1 Aperçu Historique sur le Pays de Neuchâtel

par Patrick de Bondeli Email : [email protected]

2 Aperçu Historique sur le Pays de Neuchâtel

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1. Les Origines

1.1. Premières Mentions Ecrites

Les origines sont assez mal connues. 1011: Première mention de Neuchâtel (Novum Castellum) dans une donation de Rodolphe III, dernier roi de Bourgogne, à son épouse Irmengarde concernant divers domaines autour du lac. Novum Castellum y est qualifiée de «résidence très royale» et on peut supposer qu’il y avait là un château occupé par des gens du roi.

A la mort de Rodolphe en 1032, Neuchâtel est disputé entre ses héritiers l’Empereur Conrad II et le Comte de Blois Eudes II. Pendant un siècle, nous ne savons pratiquement rien de l’histoire de ce pays.

3 4 1.2. La Première Maison de Neuchâtel

1125: On trouve mention d’un premier Comte de Neuchâtel, Rodolphe. Il serait, sans que l’on en soit tout à fait sûr, un petit-fils du Comte de Fenis (maison connue alors depuis un siècle). Ces comtes de Neuchâtel sont des vassaux immédiats de l’Empereur et ils contrôlent un territoire s’étendant plus loin vers l’Est que l’actuel pays de Neuchâtel.

1185: Mention de l’existence du chapitre de Neuchâtel.

1214: Octroi de franchises au bourg de Neuchâtel. Un «maire» est chargé de veiller aux intérêts du comte dans la gestion municipale, il préside un collège de douze «jurés», transformé en un «Conseil des Vingt-Quatre» au XIVème siècle. Les bourgeois sont représentés par les «Quatre-Ministraux».

1218: Partage des biens d’Ulrich II entre son fils Ulrich III (territoires germanophones: Nidau, Strassberg, Aarberg, ainsi que Valangin) et son petit-fils Berthold (territoires francophones). Les possessions d’Ulrich III seront partagées entre ses descendants; Valangin sera l’apanage de son fils Jean 1er et restera une seigneurie assez indépendante jusqu’à sa réunion au Comté de Neuchâtel en 1592. Berthold (1203 - 1260) et ses descendants étendent leur territoire vers l’Ouest (Boudry, Rochefort, Val-de-Travers, puis Bevaix et Vaumarcus). Pour cette extension vers l’Ouest, ils deviennent vassaux du Comte de Bourgogne (en 1237 pour le Val- de-Travers).

1288: Rodolphe IV (ou «Rollin») de Neuchâtel est amené à renoncer complètement à l’immédiateté impériale pour rendre hommage au Comte de Chalon- Arlay, issus des Ducs de Bourgogne. 1311: Etat des territoires Neuchâtelois à travers l’acte d’hommage-lige rendu par Rodolphe IV à Jean de Chalon:

5 Ces territoires recouvrent le canton actuel moins la seigneurie de Valangin (qui englobe aussi le territoire de la future Chaux-de-Fond). En plus des territoires mentionnés dans cet hommage de 1311, les Comtes de Neuchâtel possédaient aussi des droits et territoires dans le Seeland et le Vully, mais ils en seront progressivement évincés par les Ducs de Savoie, Fribourg et Berne. Les deux évènements précités (de 1288 et 1311), ainsi que l’alliance entre le Comte Louis et Jeanne de Montfaucon-Montbéliard, engagent de façon décisive l’orientation du Comté vers la Franche-Comté. Les comtes de Neuchâtel étendront aussi leur pouvoir sur un certain nombre de seigneuries franc-comtoises, mais cette implantation ne devait pas être durable et elle s’effacera progressivement au cours des XVème et XVIème siècles.

1335: Henri, Comte de Montbéliard, cède ses droits de suzerain du seigneur de Valangin à Louis, Comte de Neuchâtel. La seigneurie de Valangin reste cependant assez indépendante et sa suzeraineté est disputée entre le comte de Neuchâtel et l’évêque de Bâle. Son rattachement définitif au comté de Neuchâtel n’interviendra qu’en 1592.

1343: Octroi de franchises au bourg de Boudry.

Ces premiers Comtes de Neuchâtel ont été fréquemment en guerre contre l’Evêque de Bâle. En revanche, ce sont plutôt des relations de bon voisinage, marquée par des alliances et des traités de combourgeoisie, qui s’établirent avec Bienne, Fribourg, Berne et Soleure.

6 Les comtes les plus marquants de cette première maison sont Rodolphe IV («Rollin»), qui règna de 1287 à 1343, et Louis, qui règna de 1343 à 1373. Louis, et son fils Jean, ne furent que rarement à Neuchâtel car ils prirent une part très active à la guerre de Cent Ans pour le Roi de . Ils firent aussi campagne au côté des Visconti dans le Milanais. Louis de Neuchâtel ne se joignit cependant pas à la coalition contre Berne qui réunit la plus grande partie de la noblesse locale (dont les fils d’Ulrich III) et qui aboutit à la grande bataille de Laupen (1339). Mais Louis fût aussi un grand bâtisseur (châteaux de Neuchâtel, Boudry, Thielle, embellissement de la Collégiale).

1395: Fin de la première maison de Neuchâtel: Isabelle, fille de Louis, fût la dernière souveraine de cette première maison de Neuchâtel. Sa sœur Vérène épousa Egon de Fribourg-en-Brisgau et leur fils Conrad succéda au Comté de Neuchâtel à sa tante Isabelle.

Première Famille des Seigneurs et Comtes de Neuchâtel [(6) p. 39]

Ulrich de Fenis (Xième siècle).

Mangold, son fils (1095).

Rodolphe 1er, son fils, epoux d’Emma de Glâne (1125, † milieu XIIème siècle).

Ulrich II, son fils († vers 1191)

Rodolphe II, son fils († 1196), frère de Ulrich III.

Bertold, son fils (charte de Neuchâtel: 1214, † 1260).

Rodolphe III, son fils, époux de Sybille de Montfaucon († 1264).

Ulric IV, son fils († 1278), frère d’Amédée et d’Henri.

Rodolphe IV, ou «Rollin», fils d’Amédée (1287 – 1343), époux d’Eléonore de Savoie.

Louis, son fils (1343 – 1373), époux de Jeanne de Montfaucon, puis de Catherine de Neuchâtel, puis de Marguerite de Vufflens.

Isabelle, sa fille (1373 – 1395), épouse de Rodolphe de Nidau, sœur de Vérène († 1374).

7 1.3. Neuchâtel et la Maison de Fribourg-en-Brisgau

Le règne de Conrad de Fribourg, Comte de Neuchâtel de 1395 à 1424, est surtout marqué par les conflits avec la bourgeoisie. Le 16 Avril 1406 le comte, d’une part, et la bourgeoisie de Neuchâtel, d’autre part, signent un double traité de combourgeoisie avec Berne, si bien que c’est Berne qui va arbitrer ces conflits.

Jean de Fribourg, fils de Conrad, est comte de Neuchâtel de 1424 à 1458. Il avait épousé en 1416 Marie de Chalon (de la maison à qui les comtes de Neuchâtel rendent hommage) et ses fonctions importantes en Bourgogne (il devint Maréchal de Bourgogne) l’éloignent la plupart du temps de Neuchâtel où il est représenté par un gouverneur. Ce recours à un gouverneur représentant un comte, puis prince, le plus souvent éloigné de Neuchâtel est appelé à devenir la pratique habituelle de gouvernement jusqu’à l’instauration de la république. Le château et la collégiale furent agrandis et embellis sous ce règne et Neuchâtel reçut des visiteurs illustres: le pape Félix V deux fois à son aller et à son retour du concile de Bâle en 1446, et le Duc de Bourgogne, Philippe le Bon en 1454. La ville se développa bien malgré trois incendies catastrophiques (1434, 1450, 1456). Les relations du comte Jean avec la bourgeoisie furent d’abord paisibles, mais la situation se gâta après l’incendie de 1450 dans lequel les anciennes chartes de la ville furent détruites. Cela détermina une nouvelle période de conflit entre le comte Jean et les bourgeois de Neuchâtel pour le renouvellement de ces franchises. On eût à nouveau recours à l’arbitrage de Berne et les franchises furent renouvelées en 1454.

1.4. Organisation Administrative du Comté

Dès le milieu du XVème siècle, elle revêt une forme qui ne devait plus guère varier jusqu’à l’avènement de la République.

1.4.1. Le Comté de Neuchâtel

Le Comte est le gardien de la paix publique au nom de l’Empereur. Il détient un droit général de protection et de juridiction. Par ailleurs, son autorité repose aussi sur une propriété foncière étendue qui lui procure d’autres droits et des monopoles. Dans les faits, les comtes se conduisirent de manière très indépendante dès le XIVème siècle. Leurs liens de combourgeoisie avec Berne , puis d’autres cantons-villes, les aidèrent à se détacher progressivement du Saint-Empire dans le sillage de la Confédération Helvétique.

A partir du début du XVème siècle le comte, le plus souvent absent, se fait représenter par un lieutenant assisté d’un conseil. Sous les Orléans-Longueville ceux-ci prendront définitivement le titre de «Gouverneur» et «Conseil d’Etat».

Pour l’administration régionale, le comté est divisé en châtellenies et mairies. La châtellenie est organisée autour d’un château comtal, chef-lieu d’un territoire s’étendant à plusieurs villages. La Mairie a un ressort limité à une seule localité ou à très peu de villages. Les châtellenies sont essentiellement Thielle, Boudry,

8 Vautravers et le Landeron (fondée vers 1330). Les mairies sont Lignières, Saint- Blaise, La Côte, Cortaillod, Boudevilliers, les Verrières, Vaumarcus et Rochefort (ces deux dernières ont eu initialement le statut de Châtellenie). Le châtelain, ou le maire, sont des officiers du comte; le châtelain a des fonctions militaires, judiciaires et financières, tandis que le maire a seulement des fonctions administratives et de justice civile.

1.4.2. Les Seigneuries

En certains lieux (Colombier, Gorgier, Travers, Vaumarcus, Bevaix) il y a aussi un seigneur héréditaire qui rend hommage au comte.

Le Seigneur de Valangin était issu, comme nous l’avons vu plus haut, de la première maison de Neuchâtel. A l’extinction de cette maison en 1517, la Seigneurie de Valangin passe, par alliance, à la maison de Challant, originaire du Val d’Aoste. Le Seigneur de Valangin reconnaît d’abord le Comte de Neuchâtel comme suzerain, mais il se considère ensuite, au moins dès le milieu du XVème siècle, comme souverain indépendant. Après la mort d’Isabelle de Challant, dernière de sa maison, Marie de Bourbon, Comtesse régente de Neuchâtel, rachète la seigneurie pour l’attacher définitivement au comté en 1592. A partir du début du XVème siècle, la Seigneurie de Valangin est divisée en mairies de Valangin, le Locle, la Sagne, les Brenets.

Vaumarcus, Travers et Gorgier étaient tenus depuis les XIVème – XVème siècle par une branche bâtarde de la maison de Neuchâtel. Vaumarcus fût racheté en 1309 par le comte de Neuchâtel et passa à cette branche illégitime en 1375 avec Travers. Vaumarcus fut érigée en Baronnie en 1595. La dernière des Neuchâtel-Vaumarcus, Anne, épousa Ulrich de Bonstetten, qui devint Baron de Vaumarcus et Seigneur de Travers. La Baronnie de Vaumarcus resta dès lors en mains Bernoises, passant aux Büren par mariage en 1675. En 1831, Albert de Büren vendit ses droits féodaux au Prince de Neuchâtel. Travers passa , par héritage des Bonstetten aux Sandoz en 1761. Les Sandoz furent les derniers Seigneurs de Travers, cédant leurs droits seigneuriaux au Prince en 1827, mais gardant le titulature jusqu’à la chute de la Principauté en 1848. La suzeraineté sur Gorgier fût donnée au Comte Louis de Neuchâtel en 1344 par Louis II de Savoie, Baron de Vaud. Les Seigneurs de Gorgier appartenaient à la maison d’Estavayer (qui donnera au XVIIème siècle trois Gouverneurs de Neuchâtel). Ceux-ci vendirent Gorgier et Bevaix à Jean de Neuchâtel, Seigneur de Vaumarcus, en 1433. Jacques-François de Neuchâtel fût le dernier Seigneur de Gorgier de cette branche; lorsqu’il mourut en 1678, la Seigneurie de Gorgier passa aux mains de diverses maisons Françaises. Elle fut reprise par le Prince Frédéric II qui la donna à Jean-Jacques d’Andrié, issu d’une famille originaire des Hauts-Geneveys (NE), titré Baron de Gorgier en 1749. Frédéric-Guillaume II éleva Gorgier en Vicomté en 1787. Charles-Frédéric d’Andrié, chef de bataillon des «Canaris» du Prince Alexandre Berthier, vendit Gorgier à James-Alexandre de Pourtalès en 1813, un an avant d’être tué au combat. Les Pourtalès restèrent Vicomte de Gorgier jusqu’à la chute de la Principauté en 1848. Colombier passa, à l’extinction de la maison de Colombier, aux Chauvirey (1488), puis aux Watteville (1513). Bevaix fût acheté en 1545 par Jean-Jacques de

9 Watteville, seigneur de Colombier. En 1564, Gérard, Jacques et Nicolas de Watteville vendirent Colombier et Bevaix au Comte Léonor.

1.4.3. La Ville de Neuchâtel

La ville de Neuchâtel a un poids particulier dans le Comté. Le Maire de Neuchâtel a les attributs d’un châtelain. Il préside un «Conseil des Vingt-Quatre», ou «Conseil de Ville» qui exerce le pouvoir de justice et d’administration. A côté de l’autorité comtale, les bourgeois de Neuchâtel, dont les franchises sont reconnues dès 1214, prennent de plus en plus d’importance. Ils sont représentés par les «Quatre-Ministraux» (au nombre de sept, bien qu’ils conservent leur appellation, dès le XVIème siécle) et ils entretiennent des milices.

2. L’Ere des Hochberg (1458 – 1503)

A la mort de Jean de Fribourg le 19 Février 1458, Rodolphe de Hochberg, qui descendait aussi de Vérène de Neuchâtel et que Jean avait adopté comme successeur, prit possession du Comté. Mais cela fût contesté par Louis de Chalon, beau-frère et suzerain de Jean de Fribourg qui prononça, et tenta d’imposer, sa mainmise sur le Comté de Neuchâtel. Rodolphe de Hochberg fut complètement soutenu par Berne, qui voulait absolument contrer les ambitions dangereuses de la maison de Chalon, et le Duc de Bourgogne, dont il était l’un des principaux officiers. Le différent fut jugé par le tribunal de l’officialité de Besançon en faveur de Rodolphe qui devint ainsi le maître incontesté du Comté. En Avril 1458, Rodolphe renouvelle le traité de combourgeoisie avec Berne et en signe un aussi avec Soleure. Rodolphe, pris par sa carrière au service du Duc de Bourgogne, séjourna assez rarement à Neuchâtel. Lorsque la politique ambitieuse du nouveau Duc Charles de Bourgogne et l’alliance des Confédérés avec Mulhouse provoquèrent l’ouverture d’hostilités entre le Duc de Bourgogne et les Suisses en 1474, Rodolphe de Hochberg quitta le service de Bourgogne et mit le Comté de Neuchâtel sous la protection de Berne. Mais il resta pour quelques temps à Neuchâtel et tenta une médiation entre les Suisses et le Duc de Bourgogne. Mais, au début de 1476, les hostilités reprirent de plus belle entre le Duc et les Suisses; Rodolphe se retira à Berne, puis dans le Brisgau, laissant toutefois son épouse à Neuchâtel, et le Comté fut occupé par les Bernois aidés d’un contingent du Brisgau (provenant des terres allemandes de Rodolphe de Hochberg); les ravages de la guerre lui furent ainsi épargnés. Après la victoire définitive des Suisses suivie de la mort du Duc Charles devant Nancy en Janvier 1477, il revint quelques temps à Neuchâtel, mais il séjourna ensuite la plupart du temps dans ses terres allemandes, tout en suivant tout de même de près les affaires du Comté.

Philippe de Hochberg, fils de Rodolphe, devint Maréchal de Bourgogne (au service du roi Louis XI de France, maintenant que le Duché de Bourgogne était rattaché à la couronne de France) en 1477. Il épouse en 1478 Marie de Savoie, fille du Duc Amédée IX et de Yolande de France, sœur de Louis XI. Il s’assure ainsi une position éminente, et la protection, de ces deux pays. En 1483, il assiste au sacre de Charles VIII de France à Reims et il entre l’année suivante au Conseil du Roi. En 1486,

10 Rodolphe de Hochberg, sentant sa santé décliner, pensa qu’il était nécessaire, pour assurer une survivance paisible au Comté de Neuchâtel, de rapprocher son fils des Suisses et il obtint le renouvellement, en faveur de Philippe, de la combourgeoisie avec Berne, puis Soleure. Il mourut alors en paix le 12 Avril 1487. Philippe de Hochberg, nouveau Comte de Neuchâtel, ne revînt dans son comté que quelques mois, le temps de renouveler les franchises de ses sujets. Il repartit en effet en France pour y poursuivre une très brillante carrière, devenant en 1491 Grand Chambellan de France et Gouverneur de Provence. Louis XII, accédant au trône en 1496, lui maintiendra sa confiance.

