Université De Nantes L'aide Aux Victimes : Quelle
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UNIVERSITÉ DE NANTES Faculté de droit et des sciences politiques Mémoire pour le diplôme de Master II Droit pénal & Sciences criminelles Année universitaire 2013/2014 L’AIDE AUX VICTIMES : QUELLE COHÉRENCE DEPUIS TRENTE ANS ? BENETEAU Barbara Sous la direction de Madame Sylvie GRUNVALD 1 REMERCIEMENTS Au terme de cette année universitaire, je tiens à remercier ma directrice de mémoire, Madame Sylvie Grunvald pour sa disponibilité, ses conseils avisés et ses nombreux encouragements. 2 SOMMAIRE Chapitre 1- De la genèse à la consécration du mouvement d’aide aux victimes. p. 12. Section 1- De la victime oubliée à la victime considérée. Section 2- De la victime considérée à la victime réparée. ~ Chapitre 2- De la consolidation à l’exégèse du mouvement d’aide aux victimes. p. 51. Section 1- De la victime réparée à la victime informée. Section 2- De la victime informée à la victime sacralisée. 3 PROLÉGOMÈNES. Victime de la seconde guerre mondiale, victime du cancer, victime du génocide arménien, victime de l’ouragan Katrina, victime de la condition humaine, victime d’abandon, victime du dernier crash aérien, victime de viol, victime de la crise économique… Victime des victimes, tout est victime. Figure perverse de l’innocence, notre Histoire du monde s’est construite sur l’existence de victimes, faute de quoi le beau héros et le bourreau n’existeraient pas. Elles forment la trame dramatique de toute aventure humaine et encore plus aujourd’hui, dans cette société où chacun enrôlé dans un phénomène de mode, se prétend victime1. S’échapper de cette propagande suppose de clarifier l’existence et l’essence du terme « victime » qui doit maintenant reprendre tout son sens. Ce mémoire, s’il ne veut se perdre dans les méandres de l’immensité des victimes et victimisations, ne visera que la victime d’infraction pénale, ce pourquoi, nous bornerons le propos à cette dernière même si à dire vrai, l’expression initiale de « victime » ne possède pas de connotation juridique. En effet aux origines du mot, l’on attribue une dimension sacrificielle. « Victima » de victime renvoie à une « créature vivante offerte en sacrifice aux Dieux »2. Ce concept est alors fortement imprégné par le sceau expiatoire. Il permet, grâce à la victime investie dans son rôle de bouc-émissaire, de purger tous les méfaits commis au sein de la communauté. Pourtant, la victime d’aujourd’hui ne peut s’envisager ainsi, comme une simple identité. Au-delà et ce jusqu’au XVème siècle, la victime tient un rôle important dans le mécanisme de la vengeance privée, celui de l’accusation. Au cœur de toutes les procédures, elle participe à canaliser la contagion de la violence et se trouve érigée en système régulateur des relations et de l’équilibre au sein du clan. Dès que l’on s’y attaque, le capital-vie est mis en danger par une violence exacerbée et disproportionnée à destination de l’agresseur. Puis, la pratique de la vengeance devient clandestine mais la victime ne perd pas pour autant de sa prestance, ses intérêts indemnitaires étant placés sur le devant de la scène. Seulement, au fil des siècles, l’Etat regagne en puissance et ses pouvoirs lui permettent d’affirmer son autorité sur ses sujets, son monopole de la contrainte exclusive. Cette évolution recale les victimes au 1 NORA, P. (2008). « La vérité légale, une pratique des régimes totalitaires ». Le Nouvel Observateur. « Ne disposant plus de saints, de héros ou de sages, bref de figures légendaires positives, c’est désormais la victime qui incarne le Bien ». 2 Dictionnaire Le Petit Robert. (2005). 4 rang des grandes oubliées, des indésirables parasites, parce que l’Etat vient se substituer à elles en réclamant au nom de la société, la réparation de telle offense perpétrée. De notre temps, qu’en est il ? Qui est la victime ? Le dictionnaire juridique Cornu définit de façon restreinte, la victime comme la personne « qui subit personnellement un préjudice, par opposition à celui qui le cause »3. Il est ici aisé de faire la remarque : c’est la référence à l’auteur qui permet de déterminer la victime. Le ton est ainsi donné. La victime demeure le sujet de droit passif du couple. Elle subit. En cela, l’opposition est fortement marquée. Cette définition, nous le voyons, tranche beaucoup trop les choses, sans tenir compte des circonstances subjectives des espèces. De plus, elle paraît incomplète. Elle n’indique en rien le type de préjudice qui doit être invoqué. Par exemple encore, elle ne précise pas la nature de la victime retenue : la personne physique ? La personne morale ? La personne directe ? La personne indirecte ? La foule en délire ? Sans nulle autre précision, la victime devient synonyme de partie lésée. « C’est