Un village au fil des siècles: VILLIERS-sur-L OIR

Henri MÉSANGE Vice-président de la Société archéologique scientifique et littéraire du Vendômois Ancien maire de Villiers-sur-Loir

Un village au fil des siècles: VILLIERS-sur-L OIR

1995 VILLIERS-SUR-LOIR

Parti d'azur et de gueules, à 2 chevrons jumelés renversés d'or brochant, accompagnés en chef d'une molette d'éperon d'argent brochant également, et en pointe de 2 cimeterres aussi d'argent, garnis d'or, appointés en chevron renversé. Les 2 chevrons jumelés symbolisent à la fois la ligne du TGV dont la gare est située sur le territoire de la commune, mais aussi la lettre V, initiale de Villiers. La molette d'éperon est un des éléments des armes de la famille de Rochambeau qui possédait plu- sieurs fiefs dont Saint-Hilaire, au XVIe siècle, la Barre, la Berthelottière, la Boissière et la Gare liere au XVIII' siècle, ce qui leur permit de s'intituler seigneurs de Villiers. Les cimeterres figurent sur les armes des Bergasse Du Petit Thouars, propriétaires de la Marsauderie au XIXe siècle : ce sont des armes et rappellent, en cela, que Villiers fut le théâtre de nombreux combats pendant la guerre de 1870. La couleur rouge du champ symbolise la viticulture, ressource de premier ordre pour la commune. Le bleu évoque à la fois les armes de la famille de Rochambeau et le plan d'eau de Villiers.

Un exemplaire du manuscrit de cet ouvrage est déposé à la bibliothèque de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois et un exemplaire à la Bibliothèque municipale de Vendôme

ISBN : 2-904 736 06-9

Dépôt légal — 1" édition : 1995, décembre © Éditions du Cherche-Lune 14, rue Honoré-de-Balzac 41100 VENDÔME Préface

Henri Mésange, maire pendant dou^e ans, membre de la Société archéologique depuis trente-cinq ans, m'a demandé de présenter ces riches documents récoltés dans diverses archives après de longues recherches. Connaissant le temps passé à ce travail, son désir d'être exact et complet, j'ai accepté bien volontiers, en toute amitié, heureux d'apporter mon modeste concours à une œuvre riche et pleine d'intérêt. Il ne m'appartient pas de résumer ce texte : ce serait le défraîchir. Je vous laisse le plaisir de la découverte. Je vous dirai tout simplement que j'ai aimé les pages sur les carrières de Saint- André, toujours agréables à aborder, l'arrivée des loups au XVIII ' siècle, les problèmes du pont de Chantereine, la famille Du Petit Thouars, l'église et les cimetières, la vigne au cours des siècles, la vie municipale et autres anecdotes que je vous laisse découvrir au fil des pages. Sachez que Villiers, riche de son patrimoine, fier de ses puits artésiens et du moulin qui, très tôt, l'éclairait, Villiers, bien équipé, proche de Vendôme, parfaitement desservi par le TGV, paraît pouvoir aborder le siècle nouveau pour le plus grand bonheur de ses habitants. Je le lui souhaite bien cordialement et félicite chaleureusement Henri Mésange qui peut être satisfait de ce riche document dont Villiers sera fier. Robert LASNEAU, maire honoraire de Vendôme, né à Villiers-sur-Loir. A Monsieur le chanoine Henri Gaulandeau ancien président de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois, qui m'a fait découvrir les richesses de notre histoire locale. PREMIÈRE PARTIE DES ORIGINES A LA RÉVOLUTION

A. Un village dans la grande Histoire

Chapitre I Situation géographique et démographique

1. DE L'ORIGINE DU NOM

Le bourg de Villiers est composé de plusieurs villages construits dans des vallées sèches débouchant dans celle du Loir pour ne faire qu'une aggloméra- tion. Ces principaux hameaux sont Saint-André à l'ouest, le Bourg et la Gare- lière à l'est. C'est donc une commune relativement jeune puisqu'on la cite pour la pre- mière fois, sous les appellations de Villare et Allodium de Villaris au XIe siècle, dans le Cartulaire de Marmoutiers. Toujours au XIe siècle, le cartu- laire de la Trinité de Vendôme parle de Vilers et de Manufirma de Villariis. Au XIIe siècle, plusieurs noms apparaissent sur les textes : Villerium, Medietaria de Villariis, Parochia de Villariis. Au siècle suivant dans le pouillé du diocèse de Chartres, on trouve Vallis de Villaribus (1293) - Villers. Un registre paroissial de 1614 indique également Ecclesia Sancti Hilarii de Villaribus. Enfin, Villiers apparaît au XVIIIe sur les cartes de Cassini, puis de l'état-major et sur le cadastre napoléonien. Si Villare est le nom latin de Villiers (villa à l'époque gallo-romaine et même plus tard, veut dire agglomération-domaine rural) en celto-breton, Gwiler (Wiler-Viler) signifie place publique. Le nom définitif Villiers-sur- Loir ne date que du 9 juin 1918. En effet, pour répondre au vœu exprimé par la chambre de commerce de Paris, d'éviter toute confusion de localité, le conseil municipal de Villiers demande que la commune qu'il représente porte désormais le nom de Villiers-sur-Loir.

2. SITUATION GÉOGRAPHIQUE

Bien que le village ait un cœur rassemblant l'église et la mairie autour de sa place qui fait face par la rue Silly au château de Rochambeau, la petite cité s'étire le long des coteaux, comme accroupie dans ses vignobles et ses jardins. Commune de 1 117 habitants (recensement complémentaire de 1993) pour 1 000 ha, Villiers appartient administrativement au canton de Vendôme 2. Située à 6 km du chef-lieu d'arrondissement, Villiers est bornée au nord par Azé, à l'est par Vendôme et , au midi par Thoré-la-Rochette dont le Loir sépare les deux territoires et à l'ouest par Mazangé1. Venant de Vendôme, on entre sur le territoire de Villiers en laissant sur la gauche la massive sentinelle qu'est la coopérative vinicole. Grâce à la dévia- tion du bourg réalisée en 1965 sur l'emprise de l'ancienne voie ferrée du tram- way, toute nuisance induite par le trafic est évitée dans le centre. La partie agglomérée du bourg s'adosse au coteau avec une orientation sud-ouest/nord- est très favorable et s'allonge sur 3 km. Abrupt, boisé, peu construit et situé près du Loir à Saint-André, le coteau devient plus doux, dénudé, bâti, distant de la route et encore plus du Loir vers la cave coopérative. Les coteaux du val, se caractérisent non seulement par leur relief, mais par les caves qui s'ouvrent à leur pied ou à mi-hauteur. Les pentes douces et enso- leillées sont tapissées de vignes et les habitudes de vie et de travail particu- lières au pays de vignoble sont assez accusées pour le différencier des pays de grande culture pourtant proches.

