ; Dr B. M. CAMPBELL, Deputy Director, Queensland Muséum, Fortitude Valley, Australie (QM) ; Dr A. CAPART, directeur de l'Institut Royal des Sciences naturelles Bruxelles (IRSN) ; Dr R. CATALA, directeur de l'Aquarium de Nouméa (Fondation R. CATALA-STUCKI), Nouvelle-Calédonie ; Dr F. A. CHACE, Jr, United States National Muséum, Smithsonian Institution, Washington (USNM) ; Dr P. A. COELHO, Laboratorio de Ciências do Mar, Recife-Pernambuco, Brésil ; Dr A. CROSNIER, directeur du Centre ORSTOM de Nosy-Bé, Madagascar ; Dr R. K. DELL, directeur du Dominion Muséum, Wellington ; M. R. DÉRIJARD ; Dr D. M. DEVANEY, Bernice P. Bishop Muséum, Honolulu, Hawaii (BPBM) ; Dr W. ENGELHARDT, Zoologische Sammlung des Bayerischen Staates, Munich (ZSM) ; Prof. Dr J. S. GARTH, Chief Curator, Allan Hancock Foundation, Los Angeles (USC) ; Dr L. FORCART, Muséum d'Histoire naturelle, Bâle (MHNB) ; Dr C. B. GOODHART, University Muséum of Zoo- logy, Cambridge, Grande-Bretagne (UMZC) ; Dr I. GORDON ; Dr D. J. G. GRIFFIN, The Australian Muséum, Sydney (AM) ; Dr J. R. GRINDLEY, The South African Muséum, Cape Town (SAM) ; Dr H. E. GRUNER, ZOO- logisches Muséum der Humboldt-Universitat, Berlin (ZMB) ; Dr Gerd HARTMANN, Zoologisches Staatsinstitut und Zoologisches Muséum, Hambourg (ZMH) ; Dr W. D. HARTMAN, Peabody Muséumfof Natural History, 10 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

Yale University, New Haven, Conn. ; Dr R. G. HARTNOLL, Marine Biological Station, Port Erin, Isle de Man ; Dr B. HAUSER, Muséum d'Histoire naturelle, Genève (MHNG) ; Dr Hiroshi HAYASHI, Tokyo ; Dr J. R. HEATH, Fîsheries Institute, Dar es Salaara ; Dr L. B. HOLTHUIS, Rijksmuseum van Natuurlijke Historié, Leiden (RMNH) ; Dr R. W. INGLE, British Muséum (N.H.), Londres (BM) ; Dr H. JANUS, Hauptkonservator, Staatliches Muséum fur Naturkunde, Stuttgart (SMNT) ; Prof. KUENZER, Zoologisches Institut und Muséum der Univer- sitât, Gôttingen (ZMG) ; Dr H. V. LÈVX, Curator, Muséum of Comparative Zoology, Cambridge, Mass. (MCZ) ; Dr R. B. MANNING, Smithsonian Institution, U.S. National Muséum, Washington (USNM) ; Dr Claude MICHEL, Directeur, Mauritius Institute, Port-Louis, île Maurice (MI) ; Mme PEYROT-CLAUSADE, Station marine d'En- doume, Marseille ; Dr E. POPP, Zoologisches Staatssammlung, Munich (ZSM) ; Dr Y. PLESSIS, Muséum national d'Histoire naturelle, Paris ; Dr G. PRETZMANN, Naturhistorisches Muséum, Vienne (NHMW).; Dr H. B. ROBERTS, Smithsonian Institution, Washington (USNM) ; Dr T. SAKAI, Yokohama National University, Tokyo ; Dr B. SALVAT, Muséum national d'Histoire naturelle, Paris ; Dr E. SANTAELLA, Universidad de la Laguna, Tenerife, îles Canaries ; Dr S. SECRÉTAN, Laboratoire de Paléontologie du Muséum, Paris ; Dr A. G. SMITH, California Academy of Sciences, San Francisco (CAS) ; Prof. W. STEPHENSON, University of Queensland, Australie ; Dr Z. STEVCIC, Institut za Biologiju Mora, Rovinj, Yougoslavie ; Dr J. H. STOCK, Zoologisch Muséum, Amsterdam (ZMA) ; M. B. THOMASSIN, Station marine d'Endoume, Marseille ; Dr TRAN NGOC LOI, directeur de l'Institut océanographique de Nhatrang, Viêt-nam (ION) ; Dr L. VIA, Laboratorio de Geologia, Barcelone ; Dr T. WOLFF, Directeur, Universitetets Zoologiske Muséum, Copenhague (UZMC) ; Dr N. A. ZARENKOV, Uni­ versité Lomonossov, chaire de Zoologie des Invertébrés, Moscou. Nous adressons également nos remerciements à MM. les directeurs : du South Australian Muséum, Adélaïde, Australie (SAMA) ; du National Muséum of Singapore (NMS) ; du South African Muséum, Cape Town, Afrique du Sud ; de l'American Muséum of Natural History, New York (AMNH) ; de l'Institute Marine Research Indonesia, Djakarta, Indonésie (IMR) ; du Musée Zoologique de l'Université et de la Ville, Stras­ bourg, France (MZUS) ; du Natur-Museum und Forschungsinstitut, Frankfurt am Main-1 (NMSF). En outre, nous avons reçu de précieux renseignements du Dr L. G. ABELE, Smithsonian Tropical Research Institute, Balboa, Canal Zone ; du Dr J. E. LEWIS, Tulane University, New Orléans, U.S.A. ; du Dr R. G. WEAR, Victoria University of Wellington, Nouvelle-Zélande ; du Dr C. W. WRIGHT, Londres. Nous remercions tout particulièrement le Dr R. SERÈNE, qui nous a fourni de nombreux spécimens et donné de quelques indications concernant le biotope de certaines espèces. Dans une révision systématique telle que celle-ci, la représentation fidèle du plus grand nombre d'espèces possible est primordiale. On comprendra aisément notre gratitude envers les artistes qui ont réalisé la partie iconographique de ce travail. La majeure partie des dessins sont dûs au talent de M. Maurice GAILLARD, auquel nous exprimons notre reconnaissance pour sa contribution essentielle. Certains dessins ont été exécutés par Mme J. PANOUSE-MICHELET, que nous remercions vivement. Les photographies et l'arrangement des planches, ainsi que quelques dessins, sont l'œuvre de M. Jacques REBIÈRE, que nous assurons de notre sincère gratitude. Nos remerciements vont également à Mme Josette SEMBLÂT qui nous a apporté un concours constant dans la préparation technique de ce manuscrit. C'est pour nous un agréable devoir que d'assurer de notre reconnaissance le professeur Max VACHON, directeur du Laboratoire de Zoologie (Arthropodes) du Muséum, le professeur Théodore MONOD, membre de l'Institut, ainsi que le professeur Pierre DRACH, Université de Paris VI, qui nous ont aidée de leur? conseils éclairés.

ABRÉVIATIONS DES INSTITUTIONS

AM The Australian Muséum, Sydney, N.S.W., Australie. AMNH American Muséum of Natural History, New York. BPBM Bernice P. Bishop Muséum, Honolulu, Hawaii. BM British Muséum (Natural History), Londres. CAS California "Academy of Sciences, San Francisco,' Cal. IMR Institute of Marine Research Indonesia, Djakarta, Indonésie. ION Institut Océanographique de Nhatrang, Viêt-nam. IRSN Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, Bruxelles. MCZ Muséum of Comparative Zoology, Harvard University, Cambridge, Mass. MHNB Muséum d'Histoire naturelle, Bâle. MHNG Muséum d'Histoire naturelle, Genève. MI Mauritius Institute, Port-Louis, île Maurice. REMERCIEMENTS 11

MP Muséum national d'Histoire naturelle, Paris1. MZUS Musée Zoologique de l'Université et de la Ville, Strasbourg. NHMW Naturhistorisches Muséum, Vienne. NMS National Muséum of Singapore. NMSF Natur-Museum und Forschungsinstitut Senckenberg, Francfort-sur-le-Main. PMNH Peabody Muséum of Natural History, Yale University, New Haven, Conn. QM Queensland Muséum, Fortitude Valley, Qd, Australie. RMNH Rijksmuseum van Natuurlijke Historié, Leiden. SAM The South African Muséum, Cape Town. SÀMA South Australian Muséum, Adélaïde, Australie. SMF Staatliches Muséum fur Naturkunde in Stuttgart. USC University of Southern California, Allan Hancock Foundation, Los Angeles, Cal. UMZC University Muséum of Zoology, Cambridge, Grande-Bretagne. USNM United States National Muséum, Smithsonian Institution, Washington, D.C. UZMC Universitetets Zoologiske Muséum, Copenhague. ZMA Zoôlogisch Muséum, Amsterdam. ZMB Institut fur Spezielle Zoologie und Zoologisches Muséum der Humboldt-Universitàt zu Berlin. ZMG Zoologisches Institut und Muséum der Universitât, Gôttingen. ZMH Zoologisches Staatsinstitut und Zoologisches Muséum, Hambourg. ZSM Zoologische Staatssammlung des Bayerischen Staates, Munich.

1. Dans le numéro d'inventaire des collections du Muséum national d'Histoire Naturelle à Paris, par exemple MP-B2090S, B signifie Brachyoures et S indique qu'il s'agit d'un échantillon de l'ancienne collection conservée à l'état «ec.

SUPERFAMILLE DES BELLIOIDEA 13

PREMIÈRE PARTIE

SUPERFAMILLE DES BELLIOIDEA

SUPERFAMILLE DES BELLIOIDEA 15

SUPERFAMILLE DES BELLIOIDEA DANA, 1852

Il existe un petit groupe naturel de Crabes formé par quatre genres, monospécifiques ou connus par un petit nombre d'espèces étroitement localisées. Il s'agit de Bellia H. Milne Edwards, 1848, Corystoides Lucas, 1844, Acanthocyclus Lucas, 1844, et Heterozius A. Milne Edwards, 1867. La mor­ phologie bien particulière de ces Crustacés a fait que leur position systématique a été beaucoup contro­ versée et diversement interprétée. H. MILNE EDWARDS (1848, p. 192) a suggéréJ'établissement d'une « petite tribu » pour Bellia et Corystoides, mais il ne lui a pas donné de nom. A l'appellation de Cyclinea, proposée par DANA dans ses travaux de 1851, 1852 et 1853, pour Acanthocyclus et Corystoides, il faut préférer celles de Bellidea et de Bellidae instaurées en 1852 par le même auteur pour la légion recevant le genre Bellia. Cepen­ dant, la dénomination correcte, fondée sur Bellia, doit être Bellioidea, Belliidae. Nous laissons de côté les appellations basées sur Acanthocyclus, à savoir celle d'Acanthocycli- dae, distinguée à l'intérieur de ses Cyclinea par DANA en 1852 et utilisée par RATHBUN (18986, p. 597), et celle d'Acanthocyclinae figurant dans ALCOCK (1899, p. 5, 96), BORRADAILE (1903, p. 427, 429), RATHBUN (1930, p. 170) et dans BALSS (1957, p. 1365). A notre avis, le rang qu'occupent les quatre genres de Belliidae dans la hiérarchie taxonomique doit être reconsidéré. Malheureusement, il est lié aux problèmes que pose la systématique des Bra- chyoures aux niveaux hiérarchiques supérieurs et l'établissement de groupes naturels. Par ailleurs, les rapports des Belliidae avec les groupes les plus proches ne pourront être précisés qu'après la révi­ sion minutieuse de ces derniers. C'est pourquoi, dans cette première approche, nous nous contenterons de soustraire des Bra- chyrhyncha le genre Bellia et les trois genres voisins, en leur donnant rang non seulement de famille mais de superfamille. Dans la classification de BALSS (1957), provisoirement conservée dans ses grandes lignes, les Bellioidea prennent place dans la tribu des Brachygnatha aux côtés des Oxyrhyncha et des Brachyrhyncha. Les liens des Bellioidea avec les Brachygnatha, c'est-à-dire avec les Corystidae et surtout avec les Atelecyclidae, auxquels ils sont généralement subordonnés, seront présentés ultérieu­ rement.

FAMILLE DES BELLIIDAE DANA, 1852

« Petite tribu particulière qui renfermerait ces Crustacés [Corystoides] aussi bien que les Bellies » H. Milne Edwards, 1848, p. 192. Cyclinea ou Cancroidea Corystidica Dana, 1851c, p. 121, 122, 131 ; (Acanthocyclidae) 1852c, p. 54, 144, 145, 146, 294 ; 1853, p. 1424, 1493, 1536, 1546. Cyclinea Targioni Tozzetti, 1877, p. 95 ; Miers, 1886, p. 208. Bellidea ou Anomoura Cancridica (Bellidae) Dana, 1852c, p. 399, 400, 402, 403 ; (Bellidae) 1853, p. 1428, 1538, 1546. Brachyura orbata Strahl, 1862a, p. 713-717; 1862c, p. 1009. Acanthocyclidae Rathbun, 1898&, p. 597 ; Stebbing, 1914a, p. 344. Acanthocyçlinae Alcock, 1899, p. 5, 96 ; Borradaile, 1903, p. 427, 429 ; 1907, p. 468, 484. FIG. 2 A-D. — Les quatre genres Belliidae. Série morphologique montrant le raccourcissement et l'élargissement de la carapace, ainsi que le passage d'un front étroit et tridenté à un front large et bilobé. A, Bellia H. Milne Edwards ; B, Corystoides Lucas ; C, Acanthocyclus Lucas ; D, Heterozius A. Milne Edwards. FAMILLE DES BELLIIDÀE 17

Beilinae A. Milne Edwards et Bouvier, 1923, p. 308, 309. Acanthocyclinae Rathbun, 1930, p. 170. Bellidae Bouvier, 1942, p. 33-37, 48. Acanthocyclinae Balss, 1957, p. 1365.

GENRES INCLUS

Acanthocyclus Lucas, 1844 Corystoides Lucas, 1844 Bellia H. Milne Edwards, 1848 Heterozius A. Milne Edwards, 1867

HISTORIQUE

x 2 En 1844 (p. 29), LUCAS établit le genre Acanthocyclus pour A. gayi (p. 30, pi. 15, fig. 1) récolté par d'ORBiGNY sur la côte de Valparaiso. Ce Crabe est rangé dans la famille des Catométopes mais il semble différer « de tous les types connus jusqu'ici par l'article basilaire des antennes externes, qui ne porte pas de tigelle multi-artieulée ». Dans le même ouvrage est décrit un autre genre, muni d'an­ tennes singulières : c'est le genre Corystoides Lucas (ibid., p. 31), établi pour C. chilensis (p. 32, pi. 16, fig. 1), également des côtes chiliennes. Placé avec doute près des Corystes, Corystoides « a peu d'analogie » avec ces derniers et en « diffère par la tigelle des antennes externes, qui est double, et par les antennes internes, qui manquent complètement ». En 1848 (p. 192), H. MILNE EDWARDS fait connaître un autre genre, Bellia, pour B. picta, de la côte du Pérou, caractérisé par des antennes internes bien développées, non repliées, sans trace de fossettes antennulaires, et par des antennes externes rudimentaires, réduites à leur seul article basi­ laire. H. MILNE EDWARDS relève alors la confusion faite lors de la description de Corystoides chilensis : les longs appendices frontaux que LUCAS avait assimilés aux antennes externes représentent en réalité les antennes internes ; et ce sont alors les antennes externes qui manquent. Cette conformation rapproche donc Bellia de Corystoides. La rencontre chez les deux genres de ces anomalies, ainsi que de certaines

1. Pour les dates de publication des diverses parties du « Voyage dans l'Amérique méridionale » d'A. D'OHBIGNY, voir SHERBORN et GRIFFIN, Ann. Mag. nat. Hist., 10e sér., vol. 13, 1934, n° 73, p. 130-134. Les dates de la partie Crustacés sont les suivantes : Texte : p. 1-8 Livr. 69 1843 Planches 2, 10 Livr. 68 184- Texte : p. 9-16 Livr. 71 1843 Planches 5, 7, 11 Livr. 69 1843 Texte : p. 17-24 Livr. 72 1844 Planche 8 bis Livr. 71 1843 Texte : p. 25-32 Livr. 73 1844 Planche 8 Livr. 72 1844 Texte : p. 33-39 Livr. 74 1844 Planche 7 bis Livr. 73 1844 Planche 7 Livr. 74 1844 Planches 1, 3 Livr. 62 1842 Planches 14-16 Livr. 75 1844 Planches 4, 6, 13 Livr. 67 184- Planche 17 Livr. 77 1844 (pas de mention de planche 12). Nous remarquons que la planche 7 est citée deux fois ; peut-être est-ce une erreur et, une des deux fois, devrait-on lire planche 9, planche qui existe effectivement dans l'ouvrage mais n'est pas citée. 2. On attribue généralement aux deux naturalistes, H. MILNE EDWARDS et H. LUCAS, indiqués en tête comme auteurs de la partie « Crustacés », la paternité de tous les genres et espèces carcinologiques décrits dans le « Voyage dans l'Amérique méridionale ». C'est ainsi que, dans la liste officielle des noms génériques en Zoologie éditée par HEMMING en 1958, Acanthocyclus et Corystoides sont déclarés comme appartenant à H. MILNE EDWARDS et LUCAS. Pourtant, à la page 17 de l'ouvrage, une note infrapaginale signée de H. MILNE EDWARDS nous fait savoir que, au-delà de cette page, les Crustacés décrits n'appartiennent qu'à LUCAS, MILNE EDWARDS ne collaborant plus au reste de l'ouvrage, c'est-à- dire, en fait, à sa majeure partie. Les genres Acanthocyclus et Corystoides, respectivement décrits p. 29 et p. 31, ne doivent donc porter que le nom de LUCAS. 2 18 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRAGHYOURES « particularités d'organisation », motive « l'établissement d'une petite tribu particulière qui renferme­ rait ces Crustacés [Corystoides] aussi bien que les Bellies, et qui prendrait place entre les Corystiens et les Anomoures ». Aucune allusion n'est faite au genre Acanihocyclus Lucas. DANA (1851e, jp.ÉMyiM^lM^âê^^y^ iMriM, 146, 204), dans sa-grande division ées£an - croidea (ou Crustacea Cyclometopa), crée pour les genres Acanihocyclus et Corystoides la légion des Cyclinea ou Cancroidea Corystidica. Ce groupe, caractérisé par des antennes externes obsolètes et par un petit nombre de branchies, est placé à la base des Cancroidea, pas très loin du niveau des Corys- toidea, et comprend une unique famille, les Acanthocyclidae. Mais, en ce qui concerne Bellia, DANA (1852c, p. 399, 400, 402, 403) va pousser à l'extrême l'opinion de H. MILNE EDWARDS : Bellia ne serait pas un Brachyoure mais un Anomoure, notamment en raison des antennules complètement libres. DANA établit donc la sous-tribu des Bellidae ou Anomoura Cancridica et il lui adjoint finalement le genre Corystoides, tenu, dans d'autres chapitres des mêmes ouvrages, pour un Brachyoure et rapproché d!'Acanihocyclus. Bellia et Corystoides constituent la famille des Bellidae et réunissent — écrit DANA (1852c, p. 399) — des caractères brachyouriens, anomouriens et macrouriens. Cette phrase nous explique les hésitations et les contradictions de l'auteur américain. Dans la classification de 1853 du même carci- nologiste, Acanihocyclus est classé seul parmi les Crabes typiques et constitue les Cyclinea, tandis que Bellia et Corystoides, groupés en Bellidae, sont détachés des Brachyoures et incorporés aux Anomoures. C'est STRAHL (1862a, p. 713-717 ; 1862c, p. 1009) qui reconnaîtra nettement chez les trois genres, Acanihocyclus, Corystoides et Bellia, la présence des mêmes caractères essentiels : antennes internes développées et étendues en avant, antenn es externes absentes ou presque réduites à leur article basi- laire, ce dernier étant soudé à l'épistome et à la région ptérygostomienne. Dans sa classification basée sur les caractéristiques des antennes, STRAHL propose pour ce petit groupe naturel le nom de Bra- chyura orbata. Ainsi, il éloigne les trois genres sud-américains de tous les autres Crabes, mais il les tient néanmoins pour de vrais Brachyoures, écartant définitivement l'hypothèse de leur appartenance aux Anomoures. Les idées de STRAHL ne furent pas adoptées immédiatement. Ne reconnaissant pas le genre Acanihocyclus, HELLER (18626, p. 522) décrit du Chili un genre nouveau, Plagusetes, qu'il attribue aux Catométopes ; cependant, un peu plus tard (1865, p. 70), il semble rattacher Acanihocyclus aux Oxystomata. TARGIONI TOZZETTI (1877, p. 95) reprend l'appellation de Cyclinea, créée par DANA. MIERS (1886, p. 208, 209) adm et la parenté à'Acanihocyclus et de Bellia tout en conservant la déno­ mination de Cyclinea. Quant à RATIIBUN (18986, p. 597), elle utilisera le nom familial d'Acanthocycli- dae, également établi par DANA. ALCOCK (1899, p. 5, 96) place Acanihocyclus parmi ses Cyclometopa ou Cancroidea, dans la famille des Cancridae, où il distingue la sous-famille des Acanthocyclinae, à la suite des Atelecyclinae ; en revanche (p. 5, 103), il réunit Bellia et Corystoides à la famille des Corystidae. RATHBUN (1910c, p. 576, 581) dissocie également Bellia et Corystoides, rattachés aux Corystidae, à!Acanihocyclus, type des Acanthocyclinae. BORRADAILE (1903, p. 427, 429 ; 1907, p. 468, 484), retenant l'appellation d'Acanthocyclinae, en fait une sous-famille des Atelecyclidae (point de vue qui a prévalu jusqu'à présent) mais, encore influencé par les observations erronées des premiers auteurs, il caractérise cette sous-famille par l'ab­ sence de flagelle antennaire. Chez STEBBING (1914a, p. 344), un rang de famille, soit Acanthocyclidae, est dévolu à ce groupement. Ce sont A. MILNE EDWARDS et BOUVIER (1923, p. 307-309) qui rendront vraiment justice à STRAHL : ils reconnaissent les liens de parenté indubitables qui unissent Acanihocyclus, Corystoides et Bellia, et en font une tribu spéciale de la famille des Corystidés, les Bellinae, à côté des Corystinae et des Atelecyclinae. BOUVIER (1942, p. 33-37, 48) reviendra lui aussi à la terminologie première, à celle basée sur Bellia, qui a priorité sur celle édifiée à partir d'Acanthocyclus. Les Bellidae constituent l'une des cinq familles composant la grande tribu des Corystoidea et, selon cet auteur, sont incontestable­ ment issus des Corystiens. RATHBUN (1930, p. 170-176) adopte finalement aussi le groupement tripartite délimité par STRAHL, mais, suivant plutôt BORRADAILE, préfère le nom d'Acanthocyclinae pour cette sous-famille des Atelecyclidae. FAMILLE DES BELLIIDAE 19

Dans la classification de BALSS (1957, p. 1635, 1636), comme chez BORRADAILE (loc. cit.), les Acanthocyclinae sont, aux côtés des Atelecyclinae et des Thiinae, une sous-famille des Atelecyclidae. Ce point de vue sera adopté par les auteurs récents, tels que BOSCHI dans divers travaux (1964, p. 67 ; 1966, p. 453) et GARTH (1957, p. 41-47).

Ce sont les stades larvaires qui, tout récemment, ont montré la nature tout à fait particulière de ce type de Crabes. Rendant compte du développement larvaire de Corystoides chilensis, lequel présente un assem­ blage de caractéristiques singulières le distinguant des autres Crabes et, en tout premier lieu, des genres Erimacrus et Telmessus, BOSCHI et SCELZO (1970, p. 113-124) souhaitent que la place du genre Corys­ toides parmi les Brachyrhynques soit remise en question. Les caractères des larves et de la mégalope d'Acanthocyclus gayi, étudiés par FAGETTI et CAMPODONICO (1970, p. 63-78, fig. 1-8), apparaissent également comme fort originaux et, selon les auteurs, ne rappellent que ceux d'un genre néo-zélandais, Heterozius A. Milne Edwards (cf. WEAR, 1968). Or, dans la classification de BALSS (1957) citée plus haut, le groupement jusqu'alors tripartite composé d*Acanthocyclus, Corystoides et Bellia a accueilli un quatrième genre, ce même Heterozius A. Milne Edwards.

Le genre Heterozius a été établi par A. MILNE E DWARDS en 1867 (18676, p. 275) pour H. rotun- difrons (p. 275, 276), originaire de Nouvelle-Zélande (1 a mention Nouvelle-Calédonie est une erreur d'impression, cf. FILHOL, 18856, p. 373). Les premiers carcinologistes s'accordent pour traiter Heterozius parmi les Xanthidae. C'est B ALSS (1930, p. 203, fig. 5, 6) qui, le premier, semble s'interroger sur les affinités réelles de ce genre, m onospécifique et endémique. Selon cet auteur, Heterozius et le genre voisin sud-américain, Homa- laspis A. Milne Edwards, occuperaient une place primitive parmi les Xanthidae et par là-même se rattacheraient à Acanthocyclus, donc aux Corystidae. En 1957 (p. 1636), BALSS va plus loin dans son idée et rattache Heterozius à la famille des Atelecyclidae, sous-famille des Acanthocyclinae, tandis qu'il conserve Homalaspis parmi les Xanthinae (ibid., p. 1648). Entre-temps, RICHARDSON (1949a, p. 32) 1 avait déplacé Heterozius dans les Cancridae, pour le replacer ensuite (19496, p. 130) * dans les Xanthinae. Les auteurs actuels tiennent Heterozius pour un Xanthidae : c'est parmi ceux-ci qu'//. rotun- difrons figure dans les ouvrages faunistiques néo-zélandais (cf. DELL, 1963a, p. 47 ; BENNETT, 1964, p. 66), ainsi que dans l'intéressant article sur le développement larvaire publié par WEAR (1968, p. 294, 297-307, 327, 328, fig. 1-25). Néanmoins, WEAR discute longuement du statut d'Heterozius : l'origi­ nalité de ses caractères larvaires l'éloigné aussi bien des Atelecyclidae et des Corystidae que des Can­ cridae et des Xanthidae. Heterozius apparaît comme « the monotype of a separate and specialised brachyrhynchous family with uncertain relationships » (ibid., p. 328). En ce qui concerne les caractères morphologiques de Bellia, Corystoides et Acanthocyclus, ainsi que leurs relations avec les membres de la tribu des Corystoidea, le travail essentiel demeure celui de BOUVIER (1942).

Genre Bellia H. Milne Edwards, 1848

Bellia H. Milne Edwards, 1848, p. 192 ; Dana, 1852c, p. 403 ; 1853, p. 1428, 1548, 1560 ; Strahl, 1862a, p. 714- 717 ; A. Milne Edwards et Bouvier, 1923, p. 308 ; cf. Bouvier, 1940, p. 215,216 ; 1942, p. 33-37 ; Hemming, 1958, p. 13.

ESPÈCE TYPE. — Bellia picta H. Milne Edwards, 1848, par monotypie (cf. RATHBUN, 19226, p. 26 ; HEMMING, 1958, p. 13).

1. Ouvrages non consultés. Ces indications figurent dans BENNETT, 1964. 20 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

ESPÈCE INCLUSE. — Bellia picta H. Milne Edwards, 1848.

Bellia picta H. Milne Edwards, 1848

(Fig. 2 A, 5 A, B, 6 A-D, 7 B, 8 A, 9 B, 10 B, 11 A, 12 A-G, 13 A-C ; pi. 1 fig. 3)

Bellia picta H. Milne Edwards, 1848, p. 192 ; Cunningham, 1871, p. 494 ; Rathbun, 18986, p. 599 ; 1910c,, p. 576 ; 1930, p. 175, pi. 79 ; Porter, 1918, p. 52 ; 1931, p. 74-75, fig. 11 ; 1936a, p. 252, pi. 17 ; 19366, p. 152 ; 1936c, p. 338; 1940a, p. 145 ; 19406, p. 311 ; 1941, p. 459 ; cf. A. Milne Edwards et Bouvier, 1923, p. 308 ; Bouvier, 1942, p. 33-37, fig. 16 ; Garth, 1957, p. 47 ; del Solar, Blancas et Mayta, 1970, p. 26 ; Chirichigno, 1970, p. 45, fig. 105a.

MATÉRIEL EXAMINÉ.

Holotype <$ 50,5 X 45,5 mm, Pérou, baie de Saint-Nicolas, M. WEDDELL coll. (MP-B1, spécimen régé­ néré de l'ancienne collection sèche). Se trouve également dans la collection sèche du Muséum à Paris une femelle ovigère de 39,5 X 36 mm •étiquetée « Bellia picta Edw., Rio de Janeiro, M. EYDOUX » (MP-B2098S). Il s'agit vraisemblablement d'une erreur de localité, B. picta n'ayant jamais été signalée sur la côte atlantique. Ce spécimen est incontestablement une Bellia : en comparaison du spécimen mâle holotype, les dents antéro-latérales sont plus émoussées, l'avancée ptérygostomienne est moins saillante et plus faiblement granuleuse. A signaler encore deux petites Bellia, $ de 25 X 22 mm et 29 X 25,4 mm, accompagnées de l'étiquette « Tahiti, de BEAUSACQ 1900 » (MP-B2), certainement là encore localité erronée.

REMARQUES BIOGÉOGRAPHIQUES ET ÉCOLOGIQUES.

Le genre Bellia H. Milne Edwards est seulement connu par son espèce type, B. picta H. Milne Edwards, qui habite la côte pacifique sud-américaine, au Pérou et au Chili jusqu'à Lota. Dès sa description, Bellia, en raison de son faciès et de certains traits, a été rapproché des Corystiens. Ne disposant que d'un unique spécimen sec de Bellia picta, le type, BOUVIER (1942, p. 36) est réduit aux seules hypothèses et s'interroge sur Bellia et Corystoides : « sont-ils fouisseurs et filtreurs, comme les Corystiens ? ». C'est par analogie avec Corystoides, supposé fouisseur par BOHN (1901, p. 216, 217), que BOUVIER voit en Bellia un Crabe fouisseur et filtreur ; il admet même chez Bellia un appareil filtrant « plus parfait et plus complexe » que chez Corystoides. La littérature carcinologique manque singulièrement de renseignements sur l'écologie et le comportement de cette espèce. Les données sur les captures chiliennes ou péruviennes ne s'accompagnent d'aucune mention précise ,; GARTH (1957, p. 47) indique seulement « shore ». Crabe fouisseur et parfaitement outillé pour cela, Bellia l'est certainement ; peut-être faut-il voir chez lui une tendance vers la natation ainsi que l'indique la morphologie des p5 (fig. 5 B).

Genre Corystoides Lucas, 1844 1

Corystoides Lucas, 1844, p. 31 ; Nicolet in Gay, 1849, p. 178 ; Dana, 1851c, p. 121, 131 ; 1852c, p. 403 ; 1853, p. 1428, 1548 ; Strahl, 1862a, p. 713-717 ; A. Milne Edwards, 1880, p. 20 ; Bohn, 1901, p. 216 ; A. Milne Edwards et Bouvier, 1923, p. 307; Rathbun, 1930, p. 173; Bouvier, 1940, p. 216; 1942, p. 33-37; Hemming, 1958, p. 14.

1. Voir la note 2 au début de l'historique concernant les Belliidae. FAMILLE DES BELLIIDAE 21

ESPÈCE TYPE. — Corystoides chilensis Lucas, 1844, par monotypie (cf. RATHBUN, 19226, p. 26 ; HEMMING, 1958, p. 14).

ESPÈCES INCLUSES.

Corystoides chilensis Lucas, 1844 Corystoides abbreviatus ? A. Milne Edwards, 1880 (pour sa validité, cf. infra)

REMARQUES.

Le genre Corystoides Lucas est actuellement considéré comme ne renfermant qu'une seule espèce, l'espèce type C. chilensis Lucas, 1844, décrite des eaux chiliennes du Pacifique. L'autre espèce distin­ guée dans le genre, C. abbreviatus A. Milne Edwards, 1880, originaire de l'Uruguay, a été mise en syno­ nymie avec C. chilensis par RATHBUN (1930, p. 174). GARTH (1957, p. 47) a bien fait remarquer que c'est en l'absence de spécimens chiliens que RATHBUN a réuni sous le nom prioritaire de chilensis les représentants atlantique (abbreviatus) et pacifique (chilensis). A noter que, si A. MILNE EDWARDS. et BOUVIER (1923, p. 309, pi. 2, fig. 7, pi. 4, fig. 6, pi. 5, fig. 1) distinguent les deux espèces, BOUVIER; en 1942 (p. 35, fig. 17) adopte le point de vue de RATHBUN et identifie abbreviatus à chilensis. Nous avons sous les yeux le même matériel que celui examiné par A. MILNE EDWARDS et BOU­ VIER en 1923, à savoir trois spécimens types (collection sèche, 2 <$ et 1 £) de C. chilensis provenant de la côte de Valparaiso au Chili (cf. pi. 1, fig. 1), ainsi que les exemplaires recueillis par l'expéditioni du « Hassler » dans le Rio de la Plata au large de Montevideo et ayant servi à la description de C. abbre- çiatus (spécimens « typiques » et cotypes) (cf. pi. 1, fig. 2, 3). Ce matériel n'est pas suffisant pour une- étude comparative et, par ailleurs, les exemplaires de chilensis sont secs, ce qui gêne l'examen. Hormis les proportions de la carapace, la courbure du bord de celle-ci et la forme des dents antéro-latérales, caractères susceptibles de variations et plus ou moins corrélatifs, il semble qu'il n'y ait pratiquement pas de traits permettant de séparer les deux espèces. Mais, comme les deux auteurs précédemment cités, nous préférons laisser abbreviatus séparé de chilensis, sans exclure la possibilité qu'il s'agisse de la même espèce sur les deux rives méridionales du continent sud-américain. La distinction du genre en deux espèces, si elle est fondée sur la distribution géographique, amène à la synonymie figurant ci-après. Le Corystoides de Patagonie mentionné par RATHBUN (1930, p. 175) et ceux d'Argentine signalés par BOSCHI (1964, p. 67, pi. 3, fig. k, 1, pi. 6, fig. 1) sont à rapporter à abbreviatus et non à chilensis. Les pléopodes sexuels 1 et 2 figurés par BOSCHI (ibid., pi. 3, fig. k, 1) ont les mêmes caractères que ceux figurés ici pour l'un des syntypes mâles de C. abbreviatus (fig. 13 D, E).

Corystoides chilensis Lucas, 1844

(PL 1, fig. 1) Corystoides chilensis Lucas, 1844, p. 32 ; atlas, pi. 16, fig. 1 ; Nicolet in Gay, 1849, p. 179 ; Rathbun, 1910c, p. 577 ; Porter, 1918, p. 52 ; cf. Rathbun, 1930, p. 174 ; Porter, 19366, p. 152 ; 1936c, p. 338 ; Garth, 1957, p. 46. nec Corystoides chilensis, Rathbun, 1930, pi. 78 = C. abbreviatus A. Milne Edwards (cf. infra).

MATÉRIEL EXAMINÉ. 2 syntypes

Corystoides abbreviatus ? A. Milne Edwards, 1880

(Fig. 5 H, I, 7 A, 8 B, 9 A, 10 A, 11 B, 12 D, 13 D-F ; pi. 1, fig. 2, 3)

Corystoides abbreviatus A. Milne Edwards, 1880, p. 20 ; Bohn, 1901, p. 216, fig. 86 ; A. Milne Edwards et Bou­ vier, 1923, p. 309, pi. 2, fig. 7, pi. 4, fig. 6, pi. 5, fig. 1. Corystoides chilensis, Rathbun, 1930, p. 174, pi. 78 ; Bouvier, 1942, p. 33-37, fig. 17 ; Boschi, 1964, p. 67, pi. 3, fig. k, 1, pi. 6, fig. 1 ; 1966, p. 453 ; Boschi et Scelzo, 1970, p. 113-124, fig. 1, pi. 1-6.

MATÉRIEL EXAMINÉ.

3 syntypes $ (dont celui de 20 X 18 mm mesuré et cité par A. MILNE EDWARDS, 1880, p. 20 ; cf. aussi les remarques d'A. MILNE EDWARDS et BOUVIER, 1923, p. 309), 2 syntypes $, 7 syntypes juv., Montevideo, «Hassler » (Agassiz) 1-99, 7 brasses (MP-B3). 1 cotype (J juv., Rio de la Plata, au large de Montevideo, « Hassler », 7 brasses (MP-B4). 1 cotype $ juv., dans le Rio de la Plata, Montevideo, 7 brasses (MP-B5).

REMARQUES BIOGÉOGRAPHIQUES ET ÉCOLOGIQUES.

Comme nous l'avons vu plus haut, on a tendance aujourd'hui à considérer Corystoides comme un genre monospécifique présent aussi bien sur la côte pacifique du continent sud-américain, à savoir au Chili (de Valparaiso à Talcahuano), que sur la côte atlantique, à savoir en Uruguay et en Argentine, mais ne se répandant pas au sud de ces régions. Il y aurait donc un hiatus important dans sa distri­ bution. BOSCHI (1964, p. 68), par exemple, fait remarquer que Corystoides n'est pas représenté dans un grand secteur de la Patagonie. C'est pourquoi, peut-être, vaut-il mieux envisager deux espèces distinctes, isolées, le nom de chilensis devant être réservé à la forme localisée au Chili. Il n'y a guère d'observations sur les habitudes du genre Corystoides. Nous n'avons aucune pré­ cision en ce qui concerne son habitat au Chili. A. MILNE EDWARDS (1880, p. 20) signale simplement une capture à 13 m de profondeur pour le Corystoides abbreviatus péché dans le Rio de la Plata. Si BOHN (1901, p. 216, 217) considère ce Crabe comme « profondément adapté à la vie fouisseuse », c'est parce que les spécimens de Montevideo examinés par lui étaient « recouverts en partie d'une boue grisâtre » et parce qu'y sont reconnaissables des structures comparables à celles des Corystes, fouis­ seurs incontestables. Les habitudes fouisseuses des Corystoides sont en effet confirmées par BOSCHI et SCELZO (1970, p. 114) : les Corystoides argentins de Mar del Plata, récoltés à des profondeurs variables entre 2 et 10 m, vivent « complètement enfoncés dans le sable, ne se découvrant que pour se nourrir ».

Genre Acanthocyclus Lucas, 1844 x

Acanthocyclus Lucas, 1844, p. 29 ; Nicolet in Gay, 1849, p. 175 ; Dana, 1851c, p. 121, 131 ; 1852c, p. 49, note ; 1853, p. 1548, 1560 ; Strahl, 1862a, p. 713-717 ; Lenz, 1902, p. 752 ; Rathbun, 18986, p. 597 ; 1930, p. 171 ; Bouvier, 1942, p. 33-37 ; Hemming, 1958, p. 12. Plagusetes Heller, 18626, p. 562.

ESPÈCE TYPE. — Acanthocyclus gayi Lucas, 1844, par monotypie (cf. RATHBUN, 19226, p. 25 ; HEMMING, 1958, p. 12).

1. Voir la note 2 au début de l'historique concernant les Belliidae. FAMILLE DES BELLIIDAE 23

ESPÈCES INCLUSES.

Acanthocyclus gayi Lucas, 1844 Acanthocyclus albatrossis Rathbun, 1898 Acanthocyclus hassleri Rathbun, 1898

Acanthocyclus gayi Lucas, 1844

(Fig. 3 A, 5 C, D, 11 F, 14 A, G, H ; pi. 1, fig. 7)

Acanthocyclus gayi Lucas, 1844, p. 30, pi. 15, fig. 1 ; Rathbun, 1910c, p. 581 ; Doflein et Balss, 1912, p. 38. ? Acanthocyclus Gay [sic], Cano, 1888, p. 163, 175 : Porto Bueno ; 1889a, p. 91, 98 ; 1889è, p. 223 (cit.).

Pour la synonymie complète, cf. RATHBUN, 1930, p. 171, pi. 75, pi. 76, fig. 4.

Bouvier, 1942, p. 35, fig. 18; Garth, 1957, p. 41 ; Garth, Haig et Yaldwyn, 1967, p. 180; del Solar, Blancas et Mayta, 1970, p. 26 ; Chirichigno, 1970, p. 45, fig. 104 ; Fagetti et Campodônico, 1970, p. 63-78, fig. 1- 8 (dév. larvaire).

MATÉRIEL EXAMINÉ.

2 syntypes secs, 1

REMARQUES SUR LE MATÉRIEL TYPE à?Acanthocyclus gayi Lucas

Dans la collection sèche du Muséum national d'Histoire naturelle figurent un certain nombre à'Acanthocyclus déterminés A. gayi. On peut considérer que les spécimens étiquetés « Chili, M. D'OR- BIGNY » ou « Chili, M. GAY » représentent le matériel type à'Acanthocyclus gayi Lucas, 1844, récolté au cours du « Voyage dans l'Amérique méridionale ». D'autres spécimens portent la mention « Tal- cahuano, Zélée » ; d'autres encore, seulement « Chili ». Or, l'examen de tous ces Crabes a montré que sous le nom de gayi figuraient non seulement le vrai gayi mais aussi albatrossis et hassleri. Plusieurs échantillons comportent même l'une et l'autre espèce. Les spécimens qui constituent en fait les types d'Acanthocyclus gayi n'appartiennent pas tous à gayi, si bien figuré par LUCAS (atlas, pi. 15, fig. 1-1 f) : ce matériel typique comprend de vrais gayi et aussi hassleri. Nous choisissons donc un lectotype pour A. gayi : un spécimen $ sec de 19,5 X 21 mm, qui est certainement celui figuré grandeur nature par le « jeune collaborateur » de H. MILNE EDWARDS — c'est ainsi que ce dernier désigne LUCAS dans une note de la page 17 des Crustacés de l'Amérique méridionale — et dont les mesures indiquées cor­ respondent parfaitement. 24 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

Acanthocyclus albatrossis Rathbun, 1898

(Fig. 3 B, 5 F, G, 6 G-I, 7 C, 8 C, 9 C, 10 C, 11 E, 12 F, 14 E-F ; pi. 1, fig. 5, 8)

Acanthocyclus albatrossis Rathbun, 18986, p. 599 ; 1910c, p. 581 ; Bouvier, 1942, p. 35 ; Garth, Haig et Yal- dwyn, 1967, p. 181. Pour la synonymie complète, cf. RATHBUN, 1930, p. 172, pi. 76, fig. 2,3, 5, 6, pi. 77 ; GARTH, 1957, p. 42.

MATÉRIEL EXAMINÉ.

1 cotype Ç 18 X 21 mm, Patagonie, Port Otway, « Albatross », U.S.N. Mus. 1900 (MP-B7). Nombreux spécimens $ et $, det. A. albatrossis (—A. gayi Strahl non Edw. et Lucas), Chili, Valparaiso, C. E. PORTER 1911 (MP-B8). Spéc. en mauvais état, det. A. gayi, Chili, Lota, Amiral SERRES 1602-77 (MP-B9). 1 (J, BOUVIER det., environs de Valparaiso, Curaumilla, C. E. PORTER coll. mars 1905 (MP-B10). 2 & det. A. gayi, Talcahuano, « Zélée » (MP-B2090S). 2 & det. A. gayi, Talcahuano, « Zélée » (MP-B2091S). 1

Acanthocyclus hassleri Rathbun, 1898

(Fig. 3 C, 5 E, 6 E, F, 11 D, 14 B-D ; pi. 1, fig. 9)

Acanthocyclus hassleri Rathbun, 189Ô6, p. 599, pi. 43, fig. 1 ; Lenz, 1902, p. 754 ; Nobili, 1901c, p. 8 ; 1902, p. 235 ; Rathbun, 1910c, p. 581 ; 1930, p. 173, fig. 28, pi. 76, fig. 1 ; Garth, 1957, p. 45 ; Chirichigno, 1970, p. 45.

MATÉRIEL EXAMINÉ.

1 $, H. MILNE EDWARDS et LUCAS det. A. gayi, Chili, M. d'ORBiGNY (MP-B2089S:3). À l'origine, l'un des syntypes d'Acanthocyclus gayi ; les deux autres spécimens, 2089S:1 et 2089S:2, sont bien A. gayi ; cf. sous A. gayi. 1 $ 17 X 20 mm, H. MILNE EDWARDS et LUCAS det. A. gayi, Chili, M. d'ÛRBiGNY (MP-B2094S:2). Cf. sous A. gayi. 1 çj, det. A. gayi, Talcahuano, « Zélée » (MP-B2095S:1). Un autre spécimen du même échantillon est A. albatrossis (MP-B2095S:2). 2 (J 27 X 30 mm, 24 X 27 mm, det. A. albatrossis Rathbun (= A. gayi H. Milne Edwards et Lucas), Callao, M. GAUDICHAUD (MP-B2087S) ; le spécimen de 24 X 27 mm est régénéré et devient MP-B11. 1 <£, det. Acanthocyclus albatrossis, Chili, Prov. de Valparaiso, Curaumilla, C. E. PORTER 1909 (MP- B12). 4 $ (la plus grande mesure 31 X 34 mm), det. A. albatrossis Rathbun = A. gayi Strahl non Edw. et Lucas, Chili, C. E. PORTER 1911 (MP-B14:3-6). Deux autres spécimens du même échantillon sont A. gayi (MP- B14:l-2).

REMARQUES BIOGÉOGRAPHIQUES ET ÉCOLOGIQUES SUR LE GENRE Acanthocyclus

La séparation du genre Acanthocyclus en gayi, albatrossis et hassleri est l'œuvre de RATHBUN (18986, p. 597-599 ; 1930, p. 171-173), qui fournit un tableau des caractères permettant de différencier les trois espèces. GARTH (1957, p. 41-46), qui a examiné un important matériel d'Acanthocyclus, recon­ naît également les trois espèces ; il fait remarquer que le caractère rapport longueur-largeur de la FAMILLE DES BELLIIDAE 25 carapace est sujet à variation chez albatrossis et chez hassleri et que le premier pléopode sexuel est apparemment le même chez ces dernières. Cela, joint au fait que hassleri remplace albatrossis au nord de Talcahuano (Chili), amène GARTH à envisager l'hypothèse selon laquelle hassleri pourrait être une sous-espèce géographique d'albatrossis. Les trois espèces habitent les côtes sud-américaines, principalement le littoral pacifique. Gayi est connu du Pérou jusqu'au sud du Chili et à l'île Chiloé. Albatrossis est connu du Chili jusqu'à la Terre de Feu et aux îles Falkland. Hassleri, primitivement connu seulement du Chili et mentionné à Panama, vient d'être récem­ ment signalé en Equateur et au Pérou (CHIRICHIGNO, 1970, p. 45). Les espèces cohabitent donc toutes trois au Chili et, parfois, se retrouvent à deux, gayi-hassleri ou bien hassleri-albatrossis, dans les mêmes localités : Valparaiso, Talcahuano, Saint-Vincent, Anto- fagasta. Il serait intéressant de voir comment se répartissent les populations. Gayi et hassleri cohabitent à Montemar au Chili, d'après les données de GARTH (1957, p. 42r 43 ; cf. aussi FAGETTI et CAMPODONICO, 1970, p. 63). Ces deux espèces cohabitent également au Pérou. Le simple examen des Acanthocyclus conservés au Muséum d'Histoire naturelle révèle la présence fréquente d'au moins deux espèces dans la même localité. En effet, un même échantillon contient souvent deux Acanthocyclus différents : ainsi, gayi et hassleri dans les échantillons chiliens (MP-B2089S, MP-B2094S et MP-B14). De même, il apparaît que hassleri et albatrossis cohabitent à Talcahuano- (cf. l'échantillon MP-B2095S) et à Curaumilla. Confirmation de ces faits est apportée par GARTH (1957). Par ailleurs, l'ancien matériel du Muséum atteste la présence d'A. hassleri au Pérou, à Callao (où se trouve également gayi), alors que, jusqu'en 1970, on le connaissait uniquement du Chili. La mention) d'^4. hassleri au Pérou vient d'être faite par CHIRICHIGNO (1970, p. 45).

