36. Lundi 28 décembre 2009 Le Télégramme Federer. Il y a dix ans...

n˚ 1 à Brest, n’avait pas vraiment Considéré par eu de raison de sortir de ses gonds. Avec un seul set concédé, le Suisse beaucoup comme avait survolé le tournoi jusqu’à la le meilleur finale remportée face à Max Mirnyi. tennisman de tous Et ce malgré une bronchite qui l’avait perturbé durant sa semaine les temps, Roger brestoise. « Il était trop fort pour Federer s’apprête moi aujourd’hui », avait reconnu le géant biélorusse, battu 7-6, 6-3. à attaquer une nouvelle saison 9.650 ¤ la victoire à Brest « Il me fait penser à Sampras. Le avec le statut de tennis paraît si simple quand on le n˚1 mondial. Il y a voit jouer... », avait déclaré, de son côté, François Derrien qui avait dix ans, le Suisse remis un chèque de 14.400 dollars avait ouvert son (9.650 ¤ environ) au joueur suisse à l’issue de sa victoire finale. Si on fabuleux palmarès y ajoute ses gains en double en Bretagne en (630 dollars, soit 422 ¤ environ), remportant le Federer avait donc quitté Brest avec un peu plus de 10.000 ¤ en poche. tournoi Challenger Et avec la satisfaction d’avoir rem- de Brest. porté le premier (et unique) Challen- ger de sa carrière. Derrière, il lui a fallu patienter plus d’un an avant de soulever un nouveau trophée. C’était à Milan, en janvier 2001. Le 31 octobre 1999, le Suisse Depuis, 61 titres ont enrichi son n’était encore immense palmarès. qu’un grand espoir du tennis mondial lorsqu’il remporta le Ronan Tanguy tournoi Challenger de Brest. Photo Eugène Le Droff 1. Fin 98, Federer a remporté deux tournois Satellite (petits tournois « Federer, c’est super ! » Dans son net de chèques pour qu’il vienne « On savait que lars plus l’hébergement). « En ter- saison 1999. nationaux) chez lui en Suisse. édition du 1er novembre 1999, voi- taper la balle sur les courts de Pen- c’était un bon. me de niveau, c’était l’un des plus là le titre qu’avait choisi Le Télé- feld. Tout le monde relevés au monde dans sa catégo- « Il était trop fort » FEDERER À BREST gramme pour saluer la victoire d’un rie », assure Rodolphe Gilbert, Il l’aurait peut-être fait plus tôt sans Son parcours en simple. 1er tour : bat jeune Suisse lors de la 12e édition « Ce mec n’était pas pareil le savait. » adversaire malheureux de Federer cette nervosité qui, dans sa jeunes- Lionel Roux (FRA, 191e mondial) 6-3, 4-6, 6-4. 2e tour : bat Rodolphe Gilbert (FRA, des Internationaux de Bretagne à que les autres » au deuxième tour. « Je le connais- se, l’a parfois desservi. « Il avait 180) 6-4, 6-3. Quart de finale : bat Brest. Un joueur encore inconnu du Car à l’époque, le natif de Bâle n’oc- François Derrien sais un peu. Et comme il parlait fran- une attitude désinvolte et une ten- Michaël Llodra (FRA, 333) 6-3, 6-3. Demi- grand public, même si Roger Fede- cupait « que » le 67e rang mondial. directeur du tournoi çais, c’était plus facile », raconte le dance à s’énerver rapidement. Il finale : bat Martin Damm (RTC, 134) 6-3, 7-6 (7-4). Finale : bat Max Mirnyi (BLR, 90) rer avait débarqué à la pointe du Ce qui était tout de même déjà Rennais, avant de s’épancher sur le était encore en phase d’apprentissa- 7-6 (7-4), 6-3. Finistère auréolé du statut de cham- exceptionnel pour un gamin âgé jeu de l’actuel n˚ 1 mondial : ge », souligne Lionel Roux, Les têtes de série. 