Mais la rivalité entre Louis XII et l’Empereur Maximilien de Habsbourg est dangereuse pour Philippe de Hochberg, prince Français et Allemand.En 1493, Charles VIII, par le traité de Senlis, cède l’Artois et la Franche-Comté à l’Empereur Maximilien dont Berne et Philippe de Hochberg peuvent dès lors craindre qu’il ne soit tenté d’envahir le comté. En 1498, Philippe de Hochberg prend part à la guerre de Bourgogne au côté de Louis XII contre Maximilien. Ce dernier confisque les seigneuries du comte en Franche-Comté, et prononce la mainmise sur Neuchâtel, mais il ne peut s’en emparer car Berne a pris la précaution d’y envoyer une garnison. Maximilien offre de vendre le comté à Berne, mais les conseillers de Berne déclinèrent sagement cette offre. Pendant cette dernière période de sa vie, Philippe de Hochberg renforça la position du comté en signant des combourgeoisies avec Fribourg (nouvellement entré dans la Confédération en 1481) en 1495 et avec Lucerne en 1501.

Philippe de Hochberg mourut en 1503, laissant le comté à sa fille Jeanne. Jeanne s’empresse alors de renouveler les combourgeoisies avec Berne, Soleure, Fribourg et Lucerne.

3. L’Ere des Orléans-Longueville (1504 – 1694)

3.1. Louis d’Orléans-Longueville comte de Neuchâtel (1504 – 1512)

Jeanne de Hochberg (1480 – 1543) épousa le 2 Octobre 1504 Louis d’Orléans- Longueville qui devint ainsi Comte de Neuchâtel. Les Ducs d’Orléans-Longueville sont issus de Jean, Comte de Dunois et de Longueville (1403 –1468), bâtard de Louis, Duc d’Orléans, fils de Charles V, roi de France et compagnon de Jeanne d’Arc. Après son mariage Louis d’Orléans-Longueville, très pris par ses hautes fonctions de gouverneur et grand sénéchal de Provence, se contente de renouveler les traités de combourgeoisie et d’affermer l’administration du Comté à la Ville de Neuchâtel, dont les Quatre-Ministraux deviennent ainsi les véritables maîtres du Comté. En 1507, l’Empereur s’empare du Château de Joux, que Louis XI avait donné en 1480 au Comte Philippe de Hochberg, et le Comté de Neuchâtel est ainsi directement menacé, puisque cette forteresse contrôle directement l’accès au comté.

Louis XII n’avait pas renouvelé, à son expiration en 1509, l’alliance avec les Confédérés à qui il devait pourtant en partie ses conquêtes en Italie. L’hostilité contre la France et ses positions en Italie monta alors dans la Confédération, surtout dans les Waldstatten, et ce parti anti-Français trouva, pour l’animer, une personnalité de

11 tout premier plan en la personne du Cardinal Mathieu Schiner, Prince-Evêque de Sion. En 1509, un autre Valaisan à forte personnalité, Georges Supersaxo, partisan de la France, s’élève contre la politique du Cardinal Schiner avec qui il entre dans une période de conflits et de rivalités appelée à durer vingt ans. En 1511,Georges Supersaxo, poursuivi en Valais puis emprisonné à Fribourg, s’évade et se réfugie à Neuchâtel. Le comte et la ville de Neuchâtel ne peuvent ni l’héberger (ce qui irait à l’encontre des traités de combourgeoisie), ni l’extrader vers Fribourg (Louis d’Orléans-Longueville ne peut pas livrer un partisan de la France à ses ennemis). Berne propose alors opportunément de recevoir Georges Supersaxo, ce que Neuchâtel s’empresse d’accepter.

3.2. Occupation du Comté par les Confédérés (1512 – 1529)

Au printemps 1512 les Confédérés lèvent une armée pour partir en campagne contre Louis XII dans le Milanais. Louis d’Orléans-Longueville, de son côté, participe, au côté de Louis XII, à cette campagne d’Italie. Les quatre combourgeois, emmenés par Berne, ne peuvent laisser le comté aux mains d’un ennemi des Confédérés et ils procèdent à son occupation le 21 Juin 1512. Cette occupation se fait de manière pacifique car les Quatre-Ministraux l’acceptent de bonne grâce moyennant que les occupants garantissent les anciennes franchises. Le 3 Mars 1514, l’occupation du Comté de Neuchâtel par Berne aidée des trois autres combourgeois est transformée en une occupation au nom de l’ensemble des Confédérés et le comté est administré comme un baillage commun des Confédérés, mais ceux-ci se gardent de proclamer officiellement Neuchâtel baillage commun des Confédérés, considérant leur administration comme provisoire, et le Comté garde donc son statut de souveraineté.

Durant cette occupation, qui dure jusqu’en 1529, les cantons ne s’écartent en rien de la politique poursuivie jusqu’alors par les Comtes de Neuchâtel. En 1522 est créé, à côté du «Conseil des Vingt-Quatre» un «Conseil des Quarante» consulté pour toute question concernant le patrimoine public (bâtiments, ventes, prêts …).

Le 27 Novembre 1516 une «paix perpétuelle» est signée entre François 1er, roi de France depuis Janvier 1515, et les Confédérés. L’élection, en 1519, du Roi d’Espagne, Charles 1er, à la dignité impériale (Charles V ou Charles Quint) amènera même les Confédérés à fournir un effort militaire considérable pour soutenir François 1er contre l’ambition hégémonique, dangereuse aussi bien pour la Suisse que pour la France, de Charles Quint. L’occupation du Comté de Neuchâtel par les Confédérés, désormais à nouveau alliés du Roi de France, ne se justifie donc plus. Louis d’Orléans-Longueville étant décédé en 1516, c’est Jeanne de Hochberg qui entreprend, en Avril 1517, auprès des Confédérés les démarches visant à se faire restituer le Comté; elle est appuyée en cela par François 1er. Berne, Soleure et Lucerne se montrent vite favorables à la restitution, mais les autres Confédérés sont réticents. Le sujet fut débattu lors de la tenue de plusieurs Diètes successives et ce n’est finalement qu’en Mai 1529 que la restitution fut décidée par les Confédérés (nonobstant la persistance de l’opposition d’Uri) et accomplie.

12 3.3. La Réforme à Neuchâtel

Le principal artisan de la Réforme à Neuchâtel est Guillaume Farel (1489 – 1565). Après avoir prêché la Réforme en Dauphiné et à Meaux, il se fixe à Bâle en Décembre 1523. De caractère bouillant et assez éloigné de l’esprit humaniste, il se brouille avec Erasme et le Conseil de Bâle l’expulse en Juillet 1524. Il séjourne avec plus de succès à Strasbourg jusqu’en 1526, puis il à Aigle (1526 - 1530), où il implante la Réforme avec succès. Il participe à la dispute théologique de Berne en 1528. En 1530, il s’établit à Morat, mais il consacre le second semestre de 1530 à la Réforme de Neuchâtel. Sa violence (il pousse à la destruction d’ornements d’église) inquiète tout d’abord Berne et le Conseil de Ville qui prononce un magnifique édit de tolérance le 8 Août 1530. Mais G. Farel entraîne les Neuchâtelois dans une forme violente de Réforme qui conduit au sac de la Collégiale le 24 Octobre. Dans les jours qui suivent, le Conseil des Vingt-Quatre se prononce pour la Réforme et le Gouverneur Georges de Rive a grand peine à maintenir l’ordre. G. Farel regagne Morat au début de 1531 alors que Neuchâtel semble acquise à la réforme.

François d’Orléans-Longueville, Marquis de Rothelin, l’un des fils de la comtesse Jeanne, arrive à Neuchâtel à la fin de Mars 1531. Il y séjourne jusqu’en Mai et il s’efforce avec succès de calmer la situation en favorisant plutôt la consolidation de la Réforme. Celle-ci gagna progressivement tout le Comté et fut complètement achevée en 1536. Le Landeron et Lignières restent cependant catholiques.

Pierre de Vingle, un imprimeur Picard qui avait déjà travaillé à Lyon et Genève, s’installe à Neuchâtel en Août 1533 pour y développer une active imprimerie protestante dont l’œuvre majeure fut la publication en Juin 1535 d’une traduction de la Bible en Français due à Pierre-Robert Olivetan, un parent de Calvin.

En 1538, après avoir grandement contribué à la réforme en pays de Vaud et à Genève, G. Farel revint comme pasteur à Neuchâtel où il resta jusqu’à la fin de sa vie. Cette période est caractérisée par la création de la «Classe» des pasteurs qui exercera une influence importante sur la vie du comté, notamment pour un développement de l’école et un contrôle plus strict des mœurs.

3.4. La Fin du Règne de Jeanne de Hochberg

Après l’extinction de la maison suzeraine de Chalon en 1530, Jeanne de Hochberg, elle-même descendante de cette maison comme petite-fille d’Alix de Chalon, put se considérer comme Comtesse souveraine de Neuchâtel.

Jeanne de Hochberg, avec l’occupation du Comté de Neuchâtel par les Suisses et la perte des possessions Allemandes des Hochberg dont le Margrave Christophe de Bade s’était saisi, avait vu fondre ses revenus. Comme elle était fort dépensière et piètre gestionnaire elle s’avèra incapable de redresser ses finances et elle compromit même l’héritage, pourtant considérable, des Orléans-Longueville et cela amena François 1er en Avril 1540 à la faire interdire en France et à déclarer nulles les aliénations qu’elle pourrait y accepter. Dès 1537, elle chercha à liquider le Comté de Neuchâtel et le Marquisat de Rothelin (seule terre Allemande qu’il lui restait).

13 Fribourg, Lucerne et Soleure se montrèrent intéressées par l’acquisition éventuelle. Les Bernois, tout en se prétendant intéressés aussi, ébruitèrent les négociations et exigèrent l’approbation de François 1er. Cela suscita une forte résistance de la part des Neuchâtelois et de la famille d’Orléans-Longueville. Jeanne dut renoncer à ses projets de vente et elle mourut en 1543. Elle avait toutefois contracté auprès de René de Challant, Seigneur de Valangin et de Boudevilliers, un emprunt de 6000 écus assorti de l’engagement de renoncer à tous droits sur ces seigneuries si le remboursement n’était pas effectué dans les trois ans; la Comtesse de Neuchâtel perdit ainsi, pour un temps, tout droit de suzeraineté sur ces seigneuries.

3.5. Suite du Règne des Orléans-Longueville: François III, Léonor, Henri 1er (1565 – 1595)

A la mort de Jeanne, c’est François III d’Orléans-Longueville (1535 – 1551), petit-fils de Louis et Jeanne, l’héritier. Un autre de ses grands-pères, le Duc de Guise est son tuteur. Il recommence en 1550 des négociations pour la vente du comté. La Ville de Neuchâtel s’ajoute aux cantons combourgeois comme candidat acquéreur. Les manœuvres des candidats les uns contre les autres et les morts du Duc de Guise et de François III en 1551 firent capoter les négociations.

En 1551, il y a deux héritiers: Léonor d’Orléans-Longueville (1540 – 1573), cousin germain de François III et fils du Marquis de Rothelin, dont il a été question plus haut et Jacques de Savoie, Duc de Nemours, fils de Charlotte d’Orléans-Longueville et de Philippe de Savoie (plus une troisième prétendante, Marie, reine douairière d’Ecosse, mère de François III). Le Tribunal des Trois Etats rendit un premier jugement en investiture en 1551. Il fût cassé en appel par les «Audiences Générales» en 1552. Le résultat de cette procédure attribue l’investiture du Comté aux Ducs d ‘Orléans- Longueville et de Nemours en leur imposant de donner un seul maître au comté. Ceci ne fut pas respecté et le Duc de Nemours demanda le partage du Comté, ce qui y suscita une forte réaction.En Août 1557, un jugement arbitral de Berne attribua le Comté à Léonor d’Orléans-Longueville et une indemnité à Jacques de Savoie. Ceci assura définitivement le principe d’indivisibilité du Comté. Jacqueline de Rohan, mère de Léonor, fût nommée tutrice; elle sera la seule souveraine protestante de la lignée des Orléans-Longueville et aussi l’une des rares à résider effectivement à Neuchâtel (pendant trois ans de 1573 à 1576). A sa majorité, Léonor règne personnellement quelques années. Il achète la Seigneurie de Colombier aux Watteville en 1564. En 1565, René de Challant, Seigneur de Valangin, meurt sans héritier mâle et ses deux filles se disputent la succession. Léonor d’Orléans accepte en 1572 la médiation des cantons Suisses sur cette affaire; mais rien n’est encore réglé à son décès en 1573.

En 1573, le nouvel héritier est Henri 1er d’Orléans – Longueville (1568 – 1595), fils de Léonor et de Marie de Bourbon. Cette dernière est sa tutrice jusqu’à sa majorité. Elle entreprit à partir de 1576 de nouvelles démarches auprès des Confédérés pour le règlement de la succession de Valangin. Elle racheta en 1579 une importante créance de Berne sur la seigneurie, mais elle se heurta encore à l’hostilité de l’une des deux sœurs Challant, Isabelle, et ce n’est qu‘en 1584 qu’une sentence de la Diète à Baden lui confirme sa suzeraineté sur Valangin ainsi que la possession de la Seigneurie tant qu’elle n’aurait pas recouvré la créance rachetée à Berne. Marie et

14 Henri 1er purent finalement rattacher Valangin au Comté de Neuchâtel en 1592 après avoir racheté ses droits sur la Seigneurie au Comte Frédéric de Montbéliard qui les avait lui-même acquis d’Isabelle de Challant en 1586. Valangin resta cependant une entité propre avec son administration particulière. Il y eut encore des réclamations sur Valangin de la part des héritiers d’Isabelle jusqu’en 1635. Nous étions alors en pleine guerre de Trente-Ans et l’Empereur exigea la restitution de Valangin au Marquis d’Ogliani, héritier d’Isabelle, menaçant de faire intervenir une armée commandée par le Duc de Lorraine. Le Conseil d’Etat ordonna la mobilisation de 5000 hommes sur la frontière du Doubs (la guerre sévissant en Franche-Comté voisine) et demanda l’appui de Berne. Mais cette alerte ne se matérialisa pas et ce fut la dernière en ce qui concerne Valangin.

3.6. Le Règne d’Henri II (1595 – 1663)

A la mort d’Henri 1er en 1595, c’est sa mère, Marie de Bourbon, qui reprend le pouvoir comme tutrice de son petit fils Henri II (1595 – 1663). La veuve d’Henri 1er et mère d’Henri II, Catherine de Gonzague, succède à sa belle-mère qui décède en 1601. Henri II reprit en 1617 des mains de sa mère le gouvernement du pays de Neuchâtel. Le règne d’Henri II fût assez mouvementé et il connut plusieurs affaires retentissantes:

. Les «bourgeois externes» de Neuchâtel: En 1599, les «bourgeois externes» (résidant en-dehors de la ville) ont un différend de quarante ans avec les Quatre- Ministraux qui ne leur reconnaissent pas les mêmes droits qu’aux bourgeois résidant dans la cité. Ils se plaignent aussi d’être écartés des Conseils où siégent une majorité de conseillers appartenant à une oligarchie d’aristocrates. Ils portent le différend devant le Conseil d’Etat et renoncent à leur bourgeoisie. Comme ils représentaient un tiers des bourgeois, ceci affaiblit beaucoup la position de la Ville de Neuchâtel et des Quatre-Ministraux. Marie de Bourbon accepte la renonciation. Berne voit dans cette renonciation une infraction au traité de combourgeoisie. Un interminable procès allait ainsi opposer la Ville, soutenue par Berne, et ces bourgeois renoncés, soutenu par les souverains. L’affaire vient même devant les Diètes en 1618, puis à . Le conflit ne devait être définitivement réglé qu’en 1832!

. En 1617 Henri II et sa mère, Catherine de Gonzague, vinrent pour deux ans à Neuchâtel. Dans cette période se situe une tentative d’empoisonnement d’Henri II dans laquelle la Ville fût impliquée par calomnie et qui tourna finalement au procès en sorcellerie (très à la mode à l’époque à Neuchâtel).