1. Les altitudes extrêmes : Au point le plus bas :76 m au-dessus du niveau de la mer. Au point le plus haut : 140 m au-dessus du niveau de la mer. Comme le montre le schéma ci-dessous, le site du coteau de Villiers sur Loir semble se développer comme un éventail en soulignant avec force chacun des éléments composants du paysage, à savoir, l'eau, les terres, le bâti, le coteau et les bois. Évolution de l'occupation des sols depuis 1903 (en ha) : 1903 1980 Terres à céréales 633 623 Prairies 26 31,60 Vergers 7 7,25 Vignes 220 85,60 Bois 87 109,80 Landes-jachère 34 12,90 Cours d'eau 4 5,54 Cours, jardins, habitations 16 30 Voirie, etc. 15 33,86

L'évolution entre ces chiffres éloignés de quatre-vingts ans, fait apparaître une diminution sensible des surfaces plantées en vignes, et le doublement des espaces destinés aux habitations. La superficie couverte par les landes et jachères n'est pas significative. Elle a beaucoup évolué en cette fin du XXe siècle en raison de la réglementation imposée à l'agriculture.

3. UN PEU DE GÉOLOGIE

La commune de Villiers-sur-Loir s'étend par moitié sur un plateau incliné du nord vers le sud, dont la plus grande partie du sol repose sur un substrat argilo-limoneux. L'autre moitié est composée du val du Loir dont le sol est formé par des alluvions quaternaires. L'habitat bâti à flanc de coteau court un certain risque dû aux nombreuses caves creusées à même le calcaire, aux car- rières souterraines ou aux habitations troglodytes qui existent encore à Saint- André. Toutes ces cavités, qui sont par ailleurs un des attraits de Villiers-sur- Loir, menacent parfois d'effondrement dû aux fissures subverticales et aux points de stratification, c'est-à-dire aux surfaces séparant les divers bancs rocheux entre eux. On rencontre sur le territoire de la commune de Villiers cinq couches géologiques bien définies : 1 /Les alluvions modernes qui occupent le fond de la vallée du Loir. 2 11-es alluvions anciennes qui s'étendent au sud de la commune entre la route du bourg et les alluvions modernes. 3 11-e limon des plateaux au nord-est de la commune sont des terres com- pactes et caillouteuses. 4 /U argile à silex occupe une assez grande surface au nord de la com- mune1. 5 ILa craie de Villedieu forme une étroite bande sinueuse dirigée du nord- ouest au sud-est, en passant au nord du bourg.

4. DÉMOGRAPHIE Un recensement complémentaire réalisé en 1993 fait ressortir une popula- tion de 1117 habitants soit une augmentation de 120 personnes depuis le recensement de 1990 qui comptabilisait 997 habitants. La commune a compté au siècle dernier 1 430 âmes (en 1846). Peut-on faire une analyse de l'évolution de la population à partir de docu- ments ou des renseignements fournis à la fois par l'état civil et les recense- ments ? Un premier document appelé tableau de mendicité2 et datant de 1790 indique pour Villiers, chef-lieu de canton, une population de 829 habitants et 218 feux alors que Naveil compte alors 1 331 habitants. Sur ces 829 habitants, 20 individus ne paient aucune taxe; 10 ne paient que l'équivalent d'une ou deux journées de travail; 12 vieillards sont hors d'état de travailler, 15 infirmes; 43 enfants pauvres au-dessous de 14 ans; 12 pauvres malades. On ne compte aucun mendiant vagabond, mais on a tout de même au total plus de 100 démunis, la commune ne disposant que de 40 livres pour les aider. Pour essayer de trouver des remèdes à la pauvreté, les administrateurs du canton réclament des filatures et des ateliers de charité. Ils souhaitent aussi que l'on répare les chemins de traverse, que l'on cure les fossés et que l'on rende le Loir navigable. Toutes ces activités permettraient d'employer les gens sans ressources suffisantes. Le même document explique la pauvreté par la cessation d'activité de la fabrique de serge près de Vendôme et par les impôts excessifs. En fait, les débouchés manquent dans le canton. A propos de Villiers, on peut lire également des commentaires qui, bien qu'écrits dans le français de l'époque, en disent long sur l'état de pauvreté du pays : « La paroisse de Vil- liers-sur-Loir est très peuplée de gens malaisés qui, dans la meilleure année, récoltent à peine de quoi se substanter. » Ou encore ceci : « Outre ces inconvé- nients, leur culture qui a pour principal objet la vigne, qui a mille autre incon-

1. Boues qui se sont déposées dans les bassins marins (argiles sédimentaires) ou des argiles résiduelles formées par la décomposition de roches sous l'action d'eaux chargées de gaz carbonique. 2. Conservé aux Archives départementales à la cote L417. vénients inattendus, ne leur rapporte ordinairement qu'un léger dédommage- ment d'un travail dur et pénible». Villiers nous apparaît donc pauvre en ces premières années de la Révolu- tion. Pourtant en seize ans, la population augmentera de plus de 50%, puis- qu'en 1806 on atteint le chiffre de 1 243. Mais le chiffre de 1790 est-il exact? Le graphique suivant montrant l'évolution de la population peut se décomposer en trois périodes. Une première de quatre-vingts ans (de 1806 à 1886) voit le nombre d'habitants rester relativement stable (entre 1250 et 1427, chiffre le plus élevé atteint en 1846). Une seconde, de soixante-quinze années (1886-1962), voit la population diminuer très sensiblement, passant de 1272 à 756. Entre 1926 et 1962, le nombre d'habitants baisse plus lente- ment. Ainsi, entre 1846 chiffre record et 1962 chiffre le plus bas, la population a diminué de 47%. Depuis 1962, la population augmente à nouveau pour repasser en 1982 le cap des 1000 habitants, puis 1 117 en 1994, ce qui est encourageant pour l'avenir.