1. Roger Federer pion du monde juniors. « On savait d’à peine 18 ans, professionnel « Déjà à l’époque, on voyait que ce aujourd’hui entraîneur de l’équipe (SUI, 67e mondial); 2. Magnus Gustafsson (SUE, 74); 3. Ivan Ljubicic (CRO, 81); que c’était un bon. Tout le monde depuis un an et demi seulement. mec n’était pas pareil que les de France de Coupe Davis. « J’ai sur- 4. Anthony Dupuis (FRA, 84); 5. Max Mir- le savait », raconte François Der- Pourtant, c’est un joueur au palma- autres. Il sortait des coups de ”ouf“ tout le souvenir d’une personne très nyi (BLR, 94); 6. Ronald Agenor (HAI, 102); rien, le directeur du tournoi bres- rès encore vierge de titre significatif (de fou). Il ne m’est pas arrivé sou- agréable », poursuit François Der- 7. George Bastl (SUI, 106); 8. Guillaume Raoux (FRA, 107). tois. « Mais on n’avait pas fait d’ef- chez les seniors (1) qui avait débuté vent de ressentir ça face à un adver- rien. « Il se disait qu’il était très ner- Son parcours en double (associé au fort particulier pour le faire venir le tournoi de Brest, un Challenger saire. » Rien d’étonnant, donc, que veux. Mais chez nous, ça ne s’était Français Guillaume Raoux). 1er tour : chez nous.» Sous-entendu, il n’y (équivalent de la deuxième divi- le Suisse ait enfin réussi à déblo- pas vu. » bat Wayne Black (ZIM) et (USA) 6-3, 6-3. 2e tour : battu par Rodolphe Gil- avait pas eu besoin de sortir le car- sion) très bien doté (100.000 dol- quer son compteur en cette fin de Il est vrai que Federer, tête de série bert et Lionel Roux (FRA) 6-3, 6-3.

« Allo, ici c’est Roger » « C’était encore un gamin, un gros déconneur » Roger Federer qui gagne son premier titre chez les pros à Brest il y Adversaires, A Brest, il y avait eu 6-4, 6-4, non ? a dix ans. En voilà une aubaine pour nous, journalistes sportifs au Ah, 6-4, 6-3. OK. Mais avec Lionel Télégramme. En voilà un sujet en or! Nous voilà donc partis à la partenaire de Roux, on l’avait battu en double. pêche aux témoignages. En espérant ramener LE témoignage. Celui double, directeur du Je me rappelle que son revers était du Suisse. Mais là, c’était pas gagné. « C’est l’un des joueurs les bien moins bon que maintenant. Il plus inaccessibles du circuit », avait écrit L’Equipe Magazine, fin tournoi : les acteurs le chopait quasiment tout le août dernier, dans un article consacré à sa femme, Mirka Vavrinek. du Challenger de temps. Son service était déjà illisi- Alors, vous pensez bien : voir le maître du tennis mondial accorder Brest en 1999 ble. Il avait un truc que nous on une interview à un quotidien régional... Mais bon, on a quand n’avait pas. Parfois, pendant dix même tenté le coup. On ne sait jamais, sur un malentendu... ouvrent leur boîte à minutes, un quart d’heure, il faisait Première approche en juillet, après sa victoire à Wimbledon. Et un souvenirs et des séquences hallucinantes. Physi- refus poli, par mail, de la responsable de sa cellule de manage- quement, il s’est énormément étof- ment : « Roger reçoit tellement de demandes du monde entier... » évoquent ce qui les fé du haut. Autrement, il n’a pas Pas découragé pour autant, on est revenu à la charge début octo- avait marqués chez changé. A l’époque, il était déjà bre. Auprès de son agent, cette fois. Qui a fait le mort pendant dix très humble vis-à-vis de ses adver- jours. Avant de répondre. Et là, surprise : « Roger said he would do Roger Federer. saires. » a 5 minutes interview