Histoire D'un Village Provençal : Seillans. Des Origines À Nos Jours
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Jean SALOMONE HISTOIRE D'UN VILLAGE PROVENÇAL SEILLANS DES ORIGINES A NOS JOURS Collection "Les Régionales " • Volume XJ^JII Editions Serre y v � "-. I 1991 ^ Du même auteur . Seillans 1789-1799 : un village provençal pendant la Révolution française (Editions Serre; Nice) . A la découverte de Seillans : le village (S.I. Seillans) . Cent ans de vie française (Editions Meyerbeer, Nice) . Le Département des Alpes-Maritimes (M.D.I.; St Germain-en-Laye) . Histoire-Géographie des Alpes-Maritimes (S.N.I. Nice) . Géologie des Alpes-Maritimes (O.M.L.S. Nice). La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, au terme des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que les «analyses et courtes citations dans un but d'exemple ou d'illustration", «toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur, ou de ses ayant-droits ou ayant-cause, est illicite" (alinéa 1er de l'article 40). Cette reproduction, par quelque procédé que ce soit, y compris la photocopie ou la vidéographie, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. @ 1991 by Editions Serre. Tous droits réservés pour tous pays. ISBN 2-86410-151-3 ISSN 0248-353X REMERCIEMENTS Nous remercions tout particulièrement : Monsieur René Olivier, Maire de Seillans. Monsieur Aimé Violier, Maire-adjoint chargé des Affaires culturelles. Monsieur Paul Amalberti, Président du Syndicat d'Initiative. Monsieur Pierre Andennah, Secrétaire Général, et tout le personnel administratif de la Mairie de Seillans. Monsieur le Professeur Henri Bresc, de l'Université de Nice. Monsieur Christian Seval, pour ses traductions latines. Mesdames Antonia Christine, Rosemonde Eiclies, Céline Boyer, Paulette Violier - Messieurs Jean Rebuffel, Robert Bellone, Bernard Costamagno pour les photographies mises à notre disposition. PREFACE u'après une carrière bien remplie et achevée à Beau- soleil un instituteur retiré à Seillans consacre sa Q retraite à des recherches historiques sur la cité qui l'a accueilli, constitue un témoignage exemplaire d'intelli- gence et d'amour. L'une et l'autre ont permis à Jean SALOMONE d'entreprendre une œuvre d'historien authen- tique au service d'un pays qu'il aime trop pour accepter que son long passé poursuive aux archives municipales le sommeil de la longue durée. Comment, lorsqu'on est sensible aux charmes présents de Seillans et de sa région, ne pas s'interroger sur les héritages successifs que les siècles ont laissés à leurs habitants, à leur sens de la vie, à leur gravité comme à leur humour, aux aspects particuliers qu'y revêt la sagesse provençale ? M. Jean SALOMONE a déjà consacré un excellent ouvrage à Seillans sous la Révolution, publié en 1989 à l'occasion du Bicentenaire. On y suit, à l'échelle locale, les répercussions d'une série d'événements considérables. La pertinence avec laquelle l'auteur choisit et analyse les documents d'époque, nous restitue non seulement le retentissement dans ce coin de Provence, des bouleversements de la Nation, mais encore les représentations que les habitants s'en faisaient. Ce sont les mêmes qualités qui ont permis à Jean SALOMONE de raconter dans une autre étude l'existence fabuleuse du Marquis Claude-Emmanuel de Pastoret - qui court de la fin de l'Ancien Régime à la Monarchie de Juillet qui nous le montre député du Var, professeur au Collège de France, membre de l'Académie Française et nommé par Charles X tuteur des enfants du Duc de Berry - en la situant dans le contexte historique qui couvrait l'Empire, la Restauration, pour s'achever avec la Monarchie de Juillet. Dans le livre qu'on va lire, il a entrepris de nous guider de l'Antiquité à nos jours à travers l'histoire de Seillans. Il y parvient avec un grand bonheur. On reste frappé par l'ampleur et la minutie de ses recherches comme par sa capacité à reclasser les nombreux événements qu'il relate et à prendre le recul nécessaire pour montrer l'évolution et les transformations d'une communauté périodiquement éprou- vée et capable de relever toujours les défis d'une histoire cruelle. Elle n'a pas ménagé les épreuves. La prière médiévale "de la faim, de la guerre, de la peste, délivre-nous Seigneur" a trouvé à Seillans bien des occasions d'être prononcée. Mais en même temps qu'il relate ces calamités, l'auteur nous montre les transformations du village, la percée des rues, l'édification du château, les transfor- mations de la vie économique et sociale avec une vie rurale se doublant d'activités artisanales, manufacturières et finalement industrielles avec l'installation d'une parfumerie toujours réputée. Nous voyons également les personnalités marquantes s'échelonner, Antoine de