Le milieu de vie des Acanthocyclus n'est connu que depuis peu. GARTH (1957, p. 42) indique pour des A. gayi du Chili : « shore to 8 fms », à divers niveaux de la zone intertidale, dans des cuvettes aux côtés d'une Algue brune, ou parmi des « Corallina », ou sous la Moule Hormomya granulata. GARTH,. HAIG et YALDWYN (1967, p. 180) signalent A. gayi à l'île Chiloé dans la zone à Lessonnia ou, plus bas,, dans la zone à Durvillea. GARTH (1957, p. 42) rapporte pour Acanthocyclus albatrossis une localisation au niveau des basses mers, là où la récolte peut se faire à la main, avec, notamment dans une station, sa cohabitation avec des Balanidés. GARTH, HAIG et YALDWYN (1967, p. 181) signalent A. albatrossis dans la zone à Iridea et parmi des Moules dans la partie inférieure de la zone médiolittorale sur l'île Chiloé ; sous les pierres dans la zone médiolittorale ou dans des cuvettes rocheuses de la partie inférieure de la zone médio­ littorale sur l'île Wellington (Puerto Edén) ; dans la zone médiolittorale sur l'île Bertrand. Pour Acanthocyclus hassleri, GARTH (ibid., p. 45) relate la présence d'une douzaine d'individus adultes sous une Moule du genre Hormomya, dans la même station chilienne et le même biotope qu'u4. gayi, cité plus haut. De ces données peu nombreuses mais précises, il ressort que les Acanthocyclus vivent à de très faibles profondeurs, dans la zone intertidale, surtout au niveau inférieur, associés à d'autres organismes animaux ou à des Algues. Il n'est nulle part mentionné qu'ils aient été trouvés enfouis dans le sable.

CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES DIFFÉRENTIELS DES Acanthocyclus

La plus grande partie des Acanthocyclus que nous avons examinés étant à l'état sec, nous n'avons, pu observer parfaitement certains caractères. Néanmoins, nous ajouterons quelques remarques à celles déjà formulées par RATHBUN (1930) et par GARTH (1957). Une particularité d'Acanthocyclus gayi semble être la pilosité de la face dorsale de la carapace r « tomentosité longue, peu serrée, parmi laquelle sont des bouquets de poils placés çà et là » (LUCAS,, 1844, p. 30). De telles touffes de soies ne paraissent exister ni chez A. hassleri ni chez A. albatrossis (chez albatrossis il y a des soies rares, parfois réunies en touffes peu denses). Chez hassleri et albatrossis, par ailleurs, la moitié antérieure de la carapace porte des ponctuations, absentes chez gayi. 26 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES La pilosité des pattes ambulatoires distingue également A. gayi des deux espèces. Chez A. has­ sleri (fig. 5 E), les pattes ambulatoires 2 à 5 portent une épaisse frange de longues soies sur le bord supérieur du mérus, du carpe et du propode ; des touffes de soies placées en couronne cernent la base trapue du dactyle. Chez A. albatrossis (fig. 5 F, G), le bord supérieur des articles de p2 à p5 est garni d'une épaisse frange de longues soies ; la base renflée du dactyle est tomenteuse et s'orne de quelques touffes de soies à la face inférieure. Chez A. gayi (fig. 5 C, D), la pilosité ( que nous observons malheureusement en grande partie sur des spécimens secs) est beaucoup plus fournie que chez les espèces précédentes : sur le mérus de p2 à p5, une épaisse frange de soies le long du bord supérieur ; sur le carpe de p2 à p5, une très épaisse frange le long du bord supérieur et une autre à mi-hauteur sur la face externe ; sur le propode de p2 à p5, une frange le long du bord supérieur et sur p2 et p3, en plus, une autre, surtout longue sur p2, à la face interne ; toujours sur le propode de p2 à p5, à mi-hauteur sur la face externe, une frange, ne s'éten- •dant que dans le tiers proximal sur p2 et p3 et, au contraire, bien développée sur p4 et surtout sur p5.

L'armature du bord antéro-latéral rapproche A. gayi et A. albatrossis, et éloigne A. hassleri •de ces dernières. Dans son tableau de discrimination des trois espèces, RATHBUN (1930, p. 171) note pour A. gayi « latéral teeth intermediate » et pour A. albatrossis « teeth prominent, acute ». Pour notre part, nous observons chez A. gayi — et notamment sur le matériel type — sept dents de taille équi­ valente, étroites et saillantes, tandis que chez A. albatrossis (cotype et autres spécimens) elles se pré­ sentent comme irrégulières, élargies à la base, plus basses et souvent émoussées. Chez A. hassleri (fig. 14 B, C), le faciès est fort différent : sur la carapace, globuleuse, les dents antéro-latérales apparaissent comme •des lobes tronqués, plus ou moins allongés, constituant comme des petites plates-formes, surmontées d'un tomentum ; sur nos deux grands hassleri de Callao, les deux dernières dents sont presque réduites à un tubercule. A noter qu'.A. hassleri atteint une grande taille : notre plus gros exemplaire, une $, mesure 31 X 34 mm (MP-B14).

Un autre caractère qui distingue les trois espèces est l'article basai antennaire. Chez A. gayi (fig. 3 A), il se présente comme un lobe arrondi, proéminent, venant tout d'une pièce coiffer largement, et en remontant par dessus, le bord frontal entre l'antennule et l'orbite, de sorte qu'il est bien

FIG. 3 A-C. — Antenne, profil interne, dans le genre Acanthocyclus Lucas. A, Acanthocyclus gayi Lucas, syntype cj 14,5 X 17 mm, Chili (MP-B2089S:2) ; B, A. albatrossis Rathbun, (? 19 X 21 mm, Valparaiso (MP-B8) ; C, A. hassleri Rathbun, ^ 24 X 27 mm, Callao (MP-B11, ex 2087S:2). ( X 11). a.b., article basai antennaire ; a.pt., avancée ptérygostomienne ; d.i., dent infraorbitaire interne ; l.f., lobe frontal externe ; o.u., opercule urinaire ; p.o., pédoncule oculaire ; s, soie terminale antennaire ; s.a., saillie sur l'article basai antennaire. FAMILLE DES BELLIIDAE 27 "visible dans une vue dorsale du Crabe. Chez A. albatrossis (fig. 3 B), l'article basai antennaire remonte moins vers le front et porte un lobe assez saillant, situé nettement en arrière de la jonction de l'article basai avec le front. Chez A. hassleri (fig. 3 C), l'article basai s'avance peu, comme chez albatrossis, mais il est seulement un peu renflé, parfois à peine. A noter aussi une fossette anténnulaire un peu moins étroite chez A. albatrossis que chez A. gayi et A. hassleri. Un caractère différentiel, non remarqué semble-t-il, concerne les pattes ambulatoires. Chez A. gayi (fig. 5 C, D) et chez A. hassleri (fig. 5 E), elles sont courtes, trapues, et le dactyle forme un crochet épais à la base et fortement incurvé ; c'est chez hassleri que le dactyle est le plus épaissi à la base, tandis que, chez gayi, il est dans son ensemble plus long, plus effilé et se termine par un ongle relativement plus allongé et plus aigu. Les pattes ambulatoires sont plus allongées et plus grêles chez A. albatrossis (fig. 5 F, G) où, au surplus, le dactyle est, comparativement à hassleri et à gayi, plus allongé, plus étroit à la base et moins crochu.

L'abdomen mâle permet de bien distinguer A. gayi des deux autres espèces, surtout d'A. alba­ trossis (fig. 10 C). Chez A. gayi (fig. 14 A), l'abdomen paraît plus étroit dans son ensemble ; les 6e et 7e segments sont relativement beaucoup plus allongés, surtout le dernier qui, en outre, se rétrécit, notamment dans toute la moitié distale. Chez les trois espèces d'Acanthocyclus, lorsque l'abdomen du mâle est rabattu, le sternite 8 est visible, en particulier au niveau de l'épisternite 7. Ainsi, chez le mâle d'A. gayi (fig. 11 F), une assez large portion du sternite 8 est découverte à ce niveau ; chez A. hassleri, cette partie visible du sternite 8 est plus faible ; chez A. albatrossis (fig. 11 E), c'est une étroite portion du sternite 8 qui apparaît entre l'abdomen replié et l'épisternite 7. Le sternite 8 est également visible entre le premier article abdominal et la coxa de p5 (fig. 11E, 11F).

En ce qui concerne les pléopodes sexuels mâles, nous constatons comme GARTH (1957, p. 45) que le pli est sensiblement le même chez A. albatrossis (fig. 14 E) et chez A. hassleri (fig. 14 D) : bien développé dans son ensemble, il s'incurve en même temps qu'il s'amincit progressivement dans tout le tiers distal ; sur le bord concave, des poils plumeux, notamment une série de poils bien plus longs en arrière de la partie distale effilée, qui, elle, est glabre ; une autre touffe de soies mais plus réduite, au même niveau, sur le bord convexe. Par contre, chez gayi (fig. 14 G), le pli $ n'est pas effilé : au-delà de la base un peu renflée, il conserve à peu près la même largeur jusqu'à l'apex, lequel est seulement un peu rétréci juste à la pointe ; par ailleurs, chez gayi, les deux franges de longues soies, l'une impor­ tante sur le côté concave, l'autre moins étendue sur le côté convexe, s'insèrent plus bas sur l'appendice ; en outre, toute la moitié distale, est parsemée de petits tubercules. Le pl2 n'est pas sensiblement diffé­ rent chez les trois espèces d1Acanthocyclus (cf. fig. 14 F, H).

Genre Heterozius A. Milne Edwards, 1867

Heterozius A. Milne Edwards, 18676, p. 275 ; Miers, 18766, p. 15 ; Balss, 1930, p. 203 ; 1957, p. 1636 ; Richard- son, 1949a, p. 32 ; 19496, p. 130 ; Hemming, 1958, p. 16 ; Bennett, 1964, p. 66, 68 ; Wear, 1968, p. 294, 326-328 ; Dell, 19686, p. 229, 235, 236, fig. 1.

ESPÈCE TYPE. — Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards, 1867, par monotypie (cf. RATH- BUN, 19226, p. 27 ; HEMMING, 1958, p. 16).

ESPÈCE INCLUSE. — Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards, 1867. 28 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards, 1867

(Fig. 5 J, K, 6 J-L, 7 D, 8 D, 9 D, 10 D, 11 G, 12 E, 13 G-I ; pi. 1, 0g. 6, 10)

Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards, 18676, p. 275 ; Miers, 18766, p. 15 ; Hutton, 1882 (ouvrage non consulté) ; Filhol, 18856, p. 372, pi. 44, fig. 6l ; Lenz, 1901, p. 459 ; McNeill, 1926a, p. 131 (note) ; Chil- ton et Bennett, 1929, p. 746 ; Balss, 1930, p. 203, 204, fig. 5, 6 ; Dell, 1960, p. 6 ; 1963a, p. 47 ; 19686, p. 229, 230, 232, etc. ; Bennett, 1964, p. 66, fig. 72, 131 ; Wear, 1968, p. 294, 297-307, 326, fig. 1-25.

MATÉRIEL EXAMINÉ 2.

2 <£ 12 X 15,5 mm, 10 X 13 mm, 1 $ 13 X 18 mm, Nouvelle-Zélande (MP-B3998S). [Nous considérons ces trois spécimens comme les syntypes ^Heterozius rotundifrons, et nous choisissons le spécimen $ comme lectotype car ses dimensions correspondent aux mesures (13 et 18 mm) mentionnées par A. MILNE EDWARDS lors de la description de l'espèce. Les deux autres spécimens sont des paralectotypes. La provenance : Nouvelle- Calédonie, mentionnée lors de la description originale d'Heterozius rotundifrons, résulterait d'une erreur d'impres­ sion selon FILHOL (18856, p. 373) qui affirme l'origine néo-zélandaise de l'espèce]. 1

REMARQUES.

Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards est le monotype d'un genre endémique 2 de Nouvelle- Zélande. L'espèce vit dans la zone intertidale parmi les rochers. BENNETT (1964, p. 66), d'après des notes manuscrites de CHILTON, indique que le Crabe se présente soit à moitié enfoui dans la vase, le corps étant vertical, soit caché entre les pierres. DELL (1963a, p. 47) rapporte que l'espèce est parfois trouvée sous les pierres mais que souvent « thèse will also burrow into sandy or muddy crevices among rocks ». La carapace est du reste souvent habillée de vase. Les pattes thoraciques (fig. 5 J, K) à'Heterozius rotundifrons sont courtes et trapues, bien distinctes de celles caractérisant les genres Bellia, Corystoides et Acanthocyclus. Comme nous l'avons vu dans l'historique des Belliidae, le genre Heterozius est encore aujour­ d'hui souvent considéré comme un Xanthidae, bien que BALSS (1930, p. 203 ; 1957, p. 1636), lui recon­ naissant des traits corystiens, l'ait transféré dans les Atelecyclidae. La morphologie de l'adulte est

1. Dans son texte p. 372, FILHOL indique pour Heterozius rotundifrons : fig. 5-6 ; dans ses légendes : fig. 6 et 7, tandis que pour Megametope rotundifrons (H. Milne Edwards), dont le nom prête à confusion et qui doit bien être dis­ tingué à'Heterozius rotundifrons, il donne : pi. 44, fig. 3-5. En fait, si la figure 6 représente bien Heterozius rotundifrons le maxillipède figuré fig. 7 ne semble nullement appartenir à cette espèce ; la pince de la figure 5, bien qu'imparfai­ tement ressemblante, est peut-être celle à'Heterozius. 2. DELL (19686, p. 232) n'inclut pas Heterozius rotundifrons dans la faune des îles Chatham. L'espèce aurait pour­ tant été signalée aux îles Chatham par HUTTON (1882 ; ouvrage non consulté), cf. CHILTON et BENNETT, 1929, p. 746. Dans la collection MORTENSEN du Musée de Copenhague, dont le Dr T. WOLFF nous a confié l'étude, nous venons de trouver un spécimen femelle qui semble identifiable à Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards : l'étiquette porte « ofî Jolo, Philippines, 22-40 m, Lithothamnion, bottom, 17-3-1914, Th. MORTENSEN ». S'il ne s'agit pas d'une erreur d'étiquette, cette donnée de capture modifie totalement ce que l'on croit de la distribution géographique à!Heterozius rotundifrons. FAMILLE DES BELLIIDAE 2a fort particulière. Les caractères larvaires sont également originaux, ainsi que WEAR (1968) l'a bien souligné. D'après cet auteur, l'étude de ces caractères suggère qu'Heterozius est un Crabe spécialisé, une forme à part, sans liens apparents avec d'autres Brachyoures. Rappelons certaines particularités du développement larvaire d'Heterozius rotundifrons (cf. WEAR, 1968) : 1° Les œufs relativement plus gros que chez les Xanthidae et seulement deux stades zoé après le stade prézoé. On sait que ces deux caractères sont souvent liés. D'après WEAR, le développement larvaire abrégé serait en çapport avec l'aire d'habitation restreinte — zone intertidale — qu'occupent les rotundifrons adultes. La longueur de la vie libre au stade larvaire étant réduite, la dispersion est limitée et la population se main­ tient à l'intérieur d'une petite niche écologique. 2° La prézoé privée des aesthétasques habituels sur l'antennule, l'antenne et le telson. Cela pourrait être l'indice de relations phylogéniques avec les familles de Crabes brachyrhynques les plus différenciées, chez lesquelles ces processus manquent aussi. La réduction de la cuticule chez la prézoé peut être assimilée à cette même tendance qui se rencontre chez les familles les plus évoluées de Brachyrhynques — ce serait alors un signe de parenté — mais il se peut bien que ce caractère apparaisse comme un résultat du développement abrégé. 3° Des traits morphologiques particuliers caractérisant les stades zoé, par exemple l'antenne munie d'un très long prolongement spinuleux. 4° Une mégalope hautement spécialisée, dotée de caractères différents de ceux de la plupart des méga- lopes connues. Rappelons que FAGETTI et CAMPODONICO (1970) ont rapproché les caractères larvaires d'Acanthocyclus gayi de ceux à'Heterozius rotundifrons. Chez A. gayi, le développement n'est pas abrégé (il y a quatre stades zoé plus la mégalope) comme chez H. rotundifrons, et le telson de la mégalope, qui porte deux lobules terminés chacun par une longue épine et par trois courtes épines plumeuses, serait — à la connaissance des auteurs •chiliens — un cas unique parmi les Crabes. Un tel caractère ne se retrouve pas chez Heterozius. Mais la struc­ ture de l'antenne aux stades zoé et les caractères tout à fait spéciaux de la mégalope à.'A. gayi (antenne courte, réduite ; par contre, antennule développée, comme chez l'adulte ; absence d'uropodes ; seulement quatre paires de pléopodes) se rapprochent de ce qui existe chez H. rotundifrons. 30 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

PARTICULARITÉS ÉCOLOGIQUES ET ÉTHOLOGIQUES DES BELLIIDAE

Nous avons à notre disposition à peine plus de données écologiques et éthologiques sur le« Belliidae que BOUVIER n'en possédait lors de son étude des Corystoidea (1942). Rien n'est connu du comportement de Bellia par observation directe : ce sont le faciès et des traits « corystiens » qui font conclure à des habitudes fouisseuses chez ce Crabe : cette conviction est renforcée par les analogies que présente Bellia avec Corystoides, son plus proche parent, genre placé par BOHN (1901, p. 216-218) parmi les Crabes à vie fouisseuse exclusive. Et, en effet, BOSCHI et SCELZO (1970, p. 114) viennent de confirmer que les Corystoides vivent enfouis dans le sable. En revanche, aucune des trois espèces d'Acanthocyclus n'a jamais été mentionnée comme fouis­ seuse. Les renseignements écologiques apportés par GARTH (1957) et par GARTH et al. (1967) sur les Brachyoures du Chili ne font nullement état d individus enfouis. On peut penser que, s'il y a enfouis­ sement, il n'est qu'occasionnel. Quant à Heterozius, ce serait un Crabe sédentaire, pouvant demeurer partiellement dans le sable ou la vase mais le plus souvent logé sous les pierres : il n'est pas, et de loin, un fouisseur exclusif.

Ainsi, il semble acquis que Corystoides et, avec lui, Bellia seraient des fouisseurs par excellence, des animaux menant une vie endogée (peut-être cyclique ; chez Bellia se manifeste, semble-t-il, une tendance à la natation), qu Heterozius serait tout au plus un fouisseur passager, et qu'Acanthocyclus ne pratiquerait pas l'ensablement. Et, effectivement, tous les caractères morphologiques des deux premiers genres, Corystoides et Bellia, révèlent une parfaite adaptation à la vie fouisseuse : par exemple^ les pattes ambulatoires (fig. 5 A, B et 5 H, I) sont typiquement celles de Brachyoures fouisseurs. Ce sont également des Crabes filtreurs ainsi que l'indique la présence de cribles en tubes antennulaires et de crible prostomial. Les antennules de Bellia (fig. 7 B) et de Corystoides (fig. 7 A) sont très grandes^ étendues en avant et forment un tube frangé de longues soies qui joue le même rôle de filtre que celui constitué par les antennes apposées dans le genre Corystes. Chez les Hippidea, Crustacés par excellence fouisseurs, il existe un tel canal respiratoire antennulaire (cf. infra). Les soies qui garnissent toute la région fronto-buccale de Corystoides et de Bellia contribuent également à filtrer l'eau du courant inspi- ratoire avant son entrée dans l'antichambre respiratoire, à savoir la chambre prostomiale, bien déve­ loppée chez ces deux genres. Par contre, chez les deux autres genres, Acanthocyclus et Heterozius, ne se décèlent pas de trait» provenant de l'adaptation au fouissage, et cribles antennulaires et cribles filtrants n'existent plus^ Dans le genre Acanthocyclus (fig. 7 C), il y a bien une antennule libre, étendue en avant, mais elle est courte, glabre, et ne forme pas avec l'autre antennule, laquelle est, en outre, éloignée, un tube filtrant. Chez Heterozius, les antennules sont repliées sous le front. Dans aucun de ces deux genres, il n'y a de chambre prostomiale et les pattes thoraciques ne semblent pas spécialement outillées pour fouir le sable ou la vase.

RESPIRATION À COURANT D'EAU INVERSÉ CHEZ LES FOUISSEURS

Le mécanisme respiratoire des Brachyoures qui s'enfouissent présente certaines particularités qui méritent d'être rappelées, au moins brièvement. On sait que, chez les Crabes qui passent une partie de leur existence dans le sable, le système respiratoire est profondément modifié : le courant d'eau respiratoire est inversé pendant toute la durée de l'enfouissement, avec parfois l'intervention de quelques courtes poussées de flux normal (cf. GARSTANG, 1896 ; BOHN, 1901 ; ARUDPRAGASAM et NAYLOR, 1966). FAMILLE DES BELLIIDAE 31

Voici ce qui se passe chez Corystes cassivelaunus (Pennant), qui s'enterre complètement dans le sable : les antennes seules dépassent légèrement ou arrivent juste au ras de la surface, la présence du Crabe ne se signalant alors que par une petite ouverture de 1-2 mm de diamètre (cf. SCHAFER, 1954, p. 20, fig. 28 ; HARTNOLL, 1972, p. 140-143, fig. 1, 2). L'eau afférente traverse le tube filtrant constitué par les antennes très développées et dont les rangées de soies, en se rapprochant et s'entrecroisant, retiennent les particules de sable ; ensuite, elle pénètre dans la chambre prostomiale située en avant de la bouche et munie de dispositifs formant un crible parfait pour filtrer l'eau inspirée ; puis l'eau gagne latéralement les profondeurs delà chambre branchiale en ayant abandonné les dernières parti­ cules sableuses aux soies des appendices buccaux. Le courant s'établit dans la chambre grâce aux oscillations de l'exopodite (scaphognatite) de la mâchoire postérieure (mx2). L'eau afférente sort par les fentes qui séparent le bord branchiostégien du sternum thoracique, au niveau des pattes. Les branchies reçoivent donc l'eau directement de la surface ; eau pure et air en nature sont aspirés dans la chambre branchiale, les branchies ne sont pas ensablées, l'eau est constamment aérée. Pendant l'activité du fouissage, le courant d'eau respiratoire oscille et il se produit des chasses d'eau en avant et en arrière qui nettoient les orifices de la chambre branchiale. Il est fort probable, au regard de leurs dispositions morphologiques, que Corystes, Bellia et Corys- toides, après s'être enfouis à l'aide de leurs pattes aplaties, restent immobiles et pratiquent alors presque exclusivement la respiration en sens inversé par le mouvement oscillatoire du scaphognatite : la voie respiratoire comporte le tube antennaire ou antennulaire, la chambre prostomiale et les gouttières latérales. Par contre, Acanthocyclus et Heterozius, qui ne sont pas pareillement outillés pour le fouissage, ne le sont pas non plus pour filtrer efficacement l'eau du courant inspirateur. Chez eux, la direction du courant doit normalement être directe et ne s'inverser que par moments, comme cela a été démon­ tré chez quelques espèces de Brachyoures. En effet, les Crabes possèdent à l'état normal la capacité physiologique de modifier le sens du courant respiratoire. Nous avons vu par ailleurs qu'Heterozius était un Crabe sédentaire, parfois à demi enfoui, le corps étant maintenu vertical. Il est fort probable qu'il pratique alors la respiration inversée, mais différemment des véritables fouisseurs, aucun de ses dispositifs n'étant propres à la filtration ; il est évident que les antennules, petites et repliées dans le logement antennulaire, ne peuvent pas participer à la pénétration de l'eau respiratoire. Selon WEYMOUTH (1914), chez Cancer magister, le courant d'eau normal entre par l'orifice inspi­ rateur à la base des chélipèdes et est rejeté en avant par les orifices expirateurs de part et d'autre du cadre buccal. Quand l' est enfoui, le sable est séparé de l'eau d'abord par les dents des bords en surplomb de la carapace, ensuite par les soies des flancs agissant comme un tamis. ARUDPRAGASAM et NAYLOR (1966) expliquent que chez Cancer pagurus, l'orifice de Milne Edwards à la base des chélipèdes est l'entrée normale du courant respiratoire mais que les orifices à la base des pattes ambulatoires (fente latéro-postérieure de la carapace) jouent aussi un rôle important pour la pénétration de l'eau dans l'organisme. L'établissement du courant inversé servirait à irriguer la face dorsale des branchies et l'espace épibranchial. Quand le Crabe est enfoui, la plus grande fréquence du courant inversé permettrait de baigner les branchies postérieures en l'absence d'une irrigation directe par l'intermédiaire des ouvertures postérieures, momentanément immergées. Ainsi, chez Cancer, comme chez Carcinus et Macropipus, le courant inversé ne serait pas originairement lié au filtrage des particules solides. Selon ces mêmes auteurs, chez un fouisseur tel que Corystes, le courant inversé servirait en premier lieu à préserver les branchies de l'ensablement ; en outre, faisant passer rapidement une eau beaucoup plus oxygénée, il améliorerait le rendement respiratoire. fl convient de rappeler ici le dispositif respiratoire qui existe chez les formes macrouriennes. Par exemple, chez Homarus où le corps est allongé et où la chambre branchiale l'est également, avec les branchies s'étalant latéralement dans une même direction, le bord du branchiostégite, qui n'est pas étroitement appliqué sur la base des pattes thoraciques, laisse entrer l'eau afférente chargée de particules solides. Cette eau pénètre tout le long de la chambre branchiale : le nettoyage des branchies est donc primordial, d'où l'établissement d'un courant inversé. Secondairement, le courant inversé permet une recirculation de l'eau sur les branchies et une meilleure oxygénation du sang.

k. :32 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES : . L'inversement du courant d'eau respiratoire se rencontre chez les Crevettes Pénéidés et serait, «écrit BOHN, un procédé phylogénétiquement très ancien. Sa fonction aurait changé au cours de l'évo­ lution des Décapodes. Chez les formes brachyouriennes, l'aplatissement dorso-ventral et le raccourcissement du corps -entraînent deux modifications. Tout d'abord, l'application étroite du branchiostégite le long du corps fait que l'accès de l'eau s'établit surtout en avant, à la base des chélipèdes. Par ailleurs, quand la cara­ pace se raccourcit, l'ensemble de l'appareil branchial acquiert une forme arquée et une partie des branchies s'orientent non plus latéralement mais vers l'avant, cela étant sans doute aussi lié au fait qu'un plus grand volume d'eau inhalée pénètre par l'orifice de Milne Edwards, situé en avant des branchies. La disposition en éventail des branchies exige une irrigation différente ; la situation tout à fait antérieure de l'orifice inhalant nécessite un détournement régulier et une circulation de l'eau •de l'arrière sur les branchies. On comprend donc l'importance du courant inversé. Pour illustrer cela, nous reproduisons (fig. 4 A-D) les schémas donnés par ARUDPRAGASAM et NAYLOR (1966, fig. 8).

A B

FIG. 4 A-D. — Vue semidiagrammatique de la chambre branchiale partiellement mise à nu. (D'après ARUDPRAGASAM et NAYLOR, 1966, fig. 8). A, Corystes cassivelaunus (Pennant) ; B, Carcinus maenas (Linné) ; C, Cancer pagurus Linné ; D, Macro- pipus puber (Linné). b, bord, découpé, du branchiostégite ; b6, branchie 6 ; b9, branchie 9 ; e, espace épibranchial. FAMILLE DES BELLIIDAE 33

TENDANCES ÉVOLUTIVES

Pour les caractères évoqués, aplatissement dorso-ventral et raccourcissement du corps, les quatre genres de Belliidae se présentent comme une série morphologique, sans dériver nécessairement l'un de l'autre : Beïlia —Corystoides, puis Acanthocyclus, enfin Heterozius (cf. fig. 2 A-D et pi. 1). Les trois termes de cette série correspondent, comme dans un raccourci saisissant, à l'évolution générale des Crabes, c'est-à-dire carcinisation de la carapace, acquisition de la brachygnathie. En effet, il ne fait pas de doute pour nous que Bellia, Corystoides, Acanthocyclus et Heterozius appartiennent au même groupe phylogénique. Ce n'est pas à une fonction commune, présente ou passée, le fouissage, mais à une unité d'origine que nous attribuons les ressemblances observées entre les genres. Si l'on considère les caractères structuraux ne dépendant ni de l'adaptation au fouis- sage ni d'autres éléments du mode de vie, l'on constate, compte tenu du niveau évolutif, des ressem­ blances certaines. Un exemple de l'unité structurale de ce groupe quadripartite est fourni par les pléo- podes sexuels mâles, dont le type d'organisation est similaire chez Bellia picta (fig. 13 A, B), Corys­ toides abbreviatus (fig. 13 D, E), chez les trois espèces à*Acanthocyclus ((fig. 14 D, E, G) et chez Hete­ rozius rotundifrons (fig. 13 G, H). Le plastron sternal constitue un autre caractère de signification phylogénique, certainement peu affecté par les modifications des organes liées au fouissage ou à d'autres fonctions déterminées par le milieu. On observe, d'une part, la communauté de structure du sternum thoracique chez les quatre genres et, d'autre part, l'élargissement de celui-ci en fonction du processus évolutif : d'étroit chez les formes primitives dont sont issus Corystoides (fig. 10 A) et Bellia (fig. 10 B), il devient large chez les formes plus évoluées, ainsi Acanthocyclus (fig. 10 C) et Heterozius (fig. 10 D). Une constatation s'impose : Bellia et Corystoides, fouisseurs et filtreurs, offrent manifestement certains caractères archaïques. La mise en place des caractères spéciaux permettant l'enfouissement dans le sable et le filtrage de l'eau a pu se réaliser d'autant plus facilement que les formes dont ces genres dérivent étaient peu différenciées, plus primitives. Par exemple, le développement des anten- nules en un siphon qui maintient un courant respiratoire inhalant s'est probablement fait à partir de formes possédant des antennules libres, étendues, non repliées dans une fosse antennulaire, du type Macroure. Chez Acanthocyclus et Heterozius, certaines dispositions ont disparu, les structures favorisant le fouissage et le filtrage ne se retrouvent pas et d'autres caractères apparaissent. Néan­ moins, ces deux genres conservent certains traits qu'ils tiennent des ancêtres communs à eux deux et à Bellia — Corystoides : ainsi, les antennules d'Acanthocyclus sont libres et étendues en avant comme elles l'étaient sans doute chez les premiers Belliidae, mais elles ne sont pas spécialisées pour prendre part à l'entrée de l'eau respiratoire. Un trait commun aux quatre genres est la curieuse terminaison antennaire, constituée par une soie, laquelle peut être flanquée d'une soie plus courte ou même de deux autres soies.

EXAMEN DES PRINCIPAUX CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES ET DÉTERMINATION DES AFFINITÉS PHYLOGÉNIQUES

Nous examinerons, structure par structure, les caractéristiques des représentants des Belliidae pour en rechercher les affinités phylogéniques.

1. — Forme du corps.

Étroite et longue chez Bellia (fig. 2 A ; pi. 1, fig. 3) et chez Corystoides (fig. 2 B ; pi. 1, fig. 1, 2), la carapace s'arrondit chez les Acanthocyclus (fig. 2 C ; pi. 1, fig. 7-9), où la largeur excède nettement la longueur (sauf chez de grands gayi où la longueur et la largeur s'équivalent à peu près ; cf. échan- 3 34 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES tillon MP-B14:l-2) et où, en plus, Je corps s'épaissit (surtout chez A. hassleri, où il est globuleux) et s'étale transversalement, très largement chez Heterozius (fig. 2 D ; pi. 1, fig. 10). Ce raccourcissement du corps, cet élargissement de la carapace, c'est, ici sur une petite échelle, le processus de carcinisation que l'on observe dans l'évolution des Décapodes. Selon BOHN (1901, p. 224-228), les diverses espèces de Cancer auraient perdu peu à peu les caractères dûs à la vie fouis­ seuse (chambre prostomiale, avancée méropodiale des mxp3, antennes rapprochées), et ce processus évolutif se serait accompagné de l'élargissement de la carapace et d'une calcification plus importante du tégument. Une corrélation du même ordre s'observe chez les Crabes qui nous occupent : l'affaiblis­ sement, la perte des caractères « corystidiens », s'accompagne de l'élargissement du corps. A celui-ci s'associe un aplatissement dorso-ventral de la carapace : d'épais chez Bellia, le corps s'amincit, jusqu'à devenir déprimé chez Heterozius. Ces modifications retentissent évidemment sur tout l'organisme, aussi bien, par exemple, sur l'orientation des pattes thoraciques que sur la morphologie de la chambre branchiale. Avec l'élargissement de la carapace coïncide aussi l'élargissement d'avant en arrière des sternites post-buccaux. En résumé, le faciès est encore macrourien chez Bellia et chez Corystoides ; au surplus, on notera chez ceux-ci la position verticale du branchiostégite, tandis que chez Acanihocyclus et surtout chez Heterozius le branchiostégite se place en position ventrale. Chez Corystoides et, à un degré moindre, chez Bellia, le ptérygostome, au-dessous de la ligne latérale, présente un bombement qui correspond à la gouttière du scaphognatite ; cette dilatation subvésiculaire (cf. BOUVIER, 1942, p. 37) est comparable à l'hypertrophie de cette région observée chez Corystes casswelaunus et qui a été mise en rapport avec la respiration inversée. BOHN (1901) a montré que, chez les Crabes à scaphognatite fonctionnant en sens inverse, ce dernier se fatigue moins si la chambre branchiale est longue et étroite et si elle occupe une position proche de la verticale. Nous ne savons pas avec précision si les Belliidae fouisseurs à carapace étroite et allongée occupent dans le sable une attitude voisine de la verticale, mais ils offrent ce bombement caractéristique de la région ptérygostomienne. On a montré que, parmi les modifications qu'entraîne la vie fouisseuse, il y a celles de la pigmen­ tation et de la calcification de la carapace. Par exemple, chez Corystes, la carapace est décolorée, la calcification est faible, l'ornementation réduite. BOHN (1901, p. 217, 218) constate un affaiblissement de la fonction « chitinogène » chez Corystoides : en effet, dans ce genre, le test paraît mince, presque transparent. Chez Acanihocyclus, le test semble plus épais.

2. — Chélipèdes.

Dans le genre Bellia, les pinces, relativement peu développées, sont presque égales (étroite homochélie) et les doigts portent des dents similaires (homodontie). Dans le genre Corystoides, il y a une nette hétérochélie, tout au moins dans le sexe mâle, et une forte hétérodontie. Dans le genre Acanthocyclus, l'hétérochélie est très accusée dans les deux sexes, notamment chez A. hassleri où nous avons vu des adultes de grande taille dotés d'une énorme pince à doigts tota­ lement dépourvus de dents et d'une petite pince à doigts ornés de dents faibles. Dans le genre Heterozius, fait extrêmement frappant, les pinces du mâle adulte sont presque identiques à celles rencontrées chez Acanthocyclus, surtout chez A. hassleri : à savoir, grosse pince avec main très dilatée et doigts lisses, petite pince très étroite, allongée, à doigts finement denticulés. Bien que la carapace et les pattes ambulatoires soient fort dissemblables dans les deux genres, l'étrange similitude des chélipèdes ne nous apporte-t-elle pas un indice de leur parenté ?

3. — Pattes ambulatoires.

Chez les deux genres de Belliidae vivant dans le sable, Bellia et Corystoides, les pattes thora­ ciques p2 à p5 sont profondément adaptées pour le fouissage et doivent être actionnées comme cela FAMILLE DES BELLIIDAE 35 a été décrit chez Corystes cassivelaunus (cf. GARSTANG, 1896; SCHAFER, 1954, p. 20, fig. 28). Elles offrent une conformation analogue et une orientation similaire par rapport à l'axe du corps. Elles sont comprimées latéralement et le dactyle est différencié pour permettre un enfoncement rapide dans le sable. Le dactyle est très allongé et styliforme sur p2 à p5 chez Corystoides (fig. 5 H, I), comme chez Corystes. Chez Bellia,, le dactyle prend une forme de lame élargie à la base, fortement comprimée et lancéolée sur p2, p3 (fig. 5 A) et p4 ; par contre, sur p5 (fig. 5 B), il forme une lancette assez large et frangée de soies sur le bord inférieur, palette d'apparence natatoire, similaire à celle qui existe chez certains Crabes nageurs (cf. HARTNOLL, 1971), plus précisément dans le genre Portumnus. Au surplus,* chez Beïlia, le carpe et surtout le propode de p5 sont élargis, aplatis, également frangés de longues soies, autant de traits qui indiquent une tendance natatoire. On sait que Portumnus latipes (Pennant) est un Portunidae primitif, avant tout fouisseur (il peut s'enfoncer dans le sable avec une grande rapidité), mais également marcheur et nageur : BOHN (1901, p. 49) observe que ce Crabe, très actif par moments, aime respirer l'air en nature et s'élève en nageant jusqu'à la surface de l'eau. Peut-on penser que Bellia, aussi, abandonne parfois la vie fouisseuse pour nager ? Il est fort dommage que l'on ne connaisse presque rien du mode de vie de ce Crabe. On peut encore remarquer à cet égard que, chez certains Crabes éminemment fouisseurs, les pattes ambulatoires adaptées pour l'enfouissement dans le sol montrent des modifications que l'on peut mettre en rapport avec la natation : c'est le cas, par exemple, des Raninidae et des Matuta. Mais, comme le fait remarquer HARTNOLL (1971, p. 36), il est difficile, en l'absence de renseignements éthologiques, de savoir si l'on doit attribuer plus à des habi­ tudes fouisseuses qu'à une activité nageuse l'aplatissement des pattes et l'élargissement du dactyle en forme de rame.

Chez les Acanthocyclus (fig. 5 C-G), les pattes ambulatoires, abondamment frangées de soies sur le bord supérieur, sont orientées bien différemment ; le dactyle, de même structure sur p2 à p5, est une sorte de griffe crochue, à extrémité cornée, brusquement incurvée et acérée. Cette disposition ne paraît point avoir un rôle fouisseur mais doit permettre à l'animal de se cramponner au substrat, comme SCHAFER (1954, p. 24) le signale chez les Brachyoures « grimpeurs ». Nous avons vu (cf. sous Acanthocyclus) que la forme en crochet, plus ou moins court et épais ou plus ou moins incurvé, du dactyle permettait de distinguer les espèces du genre (cf. pi. 1, fig. 7-9). Chez Heterozius (fig. 5 J ; pi. 1, fig. 10), les pattes sont relativement courtes, notamment le carpe et surtout le propode, lequel est pratiquement aussi large que long, et se terminent par un dactyle épais, subcylindrique, avec un ongle corné un peu émoussé à l'extrémité. A noter que, sur p5, l'ongle, très émoussé, n'est pas dans le prolongement du dactyle et se relève vers le haut (fig. 5 K).

4. — Front.

Le front forme un rostre tridenté chez Bellia (fig. 2 A ; pi. 1, fig. 3) et chez Corystoides (fig. 2 B ; pi. 1, fig. 2, 3) ; de part et d'autre de la dent médiane impaire se placent les articles 2 et 3 des anten- nules, allongées et étendues en avant. Chez Acanthocyclus (fig. 2 C ; pi. 1, fig. 7-9), le front se présente comme quadrilobé, par division du lobe médian ; de chaque côté de celui-ci se situent les antennules, également étendues en avant mais bien plus courtes que chez Bellia et Corystoides. Chez Heterozius (fig. 2 D ; pi. 1, fig. 10), le front, formant une courbe régulière avec le bord orbitaire et le bord latéral de la carapace, est une avancée impaire, légèrement échancrée au milieu, et constitue une sorte d'auvent qui abrite les antennules repliées.

5. — Antennes et clôture de Vorbite.

Un caractère essentiel des Belliidae, à l'exception du genre Heterozius, est l'état rudimentaire de l'antenne, à tel point que cet appendice a échappé à l'attention dés premiers auteurs et que, à l'ori- FIG. 5 A-K. — Pattes thoraciques p3 et p5 des Belliidae (tomentum ras indiqué seulement sur le dactyle des Acan- thocyclus). A, B, Bellia picta H. Milne Edwards (MP-B2) : p3 et p5 ; C, D, Acanthocyclus gayi Lucas (MP-B6, ex 2096S) : p3 et p5 ; E, A. hasshri Rathbun (MP-B11, ex 2087S) : p3 ; F, G, A. albatrossisB.athbun (MP-B8) : p3 et p5 ; H, I, Corystoides abbreviatus Rathbun, syntype (MP-B3) : p5 et p3 ; J, K, Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards (MP-B13) : p3 et p5, avec une vue tangentielle de l'extrémité de p5 montrant le dactyle relevé. FAMILLE DES BELLIIDAE 37 gine, c'est l'antennule, par contre bien développée et étendue en avant, qui a été considérée comme antenne (cf. l'historique des Belliidae). RATHBUN (1930, p. 175), A. MILNE EDWARDS et BOUVIER (1923, pi. 2, fig. 7), puis BOUVIER (1942, p. 34-35, fig. 16, 17) ont donné une interprétation de la morphologie antennaire qui demeure peu claire. BALSS (1940, p. 123) écrit que l'antenne des Acanthocyclidae offre « un mérus et un carpe réduit (Corystoides, Bellia) ou même manquant complètement (Acanthocyclus) ». Dans sa classification des Décapodes, ce même auteur (1957, p. 1635) caractérise les Acanthocyclinae par « l'antenne très restreinte, avec ou sans tigelle articulée mobile ». Le caractère réduit de l'antenne a été observé égale­ ment chez la mégalope d'Acanthocyclus gayi (cf. FAGETTI et CAMPODONICO, 1970) ainsi que chez celle d'Heterozius rotundifrons (cf. WEAR, 1968). Le schéma typique de l'antenne des Brachyoures se présente ainsi : au premier article (coxa), fusionné ou non avec l'épistome, font suite les articles 2 + 3 (c'est-à-dire basis -j- ischion) réunis et formant un article unique, appelé article basai, et qui est soit mobile, soit fixe, parfois soudé aux régions voisines ; ensuite viennent deux articles, respectivement le mérus et le carpe. L'antenne ne se composerait donc que de quatre articles (en réalité cinq), plus un fouet généralement multiarticulé. Dans une première observation au binoculaire, donc à un relativement faible grossissement, on peut interpréter l'antenne de Bellia, Corystoides et Acanthocyclus comme représentée : par le pre­ mier article, marqué par l'orifice urinaire ; ensuite, par un article volumineux, fixe, qui pourrait être homologué aux articles 2 + 3 fusionnés, c'est-à-dire à l'article basai ; puis, par deux articles mobiles, beaucoup plus petits (le dernier est minuscule), qui correspondraient aux articles 4 et 5 du pédoncule antennaire ; enfin, par une soie, non articulée, qui prend la place du fouet. Un examen plus détaillé, au microscope, et couvrant un certain nombre de spécimens oblige à la prudence dans l'interprétation de l'antenne des Belliidae, notamment en ce qui concerne « la » soie distale. Au gros article fixe, que nous appellerons article basai, font suite deux articles mobiles bien visibles au microscope, le deuxième étant, et de beaucoup, plus petit. Chez les Bellia picta que nous avons examinées, nous n'avons vu qu'une soie (fig. 6 A, B), sauf sur l'un de nos deux spécimens $ conservés en alcool ([Tahiti] MP-B2). Chez ce dernier, d'un côté seulement, se décèle la présence de deux soies terminales (fig. 6C, D), l'une étant beaucoup plus courte : la plus grande s'insère sur un élément microscopique arrondi, faisant suite au 5e article ; la deuxième s'insère latéralement, sur ce même élément, que nous hésitons à qualifier d'article. Dans le genre Acanthocyclus (fig. 6 E-I), l'antenne porte aussi deux articles mobiles après l'article basai. Chez A. albatrossis, dont nous avons examiné de nombreux spécimens, dans un cas nous avons trouvé une antenne terminée par deux soies (fig. 6 G, H) et, dans un autre cas, une antenne terminée par trois soies (fig. 6 I), mais sans, comme chez Bellia, la présence d'un élément basai. Il est difficile de dire si la présence de ces soies « supplémentaires » est exceptionnelle car les antennes des Belliidae sont souvent abîmées et peut-être incomplètes ; seul l'examen d'un matériel important nous renseignera sur ces points. Nous n'avons pas pu examiner au microscope l'antenne de Corystoides. L'antenne de ces trois genres de Belliidae se présente comme suit, en ce qui concerne ses rapports avec les régions voisines. Chez Bellia (fig. 6, A, B, 7 B), où la dent infraorbitaire interne et le ptérygostome remontent loin vers l'avant en se rapprochant de l'axe céphalothoracique, l'antenne est recouverte dans sa partie proximale par la dent infraorbitaire interne que surplombe à son tour l'avancée ptérygostomienne, fort développée ; l'opercule urinaire se trouve en dessous, coincé contre la base de l'antennule. L'article basai de l'antenne, surélevé par rapport à l'article urinaire, est fixe mais ne s'unit pas au front ; dans l'étroit hiatus restant se placent obliquement les deux articles mobiles terminaux, prolongés par la soie distale, c'est-à-dire que ceux-ci sont tournés non vers l'œil mais vers l'antennule. Comme nous

FIG. 5 L. — Articulation de raxp3 sur le plastron sternal chez Bellia picta H. Milne Edwards, holotype (MP-B1). ba, basis ; cd, condyle articulaire de la coxa de mxp3 sur le plastron sternal ; co, coxa ; en, endopodite ; ex, exopodite ; is, ischion ; st, sternum.