with you at Paris-Bercy after one of his first matches » (Roger a dit qu’il vous accordera cinq minutes d’inter- MICHAEL LLODRA (battu par view après un de ses premiers matchs à Bercy). Yes !!! Federer en quart de finale) : Sauf qu’à Bercy, il n’y a pas eu de premiers matchs. Il y a eu un pre- « Ah, il avait gagné cette année-là mier match, conclu par une improbable défaite contre le Français à Brest? Je ne le savais pas. Je ne Benneteau. La cinquième fois seulement depuis six ans que le Suis- me rappelle pas du tout de notre se était battu dès son entrée en lice dans un tournoi. Et à 23 h 15 Photo Eugène Le Droff match. Je me souviens juste du sco- par-dessus le marché. La poisse. Car quelques minutes plus tard, En double, Roger Federer avait joué avec le Français Guillaume Raoux. Ils re, 6-4, 6-4 pour lui (en fait, il y c’est un Federer au visage des mauvais jours qui quittait précipitam- s’étaient inclinés au deuxième tour. avait eu 6-3, 6-3...). C’est la seule ment les lieux avec femme et entraîneur dans sa foulée. En nous fois que je l’ai affronté. Mais je ne invitant, à la porte de sa voiture, à voir avec son attachée de presse FRANÇOIS DERRIEN (directeur qu’on ait vu. Et de loin. Je l’ai revu re un gamin, un gros déconneur désespère pas de le rejouer un pour un contact téléphonique dans les prochains jours. Mouais... du tournoi) : « Il était très gentil, une seule fois. C’était à Roland- toujours prêt à faire une connerie. jour. » Trois semaines plus tard, malgré de multiples relances par mail, on il n’avait fait aucun problème. Il Garros. On s’est juste salué. » Il avait ce côté pince-sans-rire. Je avait fini par se faire une raison. Jusqu’à ce samedi après-midi de était discret et n’avait pas du tout me souviens que je l’avais cham- GUILLAUME RAOUX (son par- début décembre et un numéro « bizarre » qui s’affiche sur notre la grosse tête. Il était adoré chez LIONEL ROUX (battu par Fede- bré après ma victoire en double tenaire en double) : « J’ai joué portable. « Allo, ici c’est Roger. » Un instant, on a cru à un canular. les kinés. Il était logé à l’hôtel rer au premier tour) : « Je ne avec “Rod “(Rodolphe Gilbert). » en double avec lui à Brest? Vous Mais non, c’était bien Federer qui, sur ses vacances, a pris 20 minu- Océania, comme tout le monde. Je me souviens pas trop du match, en êtes sûr ? Eh bien, vous me l’ap- tes pour se remémorer sa victoire à Brest. En commençant par s’ex- me rappelle de la facilité avec mais je sais que j’avais perdu 6-4 RODOLPHE GILBERT (battu prenez. Désolé, mais je n’en ai cuser pour avoir tardé à nous appeler ! Ça doit être ça la grande laquelle il jouait. Il était d’une sou- au troisième. Tout le monde en par- par Federer au deuxième aucun souvenir. Je n’ai pas très classe... plesse, extrêmement délié, aérien. lait. Il se disait que c’était le futur tour): « Il y a cinq-six mois, j’ai bonne mémoire concernant les R. T. On en a vu passer des bons n˚ 1 mondial. Lorsque je l’ai joué à discuté avec lui. Il se rappelait par- tournois de tennis que j’ai dispu- joueurs à Brest. Des gars comme Brest, je ne le connaissais pas vrai- faitement de sa victoire contre moi tés. » Leconte, Pioline, Santoro, Kucera... ment. A cette époque-là, ce n’était à Brest, mais aussi de celle du tour- Mais Federer, c’est le meilleur pas le même homme. C’était enco- noi de Grenoble six mois plus tôt. R. T.