. Jean et Madeleine Hory: Jean Hory, institué Seigneur de Lignières en 1625 après que l’évêque de Bâle eût restitué à Henri II les droits qu’il partageait avec lui sur cette seigneurie, Chancelier de Neuchâtel de 1601 à 1611 et Lieutenant de Gouverneur en 1623, était une forte personnalité. En 1625, il semble être à l’origine du projet d’Henri II de fonder une nouvelle ville, Henripolis, dans la plaine de Thielle, pour en faire, à la sortie du lac, un port franc qui puisse devenir une place de commerce fluvial importante. Ce projet suscita une forte opposition dans la Ville de Neuchâtel et il réclamait des capitaux importants qui ne purent être réunis; il ne fut donc jamais réalisé. Les ennemis de Jean Hory obtinrent en 1630 sa disgrâce (Henri II lui reprit

15 alors la seigneurie de Lignières), sa condamnation et son bannissement, et même, en 1640, la condamnation de son épouse, Madeleine, pour sorcellerie et parricide sur sa mère. Madeleine fut exécutée, mais Jean put finalement rentrer à Neuchâtel pour y finir ses jours en 1656.

Henri II épousa en premières noces Louise de Bourbon-Soissons dont il eût une fille, Marie, future Duchesse de Nemours et dernière souveraine à Neuchâtel de sa maison. Il épousa en secondes noces Anne-Geneviève de Bourbon dont il eût deux fils: Jean-Louis-Charles et Charles-Paris. Il vint à Neuchâtel une dernière fois en 1657 et la fin de son règne se déroula assez paisiblement.

Henri II joua un grand rôle lors de la négociation de la paix de Westphalie mettant fin à la Guerre de Trente Ans (sauf pour les hostilités entre la France et l’Espagne). Membre du Conseil de Régence de Louis XIV, il y fut nommé plénipotentiaire Français et il obtint la levée de l’opposition de l’ambassadeur de France auprès des Confédérés, Caumartin, à ce que ceux-ci y envoient aussi un plénipotentiaire en la personne de Jean-Rodolphe Wettstein, Bourgmestre de Bâle. Henri II appuya Wettstein au Congrès. Les Suisses durent y accepter la mainmise Française sur l’Alsace, mais il s’y virent reconnaître l’indépendance et la souveraineté de la Confédération que l’Empereur n’avait, auparavant, jamais admise formellement. Pour lui-même, Henri II obtint, au début des négociations en 1642, de se faire reconnaître comme Prince Souverain de Neuchâtel par des lettres patentes de Louis XIII datées du 30 Septembre sans susciter d’opposition de la part des autres puissances Européennes; Neuchâtel était ainsi tacitement détaché de l’Empire.

En 1652 la Confédération accorde sa protection au Prince-Evêque de Bâle alors très menacé par les bandes armées qui ravageaient l’Alsace dans le cadre des guerres de la Fronde. Henri II y vit une occasion propice de demander, avec l’appui du Bourgmestre Wettstein, l’intégration de Neuchâtel à la Confédération. Il pensait par là tout à la fois renforcer la sécurité de Neuchâtel, échapper à la tutelle Bernoise et renforcer l’autorité de l’Etat vis-à-vis des prétentions de la ville de Neuchâtel. Il obtint l’appui de Louis XIV et il désigna comme plénipotentiaire pour ces négociations d’adhésion le Gouverneur de Neuchâtel Jacques d’Estavayer-Mollondin, secondé par le Chancelier Jérémie Stenglin. Mais l’affaire ne put aboutir; Berne s’y montra assez hostile et comme il y avait déjà 140 ans qu’aucun canton nouveau n’avait été admis, la Diète ne se montra pas favorable à cette démarche. Enfin, la montée de l’hostilité entre cantons catholiques et protestants allait en compromettre définitivement les chances de succès.

En 1653, une importante révolte paysanne affecta plusieurs cantons, dont Berne. Cette révolte ne s’étendit pas aux pays romands (Vaud, Neuchâtel …), mais Berne invoqua les traités de combourgeoisie pour demander un secours militaire au Prince et à la ville de Neuchâtel. Mille hommes environ furent mobilisés et mis à disposition de Berne. Ils se comportèrent honorablement, mais n’eurent l’occasion de se battre effectivement que dans le dernier mois (Juin 1653) de cette guerre.

L’ouverture d’hostilités entre cantons protestants et catholiques lors de la «Première Guerre de Villmergen» en 1656 plaçait Neuchâtel dans une situation très critique:

16 Berne demanda à nouveau un soutien militaire au Prince et à la Ville, mais Neuchâtel était liée aussi à trois cantons catholiques (Soleure, Fribourg, Lucerne) et Louis XIV, après avoir tenté une médiation, s’était déclaré en faveur des cantons catholiques. Soleure et Fribourg demeurèrent à l’écart du conflit armé, mais Lucerne participait effectivement aux hostilités contre Zürich et Berne. Neuchâtel réussit à temporiser, puis, après la défaite Bernoise de Villmergen (24 Janvier 1656), envoya à Berne un contingent de 400 hommes sous condition qu’ils n’aient pas à combattre Lucerne, Fribourg ou Soleure; Berne les affecta, en conséquence, au renforcement de la garnison de la ville de Berne. Au début Mars, la guerre était terminée et ces troupes rentrèrent à Neuchâtel.

Henri II obtient en Juin 1657 de Louis XIV une capitulation stipulant que Neuchâtel soit traitée dans ses rapports avec la France sur le même pieds que les Confédérés, que les Neuchâtelois jouissent en France des mêmes privilèges que les Confédérés et que Neuchâtel fournisse deux compagnies au régiment des Gardes Suisses. Il vient ensuite à Neuchâtel en Juillet –Août 1657 et il s’emploie alors à resserrer les liens avec les Confédérés. Son influence semble primer, pour un temps, celle de l’ambassadeur de France, La Barde, qui est un fidèle du Cardinal Mazarin avec qui Henri II entretient des relations assez conflictuelles (il s’était rangé quelques temps au rang de ses adversaires dans la guerre de la Fronde).

Henri II mourut en 1663, quelques mois avant le renouvellement de l’alliance entre Louis XIV et les Confédérés. Sa mort ne permit pas que Neuchâtel fût incluse explicitement dans cette alliance comme il en avait l’ambition.

3.7. Les Institutions Neuchâteloises au XVIIème Siècle

Elles n’ont pas beaucoup évolué depuis le milieu du XVème siècle (cf. section 1.4).

Henri II est reconnu officiellement comme Prince Souverain par Louis XIII en 1642 (cf. section 3.6) sans que cela soulève d’objection de la part de l’Empereur ou des Confédérés. Le Comté était d’ailleurs déjà considéré comme souverain depuis 1530 (cf. section 3.4) et un attribut important de la souveraineté, l’indivisibilité, avait été reconnu en 1557 (cf. section 3.5). La qualité de Prince Souverain est confirmée par les puissances Européennes aux traités de Westphalie en 1648.

Le Gouverneur (autrefois «Lieutenant») représente le Prince, qui est le plus souvent absent. Il est choisi dans les grandes maisons des cantons combourgeois catholiques (Fribourg et Soleure) avec le cas exceptionnel de Jean-Jacques de Bonstetten, Bernois et protestant, nommé par Jacqueline de Rohan, elle-même protestante.

Le Gouverneur est assisté par un Conseil, établi définitivement en 1530. Il reçoit l’appellation de «Conseil d’Etat» à partir de 1580 environ. Jeanne de Hochberg constitua le Conseil en 1530 avec des hommes d’église, des châtelains et des nobles. Suite à la Réforme, les bourgeois de Neuchâtel imposèrent à Jeanne de Hochberg le retrait des gens d’église. Dès lors, l’église, réformée et gouvernée par une «Classe» de pasteurs, devint indépendante de l’état. La noblesse d’extraction

17 disparut progressivement du Conseil par extinction (rachat de la Seigneurie de Colombier en 1564, extinction des maisons de Diesse en 1626 et de Neuchâtel (batarde) en 1641…) et elle fût remplacée par des bourgeois de Neuchâtel, choisis dans un nombre restreint de familles, souvent anoblies et déjà au service du souverain dans un office de maire ou de châtelain. Les Conseillers d’Etat sont nommés à vie. De nouveaux conseillers sont nommés lorsque les rangs s’éclaircissent trop (l’effectif du Conseil d’Etat oscilla entre 3 et 14 conseillers, mais l’effectif moyen était de l’ordre de 10). Le Conseil d’Etat détient le pouvoir exécutif, il administre les revenus du comté et il a aussi des attributions judiciaires importantes (surveillance des tribunaux, instance de recours et d’arbitrage…). Il assure la défense du comté, mais il n’a pas seul le pouvoir d’envoyer des troupes à l’extérieur en soutien des alliés (roi de France, combourgeois …).

Un service de rédaction et d’expédition des actes du Gouverneur et du Conseil d’Etat se mit en place progressivement au XVIème siècle. Son responsable prend d’abord le titre de «Secrétaire d’Etat», puis de «Chancelier»; il devient lui-même membre du Conseil d’Etat. D’autres officiers de l’administration centrale ne sont pas automatiquement membres du Conseil d’Etat; ce sontessentiellement : le Procureur Général et le Procureur de Valangin, chargés de la défense des droits du Prince, le Commissaire Général, chargé de la conservation des droits fonciers du Prince, le Receveur des Parties Casuelles et le Receveur Général des Finances, l’Intendant des Bâtiments, l’Intendant des Eaux et Fôrets et l’Architecte du Prince.

L’administration régionale (Châtellenies et Mairies) est toujours celle qui avait été mise en place aux XIVème et XVème siècles (cf. section 1.4). Les seules nouveautés vraiment notables étant la création des Mairies de la Chaux-d’Etalières (la Brévine) en 1624 et de la Chaux-de-Fonds en 1656.

Le Tribunal des Trois Etats, fondé à la fin du XVème siécle, supplante peu à peu les «Audiences Générales», qui disparurent après 1618, comme tribunal suprême. Les Trois Etats, autrefois clergé, noblesse et tiers-état (bourgeoisie de Neuchâtel) sont, depuis la Réforme, le Conseil d’Etat, les Châtelains et grands officiers et les bourgeois. Le Tribunal des Trois Etats comprend 4 juges de chacun des Etats. En fait, le Conseil d’Etat y prédomine, car il ajoute à ses 4 juges propres d’autres juges dans les deux autres états qui ont aussi la qualité de Conseiller d’Etat. Ce tribunal a surtout marqué l’histoire par le fait qu’il a eu à se prononcer cinq fois sur l’investiture du Comte, puis Prince lors de la survenue d’un problème successoral en 1551 (mais les «Audiences Générales» cassèrent le jugement), 1602, 1672, 1694 et 1707.

Les institutions de la Ville de Neuchâtel sont restées les mêmes depuis le moyen-âge (cf. section 1.4). Ce sont les «Quatre-Ministraux», maintenant au nombre de sept bien qu’ils aient conservé leur appellation initiale, qui exercent le pouvoir effectif et personnifient la Ville et la Bourgeoisie. Ce pouvoir a souvent tendance à contre- balancer celui du Prince et de l’Etat, particulièrement aux époques où ce dernier se trouve en position de faiblesse, et Neuchâtel peut être considérée d’une certaine manière comme une entité bicéphale (le Prince et la Ville).

18 En raison de cette dualité des pouvoirs, et aussi de l’indépendance de l’église gouvernée par la «Classe» des pasteurs, le principe de la «souveraineté absolue» n’a pas cours à Neuchâtel contrairement au cas de la plupart des pays de l’Europe continentale (états confédérés inclus).

3.8. La fin de l’Ere des Orléans-Longueville

A sa mort en 1663, Henri II laisse une fille d’un premier lit, Marie, Duchesse de Nemours (1625 – 1707), une veuve, Anne-Geneviève de Bourbon-Condé (1619 – 1679) et les deux fils mineurs de cette dernière, Jean-Louis-Charles, Comte de Dunois (1646 – 1694) et Charles-Paris, Comte de Saint-Pol (1649 – 1672). Les deux fils sont tout d’abord co-souverains sous l’autorité de leur mère qui gouverne effectivement.

En 1667 la «Guerre de Dévolution» éclate entre la France et l’Espagne. L’armée Française, avec le Roi, le Prince de Condé et le Comte de Saint-Pol, envahit la Franche-Comté en Janvier 1668, pour l’abandonner de nouveau à l’Espagne peu de temps après. Ceci agite beaucoup la Suisse, car les cantons catholiques sont liés par traité à l’Espagne. La Diète réunie à Baden appuie Berne et l’ambassadeur de France, Mouslier, dans leur proposition que la Suisse reste neutre en Franche- Comté contre une protection fédérale appuyée par la France étendue au Pays de Vaud (auquel la Savoie n’avait pas définitivement renoncé).

En 1668 le Prince de Condé pousse le Comte de Dunois, dont la santé mentale et physique laisse beaucoup à désirer, à abandonner ses droits au Comte de Saint-Pol. Il se décide alors à se vouer à l’église (il sera dès lors connu comme «l’Abbé d’Orléans-Longueville») et il établit un testament précisant qu’en cas de mort du Comte de Saint-Pol sans héritier, la Principauté devait revenir à leur mère, puis, après la mort de celle-ci, à leur cousin le Prince de Conti. Peu de temps après, un nouveau testament substitue, dans des conditions contestables, la Duchesse de Nemours à la Duchesse d’Orléans-Longueville.

Le Comte de Saint-Pol fait campagne pour Louis XIV et il se porte aussi candidat à la couronne (élective) Polonaise. Il est élu Roi de Pologne en 1672, mais il est presque aussitôt tué sur le Rhin, le 12 Juin 1672, lors de la première campagne de Hollande.

Anne-Geneviève de Bourbon-Condé réclame alors l’héritage de Neuchâtel au nom de l’Abbé d’Orléans-Longueville et le Tribunal des Trois-Etats se prononce en sa faveur, mais Marie de Nemours, forte de l’appui de Berne, conteste la sentence en arguant de la démence de l’abbé et de l’interdiction civile prononcée à son endroit par un arrêt du Conseil du Roi. En 1673, elle vient même aux abords de la principauté puis elle entre au Landeron, où elle a de nombreux partisans. Pour éviter des troubles, Louis XIV la rappelle alors auprès de lui et rend un arbitrage en faveur d’Anne-Geneviève et de l’Abbé en Avril 1674. C’est la première fois qu’un litige à Neuchâtel est réglé par l’arbitrage du Roi de France plutôt que par celui de Berne.

En 1673, la guerre éclate de nouveau entre la France d’une part, la Hollande, l’Espagne et l’Empereur d’autre part. La position Suisse de neutralité dégagée en

19 1668 est confirmée, ce qui conduit à la conquête et à l’annexion définitive de la Franche-Comté par la France (Paix de Nimègue en 1678). Neuchâtel a alors une frontière commune avec la France.

En 1679 Anne-Geneviève d’Orléans-Longueville décède et Louis XIV accorde la curatelle de Neuchâtel à la Duchesse de Nemours en l’assujettissant à un conseil de régence. Marie de Nemours cherchant à gouverner seule, elle se vit dépouiller par Louis XIV de la curatelle en 1682 au profit du Prince de Condé et du Duc de Bourbon. Neuchâtel semble ainsi être passé nettement sous l’emprise Française.

En 1685, Louis XIV signe l’Edit de Fontainebleau révoquant l’Edit de Nantes par lequel il interdit l’exercice de la religion réformée et proscrit tous les protestants de France qui doivent abjurer ou s’exiler. C’est un choc considérable dans les cantons protestants et à Neuchâtel qui voient arriver une masse importante de protestants Français exilés. Il y a un véritable divorce entre Neuchâtel et la France et, à l’inverse, les liens avec Berne se resserrent à nouveau.

4. L’Affaire de la Succession – Marie de Nemours (1694 – 1707)

4.1. 1694: Marie de Nemours Succède à l’Abbé d’Orléans-Longueville – Contestation du Prince de Conti Appuyé par Louis XIV

En 1694 l’Abbé d’Orléans-Longueville décède laissant deux prétendants à la succession de la Principauté: Marie de Nemours, sa demi-sœur, et le Prince de Conti, en faveur de qui l’abbé avait établi un testament en 1668. Le Prince de Conti a le soutien de Louis XIV qui n’apprécie pas Marie de Nemours, très indépendante et ancienne «frondeuse». Berne, et Lucerne aussi, estiment que le Prince de Conti représente un danger d’annexion de la Principauté par la France. Berne envoie en mission à Neuchâtel le Conseiller Jean-Frédéric de Willading, futur Avoyer et pilier du parti anti-Français au Petit Conseil de Berne. Mais Fribourg et Soleure sont plutôt favorables au Prince de Conti. A Neuchâtel les notables sont divisés, mais la population, sous l’influence des pasteurs, se montre favorable à Marie de Nemours.

Le Tribunal des Trois Etats déclara alors la Principauté «inaliénable». Ceci avait pour effet d’investir automatiquement Marie de Nemours, plus proche héritière par le sang (puisque le testament de l’abbé, aliénant la principauté en faveur d’un parent plus éloigné, le Prince de Conti, violait ce principe d’inaliénabilité), et de lui interdire d’en disposer elle-même par testament (elle avait l’intention de tester en faveur du Chevalier de Soissons, fils illégitime de l’un de ses oncles).