FAMILLE DES BELLIIDAE 39 l'avons vu plus haut, un spécimen porte d'un côté deux soies distales (fig. 6 C, D), insérées sur une base arrondie, visible seulement à un très fort grossissement. Chez Corystoides (fig. 7 A) et chez Acanthocyclus (fig. 7 C), antenne et bord infraorbitaire, en vue ventrale, se situent dans le même plan, c'est-à-dire que le bord orbitaire n'occupe pas une posi­ tion supérieure par rapport à l'antenne comme chez Bellia. Dans ces deux genres, il y a soudure de l'article basai antennaire avec les zones voisines : d'une part avec la dent infraorbitaire, d'autre part avec la région postérieure ; par ailleurs, l'article basai entre en contact avec le front et clôt à lui tout seul l'orbite. La limite entre le bord infraorbitaire et l'article basai est marquée par un sillon (peut-être une suture) bien distinct, surtout chez Acanthocyclus ; à l'angle infraorbitaire interne, chez Corystoides, s'élève une petite saillie qui peut être homologable à la dent infraorbitaire interne de Bellia. Les rapports de l'article basai antennaire avec l'article urinaire et la région avoisinante sont difficiles à interpréter chez Corystoides et Acanthocyclus. En effet, l'article basai n'est pas délimité postérieurement, l'antenne semble se prolonger jusqu'au cadre buccal, et, dans cette zone dénuée de sillons, le volumineux opercule urinaire apparaît isolé, non contigu à l'article basai comme on le voit par exemple chez Heterozius (fig. 7 D). Cette disposition fait songer à ce que l'on observe chez les Palinuridae (cf. BALSS, 1940, p. 70, fig. 61) : le sternite du segment antennaire, à savoir l'épistome, est soudé au premier article de l'antenne, si bien que les orifices urinaires apparaissent situés, de part et d'autre, dans l'épistome. Chez les Bra- chyoures Majidae (ibid., p. 74, fig. 66), ce n'est pas seulement l'article urinaire mais c'est aussi l'article basai antennaire (2 -f- 3) qui est soudé, sans suture apparente, à l'épistome ; c'est pourquoi l'opercule urinaire apparaît non en contact avec l'article basai, mais isolé au milieu de l'épistome. En ce qui concerne Corystoides et Acanthocyclus, nous en sommes réduite aux hypothèses ; néanmoins, il faut retenir que cette ankylose ou cette soudure de la région proximale de l'antenne avec Jes parties voisines indiquerait un niveau avancé d'évolution. A noter encore que l'article basai antennaire vient se fusionner avec le front : chez Acantho­ cyclus, l'article basai vient au contact du lobe frontal externe ; chez Corystoides, sa partie distale externe vient s'appuyer sur le front, s'engrener dans celui-ci. Donc, chez Acanthocyclus et chez Corys­ toides, la clôture de l'orbite est complète, d'une part par soudure de l'antenne basilaire avec le bord orbitaire inférieur et d'autre part par contact étroit avec le front. Cette fermeture parfaite de l'orbite serait aussi l'aboutissement d'un processus évolutif. L'examen au microscope d'un certain nombre d'Acanthocyclus nous montre la présence de deux articles faisant suite au gros article basai, le deuxième étant vraiment beaucoup plus petit. Sur nos spécimens, souvent en mauvais état, il semble n'y avoir généralement qu'une soie distale (fig. 6 E, F). Dans deux cas, chez A. albatrossis, nous avons vu une antenne terminée par deux soies (fig. 6 G, H), ou par trois soies (fig. 6 I), ceci d'un côté seulement. Nous avons observé au microscope l'antenne chez seulement un exemplaire à'A. hassleri : après l'article basai, deux articles et une soie distale (fig. 6 E, F).

Chez Heterozius (fig. 6 J, K), l'antenne n'est pas réduite comme chez les autres Belliidae et elle est bien différemment disposée. L'opercule urinaire est volumineux, contigu à l'article suivant, lequel

FIG. 6 A-K. — Antenne des Belliidae. 6A, 6B, Bellia picta H. Milne Edwards, $ 25 X 22 mm, [Tahiti] (MP-B2:1) : A, antenne in situ, avec une soie terminale ( X 15) ; B, id., in situ, vue de profil (X 15) ; 6C, 6D, Bellia picta H. Milne Edwards, $ 29 X 25,4 mm [Tahiti] (MP B2:2) : C, extrémité de l'antenne, avec deux soies, vue au microscope ( X 115) ; D, id. ( X 250) ; 6E, 6F, Acanthocyclus hassleri Rathbun, ^ 24 X 27 mm, Callao (MP-B11, ex 2087S) : E, antenne avec une soie terminale (x20) ; F, id. (x90) ; 6 G-I, A. albatrossis Rathbun, Valparaiso (MP-B8) : G, antenne d'un spéci­ men avec deux soies terminales (x 7,5) ; H, id. (x90) ; I, antenne d'un autre spécimen, avec trois soies termi­ nales (X 90) ; 6J, 6K, Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards, Ç ovig. 18,5 X 26 mm, Nouvelle-Zélande (MP- B13) : J, antenne in situ (X 15) (pilosité non représentée) ; K, id., détail de l'extrémité (X 90). FIG. 6 L. — Antennule déployée d'Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards (X 30). a. b., article basai antennaire (? articles 2 + 3) ; 4, ? 4e article antennaire ; 5, ? 5e article ; 6, ? 6e article ; a.pt., avancée ptérygostomienne ; d.i., dent infraorbitaire interne ; o.u., opercule urinaire (article 1) ; s, soie ter­ minale ; s.l., soie ? latérale. 40 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES est mobile. Viennent ensuite quatre articles, de taille décroissante, le dernier terminé généralement par une soie, similaire à celle de Bellia, Corystoides et Acanihocyclus. Le deuxième article, assez large, est indépendant du bord orbitaire inférieur ; c'est le troisième article, beaucoup plus mince et allongé, très mobile, qui atteint le front, sans toutefois entrer en contact avec lui. L'antenne d'Heterozius appa­ raît donc composée de six articles, prolongés par une soie terminale, plus parfois une petite soie latérale. Il peut y avoir occasionnellement une deuxième soie, plus courte et latérale. Le deuxième article repré- sente-t-il l'article basai, c'est-à-dire, comme chez les autres Brachyoures, deux articles fusionnés ? Chez Heterozius, par suite de la mobilité de l'antenne, notamment de sa partie basale, la cavité orbitaire n'est absolument pas close et elle communique avec la cavité antennulaire. Les rapports brbite-antennule et la disposition de l'antenne rapprochent Heterozius des Dromiacés. Chez les Dromiacés, « les orbites sont toujours ouvertes du fait que l'article 2 + 3 reste mobile, c'est-à-dire sans ankylose, en dessus avec le front, en dessous avec la dent infra-orbitaire ; [...]. Les orbites s'ouvrant sur l'espace réservé aux antennules, il est possible aux deux derniers articles pédon- culaires de se loger sous le front rabattus l'un sur l'autre, et légèrement obliques par rapport à l'axe du corps » (BOUVIER, 1942, p. 43). Cela est valable pour Heterozius ; la ressemblance d'Heterozius et de Dromia par exemple est d'autant plus frappante qu'il y a similitude, non seulement des fronts mais aussi des cavités orbitaires. La différence est que, chez Dromia, l'antenne est forte, surtout dans sa partie pédonculaire, et qu'elle se termine par un long flagelle multiarticulé ; par ailleurs, l'article uri- naire est bien distinct, avec l'orifice urinaire situé latéralement. Par tous ses caractères, l'antenne d'Heterozius se sépare très fortement de celle des autres Bel­ liidae ; en fait, elle semble à un stade plus primitif : mobilité de tout l'appendice, notamment du 2e article ; pas de contact avec le front ; orbite complètement ouverte. Nous avons recherché des Brachyoures montrant une réduction du fouet antennaire. IHLE (1916, p. 108) signale une réduction du fouet chez Cymonornus, Cyclodorippe et, surtout, chez Clyihro- cerus et Corycodus où le fouet ne comporte qu'un article (ibid., fig. 44 et p. 127). IHLE remarque que chez les Dorippidae péditrèmes la réduction du flagelle antennaire s'accompagne d'un fort développe­ ment de l'antennule. Chez les Belliidae comme Bellia et Corystoides, on constate également une dis­ proportion très accusée entre antennule et antenne, comme si le développement de l'une avait entraîné la réduction de l'autre. Nous n'avons pas trouvé d'autre exemple, chez les Crabes, d'une soie terminale remplaçant en quelque sorte le flagelle antennaire ; à rappeler que cette soie existe déjà sur la mégalope de Corys­ toides, d'Acanihocyclus et d'Heterozius.

Lorsque l'on considère l'antenne chez les quatre genres de Belliidae, on constate que chez Corys­ toides et Acanihocyclus il y a soudure de la partie basale de l'appendice avec la région avoisinante, avec le bord infraorbitaire ; il y a également contact avec le front, d'où la fermeture parfaite de l'orbite. Cette clôture de l'orbite n'est pas encore complète chez Bellia où, par ailleurs, la fusion avec la derit infraorbitaire n'est pas réalisée. Mais l'antenne d'Heterozius ne peut pas dériver d'une antenne de Corystoides ou d'Acanihocyclus, car elle est à un stade beaucoup plus primitif (article 2 et 3 peut-être indépendants ; mobilité ; non-clôture de l'orbite). Nous expliquons cela en supposant que Bellia, Acan­ ihocyclus et Corystoides ne sont pas des ancêtres d'Heterozius dans une ligne directe. Issu d'une forme commune à tous les Belliidae, Heterozius a évolué différemment : il a conservé son antenne primi­ tive ; par contre, dans ce genre, une fossette antennulaire et une cavité orbitaire sont apparues, qui n'existent point chez les trois autres genres.

6. —- Yeux et cavités orbitaires.

Chez Corystoides (fig. 7 A ; pi. 1, fig. 4), le pédoncule oculaire est très allongé ; seule, sa partie basale, renflée, est implantée dans une cavité, petite, arrondie, complètement close. Le pédoncule est étendu en avant et parfaitement mobile. Donc, l'œil n'est pas protégé dans une vraie cavité orbi­ taire ; il est à découvert et libre, mobile, sur toute son étendue. FAMILLE DES BELLIIDAE 41 Chez Bellia (fig. 7 B), l'œil est nettement plus court, plus trapu, et se couche obliquement dans une ébauche de cavité orbitaire (avec dent infraorbitaire distincte), imparfaitement close par la partie terminale de l'antenne. Le pédoncule oculaire conserve une extrême mobilité et peut se redresser complètement. Chez Acanthocyclus (fig. 7 C ; pi. 1, fig. 5), la cavité orbitaire est plus allongée transversalement et l'œil, court et trapu, s'y couche presque horizontalement, sur toute son étendue. L'orbite est close par contact étroit de l'article basai antennaire avec le front. Chez Heterozius (fig. 7 D ; pi. 1, fig. 6), la physionomie est différente, notamment par suite de la forme du front. Celui-ci constitue une sorte d'auvent qui abrite l'antennule, repliée transversalement, et l'œil, couché à peu près horizontalement. Le bord frontal passe par une courbe régulière au bord supraorbitaire, sans encoche ni dent. Il y a seulement une dent infraorbitaire interne. En fait, chez Heterozius, on a plutôt une cavité orbito-antennulaire unique, que divise très imparfaitement l'antenne,, complètement mobile. En conclusion, la disposition de l'œil chez Corystoides et Bellia est plus proche de la disposition macroure que de celle rencontrée généralement chez les Brachyoures. L'avantage sélectif de Corystoides et, à un degré moindre, de Bellia réside dans la mobilité de l'œil ; celui d'Acanthocyclus et surtout d?Heterozius réside beaucoup plus dans sa protection.

7. — Antennules. Bellia (fig. 7 B) et Corystoides (fig. 7 A) sont caractérisés par leurs antennules extrêmement développées, étendues en avant, parallèlement à l'axe du corps, sans véritable cavité antennulaire ; seule la base du premier article remplit ce qui constitue une petite fosse antennulaire. Les deux anten­ nules sont séparées, par suite de la fusion de la dent rostrale impaire avec le proépistome mais, elles demeurent peu éloignées l'une de l'autre. Les articles 2 et 3 de l'antennule sont allongés et por­ tent une frange de longues soies à la face inférieure et une autre à la face supérieure. En se rejoignant sur la ligne médiane et en s'entrecroisant, les soies constituent un long filtre inhalant tubulaire, un crible pour filtrer l'eau qui pénètre par cette voie. Cet appareil filtrant est analogue à celui que l'on connaît chez Corystes, à la différence que, dans ce dernier genre, ce sont les antennes, et non les anten­ nules, qui forment un crible serré et parfait. Chez Bellia, les soies, longues et serrées, sont situées sur les articles 2 et 3, tous deux bien déve­ loppés. Chez Corystoides (dont, malheureusement, nous ne disposons d'aucun grand spécimen muni d'antennules), le 3e article antennulaire est beaucoup plus mince et aussi plus court que le précédent.. Comme l'a remarqué BOUVIER (1942, p. 36), on observe bien chez Corystoides que, au moment de la filtration, l'antennule doit se rabattre contre la chambre prostomiale (cf. infra). Chez Corystoides et chez Bellia, les antennules, comme les pédoncules ocul aires, sont entièrement libres et mobiles autour de leur insertion. Chez Acanthocyclus (fig. 7 C), les antennules sont beaucoup plus courtes et trapues, surtout chez A. hassleri. Elles sont séparées par un large septum interantennulair e et ne peuvent pas se rappro­ cher comme chez les Bellidae précédents. Elles sont encore dirigées vers l'avant, dans le prolongement du corps, comme chez Bellia et Corystoides, et ne peuvent pas se loger sous le front. Chez Acanthocyclus albatrossis, on peut déceler l'ébauche d'une fossette antennulaire, c'est-à-dire d'une cavité un peu plus vaste où se place, dans une position plus transversale, une portion du premier article antennulaire ; chez A. gayi et A. hassleri, la position du 1er article est comme chez Bellia et Corystoides. Enfin, chez les Acanthocyclus, les pédoncules antennulaires sont nus, non sétifères (à part quelques soies éparses et courtes sur le 2e article). Il n'y a pas d'appareil filtrant chez ces Crabes ; néanmoins, on peut penser que l'antennule d'Acanthocyclus dérive du type rencontré chez Bellia et Corystoides, puisqu'elle est étendue en avant et non repliée, avec peut-être une très légère tendance vers la formation d'une cavité antennulaire. Chez Heterozius (fig. 7 D), nous l'avons vu, il existe une cavité orbito-antennulaire située en grande partie sous le front. L'antennule, qui est relativement courte, est parfaitement protégée. Les articles 2 et 3 du pédoncule ne sont pas à découvert ni étendus comme chez les trois genres précédents ;. FIG. 7 A-D. — Région antérieure de la carapace, vue ventrale gauche, chez les Belliidae (pilosité représentée seulement sur les antennules). A, Corystoides abbreviatus A. Milne Edwards, syntype $ 23 X 20 mm, Rio de la Plata (MP-B3) ; B, Bellia picta H. Milne Edwards, $ 29 X 25,4 mm, [Tahiti] (MP-B2:2) ; C, Acanthocyclus albatrossis Rathbun,

Rappelons ici que, chez la mégalope de Corystoides (cf. BOSCHI et SCELZO, 1970) et d'Acantho­ cyclus (cf. FAGETTI et CAMPODONICO, 1970), les antennules sont fort développées et étalées en avant. Chez la mégalope d'Heterozius (cf. WEAR, 1968), l'antennule offre une tout autre conformation, annon­ çant celle trouvée chez l'adulte.

8. — Limitation antérieure du cadre buccal, chambre prostomiale et mxp3.

Chez Bellia (fig. 7 B), la limitation antérieure du cadre buccal est à son état le plus simple. Le cadre buccal y est relativement étroit et, au surplus, montre un rétrécissement de sa partie antérieure ; 44 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES il est de part et d'autre limité et surplombé par les avancées ptérygostomiennes fort saillantes, visibles même lorsque l'animal est regardé par la face dorsale. En arrière de l'épistome, il est limité par deux saillies qui s'affrontent sur la ligne médiane par leur bord arrondi, muni de soies, et qui se soulèvent progressivement de l'extérieur vers l'intérieur de façon à former au centre un petit pont sous lequel se trouve un espace assez large (fig. 8 A). De part et d'autre des saillies médianes, le cadre buccal n'est pas limité ; la vaste étendue qui demeure entre la saillie et la base de l'avancée ptérygostomienne mène à la profonde gouttière occupée par le scaphognatite.

FIG. 8 A-D. — Saillies limitant le cadre buccal chez les Belliidae (mêmes spécimens que pour la figure 9 A-D). A, Bellia picta H. Milne Edwards (X 27) ; B, Corystoides abbreviatus A. Milne Edwards (X 27) ; C, Acan- thocyclus albatrossis Rathbun (x 13,5) ; D, Heterozius rotundifrons A. Milne Edwards (x 15,5). o.u., opercule urinaire.

Chez Bellia, la chambre prostomiale, c'est-à-dire l'antichambre respiratoire, consiste en une cavité profonde, limitée : en arrière, par les fortes avancées méropodiales des mxp3 ; sur les côtés, par­ le prolongement antérieur du bord ptérygostomien en forme de saillie crénelée, ainsi que par la partie basilaire de l'antenne ; et enfin, en avant, par les antennules développées, qui se rejoignent sur la ligne médiane et dont le 2e article doit se rabattre contre le rebord ptérygostomien. Toutes ces par­ ties ainsi que les bords des appendices buccaux sont munis de longues soies qui, en se rencontrant, forment une sorte de rideau au-dessus de l'ouverture de la chambre prostomiale et filtrent l'eau avant sa pénétration dans la chambre et son passage dans les gouttières des scaphognatites. Les mxp3 de Bellia (fig. 9 B) sont extrêmement allongés et étroits. S'appliquant bien l'un contre l'autre et fermant hermétiquement le cadre buccal sur les côtés, il se rétrécissent et vont en conver­ geant dans la région antérieure où ils se trouvent comme resserrés entre les deux avancées ptérygos­ tomiennes qui s'approchent très près de l'axe de l'animal. L'aspect pédiforme des maxillipèdes rappelle plus la forme macroure que la forme brachyoure. L'articulation de la coxa des mxp3 sur le sternum (fig. 5 L) se fait chez Bellia par un condyle analogue à celui de la coxa des péréiopodes ; ce condyle FAMILLE DES BELLIIDAE 45 s'articule au centre de la première encoche qui, antérieurement, découpe fortement le plastron sternal. La partie tout à fait antérieure du plastron sternal, limitée en arrière par cette encoche et qui correspond aux sternites des mâchoires, forme un étroit écusson, lequel s'avance profondément entre les mxp3 (fig. 10 B). A noter la forte proéminence de la région antéro-interne de l'ischion. Le mérus est long, sans échancrure marquée pour l'insertion du palpe. Cette avancée méropodiale des mxp3 sur le cadre buccal, qui accompagne l'avancée ptérygostomienne, caractérise les Crabes dits macrognathes 1. Une telle morphologie des mxp3 s'est certainement installée à partir d'une disposition primitive ; l'allongement peut être une acquisition secondaire et résulter de l'adaptation au filtrage de l'eau respiratoire. Chez Corystoides (fig. 7 A, 8 B), la limitation antérieure du cadre buccal est plus nette. Le palais est en partie fermé, car les saillies médianes se soulèvent fortement, au point de venir à la rencontre des mxp3. Les deux saillies s'élèvent en formant une crête proéminente et se rejoignent sur la ligne médiane suivant un court espace et en formant un petit pont au-dessus d'une assez large ouverture. Le prolongement antérieur du bord ptérygostomien est en forme de saillie pointue et porte une forte dent. Les mérus des mxp3 forment deux avancées poilues surplombant l'entrée des gouttières des scaphognatites, de part et d'autre des saillies médianes. La chambre prostomiale est bien moins pro­ fondément excavée que chez Bellia. Des soies filtrantes garnissent toutes les parties (antennules, base des antennes, région médiane de l'épistome, apophyses ptérygostomiennes, avancées méropodiales), contribuant à former l'antichambre respiratoire. L'eau inhalée, après avoir rencontré ces barrières filtrantes, pénètre dans la chambre et glisse dans les gouttières latérales ; sans doute, de l'eau doit également passer par le petit tunnel ménagé à la jonction des saillies médianes. Les mxp3 de Corystoides (fig. 9 A ; pi. 1, fig. 4) sont peu larges, allongés, pédiformes, et se rétré­ cissent progressivement en convergeant vers l'avant, comme chez Bellia (fig. 9 B). Il existe aussi une avancée antéro-interne de l'ischion. Par contre, le mérus offre une profonde encoche pour l'insertion du palpe et c'est sa partie antéro-externe, en forme de lobe pointu et incurvé, qui constitue l'avancée méropodiale, débordant sur l'épistome. Dans le genre Acanthocyclus (fig. 7 C ; pi. 1, fig. 5), sans doute corrélativement à l'élargissement de la carapace (notamment de la région antérieure de celle-ci) et au processus de carcinisation, la macro- gnathie 1 a disparu pour faire place à la brachygnathie. La brachygnathie est déjà bien affirmée chez les Acanthocyclus : le cadre buccal est court, quadrangulaire et sa limitation antérieure est nette ; cadre buccal et mxp3 ont acquis un contour continu par « intégration », et les maxillipèdes externes, très élargis, restent dans les limites du cadre buccal et sont de type operculiforme. La fermeture de la région buccale est réalisée et il y a disparition de la chambre prostomiale. L'épistome est réduit et les saillies médianes limitant le cadre buccal, situées très en avant, se trouvent de ce fait peu éloignées du proépistome. Chez Acanthocyclus hassleri, les deux saillies se rencontrent et se confondent sur la ligne médiane en formant un pont et en laissant sous elles un passage ; on distingue encore bien le bord postérieur des saillies, qui se perd toutefois assez vite, tandis que leur bord antérieur forme une crête épaisse, à peu près linéaire. Latéralement, le passage pour l'eau reste assez vaste. Chez A. albatrossis (fig. 8 C), les saillies médianes, beaucoup plus proéminentes, sont principalement représentées par leur bord antérieur, extrêmement soulevé et saillant presque perpen­ diculairement à l'épistome ; elles se rencontrent sur la ligne médiane et se joignent largement en formant un bord épais. L'ensemble se présente grosso modo sous forme de deux crêtes arquées laissant au milieu un petit orifice et s'interrompant assez rapidement sur les côtés ; fait suite un petit espace, qui appa­ raît comme une échancrure, juste au-dessus de la gouttière du scaphognatite ; puis vient la vaste région mal délimitée, située à la base de l'antenne, avec son opercule urinaire arrondi et volumineux, et sur laquelle s'appuie l'avancée ptérygostomienne. Chez Acanthocyclus gayi, les saillies médianes, assez étroites, se présentent à peu près comme chez A. albatrossis. Le cadre buccal des Acanthocyclus est quadrangulaire, avec seulement un léger rétrécissement antérieur. Les mxp3 (fig. 9 C), courts, larges et trapus, notamment à leur base, convergent vers l'avant

1. Ce terme implique ici que le cadre buccal et ses dépendances sont très développés en longueur, que la limi­ tation antérieure est dans un état simple ou peu marqué et que le mérus des mxp3, très allongé, empiète sur l'épistome. 46 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES et viennent pratiquement en contact du bord proéminent des saillies médianes. L'exopodite est très large, tout comme l'ischion de l'endopodite, qui présente une forte saillie dans la région antéro-interne. Le mérus, par contre, ne montre aucune avancée et est du type rencontré chez beaucoup de Crustacés brachygnathes.

FIG. 9 A-D. — Mxp3 des Belliidae (pilosité non représentée). A, Corystoides abbreviatus A. Milne Edwards, syntype

Chez Heterozius (fig. 7 D ; pi. 1, fig. 6), la brachygnathie est tout à fait installée, les mxp3 ne sont absolument pas allongés mais, au contraire, courts, très trapus ; au lieu de converger vers l'avant, ils s'étalent largement et offrent une truncature antérieure franche et oblique. Le proépistome, extrê­ mement réduit, fait suite à un épistome assez petit et déprimé. Les deux saillies (fig. 8 D) qui limitent le cadre buccal ne sont pas très grandes mais se soulèvent progressivement et bien haut vers la ligne médiane, où elles viennent en contact en laissant sous elles un petit passage. De part et d'autre des saillies ne subsiste qu'une étroite échancrure. Les avancées ptérygostomiennes sont faibles. Les mxp3 ^Heterozius (fig. 9 D) sont larges, nullement rétrécis vers l'avant. L'ischion offre une puissante avancée dans la région antéro-interne. Le mérus a son bord externe disposé obliquement et offre une saillie antéro-externe ; sa région inféro-interne, limitée par un profond sillon, forme un lobe saillant obliquement et qui vient s'appuyer sur le propode du palpe. Ainsi, chez Heterozius, les mxp3 ferment presque complètement le cadre buccal. Il n'y a de pas­ sage pour l'eau qu'au niveau de l'orifice médian entre les saillies et au niveau des deux échancrures de part et d'autre de celles-ci ; enfin, un passage demeure non clos, de chaque côté, sous le maxilli- pède externe au niveau de l'insertion du palpe (fig. 8 D). Lorsque le Crabe est enfoncé dans la vase et pratique la respiration inversée, l'eau doit pénétrer par ces orifices, devenus inspirateurs ;. une fil- tration est peut-être assurée par les soies courtes qui garnissent toute la région en avant du cadre buccal et les appendices buccaux. Le sillon du mérus des mxp3 et celui, très profond, à la limite des régions ptérygostomienne et sous-hépatique, bifurqué en avant de part et d'autre de la forte dent infraorbi- taire interne, jouent sans doute aussi un rôle dans la circulation de l'eau.

Les caractères de la région buccale que nous avons décrits chez Bellia et chez Corystoides sont à certains égards des caractères primitifs (rétrécissement fronto-buccal, faible limitation du cadre FAMILLE DES BELLIIDAE 47" buccal, mxp3 pédiformes, etc.) mais ils sont aussi le fait de l'adaptation à la vie fouisseuse. La consti­ tution de la chambre prostomiale pour la filtration de l'eau lors des renversements prolongés pendant l'enfouissement est le résultat d'un processus évolutif dans la voie « corystidienne » (au sens large, celui de BOHIST, 1901, p. 166). Bellia et Corystoides sont des Crabes spécialisés dans une direction parti­ culière. Quant à Acanihocyclus et à Heterozius, chez lesquels s'affirme la brachygnathie et se réalise la clôture du cadre buccal par les pattes-mâchoires operculiformes, ils ont évolué dans une autre voie. On peut rappeler ici que l'allongement et le rétrécissement de la région buccale peuvent être une acquisition secondaire, à partir d'une disposition brachygnathe. Cette tendance « oxystomienne » nous l'avons mise en évidence chez les Crabes du groupe Aethra, Osachila, Actaeomorpha, Hepatus, où l'on assiste, à partir d'une disposition brachygnathe, au développement progressif d'un appareil respiratoire oxystomien, avec cadre buccal terminé en pointe, constitution d'orifices, chambre prosto­ miale où se produisent des mouvements oscillatoires de l'eau (cf. GUINOT, 1966-1967). Chez Bellia et chez Corystoides, nous voyons une autre tendance, sans doute manifestée très tôt chez des Crabes pri­ mitifs, encore peu différenciés, à carapace allongée, à chambre branchiale longue, à mxp3 encore pédi­ formes, à cadre buccal non limité antérieurement.

9. — Plastron sternal. Abdomen et appareil « bouton-pression » chez le mâle.

La charpente apodémienne intersegmentaire est un caractère fondamental des groupes naturels phylétiquement apparentés ; elle représente une structure relativement indépendante du mode de vie ou du comportement. Portant extérieurement les marques des formations endosquelettiques, le plastron sternal constitue un excellent élément pour déceler les relations phylétiques. Mais, à côté de la commu­ nauté de structure, laquelle indique l'unité phylétique, se manifeste la tendance à l'élargissement, qui,, elle, témoigne du niveau évolutif. Cet élargissement du plastron sternal est corrélatif du raccourcissement de l'axe céphalothoracique, de l'élargissement de l'animal, du processus de carcinisation. L'élargisse­ ment du sternum thoracique, lorsqu'il est très marqué, retentit nécessairement sur la morphologie, aboutit à une certaine condensation, qui vient « déformer » les contours par rapport au plan d'origine. Il est donc particulièrement intéressant de considérer la morphologie du sternum thoracique chez les quatre genres de Belliidae dont nous savons que deux sont adaptés au fouissage, tandis que deux autres ont un autre mode de vie et se sont diversifiés. Chez les Belliidae, le sternum thoracique offre un plan de structure constant, mais la tendance à l'élargissement se manifeste très nettement et indique le passage à un autre niveau évolutif (cf. fig. 10 A- D). Le plastron est plus étroit et allongé chez les deux genres fouisseurs et filtreurs, Corystoides et Bellia, se raccourcit et s'élargit chez Acanihocyclus, qui se situe à un niveau évolutif plus avancé, et offre chez Heterozius un élargissement remarquable de toute la région antérieure. Un caractère commun à trois des quatre genres de Belliidae, Bellia, Corystoides et Acanihocyclus, est que, chez le mâle, lorsque l'abdomen est rabattu, une petite portion du sternite 8 demeure visible entre l'abdomen et l'épisternite 7. Très faible et étroite chez Corystoides (fig. 10 A) et Bellia (fig. 10 B), cette portion latérale découverte du sternite 8 est un peu plus large chez les Acanihocyclus (fig. 10 C, 11 E), surtout chez A. gayi (fig. 11 F). Dans ces trois genres, une autre portion, très faible, du sternite 8 est visible plus postérieurement, près de l'articulation de la coxa de p5, tout à fait latéralement entre le 1er et le 2e segment abdominal. Chez Heterozius (fig. 10 D), l'abdomen recouvre presque la totalité du sternite 8 : pas de portion visible au niveau de l'épisternite 7 ; par contre, une très faible fraction du sternite 8 apparaît latéralement entre les deux premiers segments abdominaux.

C'est chez Corystoides (fig. 10 A) que le plastron sternal est le plus allongé et le plus étroit : sa partie antérieure, en avant des chélipèdes, qui correspond aux sternites soudés des mxp3, mxp2^ et mxpl, est sensiblement rétrécie, sans toutefois former un écusson bien net, et n'est séparée du ster­ nite des pi que par une dépression à peine marquée. Les épisternites 4 et 5 ne sont délimités des ster­ nites correspondants que par un sillon peu distinct ; la suture semble mieux décelable sur les épister­ nites 6 et 7. Les lignes de suture séparant les sternites 6-7 et 7-8 se rejoignent au milieu de la cavité 48 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES abdominale, le long de l'axe céphalothoracique ; celles séparant les sternites 4-5 et 5-6 s'interrompent à faible distance de l'axe sagittal médian. Une ligne médiane apparaît au niveau des sternites 7 et 8 ; «lie se prolonge au niveau du sternite 6 par un creux profond. Lorsque l'abdomen (mâle) est rabattu, une petite fraction du sternite 8 est laissée à découvert au niveau de l'épisternite 7. Dans la même posi­ tion, une autre fraction du sternite est visible en arrière, au-dessous du condyle articulaire de la coxa de p5, c'est-à-dire qu'elle apparaît sur le côté entre le 1er et le 2e segment abdominal. La cavité qui reçoit l'abdomen chez le mâle est profonde et étroite, avec des bords bien marqués. L'abdomen mâle, assez long, s'étend au-delà de la suture séparant les sternites 4-5, c'est-à-dire par­ vient presque au niveau de l'insertion des pi. Les segments abdominaux 3-4-5 sont soudés, pratique­ ment sans traces de suture. Chez Corystoides (fig. 11 B), le système d'accrochage de l'abdomen du mâle x, à savoir le « bouton- pression », est bien en place. Le bouton, éminence pointue, légèrement pédiculée et crochue, est situé assez près de la ligne médiane, au bord de la cavité triangulaire recevant l'abdomen et juste en avant de la suture séparant les sternites 5-6. La fossette est creusée sur la face ventrale de l'abdomen dans les angles latéro-postérieurs arrondis du 6e segment. Les deux parties viennent bien en contact et se cor­ respondent parfaitement ; le décrochage de l'abdomen doit se faire par une poussée en avant exercée à la base de l'abdomen.

Chez Bellia (fig. 10 B), le sternum thoracique est dans son ensemble relativement moins étroit que chez Corystoides. A noter toutefois le fort rétrécissement antérieur du plastron, déjà au niveau des chélipèdes et surtout en avant de ceux-ci, où il forme un écusson s'engageant entre mxp3 et limité sur les côtés par une large encoche et en arrière par une dépression. Des sutures nettes délimitent encore tous les épisternites. Chez Bellia, la ligne de suture séparant les sternites 7-8 s'arrête très loin de l'axe céphalothoracique ; les autres lignes de suture se terminent par des dépressions petites mais profondes, plus éloignées de l'axe céphalothoracique que chez Corystoides. Une ligne médiane est pré­ sente comme chez Corystoides, au niveau des sternites 7 et 8. Tout comme chez Corystoides, le sternite 8 apparaît à découvert en deux endroits lorsque l'abdomen est rabattu : au niveau de l'épisternite 7 •et, très faiblement, sous le condyle de la coxa de p5, latéralement entre les deux premiers segments abdominaux. Chez Bellia picta mâle, la cavité abdominale est relativement peu profonde, notamment peu creusée dans sa partie antérieure, les flancs étant en pente douce et délimités de la partie plane du plastron par un bord atténué. Elle n'est pas fermée en avant mais au contraire se prolonge loin jusqu'au niveau des pi, en se rétrécissant progressivement de façon à n'être plus qu'un large sillon médian. Mais cette cavité n'est obturée que partiellement par l'abdomen. En effet, l'abdomen mâle, dont les segments 3-4-5 ont fusionné mais avec des sutures encore apparentes, consiste en une lame trian­ gulaire, très élargie à la base et très courte, n'atteignant que la suture séparant les sternites 5-6, c'est- à-dire le niveau de l'insertion des p2. Même quand l'abdomen est complètement reployé, on aperçoit la partie antérieure de la dépression abdominale, notamment tout le tracé des lignes de suture sépa­ rant les sternites 4-5 et terminées par une petite dépression submédiane.

1. Rappelons qu'il n'existe pas d'appareil « bouton-pression » dans le genre Corystes.

FIG. 10 A-D. — Plastron sternal chez les Belliidae. (Les dessins du plastron sternal et de l'abdomen, y compris les sutures sternales cachées par l'abdomen, ont été volontairement dessinés en traits pleins pour montrer plus clai­ rement la position relative des diverses parties. Les quatre figures ont été exécutées « en développement » pour éviter les déformations de perspective). A, Corystoides abbreviatus, syntype $ 23 X 20 mm, Rio de la Plata (MP-B3) (x 6) ; B, Bellia picta, holo- type $ 50,5 X 45,5 mm, Pérou, Baie de Saint-Nicolas (MP-B1) (x 2) ; C, Acanthocyclus albatrossis, <$ 19 X 21 mm, Valparaiso (MB-B8) (x 6) ; D, Heterozius rotundifrons, çj 15,5 X 21,5 mm, Nouvelle-Zélande (MP-B13) (X 6,6). b.p., crochet de l'appareil « bouton-pression » sur le sternite 5 ; eps7, épisternite 7 ; e.st., écusson sternal ; l.m., ligne médiane ; pi, p2, p3, p4, p5, péréiopodes 1 à 5 ; st4, st5, st6, st7, st8, sternites 4 a 8 ; s8, portion du sternite 8 laissée à découvert. FAMILLE DES BELLIIDAE 49

eps7

- eps 7 50 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES Ce caractère de brièveté de l'abdomen mâle chez Bellia se traduit par une autre singularité. L'appareil d'accrochage « bouton-pression » de l'abdomen mâle existe bien (fig. 11 A), mais les deux éléments ne viennent pas en contact, ne peuvent pas coïncider. Les fossettes portées par les angles proéminents du 6e segment ne peuvent pas venir se boutonner aux saillies correspondantes, situées juste en avant de la suture séparant les sternites 5-6, car —• exprimons-le ainsi — l'abdomen est trop court. Le bord antérieur du 6e segment; loin de venir s'appliquer sur le sternite portant les saillies, demeure en retrait : il y a donc un écart important, un décalage entre les crochets sternaux et les fos­ settes abdominales. Nous n'avons en notre possession qu'un seul grand spécimen mâle de Bellia, l'holotype de B. picta, un exemplaire sec régénéré en 1965 et mesurant 50,5 X 45,5 mm. Nous nous sommes demandé si l'abdomen de ce Crabe ne présentait pas une anomalie ou une déformation. Mais la photographie d'une B. picta de 28,5 mm de long, publiée par RATHBUN (1930, pi. 79, fig. 3), nous montre la même disposition singulière, à savoir un abdomen mâle court, avec les angles postérieurs du 6e segment éloignés des crochets, parfaitement visibles. Il faudra assurément vérifier ce caractère chez d'autres Bellia mâles. Chez Bellia mâle et Corystoides mâle, la topographie de l'appareil bouton-pression est la même : le crochet est placé au même endroit. Chez Corystoides, le système d'accrochage est fonctionnel, tandis qu'il ne le serait pas chez Bellia.

Dans le genre Âcanthocyclus (fig. 10 C), le sternum thoracique s'est notablement élargi par rapport à ce qui existe chez Corystoides et Bellia. Il offre une forme moins ovalaire, plus arrondie. Il y a un rétrécissement dans la région antérieure : d'abord entre les pi, ensuite entre les mxp3, le bord sternal qui longe les mxp3 étant concave et non plus convexe comme chez Corystoides et Bellia. Toute la partie antérieure, celle qui s'intercale entre les mxp3, est comme tassée, au lieu de s'avancer en un écusson comme chez Bellia et Corystoides. Tout cela correspond sans doute au raccourcissement du corps du Crabe. Les lignes de suture délimitant les épistérnites sont obsolètes. Comme chez Corys­ toides, la ligne de suture séparant les sternites 7-8 rejoint la ligne médiane ; cette dernière est présente au niveau du sternite 8 ainsi qu'au niveau du sternite 7. La ligne de suture séparant les sternites 6-7 s'ap­ proche très près de la ligne médiane (chez Acanthocyclus gayi peut-être la rejoint-elle), tandis que celles séparant les sternites 5-6 et 4-5, plus courtes et se terminant par des dépressions, sont plus éloignées de la ligne médiane. Dans le genre Acanthocyclus, lorsque l'abdomen est rabattu, les portions découvertes du ster­ nite 8 sont très apparentes. Au niveau de Fépisternite 7, le sternite 8 est visible sous forme d'une pièce assez large : plus large chez hassleri que chez albatrossis (fig. 10 C, 11 E), plus large chez gayi (fig. 11 F) que chez hassleri. En arrière, de part et d'autre vers le bord externe de l'abdomen, entre les deux pre­ miers segments, la portion visible du sternite 8 est fort nette. On voit bien, chez les Acanthocyclus, que le sternite 8 s'étend latéralement pour venir encadrer le condyle articulaire de la coxa de p5 d'où sort le pénis. Ces parties latérales qui débordent de la cavité abdominale ne sont donc plus recouvertes par l'abdomen et sont laissées à découvert. Cette disposition rappelle un peu ce que nous avons montré chez Galène de Haan (cf. GUINOT, 1969a, p. 702, fig. 105), où le sternite 8 est également laissé à décou­ vert en deux endroits. Bien sûr, il s'agit seulement de convergence.

FIG. 11 A-D. — Dispositif d'accrochage de l'abdomen mâle chez les Belliidae. (L'abdomen n'a pas été représenté ; en grisé, la cavité abdominale). A, Bellia picta, holotype <£ 50,5 X 45,5 mm, Pérou, Baie de Saint-Nicolas (MP-B1) (X 3) ; B, Corystoides abbreviatus, syntype $ 23 x 20 mm, Rio de la Plata (MP-B3) (X 8) ; C, Heterozius rotundifrons, <$ 15,5 X 21,5 mm, Nouvelle-Zélande (MP-B13) (xll,3) ; D, Acanthocyclus hassleri, $ 24 x 27mm, Callao (MP-B11, ex 2087S) (x6). FIG. 11 E-F. — Les rapports sternum-abdomen mâle au niveau des coxae de p4 et p5 chez les Belliidae, par exemple dans le genre Acanthocyclus. E, Acanthocyclus albatrossis ; F, A. gayi. (Les sutures sternales cachées par l'abdomen sont dessinées en pointillé ; en grisé, l'orifice génital mâle coxal). On distingue bien les deux portions, antérieure et postérieure, du sternite 8 laissées à découvert. al-a4, segments abdominaux 1 à 4 ; b.p., crochet de l'appareil « bouton-pression » sur le sternite 5 ; cx4, cx5, coxa des pattes ambulatoires 4 et 5 ; eps5, eps6, eps7, épistérnites 5, 6, 7 ; o.s., orifice génital mâle ; st4, st5, st6, st7, st8, sternites 4 à 8 ; s8, portion du sternite 8 laissée à découvert. / eps6

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eps6 52 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES Chez Acanthocyclus mâle, la cavité abdominale est profonde et étroite, avec des bords bien marqués. L'abdomen mâle s'étend en avant presque jusqu'au niveau de l'insertion des pi (surtout chez A. gayi où l'abdomen est long). Les segments abdominaux 3-4-5 se sont complètement fusionnés, sans traces de lignes de suture (sauf chez A. gayi où on les distingué légèrement), et ankylosés. L'appareil d'accrochage de l'abdomen mâle comprend le crochet, placé à une petite distance de la suture séparant les sternites 5 et 6, et la fossette creusée dans la région postéro-latérale du 6e seg­ ment abdominal. Cette disposition caractérise les trois espèces du genre Acanthocyclus. Chez A. hassleri (fig. 11 D), la saillie de l'appareil d'accrochage forme un crochet très pointu ; au-dessus du crochet est bien marqué le creux dans lequel vient s'appliquer la partie antérieure externe du 7e segment abdominal ; au-dessus de ce creux s'élève une petite saillie formée par une sorte de décrochement de la suture sternale juste à ce niveau et également coaptée avec la partie correspondante de l'abdomen. Chez Heterozius (fig. 10 D), ce qui caractérise le plastron sternal, c'est, à l'inverse de la confor­ mation existant dans les autres genres, son élargissement progressif d'arrière en avant. Le sternum thora- cique est très élargi en avant de l'insertion des chélipèdes : à ce niveau, il s'étale transversalement et, au- delà du condyle articulaire de la coxa de pi, il s'étend en une sorte d'expansion foliacée, très caractéris­ tique. Toute la partie située en avant de la suture séparant les sternites 4-5 apparaît comme raccourcie et il y a comme un tassement de la portion tout à fait antérieure qui s'intercale entre les mxp3, lesquels sont fort élargis. Chez Heterozius, on aperçoit les lignes de suture délimitant les épisternites 4, 5 et 6, et on dis­ tingue plus nettement celle délimitant l'épisternite postérieur (épisternite 7). Comme chez Bellia, chez Heterozius la ligne de suture séparant les sternites 7-8 s'interrompt loin de l'axe céphalothoracique. Les trois autres lignes de suture aboutissent plus près de l'axe médian ; leurs terminaisons aboutissent près les unes des autres, convergeant dans un espace restreint, comme s'il y avait concentration, condensation. Nous expliquons cela par le raccourcissement du corps du Crabe. La ligne médiane apparaît seulement dans la région antérieure du sternite 8 et tout au long du sternite 7. Une autre caractéristique à'Heterozius : lorsque l'abdomen est rabattu, aucune portion du sternite 8 n'est visible au niveau de l'épisternite 7 ; en revanche, on aperçoit une petite portion du sternite 8 entre les deux premiers segments abdominaux, du côté externe. Chez le mâle d'Heterozius, la dépression abdominale est relativement large, avec les bords bien marqués ; elle se prolonge à peine en avant de l'abdomen qui la remplit donc à peu près complètement. L'abdomen mâle s'étend en avant presque jusqu'au niveau de l'insertion des pi. Les segments 3-4-5 sont fusionnés et ankylosés. L'appareil d'accrochage de l'abdomen mâle (fig. 11 C) présente deux parties bien coaptées : le crochet, pointu, situé sur le 5e sternite, est relativement éloigné de la suture séparant ce dernier du sternite 6 ; la fossette correspondante est creusée dans la région latérale du 6e segment abdominal.

10. — Appareil « bouton-pression » chez la femelle. Orifices génitaux de la femelle.