Graphique 1 - Évolution de la population du Premier Empire à nos jours Plusieurs phénomènes peuvent expliquer la baisse sensible de population au cours de la période de 1886-1926: Le phylloxéra, qui a décimé une grande partie du vignoble à la fin du XIXe siècle, contraint les ouvriers vignerons à quitter la région. Beaucoup de vignerons sont ruinés, les enfants abandonnent la vigne. L'exploitation des carrières, en régression depuis 1860 environ, prend fin vers 1920, d'où la dis- parition d'une part de la population active. En outre la guerre 1914-1918 est très meurtrière pour Villiers. Le monde agricole s'équipe et a moins besoin de main-d'œuvre, les exploitations sont devenues plus importantes. Enfin l'in- dustrialisation des villes provoque l'exode rural; on veut aller travailler à Vendôme où des industries se développent. Le travail est inscrit dans les horaires fixes. Le revenu est assuré toute l'année. C'est aussi la recherche d'une certaine indépendance. En résumé, Villiers se vide de sa jeunesse au profit de la ville pourtant proche. De 1926 à 1962, Villiers ne perd que 70 habitants. L'exode rural ralenti, on assiste même à une reprise du nombre des naissances après la seconde guerre mondiale. Depuis 1962, plusieurs courants se sont inversés. La société de consommation, l'augmentation du pouvoir d'achat ont fait de Villiers une commune où l'on vient ou revient pour vivre sa retraite. La vallée du Loir et sa route touristique ont fait de Villiers un village où l'on souhaite venir habi- ter, car c'est la campagne, mais bien desservie et proche de la ville. Enfin, les distances comptent moins, on déserte les immeubles des villes pour revenir s'installer à la campagne. Le tableau 2 confirme cette évolution. Durant la première moitié du XIXe siècle, les naissances sont généralement supérieures aux décès, puis on voit progressivement la tendance s'inverser, tout en observant que les trois moyennes (naissances, mariages, décès) s'amenuisent au fil du temps. Il faut toutefois relever quelques records avec 75 naissances en 1793, 67 décès en 1744 et 64 en 1871 (guerre et épidémies). On constate également 49 mariages en 1793, mais ce chiffre n'est pas significatif, car à cette époque Villiers est chef-lieu de canton et durant la Révolution on se marie au chef- lieu. L'analyse de l'évolution de la mortalité mérite d'être soulignée. Au XVIIIe siècle on relève plus de 32 décès par an, alors que de nos jours on ne dépasse pas 13. Sur ces 32 défunts, moins de 6 avaient plus de 60 ans, alors que la mortalité infantile était très élevée. M. Plessis a fait le recensement des mariages de 1743 à 1902 et son étude per- met aujourd'hui, en la complétant, de savoir à quelle époque de l'année on se mariait et s'il y a eu une évolution dans le temps. Plus de 2 300 mariages ont été célébrés à Villiers depuis deux cent cinquante ans. C'est au cours de la première moitié du XIXe siècle qu'apparaît le chiffre le plus élevé soit 645 mariages. Ensuite les chiffres ne cessent de diminuer pour atteindre 285 mariages seule- ment lors des dernières cinquante années (1943-1992) - (- 56 %).

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, c'est au mois de février que l'on se marie le plus (plus de 20% des mariages se font durant ce mois). Profitait-on de la trêve hivernale? Après février, les mois les plus souvent choisis sont janvier, juin, juillet et novembre. Pour des raisons d'ordre religieux, certains mois sont délaissés, c'est le cas de décembre avec l'A vent et Noël, mai (mois de Marie) ou mars (le Carême). Les gros travaux des champs et le travail de la vigne et des vendanges influent également en août, septembre et octobre sur les mariages. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, on observe un déplacement dans le choix. Novembre et janvier détrônent le mois de février qui ne vient plus qu'en 3e position, suivi par avril et juillet. Dans la première moitié du XXe siècle le déplacement se confirme, on se marie davantage au printemps et en automne pour profiter des beaux jours (novembre, avril et septembre sont les mois les plus couramment choisis maintenant). Depuis 1943, on se marie davantage en été. Malgré le dicton qui dit que ceux qui s'unissent en mai auront des enfants fous, près de 8%, sur cette longue période, ont fait fi de ce dicton. Reprenons la période de relative stabilité qui va de 1806 à 1886. La popu- lation moyenne est de 1 340 habitants. Il faut savoir qu'à cette époque, on vit à Villiers essentiellement de l'agriculture et de 200 ha de vignes pour 200 vignerons. Il y a aussi l'activité des carrières qui occupe à la fois des per- manents et des saisonniers. Toute cette population vit dans beaucoup moins de maisons qu'au- jourd'hui. Les familles sont nombreuses et s'entassent bien souvent dans une seule pièce sans confort, ou deux pièces au maximum dont une est dite « à feu», c'est-à-dire comportant une cheminée. Seuls certains propriétaires plus aisés disposent d'habitations plus spacieuses. Pour améliorer le chauffage l'hi- ver, les maisons sont resserrées les unes près des autres ou abritées du coteau pour éviter le vent du Nord. Un document très intéressant du 5 août 1853 dresse la liste des indigents de la communes de Villiers qui devront recevoir le traitement gratuit du médecin cantonal. Elle comprend 173 noms de personnes sûrement démunies, représentant environ 60 familles. Chacune est composée des parents et des enfants. Sur ce document il y a seulement une dizaine de personnes de plus de 60 ans. Dans ces 60 familles, on dénombre 13 ouvriers carriers, 12 petits vignerons, 22 journaliers (employés à la journée), 2 voituriers, 4 couturières en gants, 1 tisserand, 1 maçon, 1 charpentier, 1 menuisier, 1 couturière, 1 lin- gère, 1 sacristain. Dans quels quartiers de Villiers habitent ces 173 indigents recensés par la mairie ? La Garrelière — 30 ; Le Bourg = 34 ; La Couture = 17 ; La Boissière = 34 ; La Berthelotière = 3 ; La Grange = 8 ; Le Boutry = 9 ; Le Coudray = 2 ; Saint- André = 40. C'est donc bien à cette époque le hameau de Saint-André qui regroupe le plus de démunis, le plus souvent des familles de carriers logés dans des habitations troglodytes absolument sans confort. Le recensement de 1982 La population totale est de 1 001 habitants dont 995 résidents. a) Par sexe et par tranches d'âges