Le Prince de Conti,fort de l’appui de Louis XIV, ne s’avouait pas vaincu et il recourut au Parlement de Paris. De son côté, Willading proposa secrètement aux Neuchâtelois de les aider à racheter la Principauté et de solliciter l’admission de Neuchâtel dans la Confédération. C’était évidemment un revirement complet de la politique Bernoise par rapport à 1652 (cf.section 3.6), mais la situation géostratégique était complètement différente: Maintenant que la Franche-Comté était Française et que Louis XIV faisait la chasse aux Réformés, il importait

20 essentiellement que Neuchâtel ne tombât pas dans l’orbite Française et Berne jugeait que cette position ne pouvait être défendue efficacement qu’avec l’appui des Confédérés.

En 1698, le Parlement de Paris attribue la Principauté au Prince de Conti qui, entre temps, avait été candidat malheureux au trône (électif) de Pologne en 1697. Le 9 Janvier 1699, Louis XIV ordonna que la sentence du Parlement de Paris fût exécutée. Il concentra des troupes à la frontière Neuchâteloise et envoya à Neuchâtel le Marquis de Puysieux, ambassadeur de France auprès des Confédérés. Le Prince de Conti lui-même se rendit à Neuchâtel. Berne, de son côté, leva des troupes et envoya une compagnie de 200 hommes à Neuchâtel. Pour la première fois depuis l’époque de Louis XII, on se dirigeait vers un affrontement entre les Confédérés et la France. Berne dut tout d’abord reculer, n’ayant pu obtenir un soutien résolu que de Lucerne, et elle retira sa compagnie de Neuchâtel où les partisans de Conti, dès lors, relevèrent la tête. Mais le ministre d’Angleterre auprès des Cantons, Philibert Herwart, fit alors connaître les prétentions du Roi Guillaume III sur Neuchâtel (cf. section 4.2). Louis XIV, à la veille d’être confronté au grave problème de la succession d’Espagne, estima qu‘il n’était pas bon de s’aliéner Londres; il retira ses troupes et Conti dut rentrer à Paris laissant Marie de Nemours en possession de Neuchâtel.

4.2. La Candidature de Guillaume III d’Orange-Nassau, Roi d’Angleterre et Stathouder des Provinces Unies, et de Frédéric de Hohenzollern, Margrave de Brandebourg, puis Roi de Prusse, à la Principauté de Neuchâtel

Marie de Nemours était la dernière représentante de la maison d’Orléans-Longueville et elle n’avait pas de descendance. Les prétendants à la Principauté de Neuchâtel sur le principe de la filiation à sa maison n’étaient que des cousins.

Le Prince de Conti basait ses prétentions sur le testament en sa faveur de l’Abbé d’Orléans-Longueville en 1668. Ces prétentions étaient doublement contestables: La santé mentale, déjà précaire en 1668, de l’Abbé rendait le testament contestable. De plus, la proclamation par le Tribunal des Trois Etats de l’»inaliénabilité» de la Principauté rend un tel testament à postériori irrecevable.

Guillaume III basait ses prétentions de la manière suivante: Comme nous l’avons vu à la section 1.2, au XIIIème siècle, le Comté de Neuchâtel jouissait de l’immédiateté impériale. En 1288, Rollin, Comte de Neuchâtel, dut résigner son comté entre les mains de l’Empereur, Rodolphe de Habsbourg. Celui-ci en investit Jean II de Chalon-Arlay, duquel Rollin le reprit aussitôt comme arrière-fief de l’Empire. Dès lors les Comtes de Neuchâtel furent vassaux des Comtes de Chalon. Les Comtes de Fribourg en Brisgau héritèrent du Comté de Neuchâtel toujours inféodé au Comte de Chalon. A l’extinction des Comtes de Fribourg en 1457 (cf. section2), une première affaire de succession de Neuchâtel opposa la maison suzeraine, devenue par mariage Chalon-Orange, et un cousin du dernier Comte de Fribourg, Rodolphe de Baden-Hochberg. Principalement grâce à l’appui de Berne, hostile aux Chalon-Orange, proches alliés des Ducs de Bourgogne, trop puissants

21 voisins, Rodolphe de Baden-Hochberg fut investi du Comté de Neuchâtel qui fût affranchi de fait de la suzeraineté des Chalon-Orange. La maison d’Orléans-Longueville hérita du Comté de Neuchâtel par mariage en 1503 de Louis d’Orléans avec la dernière Hochberg, Jeanne (cf. section 3.1); De leur côté, les Chalon-Orange s’éteignirent en 1530 et Henri II de Nassau hérita de leurs biens en tant qu’époux de Claudia de Chalon-Orange. Leur fils René, puis son cousin et légataire Guillaume, dit «le Taciturne», sont ainsi à l’origine de la maison des Princes d’Orange Nassau. Guillaume le Taciturne fût le principal instigateur de la Réforme et de l’indépendance aux Pays-Bas, même s’il ne put réaliser ce double but de son vivant. Guillaume III était le fils de Guillaume II d’Orange-Nassau, descendant direct de Guillaume le Taciturne, Stathouder des Provinces Unies et de Henriette- Marie Stuart, fille du Roi Charles 1er d’Angleterre. Guillaume III épousa Marie II Stuart, fille du Roi Jacques II d’Angleterre, et ce couple accéda conjointement au trône d’Angleterre lorsque Jacques II en fût écarté. Guillaume III était ainsi le (lointain) successeur légitime de Jean II de Chalon-Arlay et prétendait à la succession de Neuchâtel sur le fait qu’à l’extinction de la maison qui tenait Neuchâtel, celle-ci devait faire retour au suzerain qu’il était comme successeur de Jean II de Chalon-Arlay.

Les frères Siméon et Emmanuel de Bondeli, de Berne, semblent être à l’origine de la candidature de Frédéric de Hohenzollern [(8) pp. 272-273]: Siméon de Bondeli entra au service de son père, le «Grand Electeur» Frédéric- Guillaume (1620 – 1688), comme camérier, puis conseiller secret vers 1680. Emmanuel de Bondeli fut nommé très jeune professeur de philosophie à Lausanne en 1682, puis à Berne en 1684. Il épousa en 1685 Barbara Hory, dernière représentante de cette vieille famille Neuchâteloise dont il a déjà été question plus haut (cf. section 3.6) et fille de Jonas, Châtelain de Boudry, Conseiller d’Etat et membre du Tribunal des Trois Etats. Les frères Bondeli déterminèrent Guillaume III à céder ses prétentions sur Neuchâtel à Frédéric de Hohenzollern (Guillaume III et Marie II n’avaient pas d’enfant, et la sœur de Guillaume, Louise-Henriette, était l’épouse du «Grand-Electeur» et donc la mère de Frédéric, qui était ainsi, comme neveu, le plus proche héritier par le sang de Guillaume). Ils furent aussi les premiers intermédiaires, sur cette affaire, entre la cour de Berlin et Berne. Ce montage semble avoir pris corps dès l’avènement au trône d’Angleterre de Guillaume III et Marie II en 1689; il est donc assez remarquable (ou chanceux!) que l’on ait pu le faire «redécouvrir» bien à propos à Louis XIV en 1699 (cf. section 4.1). Emmanuel de Bondeli accomplit par la suite le travail de recherche et de compilation visant à argumenter la validité de la candidature.

Berne soutint vraiment cette affaire à partir de 1694, année marquée par le décès de l’abbé d’Orléans-Longueville, la défaite infligée au Prince de Conti dans la candidature et la proclamation de l’inaliénabilité de Neuchâtel, et l’élection au Petit Conseil de Berne de Jean-Frédéric de Willading, futur Avoyer, qui y sera le premier et plus fidèle soutien des Bondeli, de la double candidature de Guillaume et Frédéric à Neuchâtel, et du parti dit «des bien-intentionnés», hostile à Louis XIV. L’Avoyer Jean-Rodolphe de Sinner et le Banneret Nicolas Daxelhofer furent les deux autres membres du Petit Conseil les plus influents dans cette mouvance politique. Trois autres sujets Bernois s’impliquèrent fortement pour le soutien de la candidature de

22 Frédéric de Hohenzollern: Les frères Christophe, futur Avoyer de Berne, et Sigismond de Steiger (noirs) et François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin, un très habile diplomate au service de l’Empereur (qu’il parviendra à gagner à la cause de Frédéric de Hohenzollern, devenu le Roi Frédéric 1er de Prusse en 1700).

Le décès du Roi d’Espagne Charles II, le dernier des Habsbourg d’Espagne, le 1er Novembre 1700 et l’avènement de Philippe Duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, comme Roi d’Espagne sous le nom de Philippe V en vertu du testament de Charles II, entraîna en 1701 la formation d’une coalition contre la France regroupant l’Empereur, l’Angleterre, les Pays Bas, la Prusse, la Savoie et le Portugal et le démarrage de la «Guerre de Succession d’Espagne» qui devait durer jusqu’en 1713. Guillaume III étant ainsi en guerre contre lui, Louis XIV n’avait plus de raison de le ménager et il reprit donc un intérêt actif au soutien des candidatures Françaises à Neuchâtel.

En 1702, le décès de Guillaume III vit Frédéric 1er de Prusse lui succéder comme prétendant à Neuchâtel. La succession d’Angleterre se fit dans la maison Stuart (Anne succédant comme Reine à sa sœur aînée Marie II, décédée en 1695, et à Guillaume III) qui n’avait pas de lien direct avec Neuchâtel.

4.3. Le Procès de 1707 pour la Succession de Marie de Nemours à Neuchâtel [8]

Marie de Nemours mourut le 16 Juin 1707, ce qui ouvrit effectivement la succession de Neuchâtel.

Les prétendants à la succession étaient au nombre de 15, mais 9 seulement furent retenus comme ayant des prétentions valables; ils se rangeaient en trois catégories: . Ceux qui invoquaient un testament (la validité de leur prétention supposait que l’on cassât le principe d’inaliénabilité affirmé par le tribunal des Trois Etats): Le Prince de Conti (par testament de l’Abbé d’Orléans-Longueville) et la Angélique-Cunégonde de Montmorency, veuve du Chevalier de Soissons (par testament de Marie de Nemours); . Ceux qui évoquaient le droit du sang: Jacques, Comte de Matignon et Paule- Françoise de Gondy, Duchesse de Lesdiguières comme descendants directs de deux filles de Léonor d’Orléans-Longueville, ainsi que le Prince Emmanuel-Philibert- Amédée de Carignan-Savoie comme plus proche parent (cousin germain) de Marie de Nemours; . Ceux qui se réclamaient au titre de successeurs, dans ses droits, de la maison de Chalon: Frédéric 1er de Prusse, mais aussi Jeanne de Mouchy, Marquise de Mailly de Nesle, Yves, Marquis d’Allègre et Léopold-Eberhard, Duc de Wurtemberg- Montbéliard;

Le procès en investiture s’ouvrit devant le Tribunal des Trois Etats composé des 12 juges suivants: . Au titre du 1er Etat (Conseil d’Etat): Louis Guy, doyen du Conseil d’Etat, J. J. Sandoz, beau-frère de Jonas Hory, Samuel de Chambrier, Chancelier, Samuel de Marval, beau-frère de Samuel de Chambrier,

23 . Au titre du 2ème Etat (Châtelains et Officiers de juridiction): Jonas Hory, châtelain de Boudry, Conseiller d’Etat et beau-père d’Emmanuel de Bondeli, Simon Chevalier, châtelain de Thielle, Conseiller d’Etat, François de Chambrier, maire de Neuchâtel, Conseiller d’Etat et François Perrochet, lieutenant du Landeron, . Au titre du Tiers-Etat (bourgeoisie de Neuchâtel): David Buloz, premier maître- bourgeois, Frédéric de Chambrier, maître-bourgeois et lieutenant de Neuchâtel, neveu du Chancelier Samuel, Henri Petitpierre, maître-bourgeois et gendre de Samuel Marval, et J.H. de Pierre. Notons la prépondérance du Conseil d’Etat (7 juges sur 12) dans ce tribunal.

Frédéric 1er pouvait compter, dans le 1er Etat, sur Louis Guy et J.J. Sandoz; les deux autres juges étaient favorables aux candidats apparentés aux Orléans-Longueville. Dans le 2ème état, Frédéric 1er pouvait compter sur Jonas Hory et Simon Chevalier; les deux autres juges étaient partisans de la France, mais pas d’un candidat en particulier Le cas du tiers-état était particulier en ce sens que c’était le Conseil de Ville qui devait décider du vote et missionner les 4 juges pour se conformer à son choix; ce dernier semblait assez partagé avec une légère majorité relative pour le Prince de Conti.

L’issue du procès s’avérait très incertaine. Les principaux facteurs qui vont faire la décision sont les suivants: . La candidature de Frédéric 1er, préparée de longue date (comme nous l’avons vu), bénéficie d’un soutien diplomatique de premier ordre: - Le Comte de Metternich, envoyé du Roi de Prusse, est un excellent diplomate et il dispose d’un budget important pour soutenir la candidature; - François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin, sujet Bernois mais envoyé de l’Empereur travaillait très efficacement depuis plusieurs années en faveur de la candidature de Frédéric 1er. Il arriva à persuader la Cour de Vienne du bien fondé de cette action et le Prince de Carignan-Savoie d’entrer aussi dans ses vues tout en maintenant sa propre candidature pour s’assurer que Frédéric ne risque pas de rester seul candidat en lice; - Abraham Stanian, envoyé de la Reine d’Angleterre et neveu par alliance de Siméon et Emmanuel de Bondeli, travaille aussi activement en faveur de la candidature de Frédéric; - A Berne, les «bien-intentionnés», soutenant la candidature Prussienne, dominent la scène politique, mais ils savent rester dans les limites de la prudence pour ne pas provoquer Louis XIV et ses partisans. . Depuis le début de la guerre de succession d’Espagne, Louis XIV fait combattre par son ambassadeur, le Marquis de Puyzieulx, la candidature de Frédéric 1er. Mais il entend ainsi favoriser l’ensemble des candidats Français, il ne se résout pas à pousser particulièrement l’un d’entre eux, et il fait même part de cette position au Conseil d’Etat de Neuchâtel; toutefois Michel de Chamillart, son principal ministre, incline pour le Comte de Matignon et se montre hostile au Prince de Conti.

Le Prince de Conti, déçu de l’ambiance peu favorable qu’il rencontrait à Neuchâtel et du manque de soutien du Roi, renonça à sa candidature et quitta Neuchâtel le 7 Septembre 1707. Ceci détermina le Conseil de Ville, et donc les juges du tiers-état, en faveur de Frédéric 1er, d’autant plus que le Prince de Conti, en se retirant, a

24 conseillé à certains de ses partisans de se rallier à la candidature Prussienne. Les autres candidats Français, sentant la partie perdue, renoncent à défendre leur candidature en Octobre. Seul le Prince de Carignan-Savoie se maintient, poussé par Saint-Saphorin, jusqu’au bout pour éviter à Frédéric 1er de demeurer seul candidat.

La sentence finale du Tribunal, conférant l’investiture à Frédéric 1er, est prononcée le 3 Novembre 1707.

5. La Période «Prussienne» jusqu’à la fin de l’Ancienne Confédération (1707 – 1797)

5.1. Les Institutions durant la Période Prussienne

Les institutions ne furent pas modifiées (et demeurèrent pratiquement inchangées jusqu’à la fin de la Principauté en 1848) et la Principauté conserva son indépendance, sans aucun autre lien avec le gouvernement Prussien que la communauté du souverain.

Le Conseil d’Etat affirma sa primauté sur le gouvernement de la Principauté et son rôle ne fut plus jamais contesté ou contrebalancé par la Ville de Neuchâtel, comme cela s’était produit précédemment.

Trois séries d’»Articles» furent rédigés et signés par le Frédéric 1er (la plupart des autres prétendants avaient aussi consentis à souscrire à ces articles en cas d’investiture) pour préciser les privilèges et libertés des différents corps constitués: . Articles Généraux, concernant les corps et communautés de l’Etat, . Articles Particuliers de la Ville et Bourgeoisie de Neuchâtel, . Articles Particuliers de la Bourgeoisie de Valangin.