Chez les Bellia Ç, les crochets sternaux de l'appareil d'accrochage sont situés comme chez le mâle ; mais, étant donné que l'abdomen est nettement plus allongé, avec les segments 3-4-5 distincts, les fossettes du 6e segment abdominal peuvent venir au contact des crochets. Il y a correspondance. C'est du moins ce qui existe chez les femelles jeunes. Une coïncidence parfaite du « bouton-pression » se rencontre chez deux jeunes Bellia picta $ de 25 X 22 mm et 29 X 25,4 mm (fig. 12 A, B), l'élément « bouton » étant une saillie en forme de crochet, analogue à celle que l'on voit chez le mâle adulte. Ainsi qu'on l'a constaté chez d'autres Brachyoures, chez la femelle adulte de Bellia, par suite de l'élar­ gissement de l'abdomen, l'accrochage doit certainement devenir morphologiquement impossible. La seule Bellia adulte que nous ayons observée est une femelle ovigère de 39,5 X 36 mm (fig. 12 C), mal­ heureusement à l'état sec. La cavité abdominale s'est considérablement élargie, tout comme l'abdomen en forme de lame ovalaire courte et large, et n'est plus que très peu excavée ; il n'y a plus de rebord net la délimitant du reste du plastron. L'élément sternal du « bouton-pression » n'est plus une saillie FAMILLE DES, BELLIIDAE 53 arrondie mais s'est transformé en un petit bourrelet (fig. 12 C, bo) doublant antérieurement la ligne de suture qui sépare les sternites 5-6, tout près de l'endroit où celle-ci aboutit dans la cavité abdomi­ nale au-dessus de la vulve. Une singularité de Bellia réside dans la position des orifices génitaux femelles. Chez les Belliidae, e les orifices génitaux femelles, les vulves (cf. HARTNOLL, 1968a, p. 282), s'ouvrent sur le 6 sternite thoracique : ce sont bien des Crabes sternitrèmes. Chez Bellia, tout au moins chez les spécimens impu­ bères, au lieu de déboucher sur la portion sternale recouverte par l'abdomen, c'est-à-dire dans la cavité abdominale, les conduits génitaux femelles s'ouvrent en dehors de celle-ci, loin de l'axe céphalothora- cique, sur la portion découverte du 6e sternite thoracique (fig. 12 A, B). Les vulves ne sont pas protégées par l'abdomen et apparaissent à découvert. Nous avons observé cela chez les deux jeunes Bellia $ de 25 X 22 mm et 29 X 25,4 mm. Les vulves sont situées sur le plastron sternal, en dehors du bord externe de l'abdomen chez la plus grande femelle ; chez la plus petite femelle, l'abdomen empiète légèrement sur la vulve. Chez ces Bellia, les orifices femelles sont éloignés du bouton de l'appareil d'accrochage de l'abdomen, ils sont externes par rapport à ce dispositif, lequel peut être — nous l'avons vu — encore fonctionnel. Chez notre Bellia ovigère de 39,5 X 36 mm (fig. 12 C), où l'on ne peut rabattre l'abdomen car le spécimen est sec et, en outre, porte des œufs, les vulves, considérablement élargies, sont situées très latéralement sur le plastron sternal et, malgré l'élargissement de l'abdomen, ne sont pas recouvertes, en totalité par celui-ci. Il faudrait observer la disposition sur du matériel frais. On cite rarement le cas, chez les Brachyoures, de vulves sternales « extérieures » à la cavité abdominale, tout au moins chez les individus adultes 1. Il n'y a pas d'intermédiaire, chez les Crabes,, entre formes péditrèmes et sternitrèmes : l'orifice femelle est soit coxal, soit sternal, et dans ce dernier cas, généralement, sous-abdominal. Bellia est bien sternitrème, mais l'orifice est plus proche de la coxa de p3 que chez les autres Brachyoures. En ce qui concerne l'orifice mâle, on assiste, chez les Brachyoures,, à sa « migration » sur le sternum, à partir d'une position coxale en une position latérale sur le sternum,, et jusqu'en une position centrale sur ce dernier (cf. GUINOT, 1969a). Il serait intéressant de connaître l'anatomie interne de Bellia, notamment celle de l'appareil génital femelle. Ainsi, Bellia se singularise dans les deux sexes. Chez le mâle, l'abdomen est si court qu'il ne rem­ plit pas la cavité abdominale et que les crochets de l'appareil d'accrochage sont à découvert, sans pouvoir se coapter aux fossettes correspondantes de l'abdomen. Les pléopodes, qui sont très courts, sont néan­ moins parfaitement protégés. Chez la femelle impubère et aussi chez la femelle ovigère, les vulves ne sont pas forcément recouvertes ni protégées par l'abdomen. Chez les trois autres genres de Belliidae, l'appareil d'accrochage de l'abdomen est fonctionnel chez le mâle et les orifices génitaux femelles s'ouvrent « normalement ».

Nous n'avons observé que peu de spécimens femelles appartenant au genre Corystoides. Chez deux petites femelles de Corystoides abbreviatus, syntypes mesurant 13,5 X 12,2 mm (fig. 12 D) et 14 X 12,5 mm, aux vulves bien étalées et à l'abdomen très élargi, l'appareil d'accrochage a déjà pratiquement disparu : le crochet s'est totalement effacé et la fossette correspondante de l'abdo­ men, fort atténuée, n'a plus de rebord. Les vulves, très larges, s'ouvrent sur les flancs de la cavité abdominale, pas très loin du rebord de la cavité, de l'endroit où s'applique le bord externe de l'abdo­ men. Elles sont totalement recouvertes par l'abdomen. Il semble qu'il y ait un opercule immobile (cf. HARTNOLL, 1968a).

Dans le genre Acanthocyclus, et plus précisément chez A. albatrossis dont nous avons sous les yeux de nombreux spécimens femelles, l'appareil d'accrochage existe tant que la cavité abdominale est individualisée, avec un bord net la limitant. Nous l'avons observé à une taille de 17,8 X 20,5 mm.

1. RYAN (19676, p. 717) indique que, chez le premier stade crabe, la femelle de Portunus sanguinolentus se reconnaît à la présence des orifices des oviductes s'ouvrant sur le 6e sternite thoracique, latéralement par rapport à l'abdomen. Progressivement, chez les femelles juvéniles, les orifices « migrent » sous l'abdomen, de façon concomitante à l'élargissement de ce dernier et à la formation d'une vaste dépression sternale. u QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES FAMILLE DES BELLIIDAE 55 Lorsque la cavité abdominale est représentée par la totalité du plastron sternal, formant une pente douce à partir de la base des coxae jusqu'à l'axe céphalothoracique, et lorsque l'abdomen, élargi, recouvre la presque totalité de ce plastron (par exemple chez une femelle de 18 X 21 mm, à peine plus grande que la précédente), le crochet auquel doit s'accrocher l'abdomen est obsolète. Les vulves sont relativement peu éloignées de l'axe céphalothoracique et du fond évasé de la cavité abdominale ; elles sont évidemment recouvertes par l'abdomen. Chez les jeunes femelles à cavité abdominale triangulaire et bien délimitée, encore munies d'un appareil d'accrochage de l'abdomen, les vulves apparaissent en position interne par rapport au crochet sternal, ce qui est le contraire de ce que l'on, voit chez Bellia (fig. 12 A-C). Nous figurons ici la disposition observée chez une femelle adulte, cotype de 18 X 21 mm à'A. albatrossis (fig. 12 F), dont les orifices s'ouvrent sur le sternite 6, lequel proémine fortement, postérieurement à la vulve.

Dans le genre Heterozius, l'appareil d'accrochage de l'abdomen offre chez la femelle la même disposition que chez le mâle et paraît fonctionnel tant que l'animal possède une cavité abdominale triangulaire, à bords délimités (par exemple chez une femelle de 7,7 X 11 mm). Lorsque les bords de cette cavité s'effacent et que tout le plastron reçoit l'abdomen élargi, le crochet disparaît, ainsi que la fossette correspondante. Une femelle ovigère de petite taille (12 X 16 mm) porte encore au milieu du plastron excavé les contours de la cavité abdominale triangulaire, mais il n'y a déjà plus d'appareil d'accrochage. Chez Heterozius, les orifices génitaux femelles sont toujours cachés par l'abdomen. Chez les femelles immatures, ils s'ouvrent sur les flancs de la cavité abdominale, pas loin du rebord sur lequel s'applique le bord de l'abdomen et juste en dessous du crochet, encore présent, du dispositif d'accro­ chage. Chez les femelles adultes (fig. 12 E), les vulves apparaissent dans une position assez latérale par rapport à l'axe céphalothoracique et le sternite qui les porte présente une proéminence latérale, externe par rapport à la vulve.

11. — Pléopodes sexuels mâles.

Chez les quatre genres de Belliidae, les pléopodes sexuels offrent une organisation semblable, hormis des différences affectant les proportions et la courbure. Il y a similitude dans l'orientation et la disposition, ainsi qu'une ornementation comparable. Dans le genre Bellia, chez lequel l'abdomen est très réduit en longueur et élargi, surtout dans sa partie proximale, le pli <$ (fig. 13 A, B) est extrêmement court et trapu. Il n'occupe en longueur qu'une faible partie de la cavité abdominale et ne s'étend que sur un peu plus de la moitié du sternite 7. Le pléopode 1 offre une base très épaisse, s'infléchit et se termine par un apex corné, oblique par rapport à l'axe de l'appendice et bilobé à l'extrémité (malheureusement Je sommet des pléopodes paraît abîmé sur l'holotype de Bellia). Des soies longues, épaisses et plumeuses garnissent l'appendice, surtout sur la face sternale et les bords.

FIG. 12 A-F. — Orifices génitaux femelles chez les Belliidae. (Les dessins du plastron sternal et de l'abdomen, y compris les sutures sternales cachées par ce dernier, ont été volontairement exécutés en traits pleins pour montrer plus clairement la position relative des diverses régions). Pilosité non représentée. A, B, Bellia picta, $ 29 X 25,4 mm, [Tahiti] (MP-B2:2) : A, vue d'ensemble montrant la situation latérale des vulves, de part et d'autre de l'abdomen (x 4) ; B, id., détail de la vulve et du crochet du dispositif d'accro­ chage de l'abdomen, encore présent chez une femelle de cette taille ( X 4,7) ; C, Bellia picta, $ ovigère 39,5 X 36 mm, [Rio de Janeiro] (MP-B2098S) : vulve très élargie et crochet de l'appareil d'accrochage remplacé par une sorte de bourrelet (abdomen non représenté) (X 3,4) ; D, Corystoides abbreviatus, syntype $ 13,5 X 12,2 mm, Rio de la Plata (MP-B3) : à cette taille, vulves déjà bien élargies et disparition du crochet de l'appareil d'accro­ chage de l'abdomen ; E, Heterozius rotundifrons, $ 17 X 23 mm, Nouvelle-Zélande (MP-B13) : femelle à abdomen élargi et larges vulves, avec une proéminence latérale externe ; F, Acanthocyclus albatrossis, cotype (J 18x21 mm, Patagonie (MP-B7) : vulves, avec une forte proéminence en arrière de l'orifice. a5, a6, a7, segments abdominaux 5 à 7 ; bo, bourrelet, ? vestige de l'appareil « bouton-pression» ; b.p., appa­ reil d'accrochage (crochet) sur le sternite 5 ; l.m., ligne médiane ; st4, st5, st6, st7, st8, sternites 4 à 8 ; v, vulve. 56 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

FIG. 13 A-I. — Pléopodes sexuels chez les Belliidae. 13 A-C, Bellia picta, holotype

En définitive, il n'y a pas de dissemblance profonde entre les pléopodes des quatre genres de Belliidae. Bien sûr, le pli est beaucoup plus trapu et plus court chez Bellia que chez les trois autres genres ; les différences sont légères entre l'appendice mâle de Corystoides et celui des trois Acanthocy­ clus connus ; enfin, chez Heterozius, la morphologie du pli ne se sépare pas fondamentalement de celle observée chez Corystoides. Quant au pl2, il est d'un type sensiblement homomorphe chez les quatre genres.

CONCLUSIONS SUR LA POSITION SYSTÉMATIQUE DES BELLIIDAE

En apparence, la famille des Belliidae est hétérogène. Trois types de formes se distinguent très nettement : Bellia avec Corystoides, Acanthocyclus, Heterozius. Malgré la physionomie particulière de chacun de ces trois types et la difficulté d'en donner une définition morphologique générale, nous avons pu mettre en évidence les liens de parenté qui justifient leur réunion dans la même famille. Sans doute, il s'agit d'un groupe naturel. Branche évolutive particulière, cette famille tient son unité d'une origine commune et se caractérise par une diversification importante de ses représentants. On peut supposer que, à partir d'un même ancêtre, une bifurcation s'est opérée donnant, d'une part, le type Beïlia-Corystoides et, d'autre part, Acanthocyclus et Heterozius qui, peut-être, ont un petit tronc commun (révélé par la carcinisation et la brachygnathie) mais qui, plus probablement, se déve­ loppent comme deux lignées parallèles. Bellia et Corystoides comportent des caractères morphologiques très spécialisés et gardent en

FAMILLE DES BELLIIDAE 59 imême temps certains traits primitifs par lesquels ils doivent être assez proches de l'ancêtre de la famille. Les modifications structurales très importantes de certains organes dans ce premier type est lié au mode de vie particulier, dans le sable. Ce rameau latéral est un petit cul-de-sac de l'évolution : les deux genres sont monospécifiques (ou presque, car chez Corystoides il y a peut-être deux espèces très affines) et sont strictement localisés en Amérique du Sud. Le second type de cette famille, le genre Acanthocyclus, a évolué vers la forme cancérienne. Dans la genèse de sa morphologie actuelle et de sa divergence d'avec Bellia et Corystoides, l'un des facteurs décisifs fut son mode de vie non fouisseur. Acanthocyclus a en commun avec Bellia-Corystoides l'antenne réduite et l'antennule libre, non repliée, étendue en avant. Mais les antennules ne sont pas modifiées en tube respiratoire inhalant. La brachygnathie s'est installée. Le genre se compose de trois espèces cantonnées en Amérique du Sud, dans la même aire géographique que Bellia et Corystoides. Pour une future étude de la spéciation à l'intérieur du genre Acanthocyclus, il est utile de signaler que des spécimens des trois espèces sont fréquemment récoltés dans la même localité, voire dans le même biotope. Le type Heterozius paraît être le plus éloigné de la forme ancestrale. La carcinisation est très accusée, la brachygnathie prononcée, il y a un fort élargissement du sternum thoracique, les anten­ nules sont repliées dans des fossettes. Toutefois, est conservé un caractère qui semble archaïque, à savoir la structure de l'antenne, sa mobilité entraînant la non-clôture de l'orbite, son indépendance vis-à-vis des régions voisines. L'organisation d'Heterozius est donc très originale : on trouve chez l'adulte une intrication de caractères qui rend difficile son classement systématique. Nous avons attiré l'attention sur les traits morphologiques qui justifient l'attribution de ce genre à la famille des Belliidae. Cela est confirmé par les caractéristiques larvaires. Au regard des faits que nous avons exposés, il apparaît qu'Heterozius, tout en ayant un lier: de parenté indéniable avec les types précédents, s'est engagé dans une voie évo­ lutive particulière. Genre monospécifique, il serait endémique de Nouvelle-Zélande (? et des îles Cha- tham), où il vit confiné dans un biotope particulier.

Une autre conception de ce petit groupe peut être envisagée. En effet, le sternum thoracique de Bellia a toutes les sutures (4/5, 5/6, 6/7 et 7/8) interrompues, tandis que, chez Corystoides, les sutures 4/5 et 5/6 sont interrompues, la suture 6/7 est sensiblement continue, la suture 7/8 est complète. Corystoides se trouve donc à un état bien moins avancé que Bellia. Quant au caractère des sutures, Acanthocyclus offre à peu près la même conformation que Corystoides, dont le plastron est seulement moins élargi. En revanche, Heterozius, hormis l'extrême élargissement de son plastron, ressemble à Bellia par l'interruption de toutes ses sutures, 4/5 à 7/8. On peut donc envisager un premier rameau avec la filiation Corystoides ->• Acanthocyclus, et un deuxième avec la filiation Bellia -> Heterozius.

L'unité du groupe étant démontrée, le problème se pose de sa place et de son rang dans la hiérar­ chie taxonomique. Si l'on conserve le schéma général de la classification de BALSS (1957), le groupe quadripartite étudié ici doit être rangé dans les Brachygnatha. BALSS (ibid., p. 1633, 1635) avait fait de ces Crabes

FIG. 14 A. — Abdomen mâle (segments 2 à 7) d'Acanthocyclus gayi,

TROIS SOUS-FAMILLES DE XANTHIDAE (Polydectinae Dana, Trichiinae de Haan, Actaeinae Alcock) 62 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

FAMILLE DES XANTHIDAE DANA, 1851

SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE DANA, 1851

Polydectinae Dana, 1851c, p. 127 ; 18526, p. 81 ; 1852c, p. 150, 226 ; 1853, p. 1423. Richters, 1880, p. 149. Melioida Alcock, 1898, p. 177, 230. Polydectinae Klunzinger, 1913, p. 277 [181]. Lybioida Serène, 1965a, p. 9, 12, 26, 37 ; 1968, p. 88. Polydectinae Serène, 1968, p. 88.

GENRES INCLUS

Polydectus H. Milne Edwards, 1837 Lybia H. Milne Edwards, 1834

HISTORIQUE

La sous-famille des Polydectinae a été établie par DANA en 1851 (1851c, p. 127) dans les Can*- croidea Typica, famille des Cancridae, pour un genre très curieux, Polydectus H. Milne Edwards, 1837 (p. 145), dont la position systématique allait immédiatement faire l'objet de nombreuses propositions contradictoires et n'est pas encore bien définie aujourd'hui. C'est LATREILLE (in J. MILBERT, 1812, p. 273, 274) qui, bien auparavant, avait fait connaître le premier représentant de ce genre, découvert à l'île Maurice. Il le nommait Cancer cupulifer, « Crabe- cupulifère », en raison de la présence « près de la bouche de quelques petites éminences semblables à des cupules ou à des godets ». Cette description originale avait paru dans le « Voyage pittoresque à l'Ile-de-France, au Cap de Bonne-Espérance... », publié en 1812, d'après des notes fournies par LATREILLE (ibid., p. 272). L'espèce cupulifer doit donc être datée de 1812. Or, H. MILNE EDWARDS (1837, p. 147),, comme par la suite d'autres earcinologistes, lui attribueront à tort la date de 1825. En effet, dans l'Encyclopédie Méthodique (1825, vol. 10, p. 124), LATREILLE donne une longue description du Crabe « porte-cupules », qu'il rapporte au genre Pilumnus. Il signale : « quatre petites éminences en forme de disque plat, ovale [...], semblable à une cupule de lichen [...] Le test [...] tout encroûté, ainsi que les pieds d'une matière paroissant formée par un duvet [...] ; une substance peut-être gommeuse et glu- tinante, formant un empâtement à l'extrémité [des serres] ». En érigeant le genre Polydectus pour le Crabe de LATREILLE, H. MILNE EDWARDS (1837, p. 145) ne lui reconnaît guère de caractères cancériens, ni dans la forme de la carapace, ni dans celle du cadre- buccal et des mxp3, et il l'inclut dans les Corystiens près d'Atelecyclus, Thia, Corystes.

DANA (1851C, p. 127 ; 18526, p. 81 et note ; 1852c, p. 150, 226) retrouve le genre Polydectus aux Tuamotu, à l'île Raraka, en eau peu profonde sous les pierres, mais il ne l'identifie pas au P. cupulifer de l'île Maurice et le nomme P. villosus. L'espèce est principalement caractérisée par le revêtement. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 63 plumeux qui recouvre le corps, y compris les pattes, et par les doigts des mains. « The hands in the spécimen procured were overgrown with a kind of , which had grown around and enclosed the fingers » (DANA, 1852C, p. 227). Tout en s'interrogeant sur la place de ce genre si particulier, l'auteur américain en fait le type — comme on l'a vu — de la sous-famille des Polydectinae, subordonnée aux Cancridae et donc bien détachée des Corystidae. En 1853 (p. 1423), instaurant la famille des Xanthidae parallèlement à celle des Cancridae et des Eriphidae, DANA y fait entrer la sous-famille monogénérique des Polydectinae, en laquelle il voit des liens avec les Pilumniens. RICHTERS (1880, pp. 149-151) fera faire un pas décisif dans la connaissance des Polydectinae. Trouvant à l'île Maurice des Polydectus cupulifer en même temps que des Melia tessellata (Latreille),, il reconnaît chez ces deux types de Crabes des points communs nombreux qui justifient, d'après lui, leur réunion dans une même sous-famille, celle des Polydectinae de DANA. Selon RICHTERS, la ressem­ blance n'est pas limitée aux traits morphologiques (forme de la carapace, morphologie et position des antennes, cadre buccal, structure des pinces) mais porte aussi sur les caractères éthologiques très parti­ culiers qui rendent ces Crabes si remarquables. En effet, RICHTERS est le premier auteur à faire observer que la « substance... gommeuse... formant un empâtement » à l'extrémité des doigts chez cupulifer,, signalée par LATREILLE (Encycl. Méth., p. 124) et figurée dans l'Atlas de H. MILNE EDWARDS (in CUVIER, Règne Animal, 1837 et 1849, pi. 14, fig. 4), tout comme le « kind of sponge » vu par DANA (loc. cit.) entre les doigts de son Polydectus villosus, correspondent en réalité à une Actinie vivante tenue par les pinces. Et ce comportement, RICHTERS l'observe chez Polydectus et aussi chez Melia.

Cette autre espèce que RICHTERS rattache aux Polydectinae, c'est le Grapsus tessellatus, le « grapse damier » : une brève description, d'après des notes de LATREILLE, figure dans l'ouvrage de J. MILBERT déjà cité, qui contient aussi la première mention de Cancer cupulifer. Les deux espèces appartiennent à LATREILLE in J. MILBERT, 1812, et ont la même patrie, l'île Maurice. A peu près au même moment où LATREILLE attribuait au « grapse damier » le nom générique de Melia, H. Milne Edwards (1834, p. 431 et note) fondait pour la même espèce celui de Lybia 1. Fina­ lement, c'est la dénomination de Lybia qui allait être adoptée, Melia Latreille, 1827, étant préoccupé par Melia Billberg, 1820, genre d'Amphipode (cf. RATHBUN, 1904a, p. 102), lui-même déjà préoccupé par Melia Bosc in Risso, 1812, également genre de Crustacé. En ce qui concerne la position systéma­ tique du genre, H. MILNE EDWARDS (loc. cit.) le rapprochait des Pilumnes mais aussi des Grapses. Quant à DANA (1852c, p. 228, 229 ; 1853, p. 1423), il lui reconnaissait un faciès grapsoïde, des mxp3- de Cancridae, mais, finalement, en raison des crêtes du cadre buccal, il devait l'incorporer aux Eri­ phidae Ozinae [sic] près de Pilumnus et Pilumnoides. C'est donc RICHTERS (1880, p. 150) qui attire l'attention sur l'association Crabe-Actinie ren­ contrée chez les Melia : les Polydectinae, constitués par les deux genres Polydectus et Melia (= Lybia),, présentent toutes les caractéristiques d'un groupe naturel. En 1905, DUERDEN fait paraître le résultat de ses recherches sur le commensalisme et l'associa­ tion pratiquement constante de Melia tessellata ou de Polydectus cupulifer avec des espèces d'Actinies. Dans ses pinces, qui ne servent plus à la préhension des aliments, le Crabe enserre une Anémone de mer : il tient étroitement la colonne du polype entre ses doigts denticulés et incurvés. Suivant la même voie que RICHTERS, KLUNZINGER (1913, p. 277), qui met Polydectus villosu* en synonymie avec P. cupulifer (ibid., p. 281, 282), conserve les Polydectinae où sont réunis Lybia et Polydectus et, tout en mentionnant certaines analogies avec les Catométopes, les rapproche des Pilumninae. Entre temps, plusieurs auteurs avaient adopté une démarche différente. ORTMANN (1893, p. 474,. 476) réunit Melia à ses Oziidae, dans sa sous-famille hétérogène des Panopeinae. Pour sa part, ALCOCK (1898, p. 177, 230) classe Melia parmi les Xanthidae Hyperomerista dans la sous-famille des Eriphiinae et instaure, au voisinage des Eriphioida, Trapezioida, et Domecioida, l'alliance des Melioida, constituée du seul genre type.

1. Not Lybius Hermann, 1783 (Aves). 64 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

'!• L'exiâtencè chez Melia d'un hiatus orbitaire incite BORRADAILE (1902, p. 249) à réfuter l'idée d'une'proximité avec les Trapeziinae (pourtant suggérée par une certaine ressemblance dans le faciès et dans la coloration, ainsi que par un habitat similaire parmi les coraux) et à admettre Melia dans les Menippinae qui, à cette époque, comptaient le genre Pilumnus. Aucun de ces derniers auteurs n'envi­ sage le cas du genre Polydectus. En 1934, BALSS (19346, p. 513) sera très explicite : il s'oppose à FUCHTERS [loc. cit.) et à KLUN-, ZINGER (loc. cit.) qui, selon lui, se sont laissés abuser par la ressemblance des pinces de Polydectus et de Lybia, alors qu'il s'agit d'un simple phénomène de convergence (« nous sommes en présence d'une transformation des pinces tendant à en faire des armes spécialement adaptées»), et il sépare les deux genres qui « n'ont entre eux rien de commun ». Pour BALSS, Polydectus est voisin d'Halimede, hypo­ thèse déjà émise auparavant (par exemple par DANA, cf. 1852c, p. 227), tandis que Lybia (BALSS, ibid., p. 514, 519) est un Pilumnien qui peut être rapproché de Parapilumnus. Il faut souligner que BALSS méconnaît quelque peu la pensée de RICHTERS et de KLUNZINGER qui, en réunissant Lybia et Polydectus, ne s'étaient pas fondés sur la seule structure des pinces et sur une éthologie similaire mais avaient étayé ce rapprochement de plusieurs caractères morphologiques, KLUNZINGER ayant même fourni une longue diagnose des Polydectinae. Dans la classification de BALSS (1957), la sépa­ ration est définitive : Lybia est attribué aux Pilumninae (p. 1652), et Polydectus aux Xanthinae (p. 1649). A noter qu'en décrivant au voisinage de Lybia le genre Prolybia, WARD (19336, p. 386) le situe dans les Menippinae. Les auteurs récents ne semblent pas s'être beaucoup interrogés sur les affinités de Lybia et de Polydectus. Mentionnons toutefois que TWEEDIE (19506, p. 125) et EDMONDSON (1962a, pp. 302-305) traitent côte à côte de Lybia et de Polydectus, près des Domecia et des Trapezia. De la même façon, dans les exposés faunistiques, l'étude des deux genres se situe généralement au voisinage de celle des autres Crabes coralliophiles. En 1965 (1965a, p. 9, 12, 26, 37), SERÈNE crée, en remplacement de Melioida, le nom de Lybioida, nouvelle alliance des Pilumninae, et y rattache Lybia ainsi que le genre Prolybia Ward, 1933. En 1968 (p. 88), subordonnant ce groupe aux Pilumninae, SERÈNE considère les Lybioida comme composés d'un genre unique, Lybia ; le genre Prolybia devient synonyme du premier, suggestion précédemment émise par SAKAI (1967, p. 79). Dans l'essai de classification de SERÈNE (1968, p. 88), aux Pilumninae contenant les Lybioida fait immédiatement suite la sous-famille des Polydectinae (indiquée du reste avec un point d'interrogation), non rattachée aux Pilumniens et contenant le seul genre Polydectus.

Pour notre part, dès 1967 (1967c, p. 268, note), nous avons signalé la proximité de Lybia et de Polydectus. Ces deux genres constituent un groupe naturel, les Polydectinae, qui se reconnaît à ses attri­ buts aussi bien morphologiques que comportementaux.

Genre Polydectus1 H. Milne Edwards, 1837

Polydectus H. Milne Edwards, 1837, p. 145. Dana, 1851c, p. 127 ; 18526, p. 81 ; 1852c, p. 150, 226 ; 1853, p. 1423. Richters, 1880, p. 149. Klunzinger, 1913, p. 281 [185]. Balss, 19346, p. 513 ; 1957, p. 1649. Hemming, 1958, p. 36. Edmondson, 1962a, p. 216. Guinot, 1967c, p. 268, note. Serène, 1968, p. 88.

ESPÈCE TYPE. — Cancer cupulifer Latreille in J. MILBERT, 1812 (p. 273), par monotypie.

1. Polydectus Rafinesque, Analyse de la Nature, 1815, p. 142, est un genre de Mollusque nomen nudum. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 65

ESPÈCE INCLUSE.

Polydectus cupulifer (Latreille, 1812) s. 1. = Cancer cupulifer Latreille

Polydectus cupulifer (Latreille, 1812) s.l.

(Fig. 15 A-G, 17 A, 18 A, 19 A, 20 A-D ; pi. 2, fig. 8-11)

Cancer cupulifer (Crabe cupulifère) Latreille in J. MILBERT, 1812, p. 273 : île de France. Pilumnus cupulifer (Pilumne ? porte-cupules), Latreille, Encycl. Méth., vol. 10, 1825 (1825-1828), p. 124 : île de France. Polydectus cupulifera 1, H. Milne Edwards, 1837, pi. 146. Atlas in CUVIER, Règne Animal, 1837 et 1849, pi. 14, fig. 4. Polydectus villosus Dana, 18526, p. 81 ; 1852c, p. 227 ; 1855, pi. 13, fig. 3 a-e : Tuamotu. Polydectus cupulifer, Richters, 1880, p. 149, pi. 15, fig. 17-20, pi. 16, fig. 1-8 : île Maurice. Polydectus cupulifera, Duerden, 1905, p. 506-510 : Hawaii. Polydectus cupulifer, Rathbun, 1906a, p. 866 : Hawaii ; Klunzinger, 1913, p. 281 [185]. pi. 7, fig. 8 : mer Rouge. Polydectus cupulifer, Balss, 1934&, p. 513, 514 : région-indo-pacifique ; Edmondson, 1946, p. 301 ; 1962a, p. 216, 217, 304, fig. 32, c, 34, a, b : Hawaii et îles de la Ligne; Tweedie, 1950&, p. 125 : Cocos-Keeling ; Tinker, 1965, p. 118, 1 photogr. : Hawaii ; Schmitt, 1965, p. 150 (cit.) ; Sakai, 1967, p. 71, 78 (cit.).

MATÉRIEL EXAMINÉ.

1 Ç 9,7 X 11,3 mm (spécimen dénudé), mer Rouge, M. Clôt BEY, det. Polydectus cupuliferus (MP- B2898S). 1 $ ovigère 10,4 X 13 mm (spécimen non dénudé), Hawaii, Oahu, Hanauma Bay, C. E. CUTRESS coll., 18 June 1954, Cat. U.S.N.M. 99172 (pt.). 1 $, Honolulu, MORTENSEN Exp., April 1915, GUINOT det. (UZMC). 1 $, Oahu, Kahala, May 1931, C. H. EDMONDSON det. (BPBM-S3423). 1 $, Oahu, Waikiki, C. H. EDMONDSON det., Dec. 1927 (BPBM-S2765). 1 spécimen, Pearl and Hermès, DRANGA coll., C. H. EDMONDSON det. (BPBM-S2726). 1

ÉCOLOGIE ET ÉTHOLOGIE de Polydectus

Polydectus cupulifer a d'abord été reconnu, en 1812, à l'île Maurice. LATREILLE (1825, Encycl. Méth., p. 124) observe une substance gommeuse formant un empâtement à l'extrémité des doigts des pinces. Mais il n'est pas fait mention de l'environnement naturel qui abrite ce Crabe. DANA (1852C, p. 227) indique pour Polydectus villosus, trouvé sous les pierres aux Tuamotu, une matière spongieuse entre les doigts des chélipèdes. C'est RICHTERS (1880, p. 419) qui, retrouvant à l'île Maurice un P. cupulifer camouflé sous son épais tomentum, découvre l'Actinie tenue par les pinces du Crabe. DUERDEN (1905, p. 506-507) signale aux Hawaii la présence d'un exemplaire de Polydectus cupulifer sous les mêmes blocs de coraux qui abritent de nombreuses Lybia. Autant Lybia est une espèce active, autant l'hirsute Polydectus est lent et paraît peu sensible aux stimuli. Les Actinies retenues par les pinces du Crabe seraient du genre Phellia, dont les spécimens vivent également fixés sur les coraux dans le biotope naturel de Polydectus. Selon DUERDEN, Polydectus ferait moins de mou-

1. Le genre étant masculin (cf. HEMMING, 1958, p. 36), le nom spécifique est cupulifer. 66 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES vements avec ses chélipèdes que Lybia et serait moins actif dans la capture des polypes nécessaires à garnir ses pinces. RATHBUN (1906a, p. 866, 867) signale aussi P. cupulifer aux îles Hawaii, sous les pierres et parmi les coraux de la zone intertidale. D'après cet auteur, les Actinies sont fermement agrippées par les doigts bien dentés des pinces : « the sharp préhensile spines digging into the flesh ; usually the fingers are spread so as to seize opposite sides of the anémone, but in the case of the large one above mentioned [15 mm] the fingers of the are flexed and nip into a small bit of the anémone ». KLUNZINGER (1913, p. 281, 282), pour la première fois, trouve l'espèce en mer Rouge, dans la zone à Pocillopora parmi les pierres, et constate n'avoir pas décelé de différences entre Polydectus villosus et P. cupulifer. EDMONDSON (1946, p. 301, 302 ; 1962a, p. 216, 304, fig. 34, a, b) donne d'excellentes photos de Polydectus hawaiiens, aux formes cachées par un revêtement de longs poils jaunes et avec une ané­ mone serrée dans chacune des deux pinces. L'anémone transportée et utilisée comme instrument de défense serait Sagartia pugnax Verrill ; mais, en aquarium, en l'absence de Sagartia, Polydectus accepte de se saisir d'une anémone du genre Teliopsis, presque aussi grosse que lui. Polydectus cupulifer habi­ terait les îles Hawaii et les îles de la Ligne, sous les pierres, dans les interstices des rochers près de la côte et aussi à quelques mètres de profondeur. Selon W. SCHMITT (1965, p. 150), le Polydectus cupulifer des Hawaii transporte habituellement Telmatactis décora (cf. la partie consacrée au commensalisme chez les Polydectinae).

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DE Polydectus

La consultation de la littérature carcinologique fait apparaître l'hiatus qui, curieusement, caractérise la distribution géographique de Polydectus cupulifer, espèce peut-être peu commune. Elle est connue, d'une part, de l'ouest de l'océan Indien (île Maurice, patrie d'origine), de mer Rouge et, d'autre part, du Pacifique (Tuamotu : P. villosus Dana ; Hawaii et Line island). Elle n'a été signalée qu'exceptionnellement dans d'autres régions : BALSS (19346, p. 514) mentionne sans autre précision une femelle dans la région indo-pacifique et TWEEDIE (19506, p. 125) fait état d'un Polydectus récifal aux îles Cocos-Keeling. Nous pouvons confirmer la présence de Polydectus cupulifer dans l'archipel Indien à Koepang, « Snellius » Exped. (cf. matériel examiné). Les carcinologistes pensent qu'il s'agit d'une espèce unique, qui vit aussi bien en mer Rouge et à l'île Maurice qu'aux îles Hawaii. Partout, Polydectus offre un épais revêtement tomenteux qui dissimule ses formes, d'où seuls émergent les tubercules cupuliformes du bord orbitaire et les dents armant les doigts des chélipèdes. L'observation des spécimens en notre possession a montré que le nombre des dents des chéli­ pèdes n'était pas constant, sauf chez les spécimens hawaiiens. On pourrait supposer qu'il existe une spécialisation de Polydectus évoluant par populations géographiquement isolées. Les changements affecteraient certaines structures (doigts des pinces) sans pour autant, semble-t-il, modifier le compor­ tement (Actinie tenue par les pinces). Du fait de notre matériel insuffisant, nous n'avons pu mettre ces variations en rapport avec d'autres différences (voir ci-après, ainsi que le chapitre consacré aux chélipèdes de Polydectus et des diverses espèces de Lybia). Quoi qu'il en soit, pour Polydectus comme pour Lybia, il faut souhaiter une enquête étholo- gique très poussée.

CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES DE Polydectus

Polydectus cupulifer (pi. 2, fig. 8-11) est un Crabe remarquable non seulement par ses pinces modifiées pour la préhension d'une Anémone et la maintenance de celle-ci entre les doigts de la main, mais aussi par le revêtement très typique qui recouvre tout l'animal et par l'ornementation singulière SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 67 de la région orbitaire. Pour les autres caractères morphologiques, se reporter à la discussion sur les affinités avec le genre Lybia.

1. — Revêtement.

Le revêtement de Polydectus est si dense et si long qu'il recouvre tout l'animal, corps et pattes ; ce revêtement s'étend sur le devant et les côtés de la carapace, d'où la forme si curieuse que présente ce Crabe T[pl. 2, fig. 8, 9, 11) (cf. EDMONDSON, 1962a, fig. 34 a, b). RICHTERS (1880, p. 150) donne comme mesures 18 X 26 mm pour un Polydectus encore recouvert de sa « fourrure de poils », et 12 X 14 mm pour le même, dénudé. On ne distingue que les fossettes antennulaires, les yeux et les ornements en forme de cupule. Les mêmes longs poils couvrent les pattes, et il n'en émerge que le dactyle nu, corné et aigu. La carapace, une fois dénudée (pi. 2, fig. 10), laisse apparaître une lobulation assez accusée, avec des régions bien marquées, et un front saillant et arqué.

2. — Pinces.

Les pinces sont également revêtues d'un long et dense tomentum. Les chélipèdes (fig. 15) de- Polydectus sont courts et trapus, épais, et non grêles et étroits comme chez Lybia. Le carpe est réduit,, la main est courte, la portion palmaire est aussi large que longue. Le carpe et le propode sont dans le même plan, l'articulation à ce niveau ne provoquant pas, comme chez Lybia, une torsion marquée de la région distale de l'appendice. Les doigts sont relativement allongés, fortement écartés à leur base, et se terminent par une puissante pointe recourbée. Nous avons constaté, dans la littérature et sur nos spécimens, des différences portant sur le nombre des dents, incurvées, qui arment les doigts des pinces. S'agit-il simplement de cas dûs à la variabilité (l'un de nos spécimens, celui de Koepang, est différent à gauche et à droite) ou de dimorphisme sexuel ? Ou bien faut-il considérer ces différences comme spécifiques ou subspécifiques ? Notre matériel ne peut nous renseigner suffisamment. Voici les différents types d'armature (sans compter les crochets terminaux des doigts) que nous avons relevés, à la fois sur nos échantillons et dans la littérature :

— Tous les spécimens hawaiiens de notre matériel examiné (sur notre spécimen d'Honolulu de la col­ lection MORTENSEN, les pinces manquent), notamment le spécimen $ ovigère 10,4 X 13 mm d'Oahu (USNM. 99172) que nous figurons (fig. 15 C). doigt mobile : 1 seule dent, médiane, fortement inclinée vers l'arrière, doigt fixe : 2 dents, plus ou moins inclinées vers l'arrière. — Spécimen $ 9,7 X 11,3 mm de mer Rouge (MP-B2898S) (fig. 15 D, E). doigt mobile : 1 seule dent médiane. doigt fixe : 3 dents, dans la partie distale. — Spécimen g 8,7 X 10 mm de l'archipel Indien, Koepang (RMNH) (fig. 15 A, B). doigt mobile : 2 dents, dont la subdistale petite. doigt fixe : asymétrie. Sur la pince droite (fig. 15 A), il y a 3 dents distales. Sur la pince gauche (fig. 15 B), le bord préhensile porte quatre dents : trois distales ayant la même disposition que sur la pince droite et, en plus, une quatrième, plus proximale. — P. villosus Dana (d'après 1855, pi. 13, fig. 3 c) (cf. fig. 15 G) : une femelle des Tuamotu, île Raraka. doigt mobile : 2 dents aiguës. doigt fixe : 3 dents de taille croissante et orientées dans la même direction. — P. cupulifer, RICHTERS (1880, p. 150, pi. 16, fig. 6), sans doute une femelle, île Maurice (cf. fig. 15 F). doigt mobile : 2 dents, la subdistale faible. doigt fixe : 3 dents, dans la partie distale, irrégulièrement orientées. 68 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

FIG. 15 A-G. — Chélipèdes chez Polydectus cupulifer (Latreille). 15A, 15B : pinces droite et gauche, $ 8,7 X 10 mm, Indische Archipel, Koepang (RMNH) : A, propode et doigts du chélipède droit (pilosité non représentée) ( X 15) ; B, doigts de la pince gauche (pilosité représentée) ( X 15) ; 15C : doigts de la pince gauche (pilosité représentée), $ ovig. 10,4 X 13 mm, Oahu (USNM 99172) (x 15) ; 15D, E : chélipède gauche (X 7,5) et pince gauche grossie (X 16,5) (pilosité non représentée), $ 9,7 X 11,3 mm, mer Rouge, M. Clôt BEY (MP-B2898S) ; 15F : pince de Polydectus cupulifer (Latreille), sans doute Ç (d'après RICHTERS, 1880, pi. 16, fig. 6), île Maurice ; 15G : pince, $ de Polydectus villosus Dana (d'après DANA, 1855, pi. 13, fig. 3c), Tuamotu. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 6$

3. — Cupules orbitaires.

Emergeant de l'épais revêtement, trois gros tubercules cupuliformes, lisses, saillants et à surface concave ou aplatie, ornent le bord orbitaire (pi, 2, fig. 9). L'une de ces éminences, fortement spatulée, se situe à l'angle exorbitaire et est visible en vue dorsale. Les deux autres sont infra-orbitaires : l'une, plus petite et à peu de distance de la première ; l'autre, plus grande, à l'angle orbitaire interne, touchant et même recouvrant légèrement l'article basai antennaire (fig. 17 A). Sur le bord supra-orbitaire, de l'extérieur vers l'intérieur, se trouvent une dent serrulée puis une petite dent pointue. Les ornements fongiformes de la région oculaire de Polydectus rappellent ceux qui ornent cer­ taines espèces d'Halimede dans la zone orbitaire ainsi que sur le bord antéro-latéral, la carapace, les pinces. C'est cette ressemblance, ainsi que quelques similitudes dans les régions frontale, antennu- laire et antennaire, qui ont incité DANA (1852C, p. 227) et BALSS (19346, p. 514) à rapprocher Polydectus du genre Halimede. De tels ornements se rencontrent aussi chez certains Parapilumnus mais c'est, là aussi, une simple convergence.

Genre Lybia IL Milne Edwards, 1834

Melie (vernac.) Latreille, 1825, p. 269 (avec référence à Grapsus tesselatus [sic] Latreille, Encycl. Méth., pi. 305> fig. 2). Melia Latreille in A. A. BERTHOLD, 1827, p. 255 (avec, en note, référence à Grapsus tessellatus Latr., Encycl. Méth., pi. 305, fig. 2). Mélie, Melia Latreille, 1828, p. 705 [dans la suite alphabétique de l'Encyclopédie Méthodique, après Tricho- dactyle]. Mélie (Melia) Latreille, 1829, p. 43, note. Melia H. Milne Edwards, 1834, p. 431 ; Atlas, in CUVIER, Règne Animal, 1837 et 1849, p. 60, note. Lybia H. Milne Edwards, 1834, p. 431, note 2. Melia Dana, 1851c, p. 122, 128 ; 1852c, p. 229, 242 ; 1853, p. 1423. Ortmann, 1893, p. 474, 476. Alcock, 1898, p. 76, 230. Borradaile, 1902, p. 249. Lybia Rathbun, 1904a, p. 102. Lybia Nobili, 1906c, p. 295, 296 (clef). Klunzinger, 1913, p. 278 [182]. Melia Bouvier, 1915, p. 89-93. Lybia Balss, 19346, p. 519 ; 1938a, p. 70. Ward, 1939, p. 10. Barnard, 1950, p. 247, 248. Balss, 1957, p. 1652. Hemming, 1958, p. 34. Edmondson, 1962a, p. 216, 302-304. Sakai, 19656, p. 162 ; 1967, p. 77-80. Serène, 1965a, p. 26 ; 1968, p. 88. Guinot, 1967c, p. 268, note, et p. 274.

ESPÈCE TYPE. — Grapsus tessellatus Latreille in J. MILBERT, 1812 (p. 275), par monotypie. 70 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

ESPÈCES INCLUSES

Lybia tessellata (Latreille, 1812) Lybia leptochelis (Zehntner, 1894) *Lybia caestifera (Alcock, 1898) *Lybia pugil ? (Alcock, 1898) (? = L. leptochelis) Lybia denticulata Nobili, 1906 Lybia plumosa Barnard, 1947 (= L. afî. plumosa Guinot, 1964) * Lybia hatagumoana Sakai, 1961 Lybia edmondsoni Takeda et Miyaké, 1970 *Lybia australiensis (Ward, 1933) : transférée du genre Prolybia dans le genre Lybia

Lybia tessellata (Latreille, 1812)

(Fig. 17 D, 18 E, 19 C, 20 E-H, 22 D ; pi. 2, fig. 6)

Grapsus tessellatus (grapse damier) Latreille in J. MILBERT, 1812, p. 275 : île de France. Grapsus tesselatus [sic], Latreille, Atlas, Hist. Nat., Encycl. Méth., 1818, pi. 305, fig. 2 (la légende de la planche se trouve p. 4). [LATREILLE cite cette planche dans BERTHOLD, cf. ci-dessous]. Melie Latreille, 1825, p. 269 (avec, en note, référence à Grapsus tesselatus [sic] Latr., Encycl. Méth., pi. 305, fig. 2). Melia Latreille in A. A. BERTHOLD, 1827, p. 255 (avec, en note, référence à Grapsus tessellatus Latreille, Encycl., Méth., pi. 305, fig. 2). Melia tesselata [sic] (Mélie damier), Latreille, Encycl. Méth., vol. 10, 1828 (1825-1828), p. 705. Grapsus tesselatus [sic]... « type d'un autre nouveau genre, Mélie (Melia) ... », Latreille, 1829, p. 43, note. Melia (= Lybia) tresselata [sic] (Mélie damier), H. Milne Edwards, 1834, p. 431 et note, pi. 18, fig. 8, 9 : île de France ; Atlas in CUVIER, Règne Animal, 1837 et 1849, p. 60, note, pi. 15, fig. 3, 3a . Melia tessellata, Dana, 1852c, p. 242 ; 1855, pi. 14, fig. la-d : île Wake. Melia tessellata, Hoffmann, 1874, p. 39 : île Maurice, La Réunion. Melia tessellata, Richters, 1880, p. 140, 150, pi. 16, fig. 19-22 : île Maurice. Melia tessellata, A. Milne Edwards, 1862, p. 5 : La Réunion. Melia tessellata, de Man, 1888, p. 326 : Amboine. Melia tesselata [sic], Ortmann, 1893, p. 476 : Maldives, Nouvelle-Guinée. Melia tesselata [sic], Borradaile, 1900, p. 580 : Rotuma. Melia tessellata, Borradaile, 1902, p. 250, fig. 49 : Maldives, Minikoi. Lybia tesselata [sic], Rathbun, 1904a, p. 102; 1911, p. 236 : Salomon, Saya de Malha, Amirantes, Coetivy. Melia tessellata, Lenz, 1905, p. 358 : Aldabra. Lybia tessellata, Nobili, 1906c, p. 269 (clef). Melia tessellata, Caïman, 19096, p. 705 (cit.) : île Christmas (océan Indien). Lybia tessellata, Pesta, 1911, p. 51, pi. 3, fig. 5 : Upolu et Amboine, Fijdi, Célèbes. Lybia (Melia) tessellata, Klunzinger, 1913, p. 280 [184] (cit.). Melia tesselata [sic], Bouvier, 1915, p. 86 : île Maurice. Lybia tesselata [sic], Edmondson, 1923, p. 21 (? pro parte) ; 1925, p. 40 : ? Wake. Melia tesselata [sic], Finnegan, 1931, p. 647 : Marquises. Lybia tesselata [sic], Balss, 1938a, p. 71 : Gilbert; Miyaké, 1939a, p. 218 (cit.) ; Ward, 1939, p. 10 : Samoa; Tweedie, 19506, p. 125 : Cocos-Keeling. Lybia tessellata, Barnard, 1950, p. 249, fig. 46, a, b : non signalé en Afrique du Sud. Lybia tesselata [sic], Holthuis, 19536, p. 23 : Mariannes, Gilbert, Tuamotu. Lybia tessellata, Sankarankutty, 19616, p. 121, 131, fig. 2, A, B : Minikoi ; Guinot, 1964c, p. 100 : Aldabra ; Sakai, 19656, p. 162 ; 1967, p. 77, 78 : Japon ; Suzuki et Kurata, 1967, p. 89, 90, 100, 102, fig. 7 : Japon. Cf. Lybia tesselata [sic], Takeda et Miyaké, 19706, p. 11-15 (notamment p. 15) : Tahiti, îles Ryu-Kyu.

nec Lybia tesselata [sic], Rathbun, 1906a, p. 866 : Hawaii ; Edmondson, 1925, p. 40 ; 1946, p. 302, fig. 181, b ; 1962a, p. 303, fig. 33 : Hawaii ; Tinker, 1965, p. 116, 1 photogr. = Lybia edmondsoni Takeda et Miyaké, 1970. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 71

MATÉRIEL EXAMINÉ.