On constate qu'il y a presque autant d'individus masculins que féminins ; en revanche, s'il y a plus d'hommes de moins de 60 ans (393 contre 350 femmes), le phénomène s'inverse après 60 ans, prouvant que les femmes vivent plus longtemps (109 hommes pour 143 femmes). La population a plus de 25 % de personnes de 60 ans et plus. b) Population active

c) Les ménages Ce recensement fait apparaître 359 ménages à Villiers. Le tableau ci-après est intéressant à plusieurs titres, il indique les diffé- rentes compositions des ménages depuis la personne vivant seule jusqu'au ménage de 6 personnes et plus. La catégorie la plus importante concerne les ménages de 2 personnes, 135 ménages (35,6 %) soit 270 habitants dont 126 personnes âgées. d) Nombre d'enfants dans les ménages Nombre d'enfants Ménages Population 0 237 470 1 52 183 2 44 188 3 17 91 4 et + 9 63 359 995

Population des ménages agricoles = 110 personnes, soit 11,05% de la population. Sur ces 110 personnes, il y a 70 actifs dont 54 agricoles (36 hommes, 18 femmes). Parmi ces 54 actifs agricoles, il n'y a que 6 salariés. e) Scolarité Sur la population de 1 à 20 ans qui s'élève à 290, dont 130 filles et 160 garçons, 244 d'entre eux sont scolarisés. Chapitre II Des origines au Moyen Age

1. AUX TEMPS PRÉHISTORIQUES Les hommes préhistoriques ont laissé dans le Vendômois des traces dura- bles. Dans presque tous les villages des trouvailles de surface ont été réalisées. A Villiers, plusieurs bifaces du Paléolithique ont été trouvés. Ces premiers habitants bénéficiaient sur place du silex pour confectionner les haches, pointes de flèches, racloirs ou autres percuteurs. Les coteaux offraient un refuge idéal pour ces premiers habitants. Plu- sieurs grottes semblent avoir été creusées dans le calcaire avec des haches tail- lées. Elles sont divisées en plusieurs compartiments ayant probablement servi d'abris. Certaines cavités comportent des auges et des anneaux taillés dans la pierre, pour y contenir des bestiaux. Mais il est très difficile de tenter une datation de ces vestiges, l'homme ayant continué de creuser au cours des siè- cles ces coteaux si propices au refuge, aux habitations, aux caves et à l'extrac- tion des pierres de construction. Aucune datation sérieuse n'a été possible jus- qu'alors. Seules des hypothèses peuvent être émises.

2. A L'ÉPOQUE GAULOISE ET GALLO-ROMAINE Dans la Gaule celtique, notre vallée du Loir appartenait à la cité gauloise des Carnutes. Une partie de notre arrondissement de Vendôme actuel appar- tenait au pays carnute centré sur le département actuel de l'Eure-et-Loir avec comme capitale Autricum (Chartres). L'ouest du Vendômois appartenait au territoire des Aulerques Cénomans. Cette partie de la Gaule dite chevelue en raison des longues chevelures des hommes, voyait, comme le rapporte la tradition, les druides se transporter à l'extrême frontière du pays (in finibus Carnutum). Cette frontière pouvait se trouver non loin de Saint-André et du Gué-du-Loir, le coteau formant à lui seul une frontière naturelle. Les druides observaient le culte des arbres. La

forêt ayant alors un caractère sacré, ces hommes cueillaient le gui symbolique sur les chênes. Par ailleurs les druides s'érigeaient en tribunal pour juger les différends des Carnutes au milieu des pierres sacrées. Des traces tangibles de cette époque existent dans la vallée du Loir et sur le territoire de Villiers en particulier, Thoré étant par ailleurs une ancienne localité gauloise. Des vestiges d'habitations celtiques se présentent sous la forme de grottes creusées de main d'homme dans le rocher. On y observe par- fois plusieurs pièces sur deux étages avec une ouverture supérieure servant d'issue à la fumée quand le foyer n'est pas à l'extérieur. Ces cavités ont pu ser- vir d'étables, on y voit en effet des auges et des anneaux creusés dans le rocher. Des chambres sépulcrales contenant des ossements existent également. Tous ces indices se trouvent dans la vallée du Loir à Thoré (le Breuil), Trôo, Montoire, Lavardin, le coteau Saint-André à Villiers ou encore à Rocham- beau. Mais ces vestiges sont-ils bien attestés comme celtiques ? La religion druidique va s'altérer. Les Romains s'installent dans la Gaule conquise et y bâtissent de magnifiques villas. Villepoupin, Villechâtain, Villa- ria, sont des exemples de villas gallo-romaines. A Tourteline, sur la commune de Naveil on a trouvé de nombreux vestiges de pavages, de mosaÏ- ques et de poteries. Le christianisme commence à se propager dans la Gaule vers le milieu du IIe siècle et jusque sous le règne de Constantin (312). A l'avènement de Clovis il remplace le culte romano-druidique. Autricum (Chartres) devient alors le siège d'un évêché au IIIe siècle. Le pagus Vindocinensis (Pays de Vendôme) qui en fait partie, forme un des six archidiaconés du diocèse de Chartres. Sur le territoire de Villiers, plusieurs découvertes ont été faites de cette époque. Citons les nombreuses monnaies romaines de la fin du IIIe siècle ou encore les cercueils en pierre découverts au Clos Amery.