5.2. Le Règne de Frédéric 1er (1707 – 1713)

Louis XIV refuse de reconnaître l’investiture de Frédéric 1er. Il ordonne le blocus économique de la Principauté, et il concentre des troupes aux ordres du Maréchal de Villars en Franche-Comté. En réaction à cela, Berne fait occuper, pour la protéger, la Principauté par un contingent de 4000 hommes renforcé de quelques troupes fournies par Zürich et Genève. Les cantons catholiques refusèrent leur aide et se joignirent à Louis XIV pour contester l’investiture de Frédéric 1er. Stanyan et Saint- Saphorin poussaient à la guerre contre Louis XIV. Le cabinet Anglais était à la pointe des bellicistes souhaitant une offensive de Berne en Franche-Comté, mais les autres puissances alliées contre la France n’étaient pas chaudes pour cela; les Provinces Unies y étaient franchement hostiles, et la Prusse très hésitante. Louis XIV, de son côté, se rendit compte de l’absolue nécessité de ne pas risquer la rupture des capitulations lui assurant le concours indispensable des régiments Suisses en France. Des négociations s’engagèrent à Aarau en 1708, et c’est Jean-Frédéric de Willading qui trouva la formule acceptée par Louis XIV par laquelle celui-ci accordait à Neuchâtel le bénéfice de la paix perpétuelle de 1516 et de l’alliance de 1663, tout en refusant l’éventualité que Neuchâtel entre dans la Confédération contrairement

25 aux vœux d’une majorité de Neuchâtelois et de Frédéric 1er. Les termes de cet accord furent entérinés par le Petit Conseil de Berne et par Frédéric 1er et ce succès valut à Jean-Frédéric de Willading d’accéder à la charge d’Avoyer de Berne en remplacement de Jean-Rodolphe de Sinner, décédé en 1706. Mais cet accord sera mal appliqué par Louis XIV, Louis XV et Louis XVI: Ils refuseront toujours par la suite de mentionner Neuchâtel parmi les alliés des Confédérés, et Louis XVI ira même jusqu’à refuser la mention de Neuchâtel dans le renouvellement de l’alliance avec les Confédérés en 1777. De plus les commerçants Neuchâtelois sont exclus des privilèges accordés aux commerçants Suisses et alliés.

Un autre problème qui se posa d’emblée était la nomination d’un Gouverneur: . Le poste avait été promis par lettre patente de 1694, signée par Guillaume III et Frédéric, à Siméon ou Emmanuel de Bondeli en cas de succès de la candidature. Mais la nomination d’un gouverneur Bernois semblait maintenant peu appropriée. . Par ailleurs, la reconduction du Gouverneur nommé par Marie de Nemours en 1699, François-Henri d’Estavayer-Mollondin, n’était pas envisageable, car il s’était montré hostile jusqu’au bout à la candidature Prussienne, et l’on n’avait pas d’autre candidat notable. Il s’ensuivit que le Comte de Metternich resta à Neuchâtel jusqu’en 1709 comme envoyé de Frédéric 1er , qui renonça à nommer un gouverneur.

En 1712, l’ouverture d’hostilités entre cantons protestants et catholiques lors de la «Deuxième Guerre de Villmergen» plaça Neuchâtel dans la même situation critique que lors de la «Première Guerre de Villmergen» en 1656 (cf. section 3.6). Bien que les traités de combourgeoisie avec Soleure, Fribourg et Lucerne n’aient pas été renouvelés, le Conseil d’Etat, gardant des espoirs en cette matière, tenait à ménager ces cantons; aussi n’accepta-t-il qu’avec réticence le concours de 800 hommes réclamé par Berne. Il chercha à nouveau à négocier avec Berne la restriction d’emploi du contingent Neuchâtelois à la protection du territoire Bernois en arguant, justement, qu’il n’avait pas d’instruction du Prince et que Fribourg, Soleure et le Prince-Evêque de Bâle procédaient à des armements qui pouvaient menacer directement la Principauté, mais il ne put éviter la participation des troupes Neuchâteloises à la nouvelle bataille de Villmergen, qui s’avéra une victoire décisive. Pour Neuchâtel, toutefois, cette campagne se terminait tristement car Berne et le Prince Frédéric 1er envoyèrent au Conseil d’Etat de Neuchâtel des lettres désavouant son attitude prudente et insistant sur le devoir de Neuchâtel de prêter assistance sans réserve à Berne.

Lors de la négociation des traités mettant fin à la Guerre de Succession d’Espagne, le Conseil d’Etat de Neuchâtel s’employa activement à essayer d’obtenir de la France la reconnaissance de Neuchâtel comme principauté souveraine et alliée de la Confédération Helvétique. Ceci fut obtenu en 1713 dans la partie du traité d’Utrecht signée entre la France et la Prusse, mais la France refusa ensuite de mentionner Neuchâtel parmi les alliés des Suisses dans le traité final de Baden signé le 7 Septembre 1714 avec l’Empereur.

26 5.3. Le Règne de Frédéric-Guillaume 1er (1713 – 1740)

En 1714, Frédéric-Guillaume 1er rétablit la fonction de Gouverneur en nommant le Colonel François de Langes de Lubières. Il fut l’un des principaux meneurs de l’émigration des protestants Français. Comme lui, une majorité relative de ses successeurs sera issue de ce milieu.

Quelques soubresauts intérieurs (conflits entre le Conseil d’Etat et la Vénérable Classe, récriminations des bourgeois de Valangin tentés de se séparer de Neuchâtel dont la bourgeoisie a le monopole de la gestion de l’état, …) amènent le Conseil d’Etat à demander au Prince l’envoi d’un ministre plénipotentiaire en 1724 –1725.

D’autres affaires troublèrent quelques peu la quiétude de la Principauté: . Conflits avec Berne à propos de restrictions émises par Berne à l’importation des vins de Neuchâtel (1718 – 1719) et d’un différend sur le bornage de la frontière avec le baillage commun Bernois-Fribourgeois de Grandson (1714 – 1721), . Frictions avec la France, notamment à propos de prétentions sur la Principauté du Duc de Bourbon et du Marquis de Mailly-Nesles soutenues par quelques Neuchâtelois. Conjointement à l’éclatement de la Guerre de Succession de Pologne, dans laquelle la France soutenait contre l’Empereur la candidature de Stanislas Leczinski, beau-père de Louis XV, elles amenèrent le Prince et le Conseil d’Etat à solliciter l’appui de Berne en 1733, mais l’ambassadeur de France, le Marquis de Bonnac, assura les Bernois que la France n’avait aucune visée hostile contre Neuchâtel et la Suisse en dépit de mouvements de troupes en Franche-Comté.

1731 voit l’apparition de l’enseignement supérieur à Neuchâtel (création de chaires de philosophie et de mathématique).

5.4. Le Règne de Frédéric II (1740 – 1786)

Ce long règne est marqué par le passage de deux Gouverneurs remarquables, le comte Georges Keith, Maréchal héréditaire d’Ecosse (1686 – 1778) et le Lieutenant- Général Louis-Théophile de Béville (1734 – 1816), et par l’occurrence de deux affaires retentissantes.

Le Maréchal Georges Keith fut Gouverneur de Neuchâtel de 1754 à 1768. Originaire d’Ecosse où il fit une carrière militaire, il entra ensuite au service de Frédéric II et il fut notamment son ministre en France de 1751 à 1754. Il put obtenir, grâce à des fonds accordés par Frédéric II et à des amitiés personnelles dans ce canton, le renouvellement de la combourgeoisie avec Soleure le 26 Février 1756. Malgré une volonté jamais démentie du Conseil d’Etat depuis 1707 de se rapprocher des Confédérés et un courant d’opinion publique dans la Principauté très favorable à cela, c’est le seul succès tangible obtenu par Neuchâtel en ce sens dans la période qui va de 1707 à la chute de l’ancienne Confédération. L’opposition déterminée de certains cantons catholiques, au nombre desquels il faut inclure l’ancien combourgeois Lucerne ulcéré de la participation de Neuchâtel dans le clan adverse à la seconde guerre de Vilmergen, et la mauvaise volonté du Roi de France et de son ambassadeur ont été une constante durant toute cette période.

27 Louis-Théophile Le Chenevix de Béville (1734 – 1816) appartenait à une famille protestante originaire de Lorraine et établie dans le Brandebourg dès 1681. Il fut nommé Gouverneur de Neuchâtel par Frédéric II en 1779 et il le restera jusqu’à l’abandon de la Principauté par Frédéric-Guillaume III en 1806. Il laissa un bon souvenir de son passage dans cette fonction, mais ses grandes qualités d’homme d’état eurent surtout à s’exprimer dans la très difficile période marquée par la révolution et la chute de Berne et de l’ancienne Confédération.

Les deux affaires retentissantes du règne furent les suivantes:

. L’affaire du Pasteur Ferdinand-Olivier Petitpierre (1722 – 1790): Ce pasteur prêcha à partir de 1755 dans la région des Ponts-de-Martel la doctrine de la «non-éternité des peines» selon laquelle il considérait que la condamnation du pécheur non-repenti ne pouvait être éternelle. Blâmé par la «Vénérable Classe», il se soumet en 1758 et rentre dans le rang. Le considérant effectivement «rangé», on lui confie en 1759 l’importante cure de la Chaux-de-Fonds. Mais il recommence alors à prêcher la doctrine condamnée et ses paroissiens prennent en majorité fait et cause pour lui. La Vénérable Classe le destitue en 1760 et ses paroissiens adressent alors un recours au Conseil d’Etat et au Prince refusant la nomination de son successeur, le pasteur Bréguet. Il s’ensuit alors un incroyable imbroglio politico- religieux dans lequel on voit même deux Conseillers d’Etat être destitués de leur bourgeoisie de Neuchâtel. Le Maréchal Keith parvient finalement à calmer le jeu en 1762; le pasteur Bréguet peut être installé à la Chaux-de-Fonds et Ferdinand-Olivier Petitpierre s’en va poursuivre sa carrière à Londres.

. L’affaire de la ferme des impôts (1766 – 1768): Jusqu’alors les dîmes et cens fonciers dus au Prince sont perçus selon le système de «régie». Un receveur est chargé de percevoir à la fois les dîmes et redevances en nature sur les fruits du sol ainsi que les impôts fonciers payables en espèces. Pour éviter d’avoir à engranger des produits de la terre et du vin, on a établi depuis 1501 une sorte d’équivalence financière des redevances en nature, l’»abris» pour les grains et la «vente» pour le raisin; ces deux taux sont fixés chaque année par le Conseil d’Etat sur la base du coût général des denrées. Le receveur verse à la caisse du Prince le produit total des redevances qu’il a collectée et il en retient 15 %pour son traitement auquel s’ajoute le bénéfice des ventes de grains et vendanges qu’il a pris en dépôt chez lui. Pour le Prince, l’inconvénient de c e système est l’irrégularité des revenus qu’il procure, fonction des cours et aléas saisonniers. Frédéric II envoi en mission à Neuchâtel en 1747 – 1748 un conseiller, Rhode, chargé d’étudier une réorganisation complète des finances de la Principauté. Il préconise de remplacer le système décrit ci-dessus par celui de la «ferme des impôts». Selon ce principe les revenus de ces impôts indirects sont mis aux enchères. L’enchérisseur le mieux disant devient fermier-receveur pour une période déterminée et il doit payer au Prince chaque année le montant de redevances pour lequel il a enchéri, à charge pour lui de récupérer les fonds correspondants (plus le bénéfice qu’il escompte) auprès des redevables. De plus l’abris et la vente sont abolis, et tous les paiements doivent se faire en espèce. Ce système est mis en

28 place effectivement dès 1748. Le gouvernement proteste contre la suppression de l’abris et de la vente et le Prince accepte de proroger la vente, mais non l’abris. Cette décision est fort mal perçue par les bourgeois de Valangin et certaines communautés des Montagnes qui produisent des céréales mais n’ont pas de vignes et ils présentent au Prince des requêtes pour le rétablissement de l’abris en 1752, 1755 et 1756 sans jamais obtenir gain de cause. En Mai 1766, on renouvelle les baux des fermiers et le Prince fixe alors très haut la mise à prix pour les enchères. Personne ne se porte candidat à ces enchères pour aucune des 16 fermes de la Principauté. Frédéric II délègue alors à Neuchâtel deux commissaires royaux chargés de trouver une solution. Les relations de ces deux commissaires avec le Conseil d’Etat s’enveniment rapidement. Trois Conseillers d’Etat sont destitués par le Prince, mais la Ville, emmenée par les Quatre-Ministraux se rebiffe et réclame le rétablissement immédiat de la régie et de l’abris, arguant que leur suppression est contraire aux Articles Généraux (cf. section 5.1). Dans les premiers mois de 1767, le Prince en appelle à l’arbitrage de Berne. Le procureur général Claude Gaudot représente le Prince et la Bourgeoisie de Neuchâtel représente l’ensemble des communautés du pays. Le 23 Janvier 1768, le Grand Conseil de Berne statue en faveur du Prince et enjoint à la Ville de Neuchâtel de se soumettre. L’agitation qui s’ensuit est telle que le Prince demande à Berne d’occuper militairement la Principauté. Berne fixe un ultimatum pour le 24 Avril et mobilise une armée de 9000 hommes sur la frontière orientale de la Principauté. Mais les Bourgeoisies de Neuchâtel et Valangin cèdent quelques jours avant l’échéance de l’ultimatum. Frédéric II nomme alors malheureusement Claude Gaudot lieutenant- gouverneur et celui-ci rentre à Neuchâtel le jour même de l’échéance de l’ultimatum. Cela provoque une émeute et Claude Gaudot est assassiné dans sa maison sans que les autorités de la Ville ne réagissent. Le 21 Mai suivant, 600 hommes en armes provenant de Berne, Soleure et des deux autres anciens combourgeois, Fribourg et Lucerne, occupent Neuchâtel pour y rester jusqu’en Août, mais cela se fait pacifiquement car, entre temps la Bourgeoisie a pris la résolution de se soumettre totalement. Au début de 1768, le général Bernois Robert-Scipion de Lentulus, est nommé Gouverneur en remplacement du Maréchal Keith, trop âgé et usé par ces évènements. Il sera , à son tour, remplacé par le Général de Béville en 1779, comme nous l’avons vu plus haut. Cette affaire montre que le Prince et l’Etat ont maintenant la primauté totale et que la ville de Neuchâtel ne peut plus leur faire contre-poids.

Ce règne a aussi été marqué par un accroissement important de la population, passant de 32.000 à 42.000 habitants environ, alimenté en bonne partie par de l’immigration. Cet accroissement, appelé à se poursuivre, est dû à l’amélioration des conditions sanitaires, de l’agriculture et au décollage de l’industrie («indiennes» sur le littoral du lac et horlogerie dans la seigneurie de Valangin). L’ édition et la vie littéraire et mondaine se développent aussi beaucoup. Neuchâtel devient aussi un lieu de séjour pour de nombreux Suisses et étrangers.

5.5. Le Règne de Frédéric-Guillaume II (1786 – 1797)

Ce règne est évidemment marqué par l’éclatement de la Révolution Française et, du début 1793 à 1795, le Frédéric-Guillaume II se trouve accaparé par sa participation à la guerre contre la France révolutionnaire.

29 Frédéric-Guillaume II ne répète pas à Neuchâtel les erreurs de son oncle et prédécesseur: Il renonce complètement à l’envoi de commissaires Berlinois et il fait confiance au Gouverneur de Béville et au Conseil d’Etat pour résoudre les crises, les exhortant tout de même parfois à s’appuyer sur Berne. Il aide financièrement la Principauté à faire face à quelques calamités (disettes de 1787 et 1795, incendie de la Chaux-de-Fonds en 1794).

Depuis le renouvellement de l’alliance Française en 1777, où Neuchâtel n’est pas mentionnée explicitement, le Conseil d’Etat fait une propagande particulièrement active pour démontrer le caractère Suisse de Neuchâtel et pousser à un rapprochement avec les Confédérés. En 1789 – 1790, il reçoit en cela le renfort d’un ministre du Prince-Abbé de Saint-Gall (et appelé plus tard à être le principal artisan de la création du Canton de Saint-Gall), Karl Müller-Friedberg, qui écrit «La Voix d’un Patriote» (1789) où il incite les Confédérés et alliés, citant explicitement Neuchâtel, à resserrer leurs liens et à se préparer ensemble à affronter les bouleversements de la révolution. Sur demande du Conseil d’Etat de Neuchâtel, il écrit un nouvel ouvrage «De l’Intérêt Politique de la Suisse Relativement à la Principauté de Neuchâtel et Valangin» (1790); Des versions Françaises des deux ouvrages, écrits initialement en Allemand, sont publiées à Neuchâtel.

La situation dans la Principauté reste calme jusqu’en 1792, mais elle s’aggrave cette année là: La chute de Louis XVI et le massacre du régiment des Gardes Suisses le 10 Août 1792 soulèvent une certaine émotion car ce régiment comptait des Neuchâtelois qui sont parmi les victimes, notamment l’enseigne Georges de Montmollin, tué après une résistance héroïque alors qu’il portait l’enseigne du 1er bataillon. A partir de Septembre 1792, une certaine agitation révolutionnaire gagne les Montagnes; elle dure jusqu’en Mars 1793. Le Conseil d’Etat, en correspondance régulière avec le Prince et Berne, suit bien la situation et réagit de façon appropriée. La situation s’aggravant, il se résout à des préparatifs militaires pour combattre cette agitation, mais celle-ci retombe avant que les troupes n’aient l’occasion d’intervenir; 300 familles du Locle et de la Chaux-de-Fonds s’exilent alors dans la région de Besançon.

Sur le plan extérieur, ni la Convention Nationale, ni le Directoire «légal» ne menacent la Principauté ou la Suisse.