Nombreux spécimens $ et $, île Maurice, récifs de Grand-Port, M. CARIÉ 1913, BOUVIER det. Melia tessellata (MP : 3 échantillons). 1 3\ île Maurice, Le Chaland, Paul CARIÉ 1913, BOUVIER det. Melia tessellata (MP). 2 spécimens, île Maurice, Le Chaland, M. CARIÉ 1913, Corail rose, 28.9.12, BOUVIER det. Melia tessellata (MP). 1 Ç, île Maurice, Le Chaland, P. CARIÉ coll., oct. 1911, BALSS det. Lybia tessellata (MP). Nombreux spécimens, île Maurice, Port Louis, CARIÉ 1913, BOUVIER det. Melia tessellata (MP : 2 échan­ tillons). Nombreux spécimens, île Maurice, Paul CARIÉ 1913, BOUVIER det. Melia tessellata (MP : 2 échantillons). 1 spécimen, île de France, M. MARIE 883-87, GUINOT det. Lybia tessellata (MP). 1 $, île Bourbon, M. MAILLARD, det. Melia tessellata (MP-B2652S). 1 $ ovig., île Bourbon, M. MAILLARD, det. Melia tessellata (MP-B2651S). 1 <$, océan Pacifique, M. A. EDWARDS, det. Melia tessellata (MP-B2653S). 4 <£, 2 Ç, 2 $ ovigères, Aldabra, sous les pierres, « Calypso » coll. 3-6-1954, GUINOT det. (cf. 1964c, p. 100)(MP). REMARQUES. — La liste de références que nous donnons est sujette à caution puisque l'identi­ fication des spécimens n'a pas été vérifiée. Il faudra examiner plus spécialement les Lybia tessellata du Pacifique, car elles pourraient représenter en fait L. edmondsoni Takeda et Miyaké, 1970. Cela est valable aussi pour les Lybia tessellata de l'océan Indien, rien ne s'opposant, en effet, à ce que L. edmond­ soni, pour l'instant reconnue comme typiquement hawaiienne, s'étende hors de cette région du Paci­ fique. D'après TAKEDA et MIYAKÉ (19706, p. 11-15, fig. 1-6), sur 17 spécimens hawaiiens, un seul appar­ tiendrait à L. tessellata, tous les autres à L. edmondsoni. Les deux espèces peuvent donc cohabiter, mais aux Hawaii l'espèce de LATREILLE paraît être bien plus rare (voir sous L. edmondsoni). Les Lybia des régions proches des Hawaii devront donc être examinées très soigneusement. C'est, en premier lieu, le patron de coloration qui permet de distinguer les deux espèces : L. tes­ sellata, qui porte bien son nom de « Melie damier », offre un réseau coloré tessellé. avec de larges poly­ gones ; L. edmondsoni montre un labyrinthe de fines lignes et quelques grandes taches claires (cf. la photographie donnée par TINKER, 1965). La figure de DANA (1855, pi. 14, fig. 1), où l'on voit bien le réseau coloré, polygonal, d'une Lybia de l'île Wake, n'est pas essentiellement différente de ce que l'on voit sur le dessin avec notes de couleur donné par RICHTERS (1880, pi. 16, fig. 19) pour une tessellata de l'île Maurice, donc topo­ typique. La Lybia de l'île Wake serait donc bien tessellata (cf. le chapitre sur les patrons de coloration dans le genre Lybia). Les différences spécifiques entre L. tessellata et L. edmondsoni sont très légères (voir sous L. edmondsoni) ; à l'intérieur du genre Lybia, où se distinguent des groupes d'espèces, la proximité de ces deux espèces (forme générale, régions frontale et buccale, plastron sternal, pléopodes sexuels) est incontestable. L. edmondsoni, si elle est vraiment confinée aux Hawaii, pourrait être considérée comme une espèce ayant évolué séparément dans une aire restreinte, les deux espèces étant devenues secon­ dairement sympatriques, par extension de l'aire de L. tessellata dans le Pacifique nord. La répartition de L. tessellata est très vaste, depuis l'océan Indien oriental jusqu'à Tahiti, aux Marquises et même aux Hawaii. C'est, de loin, la plus commune des espèces du genre Lybia.

Lybia leptochelïs (Zehntner, 1894)

(Fig. 16 C, c, 21 E, F, 22 C ; pi. 2, fig. 2) Ceratoplax leptochelis Zehntner, 1894, p. 174, pi. 7, fig. 9 : Amboine. Melia leptochelis, Tesch, 1918, p. 202, 203 (cit.). ? Lybia leptochelis, Balss, 1938a, p. 71 : Fidji. Lybia leptochelis, Barnard, 1947, p. 364 ; 1950, p. 251, fig. 46, c-e : Delagoa Bay ; McNae et Kalk, 1958, p. 82 : île Inhaca ; Sakai, 1967, p. 78 (cit.) ; Serène, 1968, p. 88 (cit.). née Lybia leptochelis, Balss, 1934&, p. 519 : Madagascar = Lybia plumosa Barnard, 1947 (cf. infra). 72 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

MATÉRIEL EXAMINÉ.

Holotype, ^3x4 mm, Amboine, Voyage BEDOT et PICTET, ZEHNTNER det. Ceratoplax leptochelis (MHNG).

REMARQUES. — Lybia leptochelis est une espèce peu connue : depuis sa découverte par ZEHNT­ NER en 1894 (loc. cit.) à Amboine, seul BARNARD (loc. cit.) en aurait retrouvé deux exemplaires, dans la Baie Delagoa. Les L. leptochelis signalées par BALSS (loc. cit.) à Madagascar et déposées dans nos collections (cf. pi. 2, fig. 3) nous paraissent plutôt identifiables à L. plumosa Barnard. Nous ne connais­ sons pas l'identité exacte de la Lybia des Fidji rapportée à leptochelis par BALSS en 1938 (loc. cit.). L. leptochelis et L. plumosa sont des espèces fort proches. Nous avons pu examiner l'holotype mâle de Lybia leptochelis (pi. 2, fig. 2), conservé au Muséum de Genève, mais nous n'avons pas eu la possibilité de le confronter au type de Lybia plumosa (pi. 2, fig. 4), d'Afrique du Sud, ni à du matériel topotypique de plumosa. La comparaison serait du reste malaisée du fait de la très petite taille du type de L. leptochelis. BARNARD, qui a eu sous les yeux en 1947 et 1950 (loc. cit.) l'une et l'autre forme, base leur distinction sur deux caractères souvent difficiles à observer, parfois contestés, à savoir la pilosité et la coloration. Le corps est recouvert d'un tomentum typique, très dense et plumeux chez L. plumosa, plus rare chez L. leptochelis. Chez cette dernière, ZEHNTNER (loc. cit., p. 176) a pourtant signalé « un duvet très court de la couleur générale du corps » et « en outre sur le front, sur les sternites, sur l'abdomen et sur les pattes ambulatoires une pubescence laineuse composée de poils très forts, frisés et souvent un peu épaissis à l'extrémité ». BARNARD cons­ tate chez les Lybia leptochelis sud-africaines des touffes de poils plumeux sur la carapace. Des touffes de soies ornent en effet la carapace de l'holotype de L. leptochelis. La carapace de L. plumosa, laquelle se reconnaît à son faciès hirsute, poilu, n'offre pas de réseau coloré. Par contre, chez L. leptochelis,, BARNARD (1950, p. 251, cf. fig. 46, c) indique : « Pale buffj rather dirty or greyish over most of carapace except the centres of the ocelli, antero-lateral lobes clear with a pinkish tinge, black lines (more distinct in $ than in <§) along lobes and around ocelli, on eyes, pro- ximal third of flagellum of ant. 2, mandibles, epistome, and pterygostomial région ». ZEHNTNER (ibid.) avait noté, dans la description originale, une coloration jaune blanchâtre uniforme, sauf sur le flagelle des antennes qui serait rougeâtre. En ce qui concerne ces deux caractères, nous ne pouvons que constater : aucune coloration sur l'holotype (totalement décoloré) de L. leptochelis, espèce qui serait pubescente mais non abon­ damment poilue comme L. plumosa ; pas de coloration sur les L. plumosa, dont la carapace et les pattes s'ornent de la dense pilosité brun-jaune qui a suscité le nom spécifique de cette espèce. Il existe certainement une différence de proportions entre la carapace de L. leptochelis et celle de L. plumosa, la première étant relativement plus large que la seconde : voir les dessins, fig. 16, où nous montrons, côte à côte, l'holotype de L. leptochelis (fig. 16 C, c) et deux Lybia de Madagascar que nous identifions à L. plumosa, un jeune et un adulte (fig. 16 A, a et 16 B, b). Les dents du bord antéro-latéral, quoique assez proches, diffèrent, notamment en ce qui concerne la dent exorbitaire, qui est plus longue, en forme de lobe et nettement tronquée chez L. plumosa (cf. la figure de BARNARD, 1950, fig. 46, b, et la correction du même auteur en 1955, fig. 13 d, ainsi que nos illustrations fig. 16 A, a). Le bord antéro-latéral porte au total trois lobes ou dents chez L. plumosa (cf. fig. 18 F), deux chez L. leptochelis (sans compter l'indentation postérieure chez l'une et l'autre espèce). Étant donné la différence de taille des espèces considérées, il est difficile de reconnaître avec précision des différences dans les dimensions et proportions des pattes ambulatoires. Si l'on compare les proportions des pattes chez les deux espèces, elles apparaissent similaires ; par ordre croissant de taille, on a : p2, p5 (à peu près équivalents), ensuite p3, puis p4. Néanmoins, chez L. plumosa, les appendices ambulatoires semblent relativement plus forts et plus robustes, avec toujours un mérus très

FIG. 16 A-C, a-c. — Comparaison du contour des carapaces chez l'holotype de Lybia leptochelis (Zehntner) et chez L. plumosa Barnard, jeune et adulte, ramenées à la même taille (fig. A, B, C) et à un même grossissement ( X 6,3) (fig. a, b, c). A, a, Lybia plumosa,

b 74 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES élargi, un propode fort et poilu, un dactyle épais ; p2 apparaît assez développé. Chez L. leptochelis, les pattes seraient plus fines, surtout le propode, lequel porte comme tous les autres articles une certaine pubescence et quelques touffes de soies sur les bords ; en outre, p2 serait relativement plus grêle. L'holotype de L. leptochelis, dont les mains sont dépourvues d'Actinies, offre — comme l'a indi­ qué ZEHNTNER (loc. cit., p. 176) — un espace lancéolé entre les bords préhensiles des doigts ; ceux-ci sont armés de 9 dents étroites, aiguës, presque toutes dirigées vers l'arrière. ZEHNTNER (loc. cit., pi. 7, fig. 9 b) en donne une image assez bonne, quoique le nombre des spinules y soit exagéré. Nous redon­ nons un dessin du chélipède de L. leptochelis (fig. 22 C), car il semble bien que ce soit un caractère différentiel d'avec plumosa (fig. 22 F), où les doigts paraissent plus droits, sauf à leur extrémité, très incurvée, et portent un nombre inférieur de spinules (pas plus de 7, semble-t-il). Tout cela demande naturellement une vérification sur un matériel plus important. BALSS (19346, p. 519) qui, selon nous, a confondu son matériel de Madagascar identifié lepto­ chelis avec la L. plumosa qu'allait décrire plus tard BARNARD (cf. supra), a placé la Melia pugil Alcock, 1898 (p. 231 : Ceylan ; Illustr. « Invest. », pi. 38, fig. 5) en synonymie avec L. leptochelis (Zehntner). Cette même démarche pugil = leptochelis a été suivie par RATHBUN (1911, p. 236 : Saya de Malha, Amirantes) et également par BARNARD (1947, p. 364 ; 1950, p. 251), lorsqu'il a retrouvé l'espèce de ZEHNTNER en Afrique du Sud et décrit L. plumosa. Les auteurs récents, tel SAKAI (1967, p. 78), conti­ nuent à identifier L. pugil à L. leptochelis. Il est un fait que la L. pugil figurée par ALCOCK ressemble à leptochelis. Voir sous Lyhia pugil. La répartition de L. leptochelis serait : Amboine, Afrique du Sud (Natal).

*Lybia pugil ? (Alcock, 1898)

(PL 19, fig. 6)

Melia pugil Alcock, 1898, p. 231 ; Illustr. « Invest. », pi. 38, fig. 5 : Ceylan. Lyhia pugil, Rathbun, 1911, p. 236 : Saya de Malha, Amirantes. Melia pugil, Bouvier, 1915, p. 91, 92 (cit.). Cf. Balss, 19346, p. 519 ; Barnard, 1950, p. 251 ; Sakai, 1967, p. 78, 79 ; Serène, 1968, p. 88 : ? = L. leptochelis (Zehntner).

REMARQUES. — Cette espèce est considérée par les auteurs récents comme un synonyme de L. leptochelis (Zehntner, 1894). BALSS (19346, p. 519) n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il iden­ tifie pugil à l'espèce de ZEHNTNER. Du reste, ce que BALSS, à ce moment, tenait pour L. leptochelis serait, selon nous, L. plumosa. On ne connaît les caractères distinctifs de pugil, donnés par ALCOCK lors de la diagnose originale, que par rapport à la L. caestifera du même auteur, espèce au sujet de laquelle subsistent des incertitudes (cf. SAKAI, 1967, p. 77-78). SAKAI (ihid.) fait remarquer que les marques colorées sur la carapace de Lyhia caestifera seraient les mêmes que chez la Lyhia leptochelis figurée par BARNARD en 1950. A remarquer chez Lybia pugil, représentée par ALCOCK et ANDERSON dans les Illustrations de T « Investigator », que les pattes ambulatoires sont fortes, notamment les p2 aussi robustes que p5 (au Heu de plus grêles chez caestifera). Chez L. leptochelis figurée par ZEHNTNER (1894, pi. 7, fig. 7), les p2 semblent plutôt grêles. Il y aurait là raison à ne pas identifier si facilement pugil à leptochelis. Chez L. pugil, comme chez leptochelis, les p4 paraissent très puissants, ce qui serait, par contre, en faveur de la réunion des deux espèces. Ce qui nous fait hésiter à identifier pugil à L. leptochelis, c'est la carapace représentée plus lobulée dans Illustr. « Investig. » (cf. notre pi. 19, fig. 6) qu'elle ne l'est chez L. leptochelis (pi. 2, fig. 2). ALCOCK (loc. cit., p. 232) écrit au sujet de la face dorsale : « the régions though as well defined are not nearly so much broken up into tubercles », cela par rapport à L. caestifera, espèce au contraire aréolée et tuberculée. On peut penser d'après la figure d'ALCOCK et ANDERSON que, si pugil = leptochelis appa­ raît trop lobulée, c'est parce que l'auteur a peut-être tenu compte des taches colorées, des ocelles, comme on le voit sur la figure de leptochelis par BARNARD (1950, fig. 46, c). SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 75

Nous préférons laisser Lybia pugil (Alcock) provisoirement séparée de L. leptochelis, l'identité des deux espèces n'étant pas assurée. Il serait très intéressant de retrouver des Lybia sur les côtes indiennes et de les identifier.

*Lybia caestifera (Alcock, 1898)

(PL 19, fig. 5) Melia caestifera Alcock, 1898, p. 231 ; Illustr. « Invest. », pi. 38, fig. 4 : Ceylan. ? Lybia caestifera, Rathbun, 1906a, p. 866 : Hawaii ; ? 1907, p. 60 : Tahiti. ? Melia caestifer, Bouvier, 1915, p. 87 : île Maurice. ? Lybia caestifera, Balss, 1924a, p. 11 : mer Rouge. Lybia caestifera, Edmondson, 1962a, p. 302, 303-304, fig. 32b (d'après RATHBUN) ; Sakai, 1967, p. 77, 78-79 : Japon ; Kurata, 1967, p. 84-85, fig. 1 : Japon ; Serène, 1968, p. 88 (cit.). nec Lybia câstifera, Klunzinger, 1913, p. 278 [182], pi. 7, fig. 7 (mer Rouge) = Lybia australiensis (Ward, 1933), fide SAKAI, 1967, p. 78.

REMARQUES. — Cette espèce, décrite en même temps que Lybia pugil (Alcock) et, comme cette dernière, originaire de Ceylan, est en fait peu connue. La liste de références ci-dessus n'est présentée qu'à titre indicatif, puisque nous n'avons examiné aucun matériel de L. caestifera. RATHBUN (loc, cit.) n'est pas tout à fait sûre de l'identification à L. caestifera de son spécimen hawaiien de la côte de Molokai. EDMONDSON (loc. cit.) n'a pas retrouvé l'espèce aux Hawaii et ne la cite que d'après RATHBUN. Selon SAKAI (loc. cit.), la Lybia câstifera de KLUNZINGER, 1913, serait en réalité Lybia australiensis (Ward) (cf. infra). Les spécimens pouvant être référés avec certitude à L. caestifera (Alcock) (cf. pi. 19, fig. 5) sont donc rares, et c'est pourquoi la découverte récente de cette espèce au Japon — si c'est bien elle — est intéressante : l'article de KURATA (loc. cit.), en japonais, est illustré d'une figure caractéristique. SAKAI (loc. cit.) incline à penser que la Lybia japonaise pourrait bien être l'espèce d'ALCOCK. Il y a trois dents antéro-latérales sur la L. caestifera typique de Ceylan, quatre (mais avec la 4e dent petite, vestigiale) sur le spécimen vu par SAKAI. Envisageant, d'après la figure donnée dans les Illustr. « Invest. », que l'on peut distinguer une 4e dent vestigiale chez L. caestifera, SAKAI pense qu'il existe peut-être réellement une 4e dent chez l'espèce d'ALCocK, ce qui lui permet d'identifier le matériel japonais à L. caestifera. Or, ALCOCK avait principalement basé sa distinction de caestifera et de pugil sur la pré­ sence de 3 lobes antéro-latéraux chez la première, au lieu de 4 (3 dents, plus une indentation) chez la •seconde. Sur les figures de 1' « Investigator », remarque-t-on, à tout le moins, une indentation (? 4e dent vestigiale de SAKAI) chez caestifera, un 4e lobe chez pugil.

Lybia denticulata Nobili, 1906 (Fig. 17 B, 18 C, 19 B, 21 G-I, 22 A, B ; pi. 2, fig. 1) Lybia denticulata Nobili, 1906a, p. 408 ; 1906c, p. 294, pi. 8, fig. 6 : mer Rouge ; Klunzinger, 1913, p. 278 [182], 280 [184] (cit.) ; Sakai, 1967, p. 78 (cit.) ; Serène, 1968, p. 88 (cit.).

MATÉRIEL EXAMINÉ.

2 syntypes, $ 9 X 10 mm 1, $ 7,3 X 8,4 mm, mer Rouge, Dr JOUSSEAUME 1897 (MP).

REMARQUES. — Une étude détaillée de cette espèce est fournie plus loin dans la discussion des ;alïinités du genre Lybia et du genre Polydectus. Nous donnons une photographie de l'ensemble de l'animal (pi. 2, fig. 1), de la face ventrale, moitié antérieure (fig. 17 B), du cadre buccal avec la lacinie de mxpl (fig. 18 C), du sternum thora- cique (fig. 19 B), du chélipède (fig. 22 A, B) et des pli

1. NOBILI (1906C, p. 294) donne des dimensions inverses, à savoir 10 mm de long et 9 mm de large ; ^pourtant, dans son texte, il indique bien : « la carapace est un peu plus large que longue ». 76 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

Lybia plumosa Barnard, 1947

(Fig. 16 A, a, B, b, 17 C, 18 B, F, 21 A-D, 22 F ; pi. 2, fig. 3-5)

Lybia plumosa Barnard, 1947, p. 364 ; 1950, p. 252, fig. 46, f : Natal, Umtwalumi ; 1954a, p. 126 ; 1955, p. 4, fig. 13 d : Durban Bay et Delagoa Bay ; 1958, p. 4 : île Mozambique. Lybia leptochelis, Balss, 19346 (nec Zehntner, 1894), p. 519 : Madagascar (Ankify, Nosy-Bé) ; McNae et Kalky 1958, p. 88 : île Inhaca. Lybia aff. plumosa, Guinot, 1964a, p. 20, fig. 5 a-c, 6 : côte de Somalie (Hafun). Lybia plumosa, Sakai, 1967, p. 80 (cit.) ; Serène, 1968, p. 88 (cit.).

MATÉRIEL EXAMINÉ.

Holotype, $ 6,5 X 9 mm, Natal, Umtwalumi, T. A. STEPHENSON coll. (SAM-A10847). 1 S 6 X 75 mm, Moçambique, Delagoa Bay, BARNARD det. (SAM-A10848). 1 cJ, 1 $, Moçambique, Jangamo, (SAM-A13530). 1 $ ovig. 8,7 X 12 mm, Madagascar, Ankify, MILLOT leg. (739), BALSS det. Lybia pugil = Lybia lepto­ chelis (cf. 19346, p. 519) (MP). 1 $ ovig., Madagascar, récifs de Nosy-Bé, G. PETIT leg. (282), BALSS det. Lybia pugil = Lybia lepto­ chelis (cf. 19346, p. 519) (MP). 1 (J5 X 6,6 mm, 1 $ 5,6 X 7,5 mm, Madagascar, Fort-Dauphin, Mission R. DECARY, mai 1932 : com­ parés à l'holotype par D. GUINOT en 1968 (MP). 1 juv., Madagascar, côte ouest, CROSNIER coll. et det. (MP).

REMARQUES. — La photographie que nous publions ici de l'holotype Ç de Lybia plumosa (pi. 2,. fig. 4) donne une image différente du dessin figuré par BARNARD (1950, fig. 46, f) : sur la photographie,, le corps semble moins étroit, les régions de la carapace plus marquées, ce qui lui confère une physiono­ mie plus proche de L. leptochelis (Zehntner) (cf. BARNARD, ibid., fig. 46, c). En 1955 (fig. 13 d), BARNARD a représenté la carapace de Lybia plumosa « more correctly drawn than in fig. 46 f in Barnard 1950 » : cette représentation se rapproche davantage de la réalité, sans toutefois reproduire, à notre avis, l'aspect réel de ce Crabe. En 1964 (loc. cit.), n'ayant pas encore vu l'holotype de plumosa, nous avons,, dans le doute, identifié comme aff. plumosa un spécimen de Somalie. Bien que nous n'ayons pas pu confronter au cours de la présente révision cet échantillon au type de L. plumosa, nous référons nôtres aff. plumosa (cf. le pli $ figuré fig. 21 D) à l'espèce de BARNARD. Le matériel du Muséum à Paris, sur lequel nous avons fondé notre étude de L. plumosa, provient de diverses régions de Madagascar (cf. pi. 2, fig. 3). Du reste, nous identifions à L. plumosa des Lybia de Nosy-Bé et d'Ankify déterminées leptochelis par BALSS (19346, p. 519). L. leptochelis (Zehntner,. 1894) et L. plumosa Barnard, 1947, sont en effet deux espèces fort voisines, qui cohabitent en Afrique du Sud (cf. sous L. leptochelis et pi. 2, fig. 2) et qui se distinguent surtout par la pilosité, très dense chez L. plumosa, plus rare chez L. leptochelis, et par le patron de coloration, ocellé chez L. leptochelis, absent chez L. plumosa. La répartition de L. plumosa serait : Afrique du Sud, Natal, île Mozambique, Somalie, Mada­ gascar.

*Lybia hatagumoana Sakai, 1961

(Fig. 20 K, 22 G ; pi. 19, fig. 7)

Lybia hatagumoana Sakai, 1961, p. 142, fig. 2 a-d : Japon (Sagami Bay) ; 19656, p. 162, pi. 80, fig. 1 : Sagami Bay ; 1967, p. 77, 80 ; Serène, 1968,' p. 88 (cit.).

REMARQUES. — Cette espèce, décrite par SAKAI {loc. cit.) de la baie de Sagami au sud de Tokyo„ n'est connue que par trois spécimens. Nous n'avons pas pu l'examiner. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 77

L. hatagumoana, dont nous reproduisons ici (pi. 19, fig. 7) le dessin publié par SAKAI (1965b, pi. 80, fig. 1), se caractérise par une carapace subcirculaire, granuleuse, aréolée, dépourvue de pilosité (SAKAI ne la mentionne point et il ne figure des soies que sur les pattes ambulatoires) ; par un bord antéro-latéral armé de deux petits lobes granuleux et denticulés ; par les péréiopodes granuleux ; par les pattes ambulatoires (cf. fig. 22 G) fortes et longues, avec p2 presque aussi long que p3 et p4. Sur la figure donnée par SAKAI (1961, fig. 2 c, d) l'extrémité, particulière, du pli $ (fig. 20 K) n'est pas bifide, ce qui distingue hatagumoana de toutes les autres espèces de Lybia. Il faut noter toutefois que, dans une certaine position de l'appendice, l'aspect bilobé de l'apex n'apparaît pas chez certaines Lybia, où les lobes sont subégaux. Nous n'avons pas de représentation de la face ventrale de la carapace, ni des mxp3, ni du sternum thoracique.

Lybia edmondsoni Takeda et Miyaké, 1970

(Fig. 18 D, 20 I, J, 22 E ; pi. 2, fig. 7)

Lybia tessellata, Rathbun (nec Latreille), 1906a, p. 866 : Hawaii ; Edmondson, 1923, p. 21 : Hawaii ; 1925, p. 40 : Hawaii ; 1946, p. 302, fig. 181, b : Hawaii ; 1962a, p. 303, fig. 33 : Hawaii ; Tinker, 1965, p. 116, 1 photogr. : Hawaii. Lybia edmondsoni Takeda et Miyaké, 1970è, p. 11-15, fig. 1-6 : Hawaii.

MATÉRIEL EXAMINÉ.

1 S paratype 6,8 X 8,8 mm, Hawaii, S.W. Oahu, 40-350 feet depth, Brock « Makua », 8-8-1949 [BPBM- S5526 (pt

REMARQUES. — En 1906 (1906a, p. 866), RATHBUN observait sur la carapace de trois spécimens hawaiiens conservés dans le formol une ornementation colorée non sous forme de polygones, comme on l'indique généralement pour tessellata, mais une surface couverte, à l'exception de 6 plages blanches irrégulières (2 antérieures, 4 postérieures), d'un labyrinthe de lignes fines entourant des lignes encore plus fines et plus courtes. La photographie donnée par TINKER (1965) d'une Lybia hawaiienne offre une très belle image de ce labyrinthe de fines réticulations que l'on distinguait déjà sur les figures des Lybia identifiées à L. tessellata par EDMONDSON (1946, fig. 181, b ; 1962a, fig. 33). Depuis plusieurs années déjà, nous avions décelé de légères différences entre une Lybia hawaiienne en cours d'étude (USNM) et la Lybia tessellata si commune dans l'Indo-Pacifique, lorsque nous avons appris l'existence d'une L. edmondsoni Takeda et Miyaké, 1970. Ces deux auteurs ont en effet séparé une Lybia typiquement hawaiienne, caractérisée par un patron de coloration distinct de celui de L. tes­ sellata. Pour l'instant, L. edmondsoni serait endémique des îles Hawaii, où se trouverait toutefois aussi, mais rarement, la vraie L. tessellata. Le matériel examiné de Tahiti et des îles Ryukyu par les auteurs japonais ne révèle pas la présence de L. edmondsoni, seulement celle de L. tessellata. Les auteurs japo­ nais ne font pas mention des Lybia des îles Palmyre, Fanning et Wake identifiées par EDMONDSON (loc. cit.). Il serait intéressant de préciser l'aire d'extension de L. edmondsoni ou son confinement aux îles strictement hawaiiennes et de confirmer la cohabitation des deux espèces avec, dans l'affirmative, la localisation des populations. Les différences entre L. edmondsoni et L. tessellata sont minimes. Les caractères fondamentaux sont les mêmes (cf. infra, la discussion sur les divers types de Lybia). Chez L. edmondsoni, les crêtes de la région antérieure de la face dorsale sont plus marquées et s'étendent transversalement sur toute la largeur de la carapace ; la région antéro-latérale est aussi plus rugueuse que chez L. tessellata. Le 78 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRAGHYOURES bord supra-orbitaire, qui forme une concavité chez tessellata, descend au contraire en pente douce chez edmondsoni. Le cadre buccal est similaire chez les deux espèces, avec présence de crêtes endostomiennes, mais chez L. edmondsoni (fig. 18 D) la lacinie de mxpl est plus échancrée que chez L. tessellata (fig. 18 E), où celle-ci semble remonter aussi plus en avant. Le premier pléopode mâle est également très voisin chez les deux espèces, aussi bien par la forme que par l'ornementation. Toutefois, chez L. edmondsoni (fig. 20 I, J), la frange distale de longues soies plumeuses est nettement séparée en deux parties alors que, chez L. tessellata (fig. 20 E-G), elle est pra­ tiquement continue. Comme chez tessellata (fig. 19 C), le plastron sternal de L. edmondsoni est court et large ; il s'élargit notamment en avant des pi. Les pattes ambulatoires ont à peu près les mêmes proportions chez les deux espèces. Quant aux chélipèdes, ils semblent différer par le nombre des dents qui arment le bord préhensile des doigts, ce nombre étant un peu plus élevé chez edmondsoni (10 à 12 selon TAKEDA et MIYAKÉ, loc. cit.) que chez tessellata (jusqu'à 9 dents).

REMARQUES SUR LE GENRE Prolybia WARD, 1933 = Lybia H. MILNE EDWARDS 1834

Prolybia Ward, 19336, p. 386. Prolybia Balss, 1957, p. 1653. Prolybia Serène, 1965a, p. 26. = Lybia in SAKAI, 1967, p. 79. = Lybia in SERÈNE, 1968, p. 88.

Le genre a été décrit pour une espèce récoltée en Australie (New South Wales, Port Jackson), vivant parmi les Bryozoaires et tenant dans ses pinces une Actinie vivante. C'est SAKAI (1967, p. 79) qui a fait remarquer combien le petit holotype $ (7 mm de large) australien ressemblait à la Lybia càstifera décrite de mer Rouge par KLUNZINGER (1913, p. 278 [182], pi. 7, fig. 7) et qui, finalement, a rapporté la caestifera de mer Rouge à australiensis : chez les deux formes, carapace étroite, trois dents antéro-latérales, pattes ambulatoires relativement fortes, notamment la première qui n'est pas plus courte ni plus grêle que les suivantes. En même temps, SAKAI identifiait Prolybia à Lybia. En l'absence de tout matériel, il nous est difficile, là encore, de nous prononcer sur le plan spé­ cifique et même sur le plan générique. Certaines des différences mentionnées par WARD pour justifier l'établissement de Prolybia, sont à notre avis sans valeur (proportions de la carapace, bord antéro- laréral). Plus intéressantes sont les mentions de mxp3 plus larges, d'un épistome beaucoup plus court chez Prolybia. La figure de la face ventrale ô? australiensis (WARD, 19336, pi. 21, fig. 4) nous montre en effet un cadre buccal large, avec mxp3 trapus et très proches du front. En ce qui concerne les pattes ambulatoires indiquées comme plus courtes et plus épaisses chez Prolybia que chez Lybia, nous faisons remarquer ailleurs les variations observées à l'intérieur du genre Lybia. Nous reconnaissons (cf. infra) des groupes d'espèces dans le genre Lybia. Ainsi, un petit groupe est formé par Lybia tessellata et L. edmondsoni ; L. plumosa et L. leptochelis en constituent un autre ; L. denticulata est intermédiaire entre Polydectus cupulifer et les Lybia.

*Lybia australiensis (Ward, 1933)

(PL 19, fig. 8)

Prolybia australiensis Ward, 19336, p. 386, pi. 21, fig. 3, 4 : New South Wales (Port Jackson). Lybia càstifera, Klunzinger {nec Alcock, 1898), 1913, p. 278 [182], pi. 7, fig. 7 [fidè SAKAI, 1967, p. 78, 79] : mer Rouge. Lybia australiensis, Sakai, 1967, p. 79 (cit.) ; Serène, 1968, p. 88 (cit.).

REMARQUES. — L'identification par SAKAI (1967, p. 79) à la Prolybia australiensis Ward, 1933, de la Lybia de mer Rouge déterminée càstifera par KLUNZINGER (loc. cit.) repose surtout sur les propor- SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 7^ tions du corps : la carapace est étroite, le bord antéro-latéral porte trois dents, la première paire de pattes ambulatoires est forte, avec un propode épais (au lieu d'être la plus grêle des pattes ambulatoires comme on l'observe sur la L. caestifera type figurée par ALCOCK, Illustr. « Invest. », pi. 38, fig. 4). La répartition géographique serait : Australie, peut-être la mer Rouge. Pour l'instant, austra- liensis demeure la seule Lybia connue des côtes australiennes.

BIOTOPE DES POLYDECTINAE

Il n'est pas certifié par la littérature que toutes les espèces de Lybia soient localisées dans le& récifs coralliaires. Les renseignements manquent. Néanmoins, il apparaît que le biotope préféré des Lybia soit le récif de corail. D'après BORRADAILE (1902, p. 250, fig. 49), les Lybia tessellata habitent les branches vivantes des arborescences coralligènes auxquelles elles se tiennent par leurs pattes grêles» Aux îles Cocos-Keeling, TWEEDIE (19506, p. 125) signale L. tessellata « under fragments in shallow pools ». D'après DUERDEN (1905, p. 497), les Lybia capturées aux Hawaii (ce serait donc Lybia edmond- soni Takeda et Miyaké) ont été trouvées à la face inférieure des blocs morts de coraux et n'habiteraient pas parmi les coraux vivants. Les profondeurs de capture sont variables : Lybia tessellata, surtout entre 20 et 40 m (d'après BOUVIER, 1915, p. 91) ; L. hatagumoana, à 85 m. A noter pour L. austra- liensis : l'unique spécimen connu a été récolté à Port Jackson sous un gros rocher, parmi les Bryo­ zoaires, au-dessous de la ligne des hautes mers. L'habitat du genre Polydectus est bien précisé en ce qui concerne les îles Hawaii : sous les pierres et entre les fentes des rochers près de la côte ou à faible profondeur (cf. EDMONDSON, 1946, p. 302). Ce serait donc une forme récifale (cf. RATHBUN, 1906a) aux Hawaii, tout comme en mer Rouge où on la trouve sous les pierres dans la zone à Pocillopora (cf. KLUNZINGER, 1913).

PREUVES ÉTHOLOGIQUES ET MORPHOLOGIQUES DE L'UNITÉ DU GROUPE POLYDECTUS-LYBIA

RICHTERS (1880, p. 149-151), qui a donné droit d'asile dans les Polydectinae de Dana, à côté de Polydectus, au genre Lybia (= Melia), fait ressortir les affinités unissant des deux genres : simili- litudes éthologiques et ressemblances morphologiques. L'argumentation concernant l'unité de struc­ ture des deux genres est bien étayée, en même temps que sont bien mises en valeur les différences qui séparent Polydectus cupulifer et Lybia tessellata. Plusieurs parties, notamment les pièces buccales, de Polydectus sont soigneusement figurées par cet auteur (ibid., pi. 15, fig. 17-20, pi. 16, fig. 1-8). Nous sommes pleinement de l'avis de RICHTERS. En ayant recours aux caractères morpholo­ giques classiques ainsi qu'à d'autres non encore utilisés chez ces animaux (par exemple, plastron sternal et pléopodes sexuels), nous allons essayer de dégager les divers traits de Lybia et de Polydectus, et de justifier, à notre propre point de vue, l'union des deux genres dans le groupement des Polydectinae.

Mais avant d'aborder les problèmes des différences anatomiques, il nous paraît utile de dire quelques mots sur le mode de vie des diverses espèces de Lybia et de Polydectus cupulifer, notamment sur un aspect de leur comportement, à savoir leur association avec une Actinie, tenue entre les doigts des chélipèdes. On a prouvé par l'observation et l'expérimentation que les comportements obéissent aux mêmes règles d'hérédité que les structures anatomiques. On sait maintenant qu'il existe des comportements stéréotypés qui caractérisent un groupe taxonomique déterminé. Par le degré de similitude dans les comportements, on peut établir des relations phylétiques. Et, grâce aux filiations et parentés reconnues dans le cadre de la morphologie comparée, on peut vérifier la réalité des bases héréditaires du compor­ tement et la valeur de certaines affinités éthologiques. Une fois révélés, les aspects évolutifs du compor­ tement se conjuguent à l'évolution des structures. La sélection naturelle agit aussi au niveau des réac- .'80 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES tions complexes aux stimuli du milieu, l'ensemble du comportement pouvant être la résultante de plusieurs pressions sélectives. On comprend donc comment nous avons été amenée, après avoir été frappée par les similitudes dans le comportement des Polydectus et des Lybia, à prendre en considération leur parenté phylétique et, une fois sur cette voie, à la prouver au travers d'une analyse morphologique.

L'association Crabe-Actinie est constatée régulièrement chez les Lybia comme chez les Poly­ dectus. Rares sont les cas où ces Crabes sont capturés avec les deux chélipèdes vides ou une main nue. Sur trois exemplaires de Lybia hatagumoana, SAKAI (1965e, p. 162-163) signale pourtant un spécimen dénué d'Actinies et un autre nanti —• fait amusant — d'un petit Nudibranche. Dans certaines localités hawaiiennes, Polydectus peut transporter de petites Holothuries (cf. infra). Mais ce sont sans doute là des cas exceptionnels. Depuis les travaux de DUERDEN (1905), peu de renseignements nouveaux ont été apportés sur les rapports des deux partenaires, sur la spécificité du commensal ainsi que sur le mécanisme, la signification et le caractère adaptif de ce comportement. Seul, W. SCHMITT (1965) a donné quelques intéressants compléments. Aussi bien pour DUERDEN que pour SCHMITT, La Lybia hawaiienne étudiée «est très certainement Lybia edmondsoni Takeda et Miyaké et non Lybia tessellata (Latreille). D'ordinaire, chez les Brachyoures, la pince est le principal appareil de préhension. Chez les Polydectinae, elle a un rôle modifié : préhension certes, mais restreinte à un usage très spécialisé. Chez les Lybia et Polydectus, le chélipède n'a pas le pouvoir de saisir la nourriture ou des débris. C'est un instrument particulièrement, voire exclusivement, apte à agripper une Actinie : le polype n'est pas attaché, pas fixé ; il est tenu activement entre les dents des doigts de la main. Même en l'absence «du polype commensal, la pince ne recouvre pas la fonction préhensible habituelle aux autres Crabes. En présence de stimuli, la réponse réflexe des chélipèdes nus est similaire à celle des chélipèdes munis -d'Actinies (DUERDEN, 1905, p. 503, 504). SCHAFER (1954, p. 57, 62) constate que chez Lybia la pince a abandonné sa « fonction primaire » pour y substituer celle d'assurer la « symbiose avec une Actinie ». En accord avec leur fonction spécialisée et limitée, destinés plus à tenir qu'à saisir fréquemment, les chélipèdes des Polydectinae sont profondément modifiés morphologiquement (fig. 15, 22). Les 'deux appendices sont toujours, semble-t-il, identiques, et il n'y aurait pas de dimorphisme sexuel dans la conformation. Dans l'ensemble, faibles, grêles et minces, ils possèdent une portion palmaire géné­ ralement peu développée. Les doigts se terminent par une griffe recourbée en dedans et sont aptes à •croiser fortement, notamment à l'extrémité ; ils portent sur leur bord interne un nombre variable de dents aiguës, en crochet, placées plus ou moins obliquement de telle sorte qu'elles peuvent enserrer parfaitement l'Anémone. Très mobiles, les chélipèdes apparaissent comme bien conformés pour manier les polypes qu'ils brandissent en avant, dans une posture défensive ou agressive. Le fait que le Crabe tienne ses pinces en avant pourrait aussi avoir pour but d'empêcher le Cnidaire de se fixer à la cara­ pace du Crustacé. Le rôle essentiel du chélipède serait de porter à la vue ou au contact de l'adversaire l'Actinie, utilisée comme arme grâce à ses cellules urticantes. On donne parfois aux Lybia le nom de «. Crabes boxeurs » car elles semblent littéralement boxer, et en tous sens, leur adversaire avec leurs petites pinces ainsi armées. RATHBUN (1906a, p. 866) rapporte : « This crab held little sea anémones one in each claw and presented them in a boxing attitude whenever teased or approached by another crab ». W. SCHMITT (loc. cit., p. 149) s'interroge sur « what order of intelligence » dirige ce comporte­ ment du Crabe. Il y a, certes, d'abord une manœuvre défensive à l'aide des Actinies brandies par les pinces, mais cela n'exclut pas la fuite quand le danger représenté par le prédateur devient trop grand, la Lybia se réfugiant alors dans les interstices des coraux. A notre avis, on peut parler de manifesta­ tion « d'intimidation », comme cela existe chez de nombreux Arthropodes. Cette association Crabe- Actinie aurait donc un véritable effet protecteur pour le Crustacé. D'après DUERDEN (loc. cit.), chez les Lybia hawaiiennes le cpmmensalisme n'est pas réduit à Tin seul genre d'Actinie : il peut s'agir de Bunodeopsis ou de Sagartia ; l'espèce n'est pas mentionnée. Dans les observations faites en aquarium, on a vu que le Crabe abandonnait un petit,polype au profit d'un plus grand et qu'il opérait ainsi, de sélection en sélection, jusqu'au moment où il se SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 81 trouvait pourvu d'Actinies de bonne taille. Il est curieux de voir comment la petite Lybia peut déta­ cher un gros Bunodeopsis solidement fixé par sa base au substrat. Elle utilise la lre paire de pattes ambulatoires. L'Actinie saisie ne semble généralement pas souffrir de l'opération. C'est encore la lre paire de pattes ambulatoires qui aiderait à disposer le polype sur la pince, de façon à ce que le disque oral et les tentacules soient dirigés vers le haut. Tout cela terminé, l'Actinie épanouit rapidement ses tentacules. W. SCHMITT (1965, p. 148, fig. 66) précise qu'il arrive que, dans le but de procurer un polype à l'une de ses pinces, la Lybia prélève un fragment sur l'Anémone portée par l'autre pince ou bien sur une Anémone fixée, trop grosse pour être transportée en entier ; les fragments grandiront, les Cnidaires bénéficiant du pouvoir de régénération que l'on sait (une partie du disque tentaculaire oral doit rester sur le fragment prélevé). A première vue, l'Anémone, devenue outil du Crabe, semble prisonnière entre ses pinces. Peut- elle se rendre libre ? Si oui, que devient-elle ? Comment se développe-t-elle ? L'association, qui est manifestement un avantage pour le Crabe, présente-t-elle un intérêt pour le Cnidaire ? Et, dans ce cas jusqu'à quel point y-a-t-il interdépendance ? Une autre question est de savoir à quel stade, après la mégalope, le jeune Crabe s'empare d'une Actinie. Les Lybia peuvent se nourrir de débris divers en s'aidant de leurs maxillipèdes externes et aussi de la lre, de la 2e ou 3e paire de pattes ambulatoires ; jamais les chélipèdes ne prendraient part à ces opérations. D'après DUERDEN, qui l'a observée en aquarium, la Lybia s'alimente largement aux dépens de l'Anémone, en s'appropriant, semble-t-il, la plus grande part de la nourriture capturée grâce au commensal. SCHMITT (1965, p. 149) ajoute que le petit Poisson, vivant mais immobilisé par les cellules urticantes du Cnidaire, tombe au fond de l'eau où il est « cueilli » par la première paire de pattes ambu­ latoires du Crabe. En conclusion, DUERDEN incline à penser que le profit ne serait pas mutuel dans l'association Crabe-Anémone et que les avantages du commensalisme seraient beaucoup plus en faveur du Crustacé, même si l'Anémone a le profit d'être transportée dans une eau mieux oxygénée en raison des mouve­ ments de son hôte et de venir au contact de proies plus nombreuses et plus variées. Il serait intéressant de savoir si les Actinies saisies par les Lybia peuvent vivre indépendamment du Crabe. Duerden est prudent dans ses affirmations : le commensalisme ne serait essentiel ni pour les Bunodeopsis ni pour les Sagartia dont les polypes vivent entre les doigts des Lybia. Néanmoins, il semble que la morphologie des polypes de Bunodeopsis soit adaptée à une telle association avec le Crabe : « They are active polyps with long tentacles which are usually expanded to their full extent, and in the absence of a sphincter muscle the column is incapable of overfolding the tentacles » (DUER­ DEN, ibid., p. 508). Une réunion accidentelle de ces deux organismes aurait été transformée par la sélec­ tion naturelle en un comportement inné, renforcé par la modification structurale du Crabe très cer­ tainement, de l'Actinie peut-être. Ce dernier point reste à étudier. Phellia, l'Actinie commensale de Polydectus aux îles Hawaii, existerait — toujours d'après DUERDEN (loc. cit., p. 506) — indépendamment du Crabe puisqu'on en trouve des individus accrochés sous les pierres et les blocs de coraux dans le biotope même du Crustacé. Polydectus (pi. 2, fig. 8, 9, 11), déjà camouflé par son épais revêtement de soies, fait montre de peu d'activité avec ses chélipèdes et, en cas d'attaque, il ne semble pas les brandir agressivement comme les Lybia. Nous montrons ailleurs que la morphologie des pi est un peu différente chez Polydectus (voir sous Polydectus et infra). EDMONDSON (1946, p. 301-302) indique qu'aux îles Hawaii l'Actinie généralement choisie comme commensale est Sagartia pugnax. Mais, en captivité, Polydectus accepte d'autres espèces de Sagartia et même des anémones (Tealiopsis nigrescens) presque aussi grosses que lui. « When a suitable anémone is found, the crab backs up to it and pulls the actinian loose by using its hind legs and rolling the anémone forward under its body until a chela can seize it. The search is then continued for a second anémone for the crab's other pincer. » (cf. EDMONDSON, 1962a, p. 217, fig. 34, a). Polydectus est présenté ici comme une espèce fort laborieuse pour garnir ses pinces. SCHMITT (1965, p. 150) publie plusieurs observations menées sur des Polydectus hawaiiens. Ce serait un Crabe paresseux (« sluggish »), plus enclin à se cacher et à faire le mort qu'à brandir ses ché­ lipèdes comme des armes. En fait, Polydectus bénéficie d'une double protection : au repos, il est pro-