Le Graton de Gargantua Ce qui est sans doute le reste d'un mégalithe se trouvait sur le chemin de la Barre. Cette pierre d'une tonne au moins est appelée Graton de Gargantua. Elle est liée au conte bien connu qui explique que Gargantua arrivant sur les hau- teurs de Villechâtain trouva le paysage magnifique. Se reposant quelques ins- tants, il prit place sur la pente de la Barre. Souffrant de mal aux pieds, il se déchaussa et libéra sa botte d'un caillou avant de reprendre son chemin, enjambant d'un pas la vallée du Loir. Ce restant de mégalithe est aujourd'hui placé sur une pelouse de la salle des fêtes avec un petit panneau rappelant la légende. 3. VOIES ANTIQUES Le Vendômois n'a jamais été traversé par de grandes voies romaines, mais sillonné par plusieurs routes secondaires. Ces routes desservaient par exemple la villa de Tourteline à Naveil, la Cunaille à Thoré ou encore le théâtre d'Areines. A Villiers deux voies anciennes ont pu être repérées sur le terrain, ce qui permet d'en définir approximativement le tracé. Une première voie allant de Vendôme au Mans passait par Montrieux, la chancellerie de Prépatour, se dirigeait ensuite vers Villepoupin, la plaine de Villiers et le clos Amery (où l'on a découvert des cercueils en pierre). La route longeait ensuite le coteau Saint-André à peu près à l'emplacement de la route actuelle pour atteindre le Gué-du-Loir et Savigny. Un embranchement de cette voie s'en séparait au Gué-du-Loir et allait rejoindre les Roches par la plaine de la Blotinière avant de poursuivre sur Montoire et Trôo. Une seconde voie passant par la petite

Cadastre de 1811 gorge de la Barre, traversait le lieu-dit Porte-Joie, atteignait Villechâtain et gagnait ensuite le Perche. Un chêne ayant à la base une circonférence de plusieurs mètres était situé sur le plateau à peu de distance de la route actuelle du Mans. Ce chêne dit «Chêne des Martineaux» disparut vers 1975, car il gênait, semble-t-il, les cultures. La tradition orale affirme que cet arbre plusieurs fois centenaire se trouvait en bordure d'une voie très ancienne.

4. AU MOYEN ÂGE a) Administration religieuse Au Moyen Age, Villiers fait partie de l'archidiaconé de Vendôme et du doyenné de la Ville-aux-Clercs. b) Féodalité et justice Villiers appartient au bailliage de Vendôme. Sur le plan féodal, nous sommes dans le comté de Vendôme depuis l'origine même de la féodalité au IXe siècle. Au XIIIe siècle, plusieurs alliances permettent d'augmenter son étendue grâce à l'apport des seigneuries de Lavardin et de Montoire. c) Administration civile Au Moyen Age, sous le rapport de la population, Villiers semble avoir eu assez peu d'importance, la paroisse de Naveil étendant en effet ses limites près du bourg. Ce qui précède semble confirmer que le village de la Garrelière appartenait à Naveil. Naveil était le chef-lieu d'une condita, subdivision du pagus (correspondant approximativement à nos cantons actuels). Le pagus cor- respondait quant à lui à un arrondissement. La condita de Naveil embrassait d'un côté la commune de Villiers et de l'autre les communes de Marcilly et de .

Les possessions de l'abbaye de la Trinité à Villiers La charte 2e de la Trinité précise les possessions de l'abbaye à Villiers : « et ad Villam Popam (Villepoupin) sua commandisia erat et Vilers similiter ». Sur ce territoire, Geoffroy Martel qui venait de fonder l'abbaye de la Trinité, lui donna entre autres «Manufirmam de Villariis» dans laquelle se trouve une manse de terre, huit arpents de pré et une place de moulin. C'est là l'embryon des possessions de la Trinité à Villiers. Jean Ier, dixième comte de Vendôme (1136-1192) présent à la 3e croisade avait épousé en premières noces Berthe du Puy du Fou. Tombé veuf, il épouse en secondes noces Richilde, baronne de Lavardin, fille de Névolon de Fréteval et de Marie de Lavardin. Richilde, qui est la sœur de Jean de Lavardin, fait don de sa métairie de Villiers avec l'accord de son fils Geoffroy de Vendôme. Son frère étant mort sans postérité, Richilde resta seule héritière de la baronnie de Lavar- din qu'elle porta ainsi dans la maison de Vendôme. Pétigny' date cette donation «vers 1147» alors que l'abbé Simon2, lui donne, mais sans preuve, la date précise de 1165. Ce don de Richilde est assorti de plusieurs conditions. Il doit servir à l'en- tretien de l'infirmerie du couvent, célébrer chaque année son anniversaire, dis- tribuer de la viande aux moines malades et du poisson à ceux qui sont en bonne santé ce jour-là. La comtesse et son fils sont considérés comme les fon- dateurs de l'infirmerie du couvent et à partir de ce moment le fief de Villiers fut appelé fief de l'infirmerie. Geoffroy de Vendôme, fils de Jean et de Richilde, fut enseveli dans la chapelle de la majesté ou de la Vierge, à droite du chœur de l'église de la Trinité de Vendôme. Sa tombe en cuivre portait une inscription en caractères carolins3. Le fief de l'infirmerie consistait en dif- férents droits (cens, rentes, reliefs, ventes, droit de dîmes en grains aux lieux- dits la Lampe, la Vallée et Vauleuvier). Dans le cartulaire de l'abbaye cardinale de la Trinité4, plusieurs actes concernent Villechâtain5. Vers 1190, Eudes de Groix fait plusieurs dons à la Trinité sur ses biens de Villiers6. Après 1201, Mathieu Cruon, du consentement de sa femme et de ses enfants, donne la dîme et les prémices de Villiers pour l'âme de son fils Hubert, enterré dans le cloître. Ainsi, les possessions de l'abbaye de la Trinité sur Villiers vont augmenter au cours des siècles grâce aux dons de familles seigneuriales ou de person- nages ayant des biens sur son territoire. La vie dans notre vallée au Moyen Age a) Uéglise, lieu public C'est bien sûr le lieu de culte, mais c'est aussi un abri pour les habitants en cas d'invasion. L'église est un magasin où l'on serre les récoltes l'hiver. C'est encore un lieu de réunion, on s'y rassemble pour se chauffer. Vraie maison commune, l'église recueille les vagabonds et les fugitifs. C'est le port du salut. Au XVe siècle, c'est une ère de transition, où l'ogive remplace le plein cintre, 1. Dans l' Histoire du Vendômois, p. 466. 2. Dans son Histoire de Vendôme, p. 112. 3. De Passac, Saint-Venant, Pétigny. 4. De Ch. Métais (1895). 5. Voir chap. IV. 6. T. 1, p. 473, DXCIX. où l'on agrandit la plupart des églises du Vendômois et Villiers, Mazangé et n'échappent pas à ces changements. b) Nous l'avons vu, la terre est en grande partie aux familles seigneuriales ou à l'abbaye de la Trinité. Une grange aux dîmes existait à Villiers et se situait probablement dans le quartier situé derrière l'église (tradition orale). Il est peu probable qu'il y ait eu une enceinte urbaine (pas de traces), les galeries creusées dans le coteau servant le plus souvent de refuges en cas de nécessité. De nos jours il reste encore à Villiers quelques maisons à pignons aigus (2 ou 3) datant du XIVe ou du XVe siècle. c) Vie rurale Le Vendômois était pauvre à cette époque, les forêts étaient importantes. Les landes, les marais, les friches et les prés étaient généralement communs à tous. Les terres cultivables appartenant aux familles nobles ou au clergé, étaient travaillées par les paysans. On y cultivait le froment, le seigle, le sarra- sin, l'avoine, le millet. Dans notre vallée du Loir, les bœufs et les ânes tiraient la charrue et la herse. Le fauchage était manuel (faux-faucille) et le battage effectué au fléau. La vigne est apparue dans le Vendômois grâce aux Bénédictins. Les paysans menaient une vie simple, habitant le plus souvent une masure ou un troglodyte, à Saint-André ou au Coudray. L'éclairage était assuré par la chan- delle fabriquée sur place1. De grandes flambées permettaient de se chauffer et de cuire les aliments faits essentiellement de pain, de légumes, de soupes épaisses et d'oeufs. Le sel était une denrée rare et le sucre inconnu (remplacé par le miel). La vaisselle était faite de poteries dont on retrouve périodiquement des tessons dans le sol. L'ameublement était constitué d'un immense lit pour toute la famille. On couchait entre deux balles d'avoine. On aimait malgré tout danser et chanter. Des chanteurs ambulants, des ménestrels, des colporteurs, des pèlerins et des prédicateurs rompaient parfois la monotonie du dur labeur de chaque jour. On se soignait en achetant aux marchands, des herbes qui guérissaient toutes les maladies. Pour des cas plus spécifiques on allait en pèlerinage à la Sainte-Larme de Vendôme, au tombeau de Saint-Bienheuré, à Villavard pour vénérer la Vierge noire, ou encore à Vil- ledieu pour prier la Vierge au visage changeant. Plus près de nous, on venait de loin pour invoquer saint Gilles contre la peur, ou sainte Emerantienne à Mazangé contre le mal des entrailles. d) La pêche Le combre était une sorte de parc aquatique établi dans le lit de la rivière et sur la rive du cours d'eau. Il était construit avec des pieux enfoncés dans le