6. Les Alliances et les Capitulations

6.1. Relations avec les Confédérés

En 1406, un traité de combourgeoisie est signé avec Berne qui restera l’allié, le protecteur même, de Neuchâtel, jusqu’à la chute de Berne en Mars 1798. Durant le reste du XVème siècle, d’autres traités de combourgeoisie sont signés avec Soleure, Fribourg et Lucerne, mais ils connaîtront une certaine éclipse après 1707 car ces cantons catholiques subissant une forte influence de la France admettent mal l’avènement du Roi de Prusse comme Prince de Neuchâtel.

30 De 1512 à 1529, à la suite de la rupture entre Louis XII et les Confédérés, Neuchâtel est occupée et administrée par les Confédérés.

A partir de 1642, Neuchâtel est formellement considérée comme souveraine par la France et l’est aussi de fait par les puissances Européennes à l’issue du Congrès de Westphalie (1648).

En 1815, Neuchâtel entre dans la Confédération.

6.2. Capitulations avec la France

En 1657, une capitulation est signée avec Louis XIV stipulant que Neuchâtel soit traitée dans ses rapports avec la France sur le même pieds que les Confédérés, que les Neuchâtelois jouissent en France des mêmes privilèges que les Confédérés et que Neuchâtel fournisse deux compagnies au régiment des Gardes Suisses. Cette capitulation n’est jamais dénoncée jusqu’en 1792 et, en conséquence, des Neuchâtelois continuent à servir dans les régiments Suisses en France jusqu’à la chute de la monarchie Française le 10 Août 1792. Mais Louis XIV et, à sa suite, Louis XV et Louis XVI, restent réticents à mentionner explicitement Neuchâtel parmi les pays alliés des Confédérés.

De 1807 à 1814, capitulation pour un bataillon surnommé «les canaris» en raison de son uniforme jaune.

6.3. Capitulations avec d’autres Pays

En 1733 – 1734, capitulation pour 5 régiments Suisses, dont un Neuchâtelois (colonel DuPasquier) avec le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III de Savoie.

En 1748, participation de Neuchâtel à une capitulation engageant aussi la plupart des cantons protestants avec les Provinces Unies pour la constitution d’un régiment de Gardes Suisses. Ce régiment subsiste jusqu’à la chute des Provinces Unies en 1797.

En 1781, capitulation avec la Compagnie des Indes Néerlandaises signée à Paris sous la médiation du Duc de Choiseul (qui s’était chargé de trouver le colonel, Charles-Daniel de Meuron) pour un régiment d’infanterie de marine. L’histoire, étonnante, de ce régiment vaut d’être rapportée ici: Charles-Daniel de Meuron a commencé sa carrière militaire au régiment Hallwyl- Marine en 1738. En 1757-58, il fût engagé dans de nombreux combats contre les Anglais aux Antilles sur mer et sur terre qui lui valurent la croix du Mérite Militaire. A la dissolution du régiment de Hallwyl, il fût versé aux Gardes, puis, en 1768, au régiment d’Erlach comme capitaine. Etienne-François, Duc de Choiseul, principal ministre de Louis XV et Colonel- Général des Suisses et Grisons pendant respectivement 12 et 8 ans fut renvoyé et disgracié en 1770 à l’instigation de Madame du Barry et il s’opposa activement à la politique de son successeur Maupeou. Ce dernier fut renvoyé par Louis XVI qui

31 annula ses réformes et revint à une politique dans la lignée de celle de Choiseul qui rentra en grâce sans toutefois revenir aux premiers rôles. Les Anglais menaçant les Antilles Françaises et Néerlandaises dans le cadre de la Guerre d’Amérique, Choiseul proposa à C-D. de Meuron, dont il jugeait sans doute l’avancement lent en France peu en rapport avec les qualités qu’il lui avait connues autrefois, de fonder un régiment d’infanterie de Marine Néerlandais. Une capitulation à cet effet fut effectivement signée entre Neuchâtel, Meuron et la Compagnie des Indes Néerlandaises à Paris le 28/5/1781. Le régiment fut embarqué sur une escadre Franco-Néerlandaise et finalement dirigé vers le Cap où il parvint en Janvier 1783 après une descente de l’Atlantique très éprouvante. Il gagna ensuite les Indes où il prit part, sous le commandement du Vice- Amiral Pierre-André de Suffren, à la bataille navale de Cuddalore. En 1786, Charles-Daniel de Meuron, promu Major-Général, se retira et passa la suite à son frère Pierre-Frédéric. Un autre officier de ce régiment, Simon de Sandol-Roy, devint aussi général et parvint au commandement en chef des Indes Néerlandaises. Le régiment fut transporté à Ceylan qu’il défendit contre les Britanniques; mais les Néerlandais de Ceylan durent abandonner l’île aux Britanniques en 1795, et le régiment passa alors au service de l’Angleterre par une nouvelle capitulation d’Octobre 1795, ce qui lui permit de survivre à la chute des Provinces-Unies en 1797, contrairement aux autres régiments Suisses capitulés auprès de cet état. Le régiment servit aux Indes jusqu’en 1806, puis essentiellement en Méditerranée jusqu’en 1813. Il s’embarque alors, sous les ordres du Colonel François de Meuron, pour le Canada (où le commandant en chef Anglais était un Genevois, sir Georges Prévost) et il prend part à la guerre contre les USA. Il est finalement licencié et rapatrié en 1816. Ce régiment de Meuron est, à notre connaissance, la seule unité à avoir jamais combattu à la fois au côté des marines Française et Britannique avant le XIXème siècle.

En 1814, capitulation avec la Prusse pour un bataillon de tirailleurs de la garde (commandant: Charles-Gustave de Meuron) jusqu’à la chute de la Principauté en 1848.

7. La Fin de l’Ancienne Confédération - le Poids de la France (1797 – 1806)

En 1797, Frédéric-Guillaume III remplace Frédéric-Guillaume II, décédé, comme Roi de Prusse et Prince de Neuchâtel.

Le 4 Septembre 1797 (18 Fructidor An V), trois des cinq Directeurs Français (Barras, Larevellière-Lépeaux et Reubell) font un coup d’état contre la majorité royaliste fraîchement élue au législatif (Conseil des Cinq-Cents) et contre leurs deux autres collègues (Carnot et Barthélémy). Cet événement laisse le pouvoir à Paris à un triumvirat très hostile aux Confédérés.

Le 17 Octobre 1797, le Général Napoléon Bonaparte négocie avec l’Empereur François II à Campo-Formio en Italie un traité par lequel les deux puissances se

32 partagent les zones d’influence en Italie, l’Empire cède la Belgique à la France, et (par des articles secrets) la laisse libre d’agir en Suisse.

A partir de Décembre 1797, la France lance une série d’opérations militaires contre les Confédérés et leurs alliés. La plus importante a lieu en Mars 1798 pour la conquête de Berne, Fribourg et Soleure, puis de l’ensemble des Confédérés. La Confédération et ses états membres sont jetés à bas et remplacés par une «République Helvétique» unitaire et vassale de la France. Seule Neuchâtel est épargnée par les Français qui souhaitent éviter une guerre avec la Prusse.

A partir de Mars 1798, la Principauté se trouve donc totalement isolée au milieu d’un environnement hostile qui est même parfois le terrain d’opérations de guerre. La situation s’améliore en 1800 à la faveur d’un changement politique dans la République Helvétique. Celle-ci voudrait faire reconnaître sa neutralité par l’Empereur, et elle sollicite à cet effet les bons offices de Neuchâtel et de la Prusse. La paix de Lunéville entre la France et l’Empereur en 1801 reconnaît l’indépendance de la Suisse. A l’été 1801, la guerre civile entre la République Helvétique et les fédéralistes tenant de l’ancienne confédération entre dans une phase active; la République Helvétique perd pieds progressivement partout et elle ne se maintient plus à l’automne 1802 qu’aux environs immédiats de Lausanne. En Février 1803, l’Acte de Médiation de Napoléon Bonaparte, devenu entre temps seul détenteur du pouvoir à Paris comme «Premier Consul», restaure la Confédération et les Cantons; Berne est amputé d’une grande partie de son territoire au profit de deux nouveaux cantons, Vaud et l’Argovie; les Grisons intègrent la Confédération, sérieusement amputés toutefois par la perte de la Valteline, mais le Valais, Mulhouse et l’ancien évêché de Bâle ne sont plus dans l’orbite de la Confédération. L’alliance du 27 Septembre 1803 oblige la Confédération à une alliance étroite avec la France.

La France et la Prusse s’engagent dans une longue négociation pour que la Prusse obtienne officiellement le Hanovre qu’elle occupe déjà contre cession à la France de Clèves et Neuchâtel. Le ministre de Prusse en Suisse, le Neuchâtelois Jean-Pierre de Chambrier d’Oleyres, n’est même pas tenu au courant. Cette négociation aboutit effectivement au traité de Schœnbrunn le 15 Décembre 1805, juste après la victoire éclatante remportée à Austerlitz par Napoléon, devenu l’année précédente Empereur des Français sur les Austro-Russes. En parallèle à cela, le Conseil d’Etat de Neuchâtel se préoccupait du sort de la Principauté. Le Procureur Général de Rougemont avait remis un mémoire au Roi dans lequel il envisageait différentes hypothèses, en favorisant celle d’un rattachement à la Confédération avec un passage à un régime républicain analogue à celui des nouveaux cantons de Vaud et d’Argovie. Mais Neuchâtel fut donc cédée à la France sans même que les corps constitués aient été consultés. Frédéric-Guillaume III justifie cette violation majeure du principe d’inaliénabilité de Neuchâtel en laissant entendre que cette cession négociée était préférable à une conquête par la France qu’il pensait inéluctable et impossible à combattre. La Prusse insiste auprès de la France pour que Neuchâtel conserve du moins ses anciennes institutions, et c’est effectivement ce qui va se passer: Le 30 Mars 1806 Neuchâtel est constituée en principauté dépendant de la France que Napoléon offre au Maréchal Alexandre Berthier, Ministre de la Guerre.

33 8. La Principauté d’Alexandre Berthier (1806 – 1814)

8.1. La Principauté Saisie par la France – Intronisation du Maréchal Berthier

Le 18 Mars 1806, la Principauté est occupée par 5000 hommes de troupe Français commandés par le Général Oudinot. Le 22 Mars a lieu la passation de pouvoir entre le Roi de Prusse, représenté par Jean-Pierre de Chambrier, Seigneur d’Oleyres, envoyé du Roi de Prusse auprès de la Confédération, et la France représentée par le Général Oudinot. Pour faire face à une pénurie de denrées alimentaires, le Général Oudinot fait importer des produits de France. En application de la politique du blocus continental contre l’Angleterre (décret du 21 Novembre 1806), il fait aussi saisir toutes les marchandises Anglaises.La remise de la Principauté au Maréchal Berthier a lieu 7 Octobre 1806.

8.2. La Principauté sous le Maréchal Berthier

Le Maréchal Berthier ne modifie pas les institutions Neuchâteloises et il applique une politique très similaire à celle de ses prédécesseurs. Il nomme un Gouverneur en la personne de François de Lespérut, un homme honnête et compétent.

Le Conseil d’Etat voit ses prérogatives et son influence à l’intérieur du pays augmenter; par contre il n’a plus aucun rôle en matière de politique étrangère: On a rompu avec le Roi de Prusse et il n’y a plus de lien politique avec les Confédérés.

Le réseau routier interne à la Principauté est développé.

Un certain alourdissement des impôts ainsi que le recrutement du bataillon des «canaris» (cf.section 7), qui est presque totalement perdu en Russie en 1812 – 1813, rendent le régime impopulaire.

8.3. Fin du Règne du Maréchal Berthier

Après l’échec de la campagne de Russie, la défaite de Leipzig (Octobre 1813) conduit à la chute inéluctable de l’Empire de Napoléon. Les troupes alliées entrèrent en Suisse dans la nuit du 20 au 21 Décembre. Le 23 Décembre, l’Acte de Médiation était abrogé. Le même jour les Autrichiens occupèrent Neuchâtel; le Gouverneur de Lespérut put leur échapper de justesse. Leur chef, le Général Schleiter, déclara qu’il ignorait le sort futur de Neuchâtel qu’il avait ordre de traiter en pays ami. En conséquence, le Conseil d’Etat continua à gouverner la Principauté. Néanmoins, le général Autrichien exigea une contribution à l’effort de guerre allié qui risquait de conduire le pays à la ruine.

Deux personnalités dominent la politique Neuchâteloise à cette époque:

. Jean-Pierre de Chambrier, toujours ministre du Roi de Prusse en Suisse. Il cherche à ce que Neuchâtel devienne alliée de la Confédération et à obtenir que le Roi de Prusse redevienne Prince de Neuchâtel, ce qui nécessite, en premier lieu, de

34 convaincre Frédéric-Guillaume III lui-même de son intérêt à redevenir Prince de Neuchâtel.

. Le Procureur Général Georges de Rougemont, qui était au Conseil d’Etat la personnalité dominante sous le Maréchal Berthier. Comme Jean-Pierre de Chambrier, il désire ardemment sauvegarder la souveraineté de Neuchâtel. Mais, opposé au retour du Roi de Prusse, il cherche à maintenir le Maréchal Berthier et Lespérut le plus longtemps possible en attendant l’occasion de solliciter l’inclusion dans la Confédération peut-être sous la forme d’une république aristocratique, régime qui a d’autres partisans au Conseil d’Etat et le soutien de Confédérés de poids (tels Hans Reinhard, Bourgmestre de Zürich, Nicolas-Frédéric de Mülinen, Avoyer de Berne, Aloys de Reding à Schwyz)

De leur côté, les Bourgeoisies de Neuchâtel et de Valangin étaient opposées à l’instauration d’une république aristocratique qui risquait de porter atteinte à leurs privilèges. Elles souhaitaient donc le maintien de la Principauté.

Jena-Pierre de Chambrier eut finalement gain de cause. Il obtint en janvier 1814 la protection pour Neuchâtel du Roi de Prusse, qui confirmait aussi l’importance des liens futurs avec les Confédérés, et sa nomination comme Gouverneur provisoire (le premier Gouverneur Neuchâtelois!). Il s’installe à Neuchâtel en fin Janvier 1814.

Les aléas de la campagne de France au début de 1814, où les alliés subirent quelques revers, firent traîner le règlement définitif de la situation de Neuchâtel et laissèrent espérer à Georges de Rougemont et François de Lespérut, revenu en Suisse, le maintien du Maréchal Berthier. Bien que Napoléon fût vaincu définitivement et abdiquât le 6 Avril, le maréchal Berthier, rallié à Louis XVIII et fort du soutien de ce dernier, maintenait ses prétentions sur Neuchâtel.

9. La Restauration du Roi de Prusse et l’Inclusion dans la Confédération (1814 – 1815)

Au début de 1814, la situation en Suisse était confuse. Les Suisses étaient divisés entre partisans de la nouvelle Confédération, issue de l’Acte de Médiation, à 19 cantons et partisans de l’ancienne Confédération (Berne, Lucerne, Fribourg, Soleure, …). Berne était favorable à l’inclusion de Neuchâtel dans la Confédération, mais Lucerne y était opposé, mettant plutôt en avant la restauration des anciens liens de combourgeoisie. Les petits cantons étaient aussi opposés à l’inclusion de Neuchâtel. L’Autriche était plutôt favorable aux tenants de l’ancienne Confédération, et la Russie, dont le Tsar Alexandre subissait l’influence de Frédéric-César de la Harpe et du Général Jomini, tenait fermement à la nouvelle Confédération. La Prusse était décidée à ne pas se mêler de près à ces tractations.

Karl Müller-Friedberg, le principal fondateur du canton de Saint-Gall, fidèle à ses écrits et à ses contacts Neuchâtelois de 1789 – 1790 (cf. section 5.5), assure en fin Janvier Jean-Pierre de Chambrier de son soutien pour le rattachement de Neuchâtel à la Suisse. En retour, il espérait bien sûr s’assurer les bonnes grâces de Frédéric-

35 Guillaume III pour la reconnaissance du Canton de Saint-Gall, dont la survie était menacée par les revendications de restauration de l’Abbé Pancrace Vorster, ancien Prince-Abbé de Saint-Gall.

En Avril 1814 Frédéric-Guillaume III est décidé à ne plus lâcher Neuchâtel lorsqu’il réalise que les autres souverains Européens souhaitent qu’il lâche prise (l’Autriche est en faveur d’une république aristocratique, Louis XVIII soutient le Maréchal Berthier, Alexandre 1er de Russie soutient complètement le Canton de Vaud dont les dirigeants se sont toujours montrés hostiles à Neuchâtel en raison de son lien fort et ancien avec Berne).

Le 3 Juin 1814, Alexandre Berthier abdique contre une importante compensation financière du Roi de Prusse.