6 82 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES tégé par son épais manteau de soies et, si besoin est, il se défend bien à l'aide de ses Anémones. Cepen­ dant, l'observateur cité par SCHMITT n'a jamais vu ce Crabe utiliser les polypes urticants pour attaquer des proies et se nourrir de celles-ci. Habituellement, Polydectus transporte, selon cet auteur, l'Ané­ mone Telrriatactis décora ; dans quelques localités, il peut s'emparer d'autres espèces de Telmatactis et même utiliser parfois de petites Holothuries. La substitution du Cnidaire par un autre Invertébré (Nudibranche comme on l'a vu chez Lybia hatagumoana, Holothurie chez Polydectus cupulifér) pose le problème de l'adaptation secondaire d'un comportement inné. L'acquisition d'un tel comportement chez les deux genres de Crabes, Lybia et Polydectus et, corrélativement, la transformation de la première paire de péréiopodes thoraciques, est un phénomène fort intéressant du point de vue de la phylogenèse. Le cas est plus complexe que celui des Pagures qui, associés à une Actinie, l'ont simplement fixée sur leur coquille. On peut mieux comparer le compor­ tement de la Lybia à celui du Diogenes porteur d'une Sagartia qui, fixée à sa pince gauche, obture l'orifice de la coquille et en défend l'entrée, lorsque le Pagure est retiré au fond de sa coquille. Chez les Lybia, le commensalisme a amené une réduction de la taille des chélipèdes, une struc­ ture particulière de la main et des doigts, une grande mobilité de ces appendices. Corrélativement à cette mobilité, on peut observer une orientation spéciale des articles distaux, l'articulation carpe- propode imprimant une torsion de façon à ce que la main et les doigts se présentent dans un certain plan, lequel permettra une position adéquate du polype commensal. Chez Polydectus, les modifications sont un peu différentes : les pinces sont plus courtes et trapues, la mobilité à l'articulation carpe-propode semble moins développée (ce serait à vérifier) : cela est peut- être lié au comportement moins agressif de ce Crabe qui brandirait, moins que les Lybia, ses pinces garnies d'Actinies. La forme particulière des doigts peut être mise directement en rapport avec la préhension des Actinies. Les dents en crochet de part et d'autre du bord préhensile sont parfaitement disposées et placées les unes par rapport aux autres pour maintenir en place le polype. Néanmoins, il existe chez certains Crabes des doigts du même type : par exemple chez Iphiculus spongiosus Adams et White, Leucosiidae aux doigts très longs et armés de dents de taille inégale, dont les plus longues se croisent, rappelant bien ce que l'on voit chez les Polydectinae. DANA (1851C, p. 127, note) avait noté cette res­ semblance, ainsi que d'autres traits communs, et suggérait qu'Iphiculus était un Polydectus. Chez les Polydectinae, les fonctions préhensiles habituelles, qui ne peuvent être assumées par les chélipèdes, complètement modifiés et utilisés exclusivement pour la saisie et le maniement des polypes, sont assurées par la première paire de pattes ambulatoires (et, en partie peut-être aussi, par les suivantes). Les mxp3 jouent certainement un rôle important. Il faut bien distinguer dans le comportement des Polydectinae, d'une part, une posture défen­ sive ou d'intimidation face au prédateur possible, très accusée chez les Lybia, plus atténuée chez Poly­ dectus, qui est déjà protégé par son épais manteau de soies ; d'autre part, le bénéfice que peut retirer le Crabe sur le plan alimentaire, ce qui serait prouvé chez les Lybia, non observé chez Polydectus. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 83

RESSEMBLANCES MORPHOLOGIQUES ENTRE LYBIA ET POLYDECTUS

Les traits similaires entre le genre Polydectus et le genre Lybia ne proviennent pas à notre avis d'une affinité éthologique qui aurait opéré sur les structures par convergence mais, plutôt, résultent d'une parenté phylogénétique, d'une même origine. Au premier abord, Polydectus (pi. 2, fig. 8, 9, 11), couvert de toutes parts par son épais revête­ ment de soies, est bien différent de toutes les espèces de Lybia connues (pi. 2, fig. 1-7 ; pi. 19, fig. 5-8). Mais, une fois ce Crabe dénudé (pi. 2, fig. 10), non seulement la face dorsale de la carapace — dans une certaine mesure — mais aussi la région fronto-antenno-orbitaire, le sternum thoracique, les pléopodes sexuels laissent apparaître de nombreux points communs avec le genre Lybia. Polydectus, Lybia, ainsi que Prolybia que nous unissons à Lybia, constituent, selon nous, un groupe naturel, aux affinités certaines. Il est du reste difficile de décider des coupures au sein de ce groupe des Polydectinae. Polydectus est sans nul doute un genre à part, en raison de certains caractères originaux ; par ailleurs, à l'intérieur du genre Lybia se distinguent plusieurs types d'organisations, sans qu'il soit pour l'instant bien possible d'introduire des divisions intermédiaires, de dissocier l'en­ semble (par exemple de considérer l'existence d'un genre Prolybia Ward). Même au cours d'un examen rapide, des différences importantes, autres que l'ornementation, éloignent Lybia denticulata (pi. 2, fig. 1) de L. tessellata (pi. 2, fig. 6), et il apparaît que les deux espèces ne sont pas au même niveau évolutif. Par contre, L. tessellata et L. edmondsoni (pi. 2, fig. 7), extrêmement proches, sont au même niveau d'évolution. Nous aborderons la question en ne traitant au départ que de Polydectus cupulifer, de Lybia denticulata, de L. tessellata et de L. edmondsoni, seules espèces dont l'identification nous paraisse sûre et que nous ayons pu observer longuement. Dans une deuxième phase, nous passerons en revue la plu­ part des caractères morphologiques en tenant compte aussi bien des espèces précitées que des formes non examinées, et cela en nous référant à la littérature. A certains égards, Lybia denticulata apparaît presque plus proche de Polydectus cupulifer que de Lybia tessellata - L. edmondsoni, notamment par la forte saillie de toute la région frontale. L'étroite avancée du front qui, chez Polydectus (fig. 17 A), reçoit ventralement les antennules repliées très obli­ quement et proéminentes, existe aussi chez L. denticulata (fig. 17 B) où, néanmoins, les antennules sont plus allongées et repliées dans un espace moins restreint. Dans les deux cas, le premier article antennulaire est très développé et occupe une large place. Chez Lybia tessellata (fig. 17 D) et chez L. edmondsoni, le faciès est bien différent, la région fron­ tale étant peu proéminente (le front est un peu rabattu) et s'intégrant au contour de l'ensemble de la carapace ; par ailleurs, toute cette région est élargie et les antennules, repliées obliquement, sont pratiquement au niveau des pédoncules oculaires. Malgré ces dissemblances, il n'en demeure pas moins que la structure de l'antenne, sa dispo­ sition ainsi que ses rapports avec les régions voisines sont les mêmes chez Polydectus cupulifer, Lybia denticulata et L. tessellata - L. edmondsoni. Nous n'avons pas pu vérifier si l'antenne était sétifère chez nos Polydectus cupulifer, comme elle l'est chez les espèces de Lybia. A noter, chez Polydectus, l'article urinaire apparemment très saillant. La disposition du cadre buccal est similaire chez Polydectus, où celui-ci est étroit et allongé (fig. 17 A, 18 A), et chez Lybia denticulata où il s'élargit légèrement (fig. 17 B, 18 C). Étant donné que chez Polydectus le cadre buccal s'approche davantage du front, l'épistome est plus petit dans ce genre que chez Lybia denticulata ; par ailleurs, l'épistome apparaît plus déprimé chez Polydectus cupu­ lifer, du fait de la saillie que constituent les bords surélevés du cadre buccal. Cela mis à part, les bords antérieurs du cadre buccal s'avancent très obliquement en formant une convexité accusée, sauf au centre où, au contraire, les bords s'inclinent en une profonde concavité, limitée de part et d'autre par une échancrure. 84 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

FIG. 17 A-D. — Région antérieure de la carapace, face ventrale, chez les Polydectinae. (Pilosité non représentée). A, Polydectus cupulifer (Latreille), DECARY 1932 (MP) (X 12) ; D, Lybia tessel- lata (Latreille), $ 10 X 12 mm, île Maurice, M. CARIÉ 1913, BOUVIER det. (MP) (X 8).

Chez Lybia tessellata (fig. 17 D, 18 E) et, de même, chez L. edmondsoni, le bord antérieur du cadre buccal forme une courbe régulière, juste un peu sinueuse. Dans la diagnose du genre Melia par DANA (1852C, p. 242), il est bien notifié : « The buccal area is nearly square, being a very little broader than long ». L'épistome est large, quadratique. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 85

En ce qui concerne les maxillipèdes externes, il y a, là encore, plus de similitudes entre Polydec­ tus cupulifer et Lybia denticulata qu'entre cette dernière et L. tessellata-L. edmondsoni. Pour ce carac­ tère comme pour d'autres, Polydecius représente un type d'organisation particulier ; le groupement L. tessellata-L. edmondsoni est un type qui en semble dérivé, par suite d'un élargissement et d'un raccour­ cissement de toute la région fronto-buccale ; L. denticulata paraît représenter un type intermédiaire. Très étroits et longs chez Polydectus, avec un fort hiatus entre eux, les maxillipèdes externes le sont un peu moins chez Lybia denticulata. Chez L. tessellata-L. edmondsoni, le cadre buccal, quadran- gulaire, est recouvert par des mxp3 courts et larges, peu écartés l'un de l'autre, avec ischion et mérus dans le* prolongement l'un de l'autre. En soulevant les mxp3, on distingue bien l'endostome qui, chez Lybia tessellata (fig. 18 E)- L. edmondsoni (fig. 18 D), est très large et se trouve partagé en deux par une crête fort nette. DANA (1852c, p. 242) écrit pour Melia : « the palate has the two ridges of the Eriphidae » et il les figure par­ faitement pour sa Lybia de l'île Wake (1855, pi. 14, fig. 1 b). Ce peut donc être aussi bien, quant à ce caractère, L. tessellata que L. edmondsoni. Ces crêtes endostomiennes sont absentes chez Polydectus cupulifer (fig. 18 A) et chez L. denticulata (fig. 18 C). Conséquemment, chez tessellata, la lacinie des mxpl est réduite et n'occupe que la fraction externe du cadre buccal. Chez Polydectus et chez L. denti­ culata, la lacinie est développée et occupe presque toute la largeur de l'endostome, laissant seulement en avant un large espace. Le sternum thoracique offre le même plan général chez Polydectus et les espèces de Lybia étudiées. A noter en particulier : le sillon qui délimite nettement les sternites soudés des mxpl — mxp2 ; en arrière, la dépression qui représente la suture limitant le sternite des mxp3 ; le tracé des différentes lignes de suture ; la forme allongée de l'épisternite 7 ; la ligne médiane présente au niveau des sternites 7 et 8. Toutefois, là encore, on peut établir une série morphologique. La voici : tout d'abord, Poly­ dectus cupulifer (fig. 19 A), où le plastron sternal est très allongé, très étroit, notamment en avant où il forme un écusson s'enfonçant entre les mxp3 ; puis, Lybia denticulata (fig. 19 B), où le plastron est moins long, plus large, notamment en avant, au niveau des pi ; enfin, L. tessellata (fig. 19 C) et L. edmond­ soni, où tout le sternum thoracique s'est considérablement élargi et raccourci, la région antérieure notamment. La forme de l'abdomen suit pratiquement la même évolution morphologique : étroit et long chez Polydectus, avec un telson en ovale très allongé et avec les sutures entre les segments 3-4-5 encore marquées ; plus court, avec un telson arrondi chez L. denticulata ; enfin, très curieusement élargi chez L. tessellata-L. edmondsoni, où les deux segments postérieurs s'évasent et où le telson est transversale­ ment elliptique. L'appareil « bouton-pression » est disposé de semblable façon chez Polydectus et chez les Lybia examinées. Un fait remarquable qui souligne bien la parenté phylétique de Polydectus et des Lybia est la communauté de structure des pléopodes sexuels. Le pli $ est presque droit ou plus ou moins incurvé, mais il se termine généralement par deux lobes bien distincts, garnis d'épines ou de soies, ce qui, dans une certaine position, donne un aspect bifide à l'apex. Il est donc instructif de comparer le pli "$ de Polydectus cupulifer (fig. 20 A-C) à celui des diverses espèces de Lybia : L. denticulata (fig. 21 G, H), L. tessellata (fig. 20 E-G), L. edmondsoni (fig. 20 I, J), L. plumosa (fig. 21 A, B, D), L. leptochelis (fig. 21 E,

Le pl2 est court, non sigmoïde, dans le genre Polydectus (fig. 20 D) comme chez les diverses Lybia où nous l'avons observé (fig. 20 H, 21 C, I). En ce qui concerne les chélipèdes, ils offrent une conformation très singulière chez les Polydec- tinae. Ils sont particulièrement mobiles, généralement fins et grêles chez Lybia, plus courts et avec la main large chez Polydectus. Les doigts, dans tous les cas, sont allongés, styliformes, fortement recour­ bés à l'extrémité, et portent sur le bord préhensile des dents aiguës, en crochet, aptes à bien saisir et à maintenir l'Anémone qui vit transportée par les chélipèdes du Crabe. La pince doit demeurer le plus souvent fermée et ne s'ouvrir qu'exceptionnellement ; l'écartement des doigts est limité. Chez certaines espèces de Lybia, comme L. denticulata, les doigts croisent fortement et le polype doit être presque comprimé par ceux-ci en même temps que réellement « coincé » entre les dents du bord préhensile. 86 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

Chez Polydectus, l'écart entre les doigts est plus grand et un plus large espace semble offert au Cnidaire. Nous étudierons ci-après et figurons les diverses formes de pinces (cf. fig. 15 A-G, 22 A-G).

Après ce bref aperçu des traits morphologiques de Polydectus cupulifer, de Lybia denticulata, de L. tessellata et de L. edmondsoni, plusieurs points nous paraissent acquis. Et tout d'abord, présence de mêmes caractères essentiels : Polydectus, qui offre des caractères originaux en même temps que des traits tout à fait typiques des Lybia, ne peut guère être éloigné de Lybia denticulata, qui semble former le passage à L. tessellata et à L. edmondsoni. Ces deux dernières se distinguent notamment par l'effacement de la saillie frontale, par le raccourcissement et l'élargissement de la région buccale et du plastron sternal et, enfin, par l'existence de crêtes endostomiennes.

On peut considérer la série morphologique suivante :

Polydectus cupulifer.-» Lybia denticulata -> Lybia tessellata - Lybia edmondsoni

Par ses caractères fondamentaux, L. plumosa ne serait pas très éloignée de Lybia denticulata, mais on dénote déjà un raccourcissement de la carapace, ce qui placerait cette espèce entre L. denti­ culata et le groupe L. tessellata-L. edmondsoni.

EXAMEN DE QUELQUES CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES PARTICULIERS

Nous nous proposons maintenant de reprendre l'étude morphologique des Polydectinae en pre­ nant en considération les autres espèces de Lybia dont, souvent, les caractères fondamentaux (plastron sternal par exemple) ne sont pas décrits On aura ainsi une idée de la variété morphologique des Poly­ dectinae. Cette révision — malheureusement fondée en grande partie sur les données de la littérature, sans recours aux types ni aux spécimens décrits — permettra peut-être d'apprécier la diversité et en même temps l'homogénéité de ce petit groupe naturel et d'en mieux identifier les espèces.

1. — Carapace.

Nue, lisse ou seulement un peu granuleuse (L. tessellata) ou rugueuse (L. edmondsoni) sur les bords antérieurs ; non aréolée (sauf quelques lignes, plus marquées chez L. edmondsoni) ; seulement quelques touffes de soies caractéristiques L. tessellata (pi. 2, fig 6) L. edmondsoni (pi. 2, fig. 7) Finement granuleuse, ceci surtout visible à la loupe binoculaire ; très faibles traces de lobu- lation ; pilosité éparse sur la carapace et non pas en touffes caractéristiques L. denticulata (pi. 2, fig. 1) (très facilement reconnaissable à son front étroit et saillant) Rugueuse ou tuberculeuse, légèrement pubescente postérieurement et latéralement ; régions nettement définies et aréolées (d'après ALCOCK, 1898) *L. caestifera (pi. 19, fig. 5) Surface lisse mais nettement partagée en champs distincts par des sillons peu profonds, surtout dans la région antérieure ; tout le corps revêtu d'un duvet très court L. leptochelis (typique) d'après ZEHNTNER, 1894 A notre avis, après examen de l'holotype Ç de L. leptochelis, la carapace apparaît fort peu sculptée (pi. 2, fig. 2) Granuleuse sur les bords antéro-latéraux ; régions bien marquées, plus ou moins tuberculées (tubercules avec 2-3 soies plumeuses) ; soies plumeuses sur les bords postéro-latéraux et postérieur *L. leptochelis d'après BARNARD, 1947 et 1950 (matériel du Natal) et autres auteurs SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 87

Modérément (mais, semble-t-il, nettement d'après les figures données par SAKAI) aréolée ; cer­ taines aréoles remarquablement convexes et recouvertes de granules (d'après SAKAI, 1961 ; 1965& ; 1967) *L. hatagumoana (pi. 19, fig. 7) Garnie de longs poils en touffes (cf. WARD, 1933) *L. australiensis (pi. 19, fig. 8) Recouverte d'un tomentum plumeux, avec touffes caractéristiques, apparence velue ; régions faiblement définies d'après BARNARD, 1950 (toutefois, cf. notre pi. 2, fig. 3-5) ; surface localement granuleuse, surtout vers les bords antéro-latéraux (sans doute plus granuleuse chez les petits spéci­ mens) ; un tubercule très net entre le 2e et le 3e lobe antéro-latéral L. plumosa (holotype : pi. 2, fig. 4) [dans la clef de BARNARD, 1950, c'est la « carapace sparseley furred (leptochelis) ou « denseley furred » (plumosa) qui permet de distinguer les deux espèces. En plus, toujours selon BARNARD, pas de « colour pattern » chez L. plumosa] Carapace et pattes revêtues d'un tomentum long et épais d'où n'émergent que les « cupules » du bord orbitaire. Dénudée, carapace relativement bien aréolée Polydectus cupulifer (pi. 2, fig. 8-11)

2. — Bord antéro-latéral.

Pas de dent sur le bord antéro-latéral, lequel est denticulé L. denticulata (pi. 2, fig. 1) Une dent antéro-latérale L. tessellata (pi. 2, fig. 6) L. edmondsoni (pi. 2, fig. 7) Deux lobes, y compris l'exorbitaire (le 1er est exorbitaire et tous deux sont granuleux et avec les bords denticulés) *L. hatagumoana (pi. 19, fig. 7) Deux lobes après l'angle exorbitaire qui forme un lobe tronqué *L. australiensis (pi. 19, fig. 8) e Trois dents antéro-latérales (ALCOCK, 1898), une 4 dent très petite (SAKAI, 1967) *L. caestifera (pi. 19, fig. 5) Trois lobes antéro-latéraux, y compris l'exorbitaire (ZEHNTNER, 1894), plus un denticulé pos­ térieur (BARNARD, 1947 et 1950). En effet, il y aurait en arrière chez L. plumosa une indentation ou même un lobe denticulé ; sur l'holotype de L. leptochelis (pi. 2, fig. 2), à peine une indentation, avec quelques granules L. leptochelis : lobe exorbitaire très peu marqué L. plumosa (pi. 2, fig. 3-5) : trois lobes, dont le premier, large, est tronqué, plus un denticulé. Quatre lobes, ou bien ? trois dents plus une indentation *L. pugil (pi. 19, fig. 6) Un tubercule cupuliforme à l'angle exorbitaire Polydectus cupulifer (pi. 2, fig. 8-11)

3. — Cadre buccal, mxp3 et lacinie de mxpl.

Pour le cadre buccal et ses dépendances ainsi que pour le plastron sternal, nous limiterons nos remarques aux espèces que nous avons examinées, la littérature ne donnant pas ou pas assez d'indi­ cations sur ces régions pour permettre de classer les espèces. 88 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 89

Polydectus cupulifer (fig. 17 A, 18 A). Cadre buccal à bords tranchants et soulevés, obliques, convergeants vers l'avant, donc tout l'ensemble rétréci antérieurement et s'avançant fortement vers le front, d'où un épistome petit et enfoncé. Mxp3 très étroits et allongés ; mérus peu développé ; large hiatus entre eux. Pas de crêtes endostomiennes. Lacinie de mxpl courte, laissant en avant un large espace et s'étendant latéralement de façon à laisser *un espace entre elle et la ligne médiane.

Lybia denticulata (fig. 17 B, 18 C) Bord antérieur du cadre buccal non arrondi mais au contraire irrégulier, obliquement découpé, avec une forte convexité latérale et une concavité médiane, impaire. Mxp3 convergeant vers l'avant, étroits et allongés, laissant entre eux un large hiatus. Pas de crêtes endostomiennes, pas de délimitation en deux parties (sauf sur le bord antérieur du cadre buccal qui porte une nette échancrure). Lacinie de mxpl très étendue et haute, occupant presque toute la largeur de l'endostome.

L. plumosa (fig. 17 C, 18 B, 18 F), L. leptochelis Cadre buccal resserré en avant comme chez L. denticulata, avec le bord antérieur fortement découpé. Pas de crêtes endostomiennes. Lacinie de mxpl se rétrécissant dans sa partie interne, remplissant tout l'espace endostomien, comme chez L. denticulata, sauf la partie antérieure angulaire.

Lybia tessellata (fig. 17 D, 18 E), L. edrnondsoni (fig. 18 D) Cadre buccal quadrangulaire, élargi en avant et non convergeant antérieurement, à bords seu­ lement un peu sinueux. Mxp3 relativement larges, courts, laissant entre eux un hiatus peu important. Palais divisé en deux par les crêtes endostomiennes accusées, ménageant de part et d'autre deux canaux. Lacinie de mxpl n'occupant que le canal externe, limitée, petite. Chez L. edrnondsoni, lacinie bien échancrée.

4. — Plastron sternal.

Polydectus cupulifer (fig. 19 A) Plastron sternal allongé, étroit sur toute sa longueur et se rétrécissant nettement en avant de l'insertion des pi ; s'enfonçant profondément entre les mxp3 où il forme un écusson bien marqué. Sternites soudés des mxpl-mxp2 séparés du stérilité des mxp3 par un sillon au tracé très net ; en outre, sternite des mxp3 lui-même séparé du sternite des pi par une échancrure

FIG. 18 A-E. — Région buccale et lacinie de mxpl (mxp3 et mxp2 soulevés) chez les Polydectinae. A, Polydectus cupulifer (Latreille), $ 8,7 X 10 mm, Indische Archipel, Koepang, « Snellius » Exp. (RMNH) (X 14) ; B, Lybia plumosa Barnard, $ 5 X 6,6 mm, Fort-Dauphin, mission R. DECARY 1932 (MP) (x 26,6) ; C, Lybia denticulata Nobili, syntype <$ 9 X 10 mm, mer Rouge, Dr JOUSSEAUME 1897 (MP) ( X 14) ; D, Lybia edrnond­ soni Takeda et Miyaké, paratype

Lybia tessellata (fig. 19 C) et L. denticulata (fig. 19 B) Plastron sternal plus allongé et étroit chez Lybia denticulata que chez L. tessellata. Chez Lybia denticulata, présence, comme chez Polydectus, d'un écusson assez marqué, avec une lre suture nette limitant les premiers sternites soudés et avec une 2e suture marquée latéralement par une échancrure prononcée puis, sur le plastron, par une dépression. Chez Lybia tessellata, plastron plus court, comme tassé, surtout entre les pi ; lre suture anté­ rieure nette ; à peine une faible dépression prolongeant l'échancrure et correspondant à la suture limi­ tant le sternite des mxp3 de celui des pi. Limite des épisternites non marquée. Sutures séparant les sternites 6-7 et 7-8 se rencontrant au centre ; à ce niveau, ligne médiane chez Lybia denticulata et L. tessellata. Chez L. denticulata, cavité abdominale peu creusée. Abdomen mâle voisin de celui de Poly­ dectus : allongé (articles 3-4-5 fusionnés, avec sutures légèrement visibles sur le dessus et marquées sur les côtés par une petite encoche) ; article 6 long, s'étendant sur tout le sternite 6 et venant latéra­ lement enserrer le telson, sur le sternite 5. Telson arrondi. « Bouton-pression » certainement fonctionnel : bouton sur le sternite 5, un peu en avant de la suture et assez latéralement dans la cavité abdominale. Chez L. tessellata, cavité abdominale plus profonde que chez L. denticulata. Abdomen mâle avec les articles 3-4-5 soudés (traces des sutures à peine visibles sur les côtés). Article 6 long, étroit à la base, s'étendant sur toute la longueur du sternite 6 et un peu sur le sternite 5. Telson large et court, surbaissé, semi-ovalaire. « Bouton-pression » comme chez L. denticulata.

En conclusion, chez les deux Lybia examinées, le sternum thoracique montre que L. denticulata, proche de Polydectus, forme le passage entre ce genre et L. tessellata. Chez Polydectus : plastron sternal étroit, surtout entre les p4, à peine élargi entre les pi, avec écusson antérieur très accusé. Chez Lybia : plastron sternal moins étroit, élargi, cela apparaissant nettement entre les pi et p2 ; écusson moins accusé et s'enfonçant moins entre les mxp3, néanmoins bien distinct chez L. denti­ culata. A noter encore, chez Lybia comme chez Polydectus, la forme étroite et allongée de l'épister­ nite 7 qui est caractéristique, en forme de languette. Nous suggérons donc de considérer, quant à ce caractère, la série suivante : Polydectus -> Lybia denticulata —»• L. tessellata Les caractéristiques du plastron sternal de Lybia edmondsoni sont similaires à celles de cette même région chez L. tessellata.

SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 93 Il conviendra maintenant de placer les autres espèces de Lybia dans cette série. Lybia plumosa et L. leptochelis paraissent faire un passage entre L. denticulata et L. tessellata, mais cela est à vérifier sur de plus grands et plus nombreux spécimens.

5. — Pléopodes sexuels mâles.

Le premier pléopode sexuel est d'un type constant chez Polydectus cupulifer et chez les espèces de Lybia (où il est connu et figuré) sauf, semble-t-il, chez L. hatagumoana. L'apex se termine par deux lobes laissant entre eux une ouverture plus ou moins béante, traversée par des soies issues de la face interne de l'un et l'autre lobe. Nous avons déjà noté que, vu sous un certain angle, l'apex ne montre pas son aspect bilobé, bifide. Ceci explique la physionomie parfois trompeuse du premier appendice sexuel : par exemple, le pli $ de la L. leptochelis figuré par BARNARD (1950, fig. 46, é) ne présente pas une extrémité bifide, alors que cette dernière (fig. 21 F, G) présente en réalité les deux lobes apicaux caractéristiques, comme chez L. plumosa (cf. BARNARD, 1954a, p. 126).

Polydectus cupulifer Les pléopodes sexuels du genre Polydectus n'étaient pas connus et nous les figurons ici. Le pli S est assez trapu, présentant sous un certain angle un apex pointu, obliquement tronqué (fig. 20 A) ; en fait, il y a deux lobes apicaux, dont l'un sensiblement plus long (fig. 20 B, C) ; quelques épines sont situées dans l'ouverture ; quelques soies un peu plus longues dans la région subapicale.

Lybia tessellata Le pli $ a déjà été figuré par BARNARD (1950, fig. 46, b) et par SANKARANKUTTY (1961&, fig. 2, A, B). Nous l'illustrons à nouveau ici. L'appendice (fig. 20 E) est très incurvé, caractéristique avec ses longues soies plumeuses terminales formant une frange pratiquement continue ; l'un des deux lobes est très allongé, étroit et incurvé (fig. 20 F, G).

Lybia denticulata Les pléopodes sexuels n'étaient pas connus jusqu'à présent. Nous les figurons ici. Le pli $ (fig. 21 G) est assez épais, à peine incurvé, avec un apex large ; les deux lobes sont subégaux (fig. 21 H) ; quelques courtes soies subapicales ; quelques tubercules apicaux.

Lybia plumosa Nous figurons ici les pléopodes sexuels d'après un spécimen malgache de Fort-Dauphin mesu­ rant 5 X 6,6 mm. Pli (fig. 21 A, B) assez trapu, sinueux, à extrémité large, bilobée, les deux lobes paraissant subégaux. Quelques rares soies assez longues, en arrière de l'apex (cf. BARNARD, 1954a, p. 126). Cet appendice est très proche de celui que nous avons figuré chez Lybia afï. plumosa (Gui- NOT, 1964a, fig. 5 a-c) d'après un spécimen de Somalie, plus grand (8 X 10 mm), dont le pléopode offre une ornementation plus développée, notamment des soies beaucoup plus longues, s'entrecroisant dans l'ouverture (cf. fig. 21 D).

FIG. 20 A-K. — Pléopodes sexuels mâles des Polydectinae. 20 A-D, Polydectus cupulifer (Latreille),

Lybia leptochelis

BARNARD (1950, fig. 46, e) en a figuré le pli $ : l'appendice est coudé à mi-hauteur, légèrement sinueux, à extrémité large ; quelques soies subapicales ; la forme bilobée de l'apex n'apparaît pas, mais cela est sans doute dû à l'orientation de l'appendice. En effet, sur nos figures (fig. 21 E-F) du pli de l'holotype mâle, les deux lobes distaux existent et sont subégaux comme chez L. denticulata et L. plumosa. On ne sait rien des pléopodes sexuels de L. pugil, considérée par les carcinologistes comme syno­ nyme de L. leptochelis.

* Lybia caestifera SAKAI (1967, p. 79) ne figure pas les appendices sexuels mais indique que le pli de la L. caesti­ fera japonaise est « deeply bifid ».

*Lybia hatagumoana Le pli

*Lybia australiensis Pléopodes sexuels non connus.

Lybia edmondsoni

Le premier pléopode sexuel, figuré par TAKEDA et MIYAKÉ (19706, fig. 4-6), est extrêmement voisin de celui de L. tessellata et indique la proximité systématique de ces deux espèces. Le pli $, incurvé, se termine par un « petit bec » (TAKEDA et MIYAKÉ, ibid., p. 14) et porte sur un bord deux franges espacées de soies plumeuses, l'une terminale, l'autre subterminale, ce qui le dis­ tingue du pli de L. tessellata. En fait, comme chez la plupart des Lybia, l'apex est bifide par suite de la présence de deux lobes (cf. fig. 20 I, J), ici de longueur inégale, comme chez L. tessellata ; le lobe le plus allongé semble plus pointu que chez L. tessellata.

Le deuxième appendice sexuel est d'un type sensiblement homomorphe, aussi bien chez les espèces de Lybia que chez Polydectus cupulifer. Il est du type xanthien (xanthinien), non sigmoïde (non pilumnien). Il est figuré ici chez Polydectus cupulifer (fig. 20 D), chez Lybia tessellata (fig. 20 H), L. denti­ culata (fig. 21 I) et L. plumosa (fig. 21 C).

6. — Chélipèdes et pattes ambulatoires.

Les chélipèdes de Polydectus et de Lybia sont — comme on l'a vu — profondément modifiés. Les observations en aquarium ont montré le rôle important de la première paire de pattes ambulatoires,

FIG. 21 A-I. — Pléopodes sexuels des Polydectinae. 21 A-C, Lybia plumosa Barnard, $ 5 X 6,6 mm, Fort-Dauphin, mission R. DECARY 1932 (MP) : A, pli monté en préparation ( X 57) ; B, id., extrémité montée ( X 144) ; C, pl2 ( X 57) ; D, Lybia plumosa,

Lybia tessellata (fig. 22 D ; pi. 2, fig. 6) Chélipèdes grêles, armés d'un grand nombre de dents (environ 9) incurvées sur le bord préhen­ sile des doigts. Pattes ambulatoires moins fines et surtout plus longues, avec notamment un dactyle très allongé. P2 presque de même longueur que p5 (un peu plus court). P3 plus longue que p2. P4 de beaucoup la plus longue. Par ordre croissant de taille : p2 — p5 — p3 — p4.

Lybia edmondsoni (fig. 22 E ; pi. 2, fig. 7) Péréiopodes dans l'ensemble tout à fait comparables à ce que l'on observe chez L. tessellata. Toutefois, semble-t-il, chélipèdes un peu moins grêles, avec main courte et large ; doigts longs avec sur le bord préhensile de nombreuses dents (10-12 selon TAKEDA et MIYAKÉ ; 10 et 11 sur notre figure 22 E), dont la taille va croissant de la partie distale vers la partie proximale. Dans l'ordre croissant de taille : p2 — p5 — p3 — p4.

Lybia denticulata (d'après les types décrits par NOBILI en 19Q6) (fig. 22 A, B ; pi. 2, fig. 1) Espèce remarquable par la longueur et la minceur de ses appendices, notamment le propode et le dactyle très allongés. Les chélipèdes « sont grêles et presque deux fois aussi longs que la carapace » (NOBILI, 1906C, p. 295). La main est très longue. Le bord préhensile du doigt fixe porte trois dents ; celui du doigt mobile, également trois (fig. 22 A, B). « Les pattes ambulatoires sont très longues et très grêles, deux fois et demie aussi longues que la largeur de la carapace » (NOBILI, ibid.). P2 de longueur similaire à p5. P3 de longueur similaire à p4.

Lybia leptochelis (fig. 22 C ; pi. 2, fig. 2) D'après ZEHNTNER (1894, p. 176) : chélipèdes « très faibles et très grêles [...] Main grêle, non comprimée [...] ; doigts très longs et grêles, plus longs que la portion palmaire [...] Les bords préhensiles laissent un espace lancéolé entre eux et sont armés de 8 à 10 spinules dentiformes dirigées en arrière ». Nous comptons 9 spinules sur les doigts de l'holotype (cf. fig. 22 C). « Pattes ambulatoires beaucoup plus fortes et beaucoup plus longues que les pattes antérieures » (ibid.). A noter, d'après la figure de ZEHNTNER (ibid., pi. 17, fig. 9), la finesse de p2, la robustesse de p4. Notre examen du petit holotype mâle de L. leptochelis nous permet de confirmer ces caractères. Par ordre croissant de taille : p2 — p5 — p3 — p4.

Lybia plumosa (fig. 22 F ; pi. 2, fig. 3-5) Chélipèdes assez grêles. Le bord préhensile des doigts porte un assez grand nombre de dents (7 sur l'exemplaire figuré) inclinées et à apex aminci. Autres pattes assez courtes, un peu fortes, recouvertes d'une très dense pilosité plumeuse. L'appendice de beaucoup le plus développé est p4, avec mérus et propode puissants ; dactyle épais. P3 à peu près de même taille, un peu plus fort, toutefois, que p5. SOUS-FAMILLE DES POLYDECTINAE 97

Us FIG. 22 A-G. — Chélipèdes de diverses espèces de Lybia, 22 A, B, Lybia denticulata Nobili, pince gauche ( x 6) et détail du propode et des doigts ( X 12,5) : syntype

Par ordre croissant de taille : p2 — p5 — p3 — p4. A ce même type d'appendices thoraciques {sauf la pilosité) que L. plumosa (et aussi L. lepto- chelis )semble appartenir la Lybia pugil figurée dans Illustr. « Invest. » (pi. 38, fig. 5) : pour cette espèce, par ordre croissant de taille : p2 — p5 — p3 — p4.

* Lybia caestifera (d'après ALCOCK, Illustr. « Invest. », pi. 38, fig. 4) ; cf. pi. 19, fig. 5. Chélipèdes très fins. P2 la plus grêle, et de loin, de toutes les pattes ambulatoires. Par ordre croissant de taille : p2 — p3 — p5 — p4.

* Lybia hatagumoana (d'après SAKAI, 1961 et 1965) ; cf. pi. 19, fig. 7 Comme chez L. tessellata, les pattes ambulatoires sont plus longues que les chélipèdes. Les chélipèdes sont minces, avec les doigts légèrement écartés dans la région proximale. Le bord préhensile du doigt fixe porte deux dents inclinées vers l'arrière ; celui du doigt mobile, une seule dent, incurvée (cf. fig. 22 G). P3 et p4 subégales. P2 et p5 également subégales et un peu plus petites que les précédentes (toutefois sur la figure de Sakai, 1961, fig. 2 a, p2 semble un peu allongée). Par ordre croissant de taille : p2 — p5 — p3 — p4.

*Lybia australiensis (d'après WARD, 1933&, p. 386) ; cf. pi. 19, fig. 8 Les chélipèdes ne semblent pas très grêles. P2 puissantes, avec propode épais. En fait, toutes les pattes sont assez fortes (à la différence de L. tessellata, par exemple). Pour WARD (loc. cit.), la brièveté et l'épaisseur des pattes ambulatoires distinguent le genre Prolybia de Lybia et constituent l'un des caractères originaux du genre Prolybia.

Polydectus cupulifer (fig. 15 ; pi. 2, fig. 8) Pattes, comme le corps, couvertes d'un tomentum très dense qui masque l'individualité des appendices. Chélipèdes non grêles, très courts, notamment carpe et main ; doigts au contraire très longs, écartés à leur base, pouvant ménager un large espace entre les dents des deux bords préhen­ siles : voir sous Polydectus cupulifer et les figures 15 A-G. P2 et p5 subégales. P4 : la plus longue et la plus épaisse. Par ordre croissant de taille : p2, p5 — p3, p4.

PATRONS DE COLORATION DANS LE GENRE LYBIA H. Milne Edwards

Les marques colorées s'atténuent, s'altèrent rapidement dans l'alcool, aussi est-il difficile d'uti­ liser ce caractère. Il faut dire cependant quelques mots à ce sujet, car on s'en sert pour la détermina­ tion spécifique des Lybia. Le patron de coloration de L. tessellata (Latreille), le « Crabe damier », est assez bien connu et consiste sur la carapace en un réseau de larges polygones. Selon BORRADAILE (1902, p. 249, cf. fig. 49), « its translucent legs are ringed with dark purple, and lines of the same color mark out the body into polygonal fields which are coloured pale pink or brown and lemon yellow. » D'après BARNARD (1950, p. 251, fig. 46, a), L. tessellata est « creamy, with narrow orange or reddish bands forming polygonal patterns on carapace ; abdomen with a longitudinal line on each side of segments 1-4, a transverse line on base of 6th, and a curved line on 7th segment ; legs banded r'

SOUS-FAMILLE DES POLYDEGTINAE 99

with narrow lines. » On peut consulter la figure en couleur de RICHTERS (1880, pi. 16, fig. 19), où l'on disitngue bien le faciès tessellé de ce Crabe. TWEEDIE (19506, p. 125) indique pour les Lybia tessellata des îles Cocos-Keeling : « Off-white with thin black lines on the carapace forming a reticulated pattern some of whose spaces are filled in with pink or pinkish brown. Limbs light pinkish brown with thin black rings ». L'espèce récemment séparée de L. tessellata, L. edmondsoni Takeda et Miyaké, typiquement hawaiienne, est marquée de jaune, de rose et de brun ; sa face dorsale est couverte d'un labyrinthe de lignes irrégulières foncées, à l'exception de taches claires antérieures et postérieures (voir la photo­ graphie de TINKER, 1965, p. 117). Une espèce couverte d'un tomentum dense comme Lybia plumosa n'aurait pas de « colour pattern » (cf. BARNARD, 1950, p. 249, clef). Ce trait permettrait de la distinguer de L. leptochelis (Zehnt- ner), caractérisée par une carapace « chamois clair, grisâtre sur sa plus grande partie sauf au centre des ocelles qui ornent la face dorsale ; les lobes antéro-latéraux clairs avec une nuance rosâtre ; des lignes noires (plus distinctes chez les femelles que chez les mâles) le long des lobes et autour des ocelles, sur les yeux, sur le tiers proximal du flagelle antennaire, sur les mandibules, l'épistome et la région ptérygostomienne ». Chez une L. caestifera (Alcock) japonaise, SAKAI (1967, p. 79) observe les mêmes taches et filets de couleur que chez la L. leptochelis décrite et figurée par BARNARD (1950, p. 251, fig. 16, c). La photographie que publie KURATA (1967, fig. 1) d'une L. caestifera également du Japon nous montre bien en effet, sur un fond uni, des taches claires et les lobes antéro-latéraux très pâles cerclés de lignes noires, tout comme les pédoncules oculaires. SAKAI (19656, pi. 80, fig. 1) publie une aquarelle de L. hatagumoana Sakai, 1961, où l'on dis­ tingue un réseau de polygones de taille inégale : les plus petits rosâtres (au centre ; sur les bords se devine du bleu) et cerclés de lignes noires ; les plus grands brunâtres.

POSITION SYSTÉMATIQUE DES POLYDEGTINAE DANA

Nous avons vu dans l'historique des Polydectinae que les genres Lybia et Polydectus sont attri­ bués aux Xanthidae sensu Balss et rapprochés tantôt des Pilumninae, tantôt des Menippinae, tantôt des Xanthinae. Les Polydectinae occupent très certainement une place à part parmi les Xanthidae et leurs affinités pourront être précisées seulement lorsque l'étude des autres familles xanthoïdes aura été menée à bien.

SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 101

SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE DE HAAN, 1841

Trichidea de Haan, 1841, p. 109 ; 1849, p. v, xm, xiv ; cf. Dana, 1852c, p. 50, 53, 69, 70, 136. Trichiidae Ortmann, 1893, p. 419. Trichiinae Alcock, 1899, p. 5, 96. Trichiidae Borradaile, 1903, p. 426. Trichiidae Balss, 1922c, p. 100 ; cf. 1957, p. 1631 ; Urita, 1926, p. 2. Cf. Bouvier, 1942, p. 39. Actaeinae (pro parte) -\- Parthenopinae (pro parte) Serène, 1965a, p. 20, 24. Zalasiinae Serène, 1968, p. 62 ; Holthuis et Sakai, 1970, p. 90, 287 ; Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 11, 77 ; Takeda et Miyaké, 19696, p. 474 ; Takeda, 1973d, p. 117. Cf. Guinot, 1966-1967, p. 839 ; 1967&, p. 559 ; 1971a, p. 1065, 1070.

GENRES INCLUS

Trichia de Haan, 1839 (= Zalasius Rathbun, 1897) Banareia A. Milne Edwards, 1869 (= Banareiopsis Ward, 1936) Calvactaea Ward, 1933 "\Palaeotrichia gen. nov.

HISTORIQUE

C'est pour le seul genre Trichia composé d'une unique espèce, T. dromiaeformis, qu'il était en train de décrire, que DE HAAN (1841, p. 109 ; 1849, p. v, xm, xiv) a instauré une famille spéciale, les Trichidea, dans la section des Brachygnatha, divisée en trois autres familles : les Cancroidea (nos Corystoidea et nos Brachyrhyncha actuels), les Majacea (nos Oxyrhyncha) et les Dromiacea. Pour l'établissement des Trichidea, DE HAAN se fonde sur plusieurs caractères, notamment sur l'un de ceux qui servent de base à son système, à savoir la forme des maxillipèdes ; selon DE HAAN, les Trichidea rappellent sur ce point les Dromiacea. On peut remarquer que DE HAAN mentionne quelques carac­ téristiques du système endophragmal de Trichia. DANA (1852C, p. 50, 53, 69, 70, 136) ne reprend pas le nom de Trichidea. Il attribue le genre Trichia aux Parthenopinae et le considère comme faisant la transition entre ces derniers et les Dro- miacés. Pour ORTMANN (1893, p. 419), la famille des Trichiidae, qui change donc de désinence, appar­ tient au groupe des Cyclométopes et prend place dans les Parthenopini qui, outre les Trichiidae, comptent les Parthenopidae et les Cheiragonidae (c'est-à-dire Telmessus, etc.). Mais ORTMANN envi­ sage aussi l'idée que Trichia pourrait bien être un Xanthidae et plus précisément un Etisinae. ALCOCK (1899, p. 5, 96) institue une sous-famille des Trichiinae, qui se situe dans les Cancridae aux côtés des Cancrinae, Thiinae, Atelecyclinae, etc., tout en entrevoyant la nécessité de recourir à une famille distincte pour le genre Trichia. BORRADAILE (1903, p. 426, 427) pense que les Trichiidae doivent constituer une famille dis­ tincte et ajoute (1907, p. 481, note) que Trichia est « quelque part dans le voisinage » de la famille des Atelecyclidae. BOUVIER (1942, p. 39) partage sensiblement le même avis puisqu'il voit des affinités entre Tri­ chia et Kraussia, c'est-à-dire avec les Corystoidea et plus particulièrement avec les Atelecyclidae Thiinae, mais il avoue que l'on est loin d'être fixé sur la place du petit groupe formé par Trichia dro­ miaeformis de Haan et T. australis Baker. 102 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

BALSS (1922C, p. 100) prend tout d'abord le parti d'ALCOCK et tient les Trichiidae pour apparentés ou subordonnés aux Cancridae ; plus tard, en découvrant et en établissant l'espèce nouvelle Zalasius sakaii (19386, p. 48-51), il revient à l'idée émise auparavant que Zalasius pourrait être un Oxyrhynque. Pour BALSS, le genre Zalasius est un genre aberrant, dont il ne peut définir exactement le statut malgré des recherches parmi les Crabes fossiles. Pour HALE (1927a, p. 142), le genre Trichia, pour McNeill et Ward (1930, p. 374), le genre Zalasius, puisque le nom de DE HAAN a été abandonné à la suite des remarques de RATHBUN (1897a, p. 166), est un Parthenopidae. D'après ces auteurs, ce n'est pas un vrai Brachyrhynque ; par contre, il peut être comparé au genre Thyrolambrus, en dépit de différences dans la forme. A cette époque, la plupart des carcinologistes ne maintiennent plus un groupe distinct pour accueillir le genre Zalasius. SAKAI (1938a, p. 343) traite du genre avec les Parthenopidae. Dans sa classification de 1957 (p. 1631), BALSS range avec un certain doute Zalasius parmi les Oxyrhyncha de la famille des Parthenopidae, tout comme SERÈNE en 1965 (1965a, p. 20). Le désaccord entre les carcinologistes, anciens et récents, souligne bien l'ambiguïté systématique de Trichia = Zalasius. Quoi qu'il en soit, le genre continue à n'être rapproché d'aucun genre connu. Pour la première fois en 1967 (GUINOT, 1966-1967, p. 839), nous avons fait connaître notre conception selon laquelle le genre Zalasius offre une parenté directe avec le genre Banareia A. Milne Edwards, genre de Xanthidae généralement considéré comme proche, voire synonyme, à?Actaea de Haan, avec Banareiopsis Ward et avec YActaea palmeri Rathbun. Sans lui donner de nom, nous avons (19676, p. 559) fait état du groupe naturel constitué par Zalasius, Banareia, Banareiopsis, Actaea palmeri, auquel était ajouté le genre Calvactaea Ward (cf. aussi GUINOT 1971a, p. 1065, 1070). Ayant pris connaissance de nos conclusions, le Dr Serène (1968, p. 62) a créé un nom, celui de Zala­ siinae, pour le groupement que nous avions isolé de façon très explicite et que nous nous proposions de désigner. SERÈNE, qui se réfère à notre publication dans sa liste des Brachyoures indo-pacifiques, place ses Zalasiinae parmi les incertae sedis à la suite des Parthenopidae, avec l'indication « ? Xanthi­ dae (GUINOT 1967-1968) ». En publiant une clef des Zalasius, SERÈNE et LOHAVANIJAYA (1973, p. 77, 78) reconnaissent notre priorité dans la découverte de ce groupement, qu'ils indiquent sous le titre « ? Parthenopidae-Zalasiinae ». En 1970 (p. 90), HOLTHUIS et SAKAI font mention des Trichidea de Haan avec la notation « = Zalasiinae (? Xanthidae) Guinot ». L'appellation de Zalasiinae est adoptée par TAKEDA et MIYAKÉ (19696, p. 474) qui placent la sous-famille dans la famille des Parthenopidae. En 1973 (1973a1, p. 117), TAKEDA, qui utilise le nom de Zalasiinae Serène, 1968, approuve notre classification puisqu'il réunit Zalasius, Banareia et Cal­ vactaea, et rappelle ce que nous écrivions en 1966-1967 (loc. cit.), à savoir les liens avec les Xanthidae. Mais l'auteur japonais place la sous-famille dans les Parthenopidae et, ainsi, le genre Banareia se se trouve bizarrement inclus dans les Oxyrhyncha.