Villeneuve au Moyen-Age, le Consul Augier au XVIe siècle, la Comtesse de Savigny, trois noms parmi ceux qui eurent à animer cette longue marche des Seillanais à travers le temps. Toujours fidèle aux exigences de la méthode historique, Jean SALOMONE la replace dans le cadre général de l'histoire nationale. Particulièrement captivante, à cet égard, est l'étude des réactions seillanaises face au coup d'Etat de Louis Napoléon, à l'établissement de la Ille République, et celle de la part prise par la population aux deux guerres du XXe siècle et à la Résistance durant cette dernière. Belle histoire en vérité. Sans doute n'est-elle pas achevée mais on peut s'interroger. Seillans comme bien d'autres cités rurales n'est-elle pas entrée dans une période de transformations fondamentales qui tiennent non à elle mais aux évolutions de la société française ? Malgré l'indus- trialisation entamée au siècle dernier, la France demeurait un pays à forte paysannerie. Celle-ci est aujourd'hui très amoindrie du fait des bouleversements économiques intervenus à l'échelle internationale tout autant qu'à celle de la Nation. Nous sommes entrés dans un temps où l'urbanisation atteint la démesure. Les beaux villages du Sud attirent ceux qui ont vécu dans des terres de brumes et qui, délaissant la froidure originelle, subissent l'attrait de la civilisation solaire. Seillans s'orne de résidences secondaires que des Néerlandais, des Anglais, des Allemands, des Américains y ont acquis ou ont fait cons- truire et, certes, nul ne songerait à regretter la présence de ces Seillanais de désir, venus rejoindre les Seillanais de sang. Nous sommes en présence d'un fait social qui tient non seulement à l'avènement de l'Europe mais aussi à celui d'une classe d'âges à laquelle n'accédaient naguère encore que de rares privilégiés. Mais ces nouveaux venus sont tous conscients d'être à Seillans dans un lieu d'élection, s'initiant à la manière de vivre, aux traditions et aux rites locaux, découvrant insensiblement une culture. Découverte qui sera singulièrement facilitée et enrichie par tous ceux qui liront ce livre. René-Jean DUPUY Professeur au Collège de France ANTIQUITE & MOYEN-AGE 1 - LA FORMATION DU VILLAGE Du Xème au Vllème avant J.C. se déroule ce qu'on a conve- nu d'appeler la "protohistoire". Notre région est alors habi- tée par les Ligures. A l'âge du bronze les hommes, vivant jusqu'alors dispersés, vont se rassembler. Les premières cités apparaissent. Ce sont ces Ligures, établis ici, qui bâtissent les "oppida" dont il reste encore des traces autour de Seillans. C'est ainsi que l'on retrouve deux "oppida" à la Pigne, dominant tout le bassin de Seillans. Un autre "oppidum" se trouvait aux Veynes et un quatrième à Saint- Pierre, tous en liaison optique. L"'oppidum" de Châteauvert se situait non loin de la source du Neisson, et très près de "l'oppidum" de Seillans proprement dit, appelé aussi "oppidum" de Terrassette. Celui du Camp s'élevait au- dessus de la source de Camandre, en liaison avec celui du Castellaras, établi à la limite de Fayence. L'importance des vestiges néolithiques trouvés aux Adrechs, dont de nombreuses haches, le grand nombre d'enceintes de pierres sèches disséminées sur les sommets et sur l'ensemble du territoire seillanais permettent d'affirmer que la population était alors fort nombreuse. C'est aux Ligures, également, que l'on doit attribuer l'existence de "bories" ou cabanes de pierres sèches rencontrées ici et là. Donc, dès le début de son histoire, Seillans est une terre de peuplement en petites agglomérations -sortes de hameaux- liées les unes aux autres et situées surtout en tous les points les plus élevés. C'est ainsi que l'on voit arriver chez nous, au début du IVème siècle, un peuple de terriens : les Celtes. Ceux-ci n'avancent pas vers la côte, occupée dès l'an 600 par un peuple de marins : les Phéniciens. Les Celtes sont très nombreux et ne tardent pas à se mêler aux Ligures pour former une population celto-ligure à laquelle ils donnent des chefs et des cadres. Ainsi les Celtes deviennent les maîtres des "oppida" et même en construisent de nouveaux. Mais ils développent essentiellement l'oppidum de Seillans proprement dit, en avant de la Terrassette, là où se trouvera plus tard, tout naturellement, le Château de la commune. Solidement établis en ce point central ils contrôlent tous les autres points de peuplement. Toute cette zone de population celto-ligure est traversée par une route de commerce, la voie héracléenne, par laquelle se font des échanges avec l'Espagne, Marseille et l'Italie. L'oppidum central de Seillans ne cesse de s'agrandir sous la direction de la principale tribu, celle des Salyens. Peu à peu, et sous leur influence, la vie se trouve modifiée tout alentour.