Le 18 Juin 1814, le Roi fait une déclaration ayant valeur de charte constitutionnelle préparée par le Conseil d’Etat après négociation avec la Diète et précisantla structure monarchique du pays, entièrement détaché de la Prusse et habilité à faire partie de la Confédération, les compétences du gouverneur et des magistrats, les garanties religieuses (droits de la classe des pasteurs, mais aussi reconnaissance de l’exercice du culte catholique), les garanties de libertés individuelles. Une nouvelle institution est créée: les «Audiences Générales». Cette assemblée, qui n’a que son nom en commun avec l’ancien tribunal des «Audiences Générales» (cf. section 3.7), composée pour moitié de notables et pour moitié de membres choisis par les communes, doit donner son avis au Conseil d’Etat sur les points à l’ordre du jour de la Diète Fédérale susceptibles d’entraîner des dépenses; le Conseil d’Etat est alors tenu de prendre en compte cet avis dans les instructions qu’il donne à ses députés à la Diète. Il est tenu aussi d’informer les «Audiences Générales» de tous les objets traités aux Diètes susceptibles d’intéresser l’ état de Neuchâtel.

Les 12-14 Juillet, Frédéric-Guillaume III visite Neuchâtel (il est le premier Prince à s’y rendre depuis Marie de Nemours) après que des prestations de serment aient été organisées les 2-5 Juillet.

L’admission de Neuchâtel (et aussi de Genève et du Valais) comme membres de la Confédération fut très laborieuse: Le 18 Juillet, la Diète se partagea en deux partis égaux et opposés sur le projet de constitution fédérale. Les alliés intervinrent et menacèrent la Diète de prendre eux-mêmes des décisions impératives au Congrès de Vienne si la Diète ne se mettait pas d’accord sur la constitution fédérale et l’inclusion des trois nouveaux cantons. Finalement, le nouveau pacte fédéral fût approuvé le 9 Septembre 1814 et l’admission du Valais de Neuchâtel et de Genève le 12 Septembre, mais avec une opposition minoritaire importante de plusieurs cantons sur les deux points.

Le Procureur Général de Rougemont a aussi poussé le Conseil d’Etat à demander des accroissements territoriaux: . Vers la Franche-Comté: Frontière naturelle du Doubs, . Partie Sud de l’ancien Evêché de Bâle: Erguel et la Neuveville, . Ancien baillage commun Bernois-Fribourgeois de Grandson.

36 Le premier cas ci-dessus était soutenu par le quartier-maître général de l’armée fédérale pour des raisons stratégiques, mais évidemment combattu par la France. Le deuxième cas était soutenu par une partie de la population concernée, mais combattu par Berne qui cherchait à se faire attribuer l’ensemble de l’ancien Evêché de Bâle. Le troisième cas n’ était fondé que sur la médiocre adhésion de la population concernée au canton de Vaud à qui l’Acte de Médiation l’avait attribuée et il était combattu par le Tsar pour les raisons vues plus haut. Le Roi de Prusse a approuvé ces demandes sans les soutenir vigoureusement. Le Premier Traité de Paris en 1814 n’a fait à Neuchâtel qu’une légère concession sur le premier cas ci-dessus en accordant le territoire du Cerneux-Péquignot (dont l’incorporation à Neuchâtel ne sera vraiment effective qu’en 1819) et, en 1815, le Congrès de Vienne a fait une petite concession quand au second cas ci-dessus en accordant à Neuchâtel la pleine juridiction sur un petit territoire à l’Est de Lignières alors qu’elle était partagée sous l’ancien régime avec l’Evêque de Bâle.

Le 19 Mai 1815, la Diète confirmait à l’unanimité l’admission définitive dans la Confédération des trois nouveaux cantons, Valais, Neuchâtel et Genève dans cet ordre. Neuchâtel adhéra officiellement au Pacte Fédéral, que signèrent Georges de Rougemont, Frédéric-Auguste de Montmollin et Louis de Pourtalès au nom du Conseil d’Etat, le 7 Août 1815 sous l’appellation «Principauté et Canton de Neuchâtel».

10. La Dernière Période de la Principauté Prussienne (1815 – 1848)

10.1. La Période de la Restauration (1815 – 1830)

Le Conseil d’Etat domine incontestablement la scène politique Neuchâteloise durant cette période. Le Gouverneur, Jean-Pierre de Chambrier jusqu’à son décès en 1823 puis le général Prussien Frédéric-Guillaume de Zastrow qui décède à son tour en 1829, est fort âgé et ne joue qu’un rôle assez effacé (au contraire de tous ceux qui se sont succédés précédemment depuis la nomination en 1754 du Maréchal Keith).

Le Roi, surtout par l’intermédiaire du Chancelier Prince de Hardenberg, suit de près les affaires de la Principauté, notamment en matière de justice pénale où tous les jugements importants doivent être soumis à la révision royale. Le Roi pousse à ce que soit réformé le droit civil et pénal, extrêmement archaïque. Le cabinet Prussien a également le souci de se voir verser régulièrement l’excédent annuel des comptes de la Principauté, ce qui limite drastiquement les possibilités d’investissements publics.

Le Pacte Fédéral de 1815 prévoit les principales dispositions suivantes :. La Diète Fédérale comporte 22 députés (une seule voix par canton). Elle a la compétence exclusive en matière de guerre et paix, d’alliances, de traités. Les cantons peuvent conclure des capitulations militaires et des traités en matière économique ou de police.. La direction des affaires fédérales est confiée à un canton directeur (rôle exercé tour à tour pour 2 ans par Zurich, Berne, Lucerne). Le canton directeur dispose d’une chancellerie instituée par la Diète et dirigée par un Chancelier et un Secrétaire d’Etat.

37 Quelques progrès furent réalisés durant cette période concernant les liens fédéraux: . 1816 : Création d’une Caisse de Guerre Fédérale. . 1817-1820 : La Diète adopte une organisation militaire fédérale nouvelle : une autorité militaire de surveillance est mise en place et elle procède à des inspections fédérales dans les cantons à partir de 1818. Neuchâtel fournit un contingent de 1000 hommes aux troupes fédérales. Une première école militaire fédérale est créée dans la région de Thoune en 1819. . 1818-1820 : Les cantons modifient leurs lois et ordonnances militaires en s’inspirant des prescriptions fédérales.

Dans les domaines civils, les cantons prirent l’initiative de passer entre eux des concordats concernant les postes, les mouvements d’habitants d’un canton à un autre, la fixation des « heimatloses » (vagabonds, apatrides), la monnaie. Neuchâtel participe à l’essentiel de ces concordats.

Aux Diètes Fédérales, Neuchâtel se range résolument dans le camp des cantons- villes qui ont gardé leur régime aristocratique (Berne, Fribourg, Lucerne, Soleure, Zürich, Bâle, Schaffhouse). Les petits cantons à Landsgemeinde, très catholiques, sont peu favorables à Neuchâtel, et les nouveaux états à régime «radical» (Argovie, Thurgovie, Tessin, Vaud) ne le sont pas plus (sauf Saint-Gall où la personnalité dominante de Karl Müller-Friedberg assure un appui réciproque à Neuchâtel depuis 1789, comme nous l’avons vu).

10.2. La Fin de l’Ancien Régime (1830 – 1848)

10.2.1.La Situation en 1830

Dans les cantons-villes, un fossé important se creusait entre les gouvernements, qui étaient revenus depuis1815 à une forme très proche de l’ancien régime, et une partie de l’opinion publique dans laquelle les idées libérales avaient beaucoup progressé depuis 1815 avec le concours de fêtes publiques, de certains journaux et de sociétés comme la Société Helvètique (fondée en 1761, elle s’attacha, sous l’ancien régime à promouvoir la liberté religieuse, le resserrement du lien fédéral, les vertus civiques,...Depuis 1819, après quelques années de sommeil, elle devint plus politique en prônant la constitution de la Suisse en état fédératif et son assise se fit beaucoup plus populaire) et la Société de Zofingue (société d’étudiants des cantons protestants fondée en 1819 cherchant à promouvoir le patriotisme Suisse, et voulant une Suisse fière vis-à-vis de l’étranger et unie à l’intérieur de ses frontières).

Les esprits étaient ainsi préparés à des réformes politiques qui n’attendaient plus qu’une impulsion pour déclencher un mouvement propre à les réaliser.Cette impulsion vint de Paris avec la révolution de Juillet 1830 qui chassa le Roi Charles X, dont le gouvernement avec le Prince Jules de Polignac adoptait une forme trop autoritaire et anti-parlementaire, pour le remplacer par Louis-Philippe d’Orléans, plus libéral et acquis à l’idée d’un régime vraiment parlementaire.

38 Quoique les «Trois Glorieuses» de 1830 avaient, pour la Suisse, de fâcheux points communs avec la journée du 10 Août 1792 par les grosses pertes (300 hommes) que les insurgés infligèrent au 1er régiment (Salis-Zizers) des Gardes Suisses et par le licenciement des 6 régiments capitulés en France qui s’ensuivit, elle y fût accueillie avec enthousiasme. Les notions de souveraineté du peuple et d’égalité des droits devinrent un signe de ralliement pour constituer des rassemblements destinés à forcer les gouvernements cantonaux à amender leur constitution sur la base de ces notions.

10.2.2. Troubles dans les Cantons, Assemblées Populaires, RévisionsConstitutionnelles

Berne, alors canton directeur, invita en Septembre 1830 les gouvernements cantonaux à sévir contre les abus croissants de la presse, mais cela ne fit que jeter de l’huile sur le feu. Dans la période Octobre-Décembre 1830, on vit des assemblées populaires se constituer dans les cantons de Thurgovie, Zurich, Argovie, Soleure, Lucerne, Fribourg, Saint-Gall, Vaud, Schwyz, Bâle, généralement en-dehors de la capitale, pour exiger une refonte de la constitution conforme aux idées nouvelles. Les autorités cantonales se sentirent débordées par ces mouvements et elles laissèrent élire des assemblées constituantes.

En Janvier 1831, ce mouvement s’étendit à Schaffhouse et à Berne.

A Bâle et à Schwyz, la gouvernement refusa les modifications constitutionnelles exigées par la campagne. Il en résulta, pour ces deux cantons, une séparation entre la ville et la campagne. Le canton de Schwyz refit son unité en 1833, mais la partition entre Bâle-Ville et Bâle-Campagne fût définitive.

Le mouvement réformiste échoua en Valais, à Glaris, à Appenzell.

Genève, les Grisons, Uri, Unterwald et Zoug ne bougèrent pas.

A Neuchâtel, le mouvement ne prit pas la même ampleur que dans les cantons-villes car la presse d’opinion n’existait pas en raison du contrôle très strict exercé par le Conseil d’Etat en cette matière. Néanmoins, des troubles éclatèrent, surtout dans les fiefs de Gorgier et de Vaumarcus, ainsi que dans le Val-de-Ruz. Ne disposant que d’une force publique très faible, le Conseil d’Etat dut reculer et y permettre le rachat des droits féodaux. Il dut aussi tolérer l’apparition d’une presse d’opinion qui se traduisit par la sortie, le 15 Janvier 1831, de la «Revue Neuchâteloise».

Les Bourgeoisies réclament une meilleure représentation au sein du législatif. Le Roi dépêche un commissaire royal, le Général de Pfuel, pour faire une enquête qui conclut à l’urgence d’une réforme fondamentale. Le 22 Juin 1831, une ordonnance royale décrète la suppression des Audiences Générales, qui étaient trop peu représentatives et dont le rôle était trop limité, et la création d’un «Corps Législatif», élu par un système censitaire, aux compétences beaucoup plus larges.

39 Cette réforme est trop limitée aux yeux d’une partie de l’opposition libérale et l’agitation reprend sur le littoral et dans le Val-de-Travers. Profitant des fêtes du 12 Septembre, anniversaire de l’entrée dans la Confédération, Alphonse Bourquin lance une expédition armée à partir du littoral et investit par surprise le Château de Neuchâtel le matin du 13 Septembre 1831 sans que la moindre résistance ne soit opposée. Les jours qui suivent voient l’anarchie régner et la guerre civile menacer: Alors que les républicains d’A. Bourquin, barricadés dans le château, tergiversent et ne parviennent pas à composer un gouvernement insurrectionnel, le Conseil d’Etat, qui a pu garder sa liberté, siège en ville et multiplie les appels à l’aide. Un camp armé est organisé à Valangin par les royalistes. La médiation Suisse est invoquée et deux commissaires fédéraux, Jacques-Ulrich Sprecher de Bernegg (Grisons) et Jean- Antoine Tillier (Berne), arrivent à Neuchâtel pour parlementer avec les deux camps en présence. Ils sont suivis le 24 Septembre par un contingent militaire fédéral qui investit la Principauté sous les ordres du Colonel Forrer. Une convention est signée le 27 Septembre, stipulant le retrait des insurgés républicains du Château, le désarmement des deux camps et une amnistie générale. La crise est alors désamorcée.

A la suite de la révolution Bernoise, une nouvelle constitution de type parlementaire fut élaborée. Le 21 Octobre 1831 les Conseillers de Berne, qui gouvernaient depuis 1294 (si l’on fait exception de l’éclipse de l’état de Berne durant la période 1798- 1802), se retirèrent après avoir fait la veille leurs adieux solennels au pays. La Principauté de Neuchâtel perdit ce jour-là son plus fidèle et ancien soutien, ce qui était d’autant plus préoccupant que les autres anciens combourgeois de Neuchâtel (Soleure, Fribourg et Lucerne) avaient subi la même évolution.

En fin Octobre 1831, le Général de Pfuel revient à Neuchâtel pour procéder à une énergique reprise en mains de la Principauté facilitée par une concession constitutionnelle importante qui satisfait les revendications des libéraux: Le Corps Législatif voit ses compétences étendues au vote du budget annuel de la Principauté et à la désignation des deux députés à la Diète Fédérale.

En Décembre 1831, une nouvelle tentative de soulèvement armé d’Alphonse Bourquin à partir du Val-de-Travers est facilement dispersée. La Chaux-de-Fonds, à priori suspecte, est occupée à titre préventif. La répression s’abat, les arrestations se multiplient et l’agitation est matée.

Lors de ces troubles, le Conseil d’Etat a révélé son impuissance à les contenir. Il a bénéficié du soutien des bourgeoisies qui ont organisé le camp de Valangin, mais cela a conduit le pays au bord de la guerre civile. Le général de Pfuel décide donc de dissoudre le Conseil d’Etat qui est complètement réorganisé: le nombre des conseillers est réduit de 21 à 8; ils forment maintenant un gouvernement plus efficace, mais plus dépendant du souverain.

40 10.2.3. La Période 1832 - 1848

En février 1832, le Général de Pfuel est nommé Gouverneur (il n’y avait plus de Gouverneur depuis le décès du Général de Zastrow en 1829).

Les conséquences de ces évènements de 1831 sont importantes:

. Neuchâtel est maintenant dotée d’un gouvernement plus efficace, mais plus soumis au Prince, et d’un Corps Législatif où une opposition légale peut s’exprimer. . Le pays est maintenant coupé en deux camps irrémédiablement hostiles: Les partisans de l’ancien régime et les républicains. . Le Prince a négligé les promesses faites sous les auspices des Confédérés dans la Convention du 27 Septembre 1831 en procédant par la suite à une répression sévère. Cela déplait d’autant plus dans la Confédération que Neuchâtel y a perdu tous ses soutiens traditionnels avec la chute des gouvernements patriciens des cantons-villes.

L’industrie se développe, et cela attire beaucoup d’étrangers: Ils représentent plus de 28 % des 68200 habitants en 1846. Ces étrangers, qui ne disposent d’aucun droit civique, constituent des éléments remuants, surtout dans les deux villes plus industrielles du Locle et de la Chaux-de-Fonds.

Il y a aussi une évolution positive durant cette période: . Le nouveau Conseil d’Etat se révèle plus efficace et l’administration est progressivement modernisée; . Des efforts importants sont réalisés dans le domaine de l’instruction publique: Création d’écoles communales, du gymnase de Neuchâtel en 1835, et de l’Académie en 1838.

A la Diète de 1832, les députés des 7 cantons : Zurich, Berne, Lucerne, Soleure, Argovie, Thurgovie, Saint-Gall conclurent le « Concordat des Sept » pour garantir l’existence de leurs nouvelles constitutions.

A Neuchâtel le Conseil d’Etat, les Quatre-Bourgeoisies et le Corps Législatif en arrivent à manifester une volonté de sécession formulée ainsi dans une adresse au Roi par le Corps Législatif: «Nous souhaitons sortir d’une alliance que nous regardons aujourd’hui comme funeste à notre tranquillité intérieure et pouvant tôt ou tard ramener chez nous les affreux évènements de la révolution».

En Novembre 1832, les cantons de Bâle-Ville, Schwyz-Ancien, Uri, Unterwald et Neuchâtel conclurent une alliance particulière, la « Ligue de Sarnen » refusant toute relation avec Bâle-Campagne. Ils tinrent une Diète séparée à Schwyz en Mars 1833 en opposition avec la Diète Fédérale qui se tenait à Zurich cette année là. Cette opposition eut pour effet de regrouper autour du Concordat des Sept tous les partisans d’une révision de la constitution fédérale, dont la Diète de Zürich élabora un projet. Ce projet fut adopté par 11,5 cantons et rejeté par Lucerne ; il se solda donc par un échec.