Il importe de rectifier dès à présent deux points : 1) La dénomination de Zalasiinae, basée sur Zalasius, n'est pas correcte. Le nom de Trichia créé par DE HAAN étant valide et ayant priorité (cf. infra), le groupement établi à partir de ce genre doit être basé sur le nom de Trichia. 2) L'établissement du groupement Zalasiinae par SERÈNE et son classement non expliqué au voi­ sinage des Parthenopidae (? Xanthidae) ne sont pas conformes à nos intentions primitives ni à nos notes préliminaires de 1966-1967 (loc. cit. ; cf. aussi GUINOT, 1971a, p. 1065). Nous montrons ici comment on peut présumer que les Banareia sont issues de Crabes du type Trichia. De ce fait, le groupement constitué par Trichia, Banareia et Calvactaea prend place dans les Xanthidae, si l'on s'en tient à la classification de BALSS, 1957.

JUSTIFICATION DE LA NOMENCLATURE UTILISÉE ET DATE DU GENRE Trichia de Haan .. ' . . i Le genre Trichia de Haan a vu le jour dans le volume Crustacea de la « Fauna Japonica » de 1 Ph. F. von SIEBOLD, qui a été livré en plusieurs fascicules dont là parution s'est échelonnée sur diverses | SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 103 années. Les dates de publication, pendant longtemps mal connues et source de nombreuses confusions, ont été recherchées par HOLTHUIS (1953a, p. 36-47) et figurent dans le bel ouvrage d'Hoi/rams et SAKAI (1970, p. 77) sur l'histoire de la Zoologie japonaise. On s'aperçoit alors d'une erreur non relevée jusqu'à présent. Le genre Trichia est depuis toujours attribué à DE HAAN, 1841 : en effet, le texte où sont décrits le genre Trichia puis l'espèce T. dromiaeformis a bien paru en 1841 (les pages 109 et 110 appartiennent au fascicule 5 publié en 1841). Par contre, d'après HOLTHUIS, il faut dater de 1839 la planche 4 où est illustré le genre Trichia avec une espèce nominale incluse, T. dromiaeformis, ainsi que la planche 29 qui montre l'espèce, formellement désignée, en entier (corps avec sa toison de soies et carapace* dénudée) ; la planche 4 et la planche 29 ont paru avant le texte correspondant, c'est-à-dire dans le fascicule 4, publié en 1839. En conséquence, le genre Trichia de Haan tout comme son espèce type, T. dromiaeformis de Haan, parfaitement figurés sur les planches et nommément désignés avant la parution du texte, doivent porter la date de la première désignation et illustration, c'est-à-dire 1839. Pour comprendre l'intérêt de ce changement de date, 1839 au lieu de 1841, il faut se pencher sur l'histoire des changements de nomenclature qu'a subi le genre de DE HAAN.

Adopté durant un certain temps, le nom de Trichia a été récusé par RATHBUN en 1897 (1897a, p. 166), qui propose en remplacement le nom de Zalasius. Selon RATHBUN, Trichia de Haan est inuti­ lisable parce que préoccupé par Trichius Fabricius, 1775, genre de Coléoptère. Mais l'argument de RATHBUN n'est pas valable, car Trichia ne doit pas être considéré comme homonyme du genre Tri­ chius. Le Code de Nomenclature (1964, p. 52, article 56a) spécifie que « même si la différence entre deux noms du groupe genre ne porte que sur une seule lettre, ces deux noms ne doivent pas être consi­ dérés comme homonymes »1. C'est pourquoi Trichia est tout aussi valide que Trichius. HALE (1927a, p. 142) ne retient pas le nom de Zalasius Rathbun et conserve celui de Trichia de Haan. MCNEILL et WARD (1930, p. 375, note) soulignent que, pour la raison indiquée plus haut, le nom de Trichia n'est pas préoccupé par Trichius ; néanmoins, ils rejettent l'appellation de Trichia au profit de Zalasius. IREDALE (1930, p. 175) qui ignore, semble-t-il, l'existence de la dénomination Zalasius et qui a eu sous les yeux un manuscrit de MCNEILL OÙ il est question d'un Crabe du genre Trichia (il s'agit sans doute de l'article mentionné ci-dessus) s'aperçoit que Trichia de Haan est préoccupé par Trichia Hartmann, 1840, un genre de Mollusque. Le nom de Macneillena est donc substitué par IREDALE pour désigner le genre de Crabe. Dans ce cas, l'objection est valable : les deux genres sont bien homonymes. Les carcinologistes n'utiliseront pas pour autant le nom de Macneillena mais auront recours à l'appel­ lation plus ancienne de Zalasius, en fait rarement utilisée entre la date de parution de l'article de RATHBUN (1897) et 1930. S'il a 1841 pour date de parution, le nom générique de Trichia de Haan est bien préoccupé par Trichia Hartmann, 1840. En vertu de la loi de priorité, c'est le deuxième qui est valide. Mais nous avons montré précédemment que Trichia de Haan devait être daté de 1839. C'est donc le genre de Crabe qui a priorité sur le genre de Mollusque et, au contraire, ce dernier qui devient homonyme du premier.

En résumé :

1. — La date du genre de Crabe appelé Trichia par DE HAAN, avec T. dromiaeformis pour espèce nommément désignée, est 1839 et non 1841. 2. — En conséquence, Trichia de Haan, 1839, a priorité sur le genre Trichia Hartmann, 1841. Macneillena Iredale, 1930, devient donc inutile. 3. — Trichia de Haan, 1839, n'est pas homonyme du genre Trichius Fabricius, 1775, ce qui nous conduit à rejeter le nom de Zalasius Rathbun, 1897.

1. On peut à cet égard faire remarquer que, dans la même note, RATHBUN (1897a, p. 165) élimine Trapezia Latreille, 1825, sous prétexte qu'il est préoccupé par Trapezium Humphrey, 1797, et suggère d'utiliser à la place Grapsillus McLeay, 1838. Le nom de Grapsillus ne sera pas conservé par les carcinologistes, et RATHBUN elle-même emploiera par la suite le nom de Trapezia Latreille. 104 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

4. — Le nom de Trichia ne peut être considéré comme un nom oublié, BOUVIER (1942, p. 39) faisant appel à cette seule dénomination dans un paragraphe consacré aux Crabes de ce genre. Cette appellation peut donc être utilisée. 5. — La dénomination sous-familiale Zalasiinae proposé par SE RÊNE en 1968 (p. 62) n'est pas adéquate. En effet, la catégorie taxonomique fondée sur le genre type Trichia sera formée d'après le nom de Trichia, et non d'après celui de Zalasius, et deviendra, selon le rang qui lui est attribué, Trichiinae, Trichiidae, etc., appellations qui reviennent à DE HAAN. r Le D L. B. HOLTHUIS, auquel nous avons fait part de ces rectifications, nous a informé (in litt., octobre 1973) qu'il les approuvait, la date de publication du genre Trichia de Haan étant bien 1839, ce qui entraîne sa validité.

SYNOPSIS DES ACQUISITIONS TAXONOMIQUES NOUVELLES

Il nous paraît utile d'exposer au préalable un résumé de quelques conceptions nouvelles et des résultats originaux de nos recherches. 1. — Le genre Trichia de Haan, notamment T. sakaii (Balss), est étroitement apparenté à une espèce fossile du Tertiaire inférieur d'Allemagne connue sous le nom de f Psammocarcinus multispi- natus Noetling. Nous sommes donc amenée à créer pour cette dernière la dénomination de f Palaeotri- chia gen. nov. Ce genre reçoit également une espèce voisine, appelée jusqu'ici "j* Psammocarcinus laevis Noetling. Le choix du nouveau nom se justifie par les affinités morphologiques qui laissent supposer que le genre oligocène f Palaeotrichia est l'ancêtre des Trichia actuelles. 2. — En étudiant quelques caractères morphologiques fondamentaux, on peut établir pour chacun d'eux un classement sériel exprimant le niveau évolutif des espèces du genre Trichia. La réalité phylogénique de ces séries est confirmée par le fait qu'elles coïncident, c'est-à-dire que la dérivation des espèces est la même pour tous les caractères envisagés. On aboutit à la filiation dont les éléments essentiels sont les suivants : Trichia sakaii -> T. dromiaeformis -> T. horiii A la base se trouve l'espèce T. sakaii, tellement proche de f Palaeotrichia qu'on peut la consi­ dérer comme un fossile vivant. En ce qui concerne les trois autres espèces de Trichia, on arrive à la conclusion que T. australis et T. imajimai doivent être proches de la forme primitive ; T. indica (que nous ne connaissons pas bien) est peut-être au voisinage de T. horiii. 3. — Le genre Trichia, traditionnellement rangé dans les Parthenopidae, est en réalité appa­ renté au genre Banareia A. Milne Edwards et au genre Calvactaea Ward, qui font partie des Xan- thidae sensu Balss, 1957. La ressemblance entre Trichia et les deux genres xanthiens avait échappé à l'attention des carcinologistes parce que les formes primitives de Trichia présentent en effet un faciès bien à part. Mais la comparaison des formes les plus évoluées, telles que T. horiii, avec les espèces du genre Banareia amène à voir dans ces dernières une continuation phylogénique du genre Trichia. Ainsi se trouvent rapprochés des Crabes qui, dans la systématique, se trouvaient classés, les uns dans les Oxyrhyncha, les autres dans les Brachyrhyncha. 4. — Dans le genre Banareia se produit un foisonnement d'espèces qui, tout en étant phylo- génétiquement proches et présentant certains traits fondamentaux identiques, se distinguent par des types d'organisation qu'il est raisonnable d'interpréter comme des niveaux d'évolution divers. Bien que d'aspect hétérogène, c'est un groupe naturel. Il s'est diversifié d'une manière si complexe qu'il n'est pas possible d'y reconstituer les séries de filiation. Pour cette raison, nous avons préféré ne pas fragmenter le genre et avons seulement indiqué l'existence de groupes d'espèces. Banareia vïïlosa Rathbun et B. hanareias (Rathbun), dont ni le statut ni les caractères morpho­ logiques n'étaient connus de façon précise, peuvent être conservées dans le genre Banareia malgré la présence de certains traits peu représentatifs de ce genre. C'est aussi avec une certaine réticence SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 105

que nous suivons SERÈNE (1961-1962, p. 692) en incluant dans Banareia YActaea parvula (Krauss), espèce atypique. 5. — L'espèce sud-américaine Actaea palmeri Rathbun n'appartient pas au genre Actaea de Haan et doit être rattachée aux Trichiinae. Nous l'incluons dans le genre Banareia, où elle occupe une place un peu marginale, tant par son faciès particulier (nodules en forme de framboises) et la mor­ phologie du premier pléopode sexuel que par sa distribution géographique. 6. — Le genre Banareiopsis Ward est laissé en synonymie avec le genre Banareia. Si Bana- reiopsis était par la suite regardé comme distinct de Banareia, quatre espèces devraient y être attri­ buées : australis, l'espèce type de Banareiopsis, inconspicua, odhneri et balssi sp. nov., qui pour l'instant ne constituent qu'un groupe d'espèces. Il n'est toutefois pas complètement exclu que l'on soit amené à considérer australis comme synonyme d'inconspicua, qui a priorité. 7. — L'analyse des caractères morphologiques pris isolément montre que certains peuvent être rangés en séries traduisant l'évolution à l'intérieur des Trichiinae : forme de la carapace et face dorsale, front, antennules, antennes, cadre buccal et maxillipèdes externes, sternum thoracique. En revanche, d'autres traits morphologiques se retrouvent avec une constance certaine chez toutes les espèces étudiées : morphologie de l'abdomen mâle, des pinces, pilosité et coaptation qui confèrent à la plupart des Trichiinae un habitus spécial. La disposition des pléopodes, très particulière, est égale­ ment stable. 8. — Les genres Trichia, Banareia (incluant Banareiopsis), Calvactaea constituent un groupe naturel auquel nous attribuons le rang de sous-famille et que nous désignons par le nom de Trichiinae de Haan. 9. — Les Trichiinae sont en rapport étroit avec les Xanthidae sensu BALSS, 1957. Du reste, le genre Banareia et le genre Calvactaea ont toujours été associés aux Xanthidae les plus typiques, Banareia ayant même été longtemps immergé dans la synonymie d'Actaea de Haan. Des dispositions primitives prédominent chez Trichia sakaii, qui n'a nullement un habitus de Xanthidae ; elles sont remplacées par d'autres caractères chez T. horiii où émerge une structure nettement xanthienne. L'aboutissement en est l'organisation typiquement de Xanthidae du genre Banareia et du genre Cal­ vactaea. L'évolution des Trichiinae se présente comme un raccourci du processus évolutif général des Brachyoures. 10. — Les Trichiinae ont une répartition indo-pacifique. Le genre Trichia semble plus spéciale­ ment confiné dans la mer de Chine, sur les côtes japonaises, en Australie, mais s'étend, avec T. indica, dans l'océan Indien, au voisinage de Ceylan. Le genre Banareia, qui compte un plus grand nombre d'espèces, est connu de la côte est-africaine et de mer Rouge jusque dans les îles du Pacifique. Le genre Calvactaea, principalement japonais et australien, se répandrait jusqu'à Ceylan. L'examen des aires de distribution des Trichiinae fait apparaître la mer de Chine, les eaux japonaises et la région austra­ lienne comme le centre de dispersion des espèces. Une seule espèce se distingue : c'est Banareia palmeri, qui habite l'océan Atlantique sur la côte américaine, de la Floride au Brésil. 11. — Un point très important concerne l'écologie des Banareia et de Calvactaea. Il s'agit, dans la plupart des cas, de formes récif aies associées aux Cnidaires, très souvent à des Alcyonaires. Il semble que le commensalisme soit la règle chez ces Crabes, qui vivent dans les branches des Alcyo­ naires, dans des anfractuosités à la base des Coraux mous, à l'intérieur même du Corail, voire dans des loges. On a signalé aussi une association avec des Éponges, avec des Mollusques. L'écologie des Trichia est moins bien connue. Aucun cas de commensalisme n'a été relevé. On peut néanmoins se demander si les Trichia n'ont pas les mêmes particularités éthologiques que les Banareia : leur habitus identique, c'est-à-dire le corps couvert d'un épais revêtement de soies et les pinces analogues, toujours avec des doigts cultriformes, font songer à un mode de vie similaire, dans un biotope spécial. 106 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

Genre f Palaeotrichïa gen. nov.

ESPÈCE TYPE. — f Psammocarcinus multispinatus Noetling, 1885.

ESPÈCES INCLUSES.

*f Palaeotrichïa multispinata (Noetling, 1885) (= f Psammocarcinus multispinatus Noetling) **j* Palaeotrichia laevis (Noetling, 1885) (= f Psammocarcinus laevis Noetling)

DlAGNOSE.

Carapace aussi longue ou plus longue que large (sans compter la forte dent épibranchiale). Front tridenté. Bord supraorbitaire découpé, et orné de deux dents très pointues. Bord latéral pourvu de tubercules, dont l'un, à peu près à mi-hauteur, est plus saillant et dirigé transversalement. Face dorsale parcourue par des sil­ lons extrêmement profonds, relativement peu nombreux, au tracé caractéristique : au milieu, un massif scindé par un sillon transversal et correspondant à Faire mésogastrique et aux aires métagastriques, au-dessous à l'aire urogastrique, puis, postérieurement, à l'aire cardiaque et à l'aire intestinale. Latéralement, l'aire proto­ gastrique, l'aire hépatique ; et, enfin, la vaste région branchiale, divisée par un sillon oblique très marqué. Ornementation de la face dorsale pouvant consister en tubercules saillants (multispinata).

REMARQUES.

Du genre fossile f Psammocarcinus, édifié par A. MILNE EDWARDS (1860, p. 277 ; 1861, p* 151) pour recevoir une espèce primitivement attribuée au genre Portunus, f P. hericarti Desmarest, 1822, nous séparons deux espèces décrites du Tertiaire (Nummulitique) d'Allemagne du Nord, à savoir f Psammocarcinus multispinatus Noetling, 1885, et | P. laevis Noetling, 1885. Alors que l'espèce de DESMAREST se présente comme un Portunidé des plus probables et peut constituer pour les paléonto­ logistes le type d'une sous-famille portunienne, les f Psammocarcininae Beurlen, 1930 (p. 355) (cf. BALSS, 1957, p. 1638 ; GLAESSNER, 1969, p. 513), les deux espèces découvertes par NOETLING offrent des caractères qui leur sont propres et qui, à notre avis, les distinguent nettement. Pour ces deux Crabes fossiles nous proposons donc de former une nouvelle division générique sous le nom de f Palaeotrichia, qui indique ses affinités avec le genre actuel Trichia de Haan, 1839 (= Zalasius Rathbun, 1897). C'est surtout l'espèce dénommée multispinatus par NOETLING (1885, p. 138, pi. 3, fig. 1-4) qui rappelle le genre Trichia, et principalement T. sakaii (Balss, 19386, p. 48, fig. 1 a, b, pi. 2, fig. 1, 2). L'espèce fossile (fig. 23 B), de l'Oligocène inférieur (Lattorfien), possède une carapace de contour sub­ circulaire, presque aussi longue que large, des tubercules sur le bord latéral, avec une forte dent épi- branchiale dirigée latéralement, des sillons dorsaux peu nombreux mais fort marqués et au tracé très caractéristique, une aréolation particulière soulignée par la présence de tubercules en petit nombre mais proéminents, un front étroit et saillant : tous ces caractères reproduisent, presque trait pour trait, ceux de sakaii (fig. 23 A ; pi. 3, fig. 1-3, 7). On peut noter, toutefois, que le bord frontal, incomplet sur certains spécimens, semble être tridenté, ainsi qu'on le voit sur la reconstitution de l'animal fossile (NOETLING, ibid., pi. 3, fig. 4) ; il est quadrilobé chez T. sakaii. Il est bien dommage que les pinces de multispinatus ne soient pas connues. Si, chez le fossile, les doigts des chélipèdes se révélaient cultriformes, aucun doute ne subsisterait quant aux affinités de multispinatus et de sakaii. La dernière paire de pattes ambulatoires est absente chez multispinatus et, bien sûr, si l'on découvrait un spécimen pourvu d'une p5 en forme de palette natatoire, il faudrait réviser notre opinion, c'est-à-dire accepter l'appartenance de ce fossile aux Portuniens. Cela dit, les similitudes sont si frappantes entre multispinatus et Trichia sakaii que nous sommes SOUSrFAMILLE DES TRICHIINAE 107 tentée de regarder ce dernier comme le représentant actuel de la forme fossile. La lobulation inhabituelle, si rarement observée chez les Brachyoures et en tout cas non portunienne à notre avis, justifierait presque à elle seule le rapprochement de ces Crustacés. La deuxième espèce fossile décrite par NOETLING (1885, p. 141, pi. 3, fig. 5-7) est f Psammo- carcinus laevis, également de l'Oligocène inférieur d'Allemagne du Nord. Cette espèce diffère de mul- tispinatus notamment par sa carapace relativement plus allongée et presque lisse sur la face dorsale ; mais, comme chez multispinatus, le bord latéral est armé de tubercules dont l'un, plus fort et trans­ verse, se situe à peu près à mi-hauteur. Le tracé des sillons sur la face dorsale est similaire à celui de multispinatus et de Trichia sakaii.

FIG. 23 A-B. — Le genre actuel Trichia de Haan et son ancêtre présumé, f Palaeotrichia gen. nov. A, Trichia sakaii (Balss), Ç dénudée, 14 X 16 mm, South China Sea, Exp. « Naga » ; B, f Palaeotrichia multispinata (Noetling), Oligocène (Lattorfien) d'Allemagne du Nord, d'après NOETLING, 1885, pi. 3, fig. 1-3, sous le nom de f Psammocarcinus multispinatus Noetling. p.co., protubérances des coxae de p5.

En conséquence, nous retirons multispinatus et laevis du genre Psammocarcinus et les plaçons dans le genre Palaeotrichia que nous créons à leur intention. Le genre Palaeotrichia prend place dans les Trichiinae. La découverte d'une forme fossile remontant à l'Oligocène, qui serait l'ancêtre du genre Trichia et, en tout premier lieu, de T. sakaii, dont la carapace apparaît presque inchangée, confirme notre hypo­ thèse, basée sur l'étude des espèces actuelles, que sakaii est un Crabe doté de caractères archaïques, un Crabe primitif qui s'est perpétué jusqu'à nous. Avec ses deux espèces, Palaeotrichia apparaît comme le premier représentant connu de la lignée des Trichiinae et c'est à partir de ce genre que nous étudierons l'évolution du groupement (cf. fig. 35). Il est clair que la découverte de l'ancêtre de Palaeotrichia éclairerait d'un jour nouveau la ques­ tion complexe de l'origine d'un grand groupe de Crabes xanthiformes. 108 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

*f Palaeotrichia multispinata (Noetling, 1885)

(Fig. 23 B)

Psammocarcinus multispinatus Noetling, 1885, p. 138, pi. 3, fig. 1-4 : Oligocène (Lattorfien) d'Allemagne du Nord ; Glaessner, 1929, p. 350 (cit.).

*t Palaeotrichia laevis (Noetling, 1885)

Psammocarcinus laevis Noetling, 1885, p. 141, pi. 3, fig. 5-7 : Oligocène (Lattorfien) d'Allemagne du Nord ; Glaessner, 1929, p. 350 (cit.). SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 109

Genre Trichia de Haan, 1839

Trichia de Haan, 1839, pi. H, pi. 29, fig. 4 ; 1841, p. 109. Dana, 1852a, p. 50, 53, 136. Ortmann, 1893, p. 419. Zalasius Rathbun, 1897a, p. 166 : nom nov. pro Trichia de Haan préoccupé par Trichius Fabricius, 1775. Trichia Alcock, 1899, p. 96. Borradaile, 1903, p. 426 ; 1907, p. 481, note. Balss, 1922c, p. 100. Haie, 1927a, p. 142. Zalasius McNeill et Ward, 1930, p. 374. Macneillena Iredale, 1930, p. 175 : nom. nov. pro Trichia de Haan préoccupé par Trichia Hartmann, 1840. Zalasius Balss, 1935c, p. 128 ; 1938&, p. 48. Sakai, 1938a, p. 343. Trichia Bouvier, 1942, p. 39. Zalasius Balss, 1957, p. 1631. Sankarankutty, 1966, p. 351. Serène, 1965a, p. 20 ; 1968, p. 62. Zalasius Takeda et Miyaké, 1969è, p. 474, 476. Trichia = Zalasius Holthuis et Sakai, 1970, p. 90, 287. Zalasius Guinot, 1966-1967, p. 839 ; 19676, p. 559 ; 1971a, p. 1065, 1070. Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 77 (clef). Takeda, 1973d, p. 121.

ESPÈCE TYPE. — Trichia dromiaeformis de Haan, 1839, par monotypie.

ESPÈCES INCLUSES.

Nom originel Trichia dromiaeformis de Haan, 1839 Trichia australis Baker, 1906 Trichia sakaii (Balss, 1938) Zalasius sakaii Trichia horiii (Miyaké, 1940) Zalasius horii *Trichia indica (Sankarankutty, 1966) Zalasius indica Trichia imajimai (Takeda et Miyaké, 1969) Zalasius imajimai

HISTORIQUE.

L'histoire du genre Trichia = Zalasius se confond avec celle des Trichidea de Haan, 1841 = Zalasiinae Serène, 1968 (voir l'historique des Trichiinae). Le genre a été une énigme pour la plupart des carcinologistes. En bref, rappelons que ceux-ci l'ont tour à tour complètement séparé des autres groupes de Brachyoures (DE HAAN, 1841 ; 1849), considéré comme intermédiaire entre Parthenope et Dromia (DANA, 1852c), rapproché des Xanthidae, plus précisément des Etisinae (ORTMANN, 1893, qui cependant place les Trichiidae dans les Cyclomé­ topes Parthenopini à la suite de Telmessus), ou encore rangé dans les Cancridae aux côtés des Cancrinae, Thiinae, etc. (ALCOCK, 1899; BALSS, 1922c) ou bien au voisinage des Atelecyclidae (BORRADAILE, HO QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

1907) et plus spécialement des Thiinae (BOUVIER, 1942, qui conclut à un contact avec les Corystoidea), ou enfin rattaché aux Oxyrhyncha Parthenopidae (HALE, 1927a ; MCNEILL et WARD, 1930 ; BALSS, 19386). Ainsi, le genre Trichia s'est trouvé incorporé aux Parthenopidae (SERÈNE, 1968, p. 62 ; SERÈNE et LOHAVANIJAYA, 1973, p. 77 ; TAKEDA et MIYAKÉ, 19696, p. 474, 476 ; TAKEDA, 1973d, p. 121). C'est en 1967 (1966-1967, p. 839) que nous avons fait ressortir les affinités du genre Zalasius = Trichia avec le genre Banareia A. Milne Edwards et envisagé l'établissement d'un petit groupe de Crabes composé de ces deux genres, ainsi que de Banareiopsis Ward, d'Actaea palmeri Rathbun et du genre Calvactaea Ward (cf. GUINOT 1966-1967, p. 839; 19676, p. 559; 1971a, p. 1065, 1070). Notre idée de rapprocher le genre Trichia des Xanthidae a reçu l'assentiment de SERÈNE (1968) et de TAKEDA (1973a1) qui reconnaissent la filiation proposée dans nos notes préliminaires mais qui, hésitant sur la place à donner à ces Crabes, les maintiennent encore de préférence dans les Parthe­ nopidae.

Trichia dromiaeformis de Haan, 1839 x

(Fig. 24 C, 25 C, 29 A, B ; pi. 4, fig. 1-4)

Trichia dromiaeformis de Haan, 1839, pi. H et pi. 29, fig. 4 ; 1841, p. 110 : Japon ; Ortmann, 1893, p. 419 : Tokiobai ; Balss, 1922c, p. 100 : Nagasaki ; Urita, 1926, p. 2 : Tokiobai. Cf. Hale, 1927a, p. 143 (sous Trichia dromiaeformis australis) : Queensland. Zalasius dromiaeformis, Rathbun, 1897a, p. 166 ; McNeill et Ward, 1930, p. 375, pi. 59, fig. 6, 7 : Queensland ; Sakai, 1934, p. 300 : Japon (Nagasaki, Amakusa). Cf. Balss, 1935c, p. 128, 129 (cit.) ; 19386, p. 50 (cit.). Zalasius dromiaeformis, Sakai, 1938a, p. 343, pi. 40, fig. 1, 2 : Kii Peninsula, Nagasaki, Amakusa. Cf. Buitendijk, 1939, p. 266 (redescription des types ; pas le spécimen de Kafal ; cf. infra). Cf. Miyaké, 19406, p. 157 [27], pi. 1, fig. 2 : Amakusa ; Miyaké et al, 1962, p. 128. Zalasius dromiaeformis, Chang, 1963, p. 14, pi. 2, fig. 4 : îles Pescadores ; Serène, 1968, p. 62 (liste). Cf. Sankarankutty, 1966, p. 351, pi. 1, fig. 1, 2 (cit.). Cf. Takeda et Miyaké, 1969, p. 476 ; Takeda, 1973d, p. 121 (cit.). Trichia dromiaeformis = Zalasius dromiaeformis, Holthuis et Sakai, 1970, p. 90, 287. Zalasius dromiaeformis, Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 77 (clef).

? nec Trichia dromiaeformis, Thallwitz, 1891, p. 54 (Timor) ; fide Balss, 1935c, p. 129. nec Trichia dromiaeformis, Horii, 1916, p. 25 (Palaos) = Trichia horiii (Miyaké, 19406, p. 27, pi. 1, fig. 1). nec Zalasius dromiaeformis, Buitendijk, 1939, p. 266 (Kafal) = Trichia horiii (Miyaké). Cf. infra.

MATÉRIEL EXAMINÉ.

Forme du Japon : 1 $ 43 X 48,7 mm (dénudé et à l'ornementation un peu émoussée), 1 <$ 41,3 X 47 mm (à l'état sec ; partiellement dénudé), Japon, Kii Minabe, T. SAKAI det. Zalasius dromiaeformis et leg. 1974 (MP). 1 $ (à l'état sec), Japon (USNM 45899). [Détermination à revoir].

Forme d'Australie (Queensland) : 1 Ç 39 X 45 mm environ (à demi dénudée), Australie, Queensland, Port Denison, Bowen Harbour, E. H. RAINFORD coll. Oct. 1922, MCNEILL et WARD det. Zalasius dromiaeformis (cf. 1930, p. 375-376) (AM- P5983). 1 $ 43 X 59 mm environ (non dénudée), Australie, Queensland, Port Denison, Queen's Beach, E. H. RAIN­ FORD coll. July 1925, MCNEILL et WARD det. Zalasius dromiaeformis (cf. 1930, p. 375-376, pi. 59, fig. 6, 7) (AM- P8072).

1. Pour la date de Trichia dromiaeformis de Haan : 1839 et non 1841, voir le paragraphe consacré à la date de parution du genre Tricha et à la nomenclature adoptée ici. SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 111

REMARQUES.

Le genre Trichia de Haan (= Zalasius Rathbun) a été établi par DE HAAN pour recevoir une espèce singulière, de grande taille, originaire du Japon, à savoir T. dromiaeformis de Haan. Les figures originales (DE HAAN, 1839, pi. 29, fig. 4) semblent excellentes : sur le spécimen femelle encore revêtu de son épais tomentum ne se distingue aucune ornementation, seuls sont visibles certains sillons qui laissent deviner la lobulation de la face dorsale ; le mâle dénudé, chez lequel les premiers segments abdominaux sont absents, montre une carapace granuleuse. SAKAI (1938a, p. 343, pi. 40, fig. 1, 2) a fourni une nouvelle description ainsi qu'une illustration remarquable de dromiaeformis : sur la photo­ graphie du mâle débarrassé de son revêtement de soies, on aperçoit mieux la forte granulation qui orne la face dorsale de l'espèce. En identifiant au Crabe japonais des spécimens australiens du Queensland, MCNEILL et WARD (1930, p. 375, pi. 59, (fig. 6, 7) font remarquer que leur matériel est conforme aux figures de DE HAAN, sauf en ce qui concerne la présence, sur le premier segment abdominal, de deux gros lobes saillants et granuleux. Or, ces deux lobes, visibles postérieurement en vue dorsale, sont tout à fait caractéiis- tiques de Trichia dromiaeformis : ils ont notamment été bien observés par BALSS (1922C, p. 100). On ne les distingue pas sur les dessins de DE HAAN (loc. cit.) : chez la femelle figurée, l'abondante pilosité dissimule les contours ; chez le mâle, le premier segment abdominal qui les porte manque, ainsi que l'indique le pointillé représenté sur la figure de l'exemplaire dénudé. BUITENDIJK (1939, p. 266), qui a revu les types de dromiaeformis, confirme que, en effet, on ne peut voir les lobes en question chez le type mâle de DE HAAN, un spécimen sec, puisque l'abdomen est incomplet, mais assure que ces lobes sont présents et bien développés chez le type femelle, conservé en alcool. A noter que le Zalasius indonésien de Kafal déterminé dromiaeformis par BUITENDIJK (ibid.) n'est pas l'espèce de DE HAAN (BUITENDIJK remarque pourtant bien que les lobes du premier segment abdominal sont absents sur son spécimen) et s'apparente à une espèce décrite un an plus tard, le Zala­ sius horii Miyaké, 1940, dépourvu en effet de lobes abdominaux. Cf. sous Trichia horiii (Miyaké) et pi. 4, fig. 9. Donc, aussi bien au Japon qu'en Australie, dromiaeformis offre deux lobes proéminents et gra­ nuleux sur le premier segment de l'abdomen. En 1906 (p. 115, pi. 3, fig. 1), BAKER découvre la deuxième espèce du genre Trichia. Ce Crabe nouveau, originaire d'Australie sur la côte méridionale au sud d'Adélaïde, BAKER le nomme T. australis. Par la suite, tantôt considérée comme une simple variété de l'espèce japonaise, tantôt regardée comme la forme juvénile de dromiaeformis et même mise tout simplement en synonymie avec l'espèce de DE HAAN, Trichia australis est mal connue. Elle est tout à fait distincte de dromiaeformis mais la compa­ raison des deux espèces n'a pas été faite de façon très poussée. HALE (1927a, p. 143) qui, le premier, mentionne la présence de dromiaeformis sur le littoral du Queensland, c'est-à-dire l'extension de l'espèce du Japon jusqu'en Australie, indique avec peu de justesse, à notre avis, les traits qui doivent permettre de séparer australis (ibid., p. 142, fig. 145) de dromiaeformis. Le fait est qu'il y a cohabitation de dromiaeformis (forme du Queensland, cf. infrà) et d'australis dans les eaux australiennes, la première habitant sur la côte est-australienne, la seconde localisée sur la côte de l'Australie du Sud. MCNEILL et WARD (loc. cit.) signalent plusieurs captures de dromiaeformis à Port Denison (Queensland) mais ajoutent peu de précisions sur les caractères qui séparent Yaustralis Baker de dro­ miaeformis de Haan. Cf. sous Trichia australis Baker. Au sujet des dromiaeformis du Queensland, cf. infra. Une Trichia des îles Palaos a été rapportée à tort à dromiaeformis par HORII en 1916 (p. 25) : MIYAKÉ (19406, p. 27) a créé pour celle-ci un nom nouveau, Zalasius horii, ou plutôt horiii ; cf. sous ce nom. MIYAKÉ donne une figure de chacune des deux espèces (holotype de horii : loc. cit., pi. 1, fig. 1 ; une dromiaeformis du Japon, Amakusa : pi. 1, fig. 2) et souligne certains de leurs traits distinctifs. Chez horiii, la carapace est beaucoup plus élargie et plus déprimée que chez dromiaeformis ; les pro­ portions de la carapace sont bien différentes chez dromiaeformis où la longueur est seulement un peu 112 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES moins grande que la largeur. Toujours selon MIYAKÉ, chez dromiaeformis, la face dorsale est ornée à la fois de granules et de tubercules, alors que chez horiii elle ne porte que des granules ; pareillement de nombreux tubercules garnissent le sternum thoracique et l'abdomen de dromiaeformis, alors que ces régions ont une surface lisse (seulement granuleuse) chez horiii. Tout récemment, à propos des Crabes des îles Palaos, TAKEDA (1973i, p. 121) a énuméré à peu près les mêmes caractères pour distinguer horiii de dromiaeformis. Cf. sous Trichia horiii (Miyaké). Si l'on considère les autres références à dromiaeformis, on remarque que cette espèce a été assez rarement signalée : seulement par ORTMANN (1893, p. 419) de la baie de Tokyo, par BALSS (1922C, p. 100) de Nagasaki, par SAKAI (1934, p. 300 ; 1938a, p. 343) du Japon, et par CHANG (1963, p. 14, pi. 2, fig. 4) des îles Pescadores, à l'ouest de Formose. En décrivant, de la baie de Palk en Inde, Zalasius indica, premier Zalasius (— Trichia) décou­ vert dans cette partie de l'océan Indien, SANKARANKUTTY (1966, p. 351) donne des figures compara­ tives de dromiaeformis (ibid., pi. 1, fig. 1, 2), de horiii (ibid., pi. 1, fig. 3) et de son espèce nouvelle, indica (ibid., pi. 1, fig. 4). La dernière espèce décrite dans le genre Trichia, T. imajimai (Takeda et Miyaké, 19696, p. 474, fig. 2, pi. 17, fig. D) a, selon ses auteurs japonais, dromiaeformis comme plus proche parent. Ce n'est pas notre avis : on a oublié de comparer imajimai à T. australis Baker, deux espèces pourtant si res­ semblantes qu'on pourrait les confondre à première vue. Cf. sous T. imajimai (Takeda et Miyaké),

Voyons maintenant les références rapportées de façon erronée à dromiaeformis. Il y a tout d'abord celle de HORII, 1916, déjà cité plus haut : = T. horiii (Miyaké, 1940). Par ailleurs, le spécimen de Timor identifié à dromiaeformis par THALLWITZ et cité dans une simple liste en 1891 (p. 54) est, selon BALSS (1935C, p. 129), une autre espèce, Yaustralis de BAKER. Nous montrons dans le présent travail que, sous ce nom Yaustralis, BALSS a confondu non seulement deux espèces mais aussi deux genres : une Banareia (cf. sous B. balssi sp. nov.) et une Trichia qui est non pas australis mais horiii (cf. sous T. horiii). L'identité de la Trichia de THALLWITZ, que nous n'avons pas eu en notre possession, ne peut donc être devinée d'après les assertions de BALSS, toutes les suppo­ sitions étant permises, et ne sera trouvée que grâce à l'examen de l'échantillon qui serait déposé au Musée de Dresde. Enfin, comme nous l'avons mentionné plus haut, il convient de rectifier une détermination de BUITENDIJK (1939, p. 266) : son Zalasius dromiaeformis indonésien, que nous avons sous les yeux, est une espèce bien distincte de dromiaeformis. Cf. sous T. horiii (Miyaké) et pi. 4, fig. 9.

DESCRIPTION (basée sur les deux spécimens japonais cités dans le matériel examiné).

Espèce de grande taille. Carapace seulement un peu moins longue que large. Animal (pi. 4, fig. 1, 3) entièrement couvert d'une épaisse et longue pilosité qui dissimule les contours. Étroite coaptation de la cara­ pace avec les péréiopodes et des différentes pattes entre elles, le bouclier céphalothoracique et les appendices formant une masse compacte, globuleuse, d'où seuls émergent l'extrémité porcellanée des doigts des chélipèdes et l'ongle du dactyle des pattes ambulatoires. Des sillons sur le tomentum de la face dorsale, qui correspon­ dent aux principaux sillons interlobulaires de l'animal dénudé. Face dorsale (pi. 4, fig. 4) convexe, distinctement sculptée, avec des régions bien délimitées par des sillons très caractéristiques, larges et profonds, sauf dans la région médiane où ils sont superficiels. Région 3M obscurément tripartite, avec l'aréole impaire mésogastrique faiblement délimitée des deux petites aréoles paires métagastriques, elles-mêmes peu distinctement séparées de l'aire urogastrique, laquelle est vaste et saillante. Un sillon très net entre cette dernière et une zone déprimée qui passe sans discontinuité aux deux bosses proéminentes, ornées d'une pointe tuberculée, représentant l'aire cardiaque. Celle-ci non séparée de l'aire intestinale, indivise, étendue, également saillante. Aire protogastrique formée d'une vaste branche interne, convexe, et d'une branche externe plus réduite ; un tubercule vers le bord externe. 1M, 2F, IF fusionnés, formant une aire indivise, allongée. 2L très saillant, tuberculiforme. 3L également tuberculi- forme. 6L proéminent. 5L formant une aréole saillante, allongée, disposée obliquement. Toutes les régions couvertes de granulations arrondies, de taille inégale. Une série de grosses ponctua­ tions très caractéristiques à l'intersection ou sur le trajet de certains sillons. SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 113

Bord antéro-latéral (pi. 4, fig. 4) extrêmement long, non incisé, ne rejoignant pas l'angle exorbitaire. Une dent marquée à sa jonction avec le bord postéro-latéral, qui forme un lobe granuleux se prolongeant sur la région branchiale ; à ce niveau un net élargissement de la carapace. Tout le long du bord antéro-latéral, des granules devenant plus gros et plus tuberculiformes en arrière. Front extrêmement avancé, très étroit, formant une espèce de rostre quadridenté, profondément excavé ventralement pour recevoir les fossettes antennulaires. Bord supraorbitaire en forme de V, la branche interne rectiligne, séparée par une profonde fissure de la branche externe, bilobée. Antennules repliées presque longitudinalement, à peine obliques. Article basai antennaire (fig. 24 Cl) à base élargie et avec un gros tubercule granuleux antérieur ; du côté interne, son bord antérieur largement soudé au front ; l'hiatus entre le front et la dent infraorbitaire entière­ ment occupé par une mince avancée du bord antéro-externe qui vient ensuite rejoindre le front, de sorte que le 3e article de l'antenne apparaît comme « enchâssé » entre ce dernier et le rebord sous-frontal ; ainsi, l'orbite est complètement close. Entre la base de l'article antennaire (bord externe) et la base de la dent infraorbitaire interne, un petit hiatus. Bord infraorbitaire garni de trois dents : la dent infraorbitaire interne, une dent médiane suivie d'une fissure très nette, et la dent exorbitaire. Cadre buccal (fig. 24 C) allongé et étroit, rempli en avant par les mxp3 ; en arrière (au niveau de l'ischion), un large hiatus dans lequel pénètre l'écusson très développé que forme la partie antérieure du sternum thora- cique. Bord antérieur du cadre buccal formant deux petites crêtes surélevées, limitées latéralement par une encoche. Mxp3 fortement déclives en avant de l'articulation ischio-mérus, c'est-à-dire mérus très incliné par rapport à l'ischion. Mxp3 longs et étroits, pédiformes. Ischion à base rétrécie, avec un fort bourrelet le long du bord interne et avec une avancée antéro-interne très prononcée, bordée de granules pointus. Mérus très long, étroitement coapté avec les parties correspondantes ; quelques tubercules arrondis sur le bord interne. Exopodite de forme singulière, sinueux et incurvé, avec une carène tuberculée sur presque toute son étendue. Plastron sternal (fig. 25 C) formant un écusson développé et très saillant qui pénètre profondément entre les mxp3. Episternites délimités par un sillon marqué. Sur le sternite 4, en avant du telson, un sillon longitudinal au fond d'une rainure bordée par des nodules tubercules. Sous l'abdomen (mâle), sutures entre les sternites 4-5 et 5-6 se terminant par des dépressions accusées. Ligne médiane présente au niveau du sternite 7 (sur une grande partie) et du sternite 8. Cavité abdominale profondément excavée. Surface du sternum assez abondamment granulée et ornée, en plus, de nodosités granuleuses. Crochets de l'appareil « bouton-pression » situés assez bas, tout près de la ligne de suture séparant les ster­ nites 5-6. Abdomen mâle (fig. 25 C) avec les segments 3-4-5 soudés. Bords de l'abdomen extrêmement sinueux et étroitement coaptés avec les parties correspondantes du sternum. La surface de l'abdomen munie localement de granules et de nodosités. Premier segment abdominal uniformément granuleux et se prolongeant latérale­ ment par deux gros lobes qui sont visibles en vue dorsale. Ces deux lobes également présents sur le premier segment de l'abdomen de la femelle. Pli $ (fig. 29 A, B) allongé, orné de soies subterminales, avec l'apex1 aminci et effilé, logé dans une rai­ nure, mais non recouvert à son extrémité par le telson. Pour la morphologie des chélipèdes et des pattes ambulatoires, se reporter à la description et aux figures de SAKAI (1938a, p. 343, pi. 40, fig. 2). Voir aussi les figures de DE HAAN (1839, pi. 29, fig. 4). A noter surtout les doigts cultriformes des pinces (pi. 4, fig. 2).

REMARQUES SUR LES dromiaeformis D'AUSTRALIE (Queensland).

Nous avons examiné deux spécimens du Queensland (cf. matériel examiné) qui font partie des échantillons mentionnés et figurés par MCNEILL et WARD (1930, p. 375, pi. 59, fig. 6, 7). Chez la femelle partiellement dénudée (pi. 4, fig. 3) de Bowen Harbour, la carapace montre des petites nodosités correspondant à des groupes de tubercules et de granules ; les saillies tuberculi­ formes de la face dorsale sont plus marquées que chez nos dromiaeformis du Japon (pi. 4, fig. 4), les dents orbitaires sont plus aiguës, les saillies coniques des chélipèdes (pi. 4, fig. 2) plus pointues ; par ailleurs, le lobe postéro-latéral porte quatre tubercules très accusés et non des granules de taille à peu près

1. Les seuls mâles de dromiaeformis en notre possession sont des spécimens secs dont les appendices sexuels sont en mauvais état, détachés ou incomplets. La figure que nous en donnons (fig. 29 A, B) est donc imparfaite. 8 114 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 115

uniforme comme c'est le cas chez nos dromiaeformis japonaises. Chez l'autre dromiaeformis (pi. 4, fig. 1) du Queensland, de Queen's Beach, le lobe postéro-latéral porte aussi des granules et des tubercules. Ces différences entre notre matériel japonais et notre matériel australien sont minimes et concernent seulement l'ornementation. Elles méritaient pourtant d'être signalées et devront être vérifiées sur un grand nombre de spécimens.

RELATIONS SYSTÉMATIQUES.