1. Oribus. lit de la rivière, l'intervalle qui les séparait était fermé par des branches d'ar- bres flexibles. Ce dispositif était destiné à protéger le poisson, à en favoriser la multiplication et à en faciliter la pêche que l'on faisait à l'intérieur et à l'exté- rieur du combre au moyen de lignes. Deux aveux rendus en 1374 et 1407 aux comtes de Vendôme par Pasquier de Vaulevrier (La Berthelotière, paroisse de Villiers), nous apprennent qu'il était tenu de fournir le bois pour «ramer» les 13 combres du comte situés entre Prépatour, Varennes et Villiers, cette opération devant se faire tous les cinq ans.

5. LA PÉRIODE TROUBLÉE DE LA GUERRE DE CENT ANS

Au début de 1362 des bandes de Gascons et d'Anglais se répandirent dans le Vendômois dévastant les campagnes, brûlant les villages et semant partout la désolation et la terreur. Villiers ne fut pas épargné durant cette période troublée1. Il s'agit de l'expédition de 1380 considérée comme une campagne régulière. Le comte de Vendôme était alors Jean de Bourbon. A ses côtés, Catherine, sœur et héritière de Bouchard VII. Les Anglais, partis de Marche- noir se déplacèrent sur Vendôme, faisant halte dans la forêt de Coulommiers. N'ayant qu'une voie pour arriver aux portes de la ville, les Anglais passèrent le Loir à Meslay et, de là, prirent par Saint-Ouen le chemin qui descend le cours de la rivière ou à travers la plaine, la route actuelle de Chartres. Là, poursuivant jusqu'à la porte Chartraine, ils passèrent devant la ville et sur les arrière-fossés, aujourd'hui mail du Général-Leclerc. Les Anglais prirent la direction de Montrieux en longeant le bord du Loir, évitant ainsi de passer sous les murs du château où ils auraient pu être inquiétés. Les Anglais n'atta- quèrent pas la ville, qui était une place fermée. Vers Saint-Marc, ils durent gravir la côte et se diriger par Villiers sur Azé, Lunay, puis Saint-Calais. Cette période de troubles fut meurtrière pour les populations. Des bandes armées stationnèrent dans la région. La peste noire faisait des ravages et des gens mouraient chaque jour. Pour faire bloc sans doute, le comte Louis de Bourbon de Vendôme annexa en 1406 la châtellenie de Saint-Calais et la baronnie de . Ces deux dernières relevaient de la province de Maine alors que le Vendômois ancien dépendait de l'Anjou.