41 En 1833, la Diète put résoudre, comme médiateur, le conflit interne à Schwyz qui se réunifia. Le 12 Août 1833, la Diète décida la dissolution de la Ligue de Sarnen, et les députés des cantons qui la composaient rallièrent la Diète à Zurich.

Les progrès des radicaux qui s’emparent du pouvoir dans certains cantons importants, comme Berne en 1839, et qui sont de fervents partisans de la révision de la constitution fédérale à laquelle Neuchâtel demeure fermement opposée, détériore encore la position de Neuchâtel dans la Confédération.

Frédéric-Guillaume IV, qui a succédé à Frédéric-Guillaume III décédé en 1840, visite le pays en 1842. Il est fêté par les monarchistes, mais boudé par les républicains qui s’organisent depuis la Suisse voisine.

En 1847, Neuchâtel refuse de participer à la mobilisation fédérale contre la «Sonderbund», ce qui achève de discréditer Neuchâtel à la Diète qui est amenée à lui infliger une amende de 300.000 francs pour non-respect du Pacte Fédéral.

11. La Révolution Républicaine (1848 – 1852)

Comme Neuchâtel, la France, l’Autriche et la Prusse étaient réticentes à la perspective d’une révision du Pacte Fédéral faisant de la Confédération un véritable état et ils présentèrent à la Diète le 18 Janvier 1848 une note faisant état de ces réticences à laquelle la Diète protesta vivement.

Mais dès le 22 Février, la révolution éclatait à Paris, balayant la monarchie d’Orléans et instaurant la république. Ce mouvement révolutionnaire devait s’étendre rapidement à Vienne, Berlin, Budapest, Prague et en Italie.

Le 29 Février les républicains prennent le contrôle du Locle, de la Chaux-de-Fonds et du Val-de-Travers. Le mouvement paraît irrésistible et le Conseil d’Etat, devant la tiédeur affichée par le Conseil de Ville de Neuchâtel qu’il a voulu consulter, renonce à la résistance armée. Le 1er Mars 1948, la descente sur le Château de Neuchâtel des milices républicaines dirigées par Fritz Courvoisier et épaulées par le corps-franc Bernois d’Ami Girard ne sera qu’une promenade militaire.

A la suite de son président, Frédéric-Alexandre de Chambrier, le Conseil d’Etat choisit une résistance purement politique: . Il réclame au Directoire Fédéral, en tant que dépositaires du pouvoir du Roi de Prusse, Prince de Neuchâtel et en application du Pacte, l’envoi à Neuchâtel de commissaires fédéraux pour faire respecter l’autorité du gouvernement et de demander aux Cantons voisins de prendre des mesures immédiates pour empêcher le départ de chez eux de corps-francs venant renforcer les insurgés Neuchâtelois. . Les fonctionnaires refuseront à sa suite de reconnaître le nouveau régime républicain et les royalistes s’abstiendront lors de l’élection à l’Assemblée Constituante les 17 et 25 Mars 1848. Ils ne seront donc pas présents dans les nouveaux organes du pouvoir.

42 Les Commissaires Fédéraux Schneider et Migy arrivent à Neuchâtel le 2 Mars non comme arbitres, mais pour reconnaître la jeune République de Neuchâtel au nom de la nouvelle Confédération en train de prendre forme.

18 jours après Neuchâtel, Berlin est touchée à son tour par le mouvement révolutionnaire. Cela incite Frédéric-Guillaume IV à autoriser ses sujets, le 5 Avril 1848, «à ne prendre conseil que de la position et du bonheur du pays sans se laisser arrêter par les liens qui les attachaient à lui». Pour autant, il ne renonce pas à Neuchâtel, comme nous le verrons à la section suivante.

La révolution Neuchâteloise laisse trois grands vaincus: . Les anciennes autorités et les familles patriciennes où elles se recrutaient. Elles perdent le contrôle du pouvoir et la plupart de ces familles ne se mêleront plus que de très loin à la vie politique du nouveau régime. . La Vénérable Classe des Pasteurs qui perd son indépendance et voit son pouvoir sur la société diminuer fortement en vertu de la loi ecclésiastique de 1848. . Les bourgeoisies qui perdent le pouvoir sur les communes. La révolution municipale commence le 24 Mars 1848 quand le gouvernement provisoire suspend le Conseil de Ville et le collège des Quatre-Ministraux de Neuchâtel. Une longue lutte s’engage dès lors entre les autorités cantonales et les communes où le pouvoir n’appartient qu’aux ressortissants quel que soit le lieu de leur domicile. Cet affrontement ne trouvera son terme qu’en 1888. Plusieurs communes sont occupées et mises sous tutelle. L’affrontement décisif se déroule le 6 Juillet 1852 à Boudevilliers quand plusieurs milliers de républicains se massent sur un pré en face de l’endroit où se tient l’assemblée régulière de la Bourgeoisie de Valangin. De petites escarmouches éclatent et cela incite le Grand Conseil, nouveau corps législatif de la république, à voter la suppression de la Bourgeoisie de Valangin le 30 Juillet 1852 et à adopter le lendemain une loi sur la haute trahison.

12. La République de Neuchâtel (1848 à Nos Jours)

12.1. Les Institutions

12.1.1. La «République et Canton de Neuchâtel»

Un gouvernement provisoire se constitue dans les premiers jours de Mars 1848; il est composé de 10 membres représentant les diverses parties du canton et sa personnalité dominante est Alexis-Marie Piaget (1802 – 1870), imprimeur, puis avocat et, depuis 1846 député de Travers dans l’opposition au Corps Législatif.

Une Assemblée Constituante est élue. Elle se réunit le 5 Avril et promulgue rapidement une constitution qui est adoptée par le peuple Neuchâtelois le 30 Avril 1848.

Cette «Constitution de la République et Canton de Neuchâtel» prévoit la séparation des trois pouvoirs: . Pouvoir législatif: Grand Conseil composés de députés élus directement par le peuple,

43 . Pouvoir Exécutif: Conseil d’Etat composé de 7 membres nommés par le Grand Conseil, . Pouvoir Judiciaire: Justice de paix, tribunaux de première instance, cour d’appel. L’organisation n’en sera complétée que progressivement. Le pays est divisé en 6 districts administratifs et judiciaires qui remplacent les anciennes «châtellenies» et «mairies». Les cultes sont placés, sur le plan temporel, sous la suprématie du gouvernement. Les biens et revenus de l’Eglise sont réunis au domaine de l’Etat qui salarie les ministres du culte.

Une nouvelle constitution est élaborée en 1858. Les principales modifications par rapport à la constitution de 1848 sont les suivantes: . Le Grand Conseil est composé de 1 député pour 1000 habitants (1 pour 500 auparavant), . Il est prévu de soumettre à la ratification du peuple: - Tout engagement financier supérieur à 500.000 francs, - Tout changement aux bases fondamentales de l’organisation ecclésiastique. . La constitution peut être révisée à l’initiative du Grand Conseil ou de 3000 électeurs. Cette constitution est toujours en vigueur, mais elle a subi, au cours des ans, les modifications suivantes: . 1873: Les Suisses domiciliés dans le canton obtiennent le droit de vote au bout de trois mois (au lieu de 2 ans auparavant), . 1879: Le droit de référendum est accordé au peuple: Les lois et décrets de portée générale non-urgents sont soumis au peuple si la demande en est faite par 3000 électeurs, . 1882: Initiative populaire: 3000 électeurs peuvent proposer au Grand Conseil l’adoption, l’élaboration, la modification, l’abrogation d’une loi ou d’un décret, . 1882: Le nombre de Conseillers d’Etat est réduit à 5, . 1903: Le Grand Conseil comporte 1 député pour 1200 habitants, . 1906: Les Conseillers d’Etat sont élus par le peuple tous les 3 ans en même temps que les députés au Grand Conseil, . 1906: On sépare le cas d’une révision totale de la constitution (à l’initiative du Grand Conseil ou de 5000 électeurs) du cas d’une révision partielle qui peut être proposée par 3000 électeurs seulement. Toute révision doit réunir la majorité absolue des électeurs ayant valablement pris part au vote pour être acceptée.

Un code civil est développé dans les années 1853 – 1855.

L’évolution du droit pénal, de la procédure et des peines est une affaire de longue haleine à Neuchâtel: . La «Caroline» de Charles Quint, datant de 1530 – 1532, complétée par un coutumier, était encore en vigueur au XIXème siècle. . Le Conseil d’Etat et le Corps Législatif de la Principauté avaient entrepris l’élaboration d’un code pénal moderne dont le projet n’a pu aboutir avant la révolution de 1848.

44 . Un nouveau code pénal sera promulgué en 1855. Ce code, essentiellement répressif, est, à son tour, remplacé en 1891 par un nouveau code dont l’objectif est de protéger la société des délinquants, et les délinquants de la récidive.

12.1.2. La Constitution Fédérale de 1848

La Commission chargée de la révision du pacte fédéral avait été instituée le 11 Août 1847 par la Diète réunie à Berne. Mais elle ne produisit réellement son travail qu’après la fin de la guerre du Sonderbund du 17 Février au 8 Avril 1848. Après une période de votations et de discussions, la Diète déclara le 12 Septembre 1848 l’entrée en vigueur de cette nouvelle constitution fédérale.

Cette constitution organisait déjà les autorités fédérales (Assemblée Fédérale avec ses deux chambres : le Conseil des Etats et le Conseil National, Conseil Fédéral,Tribunal Fédéral) comme elles le sont encore aujourd’hui. Toutefois le Tribunal Fédéral n’était pas composé de membres permanents et, en dehors des élections, le peuple n’intervenait directement que dans les votations concernant une révision constitutionnelle et il ne pouvait prendre d’initiative qu’en cette matière.

Notons aussi que c’est cette constitution qui interdit les capitulations militaires avec les puissances étrangères (interdiction évoquée aussi dans la constitution Neuchâteloise de 1848).

12.2. Les Principaux Faits Historiques

1852: Le 6 Juillet, affrontement de Boudevilliers entre un groupe de républicains et la Bourgeoisie de Valangin (cf. section 11).

1856 – 1857: Coup de force royaliste: Le 3 Septembre 1856, le Colonel Charles- Frédéric de Pourtalès appelle les royalistes aux armes et il occupe Le Locle, tandis qu’un détachement cpmmandé par le Lieutenant-Colonel Henri-Frédéric de Meuron s’empare du Château de Neuchâtel et fait prisonnier le Conseil d’Etat. Puisque les soulèvements de 1848 avaient échoués presque partout en Europe, et notamment à Berlin et à Paris (où il avait abouti finalement à l’instauration du Second Empire avec Napoléon III en 1852) et que la République de Neuchâtel n’avait pas été reconnue en dehors de la Suisse, les insurgés avaient l’espoir d’être soutenus par les puissances Européennes. Ils disposaient de certains soutiens à Berlin, mais il semble que Frédéric-Guillaume IV n’ait pas donné son aval à leur équipée. Les républicains organisent la résistance et ils font appel au Conseil Fédéral qui délègue aussitôt deux de ses membres comme commissaires à Neuchâtel avec mission de rétablir les autorités de la république et d’empêcher un affrontement entre les partis en présence. Les commissaires fédéraux ne parviennent pas à empêcher un bref affrontement qui tourne rapidement à la déroute des royalistes faits prisonniers. Un juge fédéral, Charles Duplan-Veillon, arrive à Neuchâtel le 5 Septembre pour instruire le procès des insurgés. Frédéric Guillaume IV, appuyé par Napoléon III, exige la libération des insurgés. Il s’ensuit quatre mois de négociations internationales qui n’aboutissent à aucun résultat. En conséquence, le 16 Décembre 1856, Frédéric Guillaume IV rompt les relations diplomatiques avec la Suisse et

45 annonce la mobilisation de son armée. Le Conseil Fédéral mobilise de son côté et confie à nouveau le commandement en chef de l’armée fédérale au Général Dufour. Impressionné, Frédéric Guillaume IV surseoit à sa mobilisation et reprend, avec le concours des puissances Européennes, la voie de la négociation. Un compromis est finalement trouvé par lequel Frédéric Guillaume IV renonce à toute prétention sur Neuchâtel, mais conserve cependant le titre de «Prince de Neuchâtel et Valangin», toujours valablement porté aujourd’hui par le chef de la maison royale de Prusse, et obtient l’arrêt du procès des insurgés qui doivent cependant quitter le territoire Suisse jusqu’au complet règlement de l’affaire. Celui-ci se matérialise par la signature d’un traité à Paris le 26 Mai 1857, ce qui permet aux insurgés, qui s’étaient réfugiés pour la plupart en Franche-Comté, de regagner Neuchâtel.

1853 – 1912: Les rivalités ferroviaires: Au premier rang des infrastructures nécessaires à la modernisation du pays, on trouve le chemin de fer. Deux lignes sont envisagées: la ligne Franco-Suisse, reliant la France par les Verrières et le Val-de- Travers à Neuchâtel, et la ligne du «Jura industriel» conduisant du Locle à la Chaux-de-Fonds, puis à Neuchâtel. Chacune de ces deux lignes, qui peuvent difficilement être financées toute deux simultanément, a ses partisans qui s’affrontent durement au sein du Conseil d’Etat. Celui-ci est dissout et renouvelé par le Grand Conseil. Il décide alors de subventionner la ligne du Jura industriel. De son côté, la ligne des Verrières peut démarrer les travaux avec un financement extérieur. Le tronçon Le Locle – La Chaux-de-Fonds est inauguré le 2 Juillet 1857, et la totalité des deux lignes est inaugurée en Juillet 1860. Les deux lignes se débattent dans des difficultés financières entraînant des rachats et l’intervention du Canton pour la ligne du Jura industriel. Finalement, le «Franco-Suisse» est racheté par la Confédération en 1898, et le «Jura Industriel» l’est à son tour en 1912.

Le développement des partis politiques: . Le parti radical regroupe les républicains. Il domine la politique Neuchâteloise de 1848 à 1914. . Le parti conservateur, devenu le parti libéral après 1873, regroupe les anciens royalistes ainsi que des républicains modérés. . Le courant socialiste se développe surtout à partir de 1865; il connaît de nombreux avatars avant d’aboutir à la création d’un parti stable en 1896. . Un parti communiste apparaît après la Première Guerre Mondiale. Il est interdit en 1937, mais il renaît en 1944 sous l’appellation «Parti Ouvrier et Populaire». Après 1914 les socialistes montent en puissance et deviennent capables de disputer le pouvoir aux partis bourgeois (radicaux, libéraux, et quelques autres de moindre importance).

1870 –1871: Guerre Franco-Allemande: Neuchâtel est le seul canton dont la frontière est réellement menacée par cette guerre. En Janvier 1871, le Général Herzog a transféré l’état-major fédéral à Neuchâtel. Dans les premiers jours de Février 1871, l’armée fédérale doit accueillir aux Verrières les 33500 hommes de l’armée Française en déroute du Général Bourbaki dans les conditions d’un hiver très rigoureux. Ces hommes transiteront à travers le Canton pour être internés en Suisse et, pour un millier d’entre eux, à Colombier en pays de Neuchâtel.

46 12.3. L’Evolution de la Population

On peut la résumer de la manière suivante: . 1850: 70.753 habitants, puis continuation d’une croissance régulière jusqu’à: . 1900: 126.279 habitants, puis stagnation et légère baisse jusqu’en 1944. . A partir de 1945, reprise de la croissance jusque vers 1970 (165.000 habitants environ), . Baisse légère de 1970 à 1980 (158.720 habitants), puis légère reprise depuis.

Le nombre d’étrangers, qui s’était relativement affaibli jusqu’à tomber à 6,6 % de la population en 1930, est beaucoup remonté depuis pour atteindre 20,4 % en 1970 et se stabiliser à peu près depuis lors.

13. Références

. (1). Dictionnaire Historique et Biographique de la Suisse (DHBS) publié chez Attinger à Neuchâtel, 1921 – 1934.

. (2). Histoire Illustrée de la Suisse par P. Dürrenmatt, publié chez Payot à Lausanne en 1964.

. (3). Larousse Universel, Dictionnaire Encyclopédique en Deux Tomes, publié chez Larousse à Paris.

. (4). Histoire du Pays de Neuchâtel en Trois Tomes, publié chez Gilles Attinger à Hauterive (NE) en 1993.

. (5). Neuchâtel et la Suisse, publié par le Conseil d’Etat de la République et Canton de Neuchâtel en 1969.

. (6). Neuchâtel, Histoire d’une Cité par Charly Guyot, publié chez Paul Attinger à Neuchâtel en 1946.

. (7). Honneur et fidélité par Paul de Vallière, publié par les Editions d’Art Suisse Ancien à Lausanne, 1940.

. (8). Saint Saphorin et la politique de la Suisse pendant la Guerre de Succession d’Espagne par S. Stelling-Michaud, publié par l’auteur à Villette-les-Cully, 1935.

47 Annexe La Principauté de Neuchâtel à sa plus Grande Extension ( après 1814)

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