Trichia dromiaeformis offre une carapace relativement étroite et aux régions bien marquées, ce qui l'apparente à T. sakaii (Balss) (pi. 3, fig. 1-3), espèce chez laquelle le corps est également peu élargi et au contraire allongé et où des sillons sculptent de façon particulière la face dorsale. Les mêmes sillons, des ponctuations aux mêmes emplacements, une lobulation similaire existent chez dromiaefor­ mis et chez sakaii. Mais d'importantes différences séparent les deux espèces : le contour subcirculaire de la carapace, la présence de nombreux tubercules sur la face dorsale, le sternum, le bord antéro- latéral terminé par une dent spiniforme distinguent immédiatement sakaii de dromiaeformis. Cf. sous T. sakaii (Balss). Un caractère particulier à T. dromiaeformis, qui la différencie de toutes les autres Trichia, est l'existence de deux lobes granuleux sur le premier segment de l'abdomen. Un autre trait de dromiaefor­ mis est le lobe accusé que forme, en s'élargissant, la carapace, postérieurement à la dent située très bas à la terminaison du bord antéro-latéral. Cette crête se trouve, mais moins marquée, chez T. horiii (Miyaké), espèce beaucoup plus large, faiblement aréolée, à l'ornementation consistant seulement en granules uniformes (il n'y a pas de nodosités tuberculiformes chez T. horiii). Voir sous T. horiii (Miyaké). Pour les caractères distinctifs de T. australis Baker et de T. imajimai (Takeda et Miyaké), voir sous ces noms.

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE ET ÉCOLOGIE.

Trichia dromiaeformis est connue des eaux japonaises, dans plusieurs localités : baie de Tokyo, Kii Peninsula, Nagasaki, Amakusa. SAKAI (1938a, p. 344) indique un biotope vaseux à une profondeur de 100 mètres. La présence de dromiaeformis est également signalée dans le détroit de Formose, aux îles Pescadores (CHANG, 1963, p. 14). Enfin, dromiaeformis se retrouve, avec peut-être de petites diffé­ rences morphologiques, en Australie sur les côtes du Queensland, comme le prouve la capture de quatre spécimens à Port Denison dans la zone intertidale (cf. HALE, 1927«, p. 143 ; MCNEILL et WARD, 1930, p. 376 ; et présent travail).

FIG. 24 A-D. — Face ventrale, moitié antérieure, dans le genre Trichia de Haan. (La pilosité n'a pas été représentée). À, Trichia horiii (Miyaké), $ 56,4 x 76 mm, Japon, Yoron Island, T. SAKAI det. Zalasius horii (Coll. T. SAKAI) (x 1,5) ; B, Trichia australis Baker, holotype çj 18,7 X 20 mm, South Australia, Port Willunga (SAMA- C1191) : le mérus et le palpe des deux mxp3 sont absents ; C, Trichia dromiaeformis de Haan, forme d'Australie, $ 39 X 45 mm, Queensland, Port Denison, Bowen Harbour, MCNEILL et WARD det. Zalasius dromiaeformis (AM-P5983) (x 2) ; Cl, article basai antennaire vu par en dessus (x 4) ; Trichia sakaii (Balss),

Trichia australis Baker, 1906

(Fig. 24 B, 26 B, 28 B ; pi. 3, fig. 9-11)

Trichia australis Baker, 1906, p. 115, pi. 3, fig. 1, la, lb : Australie méridionale (Port Willunga). Cf. Balss, 1922c, p. 100 (sous Trichia dromiaeformis de Haan). Trichia dromiaeformis australis, Haie, 1927a, p. 142, fig. 145 (cit.). Cf. McNeill et Ward, 1930, p. 375, pi. 59, fig. 5 : Australie méridionale (Port Willunga) [2e spécimen connu après l'holotype et déterminé par HALE ; topotypique]. Zalasius australis, Serène, 1968, p. 62 (liste) ; Takeda, 1973Ï, p. 121 (cit.) ; Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 78 (clef). nec Zalasius australis, Balss, 1935c, p. 128 = Trichia horiii (Miyaké) et Banareia balssi sp. nov. (voir sous ces noms).

MATÉRIEL EXAMINÉ.

Holotype <£ 18,7 X 20 mm, South Australia, Port Willunga (SAMA-C1191). [BAKER, loc. cit., indique une longueur de 18 mm.]

HISTORIQUE ET SYNONYMIE.

BAKER (1906, p. 115, pi. 3, fig. 1) a établi Trichia australis d'après un spécimen relativement petit, de 20 mm de large, et récolté sur la côte sud-australienne près d'Adélaïde, à Port Willunga. Une seule autre espèce de Trichia était connue à ce jour : l'espèce type du genre, T. dromiaeformis de Haan, 1839, originaire du Japon, mais BAKER ne précise pas les caractères distinctifs d'australis par rapport à dromiaeformis. C'est sans doute pourquoi l'espèce de BAKER sera généralement méconnue. Balss (1922c, p. 100) pense que le petit spécimen mâle type (3L australis représente la forme juvé­ nile de dromiaeformis, Crabe de grande taille. Dans son ouvrage sur les Crustacés d'Australie du Sud, HALE (1927a, p. 142, fig. 145) cite Trichia australis comme la variété sud-australienne de dromiaefor­ mis et publie une photographie de l'holotype. Selon HALE, chez dromiaeformis l'ornementation se com­ pose de tubercules de taille moins uniforme, les espaces interrégionnaires de la face dorsale sont plus larges, les nodosités des chélipèdes plus développées et les pattes sont plus lisses. MCNEILL et WARD (1930, p. 375, pi. 49, fig. 5), qui rapportent la capture dans la même localité, à Port Willunga, d'un deuxième spécimen, une femelle, de Zalasius australis, se réfèrent à HALE pour maintenir australis comme la variété méridionale de dromiaeformis, laquelle se trouve non seulement au Japon mais aussi en Australie, plus au nord qu australis, à savoir sur les côtes du Queensland. BAKER ne mentionnait pas de revêtement plumeux chez australis ; néanmoins, d'après MCNEILL et WARD (qui rapportent les observations de HALE), l'holotype mâle porte des soies, en partie cassées, et le deuxième échantillon d'australis, s'il n'est pas aussi poilu que dromiaeformis, offre une pilosité plus développée que l'holotype. En 1935 (1935c, p. 128), croyant retrouver l'espèce de BAKER, BALSS admet la validité d'australis et lui identifie trois spécimens. Nous avons examiné deux d'entre eux, conservés au Musée de Hambourg. Il ne s'agit en aucun cas de la Trichia australis Baker : 1) le spécimen mâle d'Australie occidentale, un mâle de 31 X 41,5 mm s'apparente à T. horiii (cf. sous ce nom et pi. 4, fig. 8) ; 2) la femelle de Nosy-Bé, un gros Crabe de 28,5 X 41 mm, à la carapace tomenteuse parsemée de touffes de soies, appartient non pas au genre Trichia mais au genre Banareia et représente une espèce nouvelle, Bana­ reia balssi sp. nov. (voir sous ce nom et pi. 6, fig. 8-10). Les conclusions de BALSS concernant l'espèce de BAKER ont à leur origine une confusion entre plusieurs espèces et même entre deux genres : elles ne peuvent donc être prises en considération. SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 117

En 1938 (1938a, p. 343), SAKAI n'inclut pas australis dans la synonymie de dromiaeformis. En 1969 (19696, p. 476), lors de l'établissement d'un nouveau Zalasius, Z. imajimai, TAKEDA et MIYAKÉ n'attribuent que quatre espèces au genre Zalasius (== Trichia) et ignorent la forme sud-australienne, qu'ils tiennent sans doute pour synonyme de dromiaeformis. Par contre, plus récemment, TAKEDA (1973d, p. 121), suivant BALSS (1935), suggère qu'australis pourrait être une espèce valide. En définitive, australis n'est connu que par deux spécimens, tous deux de Port Willunga, et semble être une espèce rare. Les renseignements sur sa morphologie sont insuffisants et l'analyse de ses caractères distinctifs ne porte que sur Trichia dromiaeformis.

REMARQUES.

Nous avons pu examiner l'holotype de Trichia australis qui est actuellement déposé au South r Australian Muséum, à Adélaïde, grâce à l'obligeance du D W. ZEIDLER, conservateur des Invertébrés marins de cette institution. L'étude du type, un mâle visiblement débarrassé de son tomentum, montre tout d'abord qu aus­ tralis est tout à fait différente de dromiaeformis et ne peut être considérée comme une sous-espèce de cette dernière. Les traits que HALE (1927a, p. 143) indique pour distinguer dromiaeformis d'australis ne nous paraissent pas correspondre à la réalité et peuvent, à notre avis, induire en erreur. En deuxième lieu, ce qui saute aux yeux, c'est l'extraordinaire ressemblance entre T. australis et la plus récemment décrite des Trichia, T. imajimai (TAKEDA et MIYAKÉ, 1969e, p. 474, fig. 2, pi. 17, fig. D), que, lors de son établissement, les auteurs japonais ont complètement omis de comparer avec l'espèce sud-australienne. Dans nos notes manuscrites anciennes, nous faisions déjà état des similitudes, non perçues jusqu'à ce jour, entre australis et imajimai et de la nécessité de confronter les deux formes, qui risquaient d'être synonymes. L'examen comparatif, qui est aujourd'hui possible, nous confirme à quel point est en effet étroite la proximité entre la forme d'Extrême-Orient et la forme sud-austra­ lienne. Toutefois, il existe entre les deux formes, ou tout au moins entre les deux spécimens que nous avons observés conjointement, certaines différences qui permettent à imajimai de demeurer valide.

REDESCRIPTION DE L'HOLOTYPE.

Trichia australis est manifestement une espèce à pilosité très développée, comme toutes les autres Trichia. La photographie de l'holotype publiée par HALE (1927a, fig. 145) puis par MCNEILL et WARD (1930, pi. 59, fig. 5), ainsi que par nous-même dans le présent travail (pi. 3, fig. 9-11), nous montre un Crabe dénudé. Malgré le brossage, des soies très nombreuses mais en grande partie cassées demeurent sur tout l'animal, qui, à l'état normal, est sans aucun doute couvert d'un tomentum épais, comme T. imajimai (pi. 3, fig. 4-6), et offre le même faciès que cette dernière. Sur l'animal non brossé ne doivent émerger de ce revêtement que les plus gros granules tuberculiformes de la face dorsale et des pinces.

Les principaux caractères de T. australis sont énumérés ci-dessous.

Corps étroit, avec la région frontale saillant en avant. Face dorsale profondément scupltée. Deux sil­ lons antéro-postérieurs extrêmement accusés, qui délimitent de part et d'autre un massif unique, fortement convexe, formé par la fusion des régions gastrique et cardiaque. Les deux aires protogastriques proéminentes, passant sans discontinuer à la région frontale, séparées par un sillon peu profond de l'aire mésogastrique laquelle est réunie aux aires métagastriques (cf. fig. 26 B). En arrière de celles-ci, un sillon incomplet, s'interrompant aux fossettes gastriques, de sorte que l'aire urogastrique est en son milieu réunie à l'aire métagastrique. Un sillon entre l'aire urogastrique et la vaste aire cardiaque impaire, renflée, suivie d'une zone rétrécie puis élargie le long du bord postérieur. Une aire hépatique saillante. Région branchiale extrêmement proéminente, avec une aire externe (5L) vaste, disposée obliquement, et une aire interne (6L) plus réduite, séparées par un sillon marqué. 118 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES Sur la face dorsale, des granulations de taille irrégulière, arrondies et perliformes, souvent fortes ; des granules plus saillants ou des amas de granulations proéminents en certains endroits, à savoir un gros gra­ nule impair mésogastrique, deux amas de granules de part et d'autre de la région cardiaque, un gros granule saillant à la base de chaque aire protogastrique, une saillie granuleuse sur chaque aire hépatique, et une autre sur 6L. Front très étroit, s'avançant pour former quatre petits lobes subégaux, défléchis, l'échancrure médiane étant petite et les encoches latérales décrivant un sinus arrondi très profond. Bord supraorbitaire avec deux dents granuleuses accusées. Bord antéro-latéral très long, ne rejoignant pas l'angle exorbitaire, et paraissant armé de trois lobes granuleux qui ne sont pas au même niveau : le premier épais, situé très loin de l'angle exorbitaire dont il est séparé par une nette concavité ; le 2e, plus dorsal (n'appartenant pas en fait au bord antéro-latéral), pointu ; le troisième fort, saillant latéralement et suivi par une crête granuleuse qui se prolonge sur la région branchiale. Disposition générale des antennules, des antennes, des orbites (complètement closes) sensiblement comme chez dromiaeformis. A noter l'article basai antennaire étroit et allongé, le bord infra-orbitaire avec des dents peu marquées. Cadre buccal (fig. 24 B) allongé, rétréci antérieurement. Bord antérieur avec deux petites fissures laté­ rales ; au milieu, un orifice très net provenant de l'accolement incomplet des deux crêtes qui le séparent de l'épistome. Mxp3 très étroits, notamment à la base de l'ischion, pédiformes, convergeant vers l'avant où ils ferment presque complètement le cadre buccal, et très écartés à la base, où s'implante le large écusson du plastron sternal. Étroite coaptation du cadre buccal, des diverses parties de celui-ci entre elles et aussi avec les parties contiguës correspondantes. Ischion très aminci proximalement ; une avancée antéro-interne saillant obliquement ; un bourrelet granuleux le long du bord interne. Mérus allongé ; bord externe concave ; bord interne peu éloigné de l'axe longitudinal. Palpe conformé et replié de telle façon qu'il demeure en partie caché. Exopodite très incurvé. Ornementation des mxp3 consistant en de nombreux granules de taille variable. Plastron sternal étroit et allongé ; un écusson antérieur très large. Episternites délimités par un sillon. Sur le sternite 4, un sillon longitudinal au fond d'une dépression limitée en arrière par deux granulations symétriques. Ligne médiane présente au niveau du sternite 8 ; au niveau du sternite 7, un hiatus médian. A la surface du sternum, des granulations peu uniformes, souvent grosses et arrondies, ne se groupant pas en nodosités tuberculiformes ; seulement, un amas un peu saillant, symétriquement de part et d'autre, à la base du sternite 4. Crochet de l'appareil « bouton-pression » peu éloigné de la suture séparant les sternites 5-6 ; en avant, une dépression fort nette qui reçoit les angles postéro-externes du telson. Abdomen mâle avec les segments 3-4-5 soudés, le tracé des sutures étant décelable sur les côtés. Un tubercule médian sur le segment 2 ; sur le segment 3, trois saillies côte à côte, la médiane avec un granule central marqué ; sur les segments 4 et 5, une saillie médiane, chacune avec un gros tubercule ; sur le segment 6, un gros tubercule. PU £ assez forts ; leur extrémité logée dans une rainure profonde de la cavité abdominale ; l'apex non recouvert par l'abdomen et débordant beaucoup de celui-ci (fig. 28 B), donc non protégé, sauf par la pilosité. Sur l'holotype, extrémité des deux appendices mâles absente, ceux-ci ayant certainement été mutilés au cours de l'opération de brossage du Crabe. Chélipèdes (pi. 3, fig. 10, 11) assez courts, subégaux ; main plutôt trapue. Des granulations perliformes disséminées, formant quelques amas sur le carpe et près du bord supérieur du propode ; sur le reste de la main, granulations serrées. Doigts cultriformes ; à la base du doigt fixe, un sillon large et profond ; au-dessus, un sil­ lon plus réduit.

RELATIONS SYSTÉMATIQUES.

Comme nous l'avons déjà vu, T. australis ne peut être confondue avec T. dromiaeformis de Haan, qui est sans doute une espèce de plus grande taille. Australis se distingue de dromiaeformis surtout par les proportions du corps ; par la carapace différemment sculptée, avec deux sillons antéro-posté- rieurs qui creusent une profonde entaille de part et d'autre des régions gastriques et cardiaque lesquelles forment un massif unique, très en relief ; par l'ornementation ; pa* le bord antéro-latéral tubercule ; SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 119

par les dents orbitaires moins pointues ; par les deux lobes médians du front qui ne forment pas deux dents spiniformes comme chez dromiaeformis ; par l'article basai antennaire cylindrique et étroit ; par la forme des crêtes limitant en avant le cadre buccal ; par les mxp3 granuleux sur presque toute leur surface (lisses, sauf sur les bords, chez dromiaeformis) ; par l'écusson antérieur du plastron sternal qui est moins long et, par contre, plus large ; par l'absence, ou presque, de grosses nodosités sur le plastron sternal du mâle ; par l'absence de lobes granuleux sur le premier segment abdominal. L'espèce qui se rapproche le plus de Trichia australis, c'est T. imajimai (Takeda et Miyaké) (pi. 3, fig. 4-6) qui offre le même faciès et a en commun avec australis la plupart des caractères, notam­ ment un «corps étroit, une sculpture accusée de la face dorsale, des sillons peu nombreux mais très profonds, fort caractéristiques, un bord antéro-latéral tubercule, le premier segment abdominal dépourvu de lobes granuleux, etc. Les différences portent surtout sur l'ornementation, imajimai montrant des nodosités tuberculiformes plus grosses et formées de granules coalescents. Cf. sous T. imajimai (Takeda et Miyaké).

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.

Uniquement la côte de l'Australie méridionale, au sud d'Adélaïde (Port Willunga). Le biotope n'est pas connu.

Trichia horiii1 (Miyaké, 1940)

(Fig. 24 A, E, 25 A, 26 E, F, 27 B, 29 F-L ; pi. 4, fig. 5-9)

Trichia dromiaeformis, Horii (nec de Haan, 1839), 1916, p. 25 : Palaos [ouvrage non consulté]. Zalasius australis, Balss (nec Baker, 1906), 1935c, p. 129, pro parte : seulement le spécimen d'Australie occi­ dentale. Zalasius dromiaeformis, Buitendijk (nec de Haan, 1839), 1939, p. 266 : Indonésie (Misool Group : Kafal). Zalasius horii Miyaké, 19406, p. 27, pi. 1, fig. 1. Cf. Zalasius horii, Sankarankutty, 1966, p. 351, pi. 1, fig. 3 (cit.). Zalasius horii, Serène, 1968, p. 62 (liste) ; Takeda, 1973d, p. 121 : [Palaos], Ryu-Kyu, Japon (Kagoshima Préfecture) ; Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 78 (clef).

MATÉRIEL EXAMINÉ.

1 $ 56,4 X 76 mm (à l'état sec et partiellement dénudé), Japon, Amami Group, Yoron Island, T. SAKAI det. Zalasius horii (Coll. T. SAKAI). 1 çj 49 X 65 mm (dénudé), British Solomon Islands, Ysabel Island, Tunabuli Harbour, Reef at Govern­ ment Stat., N. S. HEFFERNAN Dec. 1924, det. ? Zalasius (AM-P7615). 1 $ environ 46 X 61 mm (non dénudée), British Solomon Islands, Ysabel Island, Tunabuli Harbour, Reef at Government Stat., N. S. HEFFERNAN Dec. 1924, det. ? Zalasius (AM-P7616). 1 $ 19 X 24,5 mm (non dénudé), Western Australia, Broome, Entrance Point, intertidal on rocky reef, A. A. LIVINGSTONE coll. Aug. 1929, D. J. G. GRIFFIN det. Zalasius dromiaeformis (AM-P16028). 1 <$ 22,3 X 30 mm (partiellement dénudé), Misool Group, Kafal, shore or reef, « Snellius » Expédition 1929-1930, BUITENDIJK det. Zalasius dromiaeformis (cf. 1939, p. 266) (RMNH). 1 (j' 31 X 41,5 mm (partiellement dénudé), Western Australia, Hamburg S.W. Australia Exp., BALSS det. Zalasius australis (cf. 1935c, p. 129, pro parte) (ZMH).

REMARQUES.

Trichia horiii a été établie par MIYAKÉ en 1940 (1940&, p. 27, pi. 1, fig. 1) pour un Crabe des îles Palaos identifié par erreur à Trichia dromiaeformis de Haan par HORII en 1916 (p. 25). MIYAKÉ

1. Étant fondé sur le nom de l'auteur E. HORII, le nom spécifique doit être orthographié, après l'adjonction d'un i, horiii. st5 SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 121 publie une bonne photographie de l'holotype, un très grand mâle de 61 mm de large, et précise les caractères qui distinguent horiii de dromiaeformis. Récemment, T. horiii a été retrouvée aux îles Ryu- Kyu et au Japon par TAKEDA (1973d, p. 121), qui discute des affinités entre les deux espèces. Nous avons sous les yeux un magnifique exemplaire mâle de Trichia horiii, de 76 mm de large, provenant de l'île Yoron au sud du Japon, que le Dr T. SAKAI nous a aimablement prêté pour étude. Nous en publions ici une photographie (pi. 4, fig. 5) et en figurons la face ventrale, moitié antérieure (fig. 24 A), le plastron sternal (fig. 25 A) et le premier pléopode sexuel (fig. 29 F, G). Ce spécimen est conforme à la description et à la figure de MIYAKÉ (loc. cit.).

DESCRIPTION.

Corps recouvert d'un épais tomentum. Carapace extrêmement élargie. Face dorsale (pi. 4, fig. 5) parcourue de sillons au tracé caractéristique, jalonnés par des ponctuations situées à des emplacements qui sont typiques des Trichiinae. Principales régions de la face dorsale délimitées mais peu saillantes. Dans la partie médiane de la carapace, aire mésogastrique nettement isolée ; en arrière, une zone presque indivise qui comprend les deux aréoles métagastriques et l'aire urogastrique, cette dernière étant elle-même faiblement séparée de l'aire cardiaque. Aire protogastrique incomplètement bipartite. 5L représenté par une aire étendue, arquée. Certaines régions, à savoir 2L, IL, 3L, 4L, légèrement tuberculiformes. Toutes les aréoles couvertes de granulations de taille à peu près uniforme. Front un peu avancé, défléchi, subdivisé en quatre lobes. Bord antéro-latéral formant une courbe régulière, non incisé, granuleux ; un lobe postérieur peu marqué, se continuant par une crête granuleuse sur la région branchiale de la face dorsale. Antennules repliées obliquement. Article basai antennaire (fig. 24 A) élargi, réuni au front et s'appuyant largement sur la dent infra- orbitaire interne, sauf à la base où s'observe un petit hiatus. Orbite complètement close ; flagelle antennaire comme « enchâssé » dans la partie proximale de l'article basai. Région sous-hépatique (fig. 24 E) non sillonnée ; seulement une petite empreinte à mi-hauteur du bord antéro-latéral. Cadre buccal allongé, rétréci dans la partie antérieure ; mxp3 parfaitement coaptés entre eux et avec les parties correspondantes du cadre buccal ; un large espace entre eux sur toute la longueur de l'ischion. Base des pattes-mâchoires externes occupée par le très large écusson antérieur du plastron sternal. Mxp3 (fig. 24 A) pédiformes, avec un ischion très allongé, aminci dans sa partie proximale et formant un rebord épais le long du bord interne ; une avancée très nette dans l'angle antéro-interne. Mérus également étroit et allongé. Exo- podite incurvé de façon caractéristique. Plastron sternal (fig. 25 A) relativement large, toutefois rétréci au-dessus de l'articulation de la coxa de pi, puis s'étendant latéralement pour former une languette en avant des chélipèdes et se terminant par un écusson qui pénètre profondément entre les mxp3. De grosses granulations mais pas de tubercules à la surface du sternum. Episternites délimités par un sillon. Sur le sternite 4, en avant du telson, un sillon longitudinal creusé profondément. Ligne médiane présente sur les sternites 7 et 8. Pléopodes sexuels puissants, torsadés,

FIG. 25 (Figuration « développée »). — Plastron sternal mâle dans le genre Trichia de Haan (A-D) et le genre Cal- vactaea Ward (E). Tous les spécimens ont été dénudés. L'ornementation de l'abdomen n'a pas été figurée. [Les sutures sous-abdominales du plastron sternal ont été volontairement dessinées en traits pleins pour montrer plus clairement leur position relative]. A, Trichia horiii (Miyaké),

al, a2, segments abdominaux 1 et 2 ; b.p., crochet de l'appareil «bouton-pression » sur le sternite 5 ; e.st., écusson sternal ; Lab., lobes du 1er segment abdominal ; l.m., ligne médiane ; pli, premier pléopode sexuel, avec apex logé dans une rainure et dépassant de l'abdomen ; r, rainure où se loge le pli

Cette description s'applique à notre Trichia horiii du Japon (île Yoron) mais convient aussi à deux échantillons indéterminés de grande taille des îles Salomon (île Isabelle), déposés à l'Australian Muséum. Ces deux Crabes (pi. 4, fig. 6-7) sont tout à fait typiques. Chez le mâle qui a été dénudé (pi. 4, fig. 7), un sillon sépare nettement l'aire métagastrique de l'aire urogastrique, alors que ces deux régions sont à peine délimitées l'une de l'autre chez la T. horiii de l'île Yoron. Un petit spécimen mâle, non dénudé, d'Australie occidentale, identifié à tort selon nous à dromiaeformis, semble également correspondre à cette description ; à noter cependant que, compara­ tivement, la granulation apparaît plus grosse sur la carapace et que les élévations tuberculées des régions latérales de la face dorsale sont plus pointues.

SYNONYMIE.

A notre avis, il faut attribuer à T. horiii deux Crabes mal identifiés dans la littérature : 1. — Le Zalasius dromiaeformis de BUITENDIJK (1939, p. 266) d'Indonésie, Kafal. Ce petit spécimen mâle (pi. 4, fig. 9) offre une carapace élargie transversalement, un front peu saillant, une ornementation consistant en granulations régulières et non en tubercules, un premier segment abdo­ minal dépourvu de protubérances. Ce ne peut être dromiaeformis et les caractères correspondent au contraire à horiii. Le bord latéral est très arqué et se continue postérieurement par une crête granuleuse accusée qui se prolonge sur la face dorsale dans la région branchiale. Les mxp3 (fig. 26 F) portent des granulations peu nombreuses. Le pli (fig. 29 K, L) est orné de soies plumeuses dans sa partie sub- distale. 2. — Le Zalasius australis de BALSS (1935C, p. 129) pro parte : seulement le spécimen mâle d'Australie occidentale (l'autre spécimen, celui de Nosy-Bé, étant Banareia balssi sp. nov. (cf. pi. 6, fig. 8-10). Il ne peut s'agir de la Trichia australis décrite par BAKER en 1906, qui se caractérise par une carapace beaucoup moins large, par une face dorsale profondément sculptée, par un front étroit et très saillant (cf. sous Trichia australis). Le spécimen australien de BALSS (pi. 4, fig. 8) a au contraire une carapace très large, un front peu proéminent, une face dorsale sans reliefs très marqués. Tous ces caractères l'apparentent à horii. L'aréolation dans la zone médiane de la carapace est bien définie et les différents lobules gastriques apparaissent plus distinctement séparés que chez le grand spécimen typique décrit plus haut de l'île Yoron au Japon. Chez le spécimen australien, la granulation est abon­ dante dans les parties latérales de la face dorsale et les trois tubercules qui longent le bord antéro- latéral sont développés. Le bord de la carapace ne forme pas de façon nette une crête granuleuse qui revient sur la face dorsale. A l'inverse des mxp3 du spécimen indonésien (fig. 26 F), les mxp3 (fig. 26 E) sont très granuleux, surtout le mérus de l'endopodite et l'exopodite. Le pli $ (fig. 29 J) se termine par un lobe allongé et porte des soies plumeuses, comme chez le spécimen de BUITENDIJK (fig. 29 K-L) et chez l'exemplaire japonais (fig. 29 F-G). Ainsi, chez Trichia horiii, nous relevons des variations touchant l'aréolation de la face dorsale, plus précisément celle des diverses aires gastriques, l'abondance de la granulation, la crête postéro- latérale de la carapace, l'ornementation des mxp3. Nous figurons le pli $ de T. horiii chez plusieurs individus (fig. 29 F-L) : les variations semblent minimes. SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 123

RELATIONS SYSTÉMATIQUES.

Trichia horiii est la plus grande des Trichia connues (jusqu'à 76 mm de large) et aussi celle qui possède la carapace proportionnellement la plus large, caractère qui la distingue immédiatement de dromiaeformis de Haan (pi. 4, fig. 1, 3, 4) et de T. australis Baker (pi. 3, fig. 9), espèces avec lesquelles on l'a confondue. L'ornementation uniforme, régulière, la carapace peu profondément sillonnée, aux aréoles non saillantes, éloignent horiii de dromiaeformis, ainsi que de T. australis et de T. imajimai (Takeda et Miyaké) (pi. 3, fig. 4) ; cette dernière possède des nodosités sur le plastron sternal, lesquelles n'existent pas chez T. horiii. Trichia horiii se distingue aussi immédiatement de dromiaeformis (fig. 25 C) par l'absence de protubérances sur le premier segment abdominal. D'après ce qu'écrit SANKARANKUTTY (1966, p. 352), la carapace de forme subcirculaire et l'absence de grosses granulations sur la face dorsale séparent T. indica (pi. 3, fig. 8) de T. horiii. T. horiii ne peut, bien sûr, être confondue avec T. sakaii (Balss) (pi. 3, fig. 1-3, 7), qui se singularise par la présence de nombreux tubercules pointus sur la face dorsale, sur les chélipèdes, sur le sternum et sur l'abdomen.

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE ET ÉCOLOGIE.

Trichia horiii est présente aux îles Palaos (holotype), au Japon dans la Kagoshima Préfecture (TAKEDA, 1973d, p. 121) et à 1 île Yoron (présent travail), aux îles Ryu-Kyu (TAKEDA, ibid). Nos déterminations étendent sa répartition aux îles Salomon (île Isabelle), à l'Australie occidentale (notam­ ment au nord, à Broome) et à VIndonésie (cf. matériel examiné). La distribution de cette Trichia est donc relativement étendue. L'habitat de T. horiii serait « shore or reef » en Indonésie {in BUITENDIJK, 1939, p. 266 : sous Zalasius dromiaeformis), ou la zone intertidale sur le récif en Australie nord-occidentale (présent travail).

Trichia imajimai (Takeda et Miyaké, 1969)

(Fig. 25 D, 26 A, 27 D ; pi. 3, fig. 4-6)

Zalasius imajimai Takeda et Miyaké, 19696, p. 474, fig. 2a, b, pi. 17, fig. D : mer de Chine orientale (îles Tsu- shima) ; Takeda, 19736, p. 12, 14 (cit.) ; Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 78 (clef).

MATÉRIEL EXAMINÉ.

1 <$ 24,3 X 27,3 mm, Japon, Sagami Bay, T. SAKAI det. Zalasius imajimai (Coll. T. SAKAI).

REMARQUES.

Trichia imajimai (Takeda et Miyaké, 19696, p. 474, fig. 2 a, b, pi. 17, fig. D) est la dernière en date des espèces connues du genre Trichia. Elle a été décrite d'après deux spécimens mâles de la mer de Chine orientale, l'un ayant été plus précisément récolté au voisinage des îles Tsushima (cf. TAKEDA, 19736, p. 12, 14). C'est grâce à l'obligeance du Dr T. SAKAI que nous avons pu examiner un spécimen mâle de cette espèce, en provenance de la baie de Sagami sur la côte orientale du Japon.

DESCRIPTION.

Trichia imajimai se caractérise, comme toutes les Trichia, par l'épais revêtement de soies qui couvre complètement le corps, à l'exception de l'extrémité des doigts et de celle des grosses nodosités tuberculiformes 124 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

(« pinkish red or crimson » sur le vivant, d'après Takeda et Miyaké, loc. cit., p. 475) de la face dorsale, du bord antéro-latéral, du bord orbitaire, du plastron sternal et des chélipèdes. Le tomentum épouse les reliefs de la carapace et se trouve creusé de sillons caractéristiques. Une fois dénudée, la carapace (pi. 3, fig. 4) qui est étroite, à peine moins longue que large, apparaît fortement sculptée par quelques sillons profonds, notamment par deux sillons antéro-postérieurs qui, de part et d'autre de l'axe médian délimitent l'ensemble des régions gastriques et la région cardiaque, lesquelles forment un massif unique, très en relief. L'aréolation se présente ainsi (cf. fig. 26 A) : aire mésogastrique triangulaire, Limitée en arrière par un sillon ; aires métagastriques et urogastrique pratiquement fusionnées et peu distinctement séparées de la région cardiaque, le sillon cervical étant partiellement obsolète car oblitéré au milieu par quelques granules ; aire protogastrique séparée de l'aire mésogastrique par un sillon marqué, mais moins profond que les sillons antéro- postérieurs ; aire 5L très étendue, extrêmement proéminente, dans une position oblique. 6L plus petit mais bien défini car limité de part et d'autre par un sillon profond ; aire hépatique petite mais saillante. La face dorsale est ornée de granulations arrondies, de taille variable, souvent grosses (peu visibles sur la photographie publiée par TAKEDA et MIYAKÉ, loc. cit., pi. 17, fig. D), dont certaines sont coalescentes et se groupent en nodules tuberculiformes, notamment sur 2L, vers le bord externe à la base de 2M, à la base de l'aire mésogastrique, sur 6L et, symétriquement, de part et d'autre de la région cardiaque. On observe aussi la présence de ponctuations à des emplacements caractéristiques. Le front, étroit et très avancé, s'infléchit en quatre lobes ornés de gros granules. Le bord antéro-latéral très long, ne rejoignant pas l'angle exorbitaire, porte à des niveaux différents quatre lobes tuberculiformes, granuleux : le premier, réduit ; le 2e, plus étendu et plus dorsal ; le 3e, non plus marginal mais tout à fait dorsal, saillant et pointu ; le 4e, sous forme d'une grosse saillie tuberculiforme pointant latéralement et suivi par une crête granuleuse qui se prolonge sur la région branchiale. La disposition générale des antennules, des antennes, des orbites (complètement closes), ainsi que celle du cadre buccal et des mxp3 chez Trichia imajimai est sensiblement comme chez T. australis (fig. 24 B). A noter le bord infraorbitaire orné de dents tuberculiformes, l'article basai antennaire saillant et garni de gros granules. Le plastron sternal (fig. 25 D) offre les mêmes caractéristiques fondamentales qu:'australis, à savoir : écusson antérieur très large pénétrant profondément entre les mxp3 ; épisternites délimités par un sillon ; sur le sternite 4, un sillon longitudinal en avant du telson et surmonté par des tubercules ; ligne médiane pré­ sente sur la plus grande partie du sternite 7 (avec un hiatus longitudinal) et au niveau du sternite 8. Les cro­ chets de l'appareil « bouton-pression » sont situés tout près de la suture séparant les sternites 5-6. Des nodosités sont présentes sur le plastron sternal de T. imajimai : deux principales, une de chaque côté, sur le sternite 4 (alors que, chez dromiaeformis, il y en a, en plus, au milieu du sternite 4 et aussi sur les côtés du sternite 5). Au sujet des pléopodes sexuels de Trichia imajimai, nous pensons que TAKEDA et MIYAKÉ (loc. cit., fig. 2a, b) en donnent une figure inexacte : avec leur apex tronqué et leurs soies plumeuses ni courtes ni longues, ces appendices ont du reste une allure curieuse. Nous supposons que, lors du brossage de l'holotype pour le dégager de son tomentum, les auteurs japonais ont abîmé la partie terminale du pléopode et cassé l'extrémité des soies, d'où cette image incomplète. Chez Trichia imajimai, comme chez T. sakaii (fig. 27 A), T. horiii (fig. 27 B) et comme dans l'ensemble des Trichiinae, le pli

RELATIONS SYSTÉMATIQUES.

TAKEDA et MIYAKÉ (loc. cit.) méconnaissent l'existence de Trichia australis Baker, aussi n'ont-ils pas l'idée de comparer leur espèce nouvelle, imajimai, à l'espèce sud-australienne, bien antérieure, 26 A-B. — Détail de la face dorsale (régions gastriques et région cardiaque) chez deux espèces de Trichia. A, Trichia imajimai (Takeda et Miyaké), $ 24,3 x 27,3 mm, Japon, Sagami Bay, T. SAKAI det. Zalasius imajimai (Coll. T. SAKAI) ( x 2,3) : pilosité figurée sur la partie droite ; sillons représentés en grisé ; B, Trichia australis Baker, holotype $ 18,7 x 20 mm, South Australia, Port Willunga (SAMA-C1191) ( X 6) : pilosité non représentée. 26 C. — Calvactaea tumida Ward, holotype d'Atergatopsis (?) globosa Balss, $ ovigère 19 X 25 mm, South-Wes- tern Australia (ZMH). 26 D. — Banareia cf. villosa ? Rathbun,

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE ET ÉCOLOGIE.

Trichia imajimai vit dans la mer de Chine orientale : près des îles Tsushima, la localisation indiquée pour l'holotype (TAKEDA et MIYAKÉ, 19696, p. 476) est de 115 m de profondeur, dans du sable grossier et coquillier ; le paratype a été capturé à 196 m. Dans le présent travail, nous signalons imajimai sur le versant pacifique du Japon, dans la baie de Sagami au sud de Tokyo.

*Trichia indica (Sankarankutty, 1966)

(PI. 3, fig. 8) Zalasius indica Sankarankutty, 1966, p. 351, pi. 1, fig. 4 : Palk Bay ; Serène, 1968, p. 62 (liste) ; Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 78 (clef).

REMARQUES.

L'espèce Trichia indica a été décrite par SANKARANKUTTY (1966, p. 351, pi. 1, fig. 4) pour une femelle de 33 X 37 mm, récoltée dans la baie de Palk au nord-ouest de Ceylan. Il est dommage que SANKARANKUTTY, qui propose pour comparaison d'excellentes photogra­ phies de T. dromiaeformis de Haan (ibid., pi. 1, fig. 1, 2) et de T. horiii (Miyaké) (ibid., pi. 1, fig. 3), ne fournisse pas une aussi bonne illustration de son espèce nouvelle. La photographie de l'holotype à'indica ne donne pas une image suffisante de cette Trichia indienne. SOUS-FAMILLE DES TRICHIINAE 127 Comme les autres Trichia, T. indica est revêtue d'un épais manteau de soies. Le plastron sternal porte des tubercules, comme c'est le cas chez certaines Trichia. Les doigts des chélipèdes sont eultri- formes, caractère rencontré chez tous les Trichiinae. Un trait commun à tous les Trichiinae et qui se retrouve certainement chez T. indica, c'est la disposition particulière des premiers pléopodes sexuels mâles, dont l'apex, logé dans une rainure, n'est pas complètement recouvert par le dernier segment abdominal. SANKARANKUTTY (ibid., p. 352) n'indique rien de tel mais fait allusion à un sillon profond sur le sternite 4 « between inner tubercles of either side through which project out the long pleopods ». Selon SANKARANKUTTY, indica diffère des autres Zalasius « by the conspicuous absence of the coarse granulation on the carapace ». L'ornementation d'indica consiste en « few miliary granules » et ne ressemble donc pas à celle de T. dromiaeformis (pi. 4, fig. 3-4) qui se compose de gros granules, certains étant tuberculiformes, ni à celle de T. sakaii (Balss) (fig. 23 A ; pi. 3, fig. 1, 7) qui se carac­ térise par des élévations coniques. L'ornementation de T. horiii (pi. 4, fig. 5, 7-9) est peut-être celle qui se rapproche le plus de celle de T. indica, puisqu'elle consiste en granulations régulières ; elle serait seulement plus développée. La carapace de T. indica, de contour subcirculaire, ne peut être confondue avec celle de T. horiii qui est très large. Le bord antéro-latéral, suivi postérieurement d'une crête qui se prolonge sur la région branchiale de la carapace est, semble-t-il, non incisé, comme chez T. horiii, et garni de tubercules. Chez Trichia indica, le premier segment abdominal ne porte pas les deux lobes saillants que l'on rencontre chez T. dromiaeformis. Trichia indica se distingue dès le premier coup d'œil de T. australis Baker et de T. imajimai (Takeda et Miyaké) qui possèdent une carapace sculptée par de profonds sillons et des régions très en relief, surmontées de nodosités tuberculif ormes. En bref, T. indica diffère de toutes les Trichia connues et notamment de T. horiii, qui serait l'espèce la plus proche, par l'étroitesse de sa carapace et par l'absence d'ornementation.

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.

Trichia indica, décrite de Ceylan, représente l'unique découverte du genre Trichia en Inde et dans cette partie de l'océan Indien, toutes les autres espèces connues étant plus orientales.

Trichia sakaii1 (Balss, 1938)

(Fig. 23 A, 24 D, 25 B, 27 A, 28 C, D, 29 C-E ; pi. 3, fig. 1-3, 7)

Zalasius sakai x [sic] Balss, 19386, p. 48, fig. 1 a, b, pi. 2, fig. 1, 2 : Singapour. Zalasius sakaii, Serène, 1968, p. 62 (liste) ; Serène et Lohavanijaya, 1973, p. 78, pi. 20, A-B et 21, A-B : mer de Chine méridionale.

MATÉRIEL EXAMINÉ.

1 (J 29 X 32 mm, Nhatrang Bay, Rte 2 521, dans les chaluts de pêcheurs, fonds 20-30 m, sable vaseux et débris coquilliers, 12-8-1970, SERÈNE det. Zalasius sakaii (ION 46676). 1 <£ 25 X 27,5 mm, Indonésie, Pantai Utar, récolte au chalut, 22 m, 6-6-1965, SERÈNE det. Zalasius sakaii 5-12-1971 (MP). 1 $ 14 X16 mm, South China Sea, 09°03'N, 106° 26'E, 22 miles from Poulo Condore, Exp. « Naga », Naga S8, st.60-711, dredge, sand, 14-15 fath., September 8, 1960, SERÈNE et al. det. Zalasius sakaii (cf. 1973, p. 78).

r 4. L'espèce étant dédiée au D T. SAKAI, son nom doit être orthographié sakaii. 128 QUELQUES GROUPES NATURELS CHEZ LES BRACHYOURES

REMARQUES.

Trichia sakaii (Balss) est une espèce tout à fait singulière, remarquable par beaucoup de traits de sa morphologie, ce qui explique les prises de position très diverses des carcinologistes quant à sa situation taxonomique et, en conséquence, quant à celle des Crabes rattachés au genre Trichia — Zalasius (cf. historique). L'espèce a été décrite d'après une femelle mesurant 28,5 X 30 mm, de la collection du Muséum national de Singapour ; toutefois, le type ne se trouve pas dans cette institution (SERÈNE et al., 1973, p. 79). Ce spécimen est donc bien plus grand que la femelle de la mer de Chine orientale (Exp. « Naga ») mentionnée ici mais, par contre, offre une taille comparable à celle du mâle de la baie de Nhatrang cité dans le matériel examiné.

DESCRIPTION.

Les principaux traits de Trichia sakaii sont énumérés ci-après.

Épaisse et longue pilosité couvrant tout le corps, sauf l'extrémité des doigts des pinces et l'ongle corné du dactyle des pattes ambulatoires ; extrémité polie des tubercules de la face dorsale et des pinces émergeant çà et là du tomentum. Carapace (pi. 3, fig. 1, 7) à peine moins longue que large, de forme subcirculaire, fortement bombée et profondément sculptée. Lobulation de la face dorsale très particulière, caractéristique en raison de la présence de sillons élémen­ taires typiques, de tubercules associés à chaque aréole principale, et de ponctuations apparentes qui sont la marque d'insertions musculaires. Ornementation (fig. 23 A) consistant en élévations tuberculées, c'est-à-dire en un seul tubercule ou en plusieurs tubercules (souvent, un principal) surmontant la partie saillante des divers lobules. Tubercules plus ou moins hauts, à extrémité porcellanée, toujours arrondie et dénuée de soies. Nombre et disposition des tuber­ cules variables (cf. infra, variations). Région 3M (aire mésogastrique -f- aires métagastriques) formant un massif indivis, un peu étiré antérieu­ rement, marquée postérieurement par deux (petit spécimen Ç, Exp. « Naga ») ou trois (autres spécimens) tuber­ cules impairs placés l'un au-dessous de l'autre et entourés ou non de granulations arrondies ; en avant, un tubercule impair. Entre la région 3M et la région urogastrique (4M), les deux fossettes gastriques très apparentes. Région urogastrique vaste, également tuberculée (principalement, deux tubercules impairs, dans l'alignement des précédents). En arrière du sillon cervical une bande étroite surmontée (petit spécimen $, Exp. « Naga ») ou non d'un tubercule central. Aire cardiaque consistant en deux saillies paires, chacune garnie d'un tuber­ cule élevé. Aire intestinale se soulevant en un gros tubercule unique, médian. Entre ces diverses aires, des sillons à peine marqués, sauf le sillon cervical qui sépare la région urogastrique de la région cardiaque. Région protogastrique indivise, surmontée de 1-2 tubercules principaux et de quelques tubercules plus petits. Sur les côtés, aire hépatique subdivisée en trois aréoles, chacune surmontée d'un tubercule principal. Au-dessous, région branchiale antérieure divisée en deux aires par un sillon oblique très accusé : l'antérieure (épibranchiale) portant une saillie tuberculiforme centrale entourée de plusieurs autres tubercules ; la postérieure (mésobran­ chiale) très proéminente, tuberculiforme (un seul tubercule principal, ou un tubercule principal avec un tuber­ cule plus petit en avant). Aire branchiale postérieure, ou métabranchiale, déprimée, garnie de grosses granu­ lations arrondies. Jalonnant les sillons et situées à des emplacements caractéristiques, des ponctuations très visibles (cf. fig. 23 A). Front quadridenté, étroit et saillant, les deux pointes médianes s'avançant comme un rostre. Bord supraorbitaire fendu par deux profondes encoches, l'interne étant la plus longue. Armature du bord latéral consistant en tubercules analogues à ceux de la face dorsale. Bord antéro- latéral ne rejoignant pas l'angle exorbitaire ; tout d'abord, une zone inerme, puis des tubercules pointus (en nombre variable suivant les spécimens), de taille croissante jusqu'à une forte dent spiniforme pointant latéra­ lement, elle-même tuberculée (dent épibranchiale). Le bord postéro-latéral, qui fait suite à cette dent, portant des tubercules développés et se prolongeant dorsalement sur la région branchiale. Antennules repliées presque longitudinalement dans les fossettes. FIG. 27 A-E. — Cavité abdominale (abdomen enlevé) chez le mâle, sutures sternales et premier pléopode sexuel in situ, dont l'apex, logé dans une rainure, déborde du telson. (La pilosité n'a pas été représentée). A, Trichia sakaii (Balss), ^ 29 X 32 mm, Nhatrang Bay, SERÈNE det. (MP) (X 5,6) (soies terminales du pli non figurées) ; B, Trichia horiii (Miyaké), <$ 31 X 41,5 mm, Western Australia, Hamburg S.W. Australia Exp., BALSS det. Zalasius dromiaeformis de Haan (ZMH) ( X 3,6) ; C. Banareia australis (Ward), paratype $ 25 X35 mm, Queensland, Lindeman Island (BM 1940.2.23.2) ( X 4) ; D, Trichia imajimai (Takeda et Miyaké), çj 24,3 X 27,3 mm, Japon, Sagami Bay, SAKAI det. (Coll. T. SAKAI) ( X 4,8) : le pli est cassé à son extrémité ; E, Calvactaea tumida Ward, paratype