1. Ch. Bouchet l'écrit dans un bulletin de la Société archéologique du Vendômois (1863, p. 152 à 176). Chapitre III Renaissance et guerres de Religion Les seigneurs de Villiers

La Renaissance fait immédiatement penser à une révolution importante dans le domaine de l'architecture. C'est l'époque gracieuse où l'on revient aux formes antiques. A Villiers, cette période voit l'agrandissement de l'église Saint-Hilaire par la construction des deux chapelles latérales qui seront dédiées à saint Vincent et à saint Jacques. La nef agrandie, on élabore une voûte en bois avec sablières, arbalétriers et poinçons. Cette voûte est alors recouverte d'un lambris probablement décoré qui sera remplacé seulement au xixe siècle. La Renaissance, c'est aussi la création de l'industrie de la fabrication du papier dans la vallée du Loir et ceci dès le début du xvf siècle. On voit en effet en 1505 la veuve d'Etienne Gaignou rendre aveu au comte de Vendôme pour les moulins à papiers du Gué-du-Loir, du fief du Coudray à Villiers et pour les moulins de la ville. On trouve encore en 1583 Jehan de Gaignou chargé d'une redevance d'une demi-rame de papier envers le domaine ducal. Cette tradition de la fabrication du papier s'est perpétuée jusqu'au xxe siècle avec le moulin à papier de Montrieux-Naveil. A cette époque, Villiers appartient au bailliage de Vendôme. En 1515, le comté de Vendôme devient duché pairie. Henri IV le réunira plus tard au domaine royal, puis le reconstituera en faveur de son fils César de Vendôme.

UN ÉPISODE DES GUERRES DE RELIGION EN VENDÔMOIS Jeanne d'Albret, reine de Navarre, aurait opprimé les sujets catholiques de son duché du Vendômois jusqu'à sa mort en 1572. C'est ensuite en 1576 que fut fondée la Ligue, c'est-à-dire la sainte union des catholiques contre les huguenots, s'étendant ainsi sur la entière. A partir de ce moment et pendant dix années, le Vendômois connaîtra la guerre civile. Si, dans la journée la plupart des ligueurs, plus ou moins ano- nymes vaquent à leurs occupations, qu'ils soient vignerons, laboureurs, forge- rons, marchands ou notables, la nuit tombée ils se retrouvent le plus souvent en à un lieu fixé par avance pour accomplir quelque sinistre expédition. Parmi les attentats perpétrés, il en est un en 1594 qui va faire beaucoup de bruit et auquel est indirectement mêlé Louis Chenaye laboureur à Villiers. Raphaël de Taillevis, écuyer, seigneur de Fleurigny (Saint-Rimay) ancien maître de camp d'infanterie, est assassiné chez lui au manoir de la petite Mézière (commune de Saint-Mars-du-Corps) le 19 mars 1594. Après le souper pris en compagnie de sa femme, il se leva pour aller se coucher dans un corps de bâtiment situé de l'autre côté de la cour. Trois ou quatre hommes cuirassés et casqués, sortant du chenil où ils s'étaient tenus cachés, se précipitèrent. Fleurigny fut tué net d'un coup de pistolet dans le flanc et d'un autre dans la tête. Trouvant que le bailli de Mondoubleau n'avait pas mené son enquête jus- qu'au bout, le frère du défunt, René de Taillevis, de la Mézière de Lunay, fit une enquête minutieuse qui dura trois années. La plupart des bandits étaient morts entre-temps, sauf Adam Deschamps dit le Breuil arrêté le 29 août 1600 par l'archer Etienne Belin déguisé en paysan, et écroué à Vendôme. C'est là qu'intervient Louis Chenaye laboureur à Villiers, qui fut métayer de la Mézière et qui est écroué à son tour à Vendôme pour une faute minime (une dette de deux écus). Chenaye a-t-il été emprisonné pour faire parler Des- champs? La coutume carcérale veut que chaque nouveau prisonnier doive payer la « bienvenue ». Deschamps ne manque pas de le signifier au nouveau venu qui répond n'avoir pas un sol sur lui. C'est alors que Deschamps entraî- nant Chenaye dans les latrines, le saisissant à la gorge, lui déclare qu'il va lui réserver le même sort qu'à son maître Fleurigny en y ajoutant force détails macabres. Deschamps s'est découvert malgré lui en menaçant Chenaye. Quel est le mobile de ce crime? Guerre de Religion ou simple banditisme? La question reste encore aujourd'hui posée.

SEIGNEURS ET VIEILLES FAMILLES NOBLES

Au XIe siècle, la seigneurie de Villiers appartenait en propre aux comtes de Vendôme. Les possessions de l'abbaye de la Trinité à Villiers données par Geoffroy Martel peu après la fondation de l'abbaye furent progressivement augmentées par la suite, en particulier avec le don fait par Richilde de Lavar- din en 1165 et d'autres apports faits par des familles nobles de Villiers. Parmi ces familles, on trouve une Jeanne de La Croix, puis un Roger des Croix époux de Avia. Ils ont trois fils, Mathieu, Jean et Hubert. La famille des Croix rencontrée au XIIIe siècle porte d'argent au lion à deux queues traversées d'un lambel. En 1197, on rencontre également un certain Guillaume de Vil- liers. L'abbaye de la Trinité n'était pas le seul couvent à posséder des biens sur Villiers, Marmoutier y avait aussi des alleux et le chapitre Saint-Pierre du Mans y avait une dîme. En résumé, si Villiers appartenait aux comtes de Ven- dôme au XIe siècle, plusieurs couvents et plusieurs familles se partageront son territoire par la suite. Plus tard les de Vimeur de Rochambeau seront seigneurs de la paroisse de Villiers et des fiefs et seigneuries de la Pierre percée, de la Berthelotière, de la Boissière, Vaucroy, Saint-Hilaire et la Barre. Un acte de 1782 rappelle en effet les possessions de cette famille quelques années seulement avant la Révolu- tion. Chapitre IV Villiers au XVIIe et au XVIIIe siècles