donc le critère légal de l’infraction qui institue en victime, la personne atteinte dans son corps, son honneur ou ses biens »4. Mais qu’est-ce qu’une infraction ? Celle-ci est caractérisée lorsque sont réunis trois éléments : un légal (un texte incriminateur), un matériel (la commission ou l’omission d’un acte qui incrimine) et un autre moral (l’intention de participer et/ou de comprendre la portée de l’acte incriminant). Quand ces trois composantes sont juxtaposées, on parle d’infraction. A partir de là, la victime peut engager une action en réparation de son préjudice (corporel, esthétique, patrimonial, matériel, pécuniaire ou moral) découlant de l’infraction devant les juridictions de son choix. Instantanément, s’ouvre donc un droit certain, personnel et direct en réparation du dommage invoqué. Dans ce cadre régi par le droit, la victime n’est comprise que comme une entité liée de près à l’infraction et la législation vient éclairer les questions restées en suspend comme la nature de la victime qui peut s’avérer physique ou morale, directe voire indirecte. Néanmoins, des critiques peuvent là encore être reprochées à cette définition uniquement orientée vers l’aspect juridique. On se rapproche de l’exactitude avec l’émergence de la victimologie et la redécouverte de la victime. Robert Cario érige à ce titre, une définition. « Toute personne ou groupe de personnes ayant souffert, directement ou indirectement d’un acte prohibé par la loi pénale ou d’évènements catastrophiques de nature exceptionnelle »5 peut être qualifiée de victime. La 3 Dictionnaire de vocabulaire juridique Cornu. (2000). 4 CARIO, R. et al. CARIO, R., SALAS, D. (Dir.). (2001). Œuvre de Justice et victime. Paris : L’Harmattan. Sciences criminelles (Coll.). 5 Ibid. 5 doctrine vient ici au secours du droit. Cette formulation plus humaine détient le mérite d’élargir la qualité de victime et de sous-entendre un cadre plus ample des souffrances endurées en dépassant celui strictement juridique. Parallèlement sur la scène internationale, l’on s’est efforcé à reconnaître juridiquement les droits de la victime et à lui conférer une définition. La résolution des Nations Unies en date de 19856 garantit à son égard, des droits fondamentaux comme celui à l’assistance, à l’information, à la réparation ou encore à la protection. Elle énonce que les victimes de criminalité se révèlent celles « qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un Etat membre y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir »7. Ce que l’on retient véritablement de cette définition, c’est que l’auteur n’a pas besoin d’être clairement identifié, arrêté ni même poursuivi pour qu’une personne revendique sa qualité de victime. En ce sens plutôt favorable, elle inclut également les victimes indirectes et collectives. Nous sommes ainsi passés d’une image de victime accessoire au procès, voire honteuse, à celle de la personne souffrante qui requiert l’attention de la communauté sur la défense de ses droits et intérêts. Plus récemment encore, le Conseil de l’Union Européenne évoque « la personne qui a subi un préjudice y compris une atteinte à son intégrité physique ou mentale, une souffrance morale ou une perte matérielle, directement causé par des actes qui enfreignent la législation pénale d’un Etat membre »8. Malgré ces quelques tentatives de poser un nom, un concept sur la tête de la victime, aucun consensus interne en la matière n’a fait l’objet des attentions. Mais au vu des théories précédemment examinées, la voie la plus appropriée semble être celle qui conduit à décoller la victime de son agresseur, à la détacher de l’acte qui l’a proscrite dans cet état provisoire, pour permettre au sujet d’ester et d’exister. Longtemps lourde de conséquences, cette absence de définition spécifique a conduit à multiplier les écueils. Ce vide juridique s’est révélé le terrain préféré des oublis et victimisations secondaires. Puis en raison de la prolifération des victimes, du cri alarmant des 6 Résolution 40/65 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 11 décembre 1985. 7 Ibid. 8 CARIO, R. (2006). Victimologie. De l’effraction du lien intersubjectif à la restauration sociale. Paris : L’Harmattan. Sciences criminelles (Coll.). 6 associations de défense ou d’aide à ces dernières et de la mobilisation des victimologues, un nouveau regard s’est posé sur la victime. Par touches successives, celle-ci a basculé de l’ombre à la lumière. Impulsée par les pionniers de la victimologie, relayée par Robert Badinter et ses adeptes, voilà maintenant plus de trente ans, depuis 1982 pour être pointilleux, que la question victimale fait l’objet de grandes attentions. Politiques, humanistes, spécialistes, institutions, tous sont mis à contribution pour consacrer la reconnaissance de la victime.