1. NOTES SUR LE XVIIe SIÈCLE

a) Les cahiers du tiers-état vendômois pour les états généraux de 1614 sont intéressants à plus d'un titre. On est en pleine mutation, on y parle d'un grand nombre de procès, car le duché de Vendôme relevant directement de la couronne de France se trouve néanmoins sous l'influence de diverses cou- tumes: l'Anjou, le Maine, la Touraine, le Blésois, le Perche. On demande donc à Sa Majesté de faire procéder à la rédaction des coutumes du Vendô- mois. Dans ce contexte, des familles de Villiers n'échappent pas à des situa- tions ambiguës qui se terminent par des procès. Dans l'article XLV, on demande que la rivière le Loir soit rendue navi- gable. Les chemins sont souvent cahoteux, mal empierrés. Le transport des céréales, des vins et autres marchandises serait facilité par une voie fluviale navigable. b) La paroisse de Villiers qui appartient à l'archidiaconé de Vendôme et au doyenné de la Ville-aux-Clercs, rentre en 1698 dans la composition du dio- cèse de . c) Lorsque le roi convoquait ses vassaux pour la guerre, c'était le ban. Le 15 avril 1689, l'arrière-ban du Vendômois (arrière-vassaux du roi) fut convo- qué pour exécution et présentation le 8 mai de la même année à Blois. A cet arrière-ban figurait un de Chapuyzet du château de la Vallée à Villiers. d) Au début du XVIIe siècle le fief de l'infirmerie de l'abbaye de la Trinité était affermé en 1613 pour 100 livres et 6 chapons de rente et pour 120 livres trente ans plus tard en 1643. e) Le pouillé de l'abbaye à la fin du XVIIe indique dans ses possessions sur Villiers, la « Capelle Sancti Andrae» (la chapelle Saint-André). Ce lieu de culte, qui avait été un ermitage selon la tradition, devait être encore en service au XVIIe siècle au milieu de ce village troglodyte et de car- rières souterraines. 2. LE LANGAGE PARTICULIER DE VILLIERS Dans son histoire de la Condita de Naveil, Neilz souligne la singularité du langage utilisé à Villiers. C'est une sorte de dialecte rendu encore plus singu- lier par la manière dont on le parle. L'usage général est de remplacer dans les mots la voyelle a par é et la voyelle u par eu. Ainsi on dit « cherger» pour charger, «seucre» pour sucre. On dit aussi « noué » pour noir, « nouger » pour noyer ou encore « fouger » pour fouiller. Paul Martellière dans son Glossaire du Vendômois ne parle pas de la singu- larité du langage parlé de Villiers mais fait la distinction entre le Perche-Gouet et la Beauce vendômoise, ajoutant que le langage vendômois possède des tournures anciennes qui lui sont propres. Ainsi, par exemple, l'adjectif «fort» est employé adverbialement pour exprimer une idée de superlatif. Exemple: « Un objet fort biau» pour un objet très beau.

3. VILLIERS, POSSESSION DES ROCHAMBEAU

Un acte sur parchemin de 1782 rappelle les possessions de « Haut et Puis- sant seigneur Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, lieu- tenant général des camps et armée du roy, commandeur de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis ». Il est gouverneur de Villefranche, seigneur des paroisses de , , La chapelle-Enchérie, Naveil, Thoré, Marcilly, Villarceau et autres lieux. Et il est aussi, bien sûr, seigneur de la paroisse de Villiers et des fiefs et seigneuries de la Pierre percée de la Berthelotière, la Boissière, Vaucroy, Saint-Hilaire et la Barre. Ces derniers sont situés sur le territoire de Villiers, qui rappelons-le, est une commune issue de la réunion de plusieurs hameaux (de Saint-André à la Garrelière). C'est lui, Jean-Baptitste Donatien de Vimeur, maréchal de France, qui fit raser à la fin du xvine siècle le castel flanqué de murailles et de tours. Il trans- forma le corps de logis en un bâtiment flanqué de deux pavillons et coiffé d'une toiture mansardée. Ce bâtiment est celui que nous connaissons actuelle- ment à Rochambeau. Un acte du registre de la paroisse de Villiers pour 1774 fait état de la mort accidentelle de Samson Thibault, compagnon menuisier, « travaillant sur le chantier du château de Monsieur le comte de Rochambeau» «qui a eu le malheur de se noyer en passant la rivière le Loir le 21 décembre 1773 à Chan- tereine ». 4. MOBILITÉ DE LA POPULATION AU XVIIIe SIÈCLE1 Jean Vassort a étudié la mobilité de la population au XVIIIe siècle. Si on y constate que 10% des hommes et 3,8 % des femmes ne sont pas nés à Ven- dôme, cela n'est vrai que pour 1 % des vignerons de la vallée du Loir. En effet, si on considère que l'accueil représente 20% de la population pour les villes et la zone forestière de la Ville-aux-Clercs (zone ouverte) on constate que l'accueil se limite à 4 % de la population (non natifs) dans la val- lée viticole autour de Villiers. L'enracinement d'un milieu apparaît lié à sa cohésion et à l'importance numérique du milieu. Ainsi, les vignerons sont-ils stables à Villiers et dans sa périphérie. Le recensement de l'an IV montre les différences de mobilité. A Villiers le noyau central des vignerons apparaît inaccessible aux arrivées comme aux départs. Les rares mouvements qui se font à Villiers concernent le reste de la population en dehors de la cohésion vigneronne. On le constate aussi pour les mariages, où l'accueil des femmes fait encore baisser le taux de moitié. On se marie essentiellement à Villiers entre hommes et femmes du village ou de sa périphérie proche et du même milieu social (la vigne). A l'inverse, la mobilité chez les artisans est de 19%, 12% chez les tisse- rands ou encore 22 % chez les menuisiers.

5. LA CONDITION DES HOMMES AU XVIIIe SIÈCLE Les cotes de taille (impôt de l'Ancien Régime) permettent d'évaluer la richesse des habitants car elles sont presque proportionnelles à l'aisance. Le tableau ci-après montre la répartition des cotes de tailles dans trois paroisses du Vendômois appartenant à des environnements géographiques et économiques différents (document J. Vassort). On constate une grande diversité qui nous renvoie au monde paysan, majoritaire dans la population rurale, révélant la position supérieure des exploitants, fermiers, à l'opposé des journaliers dont le travail salarié est l'es- sentiel de leur subsistance. Entre ces deux extrêmes, de modestes exploitants subsistent sur quelques hectares. Ce schéma tripartite n'existe pas dans les communautés à vocation vignoble.

1. Dans un article paru dans le Bulletin de la Société archéologique du Vendômois en 1986. Ici les vignerons ne sont pas dominés par une minorité de puissants exploi- tants. Dans ce contexte, Villiers répond donc à une société paysanne moins inégalitaire qu'elle ne l'est en Beauce à . le tableau résumé ci-après fait bien ressortir ces différences (en %) : Bénédictins de Vendôme De Waresquiel

Villiers-sur-Loir

De Vimeur de Rochambeau Bergasse Du Petit Thouars